noiraugure
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J'écris de mon téléphone, à défaut de pouvoir passer moins de temps devant pour le moment.
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noiraugure · 5 years ago
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Alors-même que le sorcier prononça les dernières paroles de son incantation qu’aucune langue ne saurait reproduire à part la sienne, de la terre émergea des braises rougeoyantes, montant lentement vers le bois mort et la paille sèche pour se muer en brasier. Au milieu du feu de joie semblait se rencontrer mille corps aux formes abstraites, impossibles à saisir tant elles s’évanouissaient aussi vite qu’elles pouvaient naitre. En rond tout autour, les chevaliers s’agenouillèrent en silence, conscients de la bataille à venir.
Une bataille acharnée et éternelle de ces flammes qui se meurent si vite, peu après être montées si hautes dans le ciel, affamées de toute chose, dévorant dans leur courte apparition l’obscurité dans laquelle tout se décompose lentement. Une guerre sans fin où la pourriture lente des fleurs et des êtres trouvèrent enfin des adversaires souhaitant mettre un terme à ce règne triste et morne, dans le fracas que le feu chante sur le bois et la chair, défiant l’éternité d’une nuit noire que le soleil ne vint jamais chasser auparavant. Les langues infernales vinrent lécher ce qui mettait bien trop de temps à disparaître, leur offrant l’espace de cet instant le goût si bon de la lumière du jour, et la chaleur d’un hiver qui fuit. Le feu, d’une vivacité éphémère mais colossale, imposa son règne quelques heures sur ce qui peut faner, vieillir et ramper, là où la terre n’avait porté autre chose qu’un malheureux manteau de glace pour cacher ses feuilles mortes et ses carcasses d’oiseaux.
« Que les flammes règnent, ne serait-ce que le temps de leur courte vie, plutôt qu’une éternité de plus dans la nuit. Qu’elles balayent ces cœurs pourrissant et ses yeux arides du sel des larmes qui ne coulent plus. Que ce soit violent et grandiose. Qu’elles puissent ronger jusqu’à l’os ces chairs pâles et dégoûtantes. Qu’il ne reste que des cendres de ce royaume où le temps même n’a plus sa place, qu’on laisse la lumière percer d’une vive lance ces semblants d’âmes qui errent dans le noir depuis toujours. Que leur peau puisse goûter quelque chose de plus fort que la faim des mouches et des larves. Que l’éternité cesse, si elle n’a rien d’autre à proposer qu’un semblant de vie, un semblant de mort, un semblant d’amour, un semblant d’âme. Puissions-nous connaître en ces tristes royaumes l’intensité magnifique des Enfers que la passion nous avait promis. »
Le meneur acheva sa litanie, se redressant lentement de toute sa hauteur, se tenant à la garde de son épée aux proportions démesurées. Elle avait été forgée durant un autre temps que le sien, un âge où cette lame aurait appartenu à un géant. L’enfer face à lui faisait danser ses reflets sur son armure d’airain.  Se tournant vers les lames tenues fermement par ceux qui s’étaient juré d’imposer la fin des temps, il s’exclama :
-          … Car les Temps eux-mêmes sont insupportables en ces lieux. Que ceux qui ont promis ce qui leur reste de vivacité à la violence que ce Monde mérite se préparent. Ils arrivent, prêts à défendre ces grandes ruines, celles qui n’en peuvent plus de perdurer…
Relevant sa garde à portée d’épaule, il attendit, en tête de cette troupe d’âmes flamboyantes. Les hordes d’horreurs et monstruosités qui refusaient de mourir déferleraient bientôt vers eux, à la vue de l’immense feu de joie qui dansait avec insolence au milieu du noir. Le sorcier se retourna vers les flammes pour en saisir l’une des langues incandescentes, qu’il porta aux lames de ses compagnons. Les épées se levèrent, à la manière de torches dansant dans la pénombre, prêtes à briser le mur d’atrocités qu’ils étaient venu défier. Et alors que la première des innombrables carcasses que la nuit allait vomir arrivait, trainant sa lourde masse derrière lui, rampant vers le feu de joie, le sorcier se dressa et suivit les mots du chevalier :
-          …Car les Temps eux-mêmes sont insupportables en ces lieux. Connaitrons-nous tous enfin ce qu’est la Fin.
Avec peut-être, la chance que dans ces déserts de cendres qu’ils s’étaient promis de faire émerger, naisse quelque chose de nouveau. Tel était le cycle sans fin de cette existence, et de ses protagonistes faisant saigner ceux qui trainaient à disparaitre, au nom du Soleil, cet astre depuis trop longtemps couché sous l’horizon, ne daignant plus revenir pour lever de ces terres d’agonie, les graines du renouveau.
Si Dieux ils pouvaient encore exister, les cieux torturés par les tempêtes leur cachaient la vue des royaumes qu’ils avaient laissés à l’abandon. Il ne pouvait que régner Diables, démons et horreurs abyssales en ces champs de ruines. Le feu insolent tâcha d’insolence le noir total dans lequel mille terreurs sommeillaient, attisant leur colère, leur faim depuis si longtemps réprimée. Les cohortes grouillantes de cadavres sortis de terre, animés par une corruption souterraine, chargèrent accompagnées par des monstres aux formes abominables. Des gueules débordant d’innombrables crocs s’avancèrent dans le noir, prêtes à se repaître de ce dernier petit faisceau de lumière et ses gardiens. Et lorsque les premiers pions de la Nuit Noire arrivèrent à portée de lames, les flammes se déchainèrent dans un fracas assourdissant. La chair putréfiée se consuma au contact des épées et des projectiles infernaux du sorcier, balayant les premières vagues sorties du noir. La masse de guerre du prêtre brilla intensément avant de s’écraser sur le crâne bouffi d’un adversaire, provoquant une onde de choc sulfureuse qui souffla les monstruosités à proximité. D’aucune des armes arrivées si loin dans le Noir ne comptaient tomber avant d’offrir une dernière lueur de violence éclatante, et les armures s’animaient d’une danse guerrière guidée par le chant du métal et des os fracassés. Si Dieux ils pouvaient encore exister, peut-être était-ce leur seule opportunité de jeter leurs regards sur les derniers soubresauts de vie de leur création. Au fur et à mesure que les corps calcinés s’entassaient, le brasier qu’ils conservaient dans leurs entailles faisait naître un anneau de lumière autours feu de joie, grandissant au fil des minutes qui s’écoulaient dans cette bataille acharnée.
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noiraugure · 5 years ago
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Cette vie est pleine de fantômes pas encore morts
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noiraugure · 5 years ago
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2020, cette année qu'on se permettrait d'oublier dans le vin, ne serait-ce que pour faire passer le goût d'anxiolytique coincé dans la gorge qui l'accompagne.
Inconsciemment on recherche un effet symbolique à attendre fébrilement minuit ce soir, sachant pertinemment que les yeux s'ouvriront difficilement sur une journée assez similaire, dans les mêmes tons mornes et froids qui pourraient résumer cette sale année. Cette ponctuation chronologique est bien la première à laquelle je peux me permettre de trembler à l'idée de ne pas la voir se clôturer. À celles et ceux qui n'ont pas encore perdu le goût et l'odorat à cause de la maladie, on aura encore demain les narines prises par l'odeur de renfermé de nos locaux, se mêlant à celle des passants dans la rue qui ne se disent plus rien. On aura encore le goût rance d'une gueule trop longtemps restée fermée, aux conversations rares et sans sourire.
Le seul point positif ne se trouve que dans cette symbolique irrationnelle dans les minutes qui passent lentement. 2020 meurt dans quelques heures, mais son cadavre restera en bas de nos fenêtres, encore fumant. 2020 meurt, et j'en tire une satisfaction bien trop amère pour être exprimée par de la joie. L'année qui suit ne nous épargnera pas moins, et continuera la quête entreprise par sa précédente pour nous faire cracher du sang et des larmes.
Il nous reste actuellement trois heures pour trouver des zones de lumières auxquelles s'accrocher pour le futur proche. Et c'est vrai qu'il y en a. Peu, certes, mais peut-être assez pour se battre; je n'en sais trop rien, on verra bien.
Quelques soient les bêtes ignobles qui naîtront au prochain lever de soleil, je pousse seul cette année maudite dans la fosse qu'elle mérite, las de la rancœur et la tristesse qu'elle a pu me faire porter, et je l'abat froidement, au fond de mon verre. J'écrase mes mégots sur ses souvenirs sinistres, et dans le froid de cette nuit de décembre, je me contente simplement de ça.
L'Histoire n'oubliera pas, je n'oublierai pas, tous les sourires que cette année nous a volé.
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noiraugure · 5 years ago
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Bon, et bien apparemment c'est un bon exercice, puis j'ai encore une bonne dizaine de jours devant moi avant d'entamer les démarches d'une psychanalyse en raison d'une tentative (désastreuse et maladroite) de suicide. C'était la deuxième dans ma vie, c'était sûrement la millième fois que j'y pensais, fortement, et encore aujourd'hui je me permets de douter un peu du scénario actuel dans lequel je suis en mesure d'écrire aujourd'hui.
Contexte, circonstances, causes, effets. Il faut que j'arrive à mettre tout ça à plat sans avoir besoin d'attendre un divan à cinquante euros de l'heure, ou bien l'incessante musique des urgence psy du CHU. Autant essayer. Au pire, je provoquerai l'exaspération ou la moquerie chez celles et ceux qui tomberont ici. Au point où j'en suis, je devrais pouvoir encaisser le fait de dégager une image risible, que ce soit chez des proches ou des inconnus.
Commençons. Avant les quatre premiers points, je suppose qu'une présentation s'impose. Il paraît que c'est une bonne manière que de mettre en lumière le sujet. Je vais tâcher de faire au mieux pour rendre cette partie la plus complète et explicite possible, quitte à faire lâcher prise quelques lecteurs en milieu de route.
Je m'appelle Rémy, je suis né le 20 octobre 1992, pas loin de la fête d'halloween que j'aimais beaucoup gamin, mais qui s'est perdue au fil des ans en France. Je suis venu au monde à Limoges et j'y habite encore. C'est une ville un peu triste, manquant de couleurs et d'animations, mais j'aurais du mal à lui échapper. Mes parents sont Valérie et Éric, qui ont aussi créé ma sœur, Laura. Ma mère est symboliquement la figure du Bon dans mon entourage : aimante, honnête, généreuse, simple, peut-être un peu naïve parfois, mais ça lui permet de garder une forme d'innocence très agréable à avoir autour de soi. Mon père lui parle peu, du moins c'est un peu en dents de scie au fil du temps, avec moi. C'est la figure plus "dure" du cercle familial sans pour autant tomber dans une sévérité muette et froide. Il est stressé, travaille fort depuis des décennies, s'occupe des comptes et se plaît à raconter son service militaire. Ma sœur quant à elle est un cas un peu à part. Elle n'a jamais beaucoup parlé, à toujours brillé dans les études comme les activités, a sûrement un lot de neurones fonctionnels plus hauts que la moyenne, mais semble être à part du monde social. Ça ne semble pas lui déplaire, et je fais confiance à son côté rationnel pour ne pas douter de ses choix de vie. Je pourrais évoquer le reste de ma famille, avec lequel j'étais surtout proche dans mes jeunes années, mais à vingt-huit ans aujourd'hui, les relations ont un peu fanées, sans trop s'abîmer. Quand je les revois de temps en temps (et les occasions se font de plus en plus rares), il y a des gênes qui s'installent, et des frontières ont eu le temps de prendre place. Mais bien qu'ils aient pu être parfois dans le jugement à mon égard, je crois en l'affection qu'ils me portent, aussi distante qu'elle soit, car j'ai moi-même contribué lentement à ces écarts. Je ne peux pas m'en plaindre.
Je n'ai pas énormément de souvenirs joyeux, mais sûrement par simple mauvaise mémoire. J'ai trouvé des photos dans le grenier familial d'un gamin qui sourit, entouré par une famille aimante, durant des vacances, anniversaires et autres événements familiaux. J'ai cependant très peu de photos avec des amis, le peu qu'il puisse y avoir sont des visages dont les noms ne me reviennent pas. J'ai le souvenir de mon plus vieil ami, mon voisin Alexandre et sa famille, que j'ai perdu de vue doucement et sans trop de douleur à force de vieillir. Il va sûrement bien, sa superbe famille aussi. Il y a des photos de groupe à l'école, et c'est peut-être là que ça va commencer à piquer. J'ai le très vif souvenir d'enfants aux parents gagnant bien mieux leurs vies que les miens m'invitant pour un anniversaire, simplement pour se moquer de moi le long d'un après-midi. Je me rappelle du rejet, de ces petites méchancetés au rire aigu, de ces mignons bourgeois qui sans le savoir jouaient déjà à la lutte des classes.
Il y a aussi des photos d'une fille, plus âgée que moi. Et bien que ma mémoire fasse défaut sur les années, j'ai le souvenir cuisant d'elle allongée dans un garage, forçant un enfant de sept ans à "faire comme les adultes" avec elle. Je n'ai bizarrement aucune haine envers elle, j'ai appris bien plus tard qu'elle avait été victime de violences sexuelles de la part de proches alors qu'elle-même était très jeune. Non, je hais ce cycle sans fin de prédation sur l'innocence juvénile, ces aspects sordides de la sexualité qui provoquent des traumas le temps d'une existence entière, je hais le fait que ce soit si commun, si répandu, si proche. J'ai la certitude de subir encore aujourd'hui des glitches causés par ce garage froid, et que ma perception du Monde et de l'autre a pu changer à tout jamais suite à ça. Célébrez l'effort, j'avais caché cet épisode au coin de ma tête pendant si longtemps, que cela m'étonne même de le relire après l'avoir tapé. Mais voilà, un petit bonhomme, une sale mésaventure baignée de déni pendant des dizaines d'années, sans pour autant me sentir détruit ou souillé. Pas trop. Passons. Puissiez-vous juste comprendre que pour d'autres ayant connu un épisode de la sorte, il puisse y avoir de la haine en eux.
Bon, on a parlé de l'enfance, c'était pas vraiment fou mais il y avait quand même du soleil, je tiens à le dire. Ce serait insultant pour mes parents de sombrer dans le misérabilisme en évoquant cette époque. Ils ont toujours fait de leur mieux, et je leur ai cependant mis beaucoup de bâtons dans les roues en grandissant. J'ai pris de l'âge mais je n'ai pas beaucoup grandit, physiquement. J'avais déjà compris que ma tête de moins pouvait déjà être sujet à la moquerie ou au harcèlement de cours d'école, mais ça a posé un autre problème quand le collège, puis le lycée m'ont ouvert leurs portes. J'étais un peu timide et pas forcément très plaisant à voir, je suppose. Tout ça réunit a pu me montrer que j'étais voué à être l'exact opposé du garçon beau et populaire, sans rentrer dans un cliché de série américaine pour adolescents. Puisque, persuadé aujourd'hui que nous sommes souvent attirés par ce qui n'est en rien atteignable, j'ai bien entendu souhaité plaire, faire rire, porter l'attention sur moi. Celle des amis, puis des filles, avec peu de succès pour ces dernières jusqu'à un certain âge. J'ai sacrifié pas mal de bons résultats scolaires pour simplement être un clown de classe, les rires des camarades l'emportant sur les notes, j'ai pu causer pas mal de honte à mes parents au collège, mettant en lumière une part insolente et égoïste de ma personne. Je faisais l'intéressant, je le fais encore un peu aujourd'hui, avec une certaine mesure.
Bon, le lycée, on commence à rentrer dans le lourd. On entame avec un changement radical d'entourage, de goûts, et d'opportunités. J'avais toujours ce désir de plaire, de me sentir populaire et accepté, ce qui tombait parfaitement avec mes registres culturels de l'époque. J'étais une personne aux goûts alternatifs, dans un un groupe de personnes aux goûts alternatifs, avec un début de penchant pour les choses interdites et pas très saines. C'était pas forcément la partie la plus propre de ma vie, mais actuellement j'ai connu bien pire, et il y avait quand même des aventures amusantes, de belles fêtes, et malgré ma mémoire de très bons souvenirs. J'estime cependant que cet épisode a sûrement contribué à avilir mon personnage déjà un peu torturé, laissant sortir des défauts qui m'étaient encore inconnus jusqu'à ces âges, tout en renforçant ce désir de plaire, plaire et encore plaire, se sentir aimé et désirable. Ça pousse forcément à une certaine forme de narcissisme qu'on peut sûrement pardonner, je ne sais pas, je vois beaucoup d'autres sapiens dans ce même cas. Je n'aime vraiment pas cette part de moi, et ça doit aujourd'hui laisser place à une forme de dualité intérieure, entre la vanité et le dégoût. Pas fou pas fou.
Les drogues n'ont pas aidé non plus. J'étais fêtard, buvais beaucoup, jusqu'à en mourir un peu un beau jour. Le cœur bat toujours mais une partie de mon corps est nécrosée à cause de l'alcool. Je le regrette un peu, j'aurais aimé continuer la fête éternellement. Boire et se foutre la gueule en l'air avec ce qui peut passer sous le nez, c'est facile, amusant, et ça fait fuir la timidité à grands galops. Puis qu'est-ce qu'on a ri avec Matthieu, un de mes meilleurs amis, voisin de table mon premier jour de lycée. Je pense à lui souvent et aux (très) grosses bêtises qu'on a pu faire ensemble, avec les autres copains. C'est lui qui m'a appris à fumer, rouler des joins, se battre dans des bars, et sécher mes larmes quand une fille me brisait un peu le cœur. C'était lui qui, quand Élise m'avait ravagé, au point de tenter une première fois la mort après des semaines de mutilations, m'a invité à reprendre le court de la fête. Par la suite, l'aventure nous a mené à d'autres rencontres, pour certaines légendaires et formatrices, aucun regret, j'ai connu des personnes magnifiques comme Gilles, Nat, Seb, et tant d'autres à cette époque. Ils ont un peu fané aussi, mais ils ont toujours une petite place en moi qui me réchauffe, même si j'aurais ce constant malaise à les retrouver. Si vous me lisez, ne changez jamais, vous êtes des étoiles dans la nuit, et l'obscurité fuit à votre contact.
Matthieu a mis fin à ses jours il y a quelques années, à un moment où dans ma routine, nos relations commençaient aussi gentiment à faner. J'y pense tous les jours, au moins une fois, et les larmes montent aux yeux, les regrets aussi. Ils sont immenses. Je le savais bouffé par la vie et par le cœur, un esprit souffrant d'un manque grave de sérotonine, mais j'ai fais l'autruche, de mon côté, le pensant en paix avec sa petite amie et son chez-lui. J'aurais dû plus m'impliquer, comme dans toutes mes relations. Vous allez voir, ça soulève un point important qui va venir par la suite.
C'était lui qui m'a présenté à Mel, son ex-petite amie avec qui il avait encore des relations amicales. Je me rappelle encore un peu de cette soirée, elle était là, avec son sourire gigantesque, ses jolis yeux encadrés par une paire de lunettes, et ses cheveux raides et bruns. Dès le premier instant j'ai rencontré quelqu'un avec une chaleur débordante, c'était déroutant. Je savais simplement une seule chose, je mourrais d'envie de l'embrasser, et cette envie elle, n'a jamais fini de saisir mon palpitant jusqu'à aujourd'hui. J'ai cependant perdu la manière de lui exprimer en route sur nos (presque) dix ans de relations, et j'ai fais naître chez elle le doute, le sentiment de rejet, puis la perte de son amour pour moi depuis quelques semaines.
On arrive proche du pic là. Je me sens tellement con d'avoir été capable de prendre pour acquis quelque-chose de si fort et si bon pendant aussi longtemps. Sa sincérité méritait pourtant toute mon attention. J'avais tout ce que je pouvais enfin souhaiter, tout ce que je pouvais chercher chez quelqu'un d'autre, et je l'ai laissé faner elle aussi, alors même que nous partagions le même lit, les mêmes appartements, le même quotidien qui, pour ma défense, a été des plus difficiles peu après m'être lié à elle :
J'ignore comment les choses auraient pu se passer si j'avais refusé cette offre d'emploi qui m'a fait vivre un réel enfer pendant presque neuf ans. Ma personnalité a mué au contact de la dureté du travail, et j'ai par instinct de survie, du faire durcir une carapace autour du petit batard sensible que j'étais. Je pourrais écrire des milliers de lignes qui pourraient décrire ce cauchemar quotidien, qui par la suite bizarrement est devenu ma profession, voire ma passion quand j'arrive à ne plus la lier à l'endroit où j'ai pu la connaître; mais il suffit simplement d'observer dans quel état sont mes anciens collègues, qui eux ont enduré moins de la moitié d'années que j'ai du saigner. Tous ont un suivi psy, certains sont flingués, peut-être pour un moment, peut-être à vie... Et j'ai été là, à rester, pour leur faciliter le départ, tenter vainement de faire évoluer les choses de l'intérieur. J'ai laissé mon départ prendre du retard pour que d'autres puissent partir plus vite, sans même me rendre compte que j'allais y perdre un morceau de mon âme.
Bon sang, ça ne valait pas le coup. Voir aujourd'hui d'un regard plus lointain ce que j'ai pu devenir me donne la nausée. Une personne si froide, si peu réceptive, avec des traits se rapprochant de ce patron détestable. Toute cette aliénation qui m'a rendu muet, sourd, et colérique. Cet amalgame détestable d'égoïsme et d'amnésie que je n'ai jamais pu mettre à la poubelle a fini par tuer chez Mel un sentiment si précieux. Elle qui simplement souhaitait se sentir aimée, désirée, et protégée d'un quotidien morne et silencieux. Avec nos squelettes dans le placard respectifs, on a laissé entrer des vampires au seuil de notre porte, nous noyant dans les névroses des autres pour ne jamais traiter les nôtres, les miennes surtout. À part Londres, quel projet avions-nous pu aboutir ? Méritions-nous de passer des journées entières amorphes, épuisés et abrutis face à des écrans, plutôt que la vie ? Pour refuser mes caresses dans les cheveux, les ballades, et les simples compliments ? J'ignore comment j'ai pu à ce point trahir mon propre cœur, alors que lui-même hurlait tous les sacrifices possibles à endurer pour l'amour de cette personne. En bref, on s'est laissé pourrir, et on méritait de vivre les choses autrement. Je n'hésiterais pas une seconde si l'on me proposait un retour en arrière, j'y sauterais avec joie, sans carapace, sans ces huit années de merde, sans laisser les vampires psychiques nous dévorer. Oh non, je crois que simplement, j'y retournerais et lui proposerais de simplement penser au jour qui vient, et je savourerais chaque instant à sa juste valeur en sa présence, je lui dirais d'oublier un peu la dystopie que nous traversons et qu'il y a du bon, au moins un peu quand nos mains sont jointes. Je commencerais par la regarder dans les yeux, je regrette amèrement de ne pas l'avoir fais avant qu'elle ne m'aime plus.
Alors nous y sommes, on revient donc au début de ce long message, je m'aperçois que ma présentation à complément débordé, dans tous les sens, qu'aucune question n'a eu de réponse, mais nous avons désormais un semblant de contexte, des circonstances vaguement traitées, quelques causes, des effets bien entendu qui ne sont pas encore évoqués à l'écrit, mais je dois avouer que ce n'est pas encore ça. Je me rends compte après relecture l'impact que les autres peuvent avoir sur mon existence, moi qui me targuait d'être un ermite sauvage toutes ces années, qui se refusait à saisir ce qui est bon quand l'autre tend la main. Je me rends compte aussi que j'ai perdu l'habitude d'écrire, et que cette catharsis m'aurait sûrement permis d'être une meilleure personne aujourd'hui, si je n'avais pas eu la bêtise de faire acte de pudeur avec celles et ceux qui me trouvaient beau, bon, talentueux sur certains points. J'ai même eu la bêtise de ne pas les écouter, alors que c'était tout ce que j'avais pu espérer recevoir de ma vie. C'était un peu le même sentiment de honte qu'on peut avoir à l'idée de chanter face à des gens. Ça a toujours été ça, toute ma vie.
À toi, puisses-tu un jour voir à quel point je suis reconnaissant de t'avoir rencontré, de m'avoir montré que j'étais capable d'éprouver tous ces sentiments. Qu'il ai fallu en arriver là est tragique, mais je suis fier de sentir à nouveau mon cœur qui rompt le rythme au fil de certains souvenirs. Peut-être que je t'ai perdu pour de bon (il y a même de grandes chances), et cette idée me hante, mais c'était nécessaire. Je commence à comprendre ce qui est bon et beau. Puissions-nous évoquer nos meilleurs moments, nos pétards partagés lors de nos éternels débats sur le Monde, nos convergences, notre tendresse, et le sentiment rougissant de sembler être un bon amant. Je ne peux me permettre de laisser tout ça à mes amnésie. J'ai déjà trop oublié. Je préfère porter la vulnérabilité que peut sembler être l'espoir de te retrouver, ne serait-ce qu'un soir ou un matin. Ou deux, grand maximum trois, mais pas plus ! Que la romance puisse mourir et renaître à chaque fois, sans jamais faner.
Puisqu'il faut conclure, je vais tout de même tenter de sauver un peu ma présentation, car tel était l'exercice de démarrage. Je m'appelle Rémy, j'ai vingt-huit ans depuis deux mois, et je me suis depuis trop longtemps persuadé de n'être autre chose qu'un amalgame de doutes et de complexes. Puisque ce monde est souvent violent, glacial et cannibale, je me suis toujours empêché de chanter face aux autres, tout autant que de les regarder droit dans les yeux trop longtemps, et je n'ai surtout jamais expérimenté les deux en simultané. Je me connais assez pour savoir qu'au fil des secondes le cœur s'emballerait, et les orbites feraient monter les eaux. Aussi beau le moment soit-il, je m'interdit de baisser la garde, laissant gagner l'angoisse par avance. Aussi tremblante et hasardeuse puisse être ma voix dans cet exercice, une honte indescriptible prend le dessus, me murmurant qu'il vaut mieux le silence et le regard fuyant. Et je suppose aujourd'hui, dans ma situation, qu'une personne digne de bon sens et apte à conseiller les innombrables âmes en perdition que porte notre époque me dirait que j'ai eu tort. Je suppose que je devrais lui énumérer ce que j'ai pu tirer de bon dans ce bazar : une certaine sensibilité, un coup de crayon qui ne demande qu'à évoluer, des proches qui réalisent des rêves auxquels je suis invité à m'accrocher. Je suppose aussi qu'on me ferait réaliser qu'une bonne partie de mon être se compose de la gentillesse des autres, ces sourires désintéressés et ces compliments que je détournais en rougissant. Aussi affamé de reconnaissance et de confiance puis-je être, je me refusais à savourer cette nourriture de l'âme que l'ami et l'amour me donnaient, et j'aimerais donc finir ce long monologue en faisant honneur à celles et ceux encore à table avec moi, prêts à partager le pain et la vie à mes côtés. Vos noms n'apparaissent pas tous ici, mes copains et copines, mais j'espère que vous y trouverez naturellement votre place entre ces longues lignes de texte.
À mes amis d'aujourd'hui, à ceux d'hier, et ceux de demain, puissiez-vous briller si fort que plus jamais la nuit ne soit si noire. Puissiez-vous chanter l'amour qui déborde de vos corps chavirant dans cette tempête que peut être parfois l'existence, car je ferai de mon mieux pour suivre les chœurs désormais, et me joindre à vous.
Rémy
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