Tumgik
#ch'uis fatiguée putain
lavoideladolescence · 8 years
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Chapitre 3
Séra cligna des yeux une fois, puis deux. « Élaine?! », s'exclama la rousse, bouleversée par sa trouvaille. Elle tapota les joues de la Coréenne en espérant qu'elle se réveillerait, mais il n'y avait rien à faire. « Oh mon Dieu, est-elle morte? ». L'idée lui glaça le sang et elle plaça ses doigts frénétiquement sur le cou d'Élaine pour vérifier si elle avait un pouls. La rousse fut soulagée de voir que celle-ci était toujours vivante, mais ce dernier était quand même faible. Séra se demanda ensuite ce qu'elle devait faire. « Je sais! Je pourrais l'apporter chez Geneviève, elle saura quoi faire! ». Séra prit une inspiration: elle allait devoir porter Élaine jusqu'à l'infirmerie. La rousse prit celle-ci dans ses bras et tenta de lui mettre sur son dos.
Quelques tentatives plus tard, elle y parvint enfin. Séra se dépêcha d'aller vers le bureau de l'infirmière et toqua à la porte rapidement. « Putain, elle est probablement partie pour la journée », réalisa la rousse quand personne ne lui répondit. Elle n'avait plus le choix: il fallait alerter l'hôpital. Le seul problème était Élaine: Séra la tenait avec ses deux mains et elle ne pouvait pas prendre son cellulaire sans la déposer. « Tabarnak, j'ai pas de temps à perdre. Élaine, je m'excuse mais je vais devoir te poser un instant », se dit-elle en regardant sa passagère. Au moment même où elle allait faire ceci, un garçon apparut du coin du couloir adjacent.
— Ey! Peux-tu m'aider s'te plaît! appela Séra en le voyant.
Le garçon se retourna vers elle et fronça les sourcils en voyant les deux filles. Il s'approcha d'eux précipitamment et pointa Élaine du doigt:
— Euh, qu'est-ce qui s'est passé avec celle-là?
— Aucune idée, je l'ai trouvé comme ça aux toilettes des filles du troisième. J'ai essayé de l'apporter chez l'infirmière, mais elle n'est plus là. Il faut que tu appelles l'hôpital! répondit Séra.
— Ah, j'ai pas mon cell avec moi, je l'ai laissé au gym avec mon ami.
— Ben prends le mien alors! Il est dans ma poche. Et fais vite, j'ai aucune idée si elle va mourir ou ch'sais pas quoi.
Comprenant la gravité de la situation, le garçon le prit et composa le 911 sans tarder. Séra, de son côté, tentait d'ajuster Élaine sur son dos. Elle n'était pas lourde, mais la rousse avait des muscles faibles et ses jambes commençaient à trembler. Le garçon l'observa dans sa lutte un moment avant de demander:
— Veux-tu que je la porte pour toi?
Séra lui donna un regard reconnaissant et fit un signe de « oui ». Elle ne connaissait pas le garçon et elle n'était pas sûr qu'Élaine serait contente avec cette idée, mais c'était mieux que d'échapper l'Asiatique.
— On devrait aller au premier étage et attendre l'ambulance, lui dit-elle.
Il acquiesça et ils se mirent à descendre les marches hâtivement.
— Huh, je crois que je m'habitue à porter des filles inconscientes sur mon dos.
Séra le dévisagea un instant. Le garçon lui regarda curieusement avant de comprendre d'où vient sa réaction.
— Euhm, cette phrase est sortie vraiment mal. Ch'uis pas un salaud qui drogue et qui kidnappe les filles, donc ne me signale pas à la police. J'ai dit ça parce que c'est la deuxième fois cette semaine que je dois porter une fille quelque part.
Les mots du garçon se répétèrent dans la tête de Séra. Lorsqu'ils arrivèrent enfin au premier étage, elle lui fixa suspicieusement:
— C'est quoi ton nom?
Le garçon regarda Séra d'un air amusé.
— Ça fait trois ans qu'on sommes dans la même classe et tu ne connais toujours pas mon nom? Honnêtement, je suis un peu déçu.
Séra tourna la tête pour cacher son visage. « Ah merrrddeee, je suis nulle! », se dit-elle en se tapant le front intérieurement.
— Mais puisqu'une jolie fille comme toi me le demandes, moi, c'est Nael.
La rousse fronça les sourcils.
— Donc, c'est toi qui m'a frappé avec le ballon de soccer?
Le visage de Nael devint neutre et il se racla la gorge.
— C'était un accident, je t'le jure. Mon ami Cyril m'avait dit que je ne pourrais pas botter le ballon jusqu'à l'autre bout du terrain et j'ai voulu lui prouver le contraire. Et il m'a parié 20$ là d'sus, essaya-t-il d'expliquer.
— Tu veux dire que j'ai presque perdu ma tête pour 20$?
Il baissa les yeux, embarrassé.
— T'as raison. Je m'excuse encore pour hier, j'pensais pas que j'allais frapper quelqu'un quand j'ai tiré.
Séra jeta un coup d'œil à son visage. « Il a l'air sincère au moins », se dit-elle.
— Par contre, tu dois admettre que c'était un 20$ bien mérité. T'étais même plus loin que l'endroit que je visais! dit Nael en souriant de nouveau.
— Arrête donc de parler, t'as ruiné le moment.
Nael fit un geste de fermer sa bouche avec ses doigts et ils arrivèrent à l'entrée principale de l'école. Séra prit soin de notifier la secrétaire de l'arrivée de l'ambulance et les adolescents attendirent dehors en silence. Plus les minutes passaient, plus Séra se sentit inquiète. « Pourquoi l'ambulance n'est-il pas encore arrivé? », s'impatienta-t-elle. Voyant que la rousse était agitée, Nael tenta de la rassurer.
— Ne t'en fait pas, ils vont être ici bientôt et tu pourras accompagner ton amie à l'hôpital. Tout va bien aller.
Séra resta muette. « On n'est pas exactement des amies. Littéralement toutes interactions se sont fini mal », songea-t-elle. En fait, la rousse n'avait pas d'amies en général. Séra n'était pas complètement antisociale: elle pouvait tenir une conversation avec quelqu'un et ce n'était pas comme si elle détestait les travaux en équipe. La rousse n'avait simplement pas beaucoup d'intérêt pour les gens; elle n'appartenait à aucune clique particulière, préférant se garder à elle-même plutôt que de socialiser. Après la rupture de son amitié avec Viviane, elle s'était habituée à être seule. Ce n'était pas la pire chose au monde, vu que ça lui permettait d'éviter plusieurs inconvenances qui venaient avec les groupes d'amis.
Elle savait, grâce à Naomi, que la clique de Sheila avait rejeté une des filles du groupe parce qu'elle s'était mise à être trop « dépressive ». Il y avait aussi la gang de Hadi, qui s'était séparé en deux après que l'un d'entre eux avait volé la blonde de l'autre. Et tout le monde savait que la clique de Bianca était composée de filles qui s'insultaient secrètement l'une derrière le dos de l'autre. Bref, il y avait trop de choses qui pouvaient aller mal lorsqu'on formait un groupe d'amis.
Finalement, Séra entendit des sirènes s'approcher. L'ambulance se stationna devant l'école et la rousse se permit de mieux respirer. La rousse jeta un coup d'œil vers Élaine, qui était toujours inconsciente. La brunette avait l'air plus pâle que d'habitude. Deux ambulanciers sortirent du véhicule et leur indiquèrent de placer Élaine sur la civière. L'un d'entre eux leur ordonna ensuite de rentrer dans l'école. Séra se retourna vers Nael d'un air paniqué:
— Il faut que j'y aille avec elle. Je ne veux pas la laisser toute seule.
Nael fit un signe de la tête et capta l'attention du paramédical.
— Est-ce qu'elle peut venir avec vous?
Il pointa son pouce vers la rousse à côté de lui.
— Seulement les membres de la famille de la patiente sont autorisés à l'accompagner dans l'ambulance. Je sais que tu es inquiète pour ton amie, mais on doit suivre le protocole.
Sans prendre le temps de réfléchir, Séra ouvrit la bouche et annonça soudainement:
— Mais je suis sa sœur!
L'ambulancier et Nael la fixèrent avec des points d'interrogation dans les yeux. Ce dernier s'approcha d'elle et se baissa pour lui chuchoter:
— C'est quoi ce mensonge de merde!? Vous êtes aussi similaires que les deux parties d'un œuf: elle est la partie jaune et t'es la partie blanche. On ne peut pas être plus différent que ça franchement!
Séra ignora les remarques de Nael et continua avec son histoire.
— Vous voyez, je suis adoptée, expliqua-t-elle en tentant de garder son visage impassible. Ma sœur s'appelle Élaine Park et moi, c'est Séra Park. Ma mère a marié son père lorsqu'on avait 7 ans et depuis ce jour-là, nous sommes inséparables. S'il vous plaît, ne me forcez pas à me séparer de ma sœur alors qu'elle a besoin de moi!
Le paramédical n'avait pas l'air complètement convaincu par ce qu'elle disait, mais Nael enchaîna:
— Elle dit la vérité. Vous pourriez même demander au directeur de l'école si vous y insistez, mais je crois qu'il y a une plus grande urgence en ce moment.
L'homme considéra ses options. Il jeta ensuite un regard vers l'ambulance, où Élaine attendait toujours.
— D'accord, se résigna l'homme, monte à bord. Mais l'autre devra rester ici.
— Aucun problème, il fallait que je partes de toute façon, répondit Nael en mettant ses pouces dans l'air à l'intention de Séra.
Celle-ci se hâta d'entrer dans le véhicule. Elle se retourna avant se partir:
— Merci encore pour ton aide Nael, je m'excuse de t'avoir entraîné dans toute cette histoire.
— T'inquiète, je te devais une faveur pour ce qui s'est passé hier. Puis, grâce à toi, ma journée est devenue beaucoup plus intéressante. Prends soin de ta sœur, Séra Park.
Il lui fit un clin d'œil et les portes de l'ambulance se fermèrent. Séra l'observa pendant que le véhicule s'éloignait de l'école. « Il est assez sympathique », se dit Séra.
En moins de cinq minutes, ils arrivèrent tous à l'hôpital le plus proche et les paramédicaux se précipitèrent d'amener Élaine à l'intérieur. Séra les suivit et fut ensuite obligée de rester dans la salle d'attente pour que les infirmières puissent faire leur métier. L'une d'entre elles s'approcha de la rousse et lui jeta un coup d'œil. Elle avait la mine sérieuse.
— Mademoiselle, suivez-moi. Il faudra qu'on aille vous soignez aussi.
Séra la fixa avec un air d'incompréhension. « Elle parle de quoi là, j'ai pas de blessures », se dit la rousse. Elle suivit le regard de l'infirmière et réalisa qu'elle portait toujours son tablier du club d'arts. En effet, avec les tâches de peinture rouge dessus, on pouvait facilement croire qu'elle était en train de saigner. Séra expliqua cette anecdote à l'infirmière et celle-ci fit un soupir de soulagement avant de l'indiquer d'aller se présenter à la réceptionniste. Séra discuta avec la dame à la réception sur ce qui s'est passé avant de lui demander comment était la condition d'Élaine.
— La bonne nouvelle est que ta sœur n'est pas en danger imminente. Avec assez de repos elle sera de nouveau sur ses pieds. Par contre, les résultats de ses tests montrent que ses niveaux d'énergie sont très bas, lui dit la réceptionniste.
— Est-ce qu'il y a une raison particulière pour ceci? questionna Séra.
— Le médecin vient de confirmer que Mlle. Park a perdu conscience dû à la fatigue. Les causes les plus communs de la fatigue non reliés à une maladie quelconque sont le stress, une quantité insuffisante de sommeil ou une surcharge d'engagements. Une mauvaise alimentation peut aussi contribuer à la fatigue. Est-ce que votre sœur avait l'air d'être plus préoccupé récemment? Peut-être à cause de l'école, un travail à temps partiel?
— Je ne suis pas très sûre. Nous ne sommes pas vraiment proches...
«En fait, quand je l'ai vu dans la salle de musique, elle semblait avoir l'esprit troublé par quelque chose », songea Séra. La réceptionniste la regarda avec sympathie et continua.
— Je vous conseil d'observer votre sœur de plus près et de vous assurer qu'elle ne se pousse pas trop fort. Faites aussi attention à ce qu'elle ait un régime alimentaire équilibré, sinon elle pourrait développer des maladies actuelles ou éprouver des symptômes de fatigue plus sévères. Nous allons devoir garder votre sœur ici pour la nuit pour être certain qu'il n'y a rien de trop grave avec elle.
— D'accord. Merci beaucoup madame.
Séra allait partir quand la dame lui rappela:
— Attendez, il faudra qu'on appelle vos parents pour les notifier de l'incident.
— Ah, je vois...
Séra prit le téléphone et songea à qui elle allait appeler. Certainement pas ses propres parents: ils avaient des choses plus importantes à faire. Elle ne connaissait pas le numéro de téléphone d'Élaine — d'ailleurs, elle connaissait à peine la fille qui était supposément sa sœur — mais elle savait qu'elle devait contacter sa famille d'une manière ou d'une autre. La rousse prit une décision rapide et composa le numéro de Clarisse.
— Oui bonjour? dit la voix téléphonique.
— Clarisse, c'est moi, répondit Séra.
— Mlle. Caulfield! Où étiez-vous!? Ça fait une heure que vous auriez dû rentrer, est-ce que tout va bien?
« J'aurais dû lui prévenir que je serais en retard... » pensa la rousse. Elle ne voulait pas mettre la dame dans une position défavorable auprès de ses parents et elle savait à quel point la domestique se souciait d'elle.
— Désolé, c'est une longue histoire. Je ne suis pas en danger, donc ne vous inquiétez pas. Par contre, j'ai une faveur à vous demander...
                                                             * * *
Le jour suivant, tous les élèves du troisième étage étaient en train de parler de l'incident d'Élaine. C'était la nouvelle de la journée: partout où la rousse allait, les gens faisaient leurs propres théories sur ce qui a pu se passer la veille après l'école. « Cibole, ça s'est répandu vite », pensa-t-elle en regardant les différents cliques qui bavardaient. Séra avait essayé de repérer la Coréenne dès qu'elle fut arrivée, mais en vain.
En s'approchant de son casier, elle vit que quelqu'un s'était accoté dessus. Séra détestait quand les gens faisaient ça, c'était tellement inconvénient! Légèrement agacée, elle tapota l'épaule de la personne et se racla la gorge:
— Pardon, mais t'es en train de t'appuyer sur mon casier.
La personne se retourna et se révéla à être Nael, qui lui sourit.
— J'sais que c'est ton casier, j'ai fait exprès de me placer ici pour venir te voir.
— Maintenant que j'y pense, depuis quand est-ce que tu sais où se trouve mon casier? Je me suis demandé ceci l'autre fois quand j'ai trouvé le sac de collations, mais j'ai oublié de te le demander.
— Ehhh, c'est pas important, répliqua-t-il en regardant le plafond, en tout cas tiens, t'a oubliée ça hier.
Nael lui tendit son sac d'école, celui qu'elle avait négligé de retourner prendre le jour précédent. Séra le prit en laissant échapper un « Oh! ».
— T'as mentionné que tu l'a laissé aux toilettes, donc ch'uis passé le chercher avant de retourner chez moi.
Séra fut étonné d'apprendre qu'il s'était souvenu de cela. Elle avait elle-même oublié que son sac s'y trouvait puisqu'elle en avait plusieurs à la maison.
— Merci, c'est gentil de ta part, lui dit la rousse en fouillant dedans pour vérifier que tout s'y trouvait. Elle ne pensait pas que Nael serait le type de personne qui volerait des choses, mais c'était toujours mieux d'être prudent.
— Bien sûr, je suis le plus gentil de tous les gentilhommes de cette école. D'ailleurs, il y en a pas beaucoup qui sont comme moi.
— Un gentilhomme qui a failli me tuer, mais bon...
Nael pris un air à demi offensé et plaça une main sur sa poitrine.
— Ben là, arrêtes d'exagérer! Après tout ce que j'ai fait pour toi, c'est comme ça que tu me remercies? Tu es si cruelle, Séra Park.
Il fit ensuite semblant d'essuyer une larme de son œil.
« Mon dieu, il est si dramatique », songea la rousse en souriant malgré elle.
— Mais passons aux choses plus sérieuses, continua-il. Comment elle va ta « sœur »?
— Honnêtement, je ne suis pas sûr à 100%. J'ai réussi à contacter ses parents hier, donc je sais qu'ils prendront soin d'elle. Mais je ne l'ai pas vu ce matin et ça m'inquiète un peu.
— Relax, elle est probablement en train de se reposer. Et je ne crois pas que ses parents la laisseraient aller à l'école tout de suite après avoir quitté l'hôpital.
Séra hocha la tête; ce qu'il disait était plausible. L'avant-dernière cloche retentit et les deux adolescents furent surpris de voir qu'ils ne restait presque personne dans les couloirs. Nael regarda sa montre et grimaça.
— Mierda, faut encore que j'passe par mon casier. Il est pratiquement à l'autre bout du monde. Je dois partir, mais essayes de ne pas trop me manquer, d'accord?
Et avec ça, il salua la rousse à deux doigts et s'élança vers le couloir opposé. Séra eut un petit rire en le voyant courir et les deux adolescents se dirigèrent vers leurs cours respectifs.
En s'assoyant à sa place dans la classe d'anglais, Séra entendit Naomi et une autre fille, Eunice, en train de parler de la situation. Elle décida d'y prêter l'oreille.
— Nao, connais-tu la fille qui s'est évanouie hier? Tout le monde parle d'elle, commença l'Haïtienne.
— Ouais. Elle s'appelle Élaine Park, je l'ai dans mon cours de physique. J'la parle jamais par contre, son attitude est aussi froid que l'Antarctique. Y paraît aussi qu'elle était la présidente du conseil étudiant jusqu'à l'an dernière, mais qu'elle a donné sa place au vice-président cette année. J'me demande pourquoi elle a quitté, songea la Japonaise en jouant avec son crayon.
— Woah, elle doit être une intello, n'est-ce pas? À ce que j'entends, les élèves du conseil sont tous des bolés.
Naomi s'approcha d'Eunice comme si elle allait lui dire un secret.
— Apparemment, ses notes de bulletin sont si hautes que même Jésus doit se casser le cou pour les voir.
— Putaiiiinnn, j'pourrais jamais connaître cette vie avec mes presque 60! Déjà que j'ai de la difficulté à atteindre le ciel et voilà qu'elle chill dans l'espace avec les extraterrestres. Qu'est-ce que tu penses lui est arrivé pour qu'elle se retrouve à l'hôpito?
Naomi haussa les épaules.
— Je sais seulement qu'on l'a retrouvé aux toilettes du troisième. Certains disent qu'elle s'était évanoui après avoir pris un test de grossesse et qu'elle était enceinte. D'autres affirment qu'elle s'est bagarré avec l'une des joueuses de volley et que ça s'est fini en sang. Ça ne me surprendrait pas, elle a l'air d'être du type de te casser la gueule si tu la regardes mal. Une autre théorie était qu'elle a eu une surdose de drogues. Ça expliquerait pourquoi elle est si de mauvaise humeur tout le temps.
« Esti, c'est quoi toutes ces conneries? », se demanda Séra. Les rumeurs qui sortaient de la bouche de Naomi étaient ridicules. Ils rendaient la rousse inconfortable et elle avait envie de leur expliquer ce qui s'était vraiment passé, mais elle s'abstint vu que ce n'était pas sa place de le dire.
— Personnellement, je crois qu'elle a tenté de se suicider après avoir réalisé que personne ne l'aime. Si cette Chinoise a réussi à se tuer, tant mieux pour nous! Ça nous fera une connasse de moins, annonça une autre voix.
Les regards des adolescentes se dirigèrent vers Bianca, qui écoutait depuis le début de la conversation. Séra avait gardé son expression neutre, mais intérieurement elle se sentait horrifiée et offensé pour la Coréenne. Clairement, l'Italienne avait une haine profonde envers Élaine. Les deux filles furent bouche-bée et ni l'une ni l'autre ne parla un moment.
— Quoi? Vous n'êtes pas d'accord avec moi? questionna l'Italienne en levant un sourcil.
— Bien sûr que non Bianca! répondit Naomi en la rassurant. Maintenant que tu le mentionnes, c'est vrai que sa présence m'irritait beaucoup. Elle avait toujours la mine refrognée quand j'la voyais dans les couloirs. T'sais, elle n'était même pas supposé être accepté à Burgonsmount, mais le directeur a fait une exception à cause de ses notes.
L'Italienne semblait satisfaite par sa réponse et se tourna vers Eunice.
— Ben moi, je ne l'ai jamais parlé. Mais d'après ce que vous'm dites, elle a l'air d'une vraie pétasse.
— Croyez-moi, elle en est une. Elle se comporte comme si elle était meilleure que tout le monde et ne sais jamais quand fermer sa grosse gueule, j'peux pas la supporter.
« Connasse , tu viens littéralement de décrire ta propre personnalité », pensa Séra, irritée.
— Ah, Louie m'a envoyé un texto! Désolé les filles, il faut que je lui réponde, pipa l'Haïtienne en sortant son cell de sa poche. De sa position, Séra pouvait voir que son écran était noir. Personne ne lui avait texté.
— Eurgh, vous deux et votre amour grossière. Vous ne vous lâchez jamais, c'est un peu dégoutant, dit Naomi pour la taquiner.
Les trois filles continuèrent de parler d'autres choses et Séra se coucha sur son bureau. « C'est incroyable, l'influence que cette pétasse a sur les gens. Elle n'a vraiment pas de scrupule », songea-t-elle. Même si Séra n'était pas sur de bonnes termes avec Viviane, elle n'aurait jamais dit quelque chose d'aussi horrible que ça. Elle ferma les yeux et se mit à repenser à la journée précédente.
Pour une fois, elle avait décidé de s'impliquer dans une affaire qui ne la concernait pas. Séra ne savait pas pourquoi elle était si déterminé à rester avec Élaine la veille: elle aurait pu la laisser avec Nael et elle n'était pas obligée de l'accompagner jusqu'à l'hôpital. De plus, elle avait demandé à Clarisse de contacter le secrétariat de son école pour qu'ils puisent avertir les parents de la Coréenne et est restée dans la salle d'attente en attendant qu'ils arrivent. Aussitôt qu'elle avait vu la mère d'Élaine (au moins, elle espérait que c'était sa mère. En tout cas, elles se ressemblaient), la rousse s'était éclipsée. « Je crois que j'avais perdu la tête hier », se dit-elle.
En réalité, Séra s'était senti coupable chaque fois qu'elle voyait Élaine dans les corridors. Les mots de celle-ci après le harcèlement d'Avani l'avaient marqué plus qu'elle ne voulait l'admettre et elle espérait lui montrer qu'elle pouvait être une bonne personne. En plus, elle éprouvait une certaine faiblesse envers Élaine, qui avait l'air si triste en jouant le piano. « Je me demandes si elle va mieux maintenant », pensa-t-elle en fermant les yeux.
                                                              * * *
Une semaine passa avant que Séra ne réaperçoit Élaine à l'école. La rousse venait tout juste de sortir de son cours de français quand elle vit la Coréenne attendant à quelques pas de la porte. Séra l'observa un moment: elle avait l'air beaucoup plus en forme, mais aussi d'avoir l'esprit en conflit. En l'apercevant, Élaine lui fit un petit signe de la main et la rousse s'arrêta net devant elle.
— Il faut qu'on se parle. Suis moi.
Intriguée and un peu nerveuse, la rousse la suivit jusqu'au bout du couloir, où elles étaient plutôt isolées des autres élèves. Élaine ne parla pas pendant un moment puis lâcha un soupir.
— D'abord, je voudrais te remercier pour m'avoir aidée la semaine dernière. J'ai entendu dire que c'est toi qui m'a trouvé et qui m'as accompagné à l'hôpital. C'était un moment assez difficile pour moi et j'en suis très reconnaissante.
Séra allait lui répondre que c'était aucun problème, mais Élaine leva un doigt pour montrer qu'elle n'avait pas fini.
— Par contre, je ne peux pas accepter le fait que tu payes mon frais d'ambulance. J'ai failli m'évanouir de nouveau quand ma mère m'a révéler que tu avais tout payé pour moi. Je te rendrait ton argent aussitôt que j'aurais accumulé assez de mon travail à temps partiel. Je crois que je pourrais demander à ma patronne une avance sur mon salaire, mais il me faudra quand même quelques mois pour tout te repayer. J'espère que ça ne te déranges pas trop.
« Donc c'est ça qui la préoccupait...», se dit Séra.
En effet, Séra avait aussi demandé à Clarisse d'arranger le payement du frais de l'ambulance pour Élaine. Avant de s'évader de l'hôpital, elle avait entendu la mère de la Coréenne en train de demander si elle pouvait faire des payements séparés pour la facture, vu qu'elle n'avait pas encore reçu son salaire. Figurant qu'elle avait besoin d'aide, la rousse avait décidé de secrètement payer ses frais d'hôpital.
— C'est ça qui te préoccupait? Vraiment, ce frais n'est pas important. Je ne te forces surtout pas de me repayer.
— C'est pas important?! La facture était de 135$! C'est pas rien ça quand même. J'peux pas accepter ton argent juste parce que tu as eu pitié pour moi.
— S'il te plaît, prends le. Ça ne changera rien pour moi de toute manière.
Séra sentait qu'Élaine allait argumenter de nouveau, donc elle ajouta:
— De toute façon, je te dois quelque chose pour m'avoir fait réaliser que j'avais tort d'ignorer Avani cette journée aux toilettes. Tu avais raison, j'ai agi comme une peureuse quand j'aurais dû l'aider à s'en sortir. Puisque tu m'a aidé à comprendre cela, laisse-moi t'aider cette fois-ci.
— J'avais raison alors, c'était en effet toi qui se trouvait dans la cabine. Je l'ai su le moment où tu m'avait appelé « Park ». Seulement Bianca et Marisol m'appellent de cette manière, donc il n'y a pas d'autre moyen que tu l'ai su à moins de les avoir entendu. Et j'm'excuse aussi d'avoir été si franche avec toi cette journée, ces genres de situations d'injustice me tracassent le plus donc j'ai lâchée ma frustration sur toi.
Elle prit une pause avant de continuer. La détermination se fit apparaître sur son visage et elle tapa ses deux mains d'un geste rapide.
— Bon, j'accepte ton aide. Mais en revanche, à partir d'aujourd'hui, nous allons devenir amies.
« Hein? De quoi elle parle là? », se demanda Séra. De toutes les choses qu'elle aurait pu dire, elle ne s'était pas attendu à entendre cela.
— Ne me regardes pas comme ça. Comme tu l'a peut-être deviner, je suis quelqu'un avec une mauvaise réputation, donc il y a pas grand monde qui veut s'approcher de moi. C'était mon but de me faire une amie dans ma dernière année du secondaire pour que mes parents arrêtent de penser que je suis une délaissé. Ils croient que je vais finir pas mourir toute seule sans avoir eu d'interactions humaines.
La rousse fut touchée par ce que la Coréenne avait dit. Ses parents faisaient la même chose: ils espéraient toujours qu'un jour Séra inviterait des amis chez eux, vu qu'ils ne voulaient pas qu'elle se sent comme une rejetée (c'était un peu trop tard pour ça, mais bon). À leur grande déception, leur fille n'avait jamais apporté de visiteurs à la maison. « On a quelque chose en commun », nota-t-elle.
— Donc, avons-nous un deal? questionna la pianiste.
— Attends, attends, si je comprends bien, je te donnes mon argent et mon amitié?
— Précisément.
— Ah bon.
Séra y pensa un peu avant de conclure qu'elle n'avait rien à perdre. Elle se sentait déjà bizarrement attachée à la Coréenne et si elles devenaient amies, elle pourrait s'assurer que celle-ci reste en bonne santé comme la dame à l'hôpital lui avait prévenu de faire. En plus, elle pourrait montrer à Viviane qu'elle n'était pas la seule personne qui pouvait être dans sa vie. Séra hocha la tête pour montrer qu'elle était d'accord avec la proposition étrange d'Élaine et elles se serrèrent la main. « On dirait que je viens de clore un grand contrat d'affaire » rigola-t-elle. Les deux filles se regardèrent ensuite, ne sachant pas vraiment quoi faire maintenant qu'elles étaient supposément amies. Élaine toussa et demanda d'un ton sérieux:
— Donc, qu'est-ce qu'elles font exactement, les amies?
— Ah. Bonne question.
Un autre moment de silence passa et elles pouffèrent de rire. La situation était si ridicule que Séra que pouvait pas y croire. Chacune n'avait pas beaucoup d'expérience avec l'amitié (la rousse avait oubliée comment c'était d'avoir une camarade, vu que son amitié avec Viviane datait depuis longtemps maintenant), donc Séra décida de commencer par quelque chose de simple et faisable.
— Recommençons du début. Bonjour, je m'appelle Séra Caulfield, j'ai 17 ans et j'aime les arts plastiques. J'espère que je pourrais être une bonne amie pour toi.
— Salut, je m'appelle Élaine Park. J'ai aussi 17 ans et j'aimerais un jour devenir une pianiste. Honnêtement, je ne sais pas si nous allons être compatibles mais vu que c'est notre dernière année, j'men gueule. Enchantée de te rencontrer.
Les deux adolescentes se saluèrent de la main et s'échangèrent des sourires avant de rire de plein cœur une deuxième devant l'absurdité de la situation. Ceci fut le début peu orthodoxe de l'amitié entre Séra et Élaine.
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