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Si la foule t’acclame et t’applaudit, regarde de quoi ta médaille est faite. Si l’on t’amène à la potence, regarde de quoi la lame de ton bourreau est faite. Qu’il te favorise ou te couvre d’or ; qu’il te lèse ou t’enfonce la tête dans la boue : Méfie-toi de tout jugement.

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“ Tu mériterais la haine, mais en réalité, tu ne mérites rien du tout “

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Garçon...

Donnez-moi un autre verre de suicide, s’il vous plait.

Celui-ci, oui, sans glaçon.

Donnez-moi aussi un manteau pour masquer mon abdomen translucide, rempli d’étoiles et de néant.

Donnez-moi une autre version de l’évangile, un chapitre secret coincé entre deux pages. Celui qui raconte comment Dieu a fécondé les rivières, comment l’eau engrossée a délavée les côtes ensevelies de ceux qui ont dépassé le stade de l’humain.

Donnez-moi une parenthèse vibrante, un calme moment de suspens, une ombrelle sur mes plaies en feu, un baiser sur le sceau des innommés.

Donnez-moi quelques écarquillements de l’esprit, des encartages entre les plis de mon cerveau, glissés amoureusement mais avec componction, et une pointe de liqueur par-dessus.

Donnez-moi quelques femmes sans charme, sans cils et sans cheveux, sans ongles pour me déchirer le cœur et sans voix pour me saisir l’âme. Je leur apprendrai le non-être et la perfection du don dans l’absence, dans la désertion du présent.

Donnez-moi des cacahuètes et un carré de chocolat caché sous une serviette. Je n’y toucherai pas car ce sont des cadeaux réservés aux morts.

Donnez-moi des impératifs, des faux rendez-vous, des impossibilités et des empêchements. Donnez-moi de l’hésitation, de brefs doutes cyniques, des oublis.

Et, s’il vous plait, rapprochez ce ventilateur, que rien ne se fixe sur moi, que ma peau soit indisponible, inaccostable.

Donnez moi aussi la direction des toilettes pour hommes. Il y a là-bas des soupirs que je voudrais entendre. Le soulagement n’est plus de ce monde, il s’est réfugié dans les cuvettes, sous les pastilles bleues.

Enfin, donnez-moi l’addition, s’il vous plait. Et tant que vous y êtes, apportez-moi toutes mes additions. Même tout ce que je n’ai pas à payer, que l’on me cède tout. Je paierai, sans demander la permission. Car le prix, voilà tout ce qui importe.

Sans le paiement pas de rétribution.

Mais la rétribution n’est qu’une excuse, un prétexte pour s’offrir le plaisir de payer.

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Journal #Ø

Ce journal commence dans un climat de certitude raide et impérieuse.

Je vais m’adonner ici à un exercice sans méthode ni finalité.

Si l'Homme a en lui le désir intime et inexpiable de se livrer à la police de la conscience, j’écris ces lignes animé par des passions vigoureuses qui font de mon âme une terre criblée de cratères, soumise au joug de la guerre impitoyable qui oppose mes instances internes.

Je recommande expressément aux potentiels lecteurs de ces textes d’abandonner toute velléité intellectuelle, toute défense ou encore la moindre volonté de préservation.

Si votre instinct permet de vous faire comprendre cette injonction, je pense que nous pourrions bien nous entendre.

" Que la question du passé, du présent et du futur ne viennent pas faire état ici. Il n'est plus utile d'en parler. Ce qui compte avant tout pour appréhender l'enjeu qui va se dérouler sous peu est de laisser tomber vos pensées pour laisser parler vos sens. Il est plus sage de se fier à vos sentiments plutôt qu'à votre intelligence. Car si l'idée vous vient d'essayer d'anticiper les choses et la signification de ces choses, vous perdrez la route aussitôt que votre volonté de tout comprendre voudra s'exprimer. La vérité viendra à vous si vous ne la cherchez pas, et tant que vous vous obstinerez, elle se cachera derrière un mot dont vous n'auriez jamais eu la moindre défiance. Les mots sont parfois traîtres et avares. Ils ne sont en aucun cas vos alliés, même s’ils sont les vôtres. Encore plus s’ils sont les vôtres. Méfiez-vous du langage, et tout ira pour le mieux.

Il existe un prisme à travers lequel une vision du monde tel qu'il est, quand on ne s'occupe pas de lui, est possible. Je vous propose l'accès à ce prisme, pour que l'ensemble du visible demeure sous le joug de votre consultation. Il ne s'agirait pas de contempler notre univers dans sa «vérité», arborant de nouvelles couleurs et reliefs qu'on ne soupçonnait pas, mais bien d'acquérir le moyen d'envisager les grandes mécaniques de celui-ci, qui, sous forme d'engrenages, vont de part et d'autre de notre planète finir par se rejoindre. C'est-à-dire en un seul point fixe et à un moment donné où il sera visible par tous. On pourrait parfaitement dire que ces grandes mécaniques agissent en amont de toutes formes d'énergies et de volontés, cachées derrière le voile opaque de la réalité. Cette réalité prend donc un tout nouveau sens.

Le sujet n'est point de vous faire penser que le monde que vous voyez n'est pas vrai, et qu'il en existerait un «plus vrai que le vrai» vers lequel nous pourrions nous échapper. Cet espoir n'est pas permis. Ce que j'essaye de vous enseigner, ainsi qu'à moi même en tentant de vous l'expliquer, est qu'il n'est plus question de vérité, mais bien d'intelligibilité, de sensibilité "