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L’ambiguïté de la notion de « Nature » est exacerbée sur le causse Méjean par la force des visions qui s’affrontent : simultanément perçue comme ressource (avec l’exploitation quasi-totale des forêts du territoire) tout en étant mythifiée en sanctuaire avec l’élaboration de périmètres de protection nationaux et internationaux, la lecture de l’histoire du causse par son sol révèle le rapport plus ou moins productif de l’homme à son territoire. Si le causse Méjean a quasiment toujours été perçu comme un territoire naturel intouché, on se rend compte que malgré sa géographie inhospitalière et son climat hostile, c’est un territoire qui est soumis à des logiques systémiques d’aménagement qui l’ont rendu largement dépendant à l’extérieur, la fragilisation de son système habité et de ses enchevêtrements avec le monde des vivants en étant les conséquences directes. Aujourd’hui, les habitants du causse Méjean et les autres espèces humaines qui composent le territoire sont dans une situation du vulnérabilité mutuelle, malmené par des phénomènes de rapports de force et de dépendance à des acteurs extérieurs.
Si le causse et les liens qui composent son milieu –l’essence des coexistences de son environnement- sont fragilisés par la dépendance accrue du territoire à l’extérieur, comment imaginer un modèle basé sur une politique des interdépendances entre les vivants du territoire ? Comment utiliser l’état d’abandon de ses terrains comme ressource et l’outil de la négociation afin de remettre en réseau les acteurs du territoire et tendre vers un équilibre entre la présence de chacun ?
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La question de l’environnement tendant à prendre de plus en plus de place dans le débat public, la notion de « Nature » se retrouve largement instrumentalisée. Sa signification moderne et sa connotation dualiste qui a opposé les humains au reste des vivants pose aujourd’hui question, étant en partie responsable de la crise écologique majeure que l’on connait aujourd’hui. En étant le discours dominant, cette perception moderne de la « Nature » a orienté l’économie et les politiques d’aménagement du territoire, basés sur le modèle de la souveraineté humaine sur le reste des vivants.
En révélant l’occultation des formes de vies du territoire par les institutions et acteurs technocratiques qui sont dans une négation des systèmes locaux déjà en place, l’étude spécifique du causse Méjean fait résonner des problématiques globales qui interrogent nos représentations de la « nature ».
Si cette région des grands causses et ses hauts plateaux karstiques entaillés de gorges a toujours animé le mythe du territoire sauvage, ses paysages steppiques masquent en réalité une longue histoire d’aménagement du territoire et d’exploitation de ses sols. Le causse Méjean et ses problématiques contemporaines font émaner la question de la réalité de la wilderness, cette « Nature » intouchée, et de la pertinence de l’utilisation de cette notion sur un territoire français rural qui, contrairement à l’image que l’on pourrait s’en faire, est habité et exploité depuis des siècles.
Ce travail est basé sur la volonté d’offrir un double degré de lecture, où le terrain et l’étude des enjeux du causse Méjean sont une matrice permettant de faire émerger une multitude de représentations collectives, questionnant le rapport de l’homme à son territoire et l’invention de la notion de « Nature ». Si ce processus tend à se libérer de la pensée naturaliste qui a souvent fait abstraction de trop nombreux éléments en cherchant à masquer les interdépendances qui sont pourtant essentielles à la compréhension du causse Méjean, l’expérience et la connaissance du terrain ajoute de l’ambivalence et de l’épaisseur à la description des écologies de ce territoire. En questionnant l’héritage moderne et cette vision dualiste de la « Nature », la réflexion proposée ici s’interroge nécessairement sur les outils de représentation du territoire qui sont la retranscription formelle de cette perception.
Le retour du loup en 2011 sur le causse révèle la diversité et la relativité des perceptions du territoire par les différents acteurs qui y sont confrontés. A la croisée de différentes visions, la recolonisation du causse par ce prédateur, corrélée à différents phénomènes économiques et sociaux, érige le retour du loup en un véritable événement d’écologie politique. Si l’affrontement de ces différentes visions (technocratique, locale, ou encore collective) révèle les rapports de force en cours sur le causse, ce territoire est aujourd’hui sous tension, fragilisé par des phénomènes extérieurs qui malmènent son équilibre. Le loup, la colonisation des forêts sur les terres de pâturage, la pollution des eaux des vallées liées aux exploitations agricoles sont autant d’éléments échappant à la maîtrise du territoire et laissent des traces, les friches et les ruines des terrains abandonnés en étant les chimères.
Si le causse Méjean est -à tort- perçu comme un territoire naturel protégé, on se rend compte que malgré sa géographie inhospitalière ou son climat hostile, c’est un territoire qui est soumis aux logiques systémiques d’aménagement qui l’ont rendu largement dépendant à l’extérieur, la fragilisation de son système habité et de ses enchevêtrements avec le monde des vivants en sont les conséquences directes. Utilisée comme outil visuel potentiellement diplomatique permettant de superposer les points de vue d’un même territoire, la carte et les paramètres qui la composent dévoilent les rapports de force entre la volonté de maîtrise rationnelle du territoire et la déprise des éléments qui lui échappent, insinuant une possible politique territoriale de cohabitation. Si la question de la dépendance est à l’origine de cette précarisation globale, comment permettre un plus grande autonomie au causse vis-à-vis des phénomènes extérieurs qui le malmènent, tout en renforçant les liens au sein même du territoire ? Si les êtres humains et l’ensemble du monde des vivants vivent une expérience de vulnérabilité mutuelle, comment imaginer une politique des interdépendances, qui serait basée sur une négociation du territoire?
En regardant et en localisant les traces de ce qui a fragilisé le causse, on peut s’approprier l’état d’abandon des terrains pour générer de nouvelles formes de cohabitation. Si la déprise de ces zones est due aux rapports de forces qui se sont affrontés sur le territoire, c’est aussi à cause de l’évolution des usages et des caractéristiques foncières des terrains qui les ont délaissé. Après avoir identifié les spécificités du territoire, le plan de négociation permettant de répondre aux enjeux des vivants peut prendre ses racines sur ces deux outils, les usages et la gestion, afin de réparer et reconnecter des éléments et acteurs spécifiques qui ne se rencontrent plus. A la rencontre des problématiques du territoire, chaque échantillon est alors objet de démarches diplomatiques, révélant les différentes visions qui s’y affrontent et, avec précaution, les manières de cohabiter.
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Si le causse est principalement composé de parcelles privées, il existe un certain nombre de biens sectionnaux gérés par les communes qui peinent à les entretenir. Certains de ces biens sectionnaux sont composés de milieux boisés.
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Le territoire du causse Méjean au coeur de différentes opérations de gestion et de protection qui le morcellent.
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