Tumgik
#jean jetin
aicejje · 7 years
Text
Teddy Spha Palasthira: Un grand regard sur l’histoire
Teddy Spha Palasthira allie histoire et fiction pour esquisser le passé de la Thaïlande. L’auteur de « The last Siamese » (éditions Post Book) et de « The Siamese Trail of Hô Chi Minh » dépeint des héros aussi connus que Hô Chi Minh ou Phibunsongkhram et révèle des figures comme l’écrivain Srinawk ou le Capitaine Dennis, héro britannique de la Seconde Guerre Mondiale. A 79 ans, il raconte avec force détail sa vie partagée entre le Royaume-Uni, pays de sa naissance, la Thaïlande, pays de ses origines, et l'Italie, où il a rencontré son épouse. « Mon esprit est anglais, mon cœur thaïlandais et mon ventre, italien ! », s'exclame-t-il. 
Alice Jetin-Duceux
Tumblr media
Jusqu'à ses huit ans, Teddy Spha Palasthira était convaincu qu'il était un petit britannique comme les autres. Il parlait le thaïlandais avec ses parents mais vivait comme un londonien durant la seconde guerre mondiale, survivant tant bien que mal aux bombardements de la Bataille d’Angleterre et s’arrangeant avec les maigres rations de nourriture. La famille a ensuite été postée en France, en Suisse, en Italie... Même si Teddy ne parle plus le français couramment, il a des souvenirs très précis de l’école à Paris, des nombreux devoirs et des pénibles récitations de Jean de la Fontaine ! En France, où la famille côtoie le milieu de la diplomatie thaïlandaise, Teddy a été amené à rencontrer la reine Sirikit, à l’époque fille de l’ambassadeur thaïlandais à Paris. C’est elle, se rappelle-t-il, qui lui a enseigné correctement sa langue maternelle.
 Aujourd’hui, Teddy Spha Palasthira est un homme de 79 ans, élégant et très calme. Sa vue fut elle-même riche en rebondissements. Suivant les traces de son père, il a lui-même travaillé pour le ministère des affaires étrangères thaïlandais après avoir obtenu un diplôme en droit à l'université de Middle-Temple, à Londres. Il a ensuite été employée de l'entreprise de communication Ogilvy & Mather, a été professeur de marketing et communication à l'université de journalisme du Missouri, et a même joué dans deux films traitant de peine de mort, Petchakat et The Red Iron Door, à laquelle il se dit fermement opposé. Il a récemment entamé une quatrième carrière : auteur.
 Son premier livre est une autobiographie, Addresses, qui est parue chez l’éditeur Post Books en 2011. Teddy Spha Palasthira y raconte sa vie sous forme de lettres à sa fille, retraçant l'histoire de la famille depuis ses racines de commerçants chinois et de propriétaires terriens thaïlandais jusqu’au père de Teddy, l’ambassadeur. Dans ce livre illustré par des documents et photos d’archive, sa fibre historique est déjà palpable.
 The Last Siamese, une collection d’essais sur douze personnages importants de l’histoire de la Thaïlande comme Phibunsongkhram, le Prince Subha Svasti mais aussi le britannique Captain Dennis, sort deux ans plus tard. L’auteur s’est basé sur leurs mémoires ou les témoignages écrits qui ont survécu au temps et aux rebondissements politiques, laissant les figures s’exprimer au fil des mots et au moyen de la fiction.
 Mais c'est dans son dernier livre, The Siamese Trail of Hô Chi Minh, que cette démarche historique a pris toute son ampleur. Comme dans The Last Siamese, Teddy Spha Palasthira mêle faits historiques et fiction.
 « J'avais discuté de The Last Siamese avec mon cousin et il avait trouvé le livre très bon,  raconte Teddy Spha Palasthira. Mais il m'a adressé une critique : je n’ai parlé d’aucune femme dans ce livre. »
 L'auteur a donc entamé des essais sur des « amis du royaume de Siam » où devaient figurer plus de femmes influentes, dont Geneviève Damon, l’une des rares françaises à porter le titre honorifique « Khunying », qui a enseigné à la cours de feu Rama IX, notamment à la princesse Sirindhorn.
 Teddy Spha Palasthira souhaitait commencer ce livre par le périple d'Hô Chi Minh au royaume de Siam en 1928 et 1929, quand il n'était encore qu'un jeune révolutionnaire.
 « L’essai sur Hô Chi Minh était censé être comme les autres. J'ai simplement commencé par lui car il y a énormément de documents sur sa vie : des travaux de chercheurs, les mémoires de ses amis, ses propres Réminiscences... le travail historique s'annonçait relativement aisé ! »
 Mais peu à peu les documents se sont entassés, et Teddy Spha Palasthira s'est trouvé avec une nouvelle de soixante pages, puis cent pages, puis cent-quarante pages. « J’ai réalisé que je tenais non pas une nouvelle, mais un livre à part entière. »
 Pourquoi cet intérêt pour Hô Chi Minh?
 « Hô Chi Minh est fascinant car il reste insaisissable encore aujourd’hui. Était-il sauveur de la patrie ou tyran? En tout cas, c’était un acteur hors-pair : aujourd’hui, il aurait eu un Oscar, j’en suis sûr ! Il a échappé à la Sûreté française durant des années en se faisant tour-à-tour passer pour un prêtre catholique, un moine bouddhiste, un riche marchand cantonais, un pauvre paysan... »
 Hô Chi Minh changeait aussi fréquemment de nom que de déguisement. The Siamese Trail of Hô Chi Minh nous apprend que prendre un nouveau nom à une étape importante de la vie est propre à la culture vietnamienne. L’oncle Hô s’est d'abord fait connaître de la Sûreté en 1918, ayant réussi à se faire passer pour le représentant vietnamien officielle à la conférence de Paris, espérant avancer sa cause nationaliste auprès des chefs d’État. À l’époque, il s’appelait Nguyen Ai Quoc, ou Nguyen le patriote. Durant ses deux années en Thaïlande, de 1928 à 1929, il se faisait passer pour « Thau Chin », le vénérable Chin.
 « Durant son voyage au royaume de Siam, Hô Chi Minh incarnait un simple guérisseur nommé Thau Chin. Il se comportait alors comme un véritable messie, voyageant de village en village pour rallier la minorité Viet Kieu à sa cause révolutionnaire, mais vivant aussi à leur côté, tout aussi chichement. »
 Pour mieux interroger la double nature de Hô Chi Minh, Teddy Spha Palasthira a crée Wong, Vong en vietnamien, un personnage fictif qui, dans The Siamese Trail of Hô Chi Minh, voyage aux côtés de Hô Chi Minh et traverse de véritables événements historiques.
 « L'idée de Wong m'est venu quand j'ai lu les récits de voyage des compagnons révolutionnaires de Hô Chi Minh en Thaïlande. De jeunes adolescents à moitié Siamois, à moitié Viet Kieu servaient de guides et d'interprètes dans les jungles de Thaïlande. »
 Wong se présente au lecteur comme un de ces adolescents captivés par l'aura de Hô Chi Minh.
 « Il est tombé amoureux de Hô Chi Minh, dans le sens où il était prêt à le suivre au Vietnam et croyait en lui, en sa droiture et même en sa pureté. Et je suis tombé amoureux de la figure de l'oncle Hô de la même façon, » révèle Teddy Spha Palasthira. « Le personnage de Wong me permettait d’expliquer cette fascination. »
 Cependant, à la fin du livre, Wong rentre désabusé en Thaïlande. Il a vu l’oncle Hô ordonner des exécutions politiques, et durant les années de guérilla, s’est lui-même sali les mains. Wong renonce à enseigner les sciences politiques à l’université de Thamasat, se destine plutôt à l'enseignement du thaïlandais à Chulalongkorn. Il embrasse unilatéralement son côté thaïlandais et devient complètement apolitique. On peut interpréter cette fin à l'aune des idées de Teddy Spha Palasthira, qui pense que les grandes idéologies « communistes, fascistes, nationalistes » n'existent plus au vingt-et-unième siècle.
 Les livres de Teddy Spha Palasthira esquissent un vingtième siècle marqué par la seconde guerre mondiale. Tous interrogent la « thai-ness » en rappelant que la Thaïlande s’est construite aux côtés des Vietnamiens, des Khmers, des Malais et des Laotiens, que les Thaïs eux-mêmes descendent des tribus T’ais du sud de la Chine. Qui de mieux qu’un Thaïlandais qui est né au Royaume-Uni et a grandi en France et en Italie pour exprimer les nuances de la Thaïlande ? Poursuivant le récit de cette histoire commune, Teddy Spha Palasthira prépare actuellement un quatrième livre sur le Cambodge.
0 notes