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LATE NIGHT WITH THE DEVIL : FAUX DOCU ET HORREUR CATHODIQUE (â ïž SPOILERS â ïž)

AprĂšs avoir fait sensation dans une poignĂ©e de festivals de films de genre, Late Night with the Devil sort en juillet 2024 sur les Ă©crans français. Son originalité ? Un « found footage » flanquĂ© dans les 70s au cĆur dâun talk-show qui part en vrille. Si le concept sâest dĂ©jĂ vu ailleurs (voir liste non exhaustive en fin dâarticle), il a rarement poussĂ© aussi loin les potards du genre.
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Le pitch : « 31 octobre 1977. Autrefois Ă©toile montante du petit Ă©cran, Jack Delroy est confrontĂ© Ă la chute vertigineuse de lâaudience de son Ă©mission « Night Owls with Jack Delroy ». DĂ©terminĂ© Ă retrouver sa gloire perdue et Ă marquer les esprits, il planifie un show spĂ©cial Halloween en direct. Mais durant cette nuit fatidique, Jack rĂ©alisera que le prix du succĂšs peut ĂȘtre bien plus effrayant qu'il ne lâavait imaginĂ©âŠÂ »
LES BOSS DU PROJET :

Late Night with the Devil est le troisiĂšme film des frĂšres Cairnes, deux cinĂ©astes australiens branchĂ©s comĂ©die horrifique. On les connait notamment pour les sanglants 100 Bloody Acres (2012)ïżœïżœ âun festival dâhorreur rurale oscillant entre la noirceur de Wolf Creek(2005) et la bĂȘtise crasse de Tucker & Dale vs Evil (2010)â et Scare Campaign (2016), une satire de la tĂ©lĂ© rĂ©alitĂ© horrifique, sorte de farce cruelle dont les retournements de situations sont jouissifs. Ce dernier mĂ©trage aux accents paranormaux pose dâailleurs les bases du concept de Late Night with the Devil.

LE CHALLENGE DE LâIMAGE :

Le projet Late Night with the Devil relĂšve un vrai dĂ©fi visuel : recrĂ©er Ă la perfection lâatmosphĂšre dâun talk-show amĂ©ricain issu des annĂ©es 1970. Bien que lâĂ©mission soit fictive, les rĂ©alsâ ont sciemment ĆuvrĂ© pour nous convaincre de lâauthenticitĂ© des faits. Dâabord grĂące au format « found footage » qui appuie le propos, instaurant un petit grain âamateurâ hors studio, tandis que les camĂ©ras installĂ©es en plateau reproduisent les cadrages et mouvements typiques de lâĂ©poque. Des costumes soignĂ©s, une bande-son Ă©tudiĂ©e, un langage propre Ă la pĂ©riode et des attitudes parfaitement calibrĂ©es crĂ©ent lâillusion. Si lâon dĂ©cĂšle çà et lĂ quelques trĂšs discrĂštes incursions de lâIA (une rĂ©currence dans moults prods actuelles), le rĂ©sultat reste bluffant.
POURQUOI LES ANNĂES 1970âSÂ ? :



PlutĂŽt quâailleurs, les rĂ©als ont expressĂ©ment choisi dâinstaller leur film aux Ătats-Unis dans les annĂ©es 1970. Car Ă cette Ă©poque, le paranormal y a une place particuliĂšre.
Comme lâexplique le prologue du film, durant cette dĂ©cennie, les Ătats-Unis traversent une terrible pĂ©riode dâangoisse. LâĂ©clat vaporeux des annĂ©es 1960 disparait sous la crasse des horreurs de la guerre du Vietnam. Un bouleversement majeur qui dĂ©stabilise les politiques intĂ©rieures tout comme le fait le choc pĂ©trolier (1973) qui achĂšve lâĂšre de prospĂ©ritĂ© du pays. Les mouvements sociaux dĂ©butĂ©s dans les annĂ©es 1960 modifient les perspectives mĂ©diatiques Ă travers une quantitĂ© dâimages barbares diffusĂ©es partout en couleur. Dans un contexte aussi anxiogĂšne, imaginer une Ă©mission-catastrophe sanglante fait sens.
LES 70S ET LE PARANORMAL :

Dans les faits, lâopinion publique des 70s, secouĂ©e par lâinfamie ambiante, entretient un rapport dâattraction-rĂ©pulsion avec le paranormal. Les mĂ©diums, les voyants et les exorcistes comme Ed et Lorraine Warren â experts du paranormal dont les terrifiantes aventures ont inspirĂ© la saga cinĂ© The Conjuring â ou le disgraciĂ© Uri Geller (un voyant et illusionniste tordeur de cuillĂšres) â sont spĂ©cialement en vogue. Ainsi, dĂšs la fin mĂȘme des annĂ©es 60, lâocculte et le surnaturel effraient mais ils sont, envers et contre tout, les superstars des mĂ©dias. ParticuliĂšrement la figure dĂ©moniaque, masque central de Late Night with the Devil.
Parmi les phĂ©nomĂšnes lucifĂ©riens les plus marquants dâalors, lâon se souvient de lâaffaire Charles Manson (1969), commanditaire sataniste de meurtres sanglants, un tollĂ© mĂ©diatique qui, depuis lors, a fait de lui une lĂ©gende carcĂ©rale.


La mĂȘme annĂ©e, Anton Szandor La Vey, fondateur de la scandaleuse Ăglise de Satan (1966), Ă©coule des camions de son Ćuvre : La Bible Satanique.


Plus effrayant encore, la frĂ©nĂ©sie mĂ©diatique entourant la maison Amityville, lieu de toutes les psychoses engendrant un livre âAmityville, La Maison du Diable (1977)â ainsi quâun premier film Ă©pique rapportant des millions au box-office.


Entre autres pĂ©loches horrifiques Ă succĂšs, les chefs-dâĆuvre Rosemaryâs Baby (1968), LâExorciste (1973) et La MalĂ©diction (1976), tous ayant des thĂšmes sataniques, explosent Ă©galement les chiffres nationaux (et mondiaux).

PLACE AU SPECTACLEÂ ! :
Pour en revenir Ă la fiction Late Night with the Devil, Jack Delroy, star en perte de vitesse aprĂšs une absence prolongĂ©e des mĂ©dias, mise tout sur le succĂšs de son show spĂ©cial Halloween. Ses invitĂ©s sont dâimportants acteurs de la scĂšne paranormale locale (certains remĂ©morant de rĂ©elles stars dâĂ©poque).
Parmi eux se trouvent lâĂ©nigmatique Christou, mĂ©dium douĂ© de pouvoirs psychiques et Carmichael Haig, ex-magicien sceptique venu dĂ©mystifier les dons surnaturels des personnalitĂ©s invitĂ©es. Plus tard, June Ross-Mitchell, Docteure en parapsychologie et autrice du livre Conversations avec le Diable apparaĂźt, accompagnĂ©e de la petite Lily Dâabo (prononcez « Di-abo »comme « diablo » !), sa derniĂšre patiente et fille adoptive ĂągĂ©e de treize ans.
Lâadolescente intĂ©resse beaucoup lâauditoire car elle serait prĂ©tendument possĂ©dĂ©e par un esprit dĂ©moniaque nommĂ© Abraxas. Quelques minutes aprĂšs lâarrivĂ©e de ces derniĂšres invitĂ©es, lâon apprend que lâenfant est la seule survivante dâun suicide de masse dĂ©clenchĂ© par le gourou sectaire Szandor Dâabo, lui-mĂȘme adepte dâAbraxas (« Szandor » en rĂ©fĂ©rence Ă Anton Szandor Lavey, citĂ© plus haut).

De lĂ , les choses sâenveniment. Car Ă trop jouer avec le feu, lâon se brule. AppelĂ© sur le plateau Ă lâaide dâune sĂ©ance dâhypnose opĂ©rĂ©e sur Lily, le dĂ©mon susnommĂ© Abraxas se manifeste et prend sournoisement le contrĂŽle des Ă©vĂ©nements.

LâENVERS DU DĂCOR :
Jack Delroy est un personnage scabreux dont la monstruositĂ© larvĂ©e se rĂ©vĂšle au grand jour grĂące aux rĂ©vĂ©lations du dĂ©mon Abraxas. Au dĂ©but du film, un rĂ©capitulatif annonce ainsi au spectateur que lâanimateur tĂ©lĂ© aurait entretenu des connections haut placĂ©es lui ayant donnĂ© accĂšs au lieu nommĂ© « The Grove », une retraite dâĂ©lite californienne pour hommes riches et puissants. Dans lâhistoire, ce repaire secret alimente de nombreuses rumeurs de cultes mystiques.
Lâon murmure notamment que Delroy aurait marchandĂ© sa femme (dĂ©cĂ©dĂ©e dâun cancer fulgurant) auprĂšs dâune entitĂ© dĂ©moniaque dans lâunique but de devenir riche et cĂ©lĂšbre⊠Ce dĂ©mon serait Abraxas, prĂ©sent sur les plateaux de « Night OwlsâŠÂ ». Comme on dit : « le Diable se cache dans les dĂ©tails », aussi, bien avant son apparition Ă lâimage, la prĂ©sence de lâentitĂ© diabolique, mĂȘme invisible, se lit Ă travers dâĂ©tranges occurrences, que ce soit dans lâattitude des invitĂ©s, du public ou dans le maniement de certains objets.

Si, encore une fois, les frĂšres Cairnes manient un trope bien connu (la possession dĂ©moniaque), lâaspect « found footage » leur permet de jouer avec les codes du genre, provocant un rollercoaster dâĂ©motions ĂŽ combien palpables. La performance des acteurs âet notamment de David Dastmalchian (Jack Delroy) â est impressionnante de justesse. MĂȘme sous couvert dâhumour noir, le frisson du « direct » prend aux tripes, notamment grĂące Ă de spectaculaires effets spĂ©ciaux, aussi bien numĂ©riques que physiques.

ONLY THE DEVIL CAN JUDGE ME :
Late Night With the Devil est une hilarante satire de lâhypocrisie des mĂ©dias. Ă travers la montĂ©e en puissance de la violence et les rĂ©vĂ©lations choc, Abraxas le dĂ©mon exacerbe avec une verve malicieuse les dĂ©rives de chacun : la soif de voyeurisme du public â donc nousâ et le cynisme de la production tĂ©lĂ©. Mais ce quâil veut avant tout, câest exposer lâhypocrisie de Jack Delroy, victime consentante dâun abominable meurtre par procuration (celui de sa femme).
Si le film laisse entendre que Delroy nâest quâun bouc Ă©missaire des Ă©vĂ©nements, Abraxas condamne sournoisement â et en directâ celui qui a fautĂ© par vanitĂ© et avarice. « Que de bondieuseries », me direz-vous, mais rappelons ici que les mĆurs amĂ©ricaines de lâĂ©poque sont encore trĂšs pieuses, pour ne pas dire pudibondes, malgrĂ© la libĂ©ration des mĆurs. La satire va, ici, jusquâau bout de son propos, notamment en critiquant, sous couvert dâhumour gore, lâimage trompeusement lisse des idoles tĂ©lĂ©visuelles.

UNE FICTION PAS SI FICTIVE :
Bien quâil ait existĂ© de nombreuses Ă©missions sur le paranormal Ă travers le monde, Ă ma connaissance, aucune ne sâest jamais terminĂ© en pugilat dans un bain de sang perpĂ©trĂ© par un dĂ©mon vengeur !
En revanche, certains autres dĂ©tails de Late Night with the Devil se rapprochent dangereusement de faits rĂ©els. Notamment la mention du lieu nommĂ© « The Grove », nom Ă©voquant lâexistence rĂ©elle et documentĂ©e du « Bohemian Grove », un club dâĂ©rudits amĂ©ricains, approchant ses 150 ans dâexistence.
FondĂ© en 1878 par le comĂ©dien, Ă©crivain et entomologiste Henry Edwards (1827-1891), il regroupe chaque annĂ©e une petite poignĂ©e dâhommes puissants (surtout des chrĂ©tiens blancs amĂ©ricains) Ă Monte Rio en Californie pour une retraite estivale. Les ex-prĂ©sidents Ronald Reagan et Richard Nixon sont canoniquement connus pour y avoir participĂ©. Ces retraites seraient notamment le siĂšge de rituels occultes et de rĂ©unions gĂ©opolitiques top secrĂštes.


En lâan 2000, lâenquĂȘte clandestine tournĂ©e au Bohemian Grove par lâanimateur radio Alex Jones, conspirationniste de renom, fait froid dans le dos. Ses images, montrant ce qui sâapparente Ă une cĂ©rĂ©monie occulte nommĂ©e Cremation of Care (« La CrĂ©mation des Tourments ») glacent le sang.
Elles sont disponibles sur YouTube dans lâĂ©pisode 4 de sa sĂ©rie documentaire : « Secret Rulers of The World ». Si depuis, ces images ont Ă©tĂ© maintes fois dĂ©criĂ©es et la crĂ©dibilitĂ© dâAlex Jones entachĂ©e, le mystĂšre du Bohemian Grove plane toujours.

REMPLIR SON DEVOIR :
Late Night With The Devil est une expĂ©rience. Un exercice filmique menĂ© avec brio par deux tĂȘtes-brĂ»lĂ©es australiennes. Les frĂšres Cairnes, munis dâun budget moyen de 2 Ă 3 millions de dollars se jouent des gimmicks des Ă©missions sensationnalistes amĂ©ricaines. Ils taquinent le divertissement tĂ©lĂ© outrancier de lâĂ©poque, ses paillettes clinquantes et ses faux-semblants pour en tirer un film concept dâune efficacitĂ© rare.
Coups de comâ putassiers, animateurs opportunistes et sĂ©quences backstage chaotiques, les rĂ©als Ă©paississent le trait du théùtral pour nous en mettre plein la vue. Plus quâun final anarchique, le show sâavĂšre grand-guignolesque dans une sĂ©rie de sĂ©quences choc essaimĂ©es tout au long du mĂ©trage. Un crescendo efficace qui pousse les potards de lâhorreur sans avoir lâoutrecuidance de se prendre trop au sĂ©rieux.
Si dâaucuns fustigent sa fin abrupte ou son « utilisation abusive de lâIA », Late Night with the Devil reste un film concept remplissant parfaitement son devoir : divertir intelligemment les amateurs de cinĂ© de genre.
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BONUSÂ : LES ERSATZ DU FILM
Amis fĂ©rus dâĂ©missions catastrophes filmĂ©es façon « found footage », voici quelques pĂ©pites analogues Ă Late Night with the Devil :
Les Contes de la Crypte, saison 2, épisode 16, Terreur en Direct (1990) :


Cet Ă©pisode haletant met en lumiĂšre lâĂ©mission fictive « Harry Rivers Live ». Le show tĂ©lĂ© retransmet en direct depuis lâancienne pension Ritter, vieille bĂątisse oĂč la propriĂ©taire des lieux sâest rendue coupable du meurtre dâune douzaine de ses pensionnaires afin de leur soutirer leur retraite. Depuis ce sordide fait divers, les supputations vont bon train concernant cette maison, rĂ©putĂ©e pour ĂȘtre hantĂ©e. Toujours Ă lâaffĂ»t des histoires les plus abracadabrantes, Harry Rivers a bien lâintention dâexploiter ce filon pour faire exploser lâaudimat.
Fun Fact : Le prĂ©sentateur vedette du show, lâacteur Morton Downey Junior, joue ici en quelque sorte son propre rĂŽle puisquâil fut lui-mĂȘme crĂ©ateur et prĂ©sentateur du Morton Downey Jr. Show (1987-1989), un virulent talk-show amĂ©ricain pionnier du concept de « trash TV ».
Ghostwatch (1992)Â :

Un faux documentaire devenu culte Ă propos dâune maison hantĂ©e, rĂ©alisĂ© par la BBC et diffusĂ© en direct sur les Ă©cran anglais pour Halloween. Au moment de la diffusion du show, les "acteurs" sont tous de vrais journalistes tĂ©lĂ© de la BBC et, grĂące Ă un scĂ©nario et des effets spĂ©ciaux efficaces, de nombreux tĂ©lĂ©spectateurs croient dur comme fer Ă la vĂ©racitĂ© des faits. Lâhistoire rocambolesque de ce « fauxcumentaire » aurait Ă©tĂ© inspirĂ©e par le cas suspect du Poltergeist dâEnfield, largement repris par la presse anglaise et derniĂšrement remis au goĂ»t du jour par le film The Conjuring 2 : Le Cas Enfield (2016) issu de la saga Ă©ponyme.
WNUF Halloween Spécial (2013) :


Un reportage sur le paranormal faussement tournĂ© en 1987. Cette comĂ©die horrifique amĂ©ricaine met en scĂšne un prĂ©sentateur tĂ©lĂ© dĂ©cidant dâenquĂȘter avec son Ă©quipe dans la maison Webber, une Ă©trange bicoque rĂ©putĂ©e hantĂ©e.
Son petit plus ? Un rĂ©alisme stupĂ©fiant avec une cascade de fausses coupures pubs typiques de lâĂ©poque.
LâHeure du Diable (The Cleansing Hour) (2016) :


Un film plus conventionnel cette fois-ci, oĂč deux prĂ©sentateurs qui diffusent des exorcismes en live sur le web sont forcĂ©s de dĂ©voiler leurs plus sombres secrets lorsqu'un DĂ©mon possĂšde une actrice en direct.
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Article écrit pendant une semaine de torture par Christelle Nabor, spécialiste en K-pop.
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