cabourdonnedansvosyeux
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(ça bourdonne dans vos yeux)
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blog de la chouine
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cabourdonnedansvosyeux · 1 year ago
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Il y a cinq ans, tes petits pieds qui martèlent. La peau du ventre, tendue comme un tambour. Les petit poings, refermés, secoués de sursauts, le hoquet, constant, ton corps contre mon sternum.
Puis les longues nuit heurtées, sous la couette à motifs poissons ou dinosaures, ton tout petit corps en pyjama de velours blotti contre ma poitrine. Le souffle tiède, l'odeur de levure acide et sucrée de ta peau.
Toujours, toujours, les petons qui piétinent mes cuisses. Comme accroupie sur moi, prête à prendre ton élan, ton envol, tendue, mais abandonnée au rêve. Je n'ai jamais su si tu dormais vraiment pendant ces nuits hachées, blotties, lovées. Je ne dormais pas vraiment mais quel privilège épuisant de veiller ton sommeil.
Aujourd'hui, à nouveau, enroulée contre toi dans ce lit qui heureusement n'est pas encore trop étroit, je respire ton haleine de Fluocaril kids et du caoutchouc de la tétine. Un peu de sueur perle sur ton front, tu repousses le drap, et, alors que je m'écarte ton petit bras, pas encore endormi, pas tout à fait éveillé, ton petit bras m'enlace et me serre. 
Blottie, comme depuis toujours, en dedans puis en dehors, tu reprends ta posture, pieds sur mes cuisses, cou contre cou. Tes petits orteils me piétinent, rythment ton sommeil, ne m'en laissant que des miettes. Je ne m'endormirai pas, car sinon, à mon réveil, tu aurais grandi.
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cabourdonnedansvosyeux · 1 year ago
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Le groupe WhatsApp
Les enfants, les petits enfants, les "pièces rapportées". Ils sont tous là, regroupés comme autour de la table de Noël, dans ce groupe créé autour d'un arbre généalogique. On y parle de la bonne blague du petit dernier, de la bûche ou de la dinde, est-ce que vous avez bien fermé l'eau en quittant la maison de vacances.Depuis quelques temps, on parle aussi scanner, IRM, chute, gériatrie, aide à domicile.Est-ce que nos ainés se doutent qu'ils sont les stars de technologies qui les dépassent tout à fait ? Elle, elle aurait rêvé d'un vrai smartphone, elle qui a été la première à prendre des cours pour savoir utiliser un ordinateur, sous le regard narquois de son mari qui serait bien content plus tard qu'elle sache utiliser cette drôle de machine. Elle aurait adoré prendre des photos avec ce petit truc dans sa poche, envoyer des mms à ses petits enfants, elle qui déjà était la pro des textos "viens-tu manger ce soir, est-ce que tu aimes le foie, si tu n'es pas en forme je te ferai la semoule à la tomate que tu aimes, il reste du porc aux carottes". Alors, pouvoir envoyer des messages à tous ses petits enfants d'un coup "joyeux Noël à tous les 7, je vous ai fait un virement avec mon appli, **GIF animé**", elle aurait été comme une enfant. Mais ses yeux capricieux se sont laissés dépasser par la technologie.Pourtant elle est bien présente dans le groupe WhatsApp. On parle d'elle, notre toute petite matriarche de mauvais poil, qui boude sa soupe ou son poulet rôti, ne voit pas assez son croque monsieur pour réussir à le manger seule mais ne laissera pas se gâter un baba au rhum. On décortique ses symptômes, ses besoins, ses sautes d'humeur.On y aborde plus facilement les sujets qui heurtent la pudeur. La pudeur d'une femme d'un autre temps, où on n'expose pas son corps, où on porte un tricot sur son maillot à la plage car il y a un fond d'air frais, où le corps meurtri par les grossesses et les mauvaises opérations ne dit pas tout haut ce qu'il encaisse sous le corsage.Les soignants qui la malmènent pendant le change, c'est dire la dépendance et la saleté d'un corps. La brosse à dents dans la salle de bains où elle ne peut plus se rendre, c'est dire le dentier et tous ces gestes qu'il faut déléguer. Réfléchir pour elle les gestes, les rituels, les objets.Heureusement il y a le groupe WhatsApp. Parler des choses triviales, lever le tabou des choses sales, des choses dégradées (mais pas dégradantes), c'est dire tout le reste. Les petites choses qui nous rattachent à elle, les visites quotidiennes, le souci qu'on se fait pour elle. Apporter un dessin, une fleur du jardin, un panier pour ses affaires, quelques chocolats. Donner des nouvelles du dehors pour elle qui n'y va plus beaucoup. Tout ça s'organise dans le groupe WhatsApp, le cordon ombilical qui nous relie les uns aux autres."Je vous cause bien du souci" dit-elle alors que je repars, "merci de venir me voir, c'est bien compliqué tout ça" dit-elle.Je pourrais répondre que je l'aime et que c'est pour ça que je le fais, que malgré ses râleries tout ce qui nous importe c'est son bien-être, et rendre au centuple les bisous d'enfance, les câlins, les petits noms, les jours de plage, le flan de la boulangerie, les bibliothèques rose à la brocante. Toutes ces choses qu'on fait et qu'on dit aux gens qu'on aime et à qui on tient. Mais je réponds pudiquement que ça n'est pas grand chose, que ça me fait plaisir, "ce n'est qu'une heure par-ci, par-là" et surtout je réponds "ça n'est pas compliqué, on s'est organisés sur le groupe WhatsApp ".
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cabourdonnedansvosyeux · 3 years ago
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Il y a quelques mois, je suis allée écouter ce qu'il se passait dans la grande salle du Palais de Justice. Moi aussi, j'avais besoin de déposer ça quelque part.
Déposer : verbe transitif, du latin deponere, mettre à terre.
1) Mettre, placer, poser quelque part quelque chose que l'on portait.
2) Mettre, laisser quelqu'un quelque part après l'y avoir conduit.
3) Mettre de l'argent, des valeurs en dépôt, en lieu sûr.(...)
5) En parlant d'un liquide, laisser comme dépôt : Le fleuve dépose des sédiments.
6) Destituer quelqu'un, le dépouiller de son autorité, le démettre de sa fonction, le dégrader.
Au commencement, il y a un rendez-vous à un barrage de police. Dès le début, on sait que ce sera une drôle d'idylle. L'air est froid et presque bleu, le ciel est clair, de petites vaguelettes froissent la surface de la Seine qui coule en contrebas. Presque indifférents aux forces de l'ordre, des touristes se prennent en photo devant la statue d'Henri IV en mettant leur main en visière pour se protéger du soleil d'hiver qui les éblouit.
Devant eux s'étend la place Dauphine, sereine comme à son habitude, comme ce soir d'août 2014 où j'ai espéré sur cette même place que celui qui partage maintenant ma vie m'embrasse pour la première fois. On nous cherche sur la liste des parties civiles, bien évidemment nous n'y sommes pas puisque nous sommes leurs "invités", à cette fête macabre, dans un carré VIP sans champagne. L'air sérieux et un brin idiot des flics me donne une folle envie de rire, mais je me retiens. Ça ne serait vraiment pas le bon jour pour arborer un badge ACAB.
C'est impressionnant, de gravir les marches du Palais de justice pour la première fois. Un lion nous observe, placide, bienveillant. L'atmosphère est faussement détendue, on plaisante, on s'étreint, un plaisir oublié mais nécessaire. Comme je n'ai pas de badge, je présente mon laisser-passer, et je suis agréablement surprise, finalement, par la bienveillance et la douceur des forces de l'ordre. Derrière les masques, on voit des sourires.
La salle principale est comme une église laïque. Toute en douceur de bois clair, elle est baignée d'une lumière artificielle qui fait se confondre le jour et la nuit, le beau et le mauvais temps. Le bois fait oublier les parois en verre derrière lesquelles sont assis les accusés. De là où je suis, je ne vois pas leurs visages.J'ai la vision fugace d'un témoin, en veste de costume, debout dans l'allée centrale, comme le père d'une mariée qui ne se présentera pas devant monsieur le Maire.
Les témoignages vont se succéder. Les visages des proches, familles et victimes, projetés sur de nombreux écrans, vont probablement me suivre longtemps. Et, si certains rapportent des détails plus croustillants que d'autres, qui seront repris par la presse, tous prennent le temps nécessaire pour exprimer leur douleur. Peu d'entre eux interpellent les accusés, qui restent impassibles.
Plusieurs fois je me suis demandé si ces derniers n'avaient pas accepté d'assister à leur propre procès dans le seul but de rompre la monotonie de leur détention en quartiers de haute sécurité. Peut-être qu'ils ont l'impression de regarder une série Netflix particulièrement bien ficelée.
Il faudra mériter les dépositions que je suis venue entendre. Mais après tout, on a attendu six ans, on n'est plus à quatre heures près, même s'il faut les passer assise sur un banc de bois. Je pense à tous ceux qui écoutent la webradio, jour après jour, douleur après douleur.
Je pensais que ce serait dur mais c'est encore pire. Je retiens mes larmes, désespérément. Le masque dissimule mes grimaces de tristesse, je plante mes ongles dans mes mains pour ne pas hoqueter. La nuit qui suivra, je ne pourrai pas fermer l'œil, tant mon dos sera noué. J'ai la gorge sèche et mal à la tête face à ces mots qui résonnent dans cette grande église de la justice.
Pourtant, le plus dur finalement est de quitter ce petit monde à part pour retourner dans le monde extérieur. Quel drôle de sentiment, de se sentir un peu parmi les siens auprès de tous ces inconnus qui sont de la même famille, celle de la tristesse. De l'autre côté du Pont-Neuf, la ville bruisse. Mon regard se heurte partout à la joie de la fin de semaine et aux lumières de la rue de Rivoli. Il faudrait que je puisse aller marcher seule plusieurs heures pour faire le tri de mes pensées, mais ma vie m'attend.
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cabourdonnedansvosyeux · 4 years ago
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Doit-on déposer sa peine
" J'en ai marre de la façon dont on essaye de pas vous oublier tout en faisant tout pour vous oublier. "
La voilà la phrase autour de laquelle je tourne depuis 5 ans, bientôt 6. La voilà, au détour d'un podcast, la phrase d'un inconnu, qui a mis son temps au service des souvenirs des autres, pour commémorer le souvenir de quelqu'un qu'il ne connaît pas.
Voilà ce qui m'obsède, et qui me coupe en deux. Est-on obligé d'aller de l'avant ? Est-il nécessaire de laisser sa tristesse en chemin, de la déposer comme de petits cailloux sur le chemin jusqu'à avoir les poches vides et le pas léger ? Avance-t-on vraiment plus vite lorsqu'on est délesté de cette peine indicible, insupportable et pourtant avec laquelle on a appris à marcher depuis ces 5-années-presque-6 ?
Ce grand vide que tu laisses, est-ce qu'il ne m'allège pas, au contraire ? Il m'allège de l'obligation d'être sérieuse, il m'autorise à profiter de l'instant présent, il me donne le droit de connaître la valeur des petits moments, ceux que l'on regrette de n'avoir pas vécus quand l'autre part trop tôt.
Parfois il y a des larmes, mais ces larmes, est-ce que j'ai le droit de les chérir ? De m'y blottir comme dans un lit douillet, pour y puiser l'énergie d'une bonne nuit de sommeil avant de repartir d'un bon pas le lendemain ?
Cette tristesse, c'est ce qui me reste de toi Lola. Cette tristesse mêlée de joie, ces pleurs de rire ou de désespoir, parfois on ne sait plus. Cette tristesse c'est un peu comme l'amour qui foudroie quand on regarde son enfant, que l'on sait qu'il va grandir, et partir un peu, mais qu'on l'aime à en avoir mal. C'est la tristesse de l'amie qui ne reviendra plus mais qu'on aime à en perdre le souffle.
Je regarde mon enfant danser, ses cheveux en bataille, son short de petit garçon qui tombe sur ses hanches, son tshirt qui se met de travers, sa tête qui s'agite en suivant le rythme de la musique (pas des comptines, non, du rock, des guitares), je l'écoute crier, rire à gorge déployée, manger salement, grimper sur les chaises, courir, et je vois ta folie, ta vie débordante, ton énergie à la fois gracieuse et brute, et je me dis que ma tristesse de t'avoir perdue sera toujours là, dans la joie mêlée de terreur que j'ai à la voir grandir.
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cabourdonnedansvosyeux · 6 years ago
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Petite pêche
J'observe ta peau veloutée et je t'aime, petite pêche, petit abricot parfait. Ton nez qui forme un bouton de rose et ta bouche aux moues incessantes. Ton souffle rythme mes nuits et mes jours et je me demande, comment moi, si petite et insignifiante, ai-je pu créer une telle perfection. Et je me demande comment de toutes mes cellules tu es devenue la plus belle, toi la cellule sortie de moi. Dans ton sommeil ta petite main saisit ma main et y puise le courage de s'y rendormir. Ta peau cherche dans la mienne la force et le repos, comme revenue en mon sein, bercée par le rythme de mon cœur et le balancement de mes hanches. Et je te regarde ma petite pêche et parfois la colère s'empare de moi. Comment le monde pourra-t'il être à ta mesure ? Je t'observe et j'admire, ta ténacité, ta main qui sans demander agrippe et prend, ta voix qui sans écouter les semonces crie et s'élève, tout ton petit être qui n'en a que faire et qui prend, qui saisit et agrippe, qui n'entend pas de non et qui es intensément. Et j'aime que tu ne sois pas d'une beauté fracassante mais que par ton caractère tu récoltes la tendresse par brassées. Je te vois belle comme toute mère admire son enfant, et tu es si belle, si belle. J'aime la pureté de ton cœur qui aime tous ceux qui l'aiment et qui prend cet amour à bras-le-corps. Et je voudrais me repaître de toi et de tout ce que tu m'apprends sur la beauté, toi qui es à la fois moi et tout son contraire, moi qui suis la louve et toi qui me protèges et me révèle, toi mon enfant.
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cabourdonnedansvosyeux · 7 years ago
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Attendre
Pour certains, cette journée signifie le sang et la peur, la blessure, les cris et la fuite. Pour moi, cette journée avait avant tout été lumineuse. J’étais en Normandie, j’avais vu la mer, ses grosses vagues mousseuses et les cabines de plage aux toits de couleur. Je me souviens avoir acheté des huîtres, mais pas, plus tard, les avoir mangées. Je me souviens du trajet du retour, dans le soleil froid de novembre. J’ai retrouvé mon amoureux et nous avons dîné dans une pizzeria curieusement déserte.
C’est au retour que la réalité nous a submergés, et que, les yeux rivés sur nos smartphones, la télé en fond sonore, nous avons, comme tout le monde, attendu. Mais nous étions déjà presque le 14 novembre, et moi, c’est de ce jour dont je me souviens.
L’attente.
L’attente.
L’attente.
L’attente comme une bête qui dévore les entrailles, sournoise, jamais assoupie, que rien ne peut tromper, ni le sommeil, ni la faim. La vigilance, tressaillir dès que le téléphone vibre, que la radio semble annoncer quelque chose de nouveau. On a attendu, enfermés dans ce studio rassurant qui devenait soudain une cage, on a entendu la recommandation de ne pas sortir, mais il a fallu sortir quand même, pour quoi ? Donner mon sang, supplier l’infirmière de bien vouloir me le prendre, parce que malgré mes yeux injectés de sang et cernés de bleu, c’est tout ce que je peux faire, pour ne plus attendre.
Je me souviens de ce cri muet venu du ventre quand enfin j’ai su. Il est monté comme une vague, comme la vibration de la terre avant un tsunami, silencieux mais déjà là. Un râle d’animal blessé, sauvage, quand plus rien en moi de social ne pouvait me retenir de hurler. Je n’avais plus de tenue, que ce râle.
Et ensuite, tout cela a tué en moi la patience et l’attente. Attendre au supermarché, attendre au téléphone, attendre de monter dans le métro, mais aussi attendre Noël, l’été, le week-end, je ne voulais plus attendre. Tu étais, vous étiez tous dans ces attentes. Ces attentes me forçaient à penser et à me souvenir, de toi et de l’attente.
Mais qu’est-ce qu’une vie sans attente ? Petit à petit j’ai réapprivoisé le temps. L’attente m’est redevenue moins pénible. Je réapprends à l’aimer, doucement.
Je regarde mon ventre qui s’arrondit, qui en ce matin du 13 novembre, trois ans après, a décidé que c’était le jour où jamais de se montrer pour de vrai. Il y a dedans une petite bête rugissante et animale, mais celle-ci, je l’aime déjà. Je ne saurai jamais si tu aimeras le nom qu’elle portera, je ne pourrai jamais te parler d’elle, à part ici. Mais je lui parlerai de toi. J’espère qu’elle comprendra ce que ça a représenté, pour moi, d’aimer l’attendre.
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cabourdonnedansvosyeux · 8 years ago
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C'est l'histoire d'une colère
Il ne faut pas crier. Il ne faut rien casser. Il ne faut pas se faire remarquer. Il faut être calme, il faut rester sage. Il ne faut pas se mettre en colère. Ce n'est pas joli, tu es vraiment ridicule. Que vont-dire les voisins ? Regarde, moi, je ne crie pas, je ne m'emporte pas, je ne te parle pas comme à une enfant. Je reste imperturbable en toutes circonstances. D'ailleurs, moi, je m'en fous de ta colère. Tu as la colère d'un homme calme et sûr de lui. Tes colères sont légitimes, jamais remises en cause, il y a toujours une bonne raison. D'ailleurs pas besoin de colère, puisque même ça on le fait pour toi. Tu te contentes du mépris. Mes colères relèvent de la rage rentrée, de la violence qu'on enfouit, de la violence de femme qui ne doit pas exister. C'est une colère qui doit encore se sentir "chanceuse" que tu assumes une grande part des tâches ménagères quand aucun homme, jamais, ne s'est jamais senti chanceux de n'avoir rien à faire. Une colère contre tous ceux d'avant qui ont statué qu'il ne servait à rien d'être débrouillard puisque les femmes s'en chargeraient. C'est la colère de celle qui voit défiler sa vie, les années les plus belles, sur des quais de gare et dans des couloirs de métro, pour rentrer nourrir des enfants qui ne sont pas les siens et qu'elle n'a pas vraiment le droit d'aimer. Et cette fille se débrouille pour trouver comment on fait ça, comment on assure dans cette situation qui n'a pas de mode d'emploi. Alors que toi, tu ne te débrouilles même pas pour savoir comment émincer des champignons alors que, pour ça, il y a des tutos sur Youtube. C'est la colère de celle qui a le droit de partir en week-end mais à qui on fait des reproches quand elle le fait. Celle qui ne part pas en week-end ou qui ne voit pas ses amis en famille car ce n'est pas "sa" famille. Celle au ventre vide du dîner pas préparé, au ventre vide, vide, avec les contraintes de celle dont le ventre s'est rempli deux fois. Celle qui n'a pas le temps de ranger ses chaussures dans le placard parce qu'à peine rentrée elle prépare le dîner "la seule chose que tu aies à faire, plains-toi !", parce qu'après il y a le film, notre seul moment ensemble, parce que si je commence à ranger, faire les choses auxquelles il faut penser quand on est à la maison, qu'on ne peut pas faire dans le train ou qu'on est au travail à des kilomètres de là, "qu'est-ce que tu fais ? Tu viens ou pas". Celle qui "devrait prendre rendez-vous chez le médecin ! Et chez le dermato ! Et fais-toi mettre en arrêt sinon !" Mais ce n'est pas d'un sas dont j'ai besoin, c'est de ne plus avoir le cul entre deux chaises. Celle qui passe parfois une seule heure éveillée par jour chez elle. Je suis née avec une dose normale de colère, une demi-bouteille peut-être. Et puis il y a deux ans, des types avec des ceintures d'explosifs et des kalachnikovs ont rempli la seconde moitié de cette bouteille. La rage qu'ils y ont ajoutée bouillonne, mousse, menace à tout moment de déborder. Alors quand ma colère déborde, déborde, pour une histoire de champignons à découper, non, ce n'est pas "une ridicule histoire de champignons". C'est l'histoire de cette colère. De la mienne, de celle de toutes les autres. C'est l'histoire de l'impuissance de n'avoir que vingt-quatre heures dans une journée. C'est l'histoire d'essayer de faire des choses pour moi quand je n'ai pas l'excuse de ne pas les faire à cause de mes enfants. C'est l'histoire de ce volcan mis dans un bocal parce qu'on ne savait pas trop où d'autre le cacher. C'est l'histoire de la fatigue des femmes, ah, on y revient, de cette charge mentale pour laquelle je n'ai pas le droit de me sentir concernée. Alors oui, je m'énerve, j'explose, je dégoupille, je craque, je pleure, je claque les portes, je hurle, parce que voilà, qu'est-ce que je peux bien faire de plus pour qu'on m'entende ? Et le plus triste dans tout ça c'est que parfois je comprends, qu'on ait envie de tout faire péter.
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cabourdonnedansvosyeux · 9 years ago
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Le Bataclan, puisqu'il faut bien le nommer
Il est neuf heures passées et, je ne sais pas pourquoi, mais dans Paris, je marche. J'ai bu deux mojitos et, si je ne sais pas où je vais, mes pas me portent devant toi. Enfin pas toi, toi. Mais devant le Bataclan. Il n'est pas loin, j'aurais dû me douter que si je ne prenais pas le métro, c'est parce que j'avais un rendez-vous. Devant la salle, à cette heure, pas de banc. Je reste debout. Ça aurait plus de sens si j'avais une bière à la main. Plus d'un an que je retarde ce rendez-vous en tête à tête. Plus d'un an que je ne me suis rendue au cimetière qu'accompagnée. Que je n'ai jeté aux plaques et aux épitaphes qu'un regard distrait. Avant de repartir comme si les cimetières et les lieux "chargés" 'n'étaient pas importants car tu étais absente de partout. Mais je retardais ce moment. Et le Bataclan se dresse là devant moi, vide, inoccupé, désœuvré. L'appartement au-dessus est toujours à vendre. Pourtant c'est sûrement la meilleure affaire immobilière de Paris. Je devrais peut-être l'acheter ? Ainsi je serais toujours proche de toi ? Je regarde la façade et il n'y a rien à voir. J'aimerais que tu voies mes cheveux très courts et j'aimerais de te parler de ma vie qui change. J'aimerais tenir ma promesse de te présenter les enfants de mon amoureux, et les nôtres, un jour. Mais je regarde cette façade et le bâtiment dort. J'espère que tu dors aussi. Que tu rêves pour moi à ce que ta vie aurait pu être. Mais après tout, comment d'autre aurais-tu pu mourir ? Parfois je me dis que je préfère regarder une salle de concert qu'une pierre tombale.
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cabourdonnedansvosyeux · 9 years ago
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Je me souviens de ce jour de novembre il y a presque un an où j'écoutais tout Bowie, mais aussi Hallelujah et Marianne parce que tout ce que je ressentais était inexprimable autrement que par ces chansons. C'est ce qu'on appelle choisir son jour. So long, Leonard.
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cabourdonnedansvosyeux · 9 years ago
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BIÈRE
J'ai entendu l'autre jour une humoriste dire que quand deux filles se retrouvent, la véritable conversation ne commence pas tant que la commande de plats n'est pas passée. Avec toi, c'était plutôt "attends, on commande nos bières d'abord" ! Et ni une ni deux, tu te propulsais vers le bar, bras levés, sourire en bandoulière, et tu revenais avec une célérité ahurissante chargée d'autant de pintes dégoulinant de condensation que la tablée comptait de convives. Et je pense que les bières ont plus souvent occupé ton bac à légumes que les légumes eux-mêmes. Pendant nos années de fac, quand tu venais dîner chez moi, tu me disais "OK, je cuisine l'entrée !" et tu me tendais une corona avec un quartier de citron dans le goulot. D'ailleurs, les autocollants des citrons ont un soir tellement adhéré à ma planche à découper qu'ils y sont restés jusqu'à ce que je la jette. Je ne sais pas quelles quantités de bière ton organisme a bien pu ingurgiter, mais la bière faisait partie intégrante de ton sens de la fête. Cette bière, qui accompagne à merveille une autre de nos passions communes, les moules-frites. [voir ce mot]. Et, ce qui était fabuleux, c'est que ce qui chez d'autres (chez moi) aurait provoqué (provoquait invariablement) petit ventre rebondi et des effets secondaires néfastes de type "j'ai envie de vomir je veux pas aller travailler" n'avait pas tant de prise que ça sur toi. Je pense que ton extraordinaire métabolisme, ton énergie hors du commun qui te faisait déplacer des montagnes, enchaîner les soirées, aligner les journées de travail avec la gueule de bois, valider des BAT à la chaîne et boucler des projets sur le fil, pour finalement tomber d'épuisement pour une nuit de quatorze heures, puis repartir de plus belle, ce magnifique métabolisme, cette sublime machine racée et élégante, fonctionnait à un carburant éco-durable, une énergie renouvelable et délicieuse : de bonnes bières bien fraîches. Et les amis qui vont avec.
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cabourdonnedansvosyeux · 9 years ago
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Quand tu cherches un numéro de téléphone au travail, et que le résultat te donne à la fois envie de rire et de pleurer.
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cabourdonnedansvosyeux · 9 years ago
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A Berlin avec mon crew, bières et toits-terrasses qu’aurait approuvé Le Corbusier.
Photo Par Oriane
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cabourdonnedansvosyeux · 9 years ago
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Voyage dans l'espace et le temps
Mon père est dans la pièce à côté. Allongée, je lis, il me crie qu'il va mettre de la musique, ça ne te dérange pas ? Non non.
Space oddity, David Bowie.
Et nous sommes le 31 juillet. Il y a trois ans, il faisait très beau à Paris. Je portais un pantalon de toile bleu plombier et un t-shirt noir moucheté de blanc. Nous nous étions retrouvées après le travail pour boire du rosé et manger au bord du canal de l'ourcq. Des copains à toi étaient là, et ta cousine aussi. Et puis j'ai décidé d'être raisonnable, j'ai pris un vélib et je suis rentrée dans l'air chaud de la nuit. Je n'ai pas fait 100m. Les pompiers m'ont accompagnée pour le reste du trajet, ma cheville ressemblait à une aubergine.
Je t'ai prévenue que j'étais aux urgences de Lariboisière, et tu as tenu à venir me retrouver séance tenante. Sauf que les urgences sont en sous-sol, qu'on capte mal, que j'étais isolée dans un abominable couloir et que tu n'as pas pu dépasser la salle d'attente. Tu as fait demi-tour sans avoir pu me voir. J'ai été opérée tôt dans la matinée, je me suis déplacée en fauteuil pendant plusieurs semaines et j'ai marché avec une canne jusqu'au matin de Noël. Et à plein d'aspects cette période a marqué un tournant dans ma vie.
Depuis, j'ai sur la face externe de la cheville une cicatrice plutôt vilaine d'une dizaine de centimètres, et sur la face interne une autre cicatrice plus discrète.
Ces cicatrices m'ont toujours fait penser à toi, mais depuis bientôt neuf mois, elles sont terriblement douloureuses. Je sais que c'est dans la tête.
La chanson coupe, une nouvelle commence.
Bang bang, Nancy Sinatra.
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cabourdonnedansvosyeux · 9 years ago
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[TW trucs tristes et regrets]
Franchement, ce jour-là, on était pas au top. J'étais pas au top. T'étais pas au top. Il faisait pas un temps terrible, j'étais crevée, et en pleine crise de vocation. T'avais pas bien dormi, t'étais débordée, je pense que tu t'étais disputée avec ton amoureux. On a choisi un nouveau restaurant, c'était bon, mais pas au top. Ton plat était trop épicé, mais tu t'es pas plainte, parce que je t'ai jamais entendue te plaindre. Moi en revanche j'ai beaucoup râlé, parce que je suis comme ça, je râle. Mais t'étais là, sur la chaise en face de moi, avec ton tshirt de Bowie qui faisait un clin d'œil à mon tshirt des Beatles - ça nous a fait rire -, tes petits cheveux qui rebiquaient comme ça sur les côtés, ta petite fossette, tes joues roses, tes doigts qui voletaient quand tu parlais, avec ta bague et tes jolis ongles, tes baskets incroyables, t'avais peut être un jean mais je me souviens plus bien. Tu riais, même quand j'étais chiante, et du coup j'étais un peu moins chiante, parce que tu riais, et que ton rire, il aurait dû être remboursé par la sécurité sociale. Tu avais pris une sorte de soupe avec des boulettes, je sais pas si c'est bon la soupe avec des boulettes, ça avait l'air, même si c'était épicé, j'ai dit “je pense que je prendrai jamais ça”, et en effet je pense que je prendrai jamais ça. Mais si j'avais su, j'aurais fait le tour de la table et je t'aurais prise dans mes bras. Je t'aurais dit je t'aime, je dis pas facilement je t'aime, mais je l'aurais dit, je t'aurais demandé ce que c'était, le nom que tu aurais voulu donner à ta fille et que t'as pas voulu me dire, je t'aurais demandé d'être mon témoin de mariage même si j'ai pas prévu de me marier, je t'aurais demandé ta couleur préférée, je t'aurais demandé de me reraconter ton enfance en Égypte, et ton concert de Bowie avec tes frères, et je t'aurais fait parler de l'amour, et je t'aurais posé mille questions sur tes projets professionnels un peu top secret, dont tu me parlais mais pas trop parce que c'était top secret, je t'aurais demandé de partir en voyage avec moi, je t'aurais demandé de me raconter ta vie, toute ta vie, j'aurais noté tous les détails, j'aurais tout écrit dans un carnet à spirales, je t'aurais demandé de me parler encore de tes parents, ils sont formidables tes parents, je le sais maintenant, et en plus de tout ils t'ont créée toi. Mais j'étais pas au top et ce jour-là j'ai merdé. Je t'ai pas demandé si tu étais heureuse, j'aurais voulu te demander si tu m'aimais, je voudrais être sûre que tu m'aimais, peut-être que tu es partie sans m'aimer ? Je me souviens de toi à la fenêtre de ta cuisine me taxant des clopes dégueulasses, je voudrais pour le reste de ma vie refumer ces clopes dégueulasses. Je te revois dans les couloirs de La Sorbonne, si tu savais comme je t'ai aimée au premier regard, t'étais tellement exaspérante qu'on ne pouvait que t'aimer, pourquoi je te l'ai jamais dit, que je t'aimais, hein, pourquoi je l'ai gardé pour moi, je t'admirais tellement, et maintenant t'es plus là, mais moi, je t'aimais bordel, je t'aimais.
On s'est quittées dans l'ascenseur sur un au revoir un peu tronqué et on s'est plus jamais revues.
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cabourdonnedansvosyeux · 9 years ago
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Six mois que le monde est plus laid qu’avant. Six mois que tu n’es plus là, que je ne guette plus la lumière à ton bureau, de l’autre côté de la cour, quand je pars tard le soir et que la nuit est déjà tombée. Je vois toujours ton fantôme quand je sors par la porte à tambour de l’avenue d’Italie, ta silhouette à l’ombre des colonnes enveloppée dans ton manteau bleu, celui avec la fourrure sur le col, acheté chez Urban Outfitters, m’ouvrant grand les bras, la silhouette de la dernière fois. Je guette tes traces, même sans me l’avouer, et je les trouve, partout. Deux livres retrouvés chez moi. Quelques vêtements récupérés dans ta chambre, et que je porte, parfois, quand ton rire me manque. Mon téléphone qui me suggère “Josie” quand je veux écrire “joie”. Facebook qui me propose de changer ma bio, sans savoir que jamais, jamais, je ne pourrai plus en changer une virgule. Ce dossier, sur le bureau de mon ordinateur, avec des photos de toi, comme un ultime petit autel. On dit qu’avec le temps les souvenirs s’estompent, pourtant tout me revient avec acuité. J’entends ta voix, je sens même ton odeur. Aurais-je été capable de m’en souvenir ainsi si tu n’étais pas morte ? Je m’étais promis de ne rien m’interdire, de ne rien changer par rapport à avant pour ne pas les laisser gagner. Mais pas une seule fois je n’ai réussi à commander un khao poun au restaurant, parce que je sais déjà que ce plat sans toi n’aura plus aucune saveur.
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cabourdonnedansvosyeux · 9 years ago
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#endroits
Où l’on peut apercevoir les barrios, sans y aller, parce qu’on est blanches, riches, et donc en danger.
Caracas, Choroni, El Hatillo, Venezuela, février-mars 2016
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cabourdonnedansvosyeux · 9 years ago
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#villes
Chichiriviche, Choroni et Caracas, Venezuela, février-mars 2016
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