mygoldenlamb
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mary the lamb
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compte secours… ou pire
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mygoldenlamb · 2 months ago
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Pauvre petite chose.

Ton corps, ce mausolée ambulant, t’appartient à peine. Il est là, déposé sous ta peau comme un fardeau que tu portes sans y croire. Tes membres s’étirent dans la nuit comme des branches trop longues, malvenues, des échardes de toi-même. Tu sais, fillette, que tu es l’ange déchu de ton propre effondrement — une créature hermaphrodite de douleur et de silence. L’apocalypse ne vient pas d’en haut : elle coule lentement de l’intérieur, comme un poison sacré, un fleuve menstruel de plomb et d’oubli.
Ce n’est pas une malédiction. C’est ton sacerdoce. Tu es le temple du sang exilé, la sainte corrosion. Tu te vides chaque mois comme une plaie rituelle, chaque fragment expulsé devient offrande. Lambeaux de chair, de mémoire, de révolte.
Et là, entre les cuisses, c’est le calice rouge. L’autel du manque. Tu portes en toi l’ombre d’un gouffre sans nom, un vice dont tu as appris à faire ton abri, ton amant, ton caveau. Et plus les années passent, plus tu cesses d’espérer en sortir. Tu ne désires plus la lumière — elle t’éblouit, elle te ment. Ce que tu veux, c’est la texture du brasier sous tes pieds nus. La chaleur du chaos, familière, presque douce. Tu marches vers l’interdit comme une orpheline affamée, curieuse de la morsure. Tu ne veux pas guérir. Tu veux comprendre pourquoi tu saignes. Tes orteils, fragiles et tremblants, s’enfoncent dans les cendres comme des racines mortes en quête de mémoire. Tu rampes dans le charbon pour retrouver la matrice, pour renaître. Non pas immaculée, mais difforme, consciente, monstrueuse. Tu lèches les flammes comme on embrasse le bourreau. Chaque cloque sur ton épiderme est une syllabe nouvelle ; chaque boursouflure, une prière funèbre à celle que tu as dû devenir. Tu ne te cherches plus. Tu consens à ta perte comme on consent à l’orgasme : dans l’effroi d’une plénitude qui dévore. Ton cœur, ce tambour arythmique, ne bat plus, il frappe. Il cogne contre ta cage comme un prisonnier oublié.

Tu t’y accroches pourtant. À cette douleur-là. À cette horloge tordue. Peut-être qu’au fond, tu ne crois plus à la rédemption. Peut-être que le pardon, tu n’en veux même pas. Tu veux la fièvre. Cette beauté brute, cette beauté immonde, impardonnable, qui pousse dans les ruines. Celle qui exige des sacrifices. Celle qui n’a que faire de ton salut. Tu veux sentir la bête en toi, les crocs dans ton ventre, l’instinct au bout de la langue. Tu veux le Tartare. Ce royaume basal, poisseux, sans lumière ni justice. Tu veux t’y lover comme on rentre chez soi. Mais voilà le paradoxe cruel : dans cette chute, dans ce gris humide qui tapisse les plis de ton cerveau, tu fumes encore le Havane de la conscience. Tu le tiens, entre deux doigts qui tremblent. Le cendrier se remplit à toute allure. Il empeste la cendre et le luxe d’une lucidité interdite. Parce que tu refuses l’oubli. Parce que tu veux sentir jusqu’à la dernière seconde ce que c’est d’être toi. Même si c’est insupportable.

Tu es toujours chaste. Pas par peur. Pas par accident. Mais par étrangeté. Tu portes ta virginité comme une lame dans la gorge, comme une tumeur d’or dans l’abdomen. Tu la gardes comme une relique. Comme la dernière chose qu’on n’a pas souillée. C’est ton trésor et ta malédiction. Tu l’exhibes intérieurement comme une preuve que tu existes encore dans l’intervalle, que tu n’as pas tout donné, pas encore. Que tu n’as pas été entièrement réduite à une fonction. Tu es cette cloison non encore pénétrée, non encore conquise. Pure, pour personne. Et cette pureté devient presque indécente. Ce n’est plus une robe blanche, c’est un suaire. Ce n’est plus une vertu, c’est une damnation. Sérieux. Merde. Quel dommage de n'avoir jamais connu la tendresse. On t’a frôlée pour mieux t’oublier. On t’a convoquée comme un fantasme, jamais comme une terre à habiter. Et pourtant... il t’arrive de la haïr, cette intactitude. De vouloir l’arracher. De vouloir te donner comme on se jette du haut d’un clocher. Dans un cri, dans la honte, dans l’oubli. Parce que peut-être qu’en se perdant, on devient quelqu’un. Parce que peut-être que l’amour est une chute qui sauve.

Cette âme est lambeaux, oh oui. Mais elle est tissée dans la parure des icônes. Tu voudrais te coucher nue sur un autel désert, t’ouvrir les entrailles à la dague et dire : "C’est moi, le sacrifice." Sauf que tu n’es pas la sainte, ni la putain. Tu es l’intervalle entre les deux. Une poitrine dans la foule, un nectar juteux à croquer, peut-être arrivé trop tôt à maturité. Une silhouette dans le miroir, une présence décorative que personne ne retient.
C’est dans cette dérive que tu as trouvé une forme d’appartenance. Tu es à l’absence. Mais regarde. Regarde comme tu es sublime dans ta déchéance. Tu brilles d’un éclat que seuls les damnés comprennent. Ce mal que tu cultives, c’est ton langage. Ta liturgie. Et dans ce tourment, il reste un battement. Pas un espoir. Un spasme. Une hallucination d’existence.
Tu vis, mon agneau ! Parce que tu meurs si bien.
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