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donzelcie · 8 years ago
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Et si on passait des soft-skills aux smart-skills ?
La littérature managériale comme celle du développement personnel n’ont que la notion de soft-skills aux touches du clavier depuis quelques années. Parfois qualifiées en français de “molles” , comme le furent les sciences humaines par opposition aux sciences dites dures, ces compétences gagnent en noblesse quand on leur préfère les épithètes « relationnelles » ou « comportementales ». 
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On aime à les opposer/complémentariser aux “savoir-faire” en les désignant “savoir-être”. Et l’on s’accorde à les considérer comme les compétences d’un futur (très incertain) sans bien être capables de les définir mieux que par l’inventaire à la Prévert des aptitudes nécessaires à la compréhension rapide des situations et au changement de soi qui impacte le monde : empathie, agilité, résilience, sens de l’échec apprenant, capacités de recul et de questionnement, de négociation, de communication, d’influence, à inspirer confiance, créativité, assertivité, ouverture d’esprit et inclusion, accès à ses propres intuitions et sens des tendances... 
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N’oublions-nous pas dans cette liste un fondamental transversal : la capacité à penser l’altérité (et plus généralement la diversité du monde) en dehors des binarités. 
Nous avons (hélas) hérité d’une lecture biaisée, car pas trop simplificatrice, de Descartes et de son exposé sur le corps et l’esprit. Nous y avons vu un distinguo portant la possibilité d’une hiérarchie conflictuelle ou d’une complémentarité apaisante : l’un plus valable que l’autre, l’un contre l’autre ou l’un avec l’autre, selon que l’on soit intello (moins con que le sportif), sportif (plus sain que l’intello), champion·ne de la somatisation (”le corps parle”) ou artiste des actes manqués (”l’inconscient s’exprime, que veux-tu?”), control freak (”Je fais ce que je veux avec mes cheveux de mes émotions”), passionné·e de développement personnel (”tu devrais essayer le lâcher prise” – ndlr : ça s’enjoint ça, le lâcher-prise?!), rationnel jusqu’à la déraison (”ce qui n’est pas objectivable ne vaut rien”), mystique confirmé (”l’harmonie et l’équilibre, c’est le vrai dépassement de soi”) etc... 
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C’est sans doute une interprétation limitée de Descartes, lequel construit certes une dualité indépassable entre l’âme et le corps, sans que ce soit pour autant la finalité de sa démonstration sur l’essence de l’être, à savoir une dynamique doutante (et qui doute ne saurait en être jamais tourmenté·e dans sa chair) donc pensante. En somme, capable d’être au monde parce que capable d'interroger le monde.
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Ce qui nous ramène à notre affaire de “skills” par un autre chemin que celui qui sépare les “hard” (savoir/savoir-faire qui outilleraient la raison et appliqueraient les méthodes) des « soft » (savoir-être qui enroberaient les premières de souplesse, ambianceraient l’environnement et feraient la mentalité futée de celles et ceux qui ont un temps d’avance). Pour cela, nous proposons le concept de “smart skills”. 
Smart comme l’adjectif anglais qui désigne une posture réunissant intelligence, aisance et élégance. 
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Smart comme on qualifie aujourd’hui les objets connectés (à commencer par smartphone) et les projets intégrant des technologies avancées (smart city...). Est-ce à dire qu’on en train de laisser le smartness à la technologie, au risque qu’un jour, l’objet connecté soit l’étalon de référence pour évaluer l’humain·e? Voyez la scène futuriste : “il/elle est vachement bien. Presqu’aussi smart qu’une tablette !” . 
C’est là le grand fantasme démiurgique autant qu’apocalyptique de l’intelligence artificielle. Qui fait oublier que cette intelligence machine n’a de smart que ce qu’on lui attribue de périmètre d’intelligence : des capacités de calcul et de mémoire qui dépassent les potentialités humaines, une précision et une rapidité d’action/réaction enviables, des aptitudes d’abstraction qui ne demandent qu’à se développer selon les tenant·es de l’IA forte, et peut-être demain, d’après les mêmes, la possibilité de reproduire de façon bluffante des signaux de conscience et d’émotion. 
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La riposte anxieuse face à cette perspective consiste à défendre l’humaine supériorité en ce qu’elle possède encore qui n’appartient qu’à elle. Autant se tirer une balle dans le pied : l’intelligence artificielle ne vise qu’à conquérir les territoires de l’humaine spécificité. Rien n’exclut a priori que le robot soit inventif, artiste, amical ou à tout le moins qu’il en donne tous les signes et en exerce les fonctions. C’est sa limite : l’intelligence artificielle est signalétique et fonctionnelle. C’est à dire sans authenticité ni gratuité. 
Là se dessinent en creux ce que sont les smart skills humaines :
- singularité individuelle avec tout ce que ça contient d’imprévisibilité et de méconnaissance (y compris à soi-même) des failles invisibles/irrévélées comme du potentiel génie.
- générosité authentique, avec tout ce que ça implique de contestation radicale de l’utilitarisme pour faire place à l’irrationnel des coups de cœur, des inflexions sentimentales, des résonances personnelles que même la psychanalyse la plus poussée ne permet pas de cerner...
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Il y a là une bonne nouvelle, un grand vertige et des manches à retrousser.
La bonne nouvelle, c’est que nous sommes à peu près tou·te·s bien outillé·es pour les smart skills. Car, si l’on résume grossièrement le trait, ça renvoie assez directement à notre capacité à faire des conneries. Toutes sont potentiellement sources d’apprentissage, par l’expérience et/ou par l’exemple. Certaines sont chanceuses, et vive la sérendipité! D’autres sont plus douloureuses, et comment alors en limiter les impacts désastreux?
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C’est de là que vient le vertige. Que risque-t-on à une humanité constituée de faiseurs/faiseuses de conneries décomplexé·es qui osent tout, c’est même à ça qu’on les reconnaît? Un monde d’apprenti·es-sorcier·es testes-tout qui font du “droit à l’erreur” un billet aller simple pour le grand pornawak? Un monde régi par l’insaisissable des singularités individuelles anarchiquement associées ? 
En fait, c’est déjà notre monde, qu’on œuvre en Sisyphes de l’organisation à processer pour limiter les dérives et les excès, réduire les aléas ou au moins leurs effets, prévenir les catastrophes en chaîne. Sans grand succès, les effets de l’activité humaine sur le changement climatique, entre autres échecs de l’humanité à faire son bien par la seule organisation de ses activités, en témoigne. 
Une autre réponse que le process s’impose. Elle est à trouver du côté de la responsabilité. Laquelle repose sur les valeurs, et surtout sur le poids qu’on leur accorde par rapport à celui que l’on confère aux intérêts. Voilà le troisième étage de la fusée des smart skills : la place rendue à la valeur du juste (équitable et responsable) dans les motifs d’agir ou ne pas agir en tant qu’individu comme au niveau collectif.
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Beau programme, mais il va falloir se retrousser les manches pour le réaliser. Car ce sont de vrais efforts de transformation de nos façons de voir et de faire qu’appelle la montée en force des smart skills :
Faire place à la singularité oblige à la généralisation de la culture de l’inclusion. On en connaît désormais bien les paradigmes mais les vieilles habitudes de penser le monde en catégories opposables à moins qu’elles ne soient complémentaires ont dans la réalité le cuir toujours épais.
Valoriser la générosité authentique demande une inversion des priorités : le sentiment passe avant la raison (c’est de toute façon déjà le cas, si on fait le compte honnête de nos post-rationalisations), coopérer précède gagner (ce qui vaut pour l’individu qui renoncera à briller individuellement pour verser son énergie et son talent au pot commun, vaut aussi pour l’entreprise qui préservera l’écosystème environnemental et social avant ses marges de profitabilité), l’engagement n’est pas un utilitaire mais une fin en soi.
Faire de la valeur du juste une colonne vertébrale de l’action humaine impose une révision fondamentale des attendus en terme de compétences et postures comme des critères de reconnaissance de celles-ci. Cela passera par un travail de re-qualification des composantes de la performance, demandant probablement des formes d’objectivation au moins partiellement débarrassées de l’obsession du chiffrage. Car ce qui a le plus de valeur n’a souvent pas de prix. Pour autant, on ne sait pas bien donner de la valeur à ce qui est en incapacité d’afficher une valorisarion par le prix. Sans doute aurons-nous montré à quel point nous pouvons être smart quand nous aurons inventé quelque chose d’encore plus génial que le chiffre (ou ses artefacts ordonnant hiérarchie) pour évaluer et l’argent (et des dérivés) pour échanger, récompenser et donner à tou·te·s les moyens du bien-vivre et de la participation au progrès.
Marie Donzel, consultante en innovation sociale
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donzelcie · 8 years ago
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C’est quoi, la symétrie des attentions?
Qui a vu la série Mr Selfridge connaît les origines de l’adage B2C qui pris valeur de dogme dans la seconde moitié du XXe siècle : “le client est roi”. 
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La théorie du “customer first” a donné toute une méthodologie du marketing : identification des cibles, composition de l’offre à partir de l’analyse de la demande, signature relationnelle anticipant le besoin pour créer le désir puis imposer la nécessité puis installer l’exigence... 
Toute la culture du service a été imprégnée de cette relation sado-masochiste (et n’oublions pas, en disant cela, que dans le SM, comme l’exprime avec pertinence Deleuze, c’est toujours le M qui gagne. Faites le souffrir, il aime. Refusez de le faire souffrir, il prend son pied dans la souffrance d’être frustré) qui fait du client un potentiel petit dominateur imbu de son pouvoir d’achat se pensant en légitimité de traiter à sa guise, avec odieuse autorité ou aimable condescendance et pourquoi pas humaine équanimité si ça lui prend, le valet payé pour le satisfaire. 
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Le modèle a eu ses beaux jours. Ses heures plus sombres aussi car si le masochisme assumé peut faire promesse d’une marque, le tempérament de soumission n’est pas forcément le plus joyeusement partagé par celles et ceux qui sont supposé.es la tenir face aux client.es. Malgré cela, le modèle reste difficile à dépasser car il a installé de solides habitudes consommatrices. Car aussi, il a fait démonstration de sa belle profitabilité en temps de crise quand souffrir au travail pour une rémunération misérable vaut encore moins pire que de ne pas avoir de travail.
Le modèle rencontre cependant ses limites. À la faveur d’une conscience plus aiguisée des consommateurs et consommatrices de plus en plus souvent gêné.es aux entournures de gueuler contre le pauvre gars ou la pauvre nana de la hotline qui n’y est pour pas grand chose si le service rendu n’est pas à la hauteur de la promesse de l’opérateur et du prix qu’il/elle paie. On s’excuse magnanimement de l’humeur exécrable dans laquelle nous met les 17 minutes d’attente à écouter un air d’ascenseur en boucle pour finalement s’entendre dire que notre problème n’a pas vraiment de solutions sans que ce soit la faute directe de la personne qui est au bout du fil. Mais le mécontentement est là, palpable et qui infuse la relation, et qui produit de la souffrance.
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Le modèle est aussi mis en cause par l’objectivation des dégâts directs et induits pour l’entreprise et pour la société de la maltraitante autorisée, sinon organisée. Absentéisme, maladies professionnelles, risques psychosociaux, gaspillage de la ressource la plus précieuse (l’humain, quoi), désengagement des collaborateurs et collaboratrices, répercussions sur l’entourage personnel du/de la salarié.e en souffrance... 
Au total, la souffrance au travail coûterait rien que pour la part risques psycho-sociaux 617 milliards d’euros par an à l’Europe, selon les estimations de l’Agence européenne pour sa sécurité et la santé au travail. 
Et c’est un vrai coût, et non un investissement : il n’y a pas de profitabilité espérable de la maltraitance au travail autre que celle d’organisations coucous qui couvent leurs profits mal acquis dans le nid d’un système de protection sociale qui n’en a très manifestement pas les moyens. En d’autres termes, ne gagnent à la maltraitance professionnelle que ceux qui comptent sur la collectivité pour en payer la facture.
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Une fois compris que la maltraitance professionnelle est un non-sens économique après être un inadmissible de principe, peut-on démontrer que la bien-traitance, en sus d’être un impératif humain est un levier de performance économique et sociale? 
C’est l’objet de la théorie de symétrie des attentions, formulée une première fois en 2007 par les chercheurs en science du management Charles Ditandy et Benoît Meyronin puis popularisée en 2010 par le best-seller de l’homme d’affaires indien Vineet Nayar. 
Renversement de la proposition de Selfridge : le “customers first”  fait place à l’ “employees first”. Le pari est le suivant : ce qui est bon pour les salarié.es bénéficiera aux client.es. Soignez les conditions de vie au travail de vos hôte.sse.s d’accueil ou de vente ou tout.e agent.e au contact du public, ils/elles seront en meilleure posture pour recevoir la clientèle ; ne laissez pas les conflits de valeurs s’installer chez vos salarié.es, ils/elles seront plus convaincant.es et plus engagé.es dans la promotion et la défense de votre marque, voire ils/elles s’en feront des ambassadeurs/ambassadrices zélé.es ; formez à haut niveau et de façon continue vos équipes et vous réduirez les non-qualités et raréfierez les situations d’incapacité à répondre à la demande des client.es, frustrantes pour tout le monde, etc. 
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Simple retour aux valeurs paternalistes qui adossent la productivité de la ressource humaine au bien-être du personnel ou vrai changement de paradigme ? C’est la méthode de la symétrie des attentions qui fait pencher la réponse du côté de la seconde option. 
Nayar pose un impératif catégorique qui traverse l’ensemble de son plan d’action pour mettre en œuvre la symétrie des attentions : le devoir premier de l’organisation de faire monter la confiance. Confiance individuelle des individus, confiance entre les individus, confiance en l’organisation (voir notre allégorie du trapèze volant). 
Quatre étapes pour cela :
1/ Audit lucide des points forts et des points d’efforts des 3 instances visées par l’objectif de montée en confiance : l’individu, le collectif de travail, l’organisation.
2/ Culture de la transparence propice à l’empathie interpersonnelle, à la compréhension des enjeux et de la stratégie des organisations, exposé direct des codes formels et déverrouillage de l’accès aux codes informels.
3/ Responsabilisation de tout.e.s, à commencer par les agent.es de première ligne en contact direct avec le public dans les activités de service. Le management y perd son rôle instruction-contrôle-validation pour prendre celui d’autonomiser et sécuriser les individus confié.s à (et nous plus placé.s sous) sa responsabilité.
4/ Décentralisation des processus de décision. Ni up-bottom ni bottum-up dans quelqu’appréhension verticale de l’organisation mais écosystème multispectral des centres de décision auxquels les premier.es concerné.es par une problématique participent activement.
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Ayant appliqué cette méthode dans sa propre entreprise, Nayar a pu annoncer un triplement de son bénéfice d’exploitation en 4 ans, via notamment une multiplication par 5 de son volume de clients qui a permis la création de 1500 emplois... Et 70% de croissance de la satisfaction des employé.es portant directement effet sur la réduction du turn-over et la croissance sensible de l’engagement.
Tentant, non, le cercle vertueux qui bénéficie à l’entreprise et à l’économie, aux individus au travail et à la création d’emploi, à la société et au système de protection sociale (par effet de réduction des coûts liés à la souffrance au travail et d’augmentation des cotisations imputables à la création d’emplois chargés)? 
Alors pourquoi n’y passons-nous tous pas tout de suite? Écartons de la réflexion l’organisation sans vergogne qui ne court qu’après le profit rapide et ne voit rien de plus efficace pour y parvenir qu’un fond esclavagiste et concentrons-nous sur ce qui fait frein dans les organisations soucieuses de performance durable et d’augmentation de la création de valeur sociale en même temps que de valeur économique.
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Reprenons point par point les étapes de mise en place du système de symétrie des attentions :
1/ audit lucide des points forts et points d’effort. Le frein se situe ici du côté de notre rapport psycho-culturel mal placé à l’évaluation. En grossissant le trait, nous percevons comme compliment, bon point et objet de fierté ce qui est reconnu comme nos points forts. Nous tendons à en faire de l’acquis validé là où nous pourrions en faire de la responsabilité mutualiste à l’égard de ce(ux) qui réussi(ssen)t moins. 
Quant à la mise en évidence de nos faiblesses et failles, pudiquement appelées points d’effort, nous la recevons comme de la démonstration d’échec, du reproche, du facteur déception dégradant la confiance que l’on inspire et par effet miroir celle que l’on a en soi. Pour renverser la vapeur, allons plus loin que l’idée de points d’effort : promouvons l’échec apprenant. Car qui se plante a en réalité bien meilleure connaissance des arcanes, méandres et chausses-trappes d’un projet que celui ou celle qui masterise du premier coup. L’échouant.e honnête et responsable est en capacité d’analyser les erreurs, d’émettre des hypothèses sur les causes et de proposer des solutions pour les corriger puis à l’avenir les éviter. C’est contre-intuitif, mais c’est lui/elle qu’il faut valoriser et mettre en condition de prise de parole et d’action.
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2/ Culture de la transparence. On y a été mal habitué.es, forgé.es que nous sommes dans nos postures d’ascension par l’idée que le pouvoir passe par la détention/rétention d’information aux fins d’en faire usage selon l’agenda et auprès des cibles qui serviront le mieux nos intérêts… Mais pas exactement ceux du collectif. 
La culture du secret se défend dans certains cas très précis : secret des sources pour les journalistes, secret industriel pour les innovations ayant engagé d’importants investissements en R&D, secret diplomatique pour des opérations sensibles etc. Mais secret des budgets dans une activité commerciale opérationnelle ? Secret des réseaux relationnels ? Secret des rémunérations ? Secret des critères de recrutement & promotion ? On peut s’en passer et on le devrait. La transparence est la meilleure des parades à la défiance. C’est aussi une excellente contrainte vertueuse quand elle oblige à mettre les discours et les actes en conformité. C’est encore le socle d’une compréhension fine des situations favorable à la responsabilisation de chacun.e.
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3/ Responsabilisation, donc, venons-y. Deux freins d’intentions contraires en immobilisent les démarches. Le premier se situe dans les reliefs encore vivaces d’une culture d’encadrement à la papa qui positionne le chef d’équipe en quasi-chef de famille, distributeur d’instructions et de tâches, de punitions et de récompenses. La littérature managériale actuelle l’annonce mort et enterré, le terrain en remonte encore plus que des traces, une sérieuse prégnance. 
Le second frein va chercher du côté des risques psychosociaux associés à des démarches de responsabilisation mal menées : sur-engagement, stress (rien de plus communicatif, à part le bâillement, soit dit en passant), auto-évaluation exagérément négative en cas d’échec... Face à ces deux freins, une réponse : le changement des cultures managériales, sans hésiter, mais le changement très solidement accompagné.
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4/ Décentralisation des processus de décision. Ouch ! Mais quelle anarchie ne nous menace-t-elle pas si chacun.e décide d’où il/elle est ! Comment garantir une cohérence stratégique si l’opérationnel agit à sa guise ? Et puis qui voudra être chef.fe si on démunit la fonction de la prérogative de décision ? Et puis, a-t-on besoin de chef.fe, au fait ? La question n’est pas que provocation. Elle souligne une urgence à redéfinir la fonction managériale dans son utilité, dans ses pratiques, dans ses moyens d’action… Et dans son attractivité. 
Car si ce n’est de chef.fe, au sens classique du terme, dont on va avoir besoin, c’est de coordinateurs/coordinatrices sérieusement outillé.es de compétences de pointe relevant aussi bien des savoirs et savoir-faire que des savoir-être. Ce peut tout à fait être ces salarié.es responsabilisé.es du 3è point de la méthode. Ce serait d’ailleurs une bonne nouvelle pour « l’ascenseur social » (même si l’image se périme dans l’abolition du tout vertical). 
Reste à leur faire une offre à la hauteur des compétences attendues, des responsabilités exercées et surtout de l’apport à la création de valeur ajoutée. Si pouvoir et statut n’entrent plus dans le pack de rétribution, reste la rémunération (dans son ensemble et selon toutes les modalités envisageables : salaire, mais aussi primes, participation et pourquoi pas propriété intellectuelle…).
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On le voit, la symétrie des attentions n’est que transformation culturelle. Contrairement à ce qui s’en dit, la transformation culturelle ne prend pas nécessairement des siècles. Il suffit d’observer comment le digital a radicalement révolutionné nos façons de voir et de faire, nos mentalités, nos emplois du temps, nos usages, nos interactions etc. pour se convaincre que moins de 20 ans peuvent suffire à une transformation culturelle pour se faire et porter effets. En l’espèce, la révolution culturelle qu’entraîne la transformation digitale nous parait une opportunité idéalement bienvenue d’embarquer une rapide révolution de la culture managériale. 
Et aussi, en prime, de la culture consommatrice : le client ne sera plus roi (l’a-t-il d’ailleurs jamais été autrement que par son « pouvoir d’achat », qui n’est rien de plus que le transfert momentané du pouvoir de qui a quelque chose à vendre ?). Qu’il s’y fasse ! Il ne lui suffira pas d’être un « bon roi » qui a (bonne) conscience des impacts de ses actes d’achats de biens et services. Mais il va lui falloir abdiquer radicalement. Au nom de la symétrie des attentions. Parce que l’ “employees first”  lui profite comme le démontre le modèle de Nayar. 
Mais aussi parce que l’employé.e, c’est, à un moment ou un autre, lui ou elle. Et que se prendre un instant pour le boss tout puissant en tant que client.e n’a jamais consolé personne d’être le/la manant.e en tant que travailleur/travailleuse.
Marie Donzel, consultante en innovation sociale
Special thanks à Bénédicite Tilloy, qui fut la première à me parler de la symétrie des attentions.
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donzelcie · 8 years ago
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Confiance : l’allégorie du trapèze volant
�� Boostez votre confiance en soi », « dopez sa confiance en soi », « les clés de la confiance en soi » etc. Googlisez « confiance en soi » et voyez le résultat : des pages et des pages de bons conseils truffés d’impératifs injonctionnels et pléthore d’offre de coaching à la papa. 
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A la papa, oui, car pour l’essentiel dirigé vers les femmes avec un préconçu patriarcal ayant force de prophétie autoréalisatrice : les femmes, créatures à la psychologie mal outillée pour le monde réel et en son sein le monde professionnel, manqueraient davantage de confiance en elles que les hommes et ce serait là l’une des causes de leurs moindres audace, assertivité, sens politique, capacités de négociation etc., rejetant la balle des responsabilités du plafond de verre dans leur camp. 
Mais avant même de parler de l’erreur commise en attribuant le déficit de confiance en soi au féminin, il faudrait pouvoir définir la confiance en soi. En l’espèce, on l’aborde par des expressions symptomatiques : complexe d’imposture, autodévaluation, autocensure, peur de se lancer, peur d’échouer, peur de ne pas être à la hauteur... Autant de manifestations de freins intériorisés que l’on dirige d’autorité vers une affection généralisée que serait l’ankylose, voire la nécrose de la confiance en soi. 
Un diagnostic à l’arrache pas loin de rappeler la parabole de l’ivrogne qui cherche ses clés sous le réverbère, non parce qu’il les a perdues à cet endroit mais parce qu’au moins, là, il y a de la lumière. Or, précisément, la lumière n’a jamais été tout à fait faite sur ce qu’est la confiance en soi. 
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Au XIXè siècle, qui voit l’émergence de la psychologie, on s’interroge sur « l’estime de soi ». La notion d’estime relevant davantage de la capacité à s’évaluer soi-même, avec une certaine quête d’objectivation, qu’à celle de croire en soi qui traverse la notion de confiance et laisse un large champ aux intuitions et impressions. 
Charles Horton Cooley (1864-1929), parmi les pères du courant pragmatique, développe la théorie du « looking-glass self » que l’on pourrait résumer ainsi : c’est dans l’image que lui renvoie autrui dans les interactions que l’individu construit une idée de ce qu’il vaut. Bref, on a beau dire, il est impossible de n’en avoir totalement rien à cirer du regard des autres. 
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A la suite de Cooley, Georges Herbert Mead (1863-1931) distingue le « moi » du « je », le premier procédant du positionnement dans la société construit par les interactions selon le système de regards croisées de Cooley ; le second étant sujet de l’expression individuelle capable de défier le « moi » dépendant de l’attention d’autrui. « Moi » et « Je » entretiennent des rapports dialectiques au cours desquels se construit l’estime de soi comme une forme d’auto-évaluation de ce que l’individu peut se permettre d’exprimer de sa singularité dans le cadre des codes et attendus sociaux. 
Julian Rotter (1916-2014) approfondit avec le concept de « locus de contrôle » ou « lieu de maîtrise » ainsi défini : « tendance que les individus ont à considérer que les évènements qui leur arrivent résultent de leurs actions ou au contraire qu’ils sont le fait de facteurs externes sur lesquels ils ont peu d’influence » (chance, hasard, intervention d’autrui en leur faveur ou défaveur, institutions - au sens matériel du terme mais aussi au sens que Foucault lui confère). On retrouve ici le matériau du complexe d’imposture qui consiste à surexagérer la part du subi (malheureux ou heureux) sur celle de l’action sujette. Rotter positionne l’estime de soi du côté de la capacité de l’individu à équilibrer avec autant de justesse que possible ce qu’il se doit à lui-même avec ce qu’il reçoit (de bienvenu ou au contraire d’entravant). 
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Qui fait pencher trop lourdement la balance du côté des facteurs exogènes de ses succès et échecs montre un faible positionnement sur l’échelle de « maîtrise » ; tandis que celui ou celle qui considère n’avoir que ce qu’il/elle mérite (de sa réussite ou de ses échecs) s’installe dans une puissante croyance que son « je » contrôle son destin, jusque dans la capacité à mener le jeu des interactions sociales. 
Un fantasme de toute puissance qui amène le psycho-sociologue Roy Baumeister (né en 1953) à tirer la sonnette d’alarme sur les risques que font courir à eux-mêmes et au collectif, l’excès de confiance de soi des individus surinvestis de l’idée qu’ils sont individuellement différenciés par des capacités hors du commun les missionnant de la nécessité démiurgique d’agir. Sans ambages, Baumeister, qui ironise sur l’épidémie de surdoué.es que les programmes de promotion de l’estime de soi entraîne, dénonce le business du dopage de la confiance en soi comme une usine à fabriquer des « enflures de l’ego déconnectée de la réalité ». 
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Quelques exemples de catastrophes induites par cette névrose de sur-confiance en soi nous viennent vite à l’esprit : traders qui perdent les pédales, managers qui massacrent des collaborateurs et collaboratrices au nom de leur vision de la réussite, dirigeant.es politiques convaincu.es que leur destin et la valeur de leur projet justifient la mise en oeuvre de tous les moyens, jusqu’aux moins humains, jusqu’aux moins cohérents avec leurs discours, jusqu’aux plus discutables sur le plan de l’honnêteté, pour accéder au pouvoir...
Cet intermède théorique est là pour mettre en évidence que la confiance en soi n’a rien d’une compétence isolable que l’on pourrait développer chez les individus ex-situ. La confiance d’une personne est intrinsèquement dynamique : elle procède de la rencontre entre confiance en soi, confiance en autrui et confiance en le contexte/la structure. 
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Pour le donner à lire, je propose une image, celle du trapèze volant. Voyez l’acrobate à gauche de l’image : elle s’est lancée dans une figure pour le moins vertigineuse et il faut bien admettre que pour l’oser, il lui a fallu une certaine capacité à surmonter la peur et une certaine confiance en ses capacités (physiques, de précision, de concentration...). Mais elle n’a aussi pu se lancer ainsi que parce qu’elle nourrit une grande confiance en l’acrobate situé à droite de l’image pour lui saisir les mains au bon moment, avec la juste force qui l’assurera d’être suffisamment tenue sans être fracturée. Et ces deux-là ne peuvent se lancer dans cette agile exercice de confiance en soi et confiance réciproque que parce qu’ils ont confiance en la structure à la fois souple et robuste qui garantit, avec les longes d’assurage et le filet de sécurité au sol qui amortira une éventuelle chute, la possibilité réelle de l’audace.
Appliquons l’allégorie au monde du travail : il est parfaitement vain de vouloir « booster » la confiance en soi des un.es sans faire monter la confiance entre les personnes et la confiance de tou.te.s en l’organisation. 
Procédons dans l’ordre, comme dans une compagnie de cirque : c’est d’abord la structure qu’on monte avec une attention toute particulière à ce qui relève de la sécurité des équipes et du public (il y va de garanties de pouvoir bien faire son travail dans de bonnes conditions pour pouvoir garantir la sécurité et la qualité d’expérience des clients, selon le principe de symétrie des attentions). Ce contexte sécurisant installé, on construit et nourrit la relation de confiance entre individus appelés à interagir dans la structure. Et c’est dans cet environnement confiant que l’on peut enfin demander à chacun.e de mettre en oeuvre tous les ingrédients d’une puissance personnelle pour participer. Marie Donzel, consultante en innovation sociale
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donzelcie · 8 years ago
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A quoi sert le conseil ?
Ce mercredi 8 novembre 2017 à Paris, étaient présentés les résultats du 7è Baromètre des Achats de Conseil Consult’In France dont la production nous a été confiée pour la 3è édition consécutive.
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Ce baromètre procède d’une enquête miroir conduite à intervalle de 2 ans auprès de la population des consultant.es en management d’une part et des acheteurs/acheteuses de prestations de conseil d’autre part. 
Aux origines, ce travail visait à cerner les zones de conflictualité entre ces interlocuteurs B2B dans un contexte de réduction des coûts qui préoccupait fortement la profession de consultant.e longtemps habituée à généreusement se valoriser, en étant peu contestée dans son offre de prix du fait notamment de son échappement aux process Achats. 
Faire face aux Directions Achats quasiment du jour au lendemain fut un choc économique pour le marché du conseil, probablement doublé d’une petite blessure narcissique pour les consultant.es (ce n’est plus aux dirigeant.es en direct qu’ils/elles avaient affaire mais à des acheteurs/acheteuses - pour certain.es abordant l’achat de prestations intellectuelles comme celui de trombones ou de boulons - et qui de surcroît les trouvaient bien cher.es!). 
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Illustration exemplaire d’une démarche de constructive conflict telle que Mary Parker Follett l’a théorisée, le Groupe Achats a rapidement fait gagner en maturité ses travaux en bâtissant des outils de compréhension mutuelle et d’aide à la montée en qualité des relations. Outre ce baromètre, c’est un accord sur des clauses contractuelles équitables qui en est sorti, puis une matrice de segmentation exploitable par les acheteurs/acheteuses comme une grille d’évaluation de la valeur du conseil selon son apport attendu à la création de valeur ajoutée. 
On entrait là dans le dur, avec en creux, une question vertigineuse pour celles et ceux qui (comme nous-mêmes, présentement) gagnent leur vie en donnant leur avis (analytique et argumenté tout de même) sur la façon dont les organisations pourraient fonctionner mieux : à quoi sert le conseil?
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La capacité de recul sur soi (et un peu de sens de l’humour), qualité(s) indispensable(s) aux consultant.es, veut que l’on ose l’hypothèse que le conseil ne sert à rien! 
Hypothèse flatteuse pour les discours en vogue sur les « bullshit jobs », dont les accents aussi péremptoires que producteurs d’obscurante haine des élites justifient qu’on aille un peu plus loin que la tentation grossièrement maoïste de renvoyer à l’usine ou aux champs les cravatés et les droite-jupées qui passent le temps à PowerPointer. 
Hypothèse qui appelle cependant une instruction de la question surpassant la tentation des consultant.es cette fois de riposter par un seul argumentaire de justification de leur existence et de leurs tarifs d’intervention.
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Le conseil, qui se conçoit aujourd’hui non plus seulement comme un organisateur de l’augmentation de la création de valeur ajoutée mais comme une force de transformation, ne sert à quelque chose qu’à certaines conditions. 
 Il a pour ambitieuse mission de générer des effets de levier et des effets de cliquet capables de déclencher et amplifier le changement puis de l’autonomiser, c’est à dire de le rendre suffisamment appropriable à l’intérieur des organisations pour en rendre spontanée et durable l’adoption. Aujourd’hui, en contexte complexe d’instabilité, d’accélération et d’incertitudes, le changement atteint un seuil tautologique : changer, c’est savoir changer. 
C’est là qu’est le défi du conseil : apprendre à changer. L’apprendre au sens de l’enseigner aux autres. L’apprendre au sens aussi de le comprendre pour soi et de l’intégrer en son fonctionnement. Autrement dit, c’est avant tout à lui-même que le conseil lance le défi de ce qu’on appelle l’intelligence collective, à savoir tout ce qui relève de la dynamique d’une équipe habitée de compétences et d’énergies qui dépassent la somme des compétences et d’énergies des individus qui la composent.
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C’est précisément ce thème des soft skills collectives que le Groupe Achats a choisi d’instruire en profondeur au cours de ses deux dernières années de travaux. Le baromètre des achats publié le 8 novembre apporte une bonne nouvelle : non seulement acheteurs/acheteuses et consultant.es s’accordent sur l’importance des soft skills dans la valeur ajoutée du conseil, mais encore ont-ils/elles en partage une approche de celles de ces compétences qui sont particulièrement attendues selon les typologies de missions et à chaque phase (stratégie, cadrage, pilotage) de la chaîne de valeur du conseil. 
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Les outils du développement de ces soft skills (chez les consultant.es comme en interne dans les organisations) se mettent en place : expériences d’organisations alternatives plus coopératives, fonctionnement en mode agile, dispositifs de valorisation de l’échec apprenant, pilotes intrapreneuriaux, programmes de learning, plateformes de mentorship co-développant.. 
Mais entre la conviction affirmée que les soft skills sont clés du changement et pratiques à l’épreuve de leur développement, demeure une sorte de flou défiant : la définition même de ces soft-skills. La traduction vers le français en « savoir être » n’apporte que peu d’indices additionnels. D’aucuns s’en sortent alors avec une qualification par la négative en rejetant dans les « savoir être » tout ce qui n’est pas classable dans les « savoir experts » et les « savoir faire ». Comme toute binarité, ça a le défaut du simplisme. Mais ici la vertu de poser le débat sur le plan de l’objectavibilité de ces compétences dites « molles ». 
Cette difficulté à en saisir la substance interroge les acheteurs/acheteuses et les consultant.es sur l’évaluation de la valeur du conseil, et derrière cela la fixation du prix. 
Dans le champ socio-sociétal, le problème est celui de l’accès pour le plus grand nombre à l’acquisition et la reconnaissance de ces compétences. Car ainsi que l’a rappelé le chasseur de têtes François Humblot (Grant Alexander), lors d’une table ronde de la matinée de présentation du baromètre, les « savoir être » ont à voir avec des qualités socio-culturelles qu’on acquiert principalement ailleurs qu’à l’école, notamment dans un cercle familial plus ou moins averti des codes et des usages (jusque dans leur subversion), plus ou moins stimulant, plus ou moins apprenant de compétences telles que l’aisance à la prise de parole, les capacités de négociation, l’habileté relationnelle, la confiance en soi, l’autonomie... 
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Autrement dit, on retombe sur l’habitus de Bourdieu, avec tout ce qui s’y crée et perpétue de segmentations de la société et de dominations induites. Élitistes, alors, les soft skills? Assurément, car elles exigent un très haut niveau de subtilité en situation que seul le combo culture/ouverture/affirmation/légitimité permet de valider et d’exercer avec aisance. 
Mais tout n’est pas joué d’avance non plus, a complété François Humblot, car aussi vrai que les qualités des bien doté.es se perdent quand elles ne sont pas entrainé.es, il est possible - et nécessaire - de former aux soft skills celles et ceux chez qui elles ont moins été initialement infusées. Et Bertrand Molinier, associé Enza Consulting, d’insister sur l’importance de considérer l’apport RSE du conseil sous cet angle de l’engagement dans la formation des populations diverses à des compétences de pointe (via notamment l’apprentissage, les partenariats avec des associations de promotion de la diversité des talents, l’investissement dans la formation continue et la progression de carrière de tou.te.s les collaborateurs/collaboratrices des cabinets). 
Une action juste et utile mais qui ne challenge qu’indirectement et très partiellement l’inspiration aristocratique des « savoir être » tels qu’on persiste à les concevoir : une posture smart et de bon goût, audacieuse juste ce qu’il faut, assurée de soi jusque dans le recul sur soi, suffisamment appuyée par sa légitimité pour exercer sa force de résilience face à l’adversité, etc. 
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Pourtant, en filigranes des échanges de la rencontre, une autre définition des soft skills, bien plus ouverte au large champ des possibles incarnations, a commencé à émerger. Une définition qui les positionnerait du côté du style. En évoquant le besoin d’un « fit » entre un.e consultant.e/une équipe de consultant.es. et l’organisation qui lui commande mission, Sylvie Noël (Directrice des achats du Groupe Covéa) a de fait emmené la réflexion sur le terrain de l’expression de l’être-soi singulier et de l’être-collectif unique d’une équipe (équipe d’autant plus propice à déployer son originalité créatrice qu’elle sera mixte et diverse a-t-il été re-précisé). 
Bertrand Maguet (Associé MLA Conseil) a enfoncé le clou en replaçant la notion de “personne morale” qui fait statut des entreprises dans sa portée métaphorique : “une entreprise a une personnalité, une équipe de consultant.es a une personnalité, chaque consultant.e a une personnalité.” 
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On s’en réfère à Barthes pour pousser plus loin cette idée de personnalité et de style : vu par le philosophe sémiologue, le style prend source dans l’humeur, au sens d’état d’âme persistant mais aussi de fluide intime et vital (sang, bile, lymphe, larmes et autres...), matière organique et vivante transportant l’ADN unique de chacun.e. En d’autres termes, il n’y a de style qui s’exprime que dans la singularité qui se respecte. Si l’on veut des gens de style, il faut alors tout simplement accepter pleinement, en approche inclusive, les cultures et habitus d’horizons multiples, même quand ils sont clivants. Peut-être surtout quand ils sont clivants.
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N’oublions pas tout de même, avec une juste autodérision, que c’est dans Le degré zéro de l’écriture que l’on trouve ces développements sur le style et que c’est aussi et avant toute chose de langage qu’il s’agit chez Barthes. 
Celui des consultant.es, on vous parle en connaissance de cause, a encore de gros efforts à faire pour se défaire des jargonneries qui le rendent parfois si inintelligibles mais font aussi discrimination par la charge sémantique (en gros, créent de l’entre-soi insidieux et de l’interdit invisible en parlant une langue codée que seuls les initié.es pratiquent et comprennent). 
On n’ira peut-être pas jusqu’à écrire comme pour Paris Match (où l’on lit de bien belles plumes, soit dit en passant), mais il faudra bien, et de plus en plus avec l’enjeu de l’appropriation par le plus grand nombre de la transformation, très vraisemblablement savoir dire le complexe avec un style plus simple. 
Marie Donzel, Consultante en innovation sociale 
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donzelcie · 8 years ago
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La transparence des rémunérations est-elle l’avenir de l’égalité salariale?
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Il y a quelques jours était rendu public le dernier rapport Eurostat sur la condition des femmes et des hommes dans l’Union qui révélait la persistance d’inégalités salariales sur tout le continent. Etabli en moyenne à 16,3% à l’échelle européenne, cet écart est de 13,9% en Irlande, ce qui place le pays parmi les moins mauvais élèves du panel. Peut-être est-ce en partie du à une politique volontariste, sur cette dimension au moins de l’égalité femmes/hommes, menée par le politique dans ce pays.
Dernière mesure en date mise à l’agenda : une proposition de loi de transparence des salaires. Après l’Allemagne et le Royaume-Uni, l’Eire pourrait bien se doter d’un dispositif réputé particulièrement efficace pour faire tomber les freins intériorisés des femmes à la négociation de leur rémunération. 
En effet, s’il peut sembler embarrassant (et peut-être surtout décourageant quand on sait que même quand elles demandent, les femmes ont 25% de chances en moins que les hommes d’obtenir une revalorisation de leur salaire) d’aller demander son dû à son boss, le déclic peut être déclenché par le constat que le collègue qui n’est ni plus ni moins performant que soi émarge à 10%, 15% ou 20% supplémentaires…
Marie Donzel, Consultante en innovation sociale
Cet article est un extrait adapté d’un post publié sur le webmagazine du Programme EVE.
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donzelcie · 8 years ago
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« Légal mais pas moral »
De l’urgence de repenser la notion de valeur(s)
L’état de droit ne fait pas débat, qui oblige tou.te.s à se conformer à la loi en même temps qu’il interdit que la puissance publique punisse ce qui n’est pas hors la loi. Dans une société de transparence et de puissance collective concurrente de la puissance publique (notamment à travers les réseaux sociaux), il montre cependant les limites de sa capacité à créer et entretenir la confiance et la solidité du contrat social.
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La légalité (d’un placement financier, d’un modèle économique, d’une décision stratégique, d’un comportement...) ne rencontre pas (toujours) la moralité et après tout, en contexte républicain et laïc, ce n’est pas la fonction de la loi de dire la morale. Mais en environnement instable, conflictuel et défiant tel que celui de transformations massives que nous connaissons, l’approche strictement juridique de ce qui fait indignation collective et détruit la confiance se révèle stérile. Il faut donc pouvoir l’articuler avec, sinon la morale, la valeur.
Valeur est sans doute l’un des termes les plus schizophrènes de notre temps. Employé en quasi-synonyme de performance financière chiffrable au travers de la notion comptable de valeur ajoutée (définie comme « solde du compte de production, égal à la valeur de la production diminuée des coûts intermédiaire »), le même terme recouvre tout ce qui se loge dans le fameux « besoin de sens » dont la littérature managériale nous rebat les oreilles depuis une dizaine d’années. 
Dans cette seconde acception, « valeur » ne signifie en réalité rien d’autre que « raison de se lever le matin », raison d’y croire, raison de s’engager, raison de se donner et de se dépasser, intime et profonde conviction de faire ce que l’on doit. Rien n’empêche qu’y entre l’envie de gagner de l’argent, l’ambition d’exercer le pouvoir, entre autres motifs que les pudeurs morales racontant la romantique histoire de la noblesse désintéressée nous font hésiter à assumer : narcissisme, besoin d’attention, affects débordant la rationalité, sentimentalisme incontrôlable, soumission à nos intimidants, abîmations et sublimations psychiques d’ordre divers...
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Le champ de la RSE travaille à inscrire la valeur immatérielle que génère notre rapport plus ou moins rationnel à nos valeurs personnelles et à leurs résonances avec celles du collectif dans le champ de la valeur ajoutée. C’est assurément une voie intelligente pour le changement : accorder de la valeur économique plus ou moins indirecte à l’attachement viscéral que des individus ont, pour des raisons qui leur appartiennent, à la préservation de l’environnement, à l’égalité, à l’équitabilité, à la solidarité, à la générosité, à l’empathie, à l’humour aussi, c’est faire de la place à l’humanité dans la quête de performance qui fait tourner le monde. 
Et le paradigme n’est pas absurde : c’est souvent des bons sentiments (que l’on méprise pourtant, et c’est dommage) et des failles dans lesquelles se déploie la sérendipité que procède l’innovation. 
C’est parce qu’elle était le contraire d’une cohérente (dans ses choix professionnels comme personnels) mais l’excellence d’une intelligence supérieure doublée d’une désinvolte audacieuse qu’Hedy Lamarr que personne n’attendait sur le terrain de la technologique a inventé la technologie qui porte son nom et que wifi, bluetooth et GPS exploitent aujourd’hui. 
C’est parce qu’il était bordélique comme jamais ce devrait être permis à un.e scientifique méthodique qu’Alexander Fleming a découvert la pénicilline. 
La valeur, au sens « moral » du terme » n’est en réalité faite que de brèches et de contradictions qui font la géniale singularité de chacun.e.
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N’est-il pas absurde alors d’en mesurer l’intégrité au prisme de la légalité ? Nul n’est là pour contester la place du droit, ni défendre l’indéfendable, moins encore pour fabriquer des excuses à celles et ceux qui auront vanté leur noblesse d’âme pour mieux faire écran à leurs basses œuvres. Ce qui compte — car la définition que l’on peut donner de la valeur qui réconcilierait ses acceptions contradictoires, c’est précisément cela : ce qui compte —, c’est de pouvoir faire place à ce qui n’est pas intentionnellement utile (même si hasardeusement, ça pourra prouver son utilité), voire ce qui relève carrément de l’erreur (là encore, erreur possiblement apprenante, mais qui ne fait pas systématiquement leçon) ou de la faute, qui exige réparation à la mesure des dégâts induits.
Alors, il ne faut plus considérer celles et ceux qui se trompent voire fautent comme de définitif.ves incrédibles ni quand ils/elles reconnaissent leurs torts comme des faibles. Mais les investir au contraire d’une force d’assumation et les placer en responsabilité face au collectif de restaurer la confiance en les valeurs. 
Comme celui ou celle qui a échoué est probablement meilleur.e expert.e des voies de la réussite que celui ou celle qui a tout bien fait comme il fallait (toutes les théories du droit à l’échec, notamment dans l’entrepreneuriat ou l’innovation le montrent avec bon sens), celui ou celle qui a fauté n’est-il/elle pas possiblement  parmi les mieux placé.es pour instruire la physique des écarts moraux ? 
C’est-à-dire ce qui conduit à la sortie de route (l’inattention, l’appétence à la vitesse, le sentiment de puissance…), ce qu’elle produit de casse et ce qui peut réparer maintenant et prévenir demain. Pour cela, on ne peut s’en remettre qu’au strict légal et aux punitions mécaniques qu’il inflige aux moins habiles à contourner le droit, épargnant les mieux informé.es, les mieux conseillé.es, les plus aptes à bâtir des systèmes sophistiqués sinon préservant sinon leurs secrets (car c’est de plus en plus improbable en monde de transparence) amortissant les effets sur leur propre destin de la mise au jour de leurs fautes. 
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Pour cela, il faut remettre la valeur la plus productrice de valeur au cœur de l’action de chacun.e et de ses interactions avec le monde : la responsabilité à l’égard de la confiance interpersonnelle et collective.
Marie Donzel, Consultante en innovation sociale
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donzelcie · 8 years ago
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L’écriture inclusive, un débat franco-français ?
Les Français.es sont toujours très agité.es quand il s’agit de toucher à la belle langue qui fait leur fierté ! Rétif.ves aux anglicismes, irritée.es par les néologismes, les voici débattant avec ferveur sur l’écriture inclusive. Un sujet pas neuf, qui s’inscrit dans le prolongement des recommandations sur la féminisation des noms de métiers et fonctions, mais qui est arrivé à la une des médias à la faveur de la décision des éditions Hatier de faire usage systématique dans un manuel scolaire du « point milieu » permettant d’adjoindre de la façon la plus neutre qui soit un suffixe de féminisation. L’enjeu est, dans la continuité des théories sur la performativité du langage, de faire tomber le cache-sexe d’un masculin pseudo-universel pour écrire et lire une langue qui s’adresse réellement à tou.t.es.
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Les petits hommes verts de L’Académie française s’en sont étranglés, comme plusieurs éditorialistes qualifiant l’acte militant de combat dérisoire (mais c’est dit avec une ferveur - voire une agressivité - qui instille le doute sur le caractère si futile de la question) ou s’inquiétant d’une dégradation de l’ergonomie de lecture. La firme Microsoft a en revanche réagi avec un pragmatisme pro-actif en créant une fonctionnalité de correction ortho-grammaticale visant à traquer « le langage genré susceptible d’exclure, de rejeter ou de stéréotyper ». Des claviers équipés du point milieu (qu’il faut aujourd’hui aller chercher dans les caractères spéciaux des applications de traitement de texte) pourraient bien être prochainement commercialisées.
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Mais le débat est-il si franco-français que ça ? Pas si sûr quand on sait qu’en francophonie (et le français est quand même la 3è langue la plus parlée au monde), pour commencer, le sujet de la langue inclusive est parfois bien plus avancé et pacifié, comme c’est le cas au Québec ou en Belgique. Mais les langues disposant d’un neutre plus net que « le masculin qui l’emporte sur le féminin » de la langue de Molière sont aussi touchées par la problématique de l’expression asymétrique qui ancre les inégalités de genre.
Une préoccupation qui a poussé le New York Times à créer le poste de « gender editor » confiée à Jessica Benett. Pour rappel, c’est à cette journaliste star que l’on doit la notion de manterrupting. Elle aura pour rôle, dans ses fonctions de « Gender editor » de veiller à ce que le traitement de l’actualité, dans un journal fortement attaché à une déontologie imposant autant que possible la neutralité du propos informatif, ne produise ni ne conforte de biais sexistes. Son action devrait aller plus loin encore avec la création de rubriques dédiées aux questions de genre, afin de rééquilibrer le poids des contenus mettant en avant des hommes et ceux qui présentent l’action de femmes.
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Marie Donzel, Consultante en innovation sociale Cet article est un extrait adapté d’un post publié sur le webmagazine du Programme EVE. 
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donzelcie · 8 years ago
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C’est quoi, la souffrance éthique?
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La souffrance au travail prend de multiples formes et trouve sa source en diverses situations. 
Le plus immédiatement appréhendable de la souffrance professionnelle est ce que la loi a choisi de retenir comme constitutif de pénibilité au travail (dans le cadre de la réforme des retraites de 2010, complétée en 2014) : 
- travail de nuit
- travail répétitif
- travail en équipe alternante (3 x 8)
- travail en milieu hyperbare
- manutentions manuelles de charges
- postures pénibles 
- vibrations mécaniques à risque de troubles musculo-squelettiques et/ou neurologiques
- exposition à des agents chimiques 
- exposition aux températures extrêmes
- exposition au bruit.
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Autrement dit, tout ce qui est susceptible de porter atteinte de façon traçable à la santé physique des personnes. Les risques psychosociaux ont donc été écartés, au motif de leur prétendu aléatoire raccordement causal aux conditions de travail, dans un contexte budgétaire imposant arbitrage (si l’on se permet l’euphémisme) entre motifs d’indemnisation. 
Et c’est pour le moins problématique car le risque psycho-social n’est pas le moindre des maux au travail : le rapport 2016 de la DARES établit que 47% des salarié.es se sentent sous pression temporelle (souffrent de stress lié au manque de temps pour effectuer leur travail), 36% sont exposé.es à un cumul de demandes émotionnelles pesantes (obligation de cacher ses émotions, de faire semblant, peur de donner son avis...), 27% ne se sentent pas respecté.es comme ils/elles le mériteraient, 26% ont subi une agression ou du harcèlement, 25% craignent de perdre leur emploi... Et 36% sont en conflit de valeurs. 
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La DARES retient deux critères pour évaluer le conflit de valeurs au travail : ne pas éprouver la fierté du travail bien fait (31%) et devoir faire souvent/toujours des choses que l’on désapprouve (9%). Ce deuxième item recouvre la notion de souffrance éthique. 
C’est au Professeur Christophe Dejours, spécialiste en psychodynamique et en psychosomatique du travail que l’on doit cette notion et la plupart des travaux d’études qui l’instruisent. 
Certaines professions sont par nature exposées au risque de violents cas de conscience dans l’exercice de leur mission : sauf à être furieusement pervers, les RH en situation de plans de licenciement massif ; les communicant.es à qui s’impose de bâtir et diffuser des messages auxquels ils/elles ne croient pas, voire qui les rebutent ; les métiers de la banque et de l’assurance qui tiennent le haut du palmarès avec 46% de salarié.es se sentant en conflit de valeurs (oui, votre banquier.e est une vraie personne)... La tentation est forte pour certain.es de discerner là une population de cadres dont le statut, les privilèges associés et la rémunération ne prêtent pas à ce qu’on les plaigne. 
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Mais ce serait simplistement oublier qu'il y a 40% des enseignant.es qui signalent de la souffrance éthique, 39% des professions juridiques/police/armée, 37% des employé.es admistratif.ves, 36% des professions sociales et de santé, 31% d’agriculteurs/agricultrices et autant d’ouvrier.es du bâtiment et des travaux publics. Pour l’anecdote, les fonctions les moins exposées sont les responsabilités politiques et religieuses : on se rassurera d’apprendre que 82% des élu.es et des pros du culte croient suffisamment à ce qu’ils/elles font pour ne pas se sentir quotidiennement heurté.es dans leur conscience par leur activité :-). Mais presque toutes les autres catégories de la population active en emploi compte au moins un tiers de collaborateurs/collaboratrices que le travail contraint à se trahir. 
De tels volumes interdisent que l’on renvoie la question à des petits problèmes d’insatisfait.es chroniques adeptes du politiquement correct, se masturbant trop assidûment l’encéphale et cherchant in fine des excuses pour rien foutre , lesquel.les feraient bien de mettre un mouchoir sur leurs états d’âme pour se souvenir de la chance qu’ils/elles ont déjà d’avoir un boulot. 
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Car le phénomène de souffrance éthique au travail est massif, c’est une chose ; il a aussi des conséquences non négligeables sur la santé mentale et physique des personnes et de façon induite sur leur entourage, c’en est une autre. A ce titre, il mérite d’être sérieusement traité comme une question de sécurité et conditions de travail par les organisations. 
Au devoir de l’employeur de garantir des conditions de travail qui préservent la santé et la dignité des personnes s’ajoute l’intérêt économique pas si indirect des entreprises : l’annulation de la souffrance éthique serait évidement puissant facteur d’engagement, de mobilisation des ressources d’initiative et d’innovation en interne, de réduction des non-qualités, de renforcement de la cohésion des collectifs de travail, d’accélération de l’appropriation de la transformation... 
Réduire toutes les formes de douleur au travail est une urgence, y compris la souffrance éthique que la RSE n’est pas faite pour compenser ni consoler. C’est au coeur de l’organisation du cycle d’exploitation que les valeurs clés de notre époque (autonomie, respect des personnes et des environnements, inclusion, équitabilité des échanges en interne comme avec l’externe, coopération...) doivent pouvoir performer le travail. Après seulement, on pourra commencer à discuter du bonheur au travail, à savoir en premier lieu si c’est à l’employeur de faire le bonheur de l’humain.e...
Marie Donzel, Consultante en innovation sociale
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donzelcie · 8 years ago
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donzelcie · 8 years ago
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Ergonomie de la mixité — Adoptons les bonnes postures "women friendly”
Mélanger les ingrédients ne suffit pas à faire une recette. De la même façon, "avoir des femmes” dans une organisation ne suffit pas à produire de la mixité. Comme l’émulsion fait la vinaigrette, c’est l’inclusion qui fait la valeur du collectif mixte.
Le néologisme qui a remplacé la notion de “diversités”  pour contrer le risque de catégorisation étriquée des "différent.es", propose une approche dynamique porteuse de transformations culturelles dans le sens d’une banalisation du partage des espaces d’action. 
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L’inclusion veut que l’on rende possible pour chacun.e la possibilité de prendre part au collectif pour en premier lieu, y donner le meilleur de soi-même et en second lieu, contribuer à en faire évoluer les règles du jeu. Elle procède d’un mouvement initial d’ordre ergonomique consistant à rendre le monde du travail en toutes ses sphères aussi accueillant pour les femmes que pour les hommes. 
Il y va de classiques et très fonctionnelles mesures d’adaptation de l’outil ou de la méthode de travail à la physionomie et/ou aux besoins corporels. L’exemple le plus connu d’ergonomie de la mixité est celui des chariots roulants des postier.es : quand la profession s’est féminisée, la question s’est posée de la capacité des femmes à porter des sacoches lourdes de courrier et dont la bandoulière entravait la poitrine ; la réponse a été d’équiper les salarié.es en charge de distribuer le courrier de chariots. Un obstacle à la mixité du métier surmonté en même temps qu’un bénéfice en qualité de vie au travail  pour les hommes aussi, moins sujets aux troubles musculo-squelettiques induits par le port d’une charge lourde sur les épaules. 
Mais l’ergonomie de la mixité, c’est aussi tout un ensemble de postures  qui améliorent les conditions de la réelle participation des femmes dans le collectif de travail.
Posture n°1 – Faire de la place
Mettons d’emblée les pieds dans le plat. L’inclusion exige de faire de la place. Quitte à laisser “sa” place. Et pourquoi donc faudrait-il se sacrifier au bénéfice de la mixité ? Par galanterie, ah non, merci ! Plutôt pour interroger la légitimité du possessif qu’on accole à la place qu’on occupe. 
Procède-t-elle de l’antériorité (”j’étais là avant"), du mérite récompensée ("je l’ai gagnée”), du statut (”j’ai le droit d’être là"), de l’inertie ("j’y suis, j’y reste") ou de la compétence productrice de valeur ("il est indispensable que je sois là")?
Questionner constamment son propre apport au collectif est assurément la meilleure voie pour appréhender l’apport d’autrui. Car après tout, nous sommes tou.te.s amené.es à reconnaître parfois qu’un.e autre est au moins aussi qualifié.e, sinon davantage, pour telle ou telle tâche ou mission (enfin espérons. Sinon, il nous faut urgemment développer des capacités de doute et de retour sur soi).
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Posture n°2 –  Rompre avec la présomption d’incompétence
De compétence productrice de valeur, il est immédiatement question lorsque l’on aborde la question de la parité. "Des femmes, oui, mais alors seulement si ce sont des femmes compétentes !". 
On renvoie alors volontiers à la lecture de John Stuart Mill pour qui il n’y a pas "si grand excès d’hommes propres aux hautes fonctions, que la société soit en droit de rejeter les services d’une personne compétente". Comprendre : l’incompétence est aussi bien répartie entre les genres que la compétence. 
Et chacun.e témoignera d’avoir croisé des hommes qui n’étaient pas à la hauteur. Mais qui avaient cependant pu éventuellement bénéficier d’une présomption de compétence pour arriver là où ils étaient, alors que les femmes restent massivement victimes de la présomption inverse. Une récente étude conjointement menée par l’University of California et l’University of Southern California révèle que les femmes sont 3 fois plus souvent relancées sur leurs compétences que les hommes lors des entretiens de recrutement.
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Posture n°3 – Dé-spécifier le féminin
Oui, ce n’est pas un scoop, des biais de genre sont sources d’invisibles et inconscients phénomènes de discrimination. Les stéréotypes s’adressent aux hommes comme aux femmes. Néanmoins, le stéréotype qui réduit le masculin n’a pas les mêmes effets disqualifiants que celui qui caricature le féminin. 
Mais plus encore que les stéréotypes négatifs, ce qui produit le plus de failles d’inclusion des femmes, c’est le mythe de l’universalité qui fait cache-sexe à une masculinité par défaut. Avant même de l’emporter sur le féminin, le masculin porte la norme dispensée de qualification. Ainsi distingue-t-on le football (tout court) du football féminin, le leadership du leadership féminin etc. 
Trois stratégies possibles pour contrer cette spécification du féminin mettant en échec l’universalité  :
Genrer systématiquement le masculin qui se dissimule sous une pseuso-universalité (on parlera de football masculin et non de football tout court pour désigner 22 hommes et un ballon sur un terrain)
Rendre visible et accentuée la présence du féminin dans l’universel (c’est la démarche de l’écriture inclusive, de la féminisation des noms de métiers et fonctions…)
Dégenrer l’universel en neutralisant tout marqueur sexué de ce qui est partageable (on bannira alors des terminologies comme “homme politique” au profit de  “personnalité politique” ou “avoir des couilles" au bénéfice d’"avoir des tripes" ; on préfèrera a notion d’adelphité à celle de fraternité. Et au-delà des mots, on déconstruira toute vision établie de l’incarnation d’une fonction, d’un tempérament, d’une relation…)
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Posture n°4 – Décentrer la légitimité
L’engagement des hommes dans le combat pour l’égalité est réputé incontournable : part of the problem, part of the solution ! Mais la question se pose de la posture de cet engagement. Les travaux sur la participation des hommes aux mouvements féministes menés par Alban Jacquemart montre une tendance nette des hommes investis à prendre des responsabilités (pour ne pas dire le pouvoir) dans les structures associatives de défense des doits des femmes. Un fait dénoncé déjà dans les années 1970 par les collectifs militants non-mixtes. 
Quel contre-sens de promouvoir l’égalité en prenant la main sur le combat en faveur de l’égalité. Néanmoins, le fait est que la voix des hommes sur ce sujet (comme d’autres) porte davantage dans le grand public que celle des femmes. Qu’elle y est aussi mieux reçue, voire franchement valorisée, si ce n’est héroïsée.  Pour un même discours, l’homme engagé en faveur de l’égalité reçoit louanges quand la femme essuie encore trop souvent insultes et parfois menaces (selon la bonne loi de Lewis). 
Il convient pour se sortir de cette absurde contradiction doublée d’une passable injustice de procéder à une vaste opération de décentrage : l’écoute, l’attention et la prise en considération ne doivent plus être accordées de façon prioritaire à un représentant d’un genre plutôt que de l’autre.
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Posture n°5 – Rendre la parole
Il y va aussi d’une certaine discipline attendue des hommes eux-mêmes pour s’interdire certains usages qui confortent l’invisibilisation et la silenciation des femmes.  Le manterrupting n’est pas une illusion paranoïaque : une étude de l’université de Santa Barbabra conduite en 1975 établissait l’édifiante donnée suivante : les femmes étaient interrompues 47 fois que les hommes dans les conversations. Elles le sont aujourd’hui 25% plus souvent que les hommes dans les entretiens de recrutement. 
Il arrive qu’au manterrupting se cumule le mansplaining qui consiste à expliquer à une femme ce qu’elle sait déjà, ce qu’elle devrait penser et comment elle devrait s’y prendre pour faire les choses. On y ajoute le bropropriating qui décrit une situation dans laquelle une femme se fait déposséder de ses idées par un homme qui pense pouvoir mieux les faire avancer qu’elles. 
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Pour faire reculer ces usages inconscients, les conseillères d’Obama ont eu a la géniale idée d’une stratégie d’amplification. Elles se sont mises d’accord pour répéter systématiquement à voix haute ce que l’une d’elles venait d’exprimer en ayant été coupée, mal entendue ou reprise à son propre compte par un de leurs collègues. Les hommes engagés en faveur de l’égalité sont parfaitement fondés à s’inscrire dans une telle démarche pour rendre la parole aux femmes et aux Césarines les idées et initiatives qui leur appartiennent. 
Marie Donzel, Consultante en innovation sociale, experte de l’égalité professionnelle.
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donzelcie · 8 years ago
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NON, les femmes n’attendent pas d’avoir 120% des compétences pour postuler (quand les hommes se contenteraient de 60%)
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Voilà une dizaine d’années qu’on se traîne une fâcheuse anecdata.
Une anedacta, c’est une « story » qui se fait passer pour une « study », une histoire bonne et simple à raconter qui se déguise en vérité scientifiquement prouvée, rhabillée de chiffres jetés au petit bonheur la chance pour avoir l’air plus vraie. Jamais les diffuseurs d’anecdata ne sourcent précisément leurs données. Ils se contentent d’un vague « studies say… », « plusieurs études ont montré que… » . Quelles études ? L’autorité avec laquelle l’assertion est assénée dissuade de poser la question. On prend le propos pour un fait acquis et roule ma poule, que je te bâtisse un discours, voire une politique, sur la base (au mieux) d’une intuition.
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Cette fichue anecdata que l’expertise sur l’égalité professionnelle se traîne comme un boulet s’énonce ainsi : « les femmes attendent d’avoir 120% des compétences pour postuler, quand les hommes se contentent de 60% ». Les chiffres varient d’une itération sur l’autre : un coup, c’est 80% des compétences, une autre fois 95%, 100%, voire 200% que les femmes attendent d’avoir pour oser ; et pour les hommes, ces bluffeurs nés, tout s’entend  aussi : ils se contenteraient de 60%, 50%, 30% de compétences avérées pour se permettre de déposer leur candidature. Si les chiffres annoncés fluctuent, c’est pour une raison très simple : ils sont inexistants en dehors de la conviction trop largement partagée qu’ils décrivent une réalité.  
Qu’on se le tienne pour dit, une bonne fois pour toutes : à ce jour, aucune étude n’a permis d’établir des données fiables vérifiant l’hypothèse que les femmes manqueraient les occasions de progresser professionnellement en raison d’une obstination perfectionniste à avoir validé 80%, 100%, 120%, ni 200% des compétences attendues dans le job visé.
En l’espèce, elles seraient bien idiotes si elles n’allaient candidater qu’à des postes sur lesquels elles n’auraient rien à apprendre, aucun potentiel de dépassement de soi à éprouver et faire valoir, rien de mieux à offrir que ce qu’elles démontrent déjà de capacités (et conséquemment, rien de mieux à obtenir que les mêmes responsabilités et le même salaire que ce qu’elles ont déjà).  Mais la volonté induite par cette conviction enrobée de fausses données n’est pas à la prendre pour des imbéciles. C’est plus subtil : on les suppose complexées et manquant cruellement de confiance en elles pour "oser” se lancer des défis.
Deux complexes sous-jacents ici : celui de la bonne élève et celui d’imposture. Le premier renvoie aux effets d’une éducation stéréotypée qui valorise chez les femmes la docilité, l’humilité, l’honnêteté, l’application et forgerait des profils plus attachés à la validation par le labeur modeste et la reconnaissance du mérite qu’à la valorisation par l’audace, le panache, l’intrépidité, la débrouillardise, le sens du challenge. On brosse ainsi le portrait de femmes par trop scolaires qui ignoreraient que les règles du jeu de l’entreprise ne sont pas celles de l’école et que le boss n’est pas le prof. Le second complexe, celui d’imposture, recoupe une tendance à s’auto-dévaluer, à surestimer les facteurs exogènes de ses succès (« j’ai surtout eu de la chance », « je ne serais rien sans… ») et à s’enferrer dans la peur de l’échec pour mieux se saborder. Au croisement d’une vision dégradée de soi (« je n’aurais jamais le niveau ») et d’une exigence excessive à l’égard de soi (« plutôt ne rien faire que risquer de ne pas faire parfaitement ») le complexe d’imposture est une usine à autocensure qui carbure aux failles de confiance en soi.
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Et s’il y a bien intuition qui, pour le coup, a bien force de (plus que) conviction, c’est l’idée que les femmes manqueraient de confiance en elles. Et pas les hommes alors ? Voyons ce que des études (sourcées, cette fois-ci) en disent. La dernière consultation Financi’Elles sur la confiance des femmes et des hommes cadres du secteur banque, finance, assurance, nous apprend que 91% des femmes et 95% des hommes ont confiance en leurs propres capacités pour réussir professionnellement. D’accord, il y a un écart de quatre points, mais quand on dépasse le ratio de 9/10 pour les deux genres, il paraît difficile de tenir un discours les séparant catégoriquement sur le plan de la confiance en soi. Néanmoins, l’étude est sectorielle. Donc, on se reporte à des travaux portant sur un panel plus généraliste : l’étude IMS Entreprendre pour la cité de 2012 nous révélait elle que 5,03 hommes cadres sur 10 et 4,99 femmes cadres sur 10 ont une bonne estime de leurs compétences professionnelles.
On tient là 3 scoops.
Scoop n°1 : les femmes ont très très très légèrement moins confiance en elles dans le cadre professionnel que les hommes. Des variations si marginales qu’il paraît impensable de bâtir tout un argumentaire de la mixité et, à la suite, des politiques de réduction des inégalités qui y soient adossées.
Scoopn°2 : un homme sur deux n’a pas ni plus ni moins confiance en lui qu’une femme. Exit le mythe du gars super sûr de lui qui n’a peur de rien. Eh oui, eux aussi, ils doutent. Eux aussi, ils sont sujets au complexe d’imposture. Et soit dit en passant, ce n’est pas leur porter grande estime que de supposer l’inverse.
Scoop n°3 : la moitié de la population de cadres, sans distinction de genre, n’est pas si sûre d’être parfaitement compétente. Et c’est plutôt une bonne nouvelle dans un environnement incessamment changeant tel que le nôtre  d’avoir au moins 50% de personnes en situation de responsabilités qui sont des personnes en capacité de douter, y compris de leur propre légitimité.
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Mais revenons à notre anecdata de départ. Comment se fait-il qu’une idée fausse assortie de chiffres farfelus rencontre un tel succès ? Remontons aux origines de la diffusion de cette formule « les femmes attendent d’avoir XX% des compétences, quand les hommes se contentent de XX% » (les inconnues de l’équation étant à compléter selon l’humeur du jour). La trace de ce false fact a été remontée par Curt Rice, Président du Collège de Sciences Appliquées d’Oslo et Président du Comité norvégien de la recherche sur l’équilibre de genre et les diversités. C’est dans un article du McKinsey Quarterly, intitulé « A business Case for Women » et destiné à mettre en valeur le premier Rapport McKinsey Women Matter, que l’on trouve ce simple avis, ni scientifiquement étayé ni même argumenté, d’un dirigeant de Hewlett Packard interviewé par des consultant.es de McKinsey : « En fait, on a du mal à avoir des candidatures de femmes à des postes élevés. Il semble qu’elles manquent de confiance en elles. Elles ne candidatent qu’à condition d’être sûres d’avoir 100% des compétences. Les hommes, s’ils ont l’impression d’avoir 60% des compétences, ils y vont. »
Voilà, comment le senior exec’ d’une entreprise confrontée à la problématique des vocations féminines balaie d’un revers de main la problématique hautement complexe de la mixité des métiers, les vitrages multiples du plafond de verre, les formes plus ou moins visibles et discernables des discriminations, les conséquences de schémas organisationnels archaïques sur l’identification des talents… Le tout, au profit d’une explication psychologisante, renvoyant les femmes à une forme d’immaturité affective doublée d’une mécompréhension des lois informelles qui régissent les progressions de carrière.
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Ne nous arrêtons pas trop longtemps sur le caractère condescendant de cette vision des femmes comme des irréductibles perfectionnistes dépourvues de compréhension de leur environnement autant que de sens politique et des hommes comme de farauds hâbleurs qui sauraient d’instinct que pour réussir, il faut d’abord convaincre les autres qu’on est un winner, pour aller explorer plutôt ce que sont les implications du fort pouvoir de séduction de ce logiciel de mise en cause de la psychologie féminine dans les responsabilités du plafond de verre.
1er effet : rétrogradation en deuxième division ! On requalifie le fait social collectif d’inégalités en problématique psychologique individuelle, avec une présomption que ce sont les femmes qu’il faut changer et non les organisations qu’il faut transformer pour qu’elles les incluent équitablement. Le marché du coaching ne se plaint pas, mais l’expertise sociologique n’est pas à la fête.
2è effet : Mypower, my rules ! En validant l’idée que les femmes ne savent pas s’y prendre pour s’en sortir dans un monde d’hommes, on ne conteste pas les règles du jeu d’un monde fait par les hommes pour les hommes, mais on leur laisse pour seule alternative soit d’apprendre à en maîtriser les codes, voire à les surjouer, soit à s’imposer en tant que « différentes » par leur essentielle féminité. Aller simple pour au choix, le syndrome de la reine des abeilles ou celui de la Schtroumpfette. Et pendant ce temps-là, le cadre, son centre de gravité et ses modalités de fonctionnement ne bougent pas d’un iota.
3è effet : festival de la prophétie auto-réalisatrice ! A force de dire aux femmes qu’elles ont un problème de confiance en elles, on en exagère, sinon produit, la réalité. Invitées à s’exprimer sur le sujet quand les hommes, eux, ne le sont jamais, elles se trouvent les premières convaincues d’avoir cela en partage qui les différencie de l’autre sexe. Alors même que cet autre sexe n’est pas plus ni moins inquiet d’être à la hauteur (voir plus haut, la mention à l’étude IMS). Ainsi, croit-on agir en faveur de la mixité en renforçant artificiellement l’idée d’une irréconciabilité du féminin et du masculin, irréductiblement voués à « fonctionner » différemment. Alors même que les travaux sérieux sur l’expression de la vision de soi au travail montrent assez nettement que les hommes et les femmes ont plus en commun qu’en divergences sur ce plan-là. Comme sur beaucoup d’autres. 
Marie Donzel, Consultante en innovation sociale, experte de l’égalité professionnelle
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donzelcie · 8 years ago
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Faire de la lutte contre le harcèlement et les agressions sexuelles une question de sécurité au travail
L'affaire Weinstein est un séisme en terre de tabous. Comme autant de répliques, les réactions en chaîne de libération de la parole des femmes partout dans le monde permettent d'appréhender l'ampleur du fait social de harcèlement et d'agressions sexuels au travail.
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Les femmes parlent et elles se comptent. Pas scientifiquement, puisque bien sûr, le dénombrement des occurrences d'un hashtag sur les réseaux sociaux n'a pas la valeur d'une étude méthodologiquement conduite, à partir de laquelle construire et piloter des politiques pertinentes et efficaces.
Ce sera donc le premier acte à poser pour les organisations, à présent que le sujet est à l'agenda économico-social : mesurer le fait, dans ses volumes (combien de cas ?), dans sa fréquence (quelle récurrence ?), dans ses expressions (quels types d'agressions ?), dans ses variations (quels services, quelles entités, quels métiers particulièrement touchés, quelles fonctions plus exposées ?), dans ses effets directs (arrêts de travail, désengagement, démissions, procédures...) et indirects (sur la marque employeur, sur la confiance individuelle et dans le collectif de travail, culture d'entreprise...).
Il faut s'attendre à des moments d'embarras quand il faudra bâtir les questionnaires.
Parce que la thématique est scabreuse : on parle de réflexions salaces, d'attouchements, de viols aussi, appelons un chat un chat. C’est le début d’une humble lucidité indispensable au travail de transformation.
Parce qu'elle est sensible : que la consultation, par les mots qu'elle emploiera, les situations qu'elle évoquera, les images qu'elle convoquera ne soit pas en soi une réitération d'agression pour les victimes. Pour autant, la précision de la recension des faits sera essentielle, ne serait-ce que pour évacuer les variations de dénomination et d’interprétation qui font le lit du déni.
Parce qu'elle touche aux "zones grises" de la vie en entreprise : les relations informelles et la part du personnel que l'on importe dans le monde professionnel. Dont les désirs, les affects, les fantasmes, les projections, mais aussi les comportements (déviants), les (mauvaises) habitudes, les pulsions (agressives) et les perversions.
La culture de l'inclusion nous a permis de progresser dans la prise en compte de la personne comme un sujet complexe qui ne dépose pas son individualité (faite de psychisme, de culture(s), d'éducation, de tempérament, de (vilains) défauts même...) au porte-manteau en arrivant le matin pour endosser quelque fictive neutralité le temps de sa journée de travail. Jusqu'ici, néanmoins, nous avons abordé l'inclusion par la plus-value que représente(rai)ent les diversités.
La rhétorique a tout particulièrement fait florès dans le champ de la mixité. On a abondamment vanté, et avec quel optimisme nourri de promesses de performance, les bénéfices de l'équilibre femmes/hommes dans le collectif de travail... Jusqu'à faire écran à la réalité  des asymétries de situation et de conditions (y compris de travail) entre les femmes et les hommes qui produisent et perpétuent les inégalités et les violences faites aux femmes. En choisissant les mots d'une mixité obstinément positive, on a oublié les maux dont souffrent les femmes au travail.
Le premier d'entre ces maux, avant même les discriminations, c'est sans conteste les agressions sexistes et sexuelles. Qui font souffrir au travail les victimes directes mais aussi créent un climat d'insécurité pour les autres. Car c'est bien d'insécurité dont il s'agit : de la même manière qu'il est intolérable que l'on soit blessé.e sur un chantier  (et on sait ce que cela crée de traumatisme collectif quand ça se produit) ou physiquement et/ou psychologiquement atteint par un management dysfonctionnel (même réflexion sur les effets induits pour tout le collectif de travail), il est intolérable que l'on subisse harcèlement et agressions sexuels au travail.
En matière de lutte contre l'insécurité au travail, nous savons agir : on qualifie les risques, on met en place des process organisationnels pour les prévenir, on impose des pratiques "safe" aux acteurs, on responsabilise chacun.e quant au devoir d'alerte, on prévoit et applique des procédures en cas de manquement aux règles et/ou d'accident, on évalue régulièrement les progrès et au besoin, on réoriente le plan d’actions pour continuer à progresser dans l'ambition d'atteindre le risque zéro. Il faut en faire de même avec le harcèlement et les agressions sexuels.
Les politiques d'égalité des entreprises doivent s'emparer de la problématique sous cet angle et avec cette méthode. A ce titre, elles doivent être coordonnées avec les RH, le management, les instances en charge de la sécurité et des conditions de travail, le contrôle qualité de la chaîne de production de valeur, la communication interne et toutes les parties prenantes de l'organisation et de la culture d'entreprise.
On ne peut alors que recommander que ces politiques procèdent des directions générales (dont la prise d'engagements officiels a pour vertu d'être opposable : si votre PDG déclare que les actes de harcèlement et agression sexuels n'auront plus lieu dans l'entreprise, vous avez toute légitimité à l'interpeller si l'organisation dont il/elle est responsable manque, dans les faits, à la parole donnée) et que ces politiques inscrivent dans l'axe stratégique d'excellence des conditions de production, une vigilance maximale face au risque de violences faites aux femmes sur les lieux de travail.
Marie Donzel Consultante en innovation sociale, dirigeante de Donzel & Cie
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donzelcie · 8 years ago
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Les femmes au travail ne sont pas des princesses au petit pois!
« On lui aurait bien proposé une mobilité, mais comme elle a des enfants en bas âge, on s'est dit que ce n'était pas vraiment le moment pour elle », « C'est un service difficile, est-ce que c'est un cadeau à lui faire ? », « On peut toujours lui proposer le poste, mais comme elle manque de confiance en elle, il y a de fortes chances pour qu'elle refuse », « Il n’y a que des mecs dans cette équipe, et vu le profil des gars, elle risque d’en baver. Epargnons-lui ça »...
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Que d'intentions bienveillantes et trésors de prévenance!... Qui président parfois à la décision de ne pas promouvoir une femme. Prétextes faciles à d'autres motifs moins avouables comme la présomption sexiste qu'une femme n'a jamais vraiment les épaules aussi larges et le cœur si bien accroché qu'un homme ? Ou réel souci de promouvoir la carrière des femmes dans de bonnes conditions, en leur évitant notamment l'effet "falaise de verre" ? 
L'optimisme veut que l'on mise sur la deuxième option. Mais comment expliquer que la préoccupation croissante de l'articulation des temps de vie, de la qualité de vie au travail et de l’équilibre psychologique des collaboratrices et collaborateurs, portée en grande partie par l'action en faveur de l'égalité professionnelle, aboutisse dans les faits à durcir le plafond de verre ? Pour ne pas dire à créer de nouvelles formes, plus insaisissables, de discrimination ? En comprenant ce qu'il y a de parfaitement  sexiste dans ce que je nomme "l'effet princesse au petit pois".
Souvenez-vous du conte d'Andersen. Un prince cherche une "vraie princesse" (sic) à épouser. Comme il n'y a pas Tinder, il galère. Finalement, par une nuit d'orage, une jeune fille qui se dit princesse toque à la porte du Royaume. Trempée jusqu'aux os, elle n'a guère la mine du rang qu'elle annonce. Alors, la Reine va vérifier ce qu’il en est en plaçant un petit pois sous l'empilement de vingt matelas et autant d'édredons douillets qu'elle lui fait préparer pour la nuit. Au réveil, la jeune fille est couverte de bleus! Car elle a la peau si sensible et délicate qu'un petit pois l'abîme. Ca, c'est une "vraie princesse"! Admettons que ce soit un atout pour se marier (admettons...), mais ça doit quand même rendre la vie sacrément compliquée de ne pouvoir toucher à rien, même de loin, sans finir couverte de gnons.
Sous l'apparente bienveillante précaution qui nourrit les inquiétudes pour le bien-être et l'équilibre de la femme à qui on voudrait (mais finalement pas) confier des responsabilités, il y a enfouie cette vision d’une féminine sensibilité qui caractérise la « vraie femme ». Le traitement de ce stéréotype est pour le moins ambigu aujourd’hui, car cette délicatesse présumée des femmes est aussi présentée comme un atout, à l’heure où l’on idéalise un management tout fait de « soft skills » , d’empathie, de bienveillance, d’écoute, de subtilité relationnelle… La « vraie femme » va si bien au teint de la «  bonne gouvernance ».
Sauf que la « vraie femme » a bien du mal à grimper les échelons pour accéder à la gouvernance bonne ou mauvaise, quand à la matérialité des freins qui ralentissent sa carrière (inégale répartition des tâches domestiques  et des responsabilités familiales  – charge mentale comprise ), discriminations caractérisées au travail, défaut de mixité des filières et secteurs les écartant des plus porteurs) s’ajoutent des mythes qui la disqualifient (au moment où elle pourrait être promue à des fonctions très exigeantes) en même temps qu’ils l’obligent (à rester une « vraie femme », dont la plus-value se situe précisément du côté de la féminité stéréotypée).
Mais la « vraie femme » n’existe pas ailleurs que dans les histoires pour s’endormir le soir. Les femmes en vrai ne sont pas conformes, jamais, à l’idéal de la féminité tel que les fabulistes l’ont imaginé. Les femmes en vrai sont délicates et sensibles comme le sont les hommes, elles sont aussi rugueuses parfois, elles ont des tripes (c’est là et pas plus bas qu’il faut situer métaphoriquement le courage), elles sont capables de surmonter les difficultés… Et puis, elles sont douées d’intelligence et de parole. Aussi, avant de penser à la place d’une femme que « ce n’est pas le moment pour elle » ou que « ce n’est pas lui faire un cadeau » de lui confier le job, le mieux c’est de lui poser la question. Elle pèsera le pour et le contre, elle consultera qui elle voudra pour recevoir des conseils, elle fera ses arbitrages, elle jugera en son âme et conscience de ce dont elle se sent capable. Elle répondra oui ou non. Si c’est oui, elle négociera les conditions.
Cessons de prendre les femmes pour des princesses au petit pois. Parce que le plus souvent, quand il y a hésitation à leur confier des responsabilités au regard des difficultés que celles-ci impliquent, ce n’est pas de leur cuir qui serait insuffisamment épais que vient le problème. C’est d’une organisation sociale et d’entreprise qui fantasme encore la capacité à prendre des responsabilités comme un attribut des « vrais hommes ». Lesquels n’existent pas plus que les « vraies femmes » et n’ont pas de raisons de mieux supporter les bleus qu’on se fait au travail.
Car le problème, ce n’est pas de trouver qui va mieux encaisser les coups. C’est de faire en sorte que tous les coups ne soient pas permis. En entreprise comme en politique, partout où il y a des responsabilités à prendre, du pouvoir à conquérir et exercer. Ce sont les murs et ceux qui les gardent avec une foi conservatrice qui sont durs ; pas les corps s’y heurtant qui manquent de carapace. Un simple petit pois, qu’on peut bien balayer d’une pichenette pour pouvoir enfin entrer dans le vif du sujet de l’inclusion, ne saurait faire diversion à l’ampleur de cet enjeu-là.
Marie Donzel
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donzelcie · 8 years ago
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Donzel & Cie au Jump Forum de Paris
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L’équipe Donzel & Compagnie débarque ce jeudi 1er juin au Jump Forum de Paris.
L’événement a pour fil rouge « égalité professionnelle, dépassons les bonnes intentions ». Lorsqu’Isabella Lenarduzzi, fondatrice de Jump, a annoncé ce thème à Marie Donzel, celle-ci a répondu « Enfin, on va pouvoir déminer les bonnes intentions dont l’enfer est pavé pour entrer dans le vif du sujet : le comment des bonnes politiques d’égalité ?». Car à présent que le « pourquoi mener des politiques d’égalité ? » a trouvé sa réponse et un certain consensus au croisement de l’impératif de justice et du bon sens entrepreneurial qui veut qu’on ne se prive pas des talents de la moitié de l’humanité ; l’enjeu est bien de mener des actions pertinentes et efficaces pour réussir l’égalité réelle.
Alors, pour commencer, il faut réinterroger un certain nombre d’intuitions, intentions et parti-pris qui ont présidé à la construction des politiques d’égalité professionnelle au cours des dernières années.
Avec une certaine bienveillance, on a notamment porté l’accent sur tout ce qui, chez les femmes elles-mêmes, restreint leur ambition, censure leur audace, freine leur élan… Ainsi a-t-on posé le constat, sans forcément disposer de recherches probantes à l’appui, qu’elles « manquent » de quelque(s) chose(s) pour réussir comme elles le méritent : de confiance en elles, d’assertivité, de sens politique, d’aisance à prendre la parole et le pouvoir,  de soutien (en particulier de la part des autres femmes)… Et on s’est lancé dans des programmes pour « booster » le leadership des femmes et les former à autant de « soft-skills » qui paraît-il, leur font défaut. Ce que l’on apprend dans ces programmes est indispensable… A toutes et tous. D’ailleurs, les hommes qui les suivent sont souvent les plus enthousiastes et les premiers à dire qu’ils en ont sortis transformés, avec des impacts sur leur vie professionnelle comme leur vie privée. Mais pour les femmes, ces initiatives qui prennent pour point de départ l’idée qu’elles sont a priori déficitaires de qualités essentielles pour donner le meilleur de soi, ne contribuent-elles pas, sans le vouloir, à entretenir, sinon provoquer par effet de prophétie auto-réalisatrice, les complexes dont on veut précisément les guérir ?
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Les femmes ont-elles vraiment (plus que les hommes) un problème de confiance en elles ? Les femmes souffrent-elles vraiment (plus que les hommes) du complexe d’imposture ? Les femmes ont-elles vraiment le complexe de la « bonne élève » ? Les femmes sont-elles vraiment des négociatrices trop timides ? Les femmes sont-elles, comme ça se dit souvent (certes, essentiellement au café du commerce, mais quand même), « de sacrées peaux de vache entre elles » ?
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Et si tout ceci n’est pas si sûr qu’on le croit, voire parfois franchement erroné ? Alors, où vont donc se cacher les jointures serrées du plafond de verre et les obstacles à l’égalité professionnelle réelle ? Et par quels moyens les faire sauter?
Marie Donzel ouvrira la discussion sur ces questions en présentant une keynote intitulée « faisons leur fête à quelques contes et mythes sur la carrière des femmes – Ou la révolte des princesses, des petites filles modèles, de la Schtroumpfette et des abeilles ».
Par ailleurs, tout au long de la journée, Elina Vandenbroucke suivra les conférences et ateliers du Jump Forum Paris en vue de la réalisation d’une série d’articles en co-production Jump/Donzel & Cie.
Lire aussi :
Notre interview de Patrick Scharnitzky sur le « cliché » du manque de confiance en soi des femmes
Notre article sur le concept d’assertivité
Notre article sur le complexe de la bonne élève  
Notre article sur le complexe d’imposture
Notre analyse d’une étude de l’Université de l’Illinois sur les mécanismes de perte d’estime de soi chez les petites filles
Notre article sur l’initiative controversée d’un « correcteur de confiance en soi » spécial femmes
Notre article sur le mythe de la « reine des abeilles »
Notre analyse d’une étude sur les comportements compétitifs féminins et masculins en conditions de mixité et de non-mixité
Notre analyse de l’étude « Do women ask » qui révèle que même quand elles demandent autant d’augmentation que les hommes, les femmes en obtiennent moins.
Voir :
Le film « le plafond de verre n’est pas un conte de fée » produit par AlterNego
Pour aller plus loin :
Chapitre « mixité, le choix des mots, l’oubli des maux ? » dans l’ouvrage collectif Ensemble contre la gynophobie
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donzelcie · 8 years ago
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« La différence faisant partie de ce monde, le conflit est inévitable. Au lieu de le condamner, nous devons je crois, en faire bon usage. Le frottement entre la roue d’une locomotive et le rail est nécessaire pour déplacer le train. Tout polissage résulte d’un frottement. La musique du violon provient d’un frottement. Nous avons quitté l’état sauvage quand nous avons découvert le feu par friction. La friction de l’esprit sur l’esprit est une bonne chose. »
Mary Parker Follett
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donzelcie · 8 years ago
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Les grands enseignements du rapport EVE & DONZEL  à retrouver en animation Prezi. 
Documentation, conception et scénario : Marie Donzel
Direction artistique et réalisation : Erwan Balanant
Infographies : Romain Diguet (c) Donzel & Cie/Programme EVE
Copyright : Vous pouvez partager ce module de communication didactique avec votre entourage personnel et professionnel. Avec notre accord, vous pourrez l’utiliser dans vos formations, vos conférences, sur vos blogs, vos plateformes de learning et autres supports. En revanche, on vous demande de ne pas le vendre (à notre place), de ne pas le copier, de ne pas le modifier (y compris le traduire) sans notre autorisation. Pour solliciter une autorisation d’utilisation, pour en savoir plus sur le chiffrage de l’égalité professionnelle et/ou sur nos solutions de communication didactique (dont la réalisation de supports prezi) n’hésitez pas à nous contacter : [email protected]
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donzelcie · 8 years ago
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Achète-t-on du jus de cerveau comme on achète du jus de pomme (ou du lait)?
Nous venons d'apprendre que Consult'In France (ex-Syntec Conseil en Management) nous renouvelle sa confiance pour l'analyse des données et la production de son Baromètre Achats.
Ce baromètre biannuel dresse l'état des lieux des relations entre les cabinets de conseil et les directions achats des grands comptes. C'est une initiative du Groupe Achats de Consult'In France, née il y a une dizaine d'années de la nécessité d'un dialogue renouvelé entre parties prenantes, en contexte de crise du secteur du conseil pour partie imputable à la duplication de pratiques de "cost killing" dans le champ de l'achat de prestations intellectuelles.
Ce terrain d'étude a ceci de particulièrement intéressant qu'il met très lisiblement en exergue les enjeux de relations économiques écosystémiques. Pour faire très synthétique, quand on achète du jus de cerveau sur le critère premier — sinon unique —, du prix (sous entendu le plus bas), on fait peut-être une bonne affaire la première fois, mais on se tire une balle dans le pied pour le coup suivant. Car on assèche les moyens dont un fournisseur de prestation intellectuelle  a besoin pour rester à la pointe : les moyens de recruter des profils exigeants et de les former continuellement, les moyens de leur offrir des conditions de travail propices à la réflexion et à la créativité, les moyens de faire de la veille sur les idées nouvelles et d’innover pour en créer... Avec deux conséquences quasi-immédiates : une chute inéluctable de la qualité (celui qui n’a pas de bonnes conditions pour travailler et plus de temps pour s’inspirer et se renouveler fournit du boulot moins rigoureux, moins original, moins poussé) et une élimination rapide des acteurs les plus vulnérables, les "petits" fournisseurs en l'espèce... Alors même que ces "petits" fournisseurs, à l’exemple des start-up dans la tech, s'avèrent globalement les plus agiles et les plus innovants, poussant incessamment tout leur secteur à se dépasser.
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Autrement dit, la pression sur les prix est une fuite en avant destructrice de valeur à court-moyen terme. On peut aller plus loin en affirmant que les conditions dans lesquelles son fournisseur produit constituent un sujet hautement concernant pour l'acheteur. Il est bel et bien intéressé aux moyens mis en œuvre et aux façons de faire de son prestataire. Il a le devoir d'agir de telle sorte que l'écosystème de création de valeur soit préservé. Il est parallèlement en droit d'être informé précisément des moyens que se donne son fournisseur pour garantir une haute qualité de prestation (il est par exemple parfaitement légitime que l'acheteur de prestation intellectuelle demande à viser l'audit social de son fournisseur, sollicite des précisions sur les budgets de formation, étudie de près le comportement de son fournisseur avec ses propres fournisseurs etc.)
Ce qui est vrai pour l'achat de jus de cerveau ne l'est-il pas aussi pour l'achat de tout autre produit ou service? Bien sûr que si! La crise du lait est là pour le montrer : en pressurant les prix d'achat de sa matière première, l'industrie agroalimentaire a contribué à fragiliser toute une filière. Chacun.e sait les drames humains que cela entraîne. On découvre aussi, sans grande surprise, que la qualité du lait et de ses dérivés en a souffert, pour le malheur du consommateur final. Et voilà que, comme c'était prévisible, l'industrie agroalimentaire commence à en pâtir, car les comportements de consommation ayant évolué, la demande de bio est en forte croissance, or du côté du lait bio, on est aujourd’hui proche de la  pénurie... Comment pourrait-il en être autrement quand les éleveurs et éleveuses ont essentiellement été occupé.es ces dernières années à survivre en tenant leurs exploitations à bout de bras et de ce fait, contraint.es de reporter la transformation/reconversion de leur exploitation, sinon y renoncer carrément ?
Certains acteurs réagissent, tel Danone France (également notre client, précision établie par souci de transparence), qui a revu dès l'automne 2015, sa méthode de calcul des prix du lait intégrant la participation aux coûts de transformation des exploitations. Mesure aux effets directement visibles : les prix du lait payés par Danone en France ont augmenté de 8% en 2016, sur une période qui les voyait chuter de 8,6% au global.
Pour résumer notre propos : acheter est TOUJOURS une affaire concernante. Car dans tout ce que nous achetons, il y a des conditions de production, des conditions de travail, du traitement réservé aux humains, aux animaux, à la nature, au tissu entrepreneurial des territoires. Bref, des écosystèmes économiques, sociaux, culturels et environnementaux qui sont préservés et valorisés ou bien précarisés si ce n’est en voie de destruction.
Pensons-y, que l'on soit donneur d'ordre B2B ou simple consommateur, chaque fois qu'on serait tenté de se féliciter d'obtenir un bas prix. Qui s'est serré la ceinture (jusqu'à parfois crever de faim, littéralement), qui s'est retrouvé à lésiner sur la sécurité et sur les conditions de travail de ses employé.es (et de soi-même), qui a cessé par la force des choses d'investir dans l'amélioration de son outil de production, qui a perdu ses moyens d'innover, afin de nous offrir cette fugace satisfaction de payer "moins cher"... Enfin, payer moins cher, seulement à très court terme, car vient toujours un moment où nos "bonnes affaires" nous envoient la facture salée de la casse humaine, sociale, entrepreneuriale et environnementale.
Marie Donzel, dirigeante de Donzel & Cie
Consultante qualité de la chaîne de  création de valeur et transparence de la chaîne de sous-traitance
Pour en savoir plus
Le baromètre des achats de conseil 
Le baromètre des achats de conseil 2015
Une interview de Jean-Christophe Laugée, directeur du fonds Danone pour l’Ecosytème
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