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L'Art en Vrac
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Tout sur l'art contemporain et le métier d'artiste plasticien
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art-en-vrac · 2 years ago
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Mark Rothko, l’envoûtement chromatique
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Exemple du célèbre « tableau Rouge, blanc et brun » peint en1957.
À partir de 1950, Rothko ne réalise que des toiles offrant, en guise de composition, une superposition de formes rectangulaires. Seules changent les dimen­sions de ces rectangles, leurs couleurs et les relations qu’ils entretiennent avec le fond où ils s’inscrivent. La peinture semble ainsi réduite à la répétition d’une formule et à la mise au point de ses variantes plus ou moins prononcées, mais pour le peintre elle ouvre la possibilité d’une exploration de son art qui est aussi exploration de son propre moi.
Les couleurs, l’impor­tance des formes, leur plus ou moins forte insistance dépendent de ses états subjectifs et élaborent la révé­lation progressive d’un « non-moi » ayant sans doute plus de prix que la subjectivité : « Je ne m’exprime pas moi-même dans ma peinture, a-t-il souligné, j’ex­prime mon non-moi. » D’où un certain anonymat de la facture, ou du moins son absence de personnalisa­tion : la peinture est légère, sans effets expressifs, sans gestualité ou giclures - comme pour indiquer un parti pris d’humilité.
Peindre une résonance spirituelle
Peindre est pour Rothko l’exercice d’une tension vers ce qui le dépasse, ou l’enrobe - que l’on peut nom­mer, au choix, transcendance ou néant. Si le choix des couleurs qu’il utilise sur chaque toile est bien lié à des déterminations subjectives, le spectateur ne peut que deviner ou admettre l’existence de ces déter­minations, sans les préciser davantage, Ce qu’il accueille par contre, c’est l’ambiance générale de la toile, ses effets visuels, sa résonance spirituelle.
Le brun, le rouge et le blanc, déposés en plages vaporeuses et comme marbrées, sont ici travaillés de façon à ne susciter aucun effet de profondeur, aucun mouvement sur la surface, qui affirme une stabilité totale. Aucune forme n’est franche : les bords impré­cis communiquent avec de discrets encadrements rouges qui gagnent en intensité en se rapprochant des limites de la toile.
Les « rectangles » paraissent ainsi entrer en communion avec le fond, au lieu d’en être clairement distincts. Ils ne font pas office d’ou­verture dans la surface, ni même d’esquisses de volumes, mais semblent plutôt des voiles pris dans un étagement de couleurs possibles - comme s’ils devaient susciter le désir de percevoir ce qu’ils dissi­mulent : le regard est ainsi invité à définir un en deçà (ou au-delà) de ce qu’il perçoit.
La modulation de chaque surface, moins soulignée au centre que dans le brun et le blanc, produit un équilibre des valeurs et des masses, tout en confir­mant leur aspect nuageux ou impalpable. En affir­mant des échanges locaux de densité dans la couleur, elle confère à cette dernière des potentialités de dif­fusion au-delà de ses limites visuelles. La surface est simultanément confirmée comme telle - puisque les formes sont maintenues dans un plan unique -, et susceptible d’investir l’espace du spectateur.
« Mes tableaux, a constaté Rothko, sont souvent décrits comme des façades, et en effet, ce sont des façades. » Mais toute façade sous-entend l’espace qu’elle occulte. L’envoûtement chromatique n’est pas le seul but de Rothko : il doit permettre d’aboutir ailleurs, de dépasser le plaisir visuel pour laisser place à un ravissement spirituel ou mental. De ce point de vue, l’installation de ses œuvres dans la chapelle de Houston (qui ne fut inaugurée qu’un an après sa mort) constitua sans doute un aboutissement de sa démarche, en signalant combien l’icône peinte vaut davantage par ce dont elle évoque la présence secrète que par ce qu’elle montre.
Mark Rothko en bref :
Mark Rothko est un peintre américain d'origine russe étiqueté expressionnisme abstrait. Installé à New York à partir de 1925, il se fait d'abord connaître par des peintures biomorphiques, où se retrouvent des souvenirs de ses études scientifiques. Il étudie ensuite les mythes anciens et cherche, à travers sa pratique de l'automatisme, à élaborer des toiles à contenu panthéiste. Progressivement, il abandonne toute allusion figurative, simplifie les formes, et en vient, à la fin des années 1940, à articuler des surfaces géométriques suavement colorées. En 1950, il définit son style final : un petit nombre de rectangles sont superposés sur un fond avec lequel ils sont en communion par leurs bords flous. Cette peinture « color-field » (à champs de couleur) paraît animée d'intentions, notamment mystiques, mais qu'il est difficile d'expliciter.
Très dépressif depuis 1965, il assombrit sa palette, et se suicide après avoir travaillé à la mise en place de quatorze toiles pour une chapelle œcuménique de Houston, concevant un environnement de couleurs invitant à la méditation.
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art-en-vrac · 2 years ago
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L’Action Painting & l'école de New York
L’Action Painting ne se limite pas à Pollock et à De Kooning : cette activité « athlétique » qui unit l’artiste, le support et la peinture, se retrouve à des degrés divers chez Arshile Gorky, William Baziotes, Hans Hofmann, Adolph Gotdieb, Franz Kline, Robert Motherwell.
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Formes évocatrices, touches parfois idéographiques rappellent l’ascendant que le Surréalisme eut sur la naissance de l’Expressionnisme abstrait, mais impliquent ici un tout autre rapport au support. À cet égard, la série des "Je t'aime" de Motherwell est particulièrement significative, en ce sens qu’elle joue sur une locution très claire (même pour des Américains), mais qui disparaît en tant qu’énoncé pour se fondre dans la peinture : elle le révèle, mais il en affirme la planéité (le support de l’écriture est à deux dimensions) et la taille (disproportion de l’écriture).
Mais l’Action Painting n’est pas tout l’Expressionnisme abstrait : refusant sa gestualité, un certain nombre d’artistes se confrontent aux possibilités offertes par de sobres plans de couleur, éventuellement modulés et aux limites relativement nettes ; cette tendance est dite hard-edge, d’après le titre d’une exposition qui regroupait notamment Barnett Newmann, Ad Reinhardt, Robert Motherwell, Clyfford Still — groupe auquel on ajoute fréquemment Mark Rothko.
Il s’agit pour ces artistes de contrer la traditionnelle antinomie dessin/couleur, démarche typique de l'Expressionnisme abstrait. Pollock y avait réussi par le dripting, De Kooning par la largeur du traitement : le pouvoir incisif du trait et sa confusion possible avec le dessin étaient dans les deux cas éliminés. Les artistes auront donc recours à l’étalement de la couleur, mais de telle manière qu'elle ne restaure en aucune façon la hiérarchie forme/fond (une couleur semblant souvent venir « en avant » d'une autre).
Ad Reinhard aura ainsi recours aux modulations méthodiques sur monochrome, tandis que Rothko accordera son attention aux « frontières vibrantes », les plans de couleurs intenses communiquant par des marges brèves mais indécises qui produisent un effet de flottement généralisé sur la surface de la toile. Cette tendance donnera lieu à une postérité dite « color-field » (champ coloré) durant les années 60.
Une autre option hard-edge conduit par exemple Reinhardt et Barnett Newmann à lier le problème des limites entre les zones internes au tableau aux limites du tableau lui-même (quadrillage régulier chez Reinhardt, séparations verticales chez Newmann) : ce travail connaîtra un prolongement et une radicalisation fondatrice de l'Art minimal chez Frank Stella, quelques années plus tard.
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art-en-vrac · 2 years ago
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Henri Michaux
Poète et peintre français d'origine belge. C'est parce qu'il rencontre trop d'obstacles dans le langage qu'il commence dès 1928 à dessiner, en se méfiant de ce qui paraît encore attacher la peinture à « l'encombrante réalité », mais Klee et Ernst lui donnent l'exemple des capacités exploratoires de l'art.
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Son œuvre est inlassablement consacrée, en parallèle à ses coups de sonde poétiques, à la révélation du plus intime et du plus imprévu : apparitions et mouvements de foules, signes pseudo-calligraphiques et personnages peu nommables peuplent des vertiges, des absences à soi et des façons d'être dont il recense la diversité, à partir de 1956, par l'usage contrôlé des hallucinogènes.
Dans Émergences, résurgences (1972), Michaux analyse son expérience créatrice personnelle, qui excède l'art « informel » où on a cru pouvoir un temps l'intégrer ; il a de surcroît admirablement commenté certains travaux d'art brut, trouvant dans leurs auteurs des « ravagés » dont il se sentait complice.
Sans titre, 1946-1948.
« La volonté », assène Michaux, est la « mort de l'art ». Cela aurait pu le mener vers le surréalisme, mais sa méfiance à l'égard de l'automatisme et des apports du rêve l'en tient éloigné. Par contre, c'est pour déjouer sa propre volonté qu'il privilégie fréquemment les lavis, l'aquarelle, les encres diluées qui inspire cet artiste,les divers matériaux dont la fluidité et la rapidité d'expansion déjouent toute prétention à maîtriser le tracé et produisent pour ainsi dire de leur propre mouvement des formes que le peintre doit se contenter d'accepter comme et telles qu'elles viennent, pour les fixer légèrement, sans en détruire le dynamisme interne.
Il s'agit, affirme encore Michaux, de laisser courir la main « dans le désordre, dans la discordance et le gâchis, le mal et le sens dessus-dessous » : si le résultat se révèle décevant, qu'il soit détruit. Ce lavis d'encre et aquarelle a été conservé ; c'est donc qu'il comblait convenablement l'attente du peintre, en ramenant de l'« espace du dedans » l'indice d'un nouvel être, approché et saisi à l'état natif.
Sur le support, l'aquarelle a été répandue par de larges et hâtifs coups de pinceau : superpositions du bleu-vert et interruptions des empreintes signalent le simple désir de constituer un fond sans autre intérêt que de proposer un espace où puisse advenir l'inattendu.
Au lavis, un pinceau rapide trace une ligne sinueuse qui zigzague sur la surface - puis quelques autres, toujours hâtives, pour enclore une silhouette possible. Ce qui lui tient lieu de regard est curieusement exhaussé sous une absence de front, et les deux traits sombres diffusent un peu dans l'eau, comme pour signaler une surprise, un geste de recul, mais il est trop tard pour s'échapper : une attitude, sereine ou recueillie a déjà ét�� saisie.
On ne cherchera pas à en savoir davantage : apercevoir ce surgissant tient déjà du miracle.
« Avec la peinture », confie Michaux, « je me sens jeune ». C'est qu'elle fait accéder à des présences tour à tour effarées ou narquoises, discrètes et capables de défier le regard de l'explorateur, sympathiques et refermées sur leur secret - en tout cas pas encore domestiquées, inciviles. Ce « personnage » émergeant à peine du fond (à moins qu'il s'y enfouisse) n'a pas de message à nous délivrer, on devine même qu'il ne tient aucunement à établir la moindre communication durable avec nous. Mais son apparition, signalant un mode d'être qui nous reste étranger, garantit amplement que le champ du possible reste illimité.
En renonçant à soi, Michaux se multiplie dans ce qui anime ses peintures et dessins. « Je est un autre », découvrait Rimbaud. Michaux confirme : « MOI n'est qu'une position d'équilibre. » La peinture est aussi faite pour vérifier les riches apports du déséquilibre consenti.
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art-en-vrac · 2 years ago
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Connaissez vous Duchamp ? ;-)
Duchamp, artiste marginal, libre et cultivé, pessimiste et ironique, procède, après une courte révérence a l'esprit de son époque, à un dynamitage des valeurs artistiques en assimilant des objets du quotidien à des œuvres. Ses inventions dada, déconcertantes, énigmatiques, absurdes et poétiques, ébranlent la conception même de l'art.
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La démarche de Duchamp
À ses débuts, Duchamp affectionne le paysage, le portrait, le nu, la scène de genre. Entre 1912 et 1918, il peint des œuvres érotiques, énigmatiques et des disques optiques colorés. Il s’exprime sur tous les formats, sur toile, carton et verre.
Le couple de mécènes W. et L. Arensberg achète dès 1915 presque toutes ses créations, aujourd’hui présentées au musée de Philadelphie.
Les premières toiles de Duchamp naissent du néo-impressionnisme, du symbolisme, des nabis, du fauvisme, du cubisme et du futurisme. L’artiste vit à Paris et surtout à New York.
De 1902 à 1911, ses œuvres portent l’empreinte de Cézanne et de Matisse. Il se sent proche du symbolisme silencieux d’O. Redon. Son originalité s’exprime déjà dans la main auréolée du Docteur Dumouchel et les «distorsions» du corps, dans les portraits «déchiquetés» d’Yvonne et Magdeleine, où il «déthéorise» la leçon cubiste.
Dans le droit fil de G. Balla, F. Kupka, et du photographe É. J. Marey, ses œuvres cubofuturistes sont tendues vers le mouvement, l’abstraction et la mécanisation des formes. Avec Nu descendant un escalier, il a créé « une image statique du mouvement». Il se distancie de l’esthétique cubiste et des futuristes, qui prohibent le nu, en décomposant l’«objet» et le mouvement sous forme de lamelles et de tubes superposés.
Impressions d’Afrique de R. Roussel l’enthousiasme en 1911-1912 pour sa «folie de l’insolite». Les machines saugrenues, les jeux de mots sont partie intégrante de l’humour qui s’exprime dans ses créations (le Roi et la reine entourés de nus vites). La peinture «ne doit pas être exclusivement visuelle ou rétinienne. Elle doit intéresser aussi la matière grise». Glissière, la Broyeuse de chocolat et les Neuf Moules mâlics désorientent autant par leur caractère énigmatique que par leur titre décalé.
En 1918, Duchamp rejette l’«intoxication par la térébenthine» et clame Tu m’, titre édifiant de sa dernière toile. Il choisit désormais pour support le verre (le Grand Verre) et les ready-mades en trois et deux dimensions: crayon sur une reproduction de la Joconde (L.H.O.O.Q., 1919), jeu iconoclaste dada confirmé par rasée L.H.O.O.Q. qui s’attaque à la peinture occidentale. Il s’intéresse aux effets optiques (Rotative plaques verre). La peinture restera néanmoins pour lui une source d’inspiration parodique: en 1967-1968) il créera des dessins et des gravures érotico-humoristiques à partir du Bain turc d’Ingres ou de la Femme aux bas blancs de Courbet. Son œuvre, qui fait la preuve que « c’est le regardeur qui fait la peinture», montre les limites de l’art.
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art-en-vrac · 2 years ago
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Degas, Femme s'essuyant le cou
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Degas rejette la beauté idéale du nu académique féminin au bénéfice des postures naturelles et intimes. La femme se coiffe, se décoiffe, se lave, se frotte ou se sèche, comme sur ce pastel, vue de dos, le visage caché, dans cet intérieur sobre.
La virtuosité du pastelliste éclate : les tons subtils aux harmonies précieuses prennent toute leur densité sous l’éclairage froid qui jette des ombres colorées, un reflet vert dans ses cheveux. L’artiste pousse ici à l’extrême la technique des hachures verticales, mais il a su aussi créer des corps à la facture plus douce, comme dans le Tub.
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art-en-vrac · 2 years ago
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Portrait de madame Matisse, dit la Raie verte
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Cette œuvre de Matisse s'inscrit dans la démarche fauve, qui exalte toutes les couleurs, admirées individuellement ou dans leur ensemble. Les couleurs Juxtaposées créent une profondeur lumineuse, hors de toute référence à la réalité et à la perspective.
Elles imposent une nouvelle construction plastique, une nouvelle musicalité esthétique. Matisse souligne l’impression d’arbitraire que suscite à première vue la barre verte qui divise le visage de Madame Matisse.
Impression qui ne résiste pas à l’analyse, la raie verte marque avec netteté la frontière, qui, sur le visage, sépare la zone d’ombre de la zone de lumière. L’arête verte qui représente l’arête du nez crée une succession d’oppositions de plans colorés : la raie verte entre le versant ocre et le versant rose du visage, la chevelure bleue entre le fond vert et le fond violet, le col émeraude entre l’épaule orange et l’épaule violette… Finis les combats, les ultimes et convulsifs corps à corps. À présent les couleurs, comme des alliés après la victoire, se partagent le terrain conquis.
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art-en-vrac · 2 years ago
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Vassily Kandinsky
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Peintre d'origine russe» l'un des initiateurs de l'art abstrait. Il naît à Moscou» passe son adolescence à Odessa» et fait d'abord des études de droit» qui le mènent à un poste de chargé de cours à la faculté de droit de Moscou.
En 1898, Il découvre Monet et part l'année suivante à Munich pour étudier la peinture. Il réalise ses premiers tableaux en 1900, fonde dès 1901 le groupe « Phalanx », qui organise douze expositions reçues comme « hypermodernes », où sont réunis peinture et arts décoratifs.
En 1904, Kandinsky voyage en Hollande et en Tunisie et expose dans plusieurs villes d'Europe dont Paris ; il publie à Moscou un album de gravures sur bois, suivi d'un second en 1906, à Paris.
En 1908, il se partage entre Munich et Murnau, où il achètera une maison. Avec sa compagne Gabriele Münter, il fréquente régulièrement Jawlensky, puis Franz Marc. Ses travaux, qu'il classe en « Compositions » ou « Improvisations », se distinguent nettement de l'expressionnisme ambiant en prenant une liberté de plus en plus nette relativement à l'objet.
Murnau avec église II, 1910.
En 1910, Kandinsky a peut-être réalisé une première aquarelle abstraite, mais jusqu’en 1913, il hésite encore à supprimer totalement le motif, comme en témoigne cette toile, l’une de ses plus « expressionnistes ». Mais son expressionnisme se traduit moins par un emportement stylistique que par l’importance que prend la subjectivité du peintre dans la restitution du sujet.
Il s’agit ici d’un paysage, et la reconnaissance de ses éléments ne pose guère de problème, dans la mesure où les apparences sont évoquées, non certes de manière fidèle ou naturaliste, mais avec une précision relative qui permet de repérer un ciel, des reliefs, des bâtiments, etc.
Lorsque Kandinsky la montre lors de sa première exposition personnelle, fin 1911, à la galerie Tannhatiser, elle est cependant très mal reçue et paraît inacceptable, précisément en raison de la vision totalement subjective qu’elle propose.
Ce qui paraît choquant à l’époque, c’est sans doute autant le traitement chromatique que la déformation infligée au paysage, qui se trouve ici modelé par le peintre, plutôt qu’il ne fait office de modèle. Kandinsky est le premier qui affirme la prédominance du « modèle intérieur » sur le modèle extérieur, priorité qui se vérifie dans les œuvres qu’il réalise en 1909-1910 : la nature est prétexte à effusion colorée et à une reconstruction qui la transforme en motif lyrique.
Aussi la couleur est-elle irréaliste, et employée beaucoup plus en fonction des exigences de la composition que des formes ou objets auxquels elle renvoie.
La toile obéit à un dynamisme qui déporte les formes vers la droite, et son équilibre est maintenu grâce aux masses vertes des collines qui, en plan moyen, contrarient les lignes de force des clochers, des toits et des formes du premier plan.
Ce vert des collines s’entrouvre pour accueillir une quatrième colline multicolore, dont les différentes zones n’obéissent à aucun* souci réaliste. Le même vert se retrouve au premier plan, en deçà de bâtisses et de champs dont la coloration est hautement arbitraire - tout particulièrement lorsque des hachures bleues ponctuent un fond jaune et blanc.
Le même arbitraire, relativement à une figuration naturaliste, s’affirme dans le traitement du ciel. L’efficacité du puzzle coloré est telle que le regard hésite sur la conception de l’espace pictural : il y a bien étagement de plans successifs, mais ces plans ne sont évoqués que partiellement et empiètent les uns sur les autres, de sorte que les formes s’inscrivent également sur une surface affirmée comme telle, sans véritable effet de profondeur. De surcroît, les touches de pinceau, pratiquement toutes orientées vers la droite, empêchent la mise en place de formes nettement découpées, dont certaines se trouvent cernées de lignes diversement colorées. Kandinsky n’hésite pas à user des moyens les plus divers pour introduire simultanément dans sa composition mouvement et stabilité.
Lui qui s’était étonné, en voyant la peinture de Monet, de n’en repérer les motifs que grâce aux titres du catalogue, en est arrivé au point où la vision objective l’intéresse moins encore que Monet.
Puisque, selon le titre de l’essai qu’il rédige en cette même année 1910, Du spirituel dans l’art, la peinture doit unifier vision subjective et monde objectif. Pour l’instant, ce dernier semble encore utile, au moins comme point de départ, à l’expansion du subjectif. Mais on devine que le peintre pourra bientôt s’en passer totalement.
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art-en-vrac · 2 years ago
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L'homme au gant - Titien
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Ce portrait, une œuvre de jeunesse annonce ce qui fera la renommée des portraits « informels» de Titien. Le peintre peint le modèle à mi-corps et de biais, le bras posé librement sur un support de marbre. D'allure souple mais noble, il occupe amplement l’espace de la toile, proche du spectateur mais cependant discret. Le fond, plongé dans l'obscurité et le vêtement noir permettent au peintre de mettre en évidence, par contraste, les particularités physiques du jeune homme : la transparence de la peau du visage, la moustache et la barbe naissantes, les mains veiné de lignes bleues.
L'éclat de la collerette irradie le visage de lumière, comme celui des manchettes les mains : procédé mis au point par l’artiste pour mettre en évidence la psychologie et l’attitude des personnages. Quelques éléments colorés comme le médaillon de saphir et de perle, la bague d’or armoriée et les gants retroussés en fine peau (signes d’une élégance toute humaniste) atténuent l’austérité ostentatoire de ce jeune aristocrate. Si le visage paraît encore rêveur, à la manière de Giorgione, les mains, placées au premier plan, à la manière florentine de Léonard de Vinci, sont expressives: l’une pointe sans doute le tableau qui serait son pendant, celui d’une promise ou d’une épouse, cependant que l’autre est nonchalamment abandonnée.
Les portraits préromantiques de la fin du XVIIIe siècle s’en inspireront.
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art-en-vrac · 2 years ago
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La Vierge, l’Enfant Jésus et sainte Anne
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Derrière le groupe, très ramassé, du premier plan, se déploie au loin un paysage dont les pics montagneux semblent s'évaporer dans une atmosphère bleutée qui noie tous les tons. Cette grâce à la fois aérienne et équilibrée s’appuie pourtant sur une mise en place précise de tous les plans, par une technique de glacis successifs qui créent un effet évanescent. Aux éléments en prisme des collines répond le groupe triangulaire des trois figures divines que surmonte le visage infiniment aimant de Marie. La pose doucement ployée de sainte Anne, de l’Enfant et de l’agneau est équilibrée par la verticalité de la Vierge, axe de la composition. La construction pyramidale des figures assoit le sujet principal dans le paysage qui, par sa douceur, fait écho aux sourires de la Vierge et de sainte Anne.
À la forme plastique et au modelé linéaire florentin, Léonard de Vinci substitue une grâce harmonieuse, le mystère et l’émotion. Ces visages souriants donnent l’impression de vie dans un paysage aux lointains bleutés et fondus, immatériels, résultant du clair-obscur, du sfumato, de la perspective aérienne associée aux teintes tendres et vaporeuses, baignées d’une douce lumière.
L’œuvre est un sommet de l’art, où la technique de construction, la science des matières picturales s’effacent derrière la poésie.
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art-en-vrac · 2 years ago
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Portrait des époux Arnolfini
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Ce double portrait en pied nous introduit dans l’intimité d’un couple fortuné de la bourgeoisie commerçante des Flandres. Tableau réaliste, certes, mais toute réalité pour Van Eyck est mystérieuse […J il étudie l'objet comme s’il voulait, à force de patience poétique, lui dérober le mot d’une énigme, le "charmer” et doter son image d’une seconde vie silencieuse ».
La construction en perspective vient buter sur le mur du fond de la pièce, dans un plan parfaitement parallèle à la surface de la toile. Nous voici donc, comme le couple, attirés dans une boîte dont la lumière met en valeur chaque détail. Or chaque détail signifie plus que la réalité qu’il nous offre au premier regard: le chien est ta fidélité, la dernière bougie allumée du lustre symbolise le mariage. Dans le miroir existe un monde plus important que celui qu'il reflète; d’ailleurs on y aperçoit trois silhouettes, celles des deux époux et celle d’un observateur, nous ou le peintre, ce créateur qui nous introduit dans un autre univers, silencieux, concentré, éternel. «Johannes de Eyck fuit bic» (Jan Van Eyck fut ici); autour de cette signature au mur et du miroir convexe tournoie doucement toute la composition, aux tons veloutés, à la lumière tamisée, qui rend plus vrais que nature le tissu satiné, le velours, la fourrure, le tapis, le cuivre …
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art-en-vrac · 2 years ago
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Art en Vrac Kesako ?
Bienvenue sur mon blog dédié à l'art contemporain Art En Vrac! Je suis passionnée par l'art moderne et l'art actuel et j'aime partager mes découvertes et mes coups de cœur sans suivre les tendances actuelles dans le monde de l'art.
Mon blog est le point de rencontre pour tous ceux et celles qui s'intéressent à l'art contemporain. Je vais publier régulièrement des articles (enfin j'espère) sur les artistes qui me plaisent, les expositions les plus intéressantes et les tendances émergentes dans le monde de l'art. En tant qu'artiste moi-même j'explore également les différents médiums, du street art aux installations en passant par les peintures, dessins et sculptures.
Je suis constamment à la recherche de nouvelles perspectives et de points de vue intéressants, et j'aime partager ma passion pour l'art avec ma communauté. Je vous encourage également à poser des questions et commenter sur mes articles, afin que nous puissions tous apprendre les uns des autres.
Si vous êtes un passionné d'art contemporain ou si vous voulez simplement partager ou en savoir plus sur les dernières tendances dans le monde de l'art contemporain, je vous invite à vous abonner à mon tout nouveau blog et à me rejoindre sur ce voyage sur Art En Vrac.
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