Textes © Charlotte Nelken, 2010-2025 — Photographie personnelle par Jauseff Park.
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masses d'eau un essaim de becs cherche et déchire le ventre souple des poissons trouant avec adresse deux milieux
poinçon régulier des jours eau égale du temps ferveur de mon ventre souple à la surface duquel des poissons
deux milieux, un seul trou la vie se fait ventre et mes jours de petits oiseaux piqués
chairs violentes des fruits fermentent les doigts qui pèguent sève des figues l'été cette furie m'a défoncé le cœur
j'aime à tout va des images sans futur et des fleurs écrasantes
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M. en août
j'observe avec grand soin
tes cuisses puissantes et leur remous la vie de tes muscles ta solidité
sa main qui ose, et vos têtes proches, perdues dans des nœuds une forme d'ombre et de creux, vous
assise en face de ce qui ne fait pas spectacle, je fouille mon ventre retournant mes entrailles comme une tombe fraiche pour déterrer le corps d'une absence
nulle mort pourtant et pas d'os rien ne remue
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M. en avril
j'ai dans les mains tes cheveux ou leur impression cyanotype, ton contour préservé et tout autour le bleu comme rien de toi ni tes yeux ni ta voix quelques habits, peut-être
le soleil a fait déborder le reste
je rince ma bouche aucun baiser pourtant seul le goût de cuivre et d'acide
ennemi implacable, mon corps, mon terrible corps cuit lentement une angoisse sans goût aux fers de mes entrailles
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Avent de Nelken 2022
En 2022, après deux ans sans rien finir (ou presque), afin de provoquer l'écriture, j'ai fait un calendrier de l'Avent poétique. Du 1er au 24 décembre, j'ai écrit et envoyé un poème par jour et par mail à celleux qui s'étaient inscrit-es. La plupart des poèmes existaient au préalable à l'état de notes, accumulées depuis deux ans.
Les voici :
1er décembre
2 décembre
3 décembre
4 décembre
5 décembre
6 décembre
7 décembre
8 décembre
9 décembre
10 décembre
11 décembre
12 décembre
13 décembre
14 décembre
15 décembre
16 décembre
17 décembre
18 décembre
19 décembre
20 décembre
21 décembre
22 décembre
23 décembre
24 décembre
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Chanson du 6 novembre 2021
l'argent à mon oreille fait un bruit de bouteilles j'ai bu plus qu'est coutume ce soir j'ai vu Constance
dans quelque alcool léger au charme imprécis j'ai dilué l'amertume ce soir j'ai vu Constance
mon genou tient à peine mais mon amie lointaine m'a prêté compagnie ce soir j'ai vu Constance
la ville fût à nous et tout me semble doux d'être trois réunies ce soir j'ai vu Constance
nos deux cœurs de passage à travers l'aire et l'âge la ville fût la nôtre ce soir j'ai vu Constance
avec mon corps penaud où pendent trois anneaux combien d'ami-e-s je porte ce soir j'ai vu Constance
l'argent à mon oreille fait un bruit de bouteilles j'ai bu plus qu'est coutume…
ce soir j'ai vu Constance quelle chance quelle chance ce soir j'ai vu Constance quelle chance j'ai
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Nougat noir
dans la bassine en cuivre les amandes et le miel, brassé-e-s, durcissent de front le bras de ma cousine ne se repose pas
dans le moule en bois que le père de ma mère, ou son père, a construit la pâte, sur le pain azyme, prend déjà, et se fige
chemin répété du rouleau qui passe, qu'il fasse le nougat noir
puis le couvercle, retourner la boîte et un corps ou deux au-dessus force passive des corps parents
dans quel moule figée la somme de ces gestes
quelle est l'amande, et qui le miel qui m'a fait à quel feu ai-je été durcie
suis-je l'abeille
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vue d'ici, c'est un bordel sans nom
les pièces éparses sans loi pour les régir
penchée au-dessus comme au bord d'un puzzle ou d'un roman de Bolaño je peine avec constance pour extraire du brol des structures
le puzzle est large et nul-le ne saurait dire combien de pièces manquent
je ne me résous pas, jeu de patience, à attendre le seuil de la pièce pour pénétrer d'un coup d'un seul l'ampleur et le calibre de ce mystère
(je ne me résous pas à en atteindre le seuil
s'il advient que je me retourne trois pas trop tôt…)
la chose accomplie séparée enfin d'elle hauteur prise et tenue, ongles serrés j'aurai à son égard (aucun) une lucidité foudroyante un bec de rapace, et les yeux avec, pour étreindre enfin son énormité
depuis sa fin, voir le motif
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Kaléidoscope
les feuilles hachent le soleil boule disco sur mon œil gauche
sur la vitre sale du ter les lignes de mon visage se troublent et se transforment se font exohumaines
tie and dye terne, mémoire de pluies et de boue anneaux de rouille : cloques talus précipités arbres saillants comme des os un peu de ciel, ou sa lumière crue brûle sur ma figure alliage organique
l'espace limitrophe, la vitesse m'avalent, dissolvent contours et marges je visite l'interligne, je suis tout autre chose
lorsque je sors du train, retirant mon regard les rails de mon visage se réalignent et je s'émousse réduit à nouveau à ma périphérie
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“I've got half a mind to maybe get there yet” The Things I Say — Joanna Newsom
1.
Je compte mes jours dans le semainier comme on écosse c'est un travail quotidien, pénible et chiche
j'ai des rapports de voisinage avec mon passé nous échangeons quelques fois des gentillesses et quelques fois des crasses
je dors avec mon présent plus qu'avec toute personne
mon futur est une silhouette sans traits
une poignée de mois informe son contour après — rien abrupt, à flanc de falaise
2.
mettre mon front contre consoler réconcilier travailler pour
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personne ne m'a jamais brisé le cœur mieux que moi-même plus souterrainement : une fourmilière
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vissée dans les os de mon squelette je la sens se mouvoir la toujours-présente
je m'articule autour d'elle, elle autour de moi nous avons fini par nous fondre l'une dans l'autre assidûment tant qu'il m'est parfois difficile de nous distinguer
mes parents, devant qui j'ai eu tous les âges et toutes les manières, mes ami-e-s de la pointe de l'entente, nerf du couteau savent-iels où trancher
et que resterait-il
je suis toujours la même, je suis toujours la même — estampe de croyance dont je me frappe le cœur n'a pas cillé, (effroi d'être) sa pratique seulement
je suis toujours la même, alors qu'est-ce qui habite ma colonne et bouge quand je bouge en filigrane un fragment de seconde à la traîne grain de plomb sous l'épiderme enchâssement
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December 17th
le silence a rarement été aussi délicat que ce soir-là où je vous ai lu un de mes poèmes, le plus sombre
ma voix haute dans le microphone
nous n'avions que l'anglais en partage
parfois la vie a des surprises, des secousses je n'avais rien demandé de tout ça nulle permission requise l'un-e après l'autre vous m'avez élue
c'est bête, vraiment je l'ai entendu dire ces bricoles, ces riens dans le microphone le langage longuement étudié pour en faire de petits feux, des étincelles
et dans le brouillard de ce siècle traversant l'étoffe vos voix échappées
si je mourrais, quand je mourrai quelques un-e-s d'entre vous se souviendront de mon accent français, du poème, du rire aisé qui crépite sur la lèvre l'anglais qui se renverse quand je parle mon éloquence frustrée, inaboutie
Charlotte, moins quelque chose Charlotte, still
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Indulgence Ce que dit ma mère
Je sais que c'est la terre qui a séché avec l'hiver Mais moi je vois dans leurs habits combien les pierres ont rétréci
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jus acide de l'angoisse
que l'on m'ouvre en deux orange amère
fends le torse et trouves-y la galle la peste
la guêpe dans le fruit
le dard, d'où vient-il, quel venin j'ai avalé, et quand ?
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Rien ne me retourne le cœur comme l'odeur de la nuit dans le jardin de mon enfance. À partir d'octobre, cette chose indescriptible s'installe, qui me saute au visage lorsque je suis à la fenêtre. Terre retournée, poignée par poignée, brute et fraiche d'avoir dormi longtemps, jaillie comme d'une source. Ouvrir et fermer les volets, toujours le même geste : serre-jour. Au matin, des résidus de nuit s'attardent avec la brume, avec le givre rare. L'odeur est là, qui attend. J'ai cru qu'elle me dépouillait de tout relief, de toute densité, j'ai eu tort. Nous nous dévisageons. Quelque chose rend gorge. Je suis cette terre meuble et brassée, terrassée par l'odeur sur moi qui pèse. Je suis ce souvenir du souvenir, ce passé actif et qui remue, cette chanson sans mot qui me maintient saisie, aux aguets, comme une bête à vif.
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après le chant, après le vin impromptu,
les poches pleines de pamplemousses et de jeu chargée, comme à chaque fois que je décampe de Mansard,
chargée aussi de la légèreté qui vient des présences amies — elle dont je sens le réseau formidable du sol de mon corps jusqu'au front,
je sors et piano subito de la neige
à l'autre bout du métro déjà elle n'a laissé que son empreinte la poussière fine sur les plaques d’égout des bagnoles comme des gâteaux sucre glace
en rentrant chez moi je mesure la faveur qu'on m'a fait je n'ai vraiment plus grand chose à écrire
dans l'autre pièce un saxo doux comme la neige improvise, et je mange une clémentine fraiche
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La peau sur Lyon est irisée Dans le verre blanc de l'été Les branches bleues de Rhône et Saône Sang épais de veine imité Les cloches des églises sonnent L'heure où je ne pense à personne
J'avais d'un geste remisé La moitié de cœur qui restait Noyau d'orgueil et de granit Que le reflux a épuisé De peur qu'un-e noyé-e s'invite Dans ce repli que rien n'habite
Comme le fleuve un rien m'habille Ma tristesse sous la pupille Joyau d'orgueil que je façonne Le soir a déguisé la ville Je me fonds entre Rhône et Saône Les cloches des églises sonnent
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