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Vous pouvez me serrer la main, monsieur le commissaire. Le talent, c’est pas contagieux.
Gainsbourg à Patrick Riou, patron de la crim
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Gainsbourg à la brigade des stups
« Les Jours » exhument des photos jamais publiées de Gainsbarre au Quai des Orfèvres, dont il était un pilier.
Par Patricia Tourancheau
A mi de la police nationale, fan des commissariats et des reconduites nocturnes en panier à salade, Serge Gainsbourg est ancré dans la légende du Quai des Orfèvres. D’anciens poulets du 36 racontent aux Jours ces morceaux inédits du répertoire de « l’homme à tête de chou » dans les années 80. Preuves à l’appui, des photographies anthropométriques de Gainsbourg en mai 1987, un soir de bordée, jamais publiées. Pas même dans les expositions pour le 25e anniversaire de sa disparition.
Par une après-midi glaciale de la fin 89, « Gainsbarre » se présente à l’entrée du bâtiment historique de la PJ de Paris avec sa mine des mauvais jours et demande à voir le patron de la brigade des stups. Averti par le planton, le commissaire Michel Bouchet, costaud au teint rubicond et à la voix de stentor, dévale les marches de l’escalier monumental pour aller récupérer sous le porche du 36 ce chanteur à l’air « déchiré, négligé » qui le rebute un peu. Intrigué par cette visite, le commissaire Bouchet le fait monter dans son bureau au troisième étage, à côté de la crim’ : « Je le reçois à reculons. Car pour moi, Gainsbourg n’est pas un bon exemple pour la jeunesse. » Le chef des stups observe la dégaine de ce VIP « mal rasé, barbe de trois jours, pieds nus dans ses Repetto blanches, jean et blazer bleu sur chemise blanche impeccable, parfumé, un faux crade en fait. »
Affalé sur une chaise dans cette vaste pièce aux fenêtres plongeantes sur la place Dauphine, Gainsbourg grille une cigarette puis expose son problème au patron des stups : « Mon ex-femme Bambou, qui est toxico, a la garde du petit Lulu. Mais quand elle est défoncée, c’est son dealer qui accompagne mon fils à l’école. » Le commissaire Bouchet le sent « inquiet des répercussions » pour son gamin d’à peine 4 ans abandonné, dès la maternelle, aux mains d’un vendeur de poudre. La mannequin de 30 ans sa cadette, que Gainsbarre a rencontrée en boîte de nuit en 1981, se shoote à l’héroïne depuis son adolescence. Petite-fille d’un légionnaire engagée en Indochine et d’une Tonkinoise, confiée à la Ddass à l’âge de six mois, Bambou s’est taillé les veines à 9 ans pour échapper à sa famille d’accueil puis s’est injecté de l’héroïne, dans la rue. Après la naissance de Lulu, le 5 janvier 1986, le couple d’accros aux paradis artificiels, le père à l’alcool et la mère à la came, a explosé. Le commissaire Bouchet promet à Gainsbourg de « s’occuper de cette affaire » puis le reconduit en bas du 36, où un taxi loué à la journée l’attend le long de la Seine.
Gainsbourg fait mettre au gnouf le dealer de Bambou
Nom de code « Saphir 1 », le commissaire Bouchet se renseigne sur cet étrange plaignant et se dit que « son rapport à la drogue a changé » depuis 1979. Dans l’album reggae Aux armes et cætera, enregistré en Jamaïque, en plus de La Marseillaise revisitée, son service eut alors les honneurs d’un tube : « À la brigade des stups, y a un ancien mataf, qu’est complètement louf, toujours à moitié paf. » Gainsbourg est « tombé sur des cops » qui ont « cherché mon spliff » avec pour « idée fixe la chnouf » : Je leur dis « j’fume que les Troupes » et « v’là que l’ancien mataf m’demande un autographe ». Dix ans plus tard, Gainsbourg – qui ne fume pas des Gauloises mais des Gitanes – vient de lui demander de foutre au gnouf un vendeur de chnouf… Du genre répressif, le commissaire Bouchet met en place des surveillances à la sortie de l’école de Lulu, des filatures de son baby-sitter d’occasion et ne tarde pas à « faire tomber le dealer d’héroïne » du fiston de Gainsbourg. Il convoque ensuite Bambou, qui arrive au 36 « dans un état pathétique », et lui fait la leçon : « Attention, le petit Lulu va finir comme vous ! Vous devez être plus vigilante sur l’éducation de votre fils et sur votre consommation. Faut arrêter ! Vous êtes maigre comme un clou. Alors vous viendrez à la pesée ici, je vous taxe d’un kilo par mois, vous prenez cinq kilos sinon je fais un rapport », menace le chef de la brigade des stups. « Pression paternelle », dit-il aux Jours.
C’est ainsi que Michel Bouchet devient l’ange gardien du petit Lulu et « le copain de Gainsbourg » : « Il croyait qu’en tant que chef des stups, je le prenais pour un drogué. Mais j’ai vite compris qu’il était porté sur l’alcool et le tabac à haute dose, il n’avait pas besoin de produits stupéfiants. » Un jour, le compositeur-interprète d’À la brigade des stups lui avoue qu’il a « fumé une fois du cannabis en Inde avec Jane », mais que ce n’est pas de son goût. Par contre, lorsqu’il vient voir Michel au 36, le soir vers 20 heures pour bavarder, « Serge descend un tiers ou la moitié de ma bouteille de pastis en deux heures. » Il prend des « yaourts » ou des « 102 » (un double 51 degrés) avec juste « une dose d’eau ». En cette année 90, Gainsbourg, qui souffre de diabète, de cirrhose, de problèmes cardiaques et pulmonaires, est censé de ne plus boire, ni fumer d’ailleurs. Mais ça le rend triste et mélancolique. Alors il continue à carburer à trois paquets de Gitanes et plusieurs litres d’alcool par jour et se moque des médecins. Une fois, Gainsbourg « arrive en riant comme une baleine » dans le bureau de Bouchet, et s’esclaffe en se tapant sur la cuisse : « Je viens d’enterrer mon toubib, dis donc ! » N’empêche. Le commissaire le « sent inquiet » sur ses capacités physiques mais intact sur ses qualités humaines et artistiques : « Je découvre un homme chaleureux, drôle et dans l’empathie. »
« Gainsbourg se lève et bat des ailes en criant “CUI CUI CUI !” Je me faisais tout petit. » Michel Bouchet
Sa secrétaire un peu pimbêche n’a pas trop apprécié l’humour de Gainsbourg. Venue un soir apporter un dossier à son patron « uniquement par curiosité », la fille fait « sa Marie-Chantal » et se trémousse devant la vedette qui la rembarre méchamment : « Qu’est-ce qu’on peut vous faire à vous ? RIEN ! » En effet, admet le chef des stups, « Gainsbourg peut être grossier et graveleux tout en restant pudique. C’est un hyper-sensible ayant du recul sur lui-même, je l’ai pris en affection. » Et c’est réciproque. On voit de plus en plus souvent Serge franchir le porche du 36 à l’heure de l’apéro et filer au troisième étage raconter à Michel ses rencontres : « Tiens, j’ai vu Johnny… Qu’est-ce qu’il est “poutrap’”… », lance Gainsbourg, tranche de la main sur le front pour signifier que son collègue chanteur est bas de plafond. « Ça veut dire quoi, “poutrap’” ? » , demande le commissaire. « Poutre apparente, quoi ! », rétorque l’autre qui se met à imiter Hallyday : « Ah que je dis, je dis !!! » Sous les volutes bleues et ses verres à l’anis, face au flic devenu confident, le fumeur de Gitanes s’épanche sur ses amours : Jane Birkin, Catherine Deneuve et, bien avant elles, la pétrole aux initiales, « BB » : « Ah ! Brigitte Bardot, la Lamborghini », soupire alors Gainsbourg à son copain Bouchet.
L’étrange attelage sort en boîte de nuit ou au restaurant. Bon vivant, le commissaire déjeune à une bonne table derrière le Musée d’Orsay avec le chanteur qui, lui, commande juste une bouteille de blanc. Et pose une devinette à Michel : « Que fait un serin qui pèse 100 kilos ? » Devant son plat, le poulet donne sa langue au chat. À son grand étonnement, « Gainsbourg se lève et bat des ailes en criant CUI CUI CUI ! Je me faisais tout petit. » Bientôt, le patron des stups invite son nouvel ami à dîner avec ses collègues d’une confrérie du 36 pas avares de blagues. Héros de la soirée, Gainsbourg en rajoute des tonnes, débitant une série d’histoires belges « haut et fort avec mimiques » (alors que la tablée d’à côté est bruxelloise…) et répète sa devise : « La connerie, c’est la décontraction de l’intelligence. »
Alors chef de la brigade criminelle, Patrick Riou, qui en était, se souvient de la scène du « vendeur de roses pakistanais à qui Gainsbourg donne un Pascal », un billet de 500 francs, pour « acheter tout le bouquet qu’il offre à Janine, la tenancière du restaurant. » La soirée se poursuit dans une discothèque du quartier Latin où, selon Bouchet, le musicien déjà bien torché s’enfile du Get 27 et se bidonne : « Ça m’emmerde parce qu’après, je pisse tout vert. » Le DJ a passé les chansons de Gainsbourg qui, sur la petite scène de la boîte, « fit un bœuf en play-back, le happening permanent. » La nuit s’est terminée chez Gainsbourg rue de Verneuil, dans son appartement « tout noir, les murs, les meubles, même le frigo dont la porte vitrée laissait voir les bouteilles », se souvient Michel Bouchet qui a « joué du blues » pour accompagner Serge au chant : « Je suis un pianiste d’esbroufe qui ne sais pas lire une partition, à droite les aigus, à gauche c’est grave ! Mais je l’ai fait uniquement pour toucher à son piano. » Les poulets ont quitté Gainsbourg à 6 ou 7 heures du matin pour retourner au 36.
« Vous pouvez me serrer la main, monsieur le commissaire. Le talent, c’est pas contagieux.» Gainsbourg à Patrick Riou, patron de la crim’
Désormais, le pote des cops a plein d’amis à voir au Quai des Orfèvres : Michel Bouchet bien sûr, car « la compagnie des stups lui plaisait », mais aussi Patrick Riou, qui habite sur le même palier, au troisième étage.
Dans l’antre des seigneurs de la crim’ tous en costume-cravate « par respect pour les familles » et que les baroudeurs des stups surnomment « les contemplatifs », le pince-sans-rire commissaire Riou accueille chaleureusement Gainsbourg. Pas comme la première fois où, selon la légende du 36, Patrick Riou, un brin strict et look british, aurait eu un « mouvement de répulsion et un rictus de dégoût » en surprenant l’autre crade, comme d’habitude, rapporte un témoin. Gainsbourg l’aurait alors salué d’un ironique : « Vous pouvez me serrer la main, monsieur le commissaire. Le talent, c’est pas contagieux. »
Patrick Riou ne se souvient plus de cet épisode mais n’a pas oublié les visites de la star en 1990 dans son mythique bureau « 315 », vaste pièce claire avec vue sur la Seine, armoires sans cachet remplies de dossiers : « Gainsbourg a passé des après-midis entières, enfoncé dans un fauteuil à griller ses Gitanes, à me regarder bosser, à ricaner et à commenter », dévoile le commissaire Riou. L’artiste adorait rester des heures, assis dans l’un de ces deux antiques fauteuils en cuir avec accoudoirs, installés en contrebas du siège du chef de la brigade criminelle, là où, depuis des lustres, prennent place les suspects récalcitrants. « Vers 2 heures du mat’, les inspecteurs qui ne parvenaient pas à obtenir des aveux amenaient le détenu dans ce bureau, le plus luxueux du 36 et le seul moquetté, pour l’impressionner », raconte Patrick Riou à Gainsbourg, fasciné. C’est ce qu’on appelle « le coup de la moquette », un cérémonial organisé au « 315 » avec cigarette et café, « considération et respect » du patron de la crim’ pour l’assassin, afin d’essayer de lui délier la langue, et « ça marchait ». Acoquiné à ce grand poulet, Serge Gainsbourg buvait ses histoires de faits divers et venait à tous les pots de la crim’ s’enfiler des doubles Pastis 51.
Débraillé, il se fait tirer le portrait à la « bertillonne »
Trois ans avant de fréquenter les commissaires Bouchet et Riou qui regrettent de ne pas avoir immortalisé ces moments en sa compagnie, Gainsbourg avait déjà ses entrées dans la « maison poulaga ». J’ai retrouvé pour Les Jours la trace de son passage au 36 ainsi que les photos anthropométriques réalisées pour l’occasion dans des circonstances non élucidées. On ne sait pas exactement grâce à qui, mais un soir de virée avec des poulets, au mois de mai 1987, Serge Gainsbourg s’est assis sur la chaise de Bertillon (lire l’épisode 1, « Le commissaire Marlet s’en va ») installée au dépôt, tel un suspect à mine patibulaire en fin de garde à vue. Ébouriffé, débraillé, la chemise ouverte sur un diamant en pendentif, les pouces dans les poches de son pantalon, Gainsbourg s’est prêté au jeu des prises de vue par le service de l’identité judiciaire, de face, de profil (et même de sa braguette). D’après un connaisseur de la boutique, Gainsbourg « a dû croiser une nuit son copain de l’équipe de perm’ de l’IJ qui l’a amené ici, sur la chaise de Bertillon. » Mais un autre se demande si ce n’est pas plutôt « son grand pote de la 6e BT » qui l’a conduit à l’IJ, quai de l’Horloge. Plusieurs policiers du 36 nous ont parlé de cet inspecteur ayant de la bouteille, très lié à Serge Gainsbourg. Sans pouvoir nous livrer son identité, ni savoir s’il s’agit de l’ancien « mataf » de la chanson À la brigade des stups.
Avant d’entrer à la crim’, un commandant, le surnommé « Pitt » – tenace comme un pitbull –, se souvient d’une nuit d’astreinte à la 6e BT : « Gainsbourg, qui connaissait cet inspecteur alcoolique au dernier degré, est venu en coup de vent vers 20 heures fumer une clope et boire un verre. » Alors inspecteur à la brigade antigang, Jean-Louis Fiamenghi, alias Boucle d’or, a lui aussi « connu Gainsbourg, un type adorable ». « Un soir, en bordée avec ce gars de la 6e BT Montparnasse, on a passé deux heures à boire des coups et les deux sont partis en boîte. » En tout cas, la fameuse scène de la « bertillonne » au 36 a inspiré Gainsbourg qui, cette même année 1987, pose sur la pochette de son album You’re Under Arrest de face et de profil, comme sur des clichés anthropométriques.
“ Mettez le pimpon ! Je suis en état d’ébriété sur la voie publique.” Gainsbourg à des policiers
Bienfaiteur de la police et philanthrope selon Patrick Riou, Serge Gainsbourg « faisait un gros chèque chaque année pour les orphelins », donnait de l’argent pour les arbres de Noël de brigades du 36 et de commissariats, surtout celui du VIIe arrondissement à côté de chez lui, et à la 6e BT, et offrait des bouteilles à tous les flics. « On a un point commun tous les deux », avouait Serge Gainsbourg au journaliste écrivain Antoine Blondin dans l’émission Lunettes noires pour nuits blanches de Thierry Ardisson, en avril 1989 : « On aime les flics et les commissariats. »
Finalement, la « maison poulaga » était un peu sa seconde maison. Et les voitures de police, son moyen de transport préféré. Mieux que le taxi, c’était son kif à Gainsbourg de rentrer de discothèque dans un « panier à salade » Quitte à faire du stop sur les boulevards dans l’espoir qu’un fourgon de police le ramasse. L’inspecteur « Renato », alors à la BRI (brigade de recherche et d’intervention), se souvient d’une soirée au Queen avec le commissaire Philippe Féval et Serge Gainsbourg, qui voulait « à tout prix monter dans notre véhicule de service pour qu’on le reconduise chez lui » : « Alors on a fini par céder. On a descendu les Champs-Élysées, Gainsbourg en passager avant qui disait Mettez le bleu les gars, allez ! » Mais comme on était tous bien chargés, on ne voulait pas se faire remarquer avec la sirène deux-tons et le gyrophare. Il insistait : ‘’Allez soyez sympas, mettez le bleu ! ’’ On roulait doucement et quand on s’arrêtait aux feux, sur les Champs, les gens n’en revenaient pas de voir Gainsbourg dans une bagnole de police. On l’a raccompagné rue de Verneuil. »
En annexe de son Gainsbourg confidentiel, Pierre Mikaïloff consacre une page de son Abécédaire indiscret du chanteur, lettre F comme fourgon de police, à ce « sketch réglé comme du papier à musique ». Childéric Muller, producteur télé des Enfants du rock, y raconte la scène vécue. Une nuit, à 1 heure du matin, boulevard Saint-Germain, des flics en train de contrôler une mob’ se laissent distraire par Gainsbourg :
« Venez, on va boire un coup ! » Les uniformes : « On peut pas, on est en service. » Et ça dure longtemps. À la fin, évidemment, Gainsbourg, « bourré comme c’est pas possible », réussit à monter dans la camionnette des flics avec son pote Childéric Muller et insiste pour qu’ils démarrent : « Mettez le pimpon ! Je suis en état d’ébriété sur la voie publique : soit vous m’embarquez au commissariat, mais je n’en ai pas envie, soit vous m’emmenez chez moi. Allez, ramenez-moi chez moi, sinon c’est de la non-assistance à personne en danger. » Et puis à nouveau « mettez le pimpon ». Très patients, les flics ont décliné – « Non monsieur Gainsbourg, il est 1 heure du matin, on ne peut pas réveiller le quartier » – mais l’ont raccompagné au 5 bis de la rue de Verneuil.
Et bien sûr, ses amis de la police étaient encore là, fondus dans la foule du cimetière Montparnasse, quand le cœur de la vieille canaille du 36 a fini par lâcher, en mars 1991.
Via Lesjours
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A la brigade des stups.
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A Paris tout le monde veut être acteur. Personne ne se résigne à être spectateur
Jean Cocteau
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Des étrangers racontent ce qui les a le plus choqués lors de leur arrivée en France
Par Hélène Coutard
En France, il y a certaines choses à détester obligatoirement si vous voulez parfaire votre intégration dans le pays : la SNCF, l'entraîneur de l'équipe nationale de football, et travailler – dans le sens large du terme. À l'inverse, et pour je ne sais quelle raison, il est de bon ton d'apprécier les conflits, les tomates cerises, les théories du complot, l'authenticité, Freud, Woody Allen, Xavier Dolan et le pessimisme – et des millions d'autres petites choses que vos potes Erasmus, tout européens soient-ils, ne comprendront jamais.
Contrairement à ce que peuvent affirmer les louangeurs de Renaud Camus, l'Hexagone n'est pas encore submergé par l'afflux d'étrangers. Selon une étude de l'Insee datée de 2012, il y avait à cette date dans le pays 3 170 000 immigrés n'ayant pas acquis la nationalité française et 550 000 étrangers nés en France n'ayant pas non plus opté pour la nationalité française – ce qui fait 3 720 000 personnes. Ce chiffre doit bien sûr être réévalué chaque année – le regroupement familial étant le premier facteur d'immigration, loin devant l'accueil des réfugiés d'Afrique et du Moyen-Orient. On estime à quatre millions le nombre d'étrangers présents aujourd'hui sur le territoire.
Ça fait donc un paquet de monde incapable de comprendre pourquoi les Français et la queue dans les magasins ne font pas bon ménage. Après, je n'ai jamais dit qu'il n'en allait pas de même dans le sens inverse. Demandez à un Français s'il comprend l'engouement des Américains pour les câlins, le succès des livres de Tao Lin ou l'amour des Mexicains pour Alizée. Il vous répondra simplement : « Non. » Il est donc on ne peut plus logique que la France et sa culture laissent des milliers d'étrangers dans le flou. On a demandé à quelques allochtones ce qui les avait le plus choqués chez nous.
« En France, tout le monde parle de cul. Pendant mon séjour, j'ai bien compris que la réputation des Français n'était pas loin de la réalité. Une balade dans les rues de Paris ou un verre en terrasse se termine inévitablement par l'arrivée d'un jeune homme qui sait comment faire craquer n'importe quelle fille. Et, bien entendu, on ne cache pas les détails croustillants de ses expériences devant ses copains. Quand une soirée se passe mal, « on va choper » juste pour tromper l'ennui – un mot assez mal connoté en Allemagne.
Mais ce qui m'a véritablement surprise, c'est que les Français sont, en même temps, très pudiques. Se changer devant d'autres personnes dans les vestiaires les met mal à l'aise, sauter à poil dans la mer entre potes est impensable, alors que tout cela est normal outre-Rhin. C'est un paradoxe auquel je ne m'attendais pas du tout et qui est un peu étrange ». —Marie Nicolaus, 24 ans, étudiante à Science Po Rennes, Allemande
« Le plus gros choc a été mon installation. Je pensais pouvoir me pointer avec un peu d'argent et trouver un appartement, mais c'était impossible. J'avais besoin d'un compte en banque français et d'un cosignataire français sur mon bail. Sauf que, pour ouvrir un compte en banque, il faut une adresse en France ! C'était très frustrant.
“J'ai fini par obtenir un faux justificatif de la part d'un ami qui affirmait que j'habitais chez lui. J'ai utilisé ça pour ouvrir un compte et, par la suite, les parents d'un autre ami français ont accepté de cosigner mon bail. Je ne les ai pourtant jamais rencontrés ! “ —Geoffrey Wildanger, 27 ans, étudiant en littérature comparée, Américain
« L'importance accordée par les jeunes français au système des grandes écoles m'a énormément étonné. Mes premières rencontres avec les étudiants locaux étaient toujours les mêmes : ils ne parlaient que de bac + quelque chose, de prépa, d'acronymes étranges. Je ne comprenais pas cette façon de voir les choses.
Même les professeurs introduisaient leur cours en expliquant ce qu'ils avaient fait comme études. Je trouvais ça un peu ridicule qu'un prof de 45 ans souligne qu'il avait été étudiant dans une super école et qu'il avait fait des recherches avec ses collègues – sans expliquer les tenants et les aboutissants des recherches. Moi, je voulais juste qu'il fasse cours ! » —Tiziano Peccia, 25 ans, consultant, Italien
Extrait d'Un crime au paradis, film de Jean Becker
« En arrivant en France, le rapport à l'alcool m'a surprise. En Israël, on n'a pas du tout l'habitude de boire pendant la journée – sauf peut-être une bière à la plage. Je n'avais jamais vu des ouvriers carburer au Ricard dès 10h du matin.
J'ai habité à Thonon-les-Bains en Haute Savoie pendant quelque temps. Là-bas, certaines personnes étaient complètement bourrées à midi. Il y avait l'apéro de 11h du matin, puis de nouveau un apéro à 17h, juste après le boulot... Les gens boivent en mangeant, puis après manger, il y a le digestif ! » —Elinor Rafaelli, 29 ans, étudiante en irénologie, Israélienne
« J'ai été très surprise par la propension qu'ont les Français à vouloir argumenter tout le temps. Je viens de Californie. Là-bas, tout le monde est poli – du moins en apparence – et fait semblant d'être d'accord dans le but d'éviter les conflits. En France, j'ai l'impression que les gens cherchent le conflit parce qu'ils adorent les « batailles intellectuelles ». » —Barbara Silverstone, 41 ans, traductrice et cofondatrice de Unseven, marque de tee-shirt, Américaine
« Quand je suis arrivée en France, je me souviens avoir été très étonnée de savoir que mes amies avaient l'habitude de prendre un verre ou un café seule. En Roumanie, je n'avais vu que des grands-pères se comporter de la sorte ! Les « jeunes » circulent en bande ou sortent à deux là-bas.
Je me suis fâchée avec une amie française parce qu'après lui avoir proposé de me retrouver pour aller ensemble à une soirée où je ne connaissais personne, elle m'a répondu : « On se retrouve directement à l'intérieur. » J'ai alors pensé : « Je vais avoir l'air con de l'attendre seule parmi ces inconnus. » Petit à petit, je me suis habituée à cette indépendance, et j'avoue qu'elle n'est pas désagréable, en fait. » —Simona Dirvariu, 36 ans, architecte, Roumaine
Extrait de La Grande Bouffe, film de Marco Ferreri
« En France, quand tout va bien, tout fonctionne très bien. Vous demandez une aide au logement à la CAF, et ils vous donnent automatiquement de l'argent tous les mois. Par contre, quand quelque chose se met à déconner, ça devient difficile de le remettre sur les rails !
Chez moi, mon accès à Internet n'a pas fonctionné pendant quatre mois. Pendant tout ce temps, j'ai téléphoné à mon opérateur tous les jours. Les techniciens sont devenus mes invités les plus fréquents. De son côté, la CAF a suspendu mes APL et m'a envoyé une lettre pour réclamer des documents – documents que j'avais envoyés le mois précédent. J'ai téléphoné et quelqu'un m'a dit que c'était réglé. Une semaine plus tard, j'ai reçu la même lettre... Vivre en France, c'est vivre dans un tourbillon infini de procédures administratives. C'est un peu comme la Chine, mais en pire ! » —Xiayong Lei, 24 ans, étudiante, Chinoise
« Mon premier choc a eu lieu lors de mon arrivée en France. C'était Noël, et j'étais invitée chez ma future belle-famille. D'abord les présentations. Premier défi : savoir s'il fallait faire une, deux ou trois bises. Chez moi, à Lima, il en suffit d'une, mais il faut qu'elle soit chaleureuse !
Une fois installée à table, j'ai vu défiler devant mes yeux une douzaine de plats, chacun meilleur que le précédent. Ce qui était encore plus étonnant était la durée du repas : cinq à six heures ! Je n'avais jamais vécu cela auparavant. J'ai compris que la gastronomie et la tradition culinaire étaient essentielles ici.
La table est l'autel des Français. L'élément sacré de Noël en France, c'est la gastronomie et pas la religion. Les rituels et les symboles ont moins d'importance qu'au Pérou et attirent la méfiance. Dans mon pays de naissance, il n'y a pas vraiment de séparation entre la religion et la sphère publique. Ainsi, personne ne va contester la mise en place d'une crèche dans une salle communale, par exemple. » —Ana Rosa Goudrias Carrillo, 57 ans, professeure d'espagnol, Péruvienne
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“Le bon moment pour rire : chaque fois que l’on peut
Linda Ellerbee De Linda Ellerbee
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J'ai retrouvé ton skyblog
Il y a sur la toile un cimetière de pépites. Un vivier de souvenirs. Le skyblog. Ou journal extime des ados des années 2000. i-need-y0u-x , 44-all-stars, m-i-m-0-x3 … Mais où allait-on chercher des pseudos pareils ? On a scrollé. On s’est cachés, honteux. Et puis, on a ri.
Par Elisa Vallon
Le skyblog, c’est le portrait d’une époque. Toi aussi tu te souviens à quel point tu as usé ce sweat à capuche zippé H&M, blanc couvert d’étoiles vertes ? Recoiffé cette frange épaisse un peu de biais ? Coupe de chalouf. Les premiers slims et les sautoirs de perles, cette mauvaise idée. Voilà, toutes ces erreurs de parcours nous reviennent en un clic, skyrock.com.
Il y a les moches. Les habillages bicolores vert stabilo sur rose fushia qui piquent les yeux. Dans un flou artistique, nos premiers amours flirtent avec nos premières cuites à la manzana, publiquement sur la toile. Même maman est présentée en trois lignes, à son insu. Mais ça, on l’avait tous un peu zappé.
Chaque petit moment d’amour ou d’amitié mérite son article et sa déclaration. A la fois expansif et secret. On ressent comme un besoin de balancer ses tourments derrière l’écran et de crier des "je t’aime" qui sonnent creux aujourd’hui.
"Mes préférées, ma choune, mon trésor, ma choute, mon chou, mon amour, ma bichette, ma chérie". On réapprend la gymnastique des surnoms cucus et leurs pronoms bien personnels au fil des articles. Notre préféré, c’est l’article sur la meilleure amie. La bestah, la sistah, toussa toussa. Parfois, on se prenait carrément pour un poète 2.0.
À l’époque, MSN régit la loi des symboles, le cœur est un L majuscule entre parenthèses, et on ne lésine pas : (L) (L) (L). English touch ou grosse flemme, quand on tapait des 4, four, pour "fort". Ça donnait des "j’t’aime 444". Toujours plus de love. Des cœurs, des jtdr, je t’adore, et des jtm, je t’aime, à la pelle. Cette expression "surkiffer" et la manie d’alterner minuscules et majuscules se retrouve jusque dans les commentaires. Overdose.
Tout était dans la mise en page. On usait de codes et options de textes pour réaliser des articles aux couleurs de l'arc-en-ciel, en forme d’étoile, de cœur ou de Tour Eiffel. Comme les ambassadeurs d'une ligue anti-orthographe, on doublait les "ii", rajoutait des trémas sur tous les "a", comme çä. "Toa ossi"? Du grand n'importe quoi.
Quelques crochets, de l’italique, du cyrillique, des majuscules ici et là, voilà, on trouvait ça joli. C’était illisible.
A cette époque, on l’écoutait le soir sous la couette, branchés secrètement sur 102.9. Décédé samedi dernier, Mohamed Sayah allias Momo, animateur phare de la radio Rap&Rnb non stop, emporte avec lui les vestiges de nos 15 piges.
XOXO
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Ibrahim Maalouf - Red & Black lights Hommage aux femmes de sa vie. Parce que c’est beau.
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C’est l’histoire d’une gueule.
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C’est bien la pire folie que de vouloir être sage dans un monde de fous.
Erasme
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Le tutu dans tous ses états
Sensualité, poésie et humour dansent en rythme pour dénoncer les clichés. Beaux et drôles, six mecs comme on les aime.
A voir théâtre Bobino jusqu'au 30 mai 1016
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Pas de génie sans un grain de folie
Par Clément Guillet
Ce n'était qu’une vague intuition jusqu’à présent, c’est désormais prouvé: il existe une association entre la pathologie mentale et la créativité.
Sorti en début d'année, le film Maniac, embarque le spectateur en caméra subjective dans la tête d’un psychopathe serial killer. Interprété par le frêle Elijah Wood, ce déséquilibré, lorsqu’il ne tue pas sauvagement de jolies jeunes femmes, passe son temps à confectionner des mannequins avec leur scalp… Un artiste capillaire, dangereux malade mental à ses heures perdues.
Les fous et les artistes ont souvent été mélangés. D’Antonin Artaud à Camille Claudel, les troubles psychiques et le souffle de la création ont longtemps semblé aller de pair. Une étude vient de vérifier ce pressentiment et démontre qu'il existe des liens bien réels entre les deux.
Artiste maudit et savant fou
«Il n'y a pas de génie sans un grain de folie». Cette phrase d'Aristote dans Poétique montre que l'association n'est pas nouvelle. Dans «Problème XXX», le philosophe s'interroge: «Pourquoi tous les hommes exceptionnels du passé, en philosophie, en politique, en poésie ou dans les arts, étaient-ils manifestement mélancoliques?»
Cette idée est renforcée dans les représentations collectives par l'archétype romantique de l'artiste maudit hérité du 19e siècle. La créativité semble alors associée à la maladie mentale et aux addictions diverses. Van Gogh, Maupassant, Séraphine de Senlis… la liste est longue des artistes dont la vie et l’œuvre sont marquées par les pathologies psychiatriques.
Et la folie créative n'est pas l'apanage des artistes. L'image du savant fou est aussi classique. A l'instar d'Einstein, qui aurait été atteint du syndrome d'Asperger ou du génial mathématicien John Nash, prix Nobel d’Economie et schizophrène, dont la vie à est mise en scène dans Un homme d'exception. Les diagnostics psychiatriques posthumes se multiplient et la psychobiographie tente d'expliquer certaines œuvres. Les hallucinations de Van Gogh lui auraient par exemple inspiré ses tableaux. Et la théorie de la gravitation de Newton devrait plus au trouble bipolaire qu'à une pomme.
La folie est tellement associée à l’archétype de l’artiste excentrique qu’elle est même devenue une pose. De Dali à Green Day ou Eminem, passer pour un fou est devenu un classique, presque un «must have» sur un CV d’artiste. Un culte de «l'artiste fou», comme si la formation qualifiante pour avoir ce statut n'était plus les Beaux Arts, mais un séjour en hôpital psychiatrique ou en centre de désintoxication.
Des pathologie mentales plus fréquentes chez les écrivains
Face à cette pose, certains comme Jean Dubuffet, ont voulu dissocier maladie mentale et créativité. Selon la formule qu'on lui attribuait, le créateur de l’art brut issu des hôpitaux psychiatriques estimait ainsi qu'«il n’y a pas plus d’art des fous que d’art des dyspeptiques ou des malades du genou», rappellant ainsi que tous les créatifs ne sont pas des malades mentaux ni tous les malades mentaux des créatifs.
Pourtant une étude menée par le Dr Simon Kyaga de l’Institut suédois Karolinska, publiée en septembre 2012 dans le Journal of Psychiatric Research, montre qu’il existe bel et bien un lien entre les personnes créatives et les maladies mentales.
En suivant l'évolution de 1.173.763 patients des services de psychiatrie, et de leurs proches, sur une durée de 40 ans, les chercheurs ont étudié les rapports entre professions créatives (artistes, chercheurs, musiciens…) et pathologies mentales (schizophrénie, troubles bipolaires, dépression...) répertoriées grâce à une échelle de référence internationale (CIM). Au final, cette étude ne montre pas de lien général entre professions créatives et troubles psychiques, à l'exception du trouble bipolaire. Mais, pris à part, les écrivains se révèlent être de manière statistiquement significative plus à risque pour toutes sortes de pathologies psychiatriques. Schizophrénie, troubles bipolaires, dépression, addictions, troubles anxieux ou suicide: être auteur semble dangereux pour la santé mentale. Ou une santé mentale défaillante semble devoir pousser à l'écriture.
Des statistiques qu'on pourrait illustrer par les destins de Verlaine (alcoolique), Virginia Woolf, Hemingway (bipolaires et suicidés) ou encore Michel Houellebecq (dépressif). Autre découverte, l'étude montre que les parents, frères et sœurs des patients schizophrènes, bipolaires, anorexiques ou autistes exercent plus souvent des professions créatives que la moyenne. Un lien entre créativité et maladie mentale semble donc bien exister a fortiori si l'on prend en compte la famille dans sa globalité.
Remise en cause des normes
Il est clair qu'une œuvre est le résultat d'un travail, d'un contexte favorable. Mais remettre en cause des normes, trouver des solutions inédites est indispensable: c'est la créativité. Selon les auteurs de l'étude, le lien familial entre les personnes créatives et des pathologies comme la schizophrénie, le trouble bipolaire ou l'autisme pourrait avoir un rapport avec trois composantes de la créativité: la capacité à faire des associations inhabituelles (schizophrénie, personnalité schizotypique), la motivation, le surinvestissement (trouble bipolaire), un intérêt intense et restreint pour certains domaines (traits autistiques).
Ce n'est pas la première fois que le trouble bipolaire de type 2 a été supposé propice à la créativité: à la phase dépressive et son lot de remise en cause succède la période d'hypomanie qui peut permettre son expression. Intense activité, fluidité des idées, confiance en soi, insomnie sans fatigue... autant de symptômes qui peuvent favoriser la créativité. La création peut aussi être une catharsis des troubles de l'humeur, comme l'écrit Artaud «nul n’a jamais écrit ou peint, sculpté, modelé, construit, inventé que pour sortir en fait de l’enfer.»
Mais les auteurs rappellent aussi que lorsque les symptômes deviennent trop intenses, la créativité s'effondre, traçant grossièrement une relation en «U inversé» entre créativité et psychopathologie. Explication neurologique Certains auteurs ont même recherché une explication neurobiologique. En 2010, une étude dirigée par le Dr. Örjan de Manzano au sein du même institut suédois avait étudié la présence de récepteurs à un neurotransmetteur (la dopamine) chez des personnes saines créatives. Ils avait constaté que comme chez les personnes souffrant de psychose, ces récepteurs manquaient dans une zone particulière du cerveau, le thalamus. Un déficit qui pourrait expliquer un moindre filtrage, conduisant à des idées novatrices (chez les personnes créatives) ou des idées délirantes (chez les schizophrènes).
L’étude menée par le Dr. Kyaga, la plus complète à ce jour sur le sujet, vient donc valider une intuition ancienne: il existe effectivement un lien entre folie et créativité. Ce lien n'est ni nécessaire, ni suffisant la réalisation d’une œuvre et les hôpitaux psychiatriques ne sont pas remplis d’artiste en devenir. Mais cette nouvelle approche éclaire d'une autre lumière la création. Et contribue à déstigmatiser la pathologie mentale.
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