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Pertes et profits
Le carnet du jour du Colonel Fruut
L'on déplore en ce 3 Mai 1971 la disparition fortuite d'Alexandre Vialatte, homme de lettres, né malencontreusement le 22 avril 1901 à Magnac-Lavalet, triste commune de Charente occupant un plateau calcaire datant du crétacé, et mort à Paris, ce qui fait plus sérieux. Cet auvergnat de coeur, économe par atavisme et disert par tempérament, aura eu l'élégance comptable de partir à tout juste 70 ans.
Le jeune Alexandre, fils d'officier et féru de poésie, se destine tout d'abord à une carrière militaire. Un œil blessé, il renonce à l'Ecole Navale et prépare un diplôme de langue allemande. Germanophile, il réside en Rhénanie-Palatinat de 1922 à 1928. Il y produira ses premières chroniques tout en dispensant des cours de français. La défaite de 1940 le conduit tout droit à l'asile.
Ecrivain, journaliste, traducteur de Kafka, Nietzsche, Goethe, Brecht, excusez du peu, il aime Chaval, Dubuffet et le catalogue de Manufrance.
De sa maison sise en face de la prison de la Santé, il rédige pendant vingt ans ses quelques neuf cent délicieuses “chroniques de La Montagne” dont il profite honteusement pour abreuver les habitants de Clermond-Ferrand de ses proverbes Bantous.
A l'instar de la fourme d'Ambert, Vialatte se déguste sans compter, en de généreuses tranches. Bateleur de la foire aux mots, il fait des clés de bras à la langue. On lira sans bouder son plaisir “La complainte des enfants frivoles”, “Les fruits du Congo” , “Le fidèle berger”, car c'est ainsi qu'Allah est grand...
Eté 2010, naissance de la basket compensée, commise par Isabelle Marant, ce n’est pas drôle. C'est une naissance, mais aussi un décès, celui du bon goût. Associer le confort d'une basket et le mollet tendu par un talon de 8, c'est une bonne idée sur le papier, mais sur un pied, c'est aussi élégant qu'un discours de Macron à Mayotte. Comment l'idée saugrenue de mettre un RSA dans une paire de pompes aussi moche a-t-elle bien pu éclore dans le cerveau de nos sœurs et compagnes ? Victimes de la mode comme le chantait Claude Honoré M'Baralli...
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Tempus fugit:
Bobodioulasso "la maison des Bobos et des Dioulas", c'est la 2ème ville du Burkina. Quelques larges voies goudronnées, animées d'une chorégraphie motorisée chaotique, des mobs comme celle de Pépé, des chinoiseries 100cc montées par de plantureuses mamans en pagnes empesés, des carrioles tirées pas des ânes faméliques, des polios tirants sur le volant de leurs tricycles. Bobo, c'est sans horizon, trop plat. Et même en montant sur les toits terrasses, la pollution occulte le paysage. Pour rentrer dans les détails, je suis parti de Lyon fourbu et suis arrivé à Bobo sur les genoux. Après de belles retrouvailles et quelques jours de bringue pour fêter mon arrivée, les traditionnelles crises d'asthme et l'allergie à la poussière, la soirée "danse contemporaine" à l'institut français, c'était la blague de trop ! Finir cette soirée en guinchant au Tamani au milieu des Bobolais hilares, c'était du comique de répétition...Je laissais un poumon sur la piste et rentrais mal en point à la maison. Au milieu de la nuit, une douleur au ventre puissance 10 sur l'échelle de secours me réveillait et c'est en larmes que je suppliai (je n'ai aucune dignité quand je souffre) Zabou de m'emmener à la clinique, chez le boucher, chez le marabout, enfin quiconque capable de soulager cette putain de douleur due certainement à un cancer foudroyant du foie, un coup de couteau de la susdite Zabou pour faire taire mes ronflements de phacochère, ou à un empoisonnement suite à l'absorption du whisky frelaté du Tamani (établissement que je me promis d'incendier dès ma résurrection ) ... Arrivé finalement à la Clinique St Leopold, mis sous perf et piqué contre la douleur, j'oscillais entre soulagement, peur de quimper loin de ma belle X-rousse, retour du tourment et micro-sommeil...Après une nuit angoissante, quelques litres de morphine, une radio et une échographie dont il ressortait, à mon grand soulagement que je n'étais pas enceint de jumeaux, j'appris par le toubib que cette douleur qui m'avait plié en deux était causée par ... des gaz ?!? Et là, dans son bureau, le toubib mort de rire me dit : -T'as lâché une caisse là ? Parce que ça pue ! -Ben non , j'men serais rendu compte je crois ! -C'est dommage, ça t'aurai soulagé ! T'es sur que t'as pas lâché une caisse ? Bon , alors ça doit être moi ...
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Et puis l'eau était montée d'un coup, profitant de la nuit pour envahir la ville.
Au matin, Mickey découvrit que ce qu'il avait tout d'abord pris pour un brouillard aussi dense qu'une chantilly, c'était de la flotte. Un mélange bien dégueulasse du Rhône et de la Saône, charriant la crasse des rues et des gens, léchait les pieds de son immeuble, rue Imbert-Colomes. Autant dire que le bas des pentes était submergé. Soufflant fort sur sa tasse de café, Mickey contemplait tranquillement le désastre; sur la colline d'en face, Fourvière, ressemblait au Mont Saint-Michel, quand la marée surprend les pêcheurs à pied imprudents. Disparus Saint-Paul, Saint-Jean, Saint Georges, les curés en robe de bure et les pavés perfides sous le talon aiguille. Engloutis aussi la presqu’île, l’opéra, les magasins fantômes de la rue Grollée, Bellecour, Perrache...
Mickey était content d'avoir fait les courses la veille, il n'aurait pas à descendre en ville. Accoudé à la fenêtre, il finit son café, regardant s'éloigner vers l 'aval quelques scouts flottants sur le ventre. C'était une belle journée qui s'annonçait, malgré le soleil timide de ce mois de Décembre.
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Les belles histoires du Colonel Fruut
Je tiens à préciser par avance que l’histoire qui suit est rigoureusement authentique, les noms des ( en l’occurrence du) participants et des lieux n’ont pas été changés parce que c’est plus drôle et qu’ils permettrons aux protagonistes et témoins de se reconnaître et de jouir encore, 35 ans après, de cette gloire qui les a un temps auréolés.
L’histoire se déroule entre Genay, petite commune du Rhône où il ne se passe pas grand-chose et St André de Corcy, luxuriant village de l’Ain, où il ne se passe rien. Nous sommes au début des années 80, la jeunesse désoeuvrée traîne son ennui à dos de mobylette. 103 SP, Ciao Vespa de Piago sillonnent les routes de France comme on dit au JT de Jean-pierre Pernaud.
Customisées, trafiquées, équipées de guidons torsadés et chromés, de sissy bar en fer à béton, gonflées aux stéroïdes des kits Polini, ces 49.9 n’ont rien à envier aux Harley-davidson, excepté … Tout en fait. Mais en attendant d’avoir le permis et de se payer une Renault 12, il faut bien, le samedi soir venu, naviguer de fêtes des conscrits en bals des pompiers. Une manière de marathon de la bringue.
Salle des fêtes communale de Genay : température26°. L’air est moite. Il est bientôt 22h30. C’est là qu’apparaît notre héros : José Pereira, ivre de marquisette et de frustration adolescente. Il vient d’essuyer un énième refus de la gente féminine incarnée par Corinne, précédemment 1ère dauphine au concours de Miss Beaujolais. La belle Corinne, pas trop enthousiasmée à l’idée de rouler des pelles à José, l’éconduit sans ménagement. Repris par l’orchestre Taib Trumpet, l’été indien de Joe Dassin sonnera le glas des prétentions hormonales de José.
Se souvenant alors qu’on donne un bal monté à St André, il enfourche son fier destrier, une vieille mobylette bleue empruntée à son daron. La plaine de l’Ain, chichement éclairée par une lune radine, laisse courir sur sa platitude des brouillards glacés et le brélon de José, zigzaguant au gré des embardées éthyliques de son pilote.
Il est triste José, et en colère aussi. Va leur faire payer aux crétins de St André, distribuer de la gifle d’apprenti maçon et pocher deux trois yeux. Parce qu’il est sans peur José. Et complètement bourré. Aussi, lorsqu’il voit arriver en face deux feux de mobylettes dans la brume, l’impétueux se dit qu’il va leur foutre la trouille de leur vie à ces cons! Passer à fond les ballons entre les deux bécanes en hurlant, Moïse rural scindant les flots motorisés…
Ce qui sauva la vie de José, c’est que le conducteur de la camionnette qu’il venait de percuter était pratiquement à l’arrêt. Alerté par la conduite erratique de la mob, le brave paysan n’avait pu que freiner sans pouvoir éviter le choc frontal.
De la mobylette il ne resta rien, si ce n’est le souvenir des virées entre potes, la descente de Poleymieux à Curis sans freiner, les journées à regarder les filles au bord de l’écluse.
José passa quelques semaines à l’hôpital, souffrant de quelques fractures et d’un honte tenace. Corinne ne vint même pas le voir…
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Je marchais dans l’eau comme ça. Une eau si claire qu’on y voyait le fond des choses. La fin des temps, l’absence qui ronge son frein et tout qui pourrit. Une eau si froide qu’elle gelait tout, les doigts de pieds et les sentiments aussi. Et même avec sa main dans la mienne, distante un peu, je sentais bien une larme ou deux s’échapper, glisser au coin de l’œil qu’on essuie de la manche. Sa main n’est plus là vraiment, juste happée par les gens, par le soleil qui brille mieux ailleurs. Les habitudes qui sentent le café du matin, le lit chiffonné des nuits trop courtes, ça suffit pas pour s’aimer toujours. Alors il faut courir la vie et le travail. Mentir aussi pour dire ça va. Inventer des bonheurs et des amis, compter les jours qui restent et ceux qui sont partis. Des fois les trous dans le cœur ça fait mourir un peu. On veut l’oubli et quand il vient on sent bien qu’on est plus rien dedans. Il y a si longtemps qu’elle est partie que j’en ai presque effacé ses traits. C’est fou d’avoir aimé autant et d’oublier son visage. Mais le creux est toujours là, aussi vif. Tout glisse. Le sable sous les pieds. Le vent doucement qui tire la mer au large.
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Septembre
Je me rappelle exactement de la première fois où je suis tombé amoureux. Parce que je suis vraiment tombé…Une piste noire aussi vicelarde que l’agenda de DSK. J’étais très sportif à l’époque, n’en déplaise au sourire sardonique que je vois naître sur vos visages incrédules. Tombé disais-je, avec pour conséquence une magnifique entorse. J’étais en colonie de vacances, invention destinée à rendre leur liberté aux parents pendant quelques semaines, leur évitant ainsi un emprisonnement à vie pour acte de barbarie sur leur progéniture…
Bref, tombé et nanti d’un plâtre, j’errais, claudiquant bas sur mes béquilles d’aluminium, laissé pratiquement à l’abandon par l‘administration dans cette immense colonie sise à St Laurent du Pont, Isère, commune tristement célèbre pour sa boîte de nuit le 5-7, où, le 31 octobre 1970, périrent dans un incendie 146 jeunes noctambules. Score assez élevé dû à la brillante idée du propriétaire des lieux de condamner les issues de secours pour éviter la resquille.
Cette digression revêt une importance capitale pour la suite de l’histoire ; les fantômes du 5-7 étant supposés hanter la commune dès la nuit tombée, leur évocation donnait lieu à des veillées terrifiantes favorisant les rapprochements pré-pubères.
Las, j’arpentais donc les couloirs de cet Overlook, mes pas hésitants me conduisant irrémédiablement vers les quartiers des filles où je fis la connaissance de Nathalie, privée elle aussi des joies enneigées par un embarras gastrique comme le dirait un mien ami.
Au détour d’un couloir, nos yeux se croisèrent pour se reporter immédiatement qui sur le mur, qui sur le plafond, gênés et timides, avant d’oser enfin nous regarder, conscients d’un émoi ineffable mais partagé. Nous nous racontâmes nos jeunes vies respectives, notre ennui d’être privés de ski et le bonheur aussi de disposer des lieux sans contrainte hiérarchique. Nous nous promîmes de nous retrouver plus tard, à la veillée, et nous nous séparâmes, la promesse d’un amour naissant au creux du ventre, heureux mais inquiets à l’idée du premier baiser qui viendrait au soir.
Le soir vint. Autour du feu de camp, les plus âgés des colons se délectaient de nos peurs, chacun y allant de son anecdote sur les fantômes du 5-7, déclenchant des cris d’effroi chez les plus jeunes dont Nathalie et moi faisions partie. Bien sûr, elle vint se réfugier dans mes bras, bien sûr je profitais de la pénombre pour l’embrasser, et, bien sûr, les quolibets nous suivirent pendant le reste du séjour…
Je ne revis jamais Nathalie.
D’autres feux de camps, d’autres amoureuses.
D’autres baisers aussi, mais jamais ils n’eurent le goût de celui-ci,
le goût de la première fois.
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Août 2016
Mickey rêvait parfois de son vieux. Ca n’arrivait pas souvent. Cette semaine-là, après avoir changé le bracelet de son Oméga, une belle tocante dont il avait hérité à la mort du dab, celui-ci était venu lui rendre visite. Ils s’étaient retrouvés dans un bar, à Québec. Pourquoi Québec ? Et pourquoi pas ?
Toujours le même rade décati. Assis au comptoir, il avait vu son père débarquer et s’assoir à côté de lui comme s’ils s’étaient quittés la veille. Et Mickey n’était même pas surpris. Le vieux n’avait pas vieilli bien sûr. Il était beau, pas décharné comme sur la fin, quand son pancréas multipliait des petits crabes à l’infini. Beau et serein. Joyeux même. Mickey lui avait donné des nouvelles des enfants, comme à chaque fois. Et Mickey était bien, là aussi, à siroter tranquillement sa bière. Il n’y avait plus de colère, ni de peine. Plus rien que ce bar patiné par les courants d’air arctique. Plus rien que le bonheur ténu de retrouver le parfum blond des Craven A . Le silence précieux des retrouvailles, la présence rassurante du vieux. Il savait bien qu’il rêvait, mais le vieux était si vivant qu’il ne pouvait pas être mort.
Le bar s’était doucement vidé, le froid des hivers canadiens emportant le vieux, laissant le soleil poindre sur des trottoirs inconnus. Mickey s’était réveillé avec un goût de tabac froid dans la bouche. En attendant que le café percole, il regardait le jour prendre possession de la ville.
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Il y a maintenant quelques années,je n'ai pas la notion des dates,j'étais parti visiter Bruxelles avec des amis et la femme que j'aimais alors.J'en garde un souvenir au tons sépias, aux bords un peu flous (de Bruxelles,pas de mon amoureuse...).Une ville où j'aurais pu vivre, une ville à ma mesure,avec ses petits immeubles, ses marchands de frites bien sûr, son soleil économe et ses habitants généreux. Je parle de souvenirs, parce qu'il ne me reste que ça, des souvenirs.Toutes mes photos ont disparu, certains amis se sont éloignés, les amours sont mortes que veux-tu, mais les souvenirs, les souvenirs restent au coeur et Bruxelles reste dans le mien.
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Il restait peu de temps finalement. Avant que tout ne s’arrête.Avant que les ombres ne se glissent doucement aux creux de mes mains.Qu’il n’y ait plus personne à aimer. Alors j'étais parti comme ça.Sur un coup de tête.Parti la rejoindre au bout du monde.Quitté la torpeur humide de décembre pour une suée africaine. Après quatre mois d'une d'une romance épistolaire,j’avais rempli mon sac de marcels immaculés,sauté dans un avion et failli mourir mille fois pendant les six heures de vols. Je ne pourrai jamais oublier cet instant.J’étais hors de moi.Je veux dire que je me regardais marcher,je me sentais respirer cet air si lourd.Arriver de nuit en Afrique,ce n’est pas rien.C’est naître à nouveau.Et la rejoindre ,c’était revivre. Elle m’avait ouvert les bras.Sans fard.Pas sans crainte.Et j’avais tout pris,goulument.A m’en faire péter le cœur et les yeux. Pour ça,je l’aimerai toujours.Elle m’as offert le plus beau voyage et la plus belle destination,le désir.
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Novembre 2015
CREVE SALOPE !!!
Toujours, à l’arrivée de l’hiver, il sentait le froid lui durcir les jointures. Ca grippait. Dans sa caboche aussi ça grippait, et méchamment. Les fantômes revenaient en visite, annoncer que Noël serait bientôt là, avec son cortège de merdes en avalanches, de vieux qui se pètent la hanche, ou qui calanchent, plein de trucs en « anche » qui sentaient la fin d’année glissante et funeste . Crève salope, putain de 2015. Les morsures étouffantes d’un hiver étranger chatouillaient le souffle, empli de latérite et court, si court qu’il n’en restait rien pour dire. Les mots en travers de la gorge. Le blues avait finalement un goût de rhum ambré, rond comme une cuisse de princesse barbadienne et l’accent du Mississippi, quatre “s” et quatre “i” .
En rentrant tard, il trouvait le Vieux sur son canapé, en train de lui fausser le manche de guitare avec ses accordages diaboliques et la gueule grande ouverte à lui siphonner ses meilleures bouteilles. Alors il s’asseyait. Là, à côté de lui. Pour sentir contre son épaule la vieille épaule du Vieux. Pour picoler tranquille.Tout lui revenait , et tout lui échappait, les larmes diluaient peu à peu la gnôle. Rond comme un derviche, il s’abandonnait à la transe éthylique et au blues en ré mineur. Se frottait doucement à la toile écru du Vieux, mort depuis longtemps. Ca ne le dérangeait pas cette odeur de terre et de tombe humide .Ca lui rappelait le Robinson de Tournier, quand il se faufile dans sa grotte pour retrouver le ventre de sa mère. Ca lui rappelait l’odeur des bois. Et l’odeur de la brume de Novembre aussi, quand elle se faufile dans les interstices de la nuit pour gagner les rues.
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24 Aoùt
Cold Turkey
Au travers des jalousies, sourdent les vagues brûlantes d’un été bien trop long .Des rues désertées monte une clameur silencieuse, à peine troublée par le claquement exotique des touristes en tongs et les échos lointains de réfugiés engloutis.
Août à Lyon. Entre chiens et loups, la ville saute à la gueule, majestueuse d’ombre rose. Les souvenirs s’étalent en champs élysées, exil des amis perdus, partis chercher enfin le repos.
-Tu vois cette piaule, c’est ta nouvelle maison et moi je suis ta nouvelle maman.
-Putain Francis tu charrie là, y’a même pas une fenêtre dans ta turne.
-T’inquiètes fils, quand tu serra redescendu, t’en aura rien à foutre de la vue, et ça puis t’évitera les tentations.
Francis, c’était la mémoire des Etats Unis, enfin de Tony Garnier, bien avant qu’on en fasse un musée.
Mickey avait replongé pour la énième fois, quitté les pentes et les embrouilles qui allaient avec.
Les Etats-Unis, pas de route 66 mais un grand boulevard et de la came à gogo .Depuis quelques années, l’héro avait fait son trou dans pas mal de bras.
Pour Mickey, ce pallier du 3, c’était un peu l’Eldorado, le Formule 1 du tocos, à l’abri du vent et de la dépouille. Seulement, fallait déguerpir à l’aube, pas se faire gauler par les boulots du matin plus enclins à faire appel aux flics qu’à leurs bons sentiments.
Francis l’avait retrouvé sur son paillasson .
Réveillé à coups de lattes, Mickey ouvrit les yeux sur cette espèce de vieux défraîchi dont les tatoos verdâtres couraient sur ses avants –bras.
-Si tu gerbe encore sur mon palier, j’t’arrache la tête.
Sans demander son reste, Mickey avait trissé, pour revenir le soir même.
Après quelques jours, Francis l’avait pris en pitié, lui avait offert un café, une douche et une porte de sortie. La proposition était simple et sans appel, le sevrage, à la dure, enfermé dans une chambre, avec de la flotte en guise de Subutex .Francis lui avait dit que les ricains appelaient ça « Cold turkey ».
-Dinde froide ? j’vois pas l’rapport …
-C’est parce-que t’as pas plus d’imagination qu’un flic. Une dinde froide, c'est à ça que tu vas ressembler dans pas longtemps. Le manque va bientôt se pointer, et tu vas trembler, comme une dinde sans ses plumes …
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Mickey, again
Dimanche 10 mai Je m’appelle Mickey. Du moins c’est ainsi que me surnommait mon vieux quand j’étais mouflet. J’ai jamais su pourquoi. Mais ça n’a pas d’importance .Rien n’a d’importance. Non ,c’est con de dire ça, ça fait posture. Et de la posture à l’imposture … Et c’est injuste aussi de dire que rien n’est important. Bien sur, les souvenirs se délitent, un peu, prennent la couleur jaunie des amours défuntes, mais les sentiments éprouvés, reçus, et donnés, même mal , ça reste fiché en vous comme une écharde, un truc qui pique au départ ,auquel on s’habitue doucement et qui finit par manquer quand l’écharde n’est plus, extirpée à la pince ou tombée sans qu’on s’en aperçoive. Bref, ça fait bientôt un demi-siècle que je me débat. Avec les échardes. Plus tard Je me laisse couler. Dans mon bain. Un livre déjà lu à la main. L’eau, un peu trop chaude. Les gouttes de condensation froides perlent sur le carrelage qui ceint la baignoire et sur mon visage. Les yeux gonflés, nourris d’une nuit à manger du papier, sans plus saisir le sens des phrases ni me repaître de leur chant. L’âme qui vagabonde, bien au-delà des bulles de bain-moussant. C’est étrange une journée sans toi …Enfin, sans vraiment toi. Je me contente aujourd’hui de ces échanges épistolaires et numériques mais ça ne vaut pas le parfum qui se cache à la naissance de ton épaule et dont je me m’enivre en douce, lorsque tu m’embrasse .
Qu’elle est belle cette rencontre. Comme il est doux et sensible ce lien qui nous unit .Tu m’es chère et précieuse. Je garde, tel un trésor, une sucrerie dans ma poche de chemise, le goût des moments que nous passons ensemble. Je t’aime, la chose est entendue. Je peux même dire que je t’ai toujours aimée , toujours connue avant de te reconnaître. J’aime tes grands yeux, où vivent toutes les promesses et quelques automnes. J’aime par-dessus tout ton sourire, cette virgule sur tes lèvres .
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24 mai
Rentrons, puisqu’il faut bien rentrer. Etrange comme un simple week-end à la campagne avec des gens que l’on aime peut faire remonter autant d’émotions et de souvenirs à la surface de la peau .Oui mes souvenirs sont épidermiques, olfactifs comme Marcel ou, plus prosaïquement, visuels . On a beau ne pas être passéiste pour un sou, les enfants sont toujours là pour nous rappeler qu’un jour, nous aussi, nous avons écorché nos genoux sur un bitume vicinal, pansé nos plaies au Mercurochrome et pleuré dans les bras tendres de nos mères. Saloperie de temps qui passe . Quand je repense à mon enfance, loisir auquel je m’adonne assez peu, j’ai l’impression de regarder l’album photo de quelqu’un d’autre. Un autre un peu chiant. Conformiste et ennuyeux. Qui s’ennuyait en tout cas. Plongé dans un décor de Lego trop grand pour lui ,avec des pièces qui ne s’emboîtent jamais comme on le voudrait . D’après les dires de ma mère, j’étais parfait. Croyez-la s’il vous plaît ! Elle est dotée d’un sens critique exacerbé(c’est là la définition exacte d’un euphémisme )Parfaite donc, la chère tête blonde et innocente. Jusqu’au jour où tout s’écroula. Par la faute de François de Closets. Ce nom ne dira rien au plus jeunes. Pour les plus âgés d’entre nous, sa voix de prélat abuseur de vin de messe et d’enfants de chœur prépubères évoque immédiatement les chroniques scientifiques d’une radio oubliée, où ce monstre, oui ce MONSTRE, expliquait sans précaution que l’univers n’a pas de fin …On mesure mal la portée que peut avoir un tel propos sur un gamin solitaire et déjà rêveur, mais ce fût pour moi le début d’un questionnement existentialiste englobant entre autres et dans le désordre ; l’existence de dieu, la montée en neige des œufs battus, le fonctionnement du cerveau des filles, qui m’empêcha de dormir sereinement pendant près de quarante ans, ne s’achevant que récemment par une sorte de révélation quasi divine ; j’m’en bat les couilles … Oui, j’ai renoncé. Renoncé à comprendre. Pas tout. Mes congénères en général. Les femmes en particulier. Ne voyez dans cette remarque aucune misogynie, bien au contraire. Elles me fascinent, mais je ne les comprends pas plus que je ne me comprends. J’essaie donc d’être doux avec elles et continue à prier pour qu’elles soient indulgentes avec moi. Comme le chantait si bêlement Julien Clerc : Femmes , je vous aime
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