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#Sous la toque derrière le piano
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SOUS LA TOQUE ET DERRIÈRE LE PIANO #124
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Joël RAFFIER / © Artiste-associé photographes
JEAN-LUC ROCHA 
Perfectionniste adorant les défis, il a préservé les deux étoiles à Cordeillan-Bages après le départ de Thierry Marx, en 2010. Exploit rare salué par tous les professionnels. Parti au Saint James Paris, il voulait revenir puisqu’il a gardé sa maison à Pauillac. Désormais chez Monblanc, charcutier depuis 1946 et traiteur depuis 1992, à Saint-Jean-d’Illac et à peu près partout en France. Entretien avec un cuisinier voulant faire passer un palier à une maison qui, avec un tel nom, se doit de garder une certaine hauteur
Votre père était ébéniste dans les Vosges. Est-ce important dans votre vocation ?
Très. Pour moi, c’était l’ébénisterie ou la cuisine. Les deux métiers se ressemblent. D’un côté, on fait un plat avec une carotte, de l’autre un meuble à partir d’un arbre. On part de peu pour arriver à quelque chose d’intéressant sur le plan gustatif ou esthétique.
Vous avez débuté avec un CAP/BEP à l’école hôtelière de Luxeuil-les-Bains [Haute-Saône, NDLR]. Que pensez-vous du fait qu’en CAP, désormais, les cuisiniers ne fréquentent plus la salle et vice-versa ?
C’est malheureux. C’est le même métier pourtant. On travaillait des poissons entiers dans les cuisines. Aujourd’hui, c’est du surgelé à cause des normes. Une mayonnaise est problématique pour un gamin qui sort de l’école. Ils ont vu Hervé This mettre un oeuf pour un litre d’huile et c’est parti, sans vinaigre, sans citron ni moutarde ! Les normes d’hygiène sont aussi un frein, c’est malheureux.
Vous parlez de Gilles Blandin, un chef champenois, comme d’un père spirituel. Qu’entendez-vous par père spirituel ?
Mon père en cuisine, tout simplement. La première maison. Il m’a ouvert les bras et inculqué beaucoup de choses. Le côté releveur de défis, compétiteur, c’est lui. Et si je suis ici, chez Monblanc, c’est un peu de cet ordre. J’ai fait du judo et du handball au haut niveau et j’ai retrouvé cette dynamique : plus, mieux, plus exigeant avec soi et avec les autres.
En 2002, vous arrivez pour seconder Thierry Marx à Cordeillan-Bages. Comment était-ce, l’univers marxien ?
Il n’était pas encore dans le moléculaire, qu’il a commencé en 2004. On a fait une grosse année et demie de cuisine classique. Si on n’a pas de bonnes bases, on ne peut pas faire des choses modernes et novatrices comme des gelées chaudes ou froides, des glaces qui ne vont pas fondre etc. Mais, cuisine moléculaire, qu’est-ce que ça veut dire ? Une mayonnaise, c’est de la cuisine moléculaire, n’est-ce pas ? En fait, cela ne veut rien dire de nouveau. Si c’est pour faire manger des billes et des bulles, des encapsulages et des sphérifications à base d’alginate, bof, je ne suis pas certain qu’il s’agisse d’une grande invention. C’est un mouvement que j’ai mis en oeuvre pour un chef parce que j’étais son second mais pour faire une blanquette dans un siphon, il faut que la blanquette soit bonne à la base. Sinon, c’est inutile. Ce qui me plaisait c’était l’ouverture vers d’autres horizons à partir des classiques. Prenez Picasso, il a fait des choses abstraites, des femmes qui ne ressemblaient pas à des femmes, de la lithographie, de la sculpture sur cuivre, métal, pierre et bronze, mais il savait dessiner, non ?
Vous devenez Meilleur Ouvrier de France en 2007, Thierry Marx quitte le Médoc en 2010 et vous êtes propulsé chef. Vous vous remettez à une cuisine plus, disons, classique. Pourquoi ?
Je voulais trouver une identité propre. Je ne voulais pas rester l’élève de Thierry Marx. Vraiment pas envie de ça. J’ai de nouveau pensé que l’assiette devait être belle et bonne. Je voulais fidéliser le client.
N’y avait-il pas des gens qui venaient pour les bulles et les billes ?
Les choses se sont faites naturellement. Le tout était de rester au niveau des espérances de la maison, c’est-à-dire de conserver les étoiles.
C’est ce qui est arrivé ; ce qui est exceptionnel après le départ d’un chef. Que s’est-il passé ?
C’était peut-être un peu de chance. Peut-être aussi la collaboration de sept ans avec Marx qui avait été fructueuse. Sans oublier la famille Cazes, qui avait quelques années d’expérience dans la grande restauration. Néanmoins, c’était un gros défi.
Certains parlent d’exploit…
Oui, j’en suis fier. En général, dans le cas d’un tel changement, on perd au moins une étoile. Personnellement, je m’attendais à en perdre deux et puis à en récupérer une l’année suivante. Mais garder les deux étoiles ? Jamais ! C’était une belle surprise. Le bouche-à-oreille a été énorme. Jamais je n’ai entendu un mot négatif sur Cordeillan-Bages à cette époque. On a flirté avec la troisième étoile, mais ce n’est pas très important. Le plus important, c’est fidéliser la clientèle et, je dirais aussi, le personnel.
Un grand moment professionnel ?
La clientèle, la direction, le personnel. Quand ces trois facteurs sont heureux, un nuage de bonheur flotte au-dessus d’un établissement.
Pourquoi alors être parti au Saint James Paris ?
L’envie de changer, de faire autre chose.
Qu’est-ce qui vous a déplu à Paris ?
Rien ne m’a déplu, mais rien ne m’a plu non plus. Le Saint James est la seule maison où j’aurais pu aller, pour son esprit familial. Toutefois, je me sens mieux dans le Médoc. Paris ne m’a rien apporté. Je suis content d’y être allé, mais je suis très heureux à 25 minutes de la plage, dans les vignes et avec la forêt.
Pourquoi avez-vous décidé de travailler pour Monblanc ?
J’ai toujours fait traiteur dans ma carrière. C’est le même métier, seule l’organisation change. La force de Monblanc, c’est la longévité des équipes, en salle comme en cuisine. C’est un bon signe de haut niveau. J’ai toujours été bluffé par l’organisation au cas par cas des traiteurs. Ces restaurants délocalisés peuvent être impressionnants. J’ai souvent travaillé avec Bernard Monblanc sur des prestations avant de venir, de 100 à 1 800 couverts pour la Fête de la Fleur par exemple. On a toujours fait de la gastronomie, très bien élaborée, et mise en scène comme un spectacle.
La maison Monblanc a l’habitude de travailler avec des chefs étoilés de manière ponctuelle mais vous ici, dans ce laboratoire de Saint-Jean-d’Illac, quelle est votre mission ?
La recherche et le développement. Je mets au point de nouvelles propositions au cas par cas pour les saisons à venir. Ici, le chef est en place depuis 25 ans et tous les cuisiniers viennent de très bons restaurants. Ma connaissance de la cuisine gastronomique sera un plus, pour les détails je dirais. Un peu plus de créativité peut-être. Cela ne se fera pas en six mois. Chez un traiteur, on travaille de manière décalée. Il faut se projeter quelques mois en avance avec un décalage à prendre en considération. En mars, on prépare les mariages de juin à septembre.
www.monblanc-traiteur.com
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SOUS LA TOQUE ET DERRIÈRE LE PIANO #123
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Joël Raffier / D.R
Pour débuter 2019, petit lexique de l’actuel parler-manger et des nouveautés afin de survivre cette année dans le domaine toujours plus extensif de la gastronomie pour épater. Laquelle sera, à n’en pas douter, encore plus marquée par ses désormais deux saints patrons, François Bouvard et Juste Pécuchet (1). Des mots, des mets, des maux, du globish, des ordonnances.
Boca (La). C’est le nom de la nouvelle halle de Paludate. La bouche d’Euratlantique donc, à côté de Brienne, son ventre. On y trouve une chaîne de cuisine italienne (Vapiano fondé à Hambourg en 2002), une chaîne tex-mex (Indiana Café), des bocaux (Le Garde Manger, deuxième enseigne bordelaise après l’avenue Thiers), une brasserie luxueuse consacrée à la viande et aux vins du monde (Gloria), un bar à salades, Babette, restaurant spectaculaire avec son immense passe cuisine au sein de l’hôtel Hilton Garden Inn et enfin le Foodcourt .
Bonne chance. Ce qu’il faut dire pour remplacer « bon appétit » dans encore trop de cas malgré la vague des propositions nouvelles. Suggestion : Good luck.
Black Magic Latte. Le Banana Café présente cet « anti-ballonnements, pour un ventre calme et reposé (sirop d’agave et lait d’amande) » au prix de 5 €. Et d’autres choses omnivores et pas mal faites. Dommage que la carte, flexitarienne en diable, ressemble à une ordonnance. La maison ne prend pas la carte Vitale.
Banana Café, 5, cours Pasteur. Réservations : 05 56 23 33 39
Buddha Bowl. Ne pas confondre avec le bol tibétain qui est un instrument de musique. Ce n’est pas non plus une recette. Juste un nom de bol pour faire accroire qu’être bouddhiste, c’est être végétarien. Le cuisinier gersois, Laurent Manrique, lui‑même bouddhiste, raconte que le Dalaï‑Lama qu’il a servi plusieurs fois, adore le filet mignon. Le bol en question est une addition de céréales, d’oléagineux, de graines, de légumes, au choix selon saison et possibilité. Un repas complet, léger, avec un peu de tout et peut-être aussi n’importe quoi pour ne pas péter pendant le yoga. Bol minceur, cela va sans dire. Le bedon de Bouddha faisant foi pour la ligne. Herman Hesse, au secours ! Ils sont devenus fous.
Flexitarien. Ce nom de gymnaste désigne à la fois un athlète viandard devenu conscient et un athlète végétarien qui trouve son régime « compliqué ». Suggestion : omnivore.
Foodcourt. Capucins, Bacalan, Paludate et même Grands-Hommes. Bientôt Talence. La halle marche dans l’agglomération. Elle court même ! Le principe du foodcourt est plutôt intéressant : une grande salle pour faire asseoir les clients de plusieurs restaurants tout autour. Cela vient de Singapour, où ils sont généralement en plein air, sur des terrasses. À la Boca, dans les anciens abattoirs rénovés, le foodcourt se targue d’être le premier de France. Étrange puisqu’il y en a déjà plusieurs à Paris, Rennes, Grenoble et Reims qui connurent l’échec avec force franchises sans intérêt. Sans oublier Bacalan, une réussite, qui propose de bonnes choses à tous les prix (excellents nuggets de poulet sauce curry pour 5 €). Suggestion : halle bistrot.
Gluten Free. On a « sans gluten » mais gluten free c’est tellement mieux. Toujours pas de libre de gluten à l’horizon. Patience. Les allergies sont des choses sérieuses et il faut bien sûr les éviter. Les allergies préventives en revanche sont des bêtises qui méritent la moquerie quand on pense à la malnutrition et au gaspillage. Rappelons la parole du cuisinier dans La Règle du jeu de Jean Renoir : « J’accepte les régimes mais pas les caprices. » Jean-Luc Rocha, de retour à Bordeaux, à la tête de la brigade du traiteur Monblanc à Saint-Jean-d’Illac (on vous en reparlera dès le mois prochain), prend lui aussi les allergies au sérieux. Il emploi le terme ambivalent d’« intolérance ». Healthy Cuisine. « Cuisine santé » ne va pas non plus mais healthy cuisine atteint des sommets. Suggestion : allez vous faire cuire un oeuf mais pas deux à cause du cholestérol.
Locavore. Du latin de cuisine pour désigner celui qui mange local et surtout les restaurants qui favorisent le « circuit court ». Casa Gaïa, restaurant ou plutôt « lieu de vie », se targue de faire attention à ce qu’il met dans l’assiette. La moindre des choses. Un architecte devenu cuisinier (il a bien restauré la salle de l’ancien Saladin), un journaliste et une spécialiste en agroécologie sont à l’origine de cette opération « Maison de la déesse terre-grand-mère forcément cool puisqu’elle est grecque » qui n’achète rien à plus de 180 kilomètres. La cuisine s’appelle un « laboratoire de recherche », les poivres y sont « longs », la qualité « nutritive » et la charcuterie vient de la famille Pozzer, une ferme bio en 47. Hélas, l’assiette n’a rien d’exceptionnel. C’est assez frais pour goûter le menu du midi à 16,50 €, mais la pièce de boeuf « grillée au feu de bois », demandée saignante, est arrivée à point et trop peu assaisonnée. Un repas de presse, peut-être un peu raté pour les basiques… Une célèbre blogueuse internationale, anxieusement interrogée par nos hôtes, a sèchement répondu par un « Je reconnais l’intention » qui ressemblait à une fatwa. Sinon, les bols s’appellent des bowls au cas où on pourrait soupçonner ce projet de simplicité. Le soir compter 40/50 €.
Casa Gaïa, 16 bis, rue Latour. Déjeuner : 12h-13 h30 (sauf lundi). Dîner : 19h30-22h (sauf dimanche et lundi). Réservations : 05 56 52 87 21. casagaia.fr
Poke Bowl. Poke, prononcer pokaï, signifie « dés à jouer » en hawaïen. Heiko, rue des Ayres, en propose six (10,90 €) dans une carte qui annonce aussi des sushis et des burritos. Ne riez pas, la dorsale de Hawaï est comme un trait d’union entre Japon et Amériques. Ce bol de riz au poisson cru (ou mariné) est un exemple polynésien de la gastronomie Nikkei qui fusionne avec un succès croissant les registres sophistiqués du Japon et du Pérou. Bon, ici ce n’est pas le Pérou, c’est le Mexique mais ne chipotons pas. Réjouissons-nous d’avoir du Poke Bowl à portée de baguettes. San Francisco-New York-Montréal-Londres-Paris-Milan. Le Poke a un blaze haute couture. À Bordeaux, il y a aussi le Melobowls qui en sert de bons pour 10,50 €.
Heiko 49, rue des Ayres. Déjeuner : 12h-14h30, du lundi au samedi. Dîner : 19h-22h, du lundi au samedi. Réservations : 09 54 88 92 96. heikosushiburritopoke.com
Melobowls 67, rue des Remparts. Déjeuner : 11h30-15h, Dîner : 18h30-22h. Réservations : 09 81 01 30 65.
Smoothie Bowl. Dernier bol, c’est promis. Mélange ou non de jus de fruits frais, servis froids. Suggestion : jus frappés. Snacké/Jerké. C’était sur les quais, faubourg des Chartrons, dans le restaurant d’application Vatel. Un saumon snacké/jerké au menu. Le professeur de salle lui-même n’a pas su me dire ce que ça voulait dire. Il a juste levé les yeux au ciel. Suggestion : juste saisi ?
Topping. Des ingrédients qui sont au-dessus d’un dessert, par exemple des amandes grillées sur la chantilly d’une pêche Melba. Suggestion : petit jeté final.
1. Bouvard et Pécuchet. Roman de science-fiction dans lequel deux néo‑ruraux se ridiculisent en voulant à toute force être dans le vent du positivisme. À la fin de ce chef-d’oeuvre immortel et inachevé, c’est l’auteur qui meurt, Gustave Flaubert, également auteur de Salammbowl.
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SOUS LA TOQUE DERRIÈRE LE PIANO #120
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Joël Raffier / D.R
Los Dos Hermanos n’est plus. Bordeaux a perdu en sentiment goyesque. Il faut reconnaître que la néo-tapa qui fait rage n’avait pas atteint le cours Victor-Hugo. Intraduisible le pintxo ? Invisible en tout cas. L’école aragonaise peut-elle se faire entendre ? Le point de vue de Vivien Durand, quelques bonnes adresses, de bonnes nouvelles d’El Boqueron et une nouveauté à suivre dans un genre sensiblement différent : Buenavida.
Pourquoi les tapas sont-elles cachées en France ? Quand on ouvre un restaurant, il est nécessaire de se déclarer auprès de la DDCPP (Direction Départementale en Charge de Protection des Populations) qui interdit de présenter de la nourriture dans une salle hors la vitrine réfrigérée à 5 °C. Que la DDCPP nous protège d’une nourriture hors normes !
La tapa espagnole s’en moque. Le bar est son catwalk. Elle est exhibitionniste, faite pour le plaisir, pour être vue, pour parader ou laisser voir des dentelles de crabe mayo. On la veut ou pas. On peut la toucher sans se blesser, la manger sans maladie, la commander sans trembler. La francesa reste dans la cuisine, cachée, honteuse comme un petit four de traiteur, suspecte. Mais de quoi ?
Les tapas invisibles ne manquent pas à Bordeaux. L’uniformité règne. Le mundillo est à peu près aussi inventif que celui du kebab salade-tomate-oignon, ce communisme de la malbouffe. Chacun veille à ne rien changer, garroté par le conformisme de l’espagnolade fantasmée.
Je ne sais pas si un concours de tapas pourra consoler quiconque ! Il aura lieu au mois de novembre à… Saragosse. Venus le promouvoir, cuisiniers et cuisinières d’Aragon sont passés à l’Institut Cervantès au début de l’été. Tapas à l’osso bucco, bonite au soja, à la tomate et aux fleurs, émulsion de merlu aux anchois… Chaque lauréat s’était débrouillé pour faire goûter sa cosita avec les moyens du bord, comme pour narguer une ville qui donne l’impression d’avoir perdu son palais espagnol.
Marie Subra, attachée culturelle au Cervantès, éclate de rire quand on lui demande où elle prend ses albondigas à Bordeaux : « En Espagne ! » Vieille blague. Vergüenza.
Le cours de l’Yser est en rénovation. La rue Lafontaine en chantier. Casa Soto y est un reliquat, une trace de cantine. On y mange bien (plat du jour à 10 €), on n’y mange pas espagnol. C’est plus loin, aux Capucins, que l’on pourra voir des tapas enfin exposées, peut-être la situation du marché incite-t-elle à un peu de tolérance. La Maison du Pata Negra a mis au point un système de piques de différentes couleurs, on se sert autour du grand comptoir et on présente les piques à l’assiette pour l’addition. Cela fait un joli endroit qui sert des classiques (thon, anchois, jambon bien sûr) corrects pour 15 € environ par personne. La patronne cherche un meilleur pain et elle a raison.
Toujours aux Capus, Mes Souvenirs de l’Espagne, cabane discrète tenue par une famille de Catalans en face de la boucherie Gautier, se remarque à peine. Pas de vitrine dans cette épicerie fine, pas de tapas exposées non plus. Goûter une ración de poulpe a la Gallega (16 €, pas donné mais garanti exceptionnel) ou la sobresada au fromage manchego fondu (4 €) avec un verre de Rioja Belezos (3,5 €).
« Il faut que les tapas se voient, sinon ce n’est même pas la peine », dit Christophe, le patron d’El Boqueron. Sa vitrine, genre sushi, tient ses promesses. Rations de calamars à l’espagnole, irrésistibles txistorras (6 €), jamón serrano parfumé (7,5 €), boquerones (3,5 €), croqueta à l’encre de seiche (6 €). On a envie de tout piquer ! Cure-dent et fourchette. La croquette à l’encre de seiche est une nouveauté délicieuse. Christophe l’a ramenée de Bilbao, elle est bilbaesque, simple, réussie. Tout le monde est content. Christophe n’a pas inventé la croqueta à l’encre de seiche et il ne fait pas semblant. Au moins, il a fait l’effort d’aller voir ce qui se passe derrière la frontière, de copier la recette, de l’élaborer, de la proposer. « Copier, c’est vivre », disait Balzac, inventer à tout prix, c’est mourir à petit feu. Si chacun ramenait ainsi une ou deux idées du Pays basque, de Navarre ou d’Aragon, la situation s’améliorerait de suite. Et si quelqu’un pouvait inventer, ce ne serait pas mal non plus.
La révolution tapasista n’a pas traversé les Pyrénées. Selon le chef d’Escondite à Saragosse, inventeur d’une tapa au cocido (pot-au-feu), présentée à l’Institut Cervantès, les tapas françaises devraient être les meilleures : « En inventer une aujourd’hui en Espagne consiste à réduire un plat traditionnel de manière à ce qu’il ne fasse qu’une bouchée. Vous avez le choix en France avec toutes vos recettes ! » Ce travail de miniaturiste est plutôt délaissé. La néo-tapa pourrait bien être intraduisible en français.
Vivien Durand est sceptique à propos de l’idée de réduire la blanquette et de « tapaciser » plus ou moins l’Escoffier. Le chef du Prince Noir a remporté le premier concours de pintxos à Saint-Sébastien, en 2009, avec une pelote de morue croustillante aux cèpes. « Proposer un mets qu’on peut attraper avec les doigts, debout, sans risque de se salir, ne veut pas dire poser un bout de jambon sur du pain mais quand même il faudrait revenir vers la tapa de base, améliorée, voire simplifiée pour le client. » La recherche de l’équilibre est délicate : « Il faut du monde pour faire ça bien. Là-bas, les charges salariales sont moindres et il n’est pas rare d’y employer trois personnes en cuisine pour une en France. »
Il y a peut-être une raison de ne pas trop s’inquiéter pour la cuisine hispanique à Bordeaux : sa rencontre avec le continent américain incarné par Buenavida. Francisco, Chilien de 32 ans, élevé en Espagne, propose une fusion américano-espagnole maîtrisée et tout à fait nouvelle avec des produits rares pour des goûts qui le sont autant. Des sauces piquantes avec les piments qu’il faut (la chipotle, crémeuse avec les tacos de porc effiloché, cumin et pickles, 10 € deux pièces), une salade d’Italie (coeur de boeuf, anchois, burratina crémeuse, 18 €), des soupes froides andalouses et sorbet au thym (8 €), des patatas bravas grenailles d’élite (12 €) avec une purée d’aji amarillo, un piment au goût particulier du Pérou, cet eldorado de la gastronomie sud-américaine. Cela va dans tous les sens mais c’est concluant. Les desserts sont formidables et les cuisiniers espagnols. L’un de Castille, l’autre de Galice, cet eldorado de la gastronomie ibérique.
La Maison du Pata Negra Marché des Capucins. Du mardi au vendredi, de 8 h à 13 h, samedi et dimanche jusqu’à 15 h 30. 05 56 88 59 92
Mes Souvenirs de l’Espagne Marché des Capucins. Du mercredi au vendredi, de 8 h 30 à 13 h 30, samedi et dimanche, de 8 h 30 à 15 h 30. 07 82 66 94 94 www.messouvenirsdelespagne.com
El Boqueron 83, rue des Faures. Du lundi au samedi, de 17 h à 2 h. 09 80 95 28 23
Buenavida 42, rue des Trois-Conils. Du lundi au mardi, de 12 h à 14 h, du mercredi au samedi, de 12 h à 14 h et de 18 h 30 à minuit. Réservations 09 51 12 98 58 www.buenavida-restaurant.fr
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SOUS LA TOQUE DERRIÈRE LE PIANO #119
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Joël Raffier / © Chez Thérèse
Gastronomie et terrasse ne sont pas des mots qui vont toujours très bien ensemble. Néanmoins, ces endroits, où l’on est dans l’espace public sans y être, restent attractifs à la belle saison pour d’évidentes raisons. Il faut donc trouver un compromis. Tour de piste bordelais, subjectif et non exhaustif des restaurants possibles pour profiter de l’été.
Saint-Michel n’est pas Saint-Michel C’est la place où on mange le plus en terrasse à Bordeaux. Peut-être le mieux. On persiste à l’appeler Saint-Michel mais elle s’appelle place Meynard. Confusion que le restaurant Chez Thérèse contourne en écrivant Saint-Michel au recto de sa carte de visite et Meynard au verso. Thérèse est une grand-mère mais on ne trouve pas de grand-mère dans les cuisines. Thérèse est un concept « grand-mère ». En revanche, on y sert une cuisine traditionnelle et ce n’est pas parce qu’un concept marketing est cucul la praline que la cuisine n’est pas remarquable. La cuisine traditionnelle est une espèce plutôt rare dans un contexte touristique croissant où les arnaques font hélas florès. À midi, le menu de cette récente table est à 15 ou 19 € ; et la carte propose des escargots pour les anglais (7 €), des burgers améliorés (de 16 à 19 €) et quelques classiques. À côté, Donostia n’est pas bien ancien non plus. Avec ce nom, on s’attend à une vitrine de comptoir à pintxos comme à Saint-Sébastien. Il n’en est rien. Pour une petite faim, commander un gaspacho andalou (4 €) et le Taloa Donostia (délicieuse galette maison de blé et de maïs garnie de deux keftas et de roquette, 5 €). Impeccable dans le genre petite portion. À midi, le menu avec une petite entrée, un plat du jour et un café est à 12,90 €. À signaler, le service continu jusqu’à la nuit, ce qui garantit une rotation du personnel et, par conséquent, normalement, une bonne humeur générale. Contrairement aux restaurants où les serveuses sont à bout passées 15 heures de présence effective, ce classique de l’été. Mesón la Venta ressemble un peu plus encore à l’univers gastronomique hispanique avec des tapas de 3,50 (pour une tortilla) à 18 € (jambon bellota). Une maison fiable quoiqu’un peu routinière qui maîtrise plusieurs manières d’accommoder la morue (18 €) et une bonne sangria. Plus loin, rue Gaspard-Philippe, le Rizana excelle dans la dimension tajine et couscous et des prix qui demeurent fidèles à l’esprit du quartier. En face, c’est la cuisine vietnamienne du Tching Tchang Tchong qui fera plaisir avec le bún bò (crudités, nouilles de riz et boeuf), le (pot au) phò et le heo quay (travers de porc laqué) de 10 à 12 €. Toujours la cuisine du Maghreb au Dadès un peu plus loin vers les Capus, dans un format plus confidentiel, des mets tout aussi goûteux et des prix encore plus doux qu’au Rizana.
Chez Thérèse 28, place Meynard. Du lundi au dimanche, de 12 h à 15 h et de 19 h à 22 h 30. Réservations 05 56 84 08 70 www.cheztherese.fr
Donostia Saint-Michel 21 place Meynard. Réservations 09 81 60 71 11
Le Rizana 7, rue Gaspard-Philippe. Du lundi au dimanche, de 12 h à 15 h et de 19 h à 22 h 30. Réservations 09 54 22 36 98
Tching Tchang Tchong 18, place Canteloup. Lundi, jeudi, samedi et dimanche, de 12 h à 14 h 30 Mardi et vendredi, de 12 h à 14 h 30 et de 19 h30 à 22 h 30. Réservations 05 56 92 24 05
Le Dadès 2, place du Maucaillou. Réservations 09 73 54 25 57
Singapour / Sainte-Catherine Qui aura l’idée de se rendre place du Général-Sarrail pour se régaler ? Réponse : un lecteur attentif de Junkpage. Réserver est indispensable pour la mini-terrasse très disputée de Hutong. La cuisine singapourienne est un syncrétisme des cuisines asiatiques. Ici, il ne s’agit pas de compromis mais bien de gastronomie. On ne se lasse pas des hongshao qiezi (aubergines confites comme caramélisées, 5 €), des ravioles porc-crevettes (5 ,5 €), du chicken rice (poulet vapeur tranchés servis avec trois sauces, 13 €) et du porc char siu (13 €). Ce dernier laqué, croustillant et fondant à la fois est particulièrement spectaculaire. Ne pas hésiter à demander un supplément de sambal (hélas facturé 1 €, ce qui est un peu mesquin). Cette pâte de piment est fabriquée par l’excellent Jason dans la toute petite cuisine de ce tout petit restaurant qui enchaîne les services le soir du jeudi au samedi. L’ambiance est bruyante, peut-être la plus bruyante de cette sélection, mais l’Asie aussi fait du bruit. Dans ce quartier dévolu aux pauvres kebabs et autres tacos, Hutong est une remarquable anomalie.
Hutong 1, place du général Sarrail. Du jeudi au samedi, de 12 h à 14 h 30 et de 19 h 30 à 22 h 30. Réservations 09 67 61 81 99 hutongstreetfood.weebly.com
La Victoire au Plana La place de la Victoire est encore plus moche depuis qu’elle a été refaite. Aussi le Plana a-t-il bien fait de la cacher avec de hautes jardinières. Attention ! Lieu mythique ! Dans les années 1980, c’était la terrasse la plus chaude du Sud-Ouest et la plus connue. Des générations d’étudiants s’y donnèrent rendez-vous. Des écrivains lui ont rendu hommage. Aujourd’hui, c’est devenu une brasserie qui a ses fans. Les oeufs mimosa sont à 7 €. Grand choix de salade, de poissons, de tapas, de viandes. À signaler une escalope à la milanaise plutôt rare (18 €) et l’os à moelle servi avec la côte de boeuf pour deux (56,60 €). Impeccables suggestions du jour et détails soignés. Les noix de Saint-Jacques (23,50 €), par exemple, servies avec le corail, un risotto aux champignons délicieux, une petite salade et une sauce citronnée qui sentait sa gastronomie de bistrot. Bon service. Maison fiable.
Le Plana Café 22, place de la Victoire. Du lundi au dimanche, de 10 h à 2 h. Réservations 05 56 91 73 23 www.leplana.fr
Café historique à Pey-Berland L’adresse la plus chic de la sélection est aussi la plus vénérable. Les locaux sont exigeants avec « français ». Il est possible d’être servi sur l’immense terrasse en continu de 12 à 23 h. Regarder les touristes prendre des photos qu’ils ne regarderont jamais est un passe-temps comme un autre. Les prix sont élevés, standing oblige, mais on vous servira sans sourciller un oeuf mimosa, le hors-d’oeuvre maison et signature « bistrot » pour 7 €… Tartare à 21 €, classiques de la carte traduits en 17 langues. C’est dire comme l’endroit est apprécié par nos visiteurs. À l’intérieur, c’est encore plus chic. Un vrai café à l’ancienne.
Le Café français 5, place Pey-Berland. Du lundi au dimanche, de 8 h à 1 h. Réservations 05 56 52 96 69 www.le-cafe-francais.com
Retraite au Puy Paulin Le Puy Paulin possède le charme des endroits centraux et à l’écart. La terrasse est prise d’assaut mais autour tout est calme. Un intérieur charmant, l’entresol un peu moins. La terrasse a ses adeptes et il faut réserver pour les calamars à la ferret-capienne (18 €, chair à saucisse, tomate et piments avec riz basmati) et le tartare avec huile d’olive et parmesan (17 €). Dans l’ensemble, la qualité brasserie est au rendez-vous, sans surprise certes, mais avec une bonne tenue et à des prix doux pour la situation juste derrière les Galeries Lafayette.
Le Puy Paulin 14, place Puy-Paulin. Du mardi au samedi, de 9 h à 23 h. Réservations 05 56 81 85 52 www.lepuypaulin.fr
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SOUS LA TOQUE DERRIÈRE LE PIANO #104
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Joël Raffier / © Jérémie Buchholtz
Sur fond de crise de reconnaissance de sa profession, la parole à Arnaud Enjalbert, jeune maître d’hôtel du Prince Noir, qui vient de remporter la troisième place de la première édition du Trophée des maîtres d’hôtel.
Cela s’est passé il y a un mois à Lyon, au SIRHA, le Salon International de la Restauration, de l’Hôtellerie et de l’Alimentation. Dans la salle où tous les deux ans se dispute le prestigieux Bocuse d’Or, on a décerné le premier Trophée des maîtres d’hôtel français devant 300 spectateurs. Les six finalistes se sont mesurés dans les catégories art floral, art de la table, explication des plats d’une carte, flambage d’un foie gras aux agrumes, service d’un plateau de fromages et carte blanche pour un café noir. Les délibérations du jury furent serrées selon Denis Férault, président de l’association Service à la Française et organisateur de la manifestation. Arnaud Enjalbert est arrivé troisième : « Il y a eu une bonne émulation autour de tout ça, un peu de fierté aussi. Au Prince Noir, il nous arrive de découper et de flamber, dans le menu à six plats par exemple (102 €, ndlr), on utilise au moins deux fois le guéridon. Ici, tout le monde sait découper bar, maigre, sole et viande mais dans l’ensemble le métier a besoin d’être mis en valeur. » Il y a encore peu, les rôles étaient partagés dans le métier. Le chef était l’auteur et le maître d’hôtel le metteur en scène, un peu comme à Hollywood. Aujourd’hui, les cuisiniers prennent toute la lumière sur le plateau du grand film qu’est le repas français. À tel point que si on demande à Arnaud Enjalbert quelle réforme il mettrait en place s’il en avait le pouvoir, après celle de l’aménagement des horaires (« en l’état ce serait au détriment du client »), il propose la reconnaissance de la salle à égalité avec celle de la cuisine : « Dans une équipe de foot, il faut un attaquant et un gardien, leur boulot n’est pas le même et pourtant ils gagnent ou perdent ensemble. » Il n’a pas ce problème avec Vivien Durand, chef qui, à la suite d’Amat, cultive une certaine distance sur les hauts de Lormont, se fait photographier de dos comme Paul McCartney et appelle un de ses menu E. de Woodstock (5 services ; 92 €) avec fond sonore à l’avenant. « Il nous laisse nous exprimer tout en fixant des objectifs clairs avec sa vision du métier mais on est libre de l’atteindre comme on veut. » Ainsi a-t-il pu compter sur le chef pour préparer son concours et c’est une vidéo d’eux attablés qu’il a envoyée comme film de candidature avec les 106 autres participants venus de France mais aussi de Suisse, de Londres, de Belgique ou de Dubaï. Pour la tenue, il a laissé jean, gilet et noeud papillon deuxième degré au vestiaire pour un costume cravate plus proche de ce qu’il a connu au Louis XV de Ducasse où il est arrivé commis et reparti chef de rang. « Un repas au Louis XV, c’était une très belle scène de théâtre, vraiment. C’était un quotidien du détail et de la remise en question. Avant chaque service, on était aligné comme une troupe, revue des chaussures, des ongles et le coton sous la barbe qui accrochait si on était mal rasé. Cela donnait de très beaux services qui me rendaient fier, mais je sais que ce n’est pas ce qui me correspond le mieux. Je trouve le service classique emprunté, un peu obséquieux et manquant de naturel. » Au moins autant que le flambage et le découpage, c’est le savoir-être qui intéressent Arnaud Enjalbert et ses 32 ans : « Il faut être là, présent, humain, disponible, prendre la température, sentir, comprendre à qui on a affaire. Aujourd’hui, on devient des numéros. Il faut vraiment faire cette différence. Il faudrait apprendre la grammaire, la poésie, l’expression et les langues aux élèves des écoles hôtelières. Aujourd’hui, cela se passe comme ça : l’élève veut devenir chef, grand chef de préférence. Il se rend compte que c’est plus dur qu’à la télévision. Bon. Il se tourne vers la pâtisserie parce que c’est fun, c’est artistique, on travaille le sucre, ça plaît aux filles. Bon. Mais c’est dur aussi. Alors on tente de devenir sommelier. Sommelier aussi c’est dur. Alors devenons barman ! Au bout du bout, la salle est perçue comme une dégringolade. Peu de gens ont la fierté de leur boulot qui consiste à rendre des gens heureux autour d’une table. » Son avis sur la situation globale hors restaurant à 100 € ? « Parfois, on peut être bien reçu dans un routier, ça change tout, et mal dans un restaurant gastronomique. Le problème des gamins qui vont travailler l’été sur les plages, et tout le monde connaît quelqu’un qui a fait une saison, c’est que personne ne prend le temps de les former a minima. » En demi-finale du Trophée, à Paris, les 19 concurrents présélectionnés ont eu le découpage d’un lapin au programme. Qui a déjà vu le découpage d’un lapin au restaurant ? Personne. L’épreuve est aussi d’actualité qu’un concours de tir à l’arbalète à l’école militaire. Arnaud Enjalbert en convient et évoque « un pays attaché à ses valeurs désuètes. Jamais je ne redécouperai un lapin, or il a bien fallu que je m’entraîne. Deux heures avant de prendre le train pour Paris, j’en ai découpé une dizaine. La chair du lapin est comme celle du poisson, elle refroidit très vite ». Heureusement, les choses inutiles sont plus belles que les choses utiles. Denis Férault, meilleur ouvrier de France et aujourd’hui principal d’un collège en zone prioritaire à Stains (93), n’est pas d’accord : « Ce n’est pas parce qu’on n’emploie plus l’imparfait du subjonctif qu’il ne faut pas l’apprendre, si on ne l’apprend pas à l’école ou l’apprendra-t-on ? Le lapin, c’était surtout pour dérouter, pour étonner, pour faire parler. » Tiraillé entre stricte tradition théâtrale et désir de changement (la lauréate du Trophée s’appelle Elsa Jeanvoine et selon Arnaud Enjalbert « c’est très bien dans ce milieu macho »), le métier français le plus copié au monde traverse une véritable crise existentielle. Même les pourboires ne sont plus au rendez-vous : « Les étrangers sont plus généreux, c’est sûr, surtout les Anglais et les Américains. C’est culturel. Les pourboires, il ne faut pas les attendre mais on est content de les trouver. » Sinon, au Prince Noir, c’est toujours aussi bien. Le menu à 35 € à midi est d’un bon rapport : tartare de lieu jaune au gingembre et salade de champignons de Paris, fricassée de rognons à la moutarde, butternut rôtie et semoule comme un riz au lait avec fruits secs et épices.
Le Prince Noir, 1, rue du Prince Noir, Lormont (33310). Service du midi : 12 h-14 h. Service du soir : 19 h-22 h. Réservations : 05 56 06 12 52. leprincenoir-restaurant.fr
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SOUS LA TOQUE ET DERRIÈRE LE PIANO #122
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Un bon croque-monsieur, très bon même, peut s’avérer une expérience douloureuse. Pour rester sur des notes positives, et seulement positives au pays des trois M, le goût du Moyen-Orient rue des Ayres et une incursion rive droite.
Quand le croque est arrivé, épais, roussi, encore brûlant et finissant de grésiller dans des odeurs de béchamel à la noix de muscade, il promettait. Il a tenu ses promesses. Mais alors quoi ? Où est le problème ? Ne dit-on pas que quand c’est bon, c’est bon ? Oui mais… Bordeaux a des souvenirs de croque-monsieur, on ne peut pas faire n’importe quoi avec ce sandwich mystérieux et emblématique du bistrot qui serait né en 1910 dans un des grands cafés du boulevard des Capucines, à deux pas de l’Olympia. Cet après-midi encore, avenue Thiers, Delphine Domergue me parlait de celui du Régent, place Gambetta, quand elle était lycéenne et que le café-restaurant le plus central de Bordeaux ressemblait à quelque chose. Dans son épicerie, elle en vend un au jambon blanc à la truffe (5 € à emporter). Ils sont faits par Cécilia Dubarry, son aide du week-end. C’est un peu la ruée sur les croques à l’épicerie Domergue. Le jeudi est le seul jour où on peut en trouver à coup sûr. Le croque du Régent était double, coûtait peut-être 10 francs, elle ne se souvient plus très bien. Ce dont elle se souvient c’est qu’il était délicieux et servi dans une assiette, tout bêtement.
Celui du Croque Français place Pey-Berland coûte 9,5 € (c’est presque moins cher et montre que nous approchons de la parité de change franc/euros) et il est servi sur une planche. Une planche d’ardoise. Une planche d’ardoise qui fait grincer des dents et donne la chair de poule, un comble avec une tranche de jambon de qualité supérieure comme c’est écrit sur le menu. Le pain est épais, solide, artisanal. Ce n’est pas un pain de mie mou et moche comme dans le train ou dans les bars qui n’hésitent pas à le passer au micro-ondes, mais un pain qui se tient. Il faut donc pour le couper, en attendant qu’il refroidisse un peu et qu’il devienne un sandwich comme les autres, énormément faire travailler le couteau afin d’éviter qu’il dérape brutalement sur l’ardoise en faisant le bruit le plus grinçant depuis Last House on the Left de Wes Craven. Le pompon, c’est le napperon de papier qui se trouve sous le croque forcément gras et sur l’ardoise maudite. Entre deux frissons, je ne me suis pas aperçu qu’il était là, caché sous le matelas du croque et quand je m’en suis aperçu, il était trop tard, je le mâchais, empli d’une indicible terreur. Attendre qu’il refroidisse ? Manger tiède ce qui se mange chaud ? C’est une solution si vous n’êtes pas mort d’une crise cardiaque ou étouffé par du papier mâché. Le croque-madame est à 11 €. Je n’ose pas penser à la panique d’un client qui voit le jaune d’oeuf à cheval s’échapper en coulant sur l’ardoise. Il y a un végétarien, un chèvre, un basque, etc. Je ne parle pas de la clientèle, mais du choix de croque-monsieur à la carte. La solution est d’emporter sa commande chez soi et dans ce cas le Croque Français est une excellente adresse. La maison a tout prévu pour ça. Une rébellion s’organise contre les planches et contre toutes les manières grotesques de servir la nourriture. Un site s’appelle sobrement We Want Plates. On veut des assiettes. Des assiettes creuses, plates, à dessert. Ou des bols si on mange asiatique avec des baguettes. On n’a jamais rien inventé de mieux que l’assiette et le mieux est l’ennemi du bien dans de nombreux cas. Les bergers dans les Pyrénées ne mangent pas sur de l’ardoise. Ils marchent dessus. Au Massa, rue des Ayres, les salades coûtent 9,5 €. Les délicieuses pitas garnies de falafels sont apportées dans un contenant en bois profond, peu large et énervant. Cela n’a pas grande importance car le sandwich n’est pas brûlant et se mange aisément avec les doigts. Massa est un restaurant qui s’occupe de cuisine moyenne-orientale avec pitas à garnir, divers houmous et des salades. Pour goûter le foul (mijoté de fèves très populaire au Caire), le meshausha (ragoût de pois chiche au sésame), des aubergines frites, des oignons au sumac, c’est là. C’en est cruel pour la concurrence. C’est le troisième endroit d’Ayako Ota, d’Arnaud Lahaut et de Gil Elad après les ouvertures de Miles et Mampuku. Avec Massa, la gastronomie a désormais ses trois M à Bordeaux. Miles est le navire amiral gastronomique, Mampuku un entre-deux avec les cuisines du monde. Massa, c’est la cuisine de rue à emporter ou à manger sur place si on veut essayer la glace au sésame et ses nombreux coulis (4 €). Le falafel est la star de ce restaurant qui commence avec des fèves à Khéops et finit avec un café à Istanbul (1,5 €). Qui a commencé le falafel ? Le chef est prudent. « Je ne sais pas si c’est le vrai, mais nous sommes sûrs qu’il est bon. Il y a matière à controverse et à malentendu. Au début, c’était sans doute en Égypte, probablement avec des fèves, et puis cela a voyagé au Liban, en Syrie. On ne sait pas trop. » Le Grand Larousse gastronomique dit que c’est un plat israélien mais Larousse alimente le complot juif comme chacun sait. Gil et Arnaud sont allés sur la terre où « ruissellent le lait et le miel » pour goûter une quinzaine de falafels. Ils en ont profité pour ramener un four à pita, un vrai, qui permet d’obtenir le meilleur pain à sandwich de la ville et de loin. Les deux, c’est un peu les Lennon/McCartney de la cuisine. On n’arrive pas vraiment à savoir qui invente quoi et eux-mêmes s’y perdent un peu mais restaurant après restaurant, c’est surprenant et on s’en souvient.
Le Croque Français 33, place Pey-Berland. Du lundi au samedi, de 9 h à 18 h. 05 56 44 32 54
Épicerie Domergue 24, avenue Thiers. Du mardi au vendredi, 9 h 30-13 h 30 et de 15 h à 19 h 30. Samedi, de 9 h 30 à 19 h 30. 05 56 86 84 70
Massa 36, rue des Ayres. Du lundi au samedi, de 12 h à 21 h 30. Dimanche, de 12 h à 16 h. 05 47 47 89 42
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SOUS LA TOQUE ET DERRIÈRE LE PIANO #121
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Qu’ont en commun le Comptoir de Sèze, restaurant d’hôtel des allées de Tourny, et le Wooosh, restaurant-bar-dancing rue des Piliers-de-Tutelle ? Pas grand-chose si ce n’est la passion qui pousse, chacun de leur côté et à leur manière, Louis Léger et Estelle Douady à aimer ce qu’ils font sans avoir peur de qui ils sont.
Fête de rentrée de Junkpage chez Alriq. Le directeur de l’hôtel de Sèze insiste pour m’inviter dans son restaurant : « Je voudrais vous faire goûter la cuisine du chef, Louis Léger. » C’est toujours délicat de refuser une invitation. Plus délicat encore de dire à quelqu’un qui vous a invité que, bof, ce n’est pas terrible et qu’on n’écrira pas une ligne. Ou pire qu’on écrira quelque chose de négatif. À moins de travailler pour une régie publicitaire : dilemme.
Dilemme léger toutefois. Les repas de presse sont choses communes. L’occasion de découvrir des endroits qu’on n’aurait peut-être pas trouvés dans une ville qui détient le record de France avec à peu près une enseigne pour 280 habitants, ou au contraire de consternantes opérations promotionnelles qui incitent à l’ironie ou au silence.
J’avais un bon souvenir du salon des illustres de l’hôtel de Sèze où j’avais rencontré Bruno Podalydès et le courageux baron de Sèze, juriste des Lumières, dont la dernière plaidoirie a consisté à défendre Louis XVI. Pourquoi alors refuser un repas du chef Louis Léger ?
J’ai été soulagé dès l’entrée. Un petit pavé de saint-pierre dans son bouillon au lait de coco et curry. La qualité du poisson et de sa cuisson, la sauce, jaune discret, et le fumet qui signale la grande cuisine dans la cuillère, m’ont convaincu de conseiller sans scrupule dans la chaussure. L’autre entrée, une poitrine de porc fondante dans sa croûte de sucs marinés, m’a conforté dans ce sens. Ces deux assiettes du menu à 29 € ressemblaient plutôt à des plats qu’à des entrées. Louis Léger travaille ainsi et il a une excellente raison : « Je demande à mes deux cuisiniers d’être autonomes, ce sont eux qui décident pour les entrées et les desserts. On reste cohérent pour le ratio mais sinon je donne carte blanche, chacun son univers et sa créativité. On fait du minimalisme avec des plats en quelque sorte. »
Le mot minimalisme est exagéré. Les portions sont généreuses. « À midi, il n’est pas rare que les dames se contentent d’une entrée et d’un dessert. » Le menu est alors à 21 €. « Un cadeau ! », estime le chef. La clientèle du quartier se presse au déjeuner. Le problème étant différent le soir. Le standing de l’hôtel effraie peut-être et il est moins facile de remplir la salle autrement qu’avec des touristes qui se régalent de foie gras marbré au chocolat et chutney de figues (15 €), de magret de canard et jus à la truffe (24 €) ; « on est obligé d’avoir des plats de la région dans un hôtel, les touristes les demandent, tout comme le tartare de boeuf et la salade Caesar ».
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D. R.
Revenons au menu du soir. Le sauté de boeuf thaï n’était peut-être pas assez pimenté mais il était juteux avec une cuisson parfaite sur une purée pour remplacer le riz d’usage. Le financier à la noisette et compotée de banane flambée liqueur de vanille du dessert était spectaculaire mais il y a deux spécialistes en pâtisserie sur trois cuisiniers à l’hôtel de Sèze. La cuisine de Louis Léger et de sa brigade légère est plutôt du genre classicisme novateur. Ce Bordelais de 30 ans ne bouscule pas les leçons post-école hôtelière de Seguin au Relais du Médoc à Lamarque (désormais à la retraite monsieur Seguin a été remplacé) et de Philippe Gauffre (Ma maison à Mérignac) avec lesquels il a appris le respect du produit et une sorte de modestie. « Maîtriser la cuisine, c’est difficile. Se l’approprier, ce qu’on essaie de faire, c’est encore plus difficile. Inventer, tenter des trucs, improviser, c’est très très difficile ».
Au Wooosh, Estelle Douady n’a pas les contraintes d’un hôtel. Elle y est seule avec une carte blanche. Il est bon que cette Landaise tombée dans la marmite quand elle était petite puisse à nouveau s’exprimer autrement qu’avec des soupes et des tartes. Je l’ai connue en mode sourdine au restaurant de La Manufacture Atlantique, mais j’avais entendu dire beaucoup de bien de son travail préalable aux 4 Saisons d’Estelle.
Je suis tombé sur le cul (en fait, une banquette confortable à l’étage de l’ancien Wato Sita). Je m’attendais à un bon repas mais pas à ce point, vraiment. La carte de septembre était grecque, celle de ce mois-ci sera indienne. Elle change chaque mois pour ne pas s’ennuyer. Les plats nommés ci-après ne seront donc plus de saison mais il n’y a aucune raison que le pays de Ganesh l’inspire moins que celui de Dionysos. Je suis même sûr que le meilleur restaurant indien ce mois-ci sera le Wooosh en dépit de son nom bizarre (une exclamation d’admiration dans le milieu de la mode : « Wooosh !!! » mais Estelle n’y est pour rien).
Le meilleur tarama de ma vie, un peu plus épais que d’habitude, les premiers champignons à la grecque depuis le mariage de la Callas, un dakos crétois qui ne ment pas (tomate, feta et olive sur du pain) et la découverte de la recette de fava de Santorin (purée solide de pois cassés). Cette exquise assiette à partager (ou pas) coûte 15 €. La salade de poulpe avec patates (un peu craquantes), herbes fraîches et citron (16 €) et la grillade de gambas au citron avec des jeunes pousses (15,50 €) confirment les goûts d’Estelle Douady. Les herbes, les assaisonnements impeccables, les cuissons simples. Une cuisine qui a de la personnalité, du caractère. Autodidacte.
Autre exemple, mais cette fois pérenne à la carte car c’est un peu sa spécialité, le très japonais tataki de boeuf (18 €), boeuf mariné, à peine saisi et servi froid. Les plats de la carte sont aussi servis en demi-portion à moitié prix. La formule fonctionne depuis décembre 2017 en dépit d’une visibilité réduite, à l’étage, et d’une carte mal mise en valeur sous une enseigne qui évoque plus volontiers un bar qu’un restaurant. Le bar d’ailleurs n’est pas en reste. Les cocktails y sont excellents, par exemple le Kerala’s Jungle (vodka vanille, jus mangue et passion et épices, 8 €), une préfiguration du programme d’octobre.
Dans les deux restaurants du mois, les basiques sont respectés : bon accueil, service attentionné, pain choisi avec soin, salle agréable, bon choix de vins.
Le Comptoir de Sèze 23, allées de Tourny. Ouvert le lundi à midi, tous les jours du mardi au vendredi midi et soir, le samedi soir et le dimanche midi avec un brunch. Réservations 05 56 14 16 12 www.hotel-de-seze.com
Le Wooosh 8, rue des Piliers-de-Tutelle. Ouvert le mercredi de 19 h à 22 h 30 et du jeudi au samedi de 19 h à minuit. Réservations 05 79 80 63 50
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SOUS LA TOQUE DERRIÈRE LE PIANO #118
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Joël Raffier / D.R
François Augereau et sa compagne sont parvenus à fidéliser une clientèle « locale » en plein centre ville malgré un emplacement délicat. Caché rue Judaïque, Very Table est-il sans vraiment le vouloir l’établissement résumant les tendances de la restauration en 2018 ?
La première fois que j’ai rencontré François Augereau, c’était à l’occasion d’une chronique dont le thème était « ceux qui travaillent seuls ». Elle donnait la parole à quatre cuisiniers qui avaient pris le parti de la solitude toquée dans des cuisines cockpit après avoir connu le travail en brigade dans de grandes maisons. Le paysage est mouvant à Bordeaux. C’était il y a deux ans. Sur les quatre chefs sollicités, la moitié a déménagé pour retrouver des cuisines plus grandes et conformes à la tradition. Stéphane Carrade a quitté l’Étoile de Mer du Petit Commerce pour Ha(a) ïtza chez Philippe Starck au Pyla et Akashi Kaneno de la place des Martyrs de la Résistance s’est dirigé vers la rue du Loup où il expérimente une cuisine française plus ambitieuse revue à l’aune de la précision nippone.
François Augereau, chef de Very Table, lui, a creusé son sillon. Depuis trois ans, il privilégie une cuisine bio, essentiellement à base de légumes mais qui n’exclut ni poisson ni volaille ni viande. Au contraire, puisque cet ancien de chez Ducasse à Paris et Monaco excelle dans le domaine des cuissons. Comment par exemple un lieu jaune, poisson aussi savoureux que délicat, peut-il rester consistant dans l’assiette après cuisson ? La réponse est un peu technique, paradoxale, mais simple. Il faut le cuire deux fois. « Servir le poisson de suite après l’avoir cuit est une erreur. On dit généralement qu’il faut autant de temps de repos que de cuisson pour une viande. Pour un poisson, c’est pareil. Je le fais cuire au four vapeur en le laissant reposer avant de le faire remonter en température toujours au four vapeur. »
À midi, le menu complet coûte 18,50 € et 15,50 € les deux plats. Rémoulade de radis noir, velouté glacé de concombre, aillet, orge perlé, orange et menthe (« il y a toujours une soupe au menu, chaude ou froide, et nous ne servons que des légumes en entrée »), merlu gremolata (chapelure avec des zestes d’agrumes), carottes nouvelles et jus acidulé, sauté de veau avec asperges, sarrasin grillé, champignons et estragon et pour finir de délicieux choux au chocolat et au citron.
Cette cuisine attentionnée et précise, parfois aventureuse, est servie le vendredi soir dans un menu « dégustation » (deux entrées, deux plats et deux desserts pour 34 €). Elle fait la joie d’un quartier, il est vrai, assez pauvre en restaurants, bien que situé à proximité d’un centre où au contraire ils pullulent. Fixer une pratique dans cette rue Judaïque où personne ne se promène et où il est impossible de se garer est un exploit réservé aux professionnels aguerris. Une gargote douteuse n’aurait aucune chance derrière l’arrêt de bus Gambetta/Mériadeck. « On a 70 à 80 % d’habitués. Le fait qu’on soit à l’écart est un désavantage en apparence, mais, au final, c’est un avantage. Ici, la concurrence est faible. Toutefois, attention, pas droit à l’erreur ! Ici, ne pas être régulier c’est à tout coup se condamner. Le départ fut lent et compliqué car le Bordelais n’est pas, disons, très légume. Maintenant, on sait un peu où on va, le bilan de la troisième année est bon, aussi on se détend un peu. » Marion, la compagne, qui s’occupe du service et des desserts, constate aussi un attachement pour ce lieu qui a su séduire les riverains en privilégiant les jus courts plutôt que les sauces, les fumets de poissons, les assaisonnements délicats au détriment des salades mixtes et fatiguées. « On sent qu’on a réussi quelque chose lorsque les clients nous disent se régaler avec des plats de légumes qu’ils n’auraient jamais choisis avant de nous connaître. »
La maison est bio à hauteur de 80 % du menu, à peu près. On n’achète rien à plus de 150 kilomètres de Bordeaux. À l’entrée, fruits et légumes sont en vente. « Au début, cela a bien marché et puis un Biocoop s’est installé pas loin. On ne peut pas lutter. Les légumes sont restés pour que les clients voient ce qu’ils mangent. » Et puis cela donne un air de marché, un air de campagne sur cette artère bruyante et dévolue à la circulation mais à forte densité de jardins, de jeunes couples et de consommateurs sélectifs aux palais délicats.
Cette attention vers la nature n’est pas le fruit d’une étude de marché. Même si François Augereau est lucide. Ce n’est pas demain qu’il mettra la langue de veau Lucullus à la carte. Pourtant… Cette recette de langue de veau tranchée en longueur en fines tranches au milieu desquelles on glisse du foie gras était une spécialité de Benoit, maison tripière parisienne depuis plus de cent ans où il a travaillé. C’est au Benoit qu’allait Jacques Chirac lorsqu’une envie de tête de veau le prenait. « Ici ? Des abats ? Je n’y ai jamais pensé et maintenant que j’y pense, je n’oserai pas. Je ne sais pas, je trouve que le créneau ne colle pas. Je pourrais préparer du ris de veau à la limite… Ceci dit, si on n’est pas végétarien, il est plus écologique de manger des bas-morceaux que le contraire mais ici, non, les abats dérouteraient la grande majorité de nos clients. »
François Augereau, en fait de lutte contre le gaspillage, préfère se concentrer sur les pluches de légumes. « Hier, si j’avais jeté mes épluchures, cela aurait constitué un sac-poubelle de 50 litres. Soit je jette et cela part en fumée, soit je les utilise. Il faut bien les laver avant de les éplucher, ensuite les torréfier au four sur une plaque avec un peu d’huile d’olive. Une fois qu’elles ont une couleur dorée, on les met dans une marmite, on les couvre d’eau froide et on fait monter doucement à température pour les faire infuser et les utiliser pour des jus ou comme bouillon. Attention, tout n’est pas réutilisable, les côtes d’épinard par exemple ».
Le recyclage des déchets organiques à des fins gastronomiques est un acte sensé à la condition que ceux-ci soient biologiques. Sinon cela s’appelle un suicide. François Augereau donne aussi des cours de cuisine particuliers et personnalisés. Sérieux et absence de tape-à-l’oeil garantis.
Very Table 51, rue Judaïque. Boutique ouverte du lundi au vendredi de 9 h à 18 h. Du lundi au vendredi, 11 h 30 à 14 h, vendredi soir jusqu’à 22 h. Réservation : 05 56 01 26 97 www.very-table.com
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Sous la toque derrière le piano #70
Prenons une artère dans le quartier Saint-Michel-Capus, la rue du Hamel, sans charme particulier mais où trois restaurants sur quatre ont ouvert leurs portes en moins de deux ans. Un signe dans un quartier en phase préparatoire de mutation.
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L’Abrenat, 1, rue du Hamel.
Papy fait de la résistance, 59, rue du Hamel.
Sumi, 61, place des Capucins.
par Joël Raffier
À tout seigneur tout honneur. L’Abrenat est le premier à avoir ouvert au milieu de la rue du Hamel il y a plusieurs années. Ce bistrot-bar à vins fait dans la charcuterie artisanale, le plat du jour consistant et le vin au verre. Les prix sont restés raisonnables et l’humour têtu du patron n’a pas varié : « Nous sommes toujours aussi cons. » Une expérience chaleureuse au final. 
Le Fer à cheval, un peu plus bas en se dirigeant vers les quais, vend des vins rares des Balkans. La cave a l’air intéressante et permet de s’attabler. L’endroit dispose d’une petite terrasse ensoleillée plutôt agréable, mais, à l’intérieur, une odeur de vieille huile vous dissuade, tout comme les hors-d’œuvre neurasthéniques autour d’une salle à manger gaie comme le buffet de la gare de La Roche-sur-Yon. La carte décourage tout à fait. L’andouillette et la chipolata sont au même prix (8 euros), ce qui augure d’une andouillette quelconque ou d’une chipolata de haute lignée. On y trouve 20 plats, 11 salades (dont une salade « bordelaise » avec feta, comme il se doit), 2 menus, 10 desserts, dont des fraises chantilly toute l’année, et, ouf ! des tapas. Soit près de 50 articles servis dans l’espace d’un coffee-shop… 
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  À l’autre bout de la rue du Hamel, vers la place des Capucins, il en va autrement avec Papy fait de la résistance, ouvert il y a un peu plus de six mois. Une découverte. Voilà un restaurant qui a compris l’intérêt de la proximité des Capus et leur promesse de fraîcheur : le menu change chaque jour avec 2 entrées, 2 plats, 2 desserts. C’est une cuisine traditionnelle et pimpante avec des sauces et même des plats rares comme la rafraîchissante salade de champignons à la grecque, (vin blanc, tomates, ail et citron) (6 euros). La mozzarella avec roquette et tomates en salade est plus classique, mais se distingue avec trois petites asperges vertes en fagot liées par du bacon (6 euros). Ici, on sait ce que l’on achète, ce que l’on cuisine et ce que l’on sert aux clients. On a goûté encore un cabillaud sur une polenta, accompagné d’un buisson d’épinards et d’une sauce vierge (sauce froide avec tomates, huile d’olive et herbes aromatiques (16 euros). Cuisson parfaite du poisson et rendu idéal des épinards. Même qualité avec le magret de canard, purée de patates, carottes nouvelles et sauce meurette (sauce bourguignonne au vin montée au beurre, 16 euros). 
Le décor est agréable, modeste et attrayant à la fois, il ressemble au menu. Des tables en bois, fleuries (c’est rare), de jolies assiettes anciennes et, détail romantique, des chandeliers le soir. Côté dessert (5 euros), on reste dans le plaisir avec le moelleux croustillant d’abricot à la crème d’amande et le gâteau chocolat-noisette-amande. Un vin léger d’Anjou (domaine du Petit Clocher) pour 15 euros. Déjà populaire dans le quartier à midi, et c’est justice. 
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Juste en face, le Sumi donne sur la place des Capucins. Le Sumi est sur le concept du bistrot japonais (izakaya) et on y sent les prémices de l’identité du quartier à venir : hype. On y découvre des mets goûteux peu représentés à Bordeaux dans le genre nippon, des grillades, des assortiments de brochettes surprises du chef (cinq pour 9,80 euros), avec des volailles, des gambas sauvages (2 euros). Tout ou presque y est servi en brochette. Là encore on est dans la cuisine de marché et on découvre que les Japonais ne mangent pas que du poisson : poitrine de veau (2,30 euros), langue, foie et cœur (1,90 euros), toujours en brochette. La langue est dure et caoutchouteuse, mais le chef explique que cela se mange ainsi, grillé, sans être bouillie au préalable. Les végétariens (la clientèle est assez féminine) aimeront les edamames, ou fèves de soja, délicieuse verdure entre fève et petit pois, sans sel, idéalement cuites à la vapeur à même les cosses (5 euros), le kimchi (chou chinois mariné, 6 euros), et la boulette de riz braisée au charbon, aussi craquante sur le dessus que difficile à saisir avec des baguettes (3 euros). Le bar en bois est face au grill où rougissent les braises de charbon, l’endroit et le service sont agréables et les prix ridiculement bas. Là est le hic. Le concept est parfait comme on peut le dire d’un piège. Car les portions sont ridicules elles aussi. On commande, on passe son temps à commander. Des brochettes à moins de 2 euros et encore des brochettes, sitôt servies, sitôt avalées. Effet tapas. On a l’impression d’un long apéritif. On peut faire un mikado avec les reliquats des brochettes, à peine plus grands que des cure-dents. Arrive le rouleau de l’addition, surprenant : 20 cm pour deux personnes. Pour 70 euros, sortir avec une petite faim, c’est bon pour Paris, pour Londres, pour Tokyo, pas encore tout à fait pour les Capucins. Enfin si, visiblement, puisque le restaurant ne désemplit pas. 
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