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reseau-actu · 6 years ago
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La puissance des sociĂ©tĂ©s d’Internet prĂ©occupe les rĂ©publicains et les dĂ©mocrates amĂ©ricains. Des enquĂȘtes ont Ă©tĂ© ouvertes notamment par le trĂšs redoutĂ© dĂ©partement de la Justice.
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En prĂ©sentant un plan pour scinder les quatre plus grandes entreprises technologiques amĂ©ricaines, dĂ©but mars, la dĂ©mocrate Elizabeth Warren n’a pas simplement fait Ă©merger, de façon opportuniste, un thĂšme de campagne pour l’investiture Ă  la prĂ©sidentielle. Depuis le scandale Cambridge Analytica, le dĂ©bat sur les moyens Ă  mettre en Ɠuvre pour contenir la puissance des Facebook, Google, Amazon et, dans une moindre mesure, Apple, divise Ă  l’intĂ©rieur des deux camps politiques amĂ©ricains. Pour des raisons profondĂ©ment diffĂ©rentes, des partisans dĂ©mocrates et rĂ©publicains se rejoignent pour agiter cette solution extrĂȘme, censĂ©e permettre de reprendre le contrĂŽle d’une situation de domination inĂ©dite aux consĂ©quences incertaines. En juillet, des reprĂ©sentants des quatre gĂ©ants ont Ă©tĂ© auditionnĂ©s au CongrĂšs, dans le cadre d’une enquĂȘte sur l’évaluation de ces consĂ©quences.
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L’administration Trump, elle aussi divisĂ©e sur le sujet, est passĂ©e Ă  l’action sous l’impulsion d’un prĂ©sident qui juge lui-mĂȘme ces gĂ©ants «trĂšs trĂšs monopolistiques». Outre les investigations de l’agence chargĂ©e de la protection des consommateurs (FTC), le puissant dĂ©partement de la Justice a lancĂ© fin juillet une enquĂȘte sur d’éventuels abus de position dominante d’entreprises numĂ©riques, se gardant toutefois de les citer nommĂ©ment.
L’objectif? D’une part, dĂ©terminer si les monopoles construits sur certaines activitĂ©s freinent l’innovation, en Ă©cartant, par diffĂ©rentes tactiques stratĂ©giques, des concurrents ou en tuant dans l’Ɠuf de futurs concurrents. De l’autre, voir si les consommateurs peuvent in fine en pĂątir, en termes de prix, sans parler du traitement de leurs donnĂ©es personnelles. Deux points trĂšs compliquĂ©s Ă  dĂ©terminer.
Une guerre sans merci
Aux États-Unis, une bonne partie de la thĂ©orie de la concurrence se fonde en effet sur l’idĂ©e qu’un monopole ou une position dominante augmente le prix payĂ© par le consommateur. Or, l’utilisateur de Facebook ou de Google ne paie rien. En Europe, l’affaire n’est pas plus simple. L’anticoncurrence se concentre sur une approche oĂč la position dominante se mesure en fonction des parts de marchĂ© acquises par une entreprise dans un pĂ©rimĂštre donnĂ©. Quand ces parts de marchĂ© sont trop Ă©levĂ©es, la Commission en vient Ă  y voir le signe d’un abus, mais toute la difficultĂ© reste de le prouver. Les enquĂȘtes sont souvent longues et fastidieuses. Il a ainsi fallu cinq annĂ©es d’investigations sur Google, qui installait d’office ses services de recherche sur le systĂšme d’exploitation mobile Android, avant d’en arriver Ă  une dĂ©cision pour laquelle le gĂ©ant du numĂ©rique a fait appel.
En outre, l’accusation de concentration d’un marchĂ© autour des GAFA est contredite, du point de vue de la concurrence, par le fait que les Gafa eux-mĂȘmes se livrent une guerre sans merci. Sur le marchĂ© de la publicitĂ© digitale, le duopole Facebook-Google profite de l’arrivĂ©e d’Amazon pour se dĂ©rober aux accusations d’abus de position dominante, puisque ce nouvel entrant a rĂ©ussi Ă  leur rafler des parts de marchĂ©. «Plusieurs de nos concurrents sont assis autour de la table avec moi», a ainsi rĂ©pondu Matt Perault, le directeur des politiques publiques de Facebook face aux dĂ©putĂ©s amĂ©ricains. Il a Ă©galement citĂ© l’acteur chinois TikTok. La Chine est un mot qui revient souvent dans la dĂ©fense des GAFA. Un dĂ©mantĂšlement des entreprises amĂ©ricaines les plus innovantes laisserait un boulevard aux gĂ©ants technologiques chinois, qui rïżœïżœvent de pouvoir Ă©tendre leurs frontiĂšres numĂ©riques, arguent-ils.
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C’est pourtant bien sur la question de l’innovation et des donnĂ©es personnelles que la toute-puissance des gĂ©ants est la plus attaquable. En Ă©tablissant les conditions d’accĂšs Ă  un marchĂ©, oĂč ils opĂšrent Ă©galement en tant que vendeurs, Apple et Amazon enfreignent le principe de «fairness» dĂ©fendu par la Commission europĂ©enne mais aussi par les rĂšgles commerciales en vigueur aux États-Unis. Le fait que Facebook ait rachetĂ© tous ses concurrents et domine aujourd’hui le marchĂ© du rĂ©seau social en Europe et aux États-Unis suscite aussi des inquiĂ©tudes lĂ©gitimes.
Couper la tĂȘte d’une hydre
Face Ă  ceux qui veulent «laisser faire» et ceux qui souhaitent «tout dĂ©manteler», une autre voie Ă©merge. Certains Ă©conomistes et penseurs choisissent de s’attaquer au problĂšme de la toute-puissance des Gafa en s’intĂ©ressant au carburant de leur croissance: la donnĂ©e. Celle-ci est en effet au cƓur d’un modĂšle Ă©conomique inĂ©dit, qui dĂ©fie la loi universelle des rendements dĂ©croissants. ThĂ©orisĂ©e par Ricardo, cette rĂšgle veut que l’ajout d’une unitĂ© de travail ou de capital dans un processus de production ait, au-delĂ  d’un certain niveau, un rendement infĂ©rieur au prĂ©cĂ©dent ajout de la mĂȘme unitĂ© de travail ou de capital.
La consĂ©quence directe de ces rendements croissants se traduit par une concentration d’acteurs Ă  la croissance exponentielle
Dans l’économie des GAFA, ce palier n’existe pas: obtenir les donnĂ©es du premier million d’utilisateurs coĂ»te trĂšs cher et rapporte peu, mais obtenir le million suivant coĂ»te moins cher et rapporte plus. La consĂ©quence directe de ces rendements croissants se traduit par une concentration d’acteurs Ă  la croissance exponentielle. Face Ă  cela, le dĂ©mantĂšlement apparaĂźt Ă  certains comme une solution aussi efficace que de couper la tĂȘte d’une hydre. En revanche, s’attaquer au nƓud du problĂšme, Ă  ce qui crĂ©e la valeur des GAFA et la retire Ă  d’autres acteurs, ouvre de nouvelles perspectives Ă©conomiques. Parmi les pistes envisagĂ©es, celle d’une copropriĂ©tĂ© de la donnĂ©e entre entreprises, individus et collectivitĂ©s commence Ă  faire son chemin. Les rĂ©flexions de la Prix Nobel d’économie en 2009, Elinor Oström, permettent en effet d’envisager d’autres modes de gouvernance dans la gestion de ressources. Et de renouer avec les utopies initiales d’Internet, oĂč la valeur Ă©conomique s’ancrait dans le partage des idĂ©es et le flux des donnĂ©es, et non leur appropriation par quatre gĂ©ants amĂ©ricains.
Ce qu’ils pensent de l’hypothĂšse du dĂ©mantĂšlement
Margrethe Vestager. - Crédits photo : Crédit : Collection Personnelle
● Margrethe Vestager, commissaire europĂ©enne Ă  la Concurrence: «Il y a un risque que, mĂȘme si nous dĂ©mantelons ces sociĂ©tĂ©s, elles redeviennent grosses trĂšs rapidement avec les effets de rĂ©seau »
Celle que l’on surnomme «la bĂȘte noire des Gafa» est responsable de quatre des plus grosses amendes de l’anticoncurrence contre l’expansion des gĂ©ants du numĂ©rique. Pour autant, elle n’envisage le dĂ©mantĂšlement qu’en dernier recours. Elle considĂšre que l’Europe dispose de nombreux outils et Ă  des degrĂ©s d’intensitĂ© variables afin de s’assurer que les prix restent bas et que la compĂ©tition soit prĂ©servĂ©e. La commissaire envisage plutĂŽt la piste de rĂ©guler la donnĂ©e. «Celui qui les dĂ©tient possĂšde Ă©galement les ressources pour l’innovation», affirmait-elle au festival SXSW en mars dernier.
Chris Hughes. - Crédits photo : Crédit : Collection Personnelle
● Chris Hughes, cofondateur de Facebook: «Il faut dĂ©manteler Facebook»
Le colocataire de chambre de Mark Zuckerberg Ă  Harvard, Chris Hughes a publiĂ© en mai dernier une tribune accablante pour appeler au dĂ©mantĂšlement de Facebook. «Il a fallu les retombĂ©es des Ă©lections de 2016 et Cambridge Analytica pour m’éveiller aux dangers du monopole de Facebook», explique Chris Hughes, qui est aussi un militant du Parti dĂ©mocrate. Celui-ci estime que les parts de marchĂ© de Facebook dans la publicitĂ© digitale empĂȘchent l’entrĂ©e de nouveaux concurrents. Chris Hughes s’est associĂ© Ă  Scott Hemphill et Tim Wu, deux experts en technologie et en droit de la concurrence, avec qui il prĂ©voit de rencontrer les gouvernements et rĂ©gulateurs de plusieurs pays Ă  travers le monde afin de leur expliquer comment dĂ©manteler le gĂ©ant.
Rohit Chopra. - Crédits photo : Crédit : Collection Personnelle
● Rohit Chopra, commissaire Ă  la Federal Trade Commission: « Nous devrions tous ĂȘtre prĂ©occupĂ©s par le fait que la publicitĂ© comportementale sur les grandes plateformes techno-logiques stimule les pratiques qui divisent notre sociĂ©té »
Parmi les cinq commissaires de l’autoritĂ© la plus puissante des États-Unis, ce dĂ©mocrate est sans doute le plus vindicatif Ă  l’égard des Gafa. Il a votĂ© contre l’amende prononcĂ©e contre Facebook, qu’il jugeait insuffisante. «La FTC disposait d’assez de preuves pour poursuivre Facebook et Zuckerberg en justice», a expliquĂ© celui qui estime que le dĂ©mantĂšlement lui-mĂȘme n’est pas suffisant. ConseillĂ© par Lina Khan, jeune chercheuse et auteure d’un article trĂšs lu contre le monopole d’Amazon, Rohit Chopra veut reprendre la main sur l’ensemble des gĂ©ants qu’il compare aux financiers de la Grande RĂ©cession.
Thibault Schrepel. - Crédits photo : Crédit : Collection Personnelle
● Thibault Schrepel, professeur associĂ© au Berkman Center de l’universitĂ© d’Harvard et professeur de droit Ă©conomique Ă  l’universitĂ© d’Utrecht (Pays-Bas): «Diaboliser les Gafa est politiquement porteur, mais Ă©loignĂ© de toute dĂ©marche scientifique»
Dans son article «Antitrust without romance», le chercheur dĂ©monte la tendance actuelle de certains rĂ©gulateurs europĂ©ens et amĂ©ricains Ă  user d’une rhĂ©torique populiste et moralisatrice autour du dĂ©mantĂšlement, au dĂ©triment des rĂšgles Ă©lĂ©mentaires de droit de la concurrence et des Ă©tudes actuelles de macroĂ©conomie. Aucune Ă©tude concordante ne prouve d’aprĂšs lui que le pouvoir des gĂ©ants des technologies serait fondamentalement diffĂ©rent de celui des gĂ©ants de l’industrie, et leur dĂ©mantĂšlement pourrait avoir des effets dĂ©lĂ©tĂšres sur l’économie et in fine, le consommateur.
Carl Shapiro. - Crédits photo : Crédit : Collection Personnelle
● Carl Shapiro, Ă©conomiste et professeur Ă  Berkeley (Californie), substitut du procureur gĂ©nĂ©ral adjoint Ă  la division antitrust du dĂ©partement de la Justice amĂ©ricain (1995-1996 puis 2009-2011), conseiller Ă  la FTC: «Le dĂ©mantĂšlement des gĂ©ants de la tech serait nuisible aux consommateurs»
L’économiste amĂ©ricain juge l’approche europĂ©enne face aux Gafa «interven-tionniste» et reprĂ©sentative d’une application des lois de la concurrence orientĂ©e par la pression politique, Ă  la seule fin de satisfaire les compĂ©titeurs des entreprises visĂ©es. «Tout appel (au dĂ©mantĂšlement) doit rĂ©pondre Ă  la crainte que ce dĂ©mantĂšlement de certaines de nos sociĂ©tĂ©s les plus performantes rĂ©duise l’efficacitĂ© Ă©conomique», estime-t-il dans un article de recherche. Beaucoup critiquent en revanche l’approche de l’économiste en raison de ses liens passĂ©s avec Google.
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