Nous avons besoin de rêver pour nourrir notre imaginaire et cela nous aide à grandir mentalement, tout en préservant notre âme d’enfant pour mieux nous protéger. Ce refuge que nous utilisons souvent inconsciemment, nous permet d’avancer et de faire face aux difficultés que nous ne manquons pas de rencontrer dans notre vie d’adulte. je recommande de cultiver nos rêves, surtout lorsqu’ils s’accompagnent d’un projet personnel qui devient alors un projet de vie.
On entend beaucoup de choses sur les femmes : victimes d’inégalités, de violences physiques et morales, de harcèlements de toutes natures, de viols, de précarités, mères de familles monoparentales et femmes au chômage.....
Je ne nie pas l’existence de tous ces problèmes, c’est une bien triste réalité qui journellement répétée, affecte l’image de toutes les femmes et tend trop souvent à les présenter comme victimes, reléguant à l’arrière-plan, la force de leurs engagements comme socle de notre société.
C’est l’une des raisons qui me donne envie d’écrire et de plaider pour leur accession au partage du pouvoir. Femmes ou Homme, pour peu que l’on s’en donne la force morale et les moyens, chaque être humain est maître de son destin. Tout comme un homme, une femme doit faire ses choix, prendre les décisions qu’elle jugera utiles à sa vie, pour assurer sa sérénité et son avenir, lesquels dépendent de son seul arbitre, parce qu’elle est « responsable et capable » d’assumer ses décisions, afin que son équilibre personnel y trouve la source de ses rêves et la force de les réaliser.
Beaucoup penseront qu’écrire ces lignes est facile. Je comprends ces remarques, mais pour être partie sans rien, sans diplôme et sans argent, je sais par expérience que cela m’a aidé à construire ma personnalité, me dotant ainsi d’une force et d’une volonté capable de faire face
Je suis née dans une petite ville de Tunisie « LE BARDO » célèbre pour son traité avec la France à l’aune de la colonisation française.
La Tunisie* est l’un des trois pays du Maghreb colonisés par la France. Dans la première moitié du 19e siècle après avoir conquis et pacifié l’Algérie, la France soutient les tentatives des Beys de Tunis qui veulent se rendre indépendants du Sultan turc d’ISTAMBUL. Les puissances européennes financent également les efforts de modernisation engagés par les Beys. L’endettement important qui en résulte, permet à ces puissances de mettre la Tunisie sous tutelle financière. Au congrès de Berlin en 1878, la France obtient le soutien du Royaume Uni et de l’Allemagne pour intervenir en Tunisie. Il s’agit de contrer les visées italiennes sur le pays, et de priver d’un refuge, les rebelles de l’est algérien.
L’invasion de la Tunisie en avril 1881 et le bombardement de Tunis sous la révolte en juillet 1881, oblige la Tunisie à accepter le protectorat Français par la signature du Traité du BARDO en 1881 et la signature de la convention de La MARSA en 1883.
La France chargée de la réorganisation de l’administration locale y substitue à partir de 1910, l’administration directe. Le mouvement nationaliste qui réclame l’autonomie ou l’indépendance s’était organisé dès 1907 avec le mouvement des jeunes tunisiens et se renforça en 1920 par la création du parti DESTOUR.
Ce dernier se divise en 1934 avec la scission du Néo-DESTOUR dirigé par Habib BOURGUIBA, lequel est arrêté plusieurs fois (1934-1938-1952)
En 1940, malgré les ambitions de l’Italie fasciste, la Tunisie reste sous le contrôle du Gouvernement de Vichy.
Après le débarquement des Anglo-Américains en Afrique du Nord en Novembre 1942, la Tunisie est occupée par les Allemands qui en sont chassés en Mai 1943.
La Tunisie* est alors dirigée par les différents gouvernements du Général de Gaulle, lesquels maintiennent le protectorat sans céder aux revendications du Néo-DESTOUR.
Alors, la lutte pour l’indépendance reprend, menée par le Néo-DESTOUR et le syndicat UGTT et continue de plus belle en 1952 avec l’arrestation de Bourguiba et des chefs nationalistes puis la dissolution du Gouvernement CHENIK qui s’est ouvert au NEO-DESTOUR jusqu’à élaborer un mémorandum sur l’autonomie interne.
Les autonomistes prennent les armes contre le colonisateur France, tandis que l’organisation « La Main Rouge » créée par les colons extrémistes, lance une campagne contre les nationalistes.
S’ensuivent des émeutes populaires antifrançaises et des attentats nationalistes et antinationalistes. Malgré les réformes successives proposées par la France et rejetées par les nationalistes, la Tunisie est au bord de la Guerre. Devant la gravité des évènements, Pierre Mendes France, nouveau Président du Conseil français vient alors en Tunisie et promet l’autonomie interne lors de son discours de Carthage.Les accords de CARTHAGE signés le 3 Juin 1955 entre le premier ministre tunisien TAHAR BEN AMAR et Edgar FAURE, successeur de MENDES FRANCE, concrétisent une série de conventions qui donnent officiellement son autonomie à la Tunisie.
Le 17 Septembre 1955 est installée à Tunis, le 1er gouvernement uniquement composé de Tunisiens.Le 20 Mars 1956, un nouvel accord abroge le traité du BARDO de 1881 et reconnaît la Tunisie comme une monarchie constitutionnelle entièrement souveraine. *
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MON HISTOIRE
6e d’une fratrie de 7 enfants, j’ai eu la chance de naître dans une belle maison que mes parents venaient tout juste de construire pour ma naissance.
Mon père, fonctionnaire avait gravi les échelons jusqu’à devenir Chef des services du Cadastre puis ingénieur et ma mère était femme au foyer. Ils avaient 11 ans d’écart d’âge.
Avant leur mariage, elle était relieuse de livres et mon père travaillait dans une imprimerie.
Au sein de notre fratrie composée de quatre frères et deux sœurs, j’ai vécu en Tunisie, ma patrie de naissance jusqu’à mes 18 ans. Naître dans une famille nombreuse est une chance pour le bébé que j’étais alors et un grand événement pour la fratrie, car cela fait pas mal de remue ménage et de bouleversements dans les petites habitudes des parents et des enfants avec une nouvelle organisation pour faire de la place au nouvel arrivant, en l’occurrence, encore une fille : la troisième, alors que ma mère ne jurait que par ses garçons dont elle était si fière.
Ce ne fut qu’à mon adolescence, devenue une jeune fille, que je compris mieux, sans toutefois l’accepter, pourquoi ma mère préférait les garçons : Comme elle le disait souvent, elle pouvait les laissait vagabonder sans risques, ce qui n’était pas le cas pour les filles. C’est sans doute ce refrain qui me fit prendre conscience de nos différences, sans toutefois, lorsque j’en compris vraiment les fondements, me résigner à accepter l’autorité naturelle affichée par les hommes et la capacité d’obéissance et de résignation des femmes.
Cela remonte très certainement à l’enfance, mais j’ai véritablement pris conscience de la place des femmes dans la société, dans le monde de l’automobile qui fut mon univers professionnel durant de nombreuses années.
J’aime profondément ma famille et je garde présents dans mon cœur mes parents, aujourd’hui décédés, bien que je n’aie jamais eu avec eux le contact affectueux et tendre que j’attendais et dont j’avais, comme beaucoup d’enfants, tant besoin. Je ne peux pas leur en vouloir, l’époque n’était pas aux démonstrations affectueuses , ma mère nous a beaucoup donné et il me faut garder en mémoire, que les conditions de vie étaient dures et que les familles fussent-elles nombreuses, ne bénéficiaient pas des mêmes avantages et aides qu’aujourd’hui.
De plus, les différences d’âge allaient de un à deux ans, et de 4 ans avec mon jeune frère, le dernier né de la fratrie, un 11 novembre 1942, date funeste car le 8 Novembre, les allemands débarquaient en Tunisie et notre maison fut pour partie, réquisitionnée par des officiers qui y logèrent durant l’occupation, ensuite ils cédèrent la place aux anglais.
J’ai eu une belle enfance au sein de notre famille. Les aînés s’occupaient des plus jeunes pour soulager notre mère. Nous étions une véritable petite colonie de vacances, chacun s’obligeant à remplir son rôle et nous avons grandi ensemble, avec des rires, des blagues inattendues et des disputes parfois violentes qui engendraient des bagarres, avec leur lot de bosses, de bleus et de larmes, et mon père n’hésitait pas à nous punir collectivement.
C’était un climat fusionnel et sans drame, mais qui a permis à chacun de nous, de devenir autonome et responsable, respectueux les uns envers les autres aux côtés de nos parents, dans un bel esprit fraternel et affectueux qui a largement compensé les pudiques manques de manifestations affectives de notre mère et de notre père, lui, dont la sévérité était aussi grande que l’étaient nos craintes d’avoir à la subir.
Quant à notre mère, elle ne savait pas sévir ou n’en avait pas envie, et lorsque notre père rentrait de sa journée de travail, elle lui racontait nos frasques et désobéissances et notre père nous alignait face à lui et pour nous punir, ne manquait jamais après les sermons appropriés, de nous donner quelques fessées bien appuyées.
Mais le lendemain, frères et sœurs, devoirs et charges terminés, nous jouions garçons et filles ensemble, aux billes, au docteur et surtout nous allions grimper aux arbres, munies de nos gouters pour, comme tarzan, vivre sur les branches, ainsi qu’à tous les jeux risqués que nous inventions pour nourrir nos rêves de jeunes aventuriers, au grand dam de notre mère qui invoquait les punitions à venir, dont à ce moment là, rieurs et heureux, nous n’avions que faire.
Mon père, homme sévère et exigeant en famille, plaisait aux femmes, même s’il semblait discret sur le sujet, notre mère ne fut jamais dupe, elle a toujours supporté ses écarts sans se plaindre, sa condition de femme et de mère était sans doute à l’origine de cette apparente résignation. Même sur la question des grossesses, elle n’eut pas son mot à dire, notre père, je le sus plus tard, souhaitait avoir de nombreux enfants et nous serions dix aujourd’hui, mais ces trois là ne virent pas le jour, ma grand mère, en femme avertie, veillait en embuscade ………J’ai su plus tard, devenue femme à mon tour, combien la souffrance de ma mère fut grande, comme l’avait été son amour pour mon Père.
J’étais une petite fille joyeuse en famille avec ma fratrie, mais solitaire à l’extérieur, j’ai grandie en observant la vie et les autres, et pour rassurer mes parents, je me suis toujours efforcée d être une bonne élève et une fille respectueuse. Mes besoins étaient simples et se partageaient entre les impératifs de l’école, l’aide à notre mère à la maison et les devoirs de classe, avec pour tout loisirs, quelques sorties toujours en famille, et si nous devions rencontrer nos amis, c’était à la maison, obligatoirement en présence de nos parents, ou chez des amis connus de nos parents et en leur présence. Comme mes deux sœurs avant moi, j’allais à l’école des filles du Bardo et je faisais partie des « Ames Vaillantes» au sein de l’église Sainte Monique où nous fûmes tous, baptisés. Autre temps, autres moeurs, ce qui m’a manqué et que je ne sais pas analyser objectivement, est inconsciemment devenu le puissant moteur qui, encore à ce jour, continue de régir ma vie.
Mais quoiqu’il arrive, je garde enfouis en mon cœur, comme un précieux trésor, ces souvenirs heureux de mon enfance qui me donnent force et courage pour avancer et suivre le fil conducteur qui a donné du sens à ma vie. Ce fut l’univers qui forgea mon éducation et mon tempérament, dans un seul but : Etre une fille bien sous tous rapports pour devenir une jeune fille accomplie, bonne à marier : future femme et bonne mère de famille. Je sais que cela peut paraître « vieux jeu » comme diraient certains, mais pour moi, à ce moment là, ma vie était normale et naturelle et ne connaissant rien d’autre, je n’éprouvais aucune frustration. La vie s’écoulait ainsi pour les autres filles en Tunisie, Françaises ou Tunisiennes : pas de différence, c’était la norme !
Un jour, allant aux toilettes, j’eu très peur, du sang coulait de mon ventre, mes cuisses en étaient toutes rouges, j’ai cru que j’allais mourir et m’entendant pleurer, ma sœur ainée vint me voir et éclata de rire en m’expliquant que j’étais devenue une femme, une jeune et petite femme : j’avais 10 ans. Elle me parla longuement de ma transformation biologique, de sexe et me mit en garde envers les hommes: Ne soit pas trop coquette me dit-elle, sinon ils vont penser que tu veux les aguicher. Si tu le fais, tu auras une mauvaise réputation et nos parents seront en colère contre toi. J’ai détesté ce jour là, parce que je venais de comprendre que je perdais ma liberté enfantine et que je devenais une jeune fille et bientôt une femme sous haute surveillance, ce que je craignais le plus.
Dans notre fratrie, les quatre garçons étaient les préférés de notre mère, au moins avec eux, disait-elle souvent , je ne risque pas de les savoir « Enceinte » Nos frères étaient les gardiens de notre virginité et nos gardes du corps , même le plus jeune du haut de ses 6 ans, savaient me rappeler que j’étais une fille et qu’il me surveillait.
Mes meilleurs moments furent ceux de l’école, j’apprenais, je lisais beaucoup et j’étais attirée par la littérature qui me donnait l’occasion de voyager dans mon imaginaire, j’ai aimé l’histoire des « BORGIA » remplie d’amour, de passions et de crimes, je vivais pleinement mes lectures non dirigées, j ‘avais des camarades d’école, mais pas d’amies proches, déjà à cette époque, il m’était difficile de parler de moi, et j’étais plutôt solitaire.Au bout de la rue du Capitaine Marc où nous habitions au Bardo, vivait une famille tunisienne Moncef SAKKA qui fut pour moi, une seconde famille, je m’y sentais bien.Filles et Garçons, ce furent mes amis d’enfance, je vivais comme eux, il n’y avait aucune différence, une grande fraternité et la proximité de nos familles favorisaient ces liens affectueux que le temps avait noués. Nous partagions tous nos jeux, nous étions jeunes et heureux sans arrières pensées, même si j’étais consciente du doux sentiment que je ressentais pour l’un des garçons de la famille : HASSEN. J’avais 11 ans et ce sentiment secret me remplissait d’un grand bonheur. Nous nous inventions des aventures extraordinaires en regardant passer les trains, dont la voie longeait la maison de nos amis, et comme tous les enfants, nous jouions à dévaler la pente depuis chez nous, au 9 de la rue, sur des planches munies de roulements à billes et en surveillant l’abaissement de la barrière du passage à niveau, lequel faisait office de ligne d’arrivée, puis nous saluions les vainqueurs en fanfare, nos têtes remplies d’adrénaline.
Vint l’époque du Lycée, ma mère coupa mes longues nattes couleur châtain clair doré qui recouvraient mon corps. Elle le fit avec regret, mais pour de bonnes raisons, car il lui fallait près d’une heure pour me coiffer et bien que mes frères et sœurs plus âgés soient autonomes, il y avait aussi mon jeune frère à préparer pour l’école du quartier et elle n’avait pas beaucoup de temps. Encore aujourd’hui, je me rappelle mon plus jeune frère Alain qui avait également de très beaux cheveux blonds et bouclés, il ressemblait à un ange. Un jour, oubliant la fête de l’école proche, ma mère lui avait coupé les cheveux, alors aidée par ma sœur ainée, ensemble, elles recollèrent les boucles blondes ………. Quels fous rires ! Enfin j’étais grande, je quittais tous les jours notre banlieue pour aller à Tunis au lycée des Filles « MONTFLEURY » Je me sentais plus libre, car je prenais seule le tramway N° 3 et le Midi depuis le lycée, j’allais souvent déjeuner chez ma Grand Mère et ma tante maternelles qui habitaient 4 rue Sidi KADOUS près de « La porte de France » où trônait, avant l‘indépendance de la Tunisie, une superbe statut du Cardinal LAVIGERIE. La Porte de France avec son monument en forme d’arcade, était un peu comme la place de l’étoile à Paris, mais cela, je ne le savais pas encore.
Chez Grand Mère, j’ai appris à jouer aux cartes et j’ai compris la vie car ce quelle me racontait ne ressemblait pas aux histoires de mes livres. Ma tante me parlait de la vie, de ses amours et ma grand-mère, des histoires de femmes et d’hommes, heureuses ou malheureuses, des histoires corses comme leurs origines, devenues les miennes par filiation et je vivais tous ces moments avec bonheur. Dès petite, ma mère m’avait inscrite dans une école de danse pour parfaire mon maintien et j’adorais cela. Plus que la danse classique, j’ai aimé la danse rythmique, c’est ainsi que j’eu la chance de danser au théâtre national de Tunis un très beau ballet oriental et ce fut un grand évènement familial.
Mes souvenirs d’enfance me ramènent toujours à mon père et à ma mère et leur histoire d’amour : Maman avait 16 ans quand elle le rencontra, il en avait 27, ils étaient beaux, jeunes et amoureux et comme dans les romans, ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants, Il était typographe dans une imprimerie, maman était relieuse de livres.
Le conte de fée s’arrête là, car la vie n’est pas virtuelle, ni un rêve et, très vite, sont venus les enfants, la maison, le ménage, les soucis : la vie quoi !......Avoir une famille nombreuse donne des responsabilités, mon père en avait conscience, il rentra alors dans la fonction publique au service du cadastre et comme il était apprécié car il travaillait bien et aimait ce qu’il faisait, il gravit les échelons, devint chef de service puis ingénieur du cadastre. Notre mère put enfin se faire aider et comme beaucoup de couples, ils devinrent propriétaires de la maison du Bardo qu’ils avaient fait construire pour ma naissance. J’étais très fière d’avoir découvert l’année de ma naissance gravée sur une allée cimentée que depuis, je parcourais avec orgueil. Ma mère cultivait des fleurs qu’elle revendait sur pied, pour se faire un peu d’argent dont elle disposait à loisir. Elle avait ainsi un peu d’autonomie financière.Je me souviens de mon enfance dans ce beau jardin rempli d’arbres sur lesquels je grimpais avec mes frères et sœurs, les gouters au retour de l’école ou pendant les vacances étaient des moments fabuleux et nous mangions sur les branches d’arbres, comme des singes que nous étions devenus, des grosses tartines garnies de rondelles de tomates bien rouges avec des olives et ou des grosses tranches de pain beurrées d’huile d’olive sur laquelle on rajoutait du sucre en poudre. Il y avait également des grosses bagarres pour des riens entre fille et garçons, ces derniers se prétendant les chefs et nous prenaient parfois pour leurs servantes.
Gare à nous si les garçons nous regardaient de trop près !
Puis notre sœur ainée se maria et partit en France, deux frères partirent faire leurs études supérieures en France, le troisième s’engagea dans l’armée, mon autre sœur se maria à son tour et ne restèrent que mon jeune frère et moi auprès de nos parents. Cependant, la lutte des indépendantistes tunisiens reprit en Tunisie dès 1952. Après l’arrestation de BOURGUIBA, des chefs nationalistes et la dissolution forcée du gouvernement CHENIK qui s’était ouvert au NEO DESTOUR pour élaborer un mémorandum sur l ‘autonomie interne, les autonomistes prirent les armes contre le colonisateur « France » tandis que l’organisation « La main rouge » créée par des colons extrémistes, lançait une campagne contre les nationalistes. S’ensuivirent alors des émeutes populaires anti-françaises et des attentats nationalistes anti-nationalistes.
Malgré les réformes successives proposées par la France et rejetées par les nationalistes, la Tunisie était au bord de la guerre. Devant la gravité des évènements, Pierre MENDES FRANCE, nouveau Président du conseil Français vint alors en Tunisie et promit l’autonomie interne lors de son discours de Carthage. BOURGUIBA, Chef du NEO DESTOUR invité à participer aux Négociations jugea la déclaration acceptable et les émeutes stoppèrent.
Mais, quelque chose d’irrémédiable s’était produit, nous étions inquiets car les sentiments de beaucoup de Tunisiens avaient évolués vers la méfiance et parfois même, la haine à notre égard et envers les autres communautés étrangères, ils se sentaient spoliés et pensaient que nous avions pris leurs biens.
Tous les accords passés notamment depuis 1945 avec le Général de GAULLE comme « Etat associé de la France, » furent balayés par le désir d’indépendance des Tunisiens, désir bien entretenu par BOURGUIBA de retour en Tunisie depuis 1949. Bien que marié à une Française, il intensifia sa campagne politique en s’appuyant sur l ‘union générale des travailleurs Tunisiens. C’était par ailleurs un excellent avocat qui savait parler au peuple. J’étais alors trop jeune pour comprendre leur légitime désir d’indépendance, j’aimais la Tunisie comme on aime son pays natal , je ne comprenais pas ce qui se passait, et je me demandais avec une profonde tristesse, où étaient les sentiments amicaux et respectueux que la grande majorité des diverses communautés se portaient mutuellement ? D’un seul coup, l’amitié s’était transformée en haine, nous étions devenus l’envahisseur, l’usurpateur, l’ennemi ……….
Les émeutes et attentats venaient d’effacer des années de rapports cordiaux entre toutes les communautés vivant sur le sol tunisien: Juifs-Italien-Français, pour ne citer que les principales, bien intégrées et respectueuses des us et coutumes des Tunisiens. Quant à ma moi qui vivais comme les jeunes tunisiennes, respirant le même air et parlant l’arabe aussi bien que le Français, l’italien, l’espagnol ou l’anglais, je les aimais comme l’on aime ses amis d’enfance. Les Français étaient appelés « PIEDS NOIRS » en référence aux premiers colons qui avaient débarqué sur le sol Tunisien, chaussés de bottes noires, mais nous étions aussi leur « Houilla » frère (en langue arabe H se lit R) lorsqu’ils s’adressaient à nous.
Cependant, depuis les émeutes et attentats, pour les tunisiens, comme pour certains soldats des troupes françaises venus en renfort, nous étions « les étrangers » des voleurs de biens et bien que fidèles, certains de nos amis tunisiens nous évitaient par crainte de représailles. Quel gâchis !....... Il y eut des morts de chaque côté hélas, et la haine aidant, d’amis puis d’étrangers nous sommes devenus « les ennemis » sur ce sol que j’aimais tant.
La situation politique évoluait favorablement pour les Tunisiens, les accords de Carthage signés Le 3 juin 1955 entre le premier Ministre tunisien Tahar Ben Amar et Edgar FAURE, successeur de Pierre Mendes France, concrétisèrent une série de conventions qui donnèrent officiellement son autonomie à la Tunisie.
Le 17 septembre 1955 fut installé À TUNIS le 1er gouvernement uniquement composé de tunisiens.Le 20 mars 1956, un nouvel accord abrogea le traité du Bardo de 1881 et reconnut la Tunisie comme une monarchie constitutionnelle entièrement souveraine.
La mort dans l’âme, les Français comprirent que de gré ou de force, il leur faudrait partir. Ils étaient et se sentaient indésirables depuis l’indépendance et les tunisiens ne manquaient pas de le leur rappeler. Pour le moment, mon père n’était pas concerné, puisqu’à la demande de la France et de son administration, en sa qualité de fonctionnaire et de responsable du cadastre, il avait accepté de rester pendant un an afin de former les cadres Tunisiens qui prendraient la relève, mais mon instinct me soufflait que nous serions dans l’obligation de partir dès la mission effectuée. C’est à ce moment là que notre vie bascula dans une profonde incertitude, vendre la maison ? Partir pour la France ? Avec quel argent ? Tous les jours je lisais l’angoisse dans les yeux de mes parents, une angoisse obsessionnelle qui transformait mon adolescence en tragédie.
Mais si mes yeux restaient secs, mon cœur saignait car, je comprenais trop bien que tous les sacrifices de mes parents étaient inscrits dans le marbre de notre maison durement acquise : leur fortune : 7 enfants dont encore deux à charge, mon jeune frère et moi et cette maison qu’ils venaient à peine de finir de payer.
Comment leur dire mon amour pour eux, comment les aider ? Je n’étais qu’une « FILLE » de 17 ans et depuis 1 an, dès après mon bac, j’étais entrée dans une école d’assistance aux malades pour devenir infirmière puis sage-femme, à ce moment là, il me restait deux ans d’études à faire dont une année de spécialisation sage Femme.
Travailler ? Pour mon père, il était infamant d’envoyer sa fille travailler, je n’avais pas été éduquée dans ce but, il était trop fier, Il avait déclaré qu’il lui appartenait de nourrir sa famille, dont il était le seul responsable. Quant à mon jeune frère de 13 ans, il allait au lycée et sortait à peine de l’enfance. Enfin la décision de vendre fut prise car , sur ordre du gouvernement Français, mon père en sa qualité de fonctionnaire se devait rejoindre la France avec sa famille dès le mois de juin 1957. Nous étions désormais en attente de rapatriement.
Mais un rapatriement pourquoi faire ? Aucune économie, où aller ? Que contenait la promesse de cette autre vie à construire, mon père allait avoir 58 ans et il aurait du se préparer à une douce retraite ? Ma mère n’avait que 47 ans mais elle était fatiguée par ses nombreuses grossesses et aspirait au repos, alors que faire ? Nous n’en savions rien….. Toute notre vie future était suspendue à la décision du gouvernement français de nous renvoyer en France et nous n’en connaissions pas la date, sauf qu’il fallait partir , c’était un ordre !
Autre problème, mon père était Français natif d’Algérie et ses parents décédés, lui avaient légué une maison de pécheur où il aurait aimé prendre sa retraite, c’était son rêve, mais désormais, l’Afrique du Nord était un terrain miné pour les Français et les évènements qui s’ensuivirent, ne firent que confirmer l’impossibilité pour mes parents de partir en Algérie où la situation s’aggravait par un état de guerre pour son indépendance.
La vente de notre maison ne fut pas facile, chaque visiteur Tunisien ne manquait pas de nous rappeler que la maison était construite sur un sol qui leur appartenait, que devant partir, qu’il détenait le pouvoir de négociation. Selon nos visiteurs, ils étaient gentils de nous laisser vendre un bien qu’il pouvait obtenir sans bourse déliée.
Enfin un miracle, nous étions en début d’année 1957, une famille se présente à mes parents et leur déclara que la maison leur plaisait, le chef de famille au cours d’un entretien avec mon père, lui proposa de signer un acte d’achat, mais le paiement de la maison se ferait ultérieurement, car il ne pouvait pas payer le jour de la signature, cependant il s’engageait à envoyer l’argent de la négociation en France dès qu’il le pourrait et notamment avant la fin de l’année 1957.
Nous n’avions guère d’autre choix que celui de la confiance et mon père accepta de vendre à cette famille dont il s’avéra plus tard qu’elle tiendra ses engagements à la grande satisfaction de mes parents. Alors l’attente commença, car dès la vente de la maison terminée, il fallut prendre d’autres décisions, vendre les meubles, les vêtements que nous ne pourrions emporter, bref tout ce que l’on possède dans une vie et que l’on accumule au fil des ans avec une nombreuse famille. D’autant que dans l’incertitude de notre prochaine installation, il était préférable de prévoir qu’il serait difficile d’adapter le mobilier à une nouvelle vie, dans une maison ou appartement dont nous ne savions rien, ni ce que seraient les moyens financiers de mes parents, qui pour l’heure, étaient vraiment très limités. Le projet familial de mes parents se caractérisait alors par la seule question du choix de souvenirs peu encombrants à emporter et des vêtements représentant un minimum pour assurer une vie décente et respectueuse de notre intégrité personnelle. Cela se traduisit par 4 valises représentant une vie dont nous allions clore définitivement les chapitres qui comptaient pour mes parents, mon frère et moi, et dont les dernières heures allaient être les plus sombres de notre vie, jusque là heureuse et sereine.
Lorsque je me retourne sur mon passé, je suis surprise de voir la femme que je suis devenue, car en même temps, me revient brutalement à l’esprit, le douloureux souvenir de cette journée où quittant la Tunisie, mon pays natal, je mettais pour la première fois, mes pieds sur le sol Français. Je n’oublierai jamais la date du 1er Juin 1957. Je me souviens de ce quai du Port de Tunis, encombré et grouillant d’une population colorée et bruyante, et dans mes oreilles résonne encore la sirène du bateau « Ville d’Alger » qui nous emporte vers un horizon inconnu empreint de douleurs et d’angoisses. Je vois le quai s’éloigner puis devenir un petit point à l’horizon jusqu’à disparaître. Je revois aussi un autre quai, le port de Marseille, débarquant des flots de rapatriés, touristes malgré eux, tristes et honteux, tête basse comme une population mal aimée, qui n’a qu’une envie, être invisible des autres, disparaître ! Ce que certains redoutant leur avenir compromis ont d’ailleurs fait en se suicidant. Ma première impression restera longtemps et douloureusement gravée dans mon esprit. J’étais une adolescente de 18 ans meurtrie lorsque nous avons débarqué à Marseille sans retour possible en Tunisie, du moins pour y vivre.
L’air est printanier, mais en ce mois de juin 1957, je viens, avec ma famille, de faire un plongeon dans l'inconnu avec l’incertitude et l’insécurité financière pour seul horizon. Nos bagages sont aussi légers que notre angoisse est lourde. Nous sommes quatre et nous avons quatre valises, lesquelles désormais, représentent tous nos biens.
La France, j'en avais toujours rêvé comme d'un pays accueillant, comme la mère patrie de tous ses enfants partis dans les colonies la servir et l'aimer assez pour y penser comme à la femme aimée restée au loin et que l'on a hâte et plaisir à retrouver.
J'avais souvent pensé à la joie de mon premier voyage en France, mais jamais, je n'aurais pu imaginer que ce serait sous la contrainte des évènements politiques.
Après 24 heures d’une traversée houleuse dans une mer démontée qui semblait partager ma colère et mon angoisse d’adolescente, j’étais dans ce train qui nous conduisait de Marseille à Paris où l'un de mes frères, Jean notre ainé, nous accueillera et je regarde le paysage, mais je ne le vois pas. Mon esprit est ailleurs, lorsque petite fille, j'interrogeais Maman sur la France, elle me disait que les gens étaient gentils, agréables et que dans les petites villes, il y avait des arbres fruitiers en abondance et que l'on pouvait y cueillir les fruits. Elle s'y sentait alors heureuse, car pour elle, ces courts voyages en France étaient sa récompense, ses seuls et rares moments de liberté, alors qu'elle venait voir deux de mes frères qui y faisaient leurs études.Maman s'était mariée très jeune à 16 ans et avait eu son premier enfant très vite et nous étions devenus sept assez rapidement avec peu d’écart d’âge, sa vie nous était entièrement consacrée.
Je comprenais ce que représentait ces moments, rares espaces de liberté, et lorsqu’elle en avait la possibilité, c'était pour elle, un grand bonheur et un peu de repos mérité. Je suis sure qu'elle y pense alors que le train nous emporte vers cette nouvelle vie dont nous ne savons rien et qui n’augure rien de bon à cet instant. En France, nous allons retrouver deux de mes frères: l'un est professeur de dessin, mon frère ainé est ingénieur dans l'industrie. Deux de mes sœurs sont mariées et mon autre frère est militaire de carrière. Tous les trois sont encore en Tunisie. En d'autres circonstances, voir Paris eut été pour moi, adolescente, une grande joie, mais en ce mois de juin 1957, je n'ai pas envie de rire, je pleure sans le montrer à mes parents, mes yeux sont secs : je suis triste et j’ai peur de l’avenir incertain qui nous attend.
Je n'ai plus d'amis, plus de maison, plus d'objets familiers et rassurants. Le soleil de France qui éclabousse mon visage ne réjouit pas mon cœur, je ne le vois même pas, je garde la tête baissée car je n'ose affronter le regard de mes parents que je sais très malheureux et inquiets comme moi, même s’ils essaient de nous le cacher. La seule chose dont je suis sure à ce moment de ma vie, c'est que nous allons vivre provisoirement chez mon frère en banlieue parisienne, il a quatre enfants et nous serons dix dans son petit appartement. Cette pensée me ramène à notre grande maison, là où je suis née, là où j'ai vécu mon enfance et mon adolescence, là où j'ai laissé tous les souvenirs de ma jeune vie alors je ne me retiens plus et j'éclate en sanglots.
Je n’ose imaginer nos futures conditions de vie, mais je sens que cela sera difficile, surtout pour mes parents. Ils sont à l’âge où ils pensaient calme et sérénité, mais aujourd’hui c’est l’opposé : Incertitude, plus le tourment moral et financier. En effet, bien que nous ne soyons plus que 2 adolescents encore à leur charge, nos cinq frères et sœurs étant autonomes et installés dans la vie, des nouvelles épreuves et une nouvelle vie les attendent, car il leur faut repartir de zéro.
Mon frère et sa famille nous accueillent à Paris, à la gare de Lyon, il fait beau, il y a beaucoup de monde et du bruit, les gens circulent dans tous les sens, cela me donne le vertige, en voiture dans Paris, cela semble encore plus fou, j’ai du mal à regarder partout, tous mes sens sont en éveil et aiguisent ma curiosité.
CHAPITRE II
Cela fait maintenant deux mois que nous sommes à Paris, mon père n’a pas encore son affection, nous pensons qu’il la connaîtra vers septembre. La vie n’est pas drôle dans ce petit appartement, les uns sur les autres, pratiquement sans intimité, mais n’est ce pas le lot de tous les réfugiés ou immigrés ? qu’ils soient Français ou non … j’avais besoin d’un minimum d’espace où lire et écouter de la musique dans le calme pour décompresser et réfléchir à ma vie future. Comme il serait vain de me plaindre, je fais comme beaucoup de jeunes filles, par mes lectures, j’alimente des rêves qui nourrissent mon esprit et me donnent espoir et courage. Les soucis de mes parents ne s’étaient pas envolés pour autant et bien que mon père n’ait pas encore son affectation, nous devions trouver une maison où nous installer et pour mon frère et moi, reprendre nos études.
En attendant, comme mes parents avaient l’esprit ailleurs, j’eu la chance de décrocher un job d’été, et mon père accepta enfin que je travaille durant les vacances scolaires. Depuis un mois, je suis employée de bureau pour une compagnie d’assurances près de l’étoile à Paris. Un vrai bonheur, je revis, je peux m’habiller, sortir seule, voir du monde, découvrir Paris et mener la vie de toutes les jeunes filles Françaises, même si j’angoisse encore un peu lorsque je dois prendre le métro. Bref je retrouve une vie à peu près normale, je déjeune au soleil à la terrasse d’un café quand cela m’est possible, et j’apprend la vie professionnelle, ce qui me permet de gagner un peu d’argent pour faire face à des menus frais comme on peut en avoir à cet âge et surtout, mettre de l’argent de côté pour reprendre mes études d’infirmière.
Je me sens à l’aise au travail et heureuse dans ce bureau, j’apprends, j’apprends …… Je respire cet apprentissage comme une bouffée d’air frais qui m’envahit et me réchauffe le cœur et l’esprit. Je vis et ne demande qu’à apprendre même si je reçois des ordres et des consignes strictes, je me sens bien et heureuse de souffler, hors de ma famille absorbée par les problèmes de tous ordres qui s’abattent sur elle. Depuis que j’ai obtenu ce job d’été, j’ai compris la signification du mot « LIBERTE » et je trouve extraordinaire, ce sentiment qui me porte, car je n’avais jamais connu cela en Tunisie où les jeunes filles et les femmes en général, sont toujours accompagnées et ne sortent jamais seules. Juillet, Août septembre, ces trois mois ont défilé à toute allure, j’ai vécu comme sur un nuage et je prenais goût à cette vie lorsque tomba la nouvelle de l’affectation de mon Père : Saint Germain en Laye, en région Parisienne, là où était rattaché le cadastre Français, au sein du service des finances. Mon père commença à aborder le sujet un soir où nous étions tous à table en famille et chacun sentait que malgré l’incertitude, cette nouvelle avait fait tomber la tension nerveuse : mon père connaissait son avenir et pour mon frère et sa famille, cela signifiait aussi qu’ils allaient retrouver une vie normale comme avant notre arrivée, laquelle avait bousculé leur vie et les habitudes familiales. Quant à nous, la grande question devenait celle du choix du lieu de notre prochaine vie : La région parisienne ou partir en province ? En effet, la date de la retraite était proche, d’autant que mon père bénéficiait d’un bonus permettant une retraite anticipée, pour avoir élevé sept enfants.
C’est sous cet angle et la vision de sa proche retraite que notre père décida de notre installation en Touraine : Amboise plus exactement où mes parents achetèrent une modeste maison pour laquelle, ils durent faire un emprunt afin de la payer et procéder à l’achat du mobilier et du linge dont nous aurions besoin. Au troisième trimestre 1957 à Amboise en Indre et Loire commença notre nouvelle vie.
Les difficultés financières étaient toujours présentes, mais au moins nous étions chez nous. Nos acheteurs tunisiens avaient honoré leur dette et avaient payé la maison du Bardo, certes très en dessous de sa valeur réelle, mais au moins, mes parents avaient un peu d’argent pour démarrer leur nouvelle vie. Je n’aime pas notre nouvelle maison. Elle représente un toit qui nous abrite, sans plus, surtout lorsque je la compare avec notre maison du Bardo enfouie précieusement dans mes souvenirs, comme pour me protéger. Nous ne connaissions personne à Amboise, nous étions considérés comme des étrangers pour ne pas dire des « Arabes » nous vivions dans un isolement total et ma mère se retrouvait avec toutes les difficultés financières de l’installation et de l’adaptation à sa vie nouvelle.
Tout cela, sans le soutien physique de notre père qui prenait le train dès le Lundi matin pour Saint Germain en Laye via Paris et ne rentrait qu’en fin de semaine. En 30 ans de vie commune, mes parents n’avaient jamais été séparés, ils avaient toujours vécu côte à côte avec leurs 7 enfants, se retrouvant tous les soirs après le travail de mon père et pour ma mère cette séparation fut très douloureuse.
Mon jeune frère avait repris ses cours au collège d’Amboise et moi je ne disais rien à ma mère mais je souffrais de la nouvelle existence que je passais à TOURS où tous les jours je partais par le premier train du matin.
En effet, j’avais du me présenter à l’examen d’entrée de l’Ecole d’infirmière de la Croix Rouge Française et mon examen réussi, j’avais repris les cours de première année comme une débutante alors que j’avais deux ans d’expérience à mon actif. Les deux ans d’études en Tunisie, n’avaient pas été retenues par la Croix rouge et j’avais dû me résigner à accepter cette situation. L’école de la croix rouge était sous la houlette des sœurs infirmières, lesquelles dirigeaient aussi les hôpitaux et les services infirmiers où nous faisions nos stages pour acquérir l’indispensable savoir faire pratique et professionnel. Le plus dur pour moi, fut de supporter cette situation de débutante. En effet, chaque fois que j’exécutais parfaitement les tâches que je connaissais, les sœurs infirmières me déclaraient que je manquais de modestie, que je ne devais pas me mettre ainsi en avant au détriment des autres élèves. Les études étaient payantes et je connaissais le sacrifice financier de mes parents à ce propos, c’est pourquoi je ne supportais plus de me faire rabrouer par « ces bonnes sœurs » qui au lieu de me soutenir, me critiquaient sans cesse. De plus, j’étais épuisée, car je faisais quelques 6 kilomètres à pied tous les jours de la semaine pour aller à la gare d’Amboise prendre le train, autant le soir pour rentrer à la maison. De plus, cela se cumulait avec les heures de stage à l’hôpital de Tours : un travail quotidien d’apprentissage, et l’aide que j’apportais à maman, Matin et soir pour l’entretien de la maison, car il me fallait l’aider et la soulager.
Par ailleurs, le midi, ne pouvant aller au restaurant, je déjeunais rapidement d’un rien pour retourner à mes études et ou mes stages à l’hôpital. Malgré l’ambiance, le travail me sortait de la déprime. Mais je ne supportais plus les sœurs qui, à l’évidence manquaient de charité chrétienne, et je ne voulais plus aller sur la voie publique tendre la main pour collecter des fonds au profit des œuvres de la Croix Rouge. Je souffrais de toutes ces humiliations qui s’ajoutaient à mon désarroi. Je sentais qu’à leurs yeux, j’étais une étrangère, une intruse.
Enfin, un jour n’en pouvant plus et refusant de continuer ainsi, je déclarai à mon père que je n’irai plus à l’école de la Croix Rouge et je fus surprise de voir qu’il consentait enfin à m’écouter lui raconter tous les problèmes que je rencontrais. Plus encore, il les comprenait car dans son service, il rencontrait les mêmes et se sentait mis à l’écart par ses collègues fonctionnaires, ce qu’il ne supportait plus. Il me confia alors, attendre sa mise à la retraite avec impatience. J’étais émue et enfin comprise et je lui demandai de m’autoriser à faire des études accélérées de comptabilité et gestion pour acquérir des compétences nouvelles et construire une autonomie qui me semblait indispensable dans la situation financière actuelle. Nous n’avons jamais été riches, mais rien n’avait manqué à notre famille, alors lorsque la tentation de vivre mieux me traversait l’esprit, je pensais à ce que nous disait souvent notre père et qui représente encore aujourd’hui l’essentiel d’une bonne éducation.
“Je vous donne le Pain;” Il vous appartiendra plus tard, de mettre sur ce pain, le beurre et la confiture qui seront le fruit de votre travail.
”Le pain“ quelle image magnifique pour illustrer l’éducation qui nous était donnée, la valeur travail et la possibilité de faire des études, tout ce dont nous aurions besoin pour assumer notre vie d’adulte
.Alors, lorsque nous avons débarqué de ma Tunisie natale, tels des étrangers sur ce sol français qui m’était inconnu et que la vie fut moins douce, j’ai rapidement compris et anticipé qu’il me faudrait rapidement prendre en charge mon avenir. La brutalité des évènements et leurs conséquence sur notre famille auraient pu me conduire à choisir les regrets et la haine, mais j’ai fait le choix de prendre ce changement comme une opportunité pour me construire une vie de femme responsable.
Ce furent les premiers moteurs qui me conduisirent à prendre en charge ma vie et mon destin pour construire ma vie de femme responsable. la vie compliquée et difficile que ma famille et moi avons traversée.
La volonté, le courage, la ténacité et le travail sont les meilleurs outils à notre disposition pour aller vers la réussite. La force qui nous anime vient des difficultés rencontrées et vaincues, une force qui construit un tempérament et qui nous conduit jusqu’au bout de nos rêves les plus fous.
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