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Avoir du mental

Revenons à Marius, qui a bandonné. Marius a abandonné car : il n’avait pas le mental.
Mais qu’est-ce que signifie « avoir du mental » ? Avoir du mental veut dire : disposer du mental, comme on disposerait d’un objet – ou mieux : de quelque chose mis en sûreté, mais toujours disponible, là , sous la main, mais protégé, un peu à l’écart. Ainsi on dit : avoir la caisse, en avoir dans la caisse. Qu’a-t-on dans la caisse ? Du mental.
Ainsi, a du mental celui qui dispose en sûreté de son mental.
Pour subir l’aventure tout en lui résistant, le candidat doit se reposer sur une boîte de conserve : et ce lieu où se conserve ce qui le fait perdurer dans l’aventure, c’est le mental. Le mental érigé en boite de conserve, la boite de conserve mentale, est ce qui fait subsister le candidat dans l’aventure en dépit de tout. En ce sens seulement on peut dire : avoir du mental ; ce candidat a du mental ; c’est son mental qui le fait aller loin. On va loin tant qu’on transporte son mental avec soi.
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« Là aujourd’hui on est pas la pour faire de la psychologie et de la philosophie : en gros, tu me saoules, tu pars »
Ce soir, peu importe le bavardage auto-congratulatoire qui entourera les Césars du cinéma très français : car ce soir, c’est Koh-Lanta! En attendant les nouvelles aventures de nos aventuriers qui aventurent la philosophie, continuons notre réflexion sur le dernier épisode par ces mots de Pascal (encore lui), qui dit :
« là aujourd’hui on est pas la pour faire de la psychologie et de la philosophie : en gros tu me saoules, tu pars »

Que signifie cette phrase ? Elle signifie beaucoup, elle signifie plus qu’elle n’en a l’air. À vrai dire, on a même l’intuition qu’elle signifie : tout Koh-Lanta, tout ce qu’est Koh-Lanta dans son essence.
« là aujourd’hui on est pas là pour faire de la psychologie et de la philosophie : en gros tu me saoules, tu pars »
Déjà , qu’est-ce qui lui fait dire cela ? Il nous l’indique : ce qui le lui fait dire, c’est « là aujourd’hui ». Il dit cela parce que ce jour-là , il était là : c’est à dire à Koh-Lanta. C’est la situation de Koh-Lanta qui lui fait dire cela ; en disant « on est pas là pour faire, etc. », il dit que c’est Koh-Lanta qui lui fait la dictée, qui lui dicte de dire cela. Ainsi Koh-Lanta dicte : qu’il ne faut faire ni de la psychologie, ni de la philosophie. Koh-Lanta est une situation, un se-trouver-là qui n’appelle pas la philosophie et la psychologie. Koh-Lanta est un être-là qui dicte de dire : « en gros tu me saoules, tu pars ». C’est cette partie-là du dire de Pascal qui s’offre à l’interprétation. Que veut-il dire ? Pascal est celui qui pense en gros. Est-ce à dire qu’il pense grossièrement ? Pas tout à fait : il pense Koh-Lanta en gros, tout d’un bloc, en homme qui n’est pas fin, qui n’est pas délicat, mais gros. Mais Pascal est un homme de pensée : il pense à la pensée ; et sa façon de penser, c’est délibérément de penser en gros – c'est-à -dire ni de faire de la psychologie, ni de faire de la philosophie.
Mais que fait-il alors ? En fait, Pascal est marxiste. Comme Marx, il dit, avec ces mots, que
« Les philosophes n’ont fait qu’interpréter diversement le monde, ce qui importe, c’est de le transformer ».
Et comme Marx, il mésestime l’importance de l’interpréter à même le transformer ; il mésestime que tout transformer est fondé sur un interpréter ; que vouloir transformer est un vouloir qui dépend d’un interpréter à même sa soi-disant volonté de ne plus interpréter pour, enfin, transformer... Et donc, Pascal dit la même chose : en disant que
« là aujourd’hui on est pas là pour faire de la psychologie, de la philosophie : en gros tu me saoules, tu pars »,
il dit : jusqu’ici la tribu n’a fait que philosopher et psychoter ; or maintenant ce qui compte c’est de transformer la tribu en éliminant un membre de la tribu. Mais qu’est-ce qui motive l’élimination ? la correspondance entre tu me saoules et tu pars. Pascal dit : me saouler = partir. Or ceci répond encore du principe de causalité, c’est une cause et sa conséquence, Pascal raisonne encore.
C’est donc une philosophie de la philosophie et une psychologie de la psychologie qui travaillent la volonté de Pascal et l’appellent à vouloir se passer de la philosophie et de la psychologie. Pascal pense la philosophie et la psychologie d’après la philosophie et la psychologie ; et il choisit la grossièreté. Mais sa grossièreté n’est qu’une forme de philosophie et une façon de faire encore de la psychologie – même si en apparence penser en gros s’oppose à la philosophie, piétine la psychologie. En fait Pascal oublie qu’à même la grossièreté, la philosophie et la psychologie sont toujours avenantes ; qu’en gros il s’y joue l’avenir de la philosophie et de la psychologie occidentales ; qu’en pensant en gros, il demeure un penseur – un penseur qui philosophe et qui psychote en avançant masqué, en ayant peur de philosopher et de psychoter. Alors, plusieurs conséquences.
Koh-Lanta est donné comme la civilisation du grossier.
Dans la jungle, il faut ĂŞtre grossier pour survivre.
L’homme de Koh-Lanta est un homme grossier qui pense en gros.
D’où, aussi, une autre question qui nous occupera bientôt :
à côté des hommes grossiers, quelle place pour le féminisme à Koh-Lanta ? Le féminisme peut-il seulement apparaître dans la jungle ?
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« Quand on est une équipe, on dit qu’on est une équipe, mais au final on est tous individualistes » (Céline)
Céline était la philosophe de cette édition : forcément déjà éliminée, ses paroles d’avant la mort nous aident néamoins à y voir plus clair.

Voilà une parole profonde, et qui résonne :
« Quand on est une équipe, on dit qu’on est une équipe, mais au final on est tous individualistes »
Céline parle ici de Koh-Lanta dans son essence. Car si l’ego est un problème à Koh-Lanta, c’est surtout une destination. La forme du jeu Koh-Lanta est égoïste, par et pour l’ego, elle destine les candidats à l’ego :
il faut que ton équipe gagne les immunités pour ne pas dépérir : c’est le sens de « dire qu’on est une équipe quand on est une équipe » : faire équipe, c’est équiper ton ego, t’équiper en vue d’être assez fort pour ne plus un jour faire équipe ;
car il te faut ensuite gagner, seul, les 100000€ : et c’est le sens du « au final, on est tous individualiste ».
Le final du jeu récompense toujours le ou les meilleurs. Méritocratie ? Compétition, plutôt, et dans tous les domaines : c’est à la fois le plus fort physiquement, le sportif, l’athlète, qui peut gagner les épreuves, et le plus intelligent, le plus malin, le plus audacieux qui domine sur le camp ses adversaires. Alors oui, dans le meilleur des cas, c’est pour la tribu qu’on se bat : mais l’égoïsme fonctionne alors à l’échelle de l’équipe toute entière. Conclusion : si à Koh-Lanta, l’enfer c’est les autres, c’est parce que toi seul compte : pour peu que tu renonces à gagner le jeu, devenant subitement désintéressé, ou suisse, ou jésuite, ou loser, tout le monde redeviendra ton ami – ou du moins cessera d’être ton ennemi.
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Vaincre ses désirs plutôt que l'ordre du monde
C’est la grande leçon de vie du Cinéma Français. Mais allez donc dire ça à un aventurier mort de faim ! il vous éliminera. Mieux vaut renoncer à certaines subtilités quand vous survivez dans une jungle infestée de métaphysiciens.
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Conversation
L'erreur de Céline : comme quoi il est illusoire de se croire civil, lorsque la guerre est totale
Céline : Je veux rester libre, les stratégies ne m'intéressent pas.
Montesquieu : Lorsqu’on voit deux grands peuples se faire une guerre longue et opiniâtre, c’est souvent une mauvaise politique de penser qu’on peut demeurer spectateur tranquille : car celui des deux peuples qui est le vainqueur entreprend d’abord de nouvelles guerres, et une nation de soldats va combattre contre des peuples qui ne sont que citoyens.
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« Tu croques le craquant »
Cette parole d’un candidat de Koh Lanta 2016 est une véritable invitation à penser l’essence du croquer. Quelle intéressante question ! et originale : qui pense à penser l’essence du croquer ? Croque-t-on seulement en y pensant, à cette capricieuse essence du croquer ? Bref. La question est là , et c’est un joli morceau.

Dire : « Tu croques le craquant » montre en fait l’essentiel : cela dit en effet que tout est là , que tout est déjà là à orienter la parole de celui qui parle pour recueillir ce qui est vrai, qui demande à être recueilli dans la parole – et non l’inverse. Il est ainsi dans l’essence du craquant de provoquer le croquer. L’inverse n’est pas possible. Car si quand tu croques, ça craque, c’est qu’il était dans l’essence de ce qui craque de craquer lorsqu’on allait le croquer. Quand tu le croques, le craquant craque, oui, parce que, si le croqué n’était pas craquant, il y a fort à parier qu’on ne le croquerait pas, mais qu’on le mâcherait, etc. Si on croque du craquant, c’est parce que le craquant est avant tout croquer déjà du craquant, si bien qu’on peut dire qu’on le croque parce qu’il était déjà là prêt à être craquant une fois croqué. En ce sens la parole est essentiellement ce que l’on dit qui est appelé par les choses à les recueillir ; car en ce sens seulement on peut dire : « Tu croques le craquant ».
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« On va ouvrir un restaurant »

Un candidat vient de manger des fourmis et tout de suite, il dit : « on va ouvrir un restaurant ».
Il dit cela en blaguant. Certes. Mais il le dit. Et s’il le dit, c’est que cette blague se dit. Elle se dit, parce qu’elle vient de quelque part. Elle repose quelque part, sur un sol, sol qui la fait pousser, en poussant l’aventurier à la dire, en disant : « on va ouvrir un restaurant ».
Or cela, ce qui fait dire à l’aventurier qu’il va ouvrir un restaurant, à peine a-t-il fini de manger sa fourmi, on ne le sait pas encore ; mais pour le savoir, on peut partir du point d’arrivée, à savoir de ce que dit la blague de l’aventurier. Ce que dit cette blague, en disant qu’ « on va ouvrir un restaurant », c’est la consommation, c’est la transformation de l’aventure en entreprise et de la nature en restaurant. À partir de la trouvaille d’une fourmi comestible, qui, une fois ramassée, a pu être mangée, naît l’idée de transformer cette fourmi en menu, et l’environnement qui la supporte en garde-manger pour un restaurant.
Qu’est-ce qui conditionne ce passage de la fourmi comestible au menu-fourmi ? Une volonté de transformer ce que l’on trouve en menu, sur le mode d’une exploitation qui exploite ce qu’elle trouve ? Le monde, comme matière susceptible d’exploitation, serait ainsi recueilli et tout de suite contrôlé, appréhendé, mis sous la coupe de la volonté de transformer en menu, c'est-à -dire d’utiliser ce que l’on trouve pour rendre service, contre de l’argent. On commence à saisir ce qui motive le passage de la nature au restaurant, de la fourmi au menu-fourmi – c’est une sorte de Descartes épicier, un Indiana Jones bourgeois, un Joel Rebuchon perdu dans la jungle (avec une calculette) et qui s’empresse d’y reproduire sa recette. Soit. Mais pourquoi diable un aventurier de Koh Lanta voudrait-il cela ?
Mais il le dit en blaguant. En blaguant, il se rit de ce qui pousserait à consommer la jungle en la transformant en restaurant. Co-présence des contraires, mise à distance de lui-même par lui-même : le candidat se refuse à perpétuer, ici, une logique de consommation qui est celle de la métropole. Décolonisation de la conscience ; révolte anti-métaphysique ; Koh-Lanta des non-alignés. Allez : tout n’est peut-être pas encore perdu, et peut-être faudrait-il généraliser Koh-Lanta pour aboutir à un monde meilleur.
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L’aventurier et l’âne de Buridan
Lors du second épisode de Koh-Lanta 2016, des aventuriers se sont dit « prêts à manger n’importe quoi ».
Dire qu’on est « prêt à manger n’importe quoi », qu’est-ce que cela veut dire ? Celui qui est prêt à manger n’importe quoi peut manger du n’importe quoi. Le n’importe quoi culinaire est pour lui une victuaille comme les autres : c’est un n’importe quoi qui peut le nourrir, et qui n’est donc pas n’importe quel n’importe quoi : c’est un n’importe quoi nourrissant. En mangeant le n’importe quoi, il sauve le n’importe quoi du n’importe quoi : le repas, l’ingestion culinaire lui donne la dignité d’une denrée alimentaire. Ainsi l’aventurier prêt à manger n’importe quoi sauve le monde, transforme le monde en nourriture possible. On peut dire qu’il est pleinement au monde, en tant qu’il est un vivant qui s’en nourrit.
Inversement, l’aventurier qui refuse de manger n’importe quoi n’est pas un aventurier : il souhaite manger ce qui est préparé pour être mangé ; il n’est pas prêt à n’importe quoi, il exige qu’on lui prépare quelque chose à manger qui ne soit pas n’importe quoi : qui soit quelque chose de mangeable, au sens de préparé, configuré, emballé, transformé pour être mangé, mais surtout en vue de ressembler à quelque chose qui se mange. Ainsi le pseudo-aventurier rate le monde, en s’arrêtant à ce qui ressemble à du comestible, en oubliant que parmi n’importe quoi, il peut y avoir du n’importe quoi comestible. Le pseudo-aventurier est donc celui qui, en refusant de manger du poisson cru ou des fourmis, refuse de manger : n’importe quoi. Il préfère alors ne pas manger, attendre. Il est assez semblable à l’âne de Buridan, créature très intello mais stupide, qui peuple nos supermarchés, nos restaurants, nos fast-foods aussi : c’est ce genre de consommateur qui hésite longuement à choisir son menu, peut-être précisément parce que plusieurs choix lui sont proposés, et qu’il n’arrive plus, de fait, à choisir.
Il est des gens que jamais rien n'arrête, Sur chaque point décidés à l'instant : Tout au rebours il en est dont la tête Doute sans cesse & va toujours flottant.
Souvent sur rien leur faible esprit tâtonne : Pour se résoudre, il leur faut plus d'un an. À chacun d'eux c'est à bon droit qu'on donne Le sobriquet d'Âne de Buridan.
Cet Ane était chez un riche Chanoine, Où ne manquait ni le foin, ni le grain, Et cependant au milieu de l'avoine Il se laissa, dit-on, mourir de faim.
Deux picotins un jour par avanture, En même-tems lui furent présentés, De même forme & de même mesure, Également distants des deux côtés.
Par oĂą faut-il, se disait la Bourique, Que je commence Ă gruger, pour le mieux ? Loin de jouer de ses dents, il s'applique Uniquement Ă jouer de ses yeux.
Délibérer est tout ce qu'il sait faire : N'aura-t-il pas enfin recours au sort ? Oh ! vraiment non : tandis qu'il délibère, D'épuisement il tombe roide mort.
L’aventurier, le vrai aventurier, est un anti âne de Buridan. Il saisit selon l’appel du nécessaire ce qui vient à lui comme comestible, et le mange : ainsi il est prêt à manger n’importe quoi. Le mauvais aventurier (celui qui quitte l’aventure, qui donc cesse d’être aventurier) est celui qui demeure un âne de Buridan, qui s’en retourne à la ville, avec les autres ânes de Buridan, parce qu’il n’a pas été prêt à manger du n’importe quoi n’importe comment : il lui faut de la nourriture proprement emballée.
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« Là tu peux y aller tu mets tout dans la bouche tu suces »
Lors du dernier épisode de Koh Lanta, un candidat dit à une candidate :
« Là tu peux y aller tu mets tout dans la bouche tu suces »
Que nous dit cette parole sans doute poétique ?
Cela nous dit : Koh-Lanta est un show polyvalent. L’esthétique de Koh-Lanta, l’édition de Koh-Lanta, le montage de Koh-Lanta par TF1 est une esthétique, une édition, un montage poétiques. Car Koh-Lanta dit plusieurs choses, à même pourtant une seule phrase. Une phrase, cette seule phrase, qui nous dit au moins deux choses, et peut-être même trois, c'est-à -dire au fond deux plus une.
« Là tu peux y aller tu mets tout dans la bouche tu suces »
[1] Cela nous dit que l’essence de TF1, c’est Secret Story. Mais qu’est-ce que Secret Story ? Secret Story, c’est l’histoire secrète. L’essence de Secret Story repose dans la secrète histoire, qui se joue dans le show qui se donne comme : Histoire Secrète. Et si Koh-Lanta n’était qu’une émission de l’émission ? La formule peut paraître trouble : en fait, elle est simple. TF1 est une chaîne, et une chaîne émet. TF1 émet plusieurs émissions. Mais l’émission des émissions leur imprime, à ces émissions, une seule et même chose : l’essence de TF1. Ainsi, l’essence de TF1, on peut la retrouver en saisissant ce qui, dans Secret Story et Koh-Lanta, est le même, précisément parce que ces shows, différents, relèvent dans leur dif-férence même d’une seule et même chose : de l’émission de TF1. Alors, quand on dit : l’essence de TF1, c’est Secret Story en tant que Secrète Histoire de l’Histoire Secrète, on dit : Koh-Lanta participe de Secret Story ; Koh-Lanta poursuit Secret Story dans la jungle ; l’histoire secrète de Secret Story est plus que jamais secrète histoire à Koh-Lanta. Et alors seulement on peut s’apercevoir de la secrète histoire à l’œuvre dans Koh-Lanta, la détecter, la repérer ; et seulement à cette condition, on peut écouter et entendre à Koh-Lanta que :
« Là tu peux y aller tu mets tout dans la bouche tu suces »
[2] Cela nous dit que pour sucer il faut mettre : tout, dans sa bouche. Sucer, sucer vraiment, c’est mettre tout dans sa bouche. Soit. Mais l’essence du sucer, qui est essentiellement de tirer une liqueur, un suc avec les lèvres et à l'aide de l'aspiration (nous dit le Littré), cette essence repose sur une substance : c’est le mystère du « là tu peux y aller ». Ainsi il ne faudrait pas toujours sucer, et le mettre-tout-dans-la-bouche qui fait l’essence du sucer dépend d’un Là tu peux y aller. De deux choses l’une : il faut être là , et il faut pouvoir y aller. Que signifie là ? Là veut dire : qu’il faut être le là , pour ensuite pouvoir y aller. Aller ici fait sens en direction du chemin qui mène au sucer, et qui implique de mettre tout dans la bouche. Le sucer qui met tout dans la bouche dépend donc d’une situation propice, et d’une capacité d’y aller : à l’écart de toute volonté, on le voit, à Koh-Lanta, le sucer est un pur pouvoir : il suffit de le pouvoir, pour dire :
« Là tu peux y aller tu mets tout dans la bouche tu suces »
[3] Cela nous dit que le tout est à portée de main. À Koh-Lanta, au lieu privilégié, on peut y aller : tout mettre dans sa bouche. Pourquoi ? Parce qu’à Koh-Lanta, on est le là : il y a un chemin qui mène au tout ; et le sucer en mettant tout dans sa bouche est pleinement sucer. Sucer à Koh-Lanta, c’est sucer vraiment ; et le sucre de la canne est vrai, parce que la canne est pleinement canne à sucre, lorsque depuis la canne, en direction du sucre, il se dit :
« Là tu peux y aller tu mets tout dans la bouche tu suces »
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« Chercher sans savoir où il est »
Lors du dernier épisode, un candidat a dit détester chercher (un collier d’immunité) sans savoir où il est.
Effectivement, on avait abandonné ce candidat sur une île déserte où l’on avait caché des colliers d’immunité ; et le candidat devait les chercher sans savoir où ils étaient : abandonné à l’inconnu, il devait littéralement chercher. Pourquoi cet énervement ? Il est vrai que c’est une perte de temps de chercher quelque chose quand d’autres savent où cela se trouve, mais c’est le jeu et c’est la vie. À la vérité, ce candidat se méprend sur l’essence du chercher, qu’il confond avec le rechercher, et qu’il écrase sur le retrouver. On re-cherche parce que l’on a déjà cherché et trouvé ; la recherche est re-vue, re-visite ; en fait la recherche est paisible, c’est un cache-cache. À l’inverse, le chercher est une quête : on ne sait ni où, ni comment chercher ; on ne sait parfois même pas ce que l’on cherche… Quelle chance, alors, de savoir que l’on cherche précisément un collier d’immunité !
Si en cherchant, on trouve, c’est parce que l’on cherche, et que chercher, c’est découvrir. Or cotre candidat ne supporte pas d’avoir à dé-couvrir ; il voudrait avoir tout déjà à découvert en face de lui : il voudrait n’avoir qu’à re-chercher le collier comme s’il était dans un tiroir, et sans doute envisage-t-il que tout devrait être cartographié pour lui : c’est la manie du GPS. Mais il découvre. Malgré lui, et malgré son erreur (son écrasement du chercher sur le rechercher), il dé-couvre : que vie assigne à dé-couvrir. En se plaignant d’avoir à chercher sans savoir où c’est, il se plaint d’être dans l’aventure Koh Lanta, il se plaint d’être en vie. Alors il peut se plaindre. Il peut ne pas réussir à chercher. Il peut désirer. Mais son destin de candidat l’assigne à chercher quand même – s’il veut rester dans l’aventure.  Koh Lanta lui apprend qu’il a oublié dans sa vie hors-Koh Lanta l’essence vitale du chercher. Koh Lanta l’appelle au fond de lui à re-chercher la capacité de chercher. Qu’est-ce à dire ? Ceci nous dit qu’en vivant, on est porté par la vie ; et dans la jungle vraiment vivante, on ne se transporte pas : aucune carte, aucun GPS, aucun Dieu ne nous extirpe de la vie : c’est un lieu exclusif de toute métaphysique jusqu’à ce que Denis Brogniart intervienne pour éteindre la torche et abolir l’aventure. On le verra dans un autre billet: Denis Brogniart, le présentateur, c’est le diable, en ce que le daible est celui qui re-présente : l’enfer, la défaite, le retour en France.
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Le Totem sourit
Le Totem sourit : il voit les candidats s’énerver, s’épuiser à sa poursuite, lui donner des forces – alors que lui-même, tout seul et sans le crédo qu’on lui accorde, n’en a aucune.
Est dit Totem ce qui protège la Tribu en donnant l’immunité. Le Totem dicte donc à la Tribu sa façon d’être : il agence la vie de ceux qui vivent parmi la tribu, sous le Totem, ou bien sans Totem : mais alors il faut le chercher. En ce sens, qui est celui du Totem, la Tribu est dictée par le Totem : et ce qui lui est dicté, c’est de poursuivre le Totem en vue du Totem lui-même.
Et donc, à Koh-Lanta, le Totem, c’est l’immunité. L’immunité veut dire : la capacité à poursuivre encore l’immunité. Obtenir l’immunité, c’est avoir l’immunité pour, le lendemain, recommencer à poursuivre l’immunité.
Le Totem se dédouble donc : [1] il est le principe qui dicte la poursuite de l’immunité ; et [2] il est l’immunité elle-même.
Le Totem est la religion de Koh Lanta.
Autre conséquence : considéré comme le protecteur, le Totem protège bel et bien le candidat, un temps : du moment qu’il dispose du Totem pour lui seul, le candidat est en immunité. Mais le Totem se met lui-même en immunité, et ce qui est protégé, par le Totem, sous le Totem lui-même, c’est le totémique : cela que le Totem diffuse en le cachant, ce qu’il ordonne sans pour autant le rendre visible à la conscience, qui s’attache plus à ce qui ordonné qu’au fondement de l’ordre lui-même. Ainsi, esprit protecteur et bienfaiteur qui envoie des oracles (c’est la définition de Freud), le Totem protège : le Totem – c’est-à -dire l’absence totalement de justification au Totem, l’indigence du Totem, le silence infini surmonté par le bavardage du Totem. Le Totem parle, il appelle les candidats en s’ordonnant lui-même : en réalité, il bavarde, car rien n’appelle le Totem, si ce n’est lui-même, et, ensuite, la dépendance des candidats assez serviles pour l’écouter et le suivre.
La question est alors: originellement, qu’est-ce qui permet l’imposition du Totem ? Le Totem, en s’imposant, ne peut-être qu’imposé. Ce qui est imposé, est imposé par.
Par quoi ? La réponse est, toujours, la même : est Totem ce s’impose en faisant mine de s’imposer de lui-même, alors qu’il est imposé par : un arbitraire. En l’occurrence, être le meilleur ; gagner de l’argent, gagner Koh Lanta ; et nécessiter, pour cela, une immunité, un but, une direction.
Est Totem ce qui surimpose un sens, dépasse le monde en direction du succès, de l’ego, de l’utilité, c’est à dire, aussi, vers la perdition de tout ce qui est originellement très libre en nous.
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Le totem sourit: il voit les candidats se battre pour lui, se soumettre à sa tyrannie, alors qu’il parle d’une voix sourde et qui dicte le malheur : grâce à lui, haine, trahison, ressentiment, la victoire de l’Un et l’amertume des autres.
Koh Lanta, c’est l’éternel retour de la guerre et du mal. Chaque année, chaque semaine, l’émission colporte tous les problèmes de notre société, de notre monde même : une pelletée de conflit, de guerre, de mésentente et de bêtise nous est inéluctablement servie par TF1, et ces ingrédients, qui font le prix de Koh Lanta, sont indépassables. Sans engueulades, sans grandes gueules, sans imbéciles, sans héros brimés, il ne se passerait rien. Mais ces problèmes exhibés ne sont pas traités, ils sont seulement servis et subis : à chaque édition de Koh Lanta, ils réapparaissent ; ce sont des problèmes qui durent et perdurent parce qu’ils subsistent et qu’on ne les déterre pas. Les candidats ne choisissent pas d’être bêtes, et égoïstes, et victimes des stratégies des autres, non : ils y sont condamnés par la forme même du jeu. Ainsi, pour sauver nos pauvres aventuriers de la guerre de tous contre tous, ce blog souhaite exposer ces problèmes et les laisser se dissiper d’eux-mêmes, une fois que leur indigence aura été établie.
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