Tumgik
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Échappé.
Assise en face d’elle-même, Lou s’observe apparaître dans le miroir embrumé. Ça n’était pas du narcissisme mais une expérience sensorielle. Cigarette portée à ses lèvres, fumée de tabac et restes des vapeurs de l’eau chaude se mêlaient. Nue, elle avait seulement décidé de se vêtir de ses bijoux, or et pierres de couleurs. De ses yeux noirs, elle regardait fixement devant elle. Lou se laissait absorber par l’apparition à venir, laissant de côté l’odorat, le toucher, l’ouïe. Elle ne se préoccupait plus des dernières gouttes s’écrasant sur le sol de la baignoire à pieds ni des frissons parcourant son épiderme. Son reflet n’apparaissait toujours pas. Elle se parfuma alors : vapeurs d’eau et vapeurs de bergamote. Une cigarette de plus, l’allumette craquée nuisait au trouble gris-transparent de la pièce. Lou ne savait pas quel temps il faisait dehors et cela lui importait peu. Elle voulait simplement se voir s’observer, se contempler en pensant qu’elle comprendrait alors qui elle était. (Avec du recul, cette femme seule avec son corps et ses humbles pensées dans cette salle de bain aurait fait une photographie captivante, de celle que l’on regarde des heures en s’imaginant des scénarios aux allures romanesques.)
La buée laissait place au miroir à certains endroits. Elle se raidit, prête à affronter la terrible vérité. Impatiente, elle fit glisser ses doigts sur la psyché, effleurant la surface polie, laissant la lumière percer la salle de bain et la bercer. Les contours de son corps étaient enfin là. Ils lui faisaient face et le visage la jugeait dans une lucide tranquillité, avec arrogance aussi. Les yeux sombres semblaient la défier. Belle prestance, pensa Lou. Inclinant le miroir, elle s’auscultait jusqu’à apparaitre in-extenso vaciller de haut en bas, de bas en haut, un tangage vertical, et puis elle se rapprocha un peu plus encore. Elle n’aimait pas son visage. Il ne lui inspirait rien qui n’aille ni qui vaille. Elle s’observait souvent lorsqu’elle était témoin de l’irrésolution qui la pressurait. Aujourd’hui, elle ne trouvait aucune réponse. Son visage apparaissant comme un ovale de chair légèrement rosé qui ne faisait ressortir aucune émotion, aucune intention non plus. Ses narines se gonflaient lorsqu’elle inspirait, sa poitrine se soulevait, ses lèvres quelques peu gercées étaient entrouvertes comme si les mots allaient en gicler, ses yeux de simples boules obscures. Elle aurait préféré les voir se transformer en boule de cristal cachant des réponses bien dissimulées. Lou n’était que ça : une femme brune au corps imparfait comme les autres et qui s’observait étrangement. Elle restait plantée là, ancrée dans le sol, jurant en silence. Lou ne connait le monde qu’au travers des cartes postales dans la seule authenticité qu’elle expérimente de la création. Elle voit la violence dans le rouge des signalétiques routières, dans les gestes de la femme du tramway qui épluche une banane et les dents qui claquent, s’écrasent dans le jaune pâle, l’irascibilité du vent dans les feuilles et la virulence de ses propres chaussures qui martèlent le béton, l’herbe ou le carrelage. Lou était loin de tout mais surtout d’elle-même. Elle ne se regardait plus, elle était profondément déroutée.
Dans une éclaboussure d’énergie, elle détourna les pieds, ouvrit la porte de verre et laissait s’éloigner sa silhouette, de plus en plus petite, devenant moins nette. Lou délaissait son reflet, elle ne voulait plus savoir à quoi elle ressemblait ni qui elle était. Alors, elle recouvrit sa peau d’un long kimono. Les bijoux étincelaient, le tissu satinait et ses pieds laissaient une empreinte passagère sur la faïence. Machinalement, elle remplit la bouilloire, la mit en fonctionnement, attendit le claquement pour verser l’eau dans la tasse et y laisser infuser le thé. Elle se trouvait ridicule, une personne lucide n’attendait pas de réponses de son miroir. Lou se laissa tomber sur sa chaise, brutalement épuisée. Ses mains se posèrent sur la tasse brûlante. Elle n’avait rien prévu pour la journée, peut-être allait-elle faire un tour. Si elle n’avait pas réussi à résoudre une énigme dans ses propres yeux, elle allait probablement trouver la réponse dans ceux dans autres voire dans les yeux de pierre des statuaires de la ville, dans les ruines. Elle tomberait sur lui par hasard, au détour d’une mince ruelle. Il l’aborderait et lui parlerait comme s’il la connaissait depuis des lustres mais elle ne le connaitrait pas. Ses gestes accompagneraient ses mots en un exquis solo…
Baliverne. L’horloge affichait quinze heure et dix-huit minutes. Les jours trainaient, l’aiguille progressait, les chansons d’une époque passée tournaient en boucle à la radio. Son bracelet glissait sur son poignet lorsqu’elle but une gorgée de son thé et Lou s’attarda sur cette sensation commune, quotidienne.
Dispute dans l’appartement d’à côté ou d’en-dessous, elle n’en savait rien. Elle aussi se disputait souvent mais son interlocuteur restait elle-même, avec qui elle débattait de tout et de rien, pleurait puis s’irritait de ces pathétiques scènes. Image et son deviennent une installation. Cette installation est mouvante et poursuit les corps. Rien ne sera jamais le même dans l’œil acerbe de l’homme qui complique la vérité muette du monde, la salit et décide de son avenir. Terre-mer, mer-ciel, ciel-terre, soleil haut dans le ciel et lune agenouillée. Un point un peu à part, une feuille d’automne qui s’effrite en juillet, une errance sur la plage radieuse en janvier. Des tâches d’une vie ininterrompue au gré du temps changeant, elle lisait une harangue dans le vide. Elle se leva, continuait sa lecture imaginaire des cieux et avança dans le salon, enveloppée par l’émotion. Légers reflets, bras qui se balancent, murmure chanté, humaine parmi ce que sont les monstres. Et elle s’en allait par le monde, croyant percevoir dans son sillage les pas saccadés de son destin, l’intermittence du jour. Il y a comme des reports d’images sur les graviers piétinés, des rayons vifs de perceptions, presque un pont surplombant le tout.
Lou avait fini son thé et puis un autre, avait fumé deux ou trois cigarettes. Elle avait ouvert entre temps son carnet de gratitudes et se mit à écrire. Le rituel du miroir était ailleurs et pourtant sommeillaient, régissaient des traces en elle. Ce qu’elle faisait n’avait aucun sens. Elle s’étira subrepticement : éraflures, commotions internes, internationalisant la blessure.
Le destin est un mirage : il n’existe que les jours qui se laissent aller et le passé qui s’écaille. Les souvenirs sont ôtés des mémoires par une lubie printanière, une bourrasque hivernale. Alors, les songes habitent les jours et l’imagination nuit dans les épaves. Lou ne regardait alors ni les nuages ni leurs tracés par la fenêtre mais examinait le blanc qui les associe, se sentant particule égarée, cumulus fractus solitaire, mais pour la première fois depuis longtemps se laissait aller. Lou se toise souvent dans le miroir, droit dans les yeux, même en pleurs, même pétillants, fatigués mais elle ne sait toujours rien d’elle.
Les déclinaisons de l’être, l’air qui se bouscule ne change rien à la perspective d’un avenir obscur. Lou n’est qu’une grande adepte de la solitude des auditoriums, du mélange des voix et des parfums comme d’un temple qui se bâtit trop vite et qui s’écroule à toute vitesse. À la recherche de ce qui pourrait devenir intemporel dans l’une des effluves qui traverse son chemin, Lou éventre les saisons en marche arrière. Elle termine toujours par se regarder dans le miroir, dans le reflet d’une vitre de voiture ou dans un lac, cherchant des rides ou des cheveux blancs, une nouvelle tâche de rousseur. Les marques, celle de son corps notamment, ne l’effraient pas, elle a juste peur de ne rester qu’un simple tissu organique. Un homme a un jour dit à Lou que le temps serait le seul capable d’effacer les blessures, qu’elle se lasserait naturellement de cette situation parce que le temps était un remède mais qu’il était parfois paresseux, engourdi et qu’il choisirait le moment opportun pour la délivrer de ses souffrances. Depuis ce jour, Lou attend inlassablement, s’observant continuellement en espérant à chaque fois que le temps se soit enfin réveillé.
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Contretemps.
Les éclairs photographient la pièce. Le temps s’arrête une seconde, reprend son cours, encore une fois, et deux, et trois heures. Ils sont à l’intérieur, leurs silhouettes dans les baies vitrées. Le moment qu’ils passent ensemble se présente comme une échappée loin du réel, du lyrisme, un lyrisme inconscient et étourdissant. Elliot et Lou sont assis sur le divan rococo, arabesques dorées et kaki, coussins rose bonbon et bleu électrique qu’a créés l’homme sur le tabouret en velours. Le lieu est presque une représentation de la laideur, qui s’étire dans les motifs éclectiques, s’alimente dans les styles avariés et se poursuit dans les formes hybrides. L’homme du tabouret en velours rouge regarde Iana, allongée sur la carpette à feuilleter une revue sur le théâtre pourtant éblouie par les spots. Elle ne lit pas, elle regarde simplement le papier se fondre à la lumière, devenir flou jusqu’à ne plus percevoir la frontière entre l’immaculé des marges et l’espace environnant. Ce moment-ci est l’interligne entre l’écriture du passé et du futur, un espace-temps impossible à vivre radicalement et qu’il voudra changer du tout au tout dans quelques instants. Il imprime en lui-même ses sentiments, ne les exprime pas mais les rejettera dans son travail d’artiste aussi vite qu’il les éprouve à la vue de son amie. Il pense laver son âme, délivrer un point de non-retour dans la création mais il n’en est rien. Elliot et Lou ne se parlent pas non plus. Ils s’échangent des regards, amènent leur verre du bout des doigts à la commissure de leurs lèvres et profite de la nature braillarde. La baie vitrée donnait sur la mer, avec ses vagues qui se fracassent sur les rochers, ses mouettes, excitées par l’orage. En imaginant un peu plus encore, on pouvait sentir l'iode de l’intérieur. Parfois, il fallait monter l’échelle en bois vieilli qui menait au toit pour trouver Elliott, Lou, Iana et le dernier à discuter. Ces discussions tardives dans les nuits étoilées ou matinales rougies par le soleil sont accompagnées de café mais surtout d’étreintes qui ont toujours recollées les morceaux de leur cœur.
Iana se lève. Elle a brisé le moment pour allumer la radio et elle danse un peu, balance ses hanches, se mouve au moins. Un bras s’allonge, le pied inverse se fléchit, rattrape le sol et elle tourne. Elliot l’immortalise d’une photographie et la rejoint simultanément au tonnerre du ciel. Cela ressemblerait presqu’à une propitiation. Les deux autres font désormais partis de la rythmique, envahissent l’espace. Ils ne dansent pas, ils se défoulent, laissent le mouvement dépasser la conscientisation. Sans plus aucun contrôle sur eux-mêmes, ils sont pris dans une ivresse inconnue, dans une spirale qui s’arrêtera peut-être dans une minute ou dans deux heures. Le temps ne les intéresse plus. S'éloignant de toute emprise, ils se sentent libres. Ils forment un brouhaha de mots et d’éclat de rires rarement rejoints par des cris. Ils souhaitent un retour aux sources, de la frivolité, regarder leurs maux se mouvoir sur les paysages radieux, lire leur allégresse dans ses couleurs chaudes puis froides. Ils sont une bourrasque, une trombe, ils auraient presque l’impression de perte d’équilibre, de regarder dans le vide. Et d’un coup, ils ne parlent plus. On y verrait presque La Danse de Matisse : courbes, diagonales, visages baissés puis visibles, l’unité de la communion. Dénudés de tout artifice, mêlant ancrage au sol et légère envolée. Ils sont les nuages, ils sont la mer, le vent et la brise. Ils perdent leur identité, ne parlent plus qu’avec leur corps et leur souffle haletant, se faufilent. Les différences fuient pour ne laisser que l’humain, l’humain si pur, si beau qu’aucune frontière réelle ou imaginaire ne pourrait l’empêcher d’avancer. Et maintenant, l’énergie s’amuse encore à courir entre eux dans une ébullition infinie alors même qu’ils ne bougent plus. Ils se regardent, se découvrent, s’unissent, redeviennent peu à peu leur simple « je », « moi ». Ils ont amorcé la rémission ensemble par le mouvement et communient en silence. Ils trouveront peut-être la foi dans le mystique. Cela n’a duré que quelques minutes mais il n’aura finalement suffi que d’un geste de la part de Iana pour glisser dans l’ici-bas et bondir dans l’au-delà. Cet instant sera le point de départ d’une nouvelle vie, déroulés à l’improviste et balancés aventureux.
 Et vous, dansez-vous parfois ?
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Marche, foule.
Trouillards sous la pluie qui tombe, violente, tu pourrais mourir demain. Garde le pour toi. Larme à gauche, les yeux bleus lin, bats-toi face au jeu des amoureux. Ce qui reste de la nuit, la dernière des autres, donne du sens à tes amies les pensées. La peau nue et glacée par le froid, inhaler l’odeur des sapins et des pins, tu salopes la vie à la va-vite, sans intention. L’équilibre désorbité, dans un silence exilé, donne l’envie d’écrire une valse à mille temps, d’hurler sur le papier un adieu. Dans tes regards obliques, je perçois le carrousel de tes passions enterrées. C’est d’une sensibilité absurde et fugitive que de projeter les pulsions d’une liberté que nous n’avons pas, dans des cris plaintifs et étouffés. Tu souffles sur le culte des années perdues à jamais dans le mécanisme saboté d’une mémoire que l’on voudrait retrouver. Les voix langoureuses et irrévérencieuses de ta tête te criaillent de dessiner la conceptualité ou le conformisme, pas les phantasmes que tu aimerais réalité. Dans un univers de formes alambiquées, les grandes espérances de ta vie éraflée sont clamées en un monologue déchirant lors de la phase d’endormissement. Aujourd’hui est un jeudi sur mer, peut-être ton ultime nuit close.
La communion entre le ciel et la terre se dévoile un peu plus à chaque tombée du jour et tu recules devant la vérité qui t’observe. Dans ce monde déshérité, tu te livres dans les airs. Irradiée de toutes parts, la création célèbre le néant qui t’anime. Néant ou vide du cœur et de l’âme, le balbutiement de l’immensité qui t’est désormais contraire pérore l’hymne de la fin d’une vie, l’abandon comme une damnation. Le monde ne se réserve pas à tous, il rend absentes les âmes les plus complexes, les plus belles aussi. Déclarations sans importance, réflexion moquée, tu n’es qu’une parmi d’autres, une spiritualité innocente qui ne manquera pas. Ton ombre te quitte. Les flots du monde des habitudes te portent. Les parcelles de ton être ne sont que des mascarades. La transcendance t’apostrophe et l’aplomb est une flétrissure. Représentation apocalyptique, tu ne regardes qu’en arrière. Luce, tu ne parles pas, ton inconscient le fait à ta place.
Ta marche est devenue plus rapide, mécanique, tu ne sais pas où l’ésotérisme te guide. Des mains qui s’entremêlent, des rires chantants, des promeneurs et leur café, puis toi. Perdue au milieu de la foule, perdue cette nuit, tu n’attends plus que la mélancolie. Y a-t-il un temps où les autres disparaissent ? Le sacre de l’hiver te donne l’esprit musical, une liaison avec l’atmosphère que tu n’imaginais pas. La veste aux multiples motifs frappe l’arrière de tes genoux, emporte le vent glacial. Rythme de ta rêverie, rapide, cassant, ni joliesse ni virtuosité, presqu’un agacement, c’est l’image de ta crispation. Tu marmonnes, elle parle, ils et elles chuchotent, ensemble et seuls à la fois, de toutes âges, de tous milieux, on dirait la diachronie qui rugit.
Toujours nous parlons de la nuit, la trouvant plus poétique, plus capiteuse. La nuit fait s’éteindre la nature, rend les sons gênants. Le jour est plus harmonieux, présente au moment opportun le visage d’hommes et de femmes. La joie et la tristesse du monde captivent, l’établissement d’un tumulte des âmes sublimes. L’ample résonnement, la sourde dépravation du récital de la marche. Épaules qui se frôlent, la cadence du vent, des ondes, des voix et des pas : le bal masqué se déroule comme tes pensées. Dialogue sans parole. La mer berce le jour d’hiver et les arcanes. L’alliance des contradictions est une dislocation du rétablissement, une crise de l’identité. L’iode monte jusqu’au cieux. Instances glorieuses, nous voyons sans regarder ni contempler et nous écoutons sans entendre. L’alliage est révoqué, de même que les agglomérats.
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Cliché versicolore.
Il était là, silencieux, les yeux distraits, l’air attentif à l’invisible. La pièce dans laquelle il se trouvait était si étroite qu’on aurait eu l’impression qu’il allait étouffer. Le canapé en cuir jaune habitait la plus grande partie de l’espace. Quelques manuscrits étaient posés ça ou là. On pourrait avoir l’impression que leur place était choisie au hasard. Au-devant du canapé, centrale au lieu, une table en bois foncé, abîmée par le temps, cernes apparentes à certains endroits, supportait de nombreux ouvrages et tout un tas d’objets divers. Du matériel de calligraphie, des photographies, un bouquet de pivoines et d’iris, un téléphone fixe vert pâle à cadran rotatif digne des belles années 60 et un ordinateur dernier cri diffusait du rock alternatif. Quelques estampes étaient accrochées sur la tapisserie à pois multicolore et un anthurium orange se trouvait dans l’un des coins de la pièce. La vie était en suspens.
Lui n’avait toujours pas changé de posture, on entendait presque les pulsations de son cœur mêlées à ses pensées. Il était habillé d’une large chemise à rayures en dégradé de tons pastels. Les cheveux décoiffés naturellement, bouclés, lunettes rondes sur le nez et pendentif en argent, ses yeux gris restaient voilés. Déposée sur le canapé, la veste laissait apercevoir un paquet de cigarettes. Il attendait quelqu’un, un coup de téléphone, l’inspiration ou peut-être juste que le temps passe. Assis sur le rebord en pierre de la fenêtre, il ne jetait pas un regard au dehors. La brume était traversée par quelques rayons du soleil timide. Les branches des arbres dansaient gracieusement et doucement sous les effets du vent. La vue de la fenêtre donnait sur un panorama de la ville, les gens et les voitures accompagnant le mouvement des arbres et l’envol des dernières feuilles s’élevant avec les oiseaux. En octobre, brume passe, beau temps passe. Il est comme le temps, une entité abstraite représentative du changement continuel de l’univers. Il se leva, fit coulisser une porte, la referma.
La pièce fut presque plus vivante sans lui. La musique habillait l’espace d’agréables sonorités. Cette salle colorée était le refuge d’Elliot, son après-midi d’automne, sa nuit à écouter le vent. Il revint quelques minutes plus tard, une tasse de thé à la violette tenue dans sa main droite et un livre sous le bras. Ne serait-ce que dans son attitude, il arrive à imager la fragilité fortifiée. Il détient l’air de celui qui est tombé au mauvais endroit au mauvais moment. Presqu’un Alcée des temps contemporains, il parlait comme dans un recueil d’hymnes mais personne ne l’écoutait. Il ne sait pas encore ce que la grande Histoire produit qu’il se perd déjà dans la sienne, si banale soit-elle. Le désordre de la pièce lui permettait de rêver au calme, lui permettait de vivre plus tranquillement. Ses pensées sont en décalcomanie.
Ses éclats de voix, son sourire et la violence moribonde de son regard, il voudrait s’abandonner. Elliot s’obstine à refouler ses vendredis soir ennuyeux, le soleil aveuglant et sa part d’ombre. Usé par la folie et le dégoût, usé d’être incompris du monde, il dit pourtant la vie. Une rebuffade au cosmos s’exprime dans cette espace qui est le sien dans lequel il n’y a que lui, pendant que les jours s’écourtent. Pour Elliot, ce lieu est l’équivalent de sa reddition, d’un abandon de grande amplitude, d’un découragement peut-être même inconscient. L’effervescence de son être est insondable, c’est une entrevue abyssale, infinitésimale, un tête-à-tête mystique indiscernable aux yeux des individus. Elliot ne parle pas, mais il perçoit.
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À la douceur constellée.
Laisse couler les pleurs. Elle ne sait plus quelle heure il est ni combien de temps a passé. Elle ne se souvient plus de son nom, elle n’est attentive qu’à la tendresse. Elle écrit dans la seule lumière de la lune, les mots tremblants, les joues en feu. Les rêves innocents de la nuit l’abritent. Il est un temps placide, une expiration au jour. Ce climat permet la suspension des pensées et le flottement vertueux de l’émoi. Le quantième en est oublié. Le monde se duplique et les paysages prennent une apparence tantôt sereine tantôt patibulaire. L’absence d’agitation se mouve dans la nuitée et oblique au moindre rayon du soleil. L’ondée tombe avec l’autan et remplace gracieusement le silence, presque comme le frottement d’une main sur du satin. Le plaisir des sens est chaste à cette heure-ci. Sur ce journal qu’elle remplit quotidiennement, les maux se transforment tendrement en élégie. Elle veille et attend que la lune s’endorme. Son âme tourbillonne dans les nuages qui brouille le ciel : il est d’une douce clarté que d’être effleurée par un astre. L’envol de ses préoccupations journalières n’est qu’une énième fantaisie de son imagination.
Pourtant, lorsqu’elle se relève de son divan, elle s’éveille et se dévoile. Sa marche devient plus fluide, ample et aérienne, son regard se fait impavide. Elle écoutait les sons fugitifs vrombir dans la pièce tout en gambillant dans l’obscurité. Elle chine le prodige manquant, le renouveau, quelque chose de bleu. Elle cherche la félicité dans un sentiment de bonheur confus. Malgré le voile sombre qui la cache d’ordinaire, elle resplendit d’un halo nacré. Son indifférence pourrait faire croire qu’elle contredit le tumulte de ses sentiments. Mais nous avons tous nos démons et elle, a ses regrets inscrits en arabesque, à l’encre noire, sur le journal encore entrebâillé sur les congas. Elle vit chaque seconde au ralenti hormis lorsque le soleil se couche : tout va plus vite, tout est plus fort jusqu’à ce qu’elle s’assoupisse. Excessive et transgressive, ses délires la déraisonnent. Elle ne fera pourtant que marcher dans son studio, se laisser aller au son de la pluie vibrant sur sa seule fenêtre. Parfois, elle mettra de la musique mais souvent, elle se laisse simplement enlever par les Oneiroi, reines de ses nuits agitées.
Dans sa robe jaune, elle flâne et pense, pense si fort que son cœur risquerait de s’arrêter. Se servant un autre verre de vin, elle s’allume une cigarette. Elle s’avance et s‘élance, écrasant le silence sous ses piétinements tranquilles, et deux pas en arrière tels une chorégraphie calibrée. Elle parle seule à haute voix depuis qu’elle sait que tu ne reviendras plus. Quelle contradiction aux contes de fée. Elle chanterait presque une idylle. Qu’a-t-elle pu bien faire de tous ces sacrifices ? Elle l’imagine se méfier, se tromper. Elle fabule jusqu’à se calfeutrer dans sa détresse, jusqu’à finir en sanglots et en cauchemars. La seule chose qui lui reste sont des traces fougueuses de cet instant enchanteur et mélodieux. Est-ce que tu t’en souviens ? Elle se demande même parfois si ce ne sont pas des histoires qu’elle se raconte, des romances en cavale, des mots aigres-doux. Ses yeux ont brillé. Le temps assassine les petites chroniques. Son sourire est abandonné. Elle est bourrée d’orgueil, bouffie de chagrin, mais aussi comblée de brillants souvenirs. L’esprit en vadrouille, elle donne rendez-vous au rire et à la larme de se rencontrer : là où chemins se bouclent. Chassé-croisé.
Ses songes sont ses voyages en solitaire, alors pourquoi partir ? Elle ne laisse pas s’enfuir ses envies d’exil dans les dédales de sa vie. Tout tient sur un fil. La pluie fine camoufle un peu ses propos maladroits et brusques, entrelaçant son insolence avec de l’indulgence. Suspendue aux alternatives de ses sensations, elle répond à leur seule force. Surréaliste, poétique même, le flux de ses paroles se déverse sur les ténèbres. Il est plus facile d’y croire encore dans la nuit, de visualiser tout ce qui ne se passera jamais. Les images se ternissent. Elle se tait. La nuit va s’achever lentement. Le sillage de la lune va s’effacer. Demain, elle comptera les étoiles sans se soucier du passé.
L’aube approche graduellement et les lumières des fenêtres voisines commencent à danser. L’invisible caresse de la nuit reflète son monde pour finalement laisser place au vacarme du jour. Elle s’épuise dans le spectacle de ses souhaits et malgré le crève-cœur, rien n’emportera son allégresse. Mêlant joie et prostration, infiniment surprenante, elle s’appelle Iana et ne s’endormira pas ce soir.
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Les blandices d’un cristal.
Elle est une humaine perdue qui marche vers l’horizon pour trouver la joie. Elle vit dans la charnière du bien et du mal. Elle n’est qu’à moitié conscience. Elle sait sans penser. C’est une évidence. Elle se retrouve dans l’absence du passé remémoré dans son présent, dans chacun de ses pas. Elle a vécu sans s’en apercevoir, elle a dansé au long des jours qui naissent et disparaissent. Elle croyait que ça durerait toujours. Elle a touché le ciel dans ses rêves. Elle animait ses songes d’éclats de rire. Elle était celle qui brillait, elle était pleine de vie. Elle a embelli sa vie avec le hasard des rencontres, les yeux qui pétillent de tout ce qui enflammait ses émotions. On aurait dit qu’elle représentait la fusion des éléments. Elle imageait l’équilibre. Elle privilégiait le merveilleux pour faire de sa vie sa palette de couleurs personnelles, vivifiantes. Elle arrêtait le temps et se suspendait dans l’existence. Elle était l’héroïne de ce que le destin écrivait pour elle. Elle mettait en valeur tout ce qui émanait d’un peu de magie. Elle lisait à travers le monde et les personnes. Elle percevait le merveilleux et transmettait le ravissement. Elle incarnait la sensibilité. Elle amenait le plaisir de vivre à demi-mot. Elle structurait son monde grâce à son désir d’émerveillement. Elle était tout sauf la banalité. Elle intensifiait la vie de ceux qui passaient dans la sienne, les rendant plus palpitantes. Elle animait son monde. Elle ne contrôlait rien, aussi elle se laissait glisser sur les heures qui défilaient. Elle ne cachait ni ses hontes ni ses fragilités puisque c’était ce qui la construisait, sans rien d’autre qui ne pourrait y nuire. Elle est l’air des vies, ce qui n’est pas explicitable. Et un jour, sans trop savoir pourquoi, Lou ne s’est plus sentie vivre. Elle est devenue l’ambiguïté de tout. Elle délivrait un sentiment de tourment beaucoup trop puissant pour qu’elle aille à son encontre. Son regard s’est voilé, elle a perdu l’équilibre qui lui était si cher et une bataille qu’elle ne comprenait pas s’était engagée en elle. Elle est devenue passive et dépendante d’une culpabilité dont elle ne connait pas l’origine. Ses couleurs la quittaient. Elle est l’opposé de ce qu’elle a été sans savoir pourquoi. Elle creusait la différence, le décalage se faisait de plus en plus fort. Elle se sentait mourir de l’intérieur et elle tentait de se convaincre que ce n’était qu’une mascarade mais ses efforts étaient vains. Elle voulait sauver l’apparence et commençait à faire semblant. Elle le dévoilait pourtant par petites touches qu’elle pensait retenir mais qui déteignaient dans ses yeux. Les paroles nous indiquent les traces d’une pensée. Elles sont impalpables, facile à nier. Elles expriment les faiblesses et c’est tout ce qui s’échappe. C’est la science sans la conscience. C’est une Illumination à la Rimbaud. La grâce de Lou, qui autrefois montrait sa beauté, s’absenta. Et maintenant, on la trouve belle avec son teint pâle, ses yeux un peu hagards et sa démarche lambine. Le plaisir qu’elle trouvait dans sa vie s’est transformé en mauvaise foi. Rien n’était plus une scène de théâtre. Il y a désormais plus d’inquiétude que d’espoir. Elle ne maîtrisait plus les actions qui remplissent ses jours ni leurs issues. Elle portait les tensions et les conflits. Elle traversait la contradiction. Elle renversait l’unité et le sens profond de sa vie mais le dénouement était introuvable. Tout ce qui était si calme basculait jusqu’au chaos, et cela lui était imposé et presque l’étouffait. Au cours du temps, elle ne pouvait plus résister à la succession des évènements. La violence de l’harmonie disparue, ce manque donc ce mal-être la faisait déambuler de son propre enfermement. C’était un silence plein de menaces lancinantes qui reposait sur la toute-puissance de son destin qui l’assaillait. Elle ressentait les passions les plus condensées ou les plus exacerbées et Lou ne se ressentait plus que par ça. Elles la ravageaient et la menaient presque à la monstruosité. C’est ce qui constituait son nouvel espace de liberté exigée et ce, même si cela offensait une antécédente accalmie. Elle éclatait en passions condamnables. Les yeux pétillants, elle rit. Pourtant, elle ne veut pas. Elle exprime tout ce qui doit surgir. Elle ne filtre que ses larmes qu’elle ne veut pas laisser s’échapper. C’est une situation ambigüe et l’éphémérité de sa tristesse va bientôt s’en aller pour rester. Sa poésie est une cérémonie. L’impuissance se lit dans ses yeux rougis, elle a perdu. C’est un vide sidéral qui lui ouvre les tripes, lacère une vie et hurle la mort. Le manque est partout aux alentours, tu as parcouru ton existence et balayé le temps. On s’est bercés d’illusions réconfortantes qui nous croient immortels. Le manque, c’est la découverte du vide intérieur, souvent imprévu et douloureux, qui tord les viscères. C’est une situation critique qu’on se doit d’affronter. C’est la mesure des amours qui se brisent. Ce n’est pas instantané, ça fissure progressivement. On ne s’en rend vraiment compte qu’avec le temps qui passe. Lou se dit toujours que tu es là. Elle a envie de rentrer et de t’appeler, de te saluer et de te voir sourire si fort que tout le reste s’évanouisse. C’est du vécu, du passé qui a disparu sans qu’on s’y attende. Tout se dégrade et ce n’est pas un détail. C’est l’affirmation de la finitude. C’est un moment qui a marqué la vie de Lou, comme elle ne l’aurait jamais voulu. Elle soupçonne ses pas qui frotte le sol lentement. Elle le voit lui, dans son fauteuil, qui ne l’a pas entendu entrer. Il n’est plus. Il faut pourtant s’y résoudre et vivre sans lui. La vie nous méprend dès qu’on a le dos tourné mais il ne faut pas la laisser gagner. Ces derniers jours sont une invasion de la vacuité, c’est de la tristesse pure qui brûle et embrume. Lou a expiré une dernière fois sa joie. Nous sommes traversés par la rupture et la continuité. Nous sommes habités de l’intérieur, nous connaissons la raison, nous ne pouvons pas l’objectiver. Même si le temps réparera la blessure, l’oubli ne s’invitera pas. Le temps est étonnant, il traverse l’univers. Le temps est un souffle.
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Mainmise.
Dans la sphère de notre vie, aliénante et massacrante, nous nous perdons. Nous nous laissons porter par le temps qui s’efface lorsqu’il prend trop de place. Nous sommes régulés, délaissés et même ce que nous ressentons ne nous donne rien mais nous enlève à la raison. Bercés par une illusion de liberté, nous ne sommes des êtres qu’éphémères dans un monde qui nous engloutit, bien de trop puissant face à nous. Nos différences ne nous renforcent pas, nous dissèquent presque. Nous appartenons au fantasque qui s’envole. Le réel n’a plus de valeur lorsque nous oublions de penser. Les situations nous exigent des réactions, nous éclairent d’émotions fortes pour que nous nous sentions vivre un peu. La vie n’a rien d’épuré, n’a aucune sobriété mais n’est que fioritures. Nous sommes la passion, l’irrationnel. Nous sommes le bouleversement de l’âme enfermée dans un corps, immiscé dans le monde, engloutit par les étoiles. Nous ne nous possédons pas. Dans une fulgurance, nous croyons être. Et ça ne dure qu’un instant. Nous ne sommes que le mortel dans l’éternel, dans une impression tyrannique et viscérale. Nous nous détruisons et sommes détruits par la noirceur de nos passions. Au-deçà et au-delà, nous ne sommes toujours pas. On nait d’incohérence. Nous vivons le vraisemblable, mais est-ce le vrai ? Nous sommes conventionnés. Plus tard, nous voulons nous en détacher. Il y a tout ou peut-être le tout mais ce n’est qu’un espace fictionnel. Nous jouons des rôles et avons des fonctions pour faire vivre la Nature. Nous sommes sa structure et son fonctionnement au détriment d’exister. Nous paraissons vrais, et cela nous fait croire que nous sommes une vérité mais nous créons le merveilleux des songes. Nous sommes un passage, une représentation dans l’immédiateté. Nous nous enfermons dans la bienséance pour répondre aux attentes. Nous sommes l’impensable et l’impensé : le langage ne nous délivre plus d’acception. Robotisé, l’être n’est plus vivant. Nous ne suivons plus nos sens, nous sommes des actions successives, une unité sans enjeu ni trajet. Notre naissance est un hasard factuel et conventionnel. Nous formons un horizon de chimères. Nous sommes la congruence irréfléchie. Nous sommes un récit creux qui démontre de la passivité. Notre histoire favorise le contrôle de la dénaturalisation des êtres. Nous sommes le pardon de l’inutile, l’acceptation de la soumission. Subjugués et submergés, le désordre nous caractérise et nous légifère. Nous sommes tragiques que nous en sommes presque comiques. L’amour du merveilleux n’existe que parce que nous sommes à son image. Nous planons sur l’impossible. La magie qui nous lie se traduit par notre neutralité. Nous sommes les mêmes. Nous ne sommes que la surprise du vide. Nous sommes la réception des mots à moitié dits, même pas sentis. Nous sommes la simplicité mais sûrement pas la beauté. Nous sommes l’étrangeté instinctive du monde. Il y a l’osmose de notre naturel façonnable et de notre brute bêtise. Nous sommes la tromperie. Pas de vacillements ni de déambulages, nous traversons une plaine d’idiotie qui n’engendre que notre bassesse. Nous contredisons l’extrême du monde. Nous sommes le raisonnable sans folie. Nous sommes le déséquilibre d’une époque sans positif ni négatif. Contrastant avec la beauté du monde, nous la mettons en valeur, nous ne sommes que l’objet de cette conviction. Nous sommes la condamnation de l’existence de nos mensonges qui nous distancent de la vie. Nous ne sommes plus les maîtres de l’ordre mais une conception déconstruite de cette idée. Il n’y a plus de nous, nous ne fûmes jamais vraiment et nous n’avons aucun savoir de nous. Nous sommes la modification d’un naturel abandonné et réduit à un vague souvenir. Nous sommes les obstacles et les efforts acharnés qui conjurent notre origine. Nous ne sommes ni le miracle ni la puissance mais une métamorphose du vide. Nous sommes l’écho dans la montagne. Nous sommes des âmes pesantes illustrant notre lâcheté innocente qui ne donne aucune vivacité. Il a fallu nos échecs pour nous rendre une estampe d’une tristesse ombragée. Nous sommes la réponse à la violence de la connivence. Nous sommes le chuchotement du dépit, du désagréable et de la déception. Sidérés et affligés, nous sommes le propre démon de nos peurs. Nous sommes le spectateur de notre défaite. Nous sommes coincés dans un jeu qui nous propose nos mauvais faits et dires en circulation incessante. Méprisés, ridiculisés, nous sommes ce que nous sommes par soumission. C’est le badinage de notre désinvolture amnistiée. Nos forces, brisées, sont devenues irréparables et nous assomment. Nous sommes meurtries alors que nous étions si charnels. Nous sommes la dévotion infligée par nos cauchemars. Nous sommes la continuation de nos omissions qui nous occupent entièrement intérieurement. Nous sommes discursifs, nous transparaissons à travers nos imperfections et seulement elles. Nous sommes des êtres de passions sans importance. Nous sommes étouffés par la durée. Nous sommes le portrait abstrait coloré d’une obscurité sans nuance. Nous ne brillons pas, puisque fades et simples ébauches déposées dans un monde lancinant.
Vous n’avez ni reflets, ni teintes, vous assombrissez le monde.
Vous êtes nous, sans poésie ni grâce, sans charme. Vous et nous ne sommes qu’un double-sens du réel et du vraisemblable. Vous et nous ne sommes qu’une double-face que nous n’admettons toujours pas puisque vous et nous ne sommes que l’éloge de l’illusion sociétale. Vous et nous sommes des oublieux dans un sanctuaire occulte.
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Latente.
Croire, c’est voir ce que nous ne voyons pas. Je ne serai jamais à ton image, je ne pourrai jamais être comme eux. Nous brûlons les espoirs dans le sable, et mon futur dans mes mains mais quelque chose à enivrer mon cœur. J’aurais voulu faire taire ce murmure fou, tout quitter et fermer la porte. Nous devrions nous aimer, exalter nos passions, se laisser vivre enfin. Foi aveugle, maux réflexifs, jeux d’esprits, erreurs, douce boule de feu, doux galimatias. Je ne sais vraiment pas expliquer la façon dont je ressens. Je ne suis pas sûre que je devrais te montrer tout ce que j’ai comprit, tout s’est envolé si vite et pourtant notre souffle est partout dans ces lieux où nous avons été et qui vont tant changer. Il y autant de choses que je ne peux m’empêcher de faire évoluer dans mon esprit. Tout ça ne sonne que comme une mélodie hantée de souvenirs incohérents sur lesquels je n’ai aucun contrôle, mais ils seront maintenant partie intégrante de moi. Tout ce que j’en retiens est que rien ne fonctionne comme je le voudrais mais ce qui valse en mon intérieur sera toujours capable de continuer à vivre. Tellement détachée habituellement dans l’affection que lorsque le contraire arrive, je me perds. J’ai été silencieuse mais pas aveugle. Nous n’avons rien à prouver, vos guides sociaux vous donnent les yeux gonflés mais tout ce qui m’appartient ne vous sera jamais donné. Nous expirons nos désirs en sachant que nous nous égarons. N’essaye pas de changer l’esprit que tu trouveras en toi, tu gaspillerais ton temps, quitte ce que tu connais pour saluer ce que tu n’apprécies pas. Je retombe souvent dans mes rêveries absurdes jusqu’à ce que je me rende compte que la lune est toujours là, à mettre en perspective mes nuits, à créer des réactions épidermiques. Tu as juré que tu ne partirais pas le premier et heureusement, je n’ai jamais cru que nous brillerons toujours ensemble puisque les promesses sont bien de trop brisées et celle-ci en est une énième preuve. Quand on arrête de se savoir conscient, on commence à vivre, à voir le monde et c'est extraordinaire : les choses deviennent savoureuses. J’essaye donc de mettre du bon dans le mal et de rendre beau ce qui m’attriste alors je pense que nous devrions vivre pleinement, fortement et maintenant, parce que nous pourrions mourir bientôt. Je ne sais pas quelle sorte de personne je suis  pour écouter tous ces petits mots que tu disais. Il fut un temps où nous nous portions à la lumière des flammes, ces jours qui ne sont désormais plus que des illusions qui doivent résister aux chansons que tu joues. J’aimerais tant laisser tomber et me voiler la face, j’espère parfois ne jamais être née. Je ne pense pas qu’un jour on arrête de souffrir, à toujours donner aux autres le meilleur de nous pour qu’ils s’en aillent avec. Un jour, peut-être, nous nous retrouverons dans le ciel où les gens changent. Les plans que nous mettons en place sont les nuances ombrées de ce qui n’arrivera jamais, sous une lumière tamisée lorsque nous ne pouvons ressentir que le vide. Je n’avais pas prévu de me retrouver à danser seule si vite, avec l’impression que, peu importe ce que nous disons, les mots peuvent tout changer. Et toi, tu as regardé le ciel avec tes yeux kaléidoscopiques, hurlant droit à la nuit tes pensées vacillantes et tu t’attardes, alors sans réponse. Nous pourrions aller marcher dans la sympathie de la nuit et regarder la foule s’éparpiller sereinement. La ville respire, les gens ne font que parler mais sans utilité ni connaissances. Désormais, je n’entends plus rien et il faut de nouveau tout recommencer. Toi, tu es une tornade, tu grandis de l’intérieur et tu te détruis, et moi, un peu avec. C’est en me traitant comme une étrangère et lorsque je me sens délaissée que je me rends compte de certains petits détails surement pas anodins. C’est comme si je jetais mon corps brisé, qu’il allait exploser toutes mes imperfections mais qu’il les garderait dans une boite à bijoux. Après tout, je suis juste une âme qui se perds dans ta haine, que tu amènes partout où ton esprit fane. Ce n’est que fantomatique, ça ne prendra de la couleur que lorsque le dépit mourra. Et au fil du temps perdu, je t’ai senti confus et probablement sans sentiment. Tout est paru inadapté, et tu montes sans personne la route de l’avenir en ayant besoin de te retrouver seul. C’est une triste situation qui devient de plus en plus contradictoire et blessante aussi, involontairement. Et moi, je suis une fleur qui meurt rapidement, ici maintenant mais partie demain, je suis une vague jetée dans l’océan, une vapeur dans le vent. Nous avions juré être et ce, même si nous n’avions qu’un temps de notre vie, toi, tu l’as juste déguisé dans des jolis papiers. J’ai rêvé que tu restais une ou deux nuits de plus, j’ai menti éveillée, seulement dans l’espoir que tu ailles mieux. Je suis si facile à oublier, je ne veux pas que tu le fasses, pour une fois. Tu sais, je pense souvent à la vie et à chacun d’entre nous, à savoir comment une unique personne peut avoir la valeur de mille autres frappant à nos portes. Rien n’est seulement des mots, tout finit toujours par décevoir et c’est la manière dont les cœurs se blessent. Sans magie, la vie a un goût d’épouvante. Je suis déjà la violence dans la pluie battante. Suis-je une imbécile enveloppée dans les mensonges et les vérités stupides. Cœur si froid et plein de honte, tu restes juste dans tes peurs obscures. Je suis, comme qui dirait, née dans l’espace et j’ai l’impression de ne jamais sentir les rayons du soleil sur mon visage. Pour ne pas souffrir, il faut que tu t’en ailles. Tu n’es personne pour rompre les promesses, tu ne veux pas me briser mais tu as besoin de respirer, il n’y a rien que tu puisses dire, tu ne peux pas mentir, tu ne peux pas te cacher, tu te dois d’être honnête avec toi-même. Je dois retrouver mon toit, et toi aussi. Je ne sais plus vivre et je sens que je dérive : pars. Pourtant, le temps rendra les jours meilleurs, si tu restes à mes côtés, m’apaisant et me guidant, si tu le veux bien et je ne peux guère le dire. Et si tu t’en vas, je t’en prie, dis-le moi.
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Belle détériorée.
J’hume l’amertume des jours qui défilent sans être capable d’y prendre part. Si je voyais une vie comme la mienne, je la laisserai passer, s’allonger, s’atténuer mais je n’en voudrai pas. C’est une existence sans sentiment ou trop, dans le gris profond ou aux couleurs éclatantes : sans aucun sens, sans demi-mesure. Elle part et omet de s’inventer, de se forger des amours. L’amour, c’est burlesque, pictural, ambigu et délivre le poids de l’ineffable. Fébrile, par tous les aléas qui le brûlent, les envies qui s’évanouissent dans un fouillis d’une froideur indomptable, le silence est doré. Le problème est arrivé quand j’ai commencé à compter les étoiles certaines nuits de certaines semaines. J’ai eu l’impression d’y découvrir toutes les personnes que j’avais auparavant perdu, chaque faux pas et ce nombre effarant d’occasions manquées ou oubliées. Le silence en est devenu gênant, plus angoissant que réconfortant. D’une seule traite, tout s’était révélé. C’était assommant. C’est lorsque le premier pincement au cœur est apparu que j’ai regretté. Je n’ai pas osé. Je n’ose pas parler. J’aurais dû leur dire. J’ai longtemps gambergé devant eux, les lèvres scellées, incapables de s’entrouvrir pour laisser les mots se déverser chaotiquement. C’était comme si on me condamnait au mensonge, comme si j’étais contrainte au même silence que la nuit. C’est le vide qui s’installe et qui remue les pensées comme à chaque fois que nous questionnons nos états d’âme. Je suis la pluie sur la vitre. Je suis un ressenti qui coule sans cesser, toujours remplacé par une autre partie de lui. Les oiseaux ne volent plus, le soleil illumine le bonheur partout et je suis une nuit sans étoile puisque cachée par les nuages. Les roses se fanent et les pétales bruns gisent sur le sol, le jonchent pour mourir enfin. Sans cœur qui bat, j’attends aussi la fin. Quelle fin ? Je croyais que les émotions nous tuaient à petit feu cependant, le vide, lui, brise subitement, lacère par coups incisifs. Je ne pense pas être abîmée bien qu’un peu blessée et pourtant, parfois, je me vois me noyer, tomber au fond de l’océan sans attache possible. C’est un cauchemar valable quand nous ne sommes rien mais personne ne l’est. Nous sommes perdus. Nous ne savons pas, nous ne savons plus, peut-être même n’avons nous jamais su ? Nous sommes des échecs qui ne vagabondent plus. Livrés à nous-mêmes, confronté à soi-même. Nous sommes des échecs qui cherchent le miracle qui passera peut-être et nous osons espérer le reconnaître malgré le flou des jours, le vent qui nous balaye sans arrêt et notre entourage qui nous oublie autant que nous nous oublions. Nous avons toujours peur : de la vie, de la mort, de l’entre-deux. Nous ne pouvons même plus nous sentir à bout de force et je crois que le futur ne sera qu’un présent perduré. Simplement, la vie est belle, il faut juste arrêter d’en douter.
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Un zéphyr renaissant.
Dans son envol innocent, le zéphyr emporte l’espoir. Il voudra rester : la douce brise l’en empêchera.
Observant l’horizon, Julia était pensive. Elle regardait le noir profond, le regard vide et dedans ses longs soupirs, des méandres. Elle est cette personne déglinguée de souvenirs, meurtrie par la joie dans un monde où ce qui est beau n’existe plus. Il pleuvait et elle ne regardait sa vie que du trentième étage, là seulement, ses cahotements psychiques trouvent des mots. Elle ne rêvassait pas d’un quelconque voyage loin de là ou d’une existence post-mortem. Elle s’effondrait. Le son sourd de sa solitude était lourd de sens et ses larmes floutaient les mots du  carnet qu’elle tenait du bout des doigts. Sa main balayait son visage comme un trouble comportemental. À répétition. Jusqu’à ce que les marques rouges se soient emparées de son faciès. Et les erreurs, et les pincements de cœur, et la peur. Deux heures en pleine nuit comme un chuchotement qui lui altère le cerveau. Ses ongles s’enfonçaient dans sa chevelure blonde. Un cri qu’elle laissait s’échapper maladroitement et son souffle ralentit si vite qu’elle en oublia comment on respire. Peu de temps. Trop de temps. Il la laissait agoniser avant de revenir subitement. Il va falloir vivre encore. C’est presque s’il fallait qu’elle meurt un instant pour comprendre l’entité de son existence. Indécent espoir. Mais elle n’en était pas à sa première renaissance. Simplement cette fois, quelque chose palpitait en elle. Il aura suffit d’un rien pour le lui ramener, le zéphyr. De là, son monde en blanc et noir dévoila son plus bel arc-en-ciel à son égard. Elle s’apercevait enfin de la beauté environnante alors qu’elle l’avait cru disparu. Un sourire illuminait son visage. Sa bulle de doutes et de culpabilité la brûlait mais désormais, rien ne sera plus important que l’envie de vivre qui l’animera. L’air caressait sa peau. L’orage apaisait ses illusions. La lune embrasait son cœur. Il lui aura fallu cette abstraite étreinte, une vie recollée dans le ciel et un esprit en symbiose charnelle avec les constellations. Elle respirera à nouveau dans le monde qui l’oppressait auparavant. Son amour pour l’espoir reviendra avec le cri de l’univers et son allégresse regagnera son être au compte-gouttes. Elle aimait le sentiment que ça lui apportait. Cette ivresse la faisait se sentir éternelle. Elle se promènera avec les astres, désinvolte. Fantasque sybaritisme. À fleur de peau, elle devait croire en l’espoir et en ses ombres dansantes qui égayeront son existence si fortement que le parfum de la béatitude l’endormira.
L’orage lui donna une impression d’euphorie jusqu’à ce qu’il se taise. Et quand il fut parti, le ciel devient majestueux comme une après-guerre. Comme elle. En ce moment même.
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Trébuchante dans un brouillamini océanique.
Iris avait oublié l’asphalte à peine ses pieds posés sur le sable froid et grisâtre. En prenant une longue inspiration, en s’enivrant de l’iode, elle s’est laissé envahir par une sensation de bien-être particulier. Il est là, l’Océan et ses bruitages. Presque tremblante, elle voulait se jeter à corps perdu dans l’inconnu effrayant, sous cette lune divinatrice. La nuit brune lui laissait comme un goût de cyanure sur ses lèvres abimées. Elle sanglotait, assise sur la plage presque déserte, s’entourant de ses pensées aléatoires et de ses mégots enterrés anarchiquement. Elle tentait de se bercer en oscillant d’avant en arrière mais ses névroses l’empêchaient de respirer correctement. Elle s’allongea alors pour observer les étoiles et doucement elle se fondait un onirisme apaisant. Elle écoutait la nature, elle observait l’univers et crescendo, Iris trouva la vie beaucoup plus belle : comme un parfum de poésie qui se délivrait en elle.
C’est à ce moment précis qu’Iris se rendit compte que le ciel pailleté d’étoiles, que la lune pleine et que les sons marins n’étaient pas seulement beaux mais qu’ils étaient le contraste certain du charivari des jours creux qu’elle entassait ces derniers temps. Elle prit connaissance inconsciemment des bavures et artifices originels, de ce qui l’a mené ici, maintenant. Des larmes perlèrent ses paupières. Elle subissait ses spéculations en éveil et c’était apocalyptique. Pourtant, Iris trouvait cela agréable d’une étonnante façon. Elle avait l’impression que le puzzle de sa vie se construisait, qu’il exposait ses erreurs et résolvait des mystères archaïques. Elle ne contrôlait plus les variations de son esprit ni même ses jambes qui titubaient désormais vers l’Océan.
La houle se laissait aller. Sans le savoir, elle était inquiétante. Doucement, puis avec passion, elle embrassait les roches, le sable et les pieds d’Iris. Elle invoqua le ciel et les nuages. Tous ses sens étaient aux aguets. Elle ne faisait qu’un avec la terre malgré ses tentatives de toucher du bout des vagues l’horizon brumeux. Et la brise voulait danser avec la houle. Elle attira l’Océan, qui divaguait. Il s’élevait, s’écrasait, tentait d’étreindre le vent et n’y arriva que rarement. Iris voudrait juste que l’Océan la porte ou l’emporte, la couvre et la recouvre : qu’il l’engouffre enfin. Il s’éloignait, espérait rejoindre la ligne inatteignable. Les mouettes voulaient jouer avec lui mais elles furent vulgairement repoussées. Il voulait être seul, il s’en alla de plus en plus loin, rendant sinistre le sable et patibulaires, les roches. Il y avait quelque chose de tragique en lui, salutaire, précieux, magique et pourtant si misérable aussi.
Et c’est ce qui fait Iris l’aimer si fort parce que dissimulée en elle : une part d’Océan.      
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citadine-insatisfaite · 10 years
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La rêveuse au cri inaudible.
Elle est seule, entourée par le silence, dans une chambre aux murs immaculés. Elle se tient devant son pupitre, la tête entre ses frêles mains. Son esprit divague. Elle rêve d’une lune pleine. Son bonheur de danser avec les étoiles animerait le ciel d’une obscurité déconcertante. Sa vie l’ennuie, alors elle imagine encore… Petite fille, elle se promène dans une forêt aux couleurs d’hiver, atmosphère délicate, au bruit des dernières feuilles qui craquaient sous ses pieds. Dans ce cocon qu’elle aimait tant, là où maintenant les fleurs n’étaient plus, là où pourtant elle riait. Elle regarde par la fenêtre, seule la mélodie d’un rouge-gorge dérange sa quiétude. Toute cette monotonie l’angoisse, elle préfère dépenser son énergie dans les songes. Et elle s’évade à nouveau - elle ne fait que ça. Elle voudrait être au cœur d’une céleste explosion, d’une pluie de plumes tourbillonnant au rythme d’un tango suave avec l’orage. Elle voyage. Dans la solitude de l’automne, protégée par les larmes des nuages, elle est allongée dans l’odeur de la terre mouillée. C’est comme si elle disparaissait les yeux fermés. Elle rêvassait toujours. Assise sur une chaise en bois, elle regardait le soleil briller de tout son éclat, les arbres au feuillage vert et le lac sans une onde dérangeant sa sérénité. Et elle écrit : « J’aurais voulu être avec toi dans la magie des jours précédents avant que tu ne me quittes soudainement, si lâchement. Je me souviens si bien du son des cloches lorsque tu t’éloignais que mon souffle s’ébrèche derechef. »
Ses visions sont ses cris. Chaque jour, son âme, son esprit et son corps hurlent au monde. Mais le monde est sourd.
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citadine-insatisfaite · 10 years
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Les inconnus d'un jour.
Béa ferme son livre. Elle est assise à un café, en terrasse. Ces yeux balayent maintenant chacun des inconnus qui passent devant elle. La chaleur de sa tasse de Darjiling sur ces mains lui provoque des rougeurs, finit par la brûler. La pluie, son délicieux clapotis sur les pavés de la ruelle, la berce. Le soleil ne s’est pas levé aujourd’hui. Il s’est caché derrière les nuages, laissant la journée dans une fausse obscurité. Les réverbères sont allumés.
Sa capeline cache ses cheveux bruns, son écharpe en laine, son manteau à carreaux, ses collants épais parmes lui donnent une attitude hivernale et totalement douillette. Ses jambes bougent au rythme de la pluie, seule musique qui l’anime. Son nez est rose, ses lèvres sont légèrement gercées, ses yeux, cernés, espionnent discrètement. Elle aime observer les autres, leurs postures, leurs regards. Béa tente de savoir s’ils sont heureux.
Il y a cette étudiante installée à quelques tables de la sienne. Son ordinateur ouvert, elle tape rapidement sur le clavier. Ses lunettes tombent un peu. Ses lèvres, peinturé d’un violine profond, exprime un discret soupir. Elle doit avoir vingt ans. Jeune, jolie, l’air intelligente : elle est ravissante.
Il y a cet homme en jean déchiré. Son foulard, remis rapidement d’une main de maître, réchauffe éventuellement son cou. Il marche à une vitesse étonnamment rapide, faisant valser sa sacoche en cuir. Peut-être est-il en retard ? Il l’aperçoit et lui exprima un sourire poli. Elle lui offrit le sien en réponse.
Il y a ce vieillard et sa cane. Le dos voûté, sa moustache bien peignée et son regard démontre sa tristesse. Ses jambes tremblent et ses pieds frôlent le sol. Il souffre sans doute physiquement et psychologiquement. Ça a donné naissance à son visage crispé. Elle aurait envie de le prendre dans ses bras.
Il y a cette maman derrière la poussette d’une jolie petite fille et d’un joli petit garçon. Les enfants crient, la maman s’affole. Ses yeux expriment de la peur : ils vont du garçon à la fillette en une milliseconde. Son cœur cogne sans doute très fort dans sa poitrine. Les enfants pleurent mais se calment, la maman avec.
Il y a ce clochard au teint basané. Ses habits sales lui collent à la peau dégageant une odeur d’égout et de transpiration. À sa droite, une pancarte indique maladroitement qu’il aimerait avoir une boisson chaude près de lui. À sa gauche, une coupelle, attendant probablement de l’argent, est vide.
Il y a cette femme qui passe devant lui. Elle tient un gargantuesque dossier du bout des doigts. Son téléphone à l’oreille, elle s’énerve. Son port de tête s’alourdit. Béa pensa alors que cette femme à l’élégance raffinée devait être importante pour beaucoup contrairement à d’autres.
Il y a cette immigrée torturée. Son désespoir et sa désillusion l’ont peut-être emmené à la drogue. Le rouge de ces yeux, la blancheur de ses lèvres et la pâleur de son visage en témoignent. Elle titube et parle seule avec un accent russe très prononcé. Elle est vraisemblablement en train de se perdre.
Il y a ce jeune couple, main dans la main. Ils rient, se regardant les yeux dans les yeux. Il est presque sûr que leur envie de crier au reste de la population qu’ils ne peuvent vivre l’un sans l’autre est ardente. L’amour leur donne tout ce qui leur manquait. Ils dégagent une passion intense.
C’est dans ces petits moments dans son café de référence que Béa se rend compte de la beauté des gens, de leur solitude aussi. Le couple peut s’aimer toute une vie ou juste deux mois. La russe peut marcher longtemps sans savoir où elle va. La femme d’affaire peut réprimander n’importe qui. Le mendiant peut attendre des heures sa boisson chaude. La maman peut paniquer et ses enfants sangloter sans raison. Le vieil homme peut souffrir depuis des années ou seulement depuis ce matin. L’homme souriant peut aller à son travail comme à la librairie. La voisine de table peut étudier dans toutes sortes de domaines. Jamais personne n’en saura rien. Le physique des gens ne nous aidera jamais à savoir leur nom, ni leur situation. Et Béa trouve ces inconnus d’un jour merveilleux.
-          Un autre thé, mademoiselle ? demanda la serveuse au mascara bleu électrique.
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citadine-insatisfaite · 10 years
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Rendez-vous de minuit.
L’orage gronde. Il est là, immobile au milieu des feuilles d’automne trempées. Le souffle court, il halète d’avoir couru si longtemps. Il est jeune, empli de fougue et d’innocence, vivant de nouvelles sensations. Il fait nuit. Le ciel est parsemé d’étoiles.
Il patiente, sereinement, calmement. Exclus de la civilisation, il est seul et rassuré. Pourquoi toute cette tristesse ne le bouleverse pas ? Il a juste besoin d’elle. Elle ne vient que rarement. Elle est belle. Elle est adoucissante. Il l’aime plus que tout au monde.
Il attend, impétueusement, impatiemment. Orphelin, il est errant et réjoui. Comment arrive-t-il à être heureux ? Il vit juste pour elle. Elle va venir cette nuit. Elle est jolie. Elle est timide. Il l’adore d’une façon qu’il n’aurait jamais crue possible.
Son museau remue légèrement. Elle arrive. Ses yeux pétillent à travers la nuit. Elle arrive. Son pelage mouillé dégage une odeur écœurante. Elle arrive. Il s’assoit rapidement. Elle est là.
Et il hurle. Le loup hurle son amour à la lune.
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citadine-insatisfaite · 10 years
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Palette de couleurs séduisantes.
Une tasse de café sale tâchée d’un rouge à lèvres carmin traîne par terre. Sa porcelaine est inégalement fissurée. Le lit est vide. Son odeur sur l’oreiller, jasmin et hespéridé, reste pourtant si forte. L’inscription « RIMBAUD » est inscrite au dessus de la porte coulissante servant d’entrée et le chat miaule derrière le mur entièrement vitré. Les autres façades, hormis celle de verre, sont peintes avec les teintes de l’imagination de la propriétaire. Il y avait du blanc pour la paix, du bleu pastel pour la pureté, un soupçon de rouge éclatant pour la passion puis du jaune pailleté pour la gaieté, un peu de rose poudrée pour la suavité et du vert amande pour la tendresse. Et nuancés, elles s’y mélangent comme une seule donnant une palette de couleurs caractérielle. Au centre de l’une de ses parois, une ouverture de sa taille légèrement au dessus du sol donnant sur un atelier : incarnation totale de l’art. Tout s’y mêlaient : des toiles encore sur leur chevalet, des sculptures, des verreries, des carnets aux couvertures fleuries, des esquisses. Elle était là, entourée de tonnes de tissus quels qu’ils soient : cuir, soie, néoprène ou jean. Elle était là, nageant dans les plumes, perles, dentelle et rubans. Elle cousait l’un de ses pantalons loufoques sur une teinture indienne. Son chapeau, couleur de l’eau, retombait soigneusement sur son visage. Ses lèvres, qu’elle mordillait, démontraient de son sérieux.
Ah, belle Aislinn.
Petite rousse aux cheveux ondulés, yeux marrons ou verts selon la luminosité, sa peau est d’une pâleur extraordinaire comblée de grains de beauté. Son charme est déroutant, absolument attrayant pour le monde.
Ah, douce Aislinn.
Mélodieux rire enfantin, fluides mouvements gracieux s’enchevêtrent harmonieusement avec son franc-parler et sa détermination. Sa fraîcheur la rend attachante. Respectueuse, généreuse, elle apaise. Naturelle, solitaire, elle est apaisée. Elle est une caresse pour le monde.
Ah, fantaisiste Aislinn.
Son âme d’artiste l’emmène où sa destinée le veut. Son esprit cultivait une imagination profonde et débordante. Son originalité est intéressante quoi qu’intrigante pour le reste du monde.
La voix de Félix, tout impatient, résonna alors dans l’atelier gâchant sa solitaire magie. Elle ne l’avait pas entendu entrer.
« And that sweet city woman, she moves through the light, controlling my mind and my soul when you reach out for me. »
Riant comme une enfant, elle lâcha son travail et dansa de façon plus qu’abstraite sur le refrain que son ami chantait, faussement.  
« Night fever, night fever, we know how to do it. Gimme that night fever, night fever, we know how to show it. »
Il s’arrêta, les yeux pétillant d’excitation, lui demandant de ne pas arriver en retard au vernissage dansant.
Soufflant bruyamment, elle s’élança à travers sa fabrique si unique emmenant avec elle les toiles qu’elle avait choisi d’exposer le soir même. Elles étaient colorées, détaillant l’enchantement, la jovialité.  Elles étaient remarquables, cultivant l’accalmie et la béatitude. Elles étaient stupéfiantes, illustrant la paix et la liberté. Elles étaient purement Aislinn. 
Note : Aislinn est un prénom d’origine irlandaise qui signifie “rêve”.
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citadine-insatisfaite · 10 years
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Ode à la joie bordélique d'une enfant éternelle.
Une fenêtre éclairée au petit matin monotone : la première dans l’immeuble. Et là, dans cette pièce lumineuse,  une jeune femme dansant en sous-vêtements aux couleurs arc-en-ciel entre les effluves de café et ce qui traine par terre, sous le lit, sur le bureau.
Une couette blanche rangée en boule sur le lit. Des vêtements empilés sur une chaise. Des livres ouverts sur le bureau. Des feuilles brouillées d’écriture sur le sol. Des crayons de couleurs, des crayons plumes, des crayons de bois, des crayons BIC un peu partout. Un sèche-cheveux, des clefs, un paquet de tabac à rouler et un briquet customisé, de l’eau de Cologne et des parfums dans une étagère. Des post-it roses, bleus et jaunes collés sur le miroir. Des rouges à lèvres et un agenda comblé de rendez-vous sur le bureau. Il y avait aussi une machine à écrire et un platine vinyle diffusant de la soul. Et au milieu de tout ça, un smartphone vibrait, ignorée par sa propriétaire qui se dandinait en chantant à tue-tête les paroles d’une célèbre chanson de Mavis Staples.
« Feeds my passion for transcendence turns my water into wine makes me wish I was empty ! »
Son esprit était vide. Ses pensées emmêlées avaient disparu ainsi que ses réflexions acharnées. Elle était apaisée et ne prenait garde à rien d’autre qu’à la musique qui envahissait son corps. Entre deux vinyles, elle buvait un mug de café bouillant ou se roulait une cigarette. Puis, la musique ayant repris, elle recommençait à incliner sa tête de droite à gauche en secouant ses bouclettes brunes, à onduler ses hanches, à hurler des paroles dans un anglais incompréhensible tout en s’habillant. Elle osa un coup d’œil à son réveil en enfilant sa veste fleurie avant de lâcher dans un juron qu’elle était, encore une fois, en retard. Elle prit ses clefs, son agenda, son smartphone et son cartable en cuir et elle courra ensuite en direction de la porte, à moitié prête. Mais au milieu du parcours, elle glissa sur une feuille et se retrouva à terre, son fessier engourdi, riant au éclat ; la musique l’accompagnait encore. Et elle laissa ensuite un appartement sans dessus-dessous, sans vie : sans elle.
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citadine-insatisfaite · 10 years
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Dérive tourmentée.
J’ai l’impression d’être à la dérive sur la mer de mes souvenirs. Des souvenirs inexorablement cachés et enfouis par mes soins. Ils me dévorent, peuplent ma mémoire et ainsi, la saturent. Comme un collectionneur du temps qui passe, je cultive l’ancien. Et les larmes interviennent lorsque le mécanisme de ma machine à remonter le temps s’active. Je suis, à mon infini désarroi, un musée de la nostalgie, un simple individu ayant peur du futur et je me laisse couler dans cette mer torturée. Je songe aux hier côtoyés, aux photos amnistiées, aux connaissances défilées, aux secrets exhibés et aux émotions éprouvés. Je n’épargne pas les promesses rompues ni les rêves abdiqués, encore moins toutes ses occasions manquées et ses compromis iniques. À la recherche des meilleurs souvenirs, je m’égare dans les pires. Mon esprit me fait mal : il a fait de mon passé, son présent et je n’existe que dans sa poussière. Les jours passent mais un ouï-dire s’éternise. Quand, sans vain, je tente de mettre de l’ordre, le ramdam me condamne. M’étant arrêté aux échecs, étant effrayé des prochains, j’ai arrêté de vivre.
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