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mardi 14 janvier
j’ai 2 groupes successifs aujourd’hui, de 16h à 18h
c’est l’hiver, il faut nuit, il fait froid, je suis fatiguée et les élèves aussi ; j’apprends qu’ils ont eu cours seulement 2h ce matin, et qu’ils ont erré tout l’aprem dans Clermont en attendant de faire leur heure avec moi
du coup j’assume moyen de les faire travailler à cette heure-ci
je me rappelle que moi j’adorais ça, mais quand même quel drôle de truc que la scolarité
tout ce temps de ta vie où tu n’es pas libre de choisir ce que tu fais, même si tu as des libertés à l’intérieur, même si c’est pour ton bien
mais avec le recul, on pourrait aussi se dire que c’est une drôle d’idée que de forcer des gens, même jeunes, à être quelque part où ils et elles n’ont pas forcément envie d’être tout le temps
bref
je leur joue mon petit spectacle sur les révolutions intimes, au début ils chahutent un peu, et puis après, la rentrée brutale dans l’intime les cueille, et je les sens là, avec moi
à la fin ils sont tous autour de moi à me regarder en silence, je leur raconte l’EHPAD, les dentiers yo-yo, la mémoire en lambeaux, l’aquarium hors du temps, les chansons de Maguy, la fatalité avec laquelle ils m’expliquent que ce n’est pas grave de ne pas avoir le choix justement, les blagues, la guerre, tout ça
et les jeunes se taisent, ils écoutent, et je suis salue la puissance fascinatrice des vieux
après ça je leur demande à eux et à elles de me livrer quelques-unes de leurs révolutions intimes
mais je ne leur ai pas encore parlé du blog, alors je ne vais rien poster tout de suite, et je leur demanderai l’autorisation la prochaine fois
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lundi 25 novembre
je suis censée avoir 1/3 du groupe Irlande ce jour, de 13h à 14h, en B106
Mme S. et Mme G. sont en voyage quelque part dans un pays anglophone
mais les élèves ne viennent pas ; je finis par aller racoler dans la cour, et je tombe sur un groupe de 7 élèves qui me disent que non non, ils n’ont pas été mis au courant, que les autres sont partis, mais qu’ils veulent bien venir avec moi quand même
déjà je trouve un peu louche qu’ils et elles veuillent bien venir avec moi alors que concrètement je suis en train de leur voler leur récré de midi, mais tant mieux
aujourd’hui je leur parle de jeunisme, qui est un mot bizarre parce que ça signifie à la fois discrimination envers les jeunes et culte des valeurs associées à la jeunesse
je leur parle aussi du mot éphébophobie que j’ai découvert ce matin, et qui est la phobie des adolescents
certains connaissaient déjà la terme, ils ont l’air un peu triste que des gens puissent avoir peur d’eux sans même les connaître
je leur montre les résultats de ma recherche semi-automatique sur Google quand on tape “les jeunes” dans la barre de recherche, et c’est vrai que c’est pas glorieux
une jeune fille me demande ce qu’il se passe quand on tape “les vieux”, et c’est pas glorieux non plus
un jeune homme rétorque qu’encore les vieux ça va, que ce ne sont pas eux les pires
après j’essaie de faire un peu de stats, pour vérifier les propositions de Google 
aucun des 7 individus que j’ai devant moi ne trouve que les jeunes soient incultes ; en revanche ils sont tous d’accord pour dire que les adultes ont beau être cultivés, ils sont trop fermés d’esprit, et trop enclins à faire des raccourcis qui manquent de bon-sens
5 personnes sur 7 dans mon groupe pensent que les jeunes sont individualistes (même si, disent-ils, quand tu tends la main tu trouves toujours quelqu’un pour t’aider - encore faut-il savoir à qui tendre la main, précisent-ils) ; et 6 personnes sur 7 pensent que les adultes sont individualistes.
ils ne sont pas unanimes sur la question “les jeunes sont-ils l’avenir” : oui bien sûr me répond t-on, évidemment, puisque dans l’avenir nous vivrons (et c’est vrai que c’est incontestable)
mais certains pensent que leur génération n’inventera rien de plus que la génération d’adultes actuelle, tandis que d’autres me disent qu’ils seront bien obligés de le faire, de revenir en arrière, ou en tous cas de se dépatouiller du merdier qu’on leur laisse
à ce stade de la discussion, on en arrive à la question “les jeunes sont-ils perdus?” et ils sont 5 sur 7 à dire que oui ; et la raison en est que ces 5 là trouvent que la pression sur leurs épaules est trop grande
je suis surprise, et leur demande de développer
ils me disent que la double injonction est trop lourde à porter, qu’ils ne savent pas que croire, et qu’ils ne savent pas non plus par où commencer
# vous êtes bêtes ; mais vous devez changer le monde # vous êtes de plus en plus incultes ; mais l’avenir de la planète repose sur vos épaules # vous ne savez même plus écrire correctement le français ; mais dans quelques années ce sera vous qu’il incombera de diriger le pays et de trouver les solutions # vous ne savez plus communiquer entre vous à cause des écrans ; débrouillez-vous malgré tout pour vous mettre d’accord et nous pondre une nouvelle société humaine, qui résolve tous les problèmes # vous vivez dans ce monde là, de sur-consommation matérielle et virtuelle que vous proposent vos aînés ; mais il faut que ayez envie de changer ce monde.
Une jeune fille me dit que l’écologie a mauvaise presse, et tout le monde est globalement d’accord ; elle me dit que ce n’est pas facile d’avoir envie d’être écolo : il faut faire des efforts, se priver, ça a pas l’air spécialement marrant, et en plus on n’en voit même pas les bénéfices réels, à notre échelle
je réfléchis et je ne trouve rien de mieux à dire que la meilleure raison de vivre le plus écologiquement possible, c’est sans doute de pouvoir se regarder dans un miroir, et de supporter de traverser cette vie, ce monde, en faisant le moins de dégât possible autour de nous
je sens qu’ils comprennent ce que je veux dire même si je ne me suis pas hyper bien exprimée
ils m’ont dit un truc marrant aussi, à propos des écrans : que chacun et chacune d’eux était régulièrement saoûlé·e par le fait que tout le monde autour soit plongé dans son téléphone, alors qu’ielles auraient voulu intéragir directement avec les autres
et du coup, ils et elles se rendaient compte que parfois, certainement, c’était leur tour d’être plongé·e dans leur téléphone sans se rendre compte que des gens autour d’eux auraient envie d’interaction directe
ils m’ont dit un autre truc marrant rapport à tout ça : que quand les parents leur demandent de sortir de leur écran, très bien, encore faut-il, pour que ce soit crédible et motivant, que le parent ait quelque chose d’autre à proposer à la place (à part lire un livre, me disent-ils) ; et que les parents peuvent parler, ils sont toujours en train de bosser ou de regarder la télé, alors...
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lundi 14 octobre
salle B205, j’ai 1/3 du groupe Irlande de 13h à 14h (cette fois je ne suis pas à Lodève)
les élèves ont l’air sympa, ils disent bonjour, ils ont l’air vivant·e·s, ils ont des cheveux et des yeux qui le prouvent
on écoute la carte postale sonore que je leur ai fabriqué, à la fin personne ne veut commenter, mais j’en ai vu plusieur·e·s qui ont failli applaudir quand la bande-son s’est terminée
je leur lis une lettre où je leur explique que j’ai passé beaucoup de temps à essayer de préparer cet atelier sans le préparer, puisque ce n’est pas un atelier
je leur explique le rêve de la rencontre telle qu’imaginée sur le papier, que ce ne soit pas l’intervenant·e adulte qui apporte l’idée ou le savoir ou le projet
mais que ce soit quelque chose qui vienne naturellement, avec le temps et les échanges
c’est ça, la tentative de rencontre
passer du temps ensemble, s’apprivoiser, rire et parler et écouter, pleurer des fois peut-être, s’engueuler des fois peut-être - passer du temps quoi
et que la forme de la rencontre émerge doucement
pour l’instant c’est moi qui leur écris, mais les choses se feront petit à petit, je suis confiante parce qu’ils sont vivant·e·s et que le groupe a déjà l’air d’être un groupe, et pas un tas d’individus épars
bon, aujourd’hui je leur ai amené des bonbons, 5 sortes, ils doivent choisir collectivement quel paquet on va manger
il y a des tagadas, des dragibus, des oeufs, des bananes et des qui-piquent
au début ils ne comprennent pas, ils lèvent tous le doigt pour choisir chacun pour soi
je leur dis que non, que ce n’est pas ce que je propose
ils doivent se débrouiller pour choisir collectivement le paquet qui sera mangé par le groupe tout entier
c’est assez rapidement la cohue, pendant qu’une fille essaie de parler, une autre se lève et va au tableau, elle chope un marqueur et commence à faire des colonnes
d’autres filles font le tour de la classe pour un espèce de premier sondage sauvage des âmes, elles viennent me dire que les oeufs et les bananes sont éliminés d’office
quelqu’un est un peu déçu par le rejet massif des bananes, mais pas assez pour rouvrir le débat collectif, la personne hausse les épaules et retourne vers le tableau
les jeunes ne s’écoutent pas trop entre eux, une fille restée assise dit que c’est bon, qu’on va pas passer 3h à se prendre la tête pour choisir un paquet de bonbons
il y a discussion pour savoir comment on compte les voix, puisque c’est visiblement un vote à main levée qui se met en place
faut-il comptabiliser les bonbons que les gens n’aiment pas ? ou les bonbons que les gens aiment ? 
on commence par la solution 1 (voir schéma ci-dessous)
c’est les qui-piquent qui gagnent, avec seulement 3 personnes qui n’en veulent pas
par acquis de conscience, je demande quand même qu’on vérifie via la solution 2
on compte les doigts levés ; ça fait autant de personnes qui aiment les dragibus que les qui-piquent 
(les tagadas perdent haut-la-main, de toute évidence c’est dépassé, et je me prends un petit coup de vieux)
on ouvre donc les qui-piquent, et pendant ce temps je demande à ceux et celles qui n’ont pas participé pourquoi ils ne l’ont pas fait
je ne sais plus trop comment, mais lors de cette discussion émerge l’idée que ça aurait peut-être été plus simple que je choisisse pour eux
voire que je choisisse pour eux sans leur dire que le choix existait, et que j’avais 4 autres paquets dans mon sac
par exemple, si j’avais donné d’emblée les bananes que personne n’aime, ils se seraient dit que c’était déjà ça, ils les aurait mangés quand même - ils auraient même peut-être été contents
sans savoir qu’ils étaient passés à côté des qui-piquent
et c’est vrai que ça aurait plus rapide, plus simple, et également plus économique pour moi
après tout, j’aurais économisé 4 paquets de bonbons
je sens que certains de la classe (surtout certaines, en vérité) comprennent le parallèle avec la question politique, ou en tous cas s’y intéressent
qui dirige et comment, et choisit quels bonbons vont manger tous les autres
et que si le chef t’offre des bananes, tu dis merci et tu te tais, parce que c’est toujours ça de pris, et que de toute façon tu ne sais même pas que tu aurais pu avoir mieux
et ce qu’on ignore ne peut pas nous rendre triste, donc....
on en parle dans un bordel relatif, jusqu’à ce quelqu’un propose de clôre le débat, parce qu’on a une liste à faire et que ça va bientôt sonner
quand Mme G. revient elle rit
elle dit que j’achète les élèves avec des bonbons
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jeudi 10 octobre
ça aurait du être ma vraie rencontre avec un bout de la classe, j’aurais du être seule avec les élèves
dans les textos échangés avec Mme G., elle avait bien écrit 
jeudi, salle B106, récré avant le cours de 9h50 à 10h10
mais moi j’avais écrit le chose au vendredi dans mon agenda électronique
alors le jeudi 10 octobre au matin, j’étais à Lodève
et comme dans cette vie là, on ne peut pas être à deux endroits en même temps, j’ai reçu d’autres textos de Mme G. 
10h09 on te cherche
10h12 Patricia t’attend.... not cool
alors j’ai relu mes textos précédents, j’ai compris et j’ai eu honte
à midi en rentrant de Lodève je suis allée à la boulangerie acheter des chouquettes à offrir à Mme S. et Mme G. pour me faire pardonner un peu
mais 
la honte
la comédienne intervenante du projet Irlande, elle a séché le cours
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mardi 24 septembre
1ère rencontre
ce n’est pas une rencontre à double sens
c’est seulement moi qui les regarde un peu vivre, et quand j’essaie de me présenter c’est plutôt la catastrophe 
en rentrant chez moi, je leur fais cette carte postale sonore
c’était la 1ère rencontre
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