castleandsolitude
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L'Autre Monde
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castleandsolitude · 1 day ago
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Un petit galop
Les jours passaient et la chaleur ne semblait pas vouloir redescendre. J’avais lentement commencé à inverser mon rythme. Je dormais au plus chaud de la journée et continuais mes activités dès que le soleil consentait à disparaître. Milo n’osait toujours pas vivre avec moi dans le château. Je l’avais encouragé à se réfugier à l’intérieur, un temps. À la troisième tentative, j’avais décidé de le laisser tranquille. C’était un corbeau après tout.
Ces quelques semaines passées avec lui avaient adouci ma routine. Il était toujours aussi prompt à répondre à mes besoins, parfois même avant que je les formule. Ses conversations étaient réconfortantes. Sa naïveté, couplée à sa bonhommie naturelle, formait un mélange auquel personne ne pouvait résister.
Accablée par la chaleur, je regardai les rayons de lumière filtrés à travers les lourds rideaux depuis mon lit. Mon corps me semblait si pesant, je me contorsionnai parmi les draps pour trouver le confort. Le plafond, les rideaux. Le plafond, les rideaux, mes mains. Je me fis une raison, le sommeil ne viendrait pas. Il me fallut un temps infini pour me lever enfin et enfiler une robe légère. Je savais ce qui pouvait me faire du bien. Je me maudissais de ne pas y avoir pensé plus tôt. Je descendis les escaliers quatre à quatre, ma morosité soudainement balayée par l’excitation.
Une fois dehors, je me dirigeai vers le pré où Estios avait l’habitude de gambader. J’avais retrouvé ma motivation mais pas au point de faire le trajet de mes pieds nus. Je le cherchai du regard et le trouvai plus loin que je l’avais espéré. Les mains sur les hanches, je le regardai au loin brouter l’herbe. Je n’avais pas attendu la fin de la journée pour sortir, le soleil tapait toujours aussi fort et il fallait qu’il aille se mettre à l’autre bout du champ… Je soufflai.
— Bon, j’imagine qu’il va falloir se bouger finalement.
Milo apparut à ce moment là.
— Vous êtes debout bien tôt aujourd’hui, ma dame.
— Je ne sais pas si on peut vraiment dire ça Milo. Il doit être bien 16 heures passées.
— Oui effectivement, mais je voulais dire que…
— Tu te fais toujours avoir aussi vite, dis-je en riant.
— Hum, oui, il semblerait ma dame.
Je regardai à nouveau le cheval au loin et eus une idée.
— Milo, mon petit oiseau, pourrais-tu aller me chercher ce bougre de canasson que tu vois là-bas ?
Il tourna sa petite tête en direction du cheval puis me regarda.
— Je veux bien essayer ma dame, mais je ne vois pas trop comment m’y prendre. C’est un spécimen assez…imposant.
Ce que voulait dire Milo c’était « gigantesque » ou bien « affreusement mastoc ». Imposant étant un euphémisme pour parler d’Estios.
— Oui, j’en ai conscience. Mais ! Je gage qu’il n’aime pas vraiment qu’on lui picore la croupe. Il suffit que tu le réveilles un peu puis il me verra sûrement lui faire des signes. Il viendra alors par ici et le tour sera joué !
Il me fixa sans rien dire, sceptique.
— Je vais essayer...ma dame, dit-il résigné et peu confiant.
Est-ce que je lui avais demandé ce service pour m’amuser ? Un peu, je l'avoue. Est-ce que Milo risquait vraiment quelque chose ? Non. Enfin, normalement pas. Estios était l’un de ces chevaux si massifs, qu’ils se mouvaient avec une certaine lenteur. Ce n’était donc pas le destrier le plus vif mais il ne fatiguait absolument jamais.
Milo l’atteignit rapidement et je crus le voir se prendre un mur invisible en arrivant à sa rencontre. Le voir de si près avait dû l’impressionner un peu plus. Il tourna autour un petit moment puis se posa finalement sur son dos. Estios ne bougea pas d’un pouce, comme je le pensais. Il planta son bec dans l’encolure du cheval mais rien ne se produisit. Il n'osait pas le piquer et je doutais qu’Estios sente quoi que ce soit à cet endroit-là.
— Allez Milo, un peu de courage, pique lui les fesses un bon coup, dis-je pour moi.
Je le vis sautiller d’avant en arrière, tentant de faire réagir le cheval mais rien ne semblait troubler son activité favorite, à savoir : manger. J'eus l'impression que Milo se tournait vers moi et tentait de me crier quelque chose. J’en profitai pour me mettre de profil et lui pointer mon derrière.
— Là Milo, lààààà.
Visiblement le message passa. Il s’approcha de sa croupe et piqua d’un coup sec. Le cheval releva la tête aussi sec et partit dans un galop endiablé. Milo s’envola dans un battement d’ailes alarmé et vint me rejoindre aussitôt. La scène me tordit de rire, je peinais à tenir sur mes jambes.
— J’ai bien failli mourir ! Qu'elle horrible bête vous avez là, s’écria-t-il en approchant.
— Milo c’était fantastique, je vais t’engager comme garçon d’écurie. Non pardon, corbeau d’écurie, lui répondis-je toujours secouée par les rires.
— Très bien trouvé ma dame, vraiment amusant, dit-il d’une voix haut perchée.
— Je plaisante mon petit oiseau, tout va bien, il n’est pas méchant pour un sou !
Après avoir couru dans tous les sens, Estios s’avançait enfin vers nous. Il s’arrêta devant moi et je lui passai la main sur l’encolure.
— Désolée de troubler ton insatiable appétit, mon beau. J’ai besoin de toi aujourd’hui.
Il consentit d'un souffle des narines et me suivit jusqu’aux écuries. Trop impatiente pour faire les choses correctement, je lui jetai un tapis de selle élimé, le premier licol que je trouvai, et lui grimpai sur le dos.
— On va se rafraîchir un coup Milo, tu nous suis ?
— Avec grand plaisir ma dame, répondit-il de nouveau plein de sollicitude.
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castleandsolitude · 5 days ago
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Oiseau de mon coeur
Les dalles froides de la cuisine m’offrirent un refuge idéal en cet après-midi ardent. J’avais passé toute la première partie de la journée dans mon atelier sous les toits. Quand le soleil s’était mis à taper sur la verrière, la chaleur était devenue insupportable. Je me préparai un en-cas au milieu des vieilles pierres noires quand j’entendis un petit grattement au niveau de l’entrée. Après quelques secondes le nez en l’air, je repris ma préparation. Le bruit se fit entendre à nouveau et attira mon attention. Je posai mon couteau et dirigeai mes pieds nus jusqu’aux grandes portes. Au moment où je passai la tête par le battant, un bruissement d’ailes me fit lever les yeux. Un corbeau, doté d'un plumage d'une rare beauté, se tenait là, sur le garde-corps du perron. Je le fixai curieusement puis regardai de part et d’autre de l’escalier. Tout était paisible. Chaud, mais paisible. J’allais rentrer quand j’entendis un « hemhem ». Interloquée je reportai mon attention sur le corbeau et l’interrogeai du regard.
— Ma dame, auriez-vous du temps à m’accorder ? 
J’ouvris des yeux ronds.
— Le soleil doit vraiment taper fort aujourd’hui, dis-je pour moi-même.
Il fit un saut de côté et replia l’une de ses ailes sur son poitrail, comme pour se désigner.
— Ma dame, je comprends que mon apparence puisse vous surprendre mais permettez-moi de me présenter.
Ne parvenant toujours pas à comprendre ce qui se passait, je restai là, immobile, un air passablement stupide.
— Et bien euh, oui, balbutiai-je.
Il remua ses ailes et se posta face à moi.
— Voulez-vous bien me suivre dans les jardins ? Il serait peut-être plus agréable de discuter confortablement installé.
J’approuvai d’un signe de tête et descendis les escaliers tandis qu’il prenait son envol. Arrivée en bas, je le cherchai du regard et l’aperçus au milieu des cerisiers. Sa petite masse noire, perchée sur une branche, créait un drôle d’effet dans ce paysage fleuri. J’avançai jusqu’à la petite table en fer blanc postée sous l’arbre et levai les yeux vers lui. Je tirai l’une des chaises d’une façon théâtrale et m’installai. Il attendit que je sois assise pour reprendre la parole.
— Je me prénomme Milosiphas Noiresailes. Je vivais une vie de corbeau tout à fait banale jusqu’à ce matin, où je me suis réveillé avec la certitude que mon aide était requise quelque part. J’ai alors pris le ciel et entamé un long voyage, seulement guidé par cette conviction profonde. Celle de vous trouver et de vous servir ma dame.
Il se ménagea une pause, puis continua.
— Je suis maintenant là, devant vous, pour vous assister dans toutes vos occupations, quelles qu’elles soient.
La lumière extérieure m’éblouissait et aucune réponse ne me venait. Alors je continuai à le fixer bêtement. Des animaux un peu plus lucides que la normale, je connaissais. J’avais noué des liens étroits avec certains d’entre eux. Mais en trouver un qui parle, aussi naturellement que moi, ça, c’était quelque chose. Et il fallait reconnaître que celui-ci semblait avoir une personnalité atypique et bien à lui.
— Eclaire-moi Milo, je peux t’appeler Milo ? Et te tutoyer ?
— Ma dame, je suis votre obligé, vous pouvez m’appeler comme bon vous semble.
— Très bien. Alors Milo, dis-moi. Que suis-je censé faire de toi ?
— Ma dame, tout ce que vous voudrez.
— C’est que, je n’ai pas vraiment besoin d’une quelconque aide ici…
— Bien sûr que si ma dame, je peux le sentir.
— Ah oui et de quoi j’ai besoin au juste ?
— D’un corbeau dévoué et prêt à vous rendre la vie plus simple, ma dame. Tenez, sous cette chaleur, ne voudriez vous pas profiter de ces beaux cerisiers ? Je peux vous apporter des cerises si cela vous plaît.
— Je garde ces cerisiers-là en fleurs toute l’année. Il faudra partir plus au sud si tu espères en trouver. Ça risque d’être long et compliqué sans indication.
— Rien ne sera trop long ni trop compliqué si je puis vous apporter satisfaction, ma dame.
— Petit oiseau de mon coeur, ta dévotion me touche sincèrement, dis-je de ma voix la plus tendre.
Il sautilla d’une patte à l’autre et se déplaça sur sa branche, visiblement gêné.
— Milo... serais-tu en train de rougir ? demandai-je en le regardant par dessous.
— Rougir ? Absurde ! S’exclama-t’il. Je suis un corbeau, ma dame. Un corbeau ne rougit pas.
— Je te fais marcher, lâchai-je dans un petit rire.
— Laissez-moi vous rapporter ces cerises. Je suis sûr que je peux en trouver.
— Fais donc, repondis-je.
Il s’envola aussitôt vers le ciel. Je commençais à apprécier cette imprévu. Je ne savais pas vraiment où ça allait me mener mais le divertissement valait la peine.
Au bout d’une vingtaine de minutes, il réapparut dans le ciel et se posa brusquement sur la table. Dans son bec, une belle grappe de cerises noires se balançait. Il sautilla jusqu’à moi et attendit que je tende la main. Il les y déposa doucement et reporta son attention sur moi. Il inclina plusieurs fois la tête, allant des cerises à mon visage. Je le regardai avec un sourire en coin. Son impatience me plaisait beaucoup. J’en gouttai une et laissai sa saveur envahir ma bouche. J’expirai et pendant que je savourais le moment, autant que les cerises, je pris un instant pour faire courir mon regard sur lui. J’avais le sentiment qu’il pouvait faire bien plus que me trouver des fruits mûrs. Je détaillai pensivement ses plumes et leurs reflets bleutés, ses griffes aiguisées, ses yeux noirs. Il y avait quelque chose de définitivement singulier dans sa façon d'agir et de bouger. Quelque chose de difficilement descriptible. Je percevais un mélange de compassion, de tendresse et de détermination. Je pouvais vraiment me faire à ce genre de compagnie.
Je me penchai vers lui et lui murmurai :
— Merci Milo, j’avais bien besoin de ça en effet.
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castleandsolitude · 10 days ago
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Cette fois-ci je n’eus pas le besoin de partir à sa recherche. Il n’était plus question de jouer à cache-cache. Je sentis son souffle chaud dans ma nuque et ses bras m’envelopper. L’étonnement céda au soulagement d’être entourée, protégée. Je ne m’étais pas rendu compte à quel point j’avais ce besoin de m’abandonner ainsi. Ce besoin de ne plus avoir le contrôle et de me laisser guider par quelqu’un d’autre. Je me perdis dans mes pensées et pris conscience du poids qui pesait sur mes épaules depuis toujours. Ce poids que personne ne m’avait demandé de porter mais qui était là, toujours plus lourd, toujours plus encombrant. Ma pudeur m’interdisant de le partager à quiconque. Ce fardeau m’avait contraint à ériger des murs épais entre moi et le reste du monde. Mais il se trouvait toujours quelqu’un d’assez fou pour escalader le mur et venir tenter d’y comprendre quelque chose. Et il m’arrivait de laisser un malheureux s’y essayer… Comme aujourd’hui.
Un mouvement de sa part me fit revenir au moment présent. Je n’attendis pas d’être sûre qu’il soit réveillé pour lui poser mes premières questions.
— Qu’est ce que tu sais de cet endroit ? 
— Seulement ce que tu as bien voulu me révéler, dit-il en baillant et s’étirant.
— Ok… qu’est-ce que je t’ai révélé au juste ?
Il se redressa et passa la tête par dessus mon épaule.
— Tu ne te souviens de rien ? Je pensais que dormir un jour entier te remettrait d’aplomb mais c’était plus que ça visiblement.
— Visiblement, oui.
Je n’avais pas vraiment envie de le faire fuir avec mes questions mais je devais savoir, je devais me rappeler. C’était bien trop de chamboulements, bien trop de pertes de contrôle, aussi agréable que puisse être la sensation d’être « portée ». Et il y avait quelque chose qui me mettait mal à l’aise avec son attitude si sûr de lui. Je commençais à me demander s’il n’aimait pas plus sa position d’avantage envers moi que l’opportunité d’être ici.
— Raconte moi simplement ce qu’il s’est passé après ton arrivée.
Il se redressa pour s’asseoir et je me retournai pour pouvoir le regarder.
— Quand je t’ai rejoint dans la salle de bain la première fois, tu étais surprise mais semblais aussi m’attendre. On s’est assis dans le jardin et on a parlé pendant des heures. Et puis j’ai voulu que tu me montres la forêt dont tu parlais si souvent, celle devant le château avec les fleurs lumineuses. On s’y est baladé toute la soirée et une partie de la nuit.
Des images commençaient à affluer dans mon esprit. Je me souvenais de la forêt des lumières et de la source à laquelle je l’avais conduit. Il m’avait suivi et on avait discuté longuement de mes aventures. Quand je cherchai à me souvenir de la suite, je ne réussis qu’à percevoir de l’agitation et de la confusion. Jamais je n’avais eu une telle perte de mémoire.
— Oui je commence à me rappeler de tout ça, dis-je. Mais comment je me suis retrouvée dans mon lit, épuisée comme jamais ? Je n’ai ce genre de fatigue que quand je me blesse sérieusement.
— Ah oui ça… Tu as… Comment dire ça ? Pété un câble.
— Pété un câble ?
— Ouais. On se promenait toujours dans la forêt et vu que je ne connais pas tous les recoins de cette carte, je t’ai juste suivi. Mais on s’enfonçait dans un bois de plus en plus sombre. Et puis je t’ai complètement perdu de vue.
Je gardai le silence, attendant la suite qui n’allait certainement pas me plaire.
— Je me suis dit que tu allais revenir sur tes pas et que tu faisais peut-être un tour de ton côté. J’ai attendu, attendu, jusqu’à qu’une bête atroce se pointe et me charge sans prévenir. On aurait dit un énorme chien qui aurait fusionné avec un sanglier. J’ai cru que j’allais y passer mais comme tu l’as remarqué, je ne suis pas venu totalement désarmé.
Il leva les bras et je compris qu’il faisait référence au réseau de runes qui s’entortillait autour de ses membres.
— Tu as pu te servir de ça ici ? Demandai-je incrédule.
— Heureusement oui, sinon j’étais mort. J’ai réussi à dévier sa charge et à l’envoyer s’écraser contre un arbre. Mais si ce n’était que ça.
— C’est déjà pas mal…
Je n’avais pas besoin de plus pour deviner la suite. Ces monstres-là ne sortaient pas sans aide. Ils se terraient bien loin dans la forêt et n’aimaient pas plus que ça être dérangés. Si l’un d’entre eux l’avait attaqué, c’est que quelqu’un l’avait provoqué. Moi en l’occurrence.
— C’est là que tu as refait apparition. Mais tu n’étais plus là, enfin tu étais hors de toi plutôt. Je sais pas ce qui t’a plongé dans une telle rage mais j’étais clairement la cible. Tu n’as pas de runes mais je vois que tu as trouvé un moyen de parer à ça. J’ai bien cru y passer une seconde fois.
— Tu veux dire que je t’ai attaqué ?
— Oui et pas qu’un peu. Tu es sortie des taillis sans un bruit, tu m’as collé une peur bleue. J’ai voulu savoir si tout allait bien et là d’un coup tu m’as décoché un coup de pied dans les côtes. Je me suis explosé au sol et tu as fondu sur moi. Tu marmonnais des phrases incompréhensibles, tu parlais d’intrusion, de ne pas se laisser faire et je ne sais quoi.
Il fit une pause et me regarda, à la recherche d’une réaction. Réaction qui ne venait pas. J’avais besoin d’entendre la suite. Je savais ce qui s’était passé mais je devais l’entendre de sa bouche.
— Continue s’il te plaît.
— Ok… On s’est battu un moment puis d’autres bestioles ont débarqué et tu as disparu de nouveau. Je me suis épuisé à ne pas crever et quand tu es revenu tu semblais satisfaite. Tu as repris ton chemin et je t’ai suivi. Quand on a atteint la prairie à l’ouest du château, tu t’es évanouie dans l’herbe. Je t’ai ramené dans ta chambre et je me suis endormi avec toi. Sauf que tu ne te réveillais pas. Alors je me suis levé et j’ai visité un peu.
— Je vois…
— Tu vois ? C’est tout ce que tu as à dire ? Demanda-t-il, offusqué.
— Je n’ai pas vraiment voulu te tuer. Enfin si, mais pas toi. Comprends moi un peu, tu débarques ici, comme ça, sans prévenir. Je devais te tester. Si une bête t’avait éventré, alors ça aurait voulu dire que tu n’avais rien à faire là. Que tu étais un intrus.
— La bête a bien failli m’éventrer.
— Oui mais… elle ne l’a pas fait. L’idée que tu puisses être une menace m’a fait voir rouge. Une fois cette peur en moi, j’ai pas vraiment pu me contrôler. Désolée…
— C’est pas grave, je ne t’en veux pas.
Il me serra dans ses bras et j’appréciai une fois de plus son contact. Après un moment de silence, il demanda :
— Mais hier, tu te souviens d’hier, non ?
— Oui je me souviens d’hier…
— Ok c’était pour être sûr. J’aurais pas été capable de te raconter tout ça je crois.
Je souris. Il aurait clairement été dommage de mettre des mots sur quelque chose qui avait cette merveilleuse capacité de ne pas en avoir besoin.
— Tu penses rester longtemps ? Demandais-je.
— Autant que tu le voudras, j’imagine.
— Mais toi, qu’est-ce que tu veux ?
— Ne plus jamais bouger d’ici.
— Je crois que je peux arranger ça...
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castleandsolitude · 10 days ago
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Encore une fois, il répondit à ma question sans ouvrir la bouche. D’un mouvement, il se rapprocha à nouveau de moi et me souleva de l’eau. Je passai mes jambes autour de sa taille et le laissai m’emporter, sans plus aucune méfiance.
Il n’y avait aucune hésitation dans ses gestes, il savait exactement où le menaient ses pas et je ne parvenais pas à comprendre comment cela pouvait être possible.
Des flaques d’eau laissaient derrière nous un chemin facile à suivre. Je les voyais miroiter au sol, comme dans un rêve. Arrivé dans le hall, il monta les escaliers en pierres en quelques enjambées et tourna à droite au premier étage. Ma chambre se trouvait au bout du couloir mais il s’arrêta avant. Toujours accrochée à lui, je ne vis pas la porte qu’il ouvrit mais j’étais sûre qu’elle n’était pas là auparavant.
De lourds rideaux colorés occultaient la rangée de fenêtres face à nous. Des odeurs ambrées saturaient la chambre et me détendirent immédiatement.
Il s’agenouilla et me déposa sur le sol jonché de coussins et de tapis épais. Mes yeux s’accoutumèrent à la semi-obscurité et distinguèrent un halo bleuté émaner des murs. Mon regard fit lentement le tour de la pièce. Tous les morceaux du puzzle s’assemblèrent. Un réseau de runes dessinait des formes géométriques du sol au plafond et nous éclairait de son aura astrale. Son corps recouvert de ces mêmes marques luisait aussi faiblement. Bien sûr, comment l’imaginer autrement ?
Il s’assit près de moi et avant qu’on puisse prononcer un seul mot, je pris son visage entre mes mains et posai mon front contre le sien. Tout ce qui n’avait pas été dit et qui ne le serait peut-être jamais passa entre nous à cet instant. Le moment était sacré et je sentis chaque fibre de mon corps le vivre. Un morceau de moi manquant reprit sa place et l’expérience me procura un sentiment de puissance inouïe. Comme si mon esprit lui-même brûlait mais d’une brûlure salvatrice. Une guérison par le feu.
Nos respirations se mêlèrent et je m’enivrai de cette essence si familière. La suite ne fut que pulsion. À ce stade, absolument rien au monde aurait pu contenir l’envie de l’embrasser, de le toucher et de le sentir. Une envie incontenable de le consumer et d’être consumée à mon tour.
Au moment où nos lèvres se rencontrèrent, aucun de nous deux ne réfréna ses gestes. Il me saisit à la taille et m’attira vers lui. Assis adossé à une montagne de coussins, il m’accueillit au dessus de lui et laissa la vague de plaisir le parcourir entièrement. Cette proximité absolue occulta tout autour de nous. Il n’existait plus de chambre, de château, de monde. Pas même le ciel et les oiseaux.
Cette transcendance interdisait toute perception du temps et de l’espace. Le soleil pouvait se coucher, se lever ou bien disparaître de la galaxie pour toujours. Peu importait. Chaque sensation physique était amplifiée par un lien invisible inestimable. Nos corps se fondirent ensemble et notre lutte sensuelle suivit son cours sans perdre en intensité.
Quand la fièvre retomba enfin et que nos forces nous abandonnèrent, le sommeil nous accueillit tout les deux. Un doux moment de paix, où je ne fus plus seule.
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castleandsolitude · 12 days ago
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Intrusion partie 2
À mon réveil, j’avais perdu toute notion du temps. Était-ce le jour ? La nuit ? Le matin ou la soirée ? Aucune idée. La mémoire semblait ne pas vouloir me revenir. J’étais allongée dans la pénombre de ma chambre, déboussolée. Seule.
Je sentis peu à peu mon corps se réveiller et faillis lâcher un cri de douleur. Chaque membre me tirait atrocement. Tout mon organisme avait puisé dans mes réserves pour m’offrir une régénération intense pendant mon sommeil. Je me demandais à quoi j’avais bien pu jouer pour être aussi amochée.
Je me levais et prenais réellement conscience de ma solitude. Le vide m’emplissait. Je ne savais pas exactement ce qu’il s’était passé mais pendant un temps, quelqu’un avait été là avec moi. Revenir à ma solitude habituelle me causait bien plus de mal que les courbatures.
Je me décidais enfin à sortir de mon lit puis de ma chambre pour retracer mon parcours et tenter de reprendre mes esprits.
Il faisait jour, le soleil était levé depuis plusieurs heures, sa chaleur me fit un bien fou quand je m’y exposais devant les portes du château.
Le paysage inchangé me troubla. Je m’attendais à voir quelque chose de différent. Quelque chose qui aurait marqué son passage. Qui pourrait m’assurer qu’il avait été là, pour de vrai.
Je descendis les marches et allai m’étirer sous les cerisiers. Sous l’ombre de leurs branches, je vis que l’herbe avait été piétinée. Je fis le tour du verger et découvris un bout de tissu déchiré sur le sol. Je le fixais pendant une minute, une heure ou bien un mois entier. Rien ne me semblait avoir de sens. Je ressentis la même perte de contrôle qu’à son apparition.
Je passai du côté des écuries pour m’assurer que tout allait bien. À en juger par l’accueil que je reçus, j’avais été absente au moins deux jours. Deux jours.
Tout était forcément là dans ma tête. Je devais simplement me concentrer. J’entrepris alors de retourner là où mes souvenirs s’arrêtaient, la salle de bain.
Les dalles froides du hall me firent frissonner. Une appréhension s’empara de moi tandis que j’avançai dans le couloir sombre. Une odeur envoûtante embaumait l’air et j’avais comme l’impression de me rapprocher rapidement de sa source.
J’atteignis mon temple aux mille fragrances et fus à peine surprise de voir la baignoire à nouveau remplie, fumante. Bien que je me sentis traquée sur mon propre territoire, je commençais à reconnaître un schéma qui ne m’était pas inconnu. Je décidai de ne plus me poser de questions. J’entrai dans le bain parfumé et fermai doucement les yeux. Je savais qu’au moment même où je me laisserais aller à la douce étreinte de l’eau, il apparaîtrait. Et c’est ce qu’il fit, dans la baignoire.
Des années à rester seule et à planifier des batailles avec des monstres en tout genre m’avaient programmé à mal réagir à ce type d’imprévu. Au moment même où j’ouvris les yeux et le vis face à moi, j’attrapai une fine lame cachée sous un tissu et refermai ma main sur sa gorge. « Qu’est-ce que tu m’as fait ? Pourquoi tu es là ? ». Mes yeux plantés dans les siens, je le menaçai sans ciller. Mon coeur battait la chamade et mon corps tendu me faisait atrocement mal. Il ne répondit rien et continua à m’observer. Un frisson me parcourut quand une brise fraîche vint danser sur mes côtes exposées à la fenêtre grande ouverte. Mon regard cilla une microseconde et, dans un mouvement souple, il en profita pour désarmer mon bras et me renverser entièrement. Je me trouvai à présent exactement où il se tenait un instant plus tôt. Je restai là, bouche bée. L’eau s’agitait autour de nous, faisant courir des petites vagues sur nos deux corps. De là où j’étais, je pouvais voir en détail les étranges tatouages qui le recouvraient de la tête au pied. J’eus l’impression d’être un papillon de nuit, attiré par une lumière vive.
Alors que les choses commençaient à redevenir tangibles, je sentis mon esprit m’échapper à nouveau. Je le regardai alors et ne compris pas la lueur d’affolement dans ses yeux. C’est seulement au moment où il retira sa main de mon cou que je sentis l’étau dans lequel j’étais. Je pris une grande inspiration inespérée. Il se recula pour s’adosser à l’autre bout de la baignoire. Il m’observa un temps, sans rien dire. Son attitude me révéla qu'il n’avait aucune intention de m’expliquer quoi que ce soit. Son sourire malicieux ne quittait pas ses lèvres.
La tension devenait intenable et il le savait. Il comptait jouir de son avantage jusqu’au bout. Le voir ainsi jouer avec moi enflamma mon sang, exactement comme il le prévoyait. Je me redressai dans le bain et récupérai de mon aplomb en rassemblant mes cheveux en un chignon lâche. J’adoptai alors ce même petit air narquois et braquai sur lui un regard plein de défis. Je vis sur son visage qu’il peinait soudainement à maintenir ce masque d’assurance. Son sourire s’élargit quand je lâchai : « Qu’est ce que tu attends ? ».
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castleandsolitude · 14 days ago
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Intrusion partie 1
Profitant une fois de plus de mon bain, je me mis à observer l’horizon verdoyant à travers la haute fenêtre. Le paysage me semblait plus flamboyant que jamais. Quelque chose dans l’air, un scintillement dans l’herbe… Une brise silencieuse.
Mes sens se troublèrent. Un détail m’échappait, sans que je puisse mettre le doigt dessus. Je me redressais dans mon bain pour prêter attention à tout ce que je voyais. Les montagnes dans le lointain, presque effacées, les grands cerisiers juste devant, en fleur comme toujours, et cette plaine qui semblait sans fin. Tout avait l'air d'être à sa place. Un cheval passa sous la fenêtre et renifla l’air pendant quelques secondes.
L'étrange impression revint, plus intense encore.
J’étais dans ce monde depuis des années maintenant. Absolument rien ici ne pouvait m’échapper. Alors pourquoi cette sensation ?
J’essayais de reporter mon attention sur le bain. J’étais seule depuis ce qui me semblait être une éternité. La perspective d’un évènement imprévu me rendait plus que nerveuse et réveillait en moi un espoir que je ne parvenais pas à accepter.
L’eau était à présent froide, la mousse s’obstinait à recouvrir sa surface. J’observais mes bras, mes mains, que je sortais délicatement de l'eau. Le temps, si inconstant ici, se suspendit. Le chant des oiseaux me détendit peu à peu et je m’enfonçais à nouveau dans l’étreinte rassurante du bain.
La vie ici était un rêve, alors à quoi pourrais-je rêver ?
Au moment même où je fermais les yeux, une pensée puissante et irrépressible s’imposa à mon esprit. Je sursautais si fort que je renversais une fiole d’huile qui explosa au sol. Une douce odeur d’amande monta jusqu’à moi pendant que j’écarquillais les yeux, les mains crispées sur le rebord de la baignoire.
Quelqu’un se trouvait là, quelque part, dans cette dimension.
Ce n’était pas une supposition ou une intuition. Cette certitude venait de me submerger, comme une vague en plein océan. C’était impossible. Quelqu’un s’était introduit et je n’avais rien vu ? Comment ? Et surtout, qui ? Ou quoi ?
J’avais déjà eu affaire à une entité hostile. Il m’avait fallu des mois pour en venir à bout.
Non, ce n’était pas ça. Je réfléchissais à toute vitesse.
J’avais passé trop longtemps à voyager, l’idée de me battre à nouveau ne m’enchantait pas spécialement mais ça pouvait aussi être l’occasion de me reprendre.
Debout dans la baignoire, je fis face à l’étendue d’herbes et d’arbres qui s’étendait devant le château. Je scrutais chaque mouvement tandis que l’eau, glissant sur ma peau, créait une mélodie de gouttes et d’éclaboussures à mes pieds.
« Je sais que tu es là, où te caches-tu ? »
Est-ce que tout était dans ma tête ? Bien sûr, comme toujours. Je faillis perdre patience, puis je le vis. Immobile, tel un mirage. Il était grand, brun et marqué d’étranges symboles sur son torse, ses mains, son visage. Je clignais des yeux et il disparut. J’eus le souffle coupé, mais les choses s’enchaînèrent si vite que je n’eus pas le loisir d’exprimer ma surprise.
Il était là, dans la salle de bain, je perçus sa présence derrière moi. La situation échappait complètement à mon contrôle et j’étais loin d’apprécier cette sensation.
J’étais loin d’imaginer que dans un monde entièrement contrôlé par mon bon vouloir, des choses aussi imprévisibles qu’une intrusion pouvaient se produire. Mais je ne pouvais nier le sursaut d’excitation qui me tenait en haleine à la simple pensée qu’une folie pareille survienne.
Aucun mot ne peut décrire la façon dont je sentis, plus que je ne vis, le sourire amusé qui se dessina sur ses lèvres alors que je lui tournais toujours le dos.
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castleandsolitude · 19 days ago
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Noire créature
Le soir où elle entra dans son cabinet, ne fut pas un soir comme les autres.
Debout entre les merveilles de tous les horizons, elle observait plus attentivement l’antre qui l’entourait d’un confort occulte. Chaque objet possédait un potentiel ésotérique qu’elle ne semblait pouvoir expliquer. Des fragments d’âmes renversés, parfois oubliés.
Elle se perdit dans la contemplation de tous ces artefacts puis posa ses yeux sur la source de cet atmosphère si particulière.
Un poète.
Plongé dans les méandres de ses inspirations, il semblait seul au monde. A l’extrémité du bureau, une lampe d’un autre siècle révélait à peine sa présence. Son halo jaunie déformait ses traits, lui peignait un masque sévère.
Toujours debout à l’autre bout de la pièce, elle tenta de s’imprégner de ce tableau si fascinant qui se dessinait devant elle.
L’air déjà pesant se fit lourd, comme annonciateur d’un orage venu de loin. Des vibrations alertèrent ses sens, qui manquèrent de s’affoler. La chambre entière sembla palpiter alors que la main de l’homme grattait le papier d’une frénésie difficilement contenue.
Elle se sentit alors entourée d’entités inconnues sans parvenir à déceler leur présence. Son regard fut attiré par le plafond vers lequel elle leva des yeux calmes. Elle découvrit une voûte abyssale, née des tourments les plus noirs. Un frisson osa parcourir sa peau lorsqu’elle distingua une masse épaisse qui semblait vouloir s’extraire de sa prison.
Toujours assis derrière son écritoire, rien ne parvenait à le perturber. Sa concentration le plongeant dans un état second. De la sueur se mit à perler de ses tempes tandis que sa création prenait vie.
Elle assista à un spectacle angoissant. Une magie profane se mit à l’œuvre sous ses yeux et pour rien au monde elle ne détournerait le regard.
Les ténèbres emplissaient la pièce, s’épanchant de la plume de l’écrivain, et chaque instant était un supplice muet. Le plafond grouillait de présences impies, de longues appendices visqueuses s’échappaient du néant pour venir lécher les murs cramoisis. Une odeur vint s’ajouter à la scène de plus en plus tangible, une essence ancienne venue d’un monde gouverné par le chaos, une émanation entêtante, capable de brouiller tout esprit sain.
Une étrange lumière traversa l’obscurité et vient projeter un prisme de couleurs lugubres sur le visage figé du maître d’orchestre de cet infâme ballet. Des teintes bleutées tout droit sorties d’une dimension dont lui seul avait le secret. Une dimension qu’il laissa envahir l’espace et qui rampa tout autour de sa muse piégée à jamais dans ce temple maudit.
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castleandsolitude · 28 days ago
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La tour
Après des années de réflexion, j’ai enfin finalisé ma tour érudite. Contrairement à ma chambre, il m’a fallu la construire. Il faut dire que j’avais beaucoup d’attentes pour cette partie là du château. Depuis le hall d’entrée, un couloir sombre et étroit mène jusqu’à une porte en bois bardée de fer. C’est là que se trouve le seul accès à cette tour.
Une tour. Je n’ai pas vraiment été subtile sur ce point là. Une tour entière de livres. Du sol au plafond, à 360°. Au centre, un cercle creusé dans le sol me permet de me glisser dedans et de me faire encore plus petite. J’y ai jeté des coussins et des couvertures pour me lover là les soirs où je ne trouve pas le sommeil. Une balustrade en fait le tour et sert de séparation avec la bibliothèque à proprement parlé.
Le sol en bois craque sous mes pas et révèle une acoustique puissante.
La structure se compose de plusieurs « étages » accessibles par de petits escaliers. Je peux monter par là jusqu’à la poivrière et observer cette vue extraordinaire.
Au cœur de cette bibliothèque, rien ne peut m’atteindre. Les murs épais me protègent de toutes attaques tangibles ou intangibles. Et les rangées de livres me rappellent que les échappatoires sont nombreuses. Qu’il peut me suffire d’en ouvrir un pour trouver un refuge supplémentaire. Pour explorer des vies qui ne m’appartiennent pas. Pour être au plus proche de personnes qui n’existent pas. Pour être ailleurs, tout simplement.
Un petit bureau en bois de cerisier surplombe le « puits » de lecture derrière le garde-corps. Une lampe et un nécessaire d’écriture s’y trouvent pour recueillir mes pensées les plus irrépréssibles. Mais ce n’est pas là que je passe le plus clair de mon temps.
Grimper d’un niveau à un autre, à la recherche de tel recueil ou bien de tel roman, me procure un plaisir qui ne semble pas avoir de limite. Ma quête du livre souhaité me donne l’occasion d’apprécier cette œuvre érigée par ma simple volonté.
Aujourd’hui j’ai déjà ce qu’il me faut. Je monte au deuxième étage et m’enfonce dans un des fauteuils douillets qui meublent les différents degrés. Contrairement au reste du château, la tour est aveugle. La lumière provient exclusivement des lampes et des appliques fixées au mur. Ici je ne cherche pas à stimuler mes sens et mon imagination par les visions enchanteresses de la nature au dehors. J’ai imaginé et créé un temple d’isolation pour que rien ne puisse détourner mon attention des lignes sur lesquelles mes yeux se posent.
Le temps s’arrête ou bien s’accélère, je ne saurais le dire.
Je m’étire comme un chat sur mon siège et descend enfin de mon promontoire pour renouer avec le reste du monde. Une fois dans le hall d’entrée, je suis irrémédiablement attirée par l’extérieur. Je me tiens sur le haut des marches, un pied encore dans l’entrebâillement des portes, et laisse la myriade de sensations m’envahir d’un coup. La lumière de la lune fait luire chaque feuille et me fait croire à un océan argenté qui s’étendrait à perte de vue.
Le vent, l’herbe humide, le ruisseau qui coule non loin. Un nombre incalculable de détails vient à moi et sature complètement ma perception des choses. Mon corps capte tous ces signaux en une fraction de seconde pour en faire un instant d’extase pure.
Juste avant que je puisse reprendre mes esprits entièrement et tenter d’analyser ce qui m’entoure, je rentre et gravis les marches quatre à quatre. L’euphorie m’emporte et je danse d’une chambre à une autre, laissant exploser toute la folie dont je suis capable.
Il y a des jours comme ça aussi.
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castleandsolitude · 1 month ago
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Quand je prends deux minutes de recul devant ces immenses portes, je réalise le chemin parcouru. Quelques années auparavant je ne sortais même pas de derrière ces mêmes portes. J'imagine que me réfugier dans mon antre était nécessaire à ce moment là. Tous ces souvenirs, dispersés au quatre coins des pièces. Toutes ces aspirations et ces rêves. Quand j'y reste tapi, c'est comme me faire un câlin à moi-même.
Comme d'habitude elles sont à demi ouvertes. Après tout, personne n'est jamais arrivé jusqu'ici. Qu'est ce que je pourrais craindre ?
Non en y reflichissant bien, je me trompe. Il y a bien eu une fois où…
J'observe distraitement ces portes entrouvertes et l'obscurité que je devine à travers.
Un fois où, j'ai voulu tenter quelque chose de nouveau. Une fois où, en decidant d'ignorer la limite entre douleur et plaisir, j’ai obtenu tout ce que je désirais, et même plus. Pourtant, une fois ce rêve réalisé, le silence seul est demeuré à mes côtés. Personne d'autre.
Je soupire et secoue mon corps pour sortir de ma torpeur. Le château est toujours là, devant moi et il me tend ses bras.
J'entre enfin et me dirige instinctivement vers la pièce qui me détendra à coup sûr.
Installé dans un des angles de la bâtisse, un bain aussi grand qu'un abreuvoir surplombe mes jardins, la forêt lumineuse et les montagnes au loin. Je le laisse se remplir tandis que j’entreprends de me délester des pans de tissu qui composent encore ma tenue. Mes rencontres nocturnes sur la colline ne me laissent jamais sans quelques dommages.
Cette fois-ci, le soleil est à son zénith. Je le laisse m'inonder entièrement tandis que je m'étends lentement dans l'eau.
Les larges vitraux font danser des reflets iridescents sur la margelle blanche qui m’entoure et viennent Illuminer tous les petits flacons éparpillés sur le rebord des fenêtres. Je lève mes mains et fais courir des rayons lumineux sur mes doigts. Ce puit de lumière me recharge plus que je ne pouvais l'espérer.
Tandis que j'admire le paysage au dehors, je sens l'harmonie proche de m'envahir. Je ressens comme le besoin d'abattre les murs de la pièce pour atteindre pleinement cet état si spécial.
Alors qu'une bulle savonneuse s'envole vers le plafond, j'en viens à me demander pourquoi je ne me baignerais pas littéralement dehors la prochaine fois.
Ce n'est pas les endroits qui manquent après tout…
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castleandsolitude · 1 month ago
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Ma colline
Du haut de la colline, je passe une énième nuit à observer cette vue qui ne perd pas de son charme malgré le temps.
Dès la tombée du jour, les rayons du soleil rasent l'horizon et viennent mettre en relief les sommets de la vallée.
A mes pieds s'étend un océan d'herbes folles et de fleurs sauvages. D'où je me tiens, la pente semble ne vouloir jamais s'arrêter. Puis le château vient mettre un terme à cette chute vertigineuse en imposant sa silhouette massive.
Je respire profondément. Je sens la fraîcheur de la nuit descendre petit à petit sur ce paysage et m'envelopper entièrement. Je connais chaque son, chaque odeur. Je me laisse bercer par le chant des grillons et par les milliers de fragrances d'été.
Comme à chaque sortie ici, je me sens observée. Les herbes hautes sont idéales pour dissimuler une menace féline que je connais bien. Je me prête au jeu et joue la proie naïve en pointant mon nez en l'air, vers les étoiles.
L'attaque de derrière m'envoie rouler vers la pente mais je réussi à m'arrêter et à me retourner pour attraper cette boule de poil et de crocs qui s'agite dans mon dos.
Le peu de lumière restante me révèle des grands yeux clairs qui me fixent et un pelage semblable aux glycines sauvages. Ses immenses pattes me clouent au sol tandis qu'elle tente de planter ses canines dans mon bras. Commence alors une bataille d'embuscades et de roulé-boulé qui me fait absolument tout oublier.
Elle n'a pas de nom, enfin je ne crois pas. Mais je sens qu'elle me protège d'une façon ou d'une autre. Un peu comme une gardienne.
Quand on termine enfin ce jeu enfantin, essoufflées et couvertes d'égratignures, je m'allonge sous le ciel nocturne et l'observe en silence.
Je vais encore m'endormir là ce soir... rien ne m'en empêche.
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