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dubalaivrac · 1 month
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PARTITIONS, NOTES (Hiver-Printemps 2024)
Dimanche 4 février 2024, Opéra de Lyon, grande salle : Barbe Bleue de Jacques Offenbach (reprise), mise en scène Laurent Pelly, vif plaisir de légèreté et d'intelligence. Mise en scène d'un spécialiste de la finesse parodique, Laurent Pelly vers qui je cours dès qu'il entreprend Offenbach, depuis sa Belle Hélène du Châtelet (Paris) (Décembre 2001), impeccable réussite.
La scène se passe à la ferme, un peu, puis à...
...l'Élysée à la foule de conseillers aux costumes ajustés, humiliés par cet histrion de Roi Bobèche, dangereux, despotique, parfaitement comique et agité. À la cour de Bobèche, ils n'obéissent qu'à un seul devoir : courber l'échine, à quoi s'emploie bientôt tout le plateau, hilarant jeu de scène et pantomime. Le public, bien sûr, pige et rigole de bon coeur à ce qui devient la rengaine de la pièce : '...qu'un bon courtisan s'incline, 'zan s'incline, 'zan s'incline', tout comme comme il y avait dans La Belle Hélène, ce 'roi barbu qui s'avance, bu qui s'avance, bu qui s'avance, bu qui s'avance', sortes de galop entraînants et de rythmes niais, déglingages joyeux, charges sans concession.
Tout tourne avec bonheur autour du tempérament sensuel et amoureux de Boulotte, du monde au balcon, gouaille emballante, à qui rien ne résiste. Les amoureux sont gentils et innocents, ils vont finir par joliment gagner la partie (rebondissements, et mariage), mais Boulotte a un autre projet dramatique, exposé d'entrée : 'Mais saperlotte mais saperlotte, y'en a pas un' pour égaler la p'tit' Boulotte Dès qu'il s'agit de batifoler.' Et Barbe Bleue n'est pas le dernier à apprécier, qui s'enthousiasme : 'c'est un Rubens, c'est un Rubens, ce qu'on appelle une gaillarde'. Un connaisseur, un amateur, dans le genre d'une observation simple, un trait de crayon, qui écrase la critique d'art.
Ce soir-là, le Rubens est très belle, parfaite dans le genre batifoleur , très bien distribuée, donc : Hélène Mas. Les couplets qui prolongent le dialogue entre le choeur et Barbe Bleue sont absurdement répétitifs, mais bien calés, joyeux : 'c'est un Rubens', repris sans se fatiguer, qui devient l'autre tube de la soirée.
Sourire à un beau moment, comme une incidente, sur le pouvoir des belles voix : Popolani, le sorcier du roi, savant fou julevernien qui concède, face à un Barbe Bleue qui se réjouit de toutes ces femmes empoisonnées : 'il faut lui rendre justice, il prend tout ça très gaiment...Et puis il a une belle voix'. Ah, alors, c'est bien ça, la morale d'Offenbach (et du IInd Empire) si le ténor a une belle voix, alors, on pardonne à Barbe Bleue, on pardonne ses crimes au tyran.
[Nota : les soutiens institutionnels de l'Opéra de Lyon rechignent depuis peu à leur subvention, de Wauquiez aux écolos de la mairie de Lyon, d'accord là-dessus, irresponsables (et les courtisans s'inclinent, z'an s'inclinent..) La reprise de Barbe Bleue, dans ce cadre, est une recette sûre, dans tous les sens du terme, qui amortit la difficulté présente, l'opérette à succès qui remplit les caisses. Pour ce Barbe Bleue, on souscrit volontiers. Laurent Pelly, une affaire qui marche.]
Vendredi 9 février 2024, Opéra de Paris, Béatrice di Tenda, de Bellini (entrée au répertoire), mise en scène Peter Sellars, ratée et plate, sans élan, pour une partition à tunnels, parcourue cependant d'éclairs bel cantistes que la mise en scène ne parvient pas à fluidifier, ni à justifier. Soirée de déception. C'est un drame de cour et dictature, voyez-vous, alors, on va voir défiler, mouvements de foule sur scène, des troupes en simili cuir et pistolets d'assaut, en avant, en arrière, en avant, pan pan, en arrière, c'est ridicule. L'oppression, comme des allers-retour de soldatesque. Et Béatrice est moche, mal sapée et engoncée de vert : comment comprendre qu'elle suscite passion (jusqu'à la mort) d'Orombello et crime de jalousie de son époux le tyran.
Vite déçu, je prends peu de notes pendant le spectacle : attiré cependant par les premières mesures d'Agnese, amoureuse et jeune soprano à la voix très claire, mais qu'on perd bientôt dans un jeu de scène idiot (isolée dans les cintres, devant sa télé, où elle suit les événements à quoi, nous, on assiste sur scène. Lourdeur qui écrase le personnage, pourtant bien chanté et émouvant au début) je me souviens ensuite que Tamara Wilson (Béatrice) réussit tout de même, vers la fin, à bien supplier et apitoyer, marquée tout de même par son allure de wagnérienne, peu mobile et accablée par la mise en scène qui en fait une victime ensanglantée, sans gloire ni transcendance. Pareil pour Orombello, torturé dès le deuxième acte, effondré, rendu à la seule adultère, dont Peter Sellars oublie qu'il est aussi (et surtout) à la tête d'une insurrection qui gronde.
Dimanche 24 mars 2024, à l'Opéra de Lyon, grande salle : La dame de pique , de Tchaïkovski, mise en scène Timoféi Kouliabine. Direction Daniele Rustioni, très à l'aise avec l'onction et la rondeur romantique de Tchaïkovski, ça s'entend dès l'ouverture où on comprend par la musique tous les contrastes et les antagonismes qui vont faire la pièce : bien/mal, folie de l'amour/enfer du jeu et du calcul social. Direction qui passe très bien, sans rupture, de la lenteur au tumulte : tout au long, et qui sert bien le personnage (ténor, Dmitry Golovnin) d'Hermann pris entre mélancolie et vigueur destructrice. Mais Hermann est, disons, mal présenté : trop vieux, mal attifé, pas séduisant et on ne comprend pas pourquoi la jeune première se prend de passion pour cet homme mur, en proie à sa furie du jeu. Trop vieux également pour croire à la fable romantique des 'trois cartes', secret qui doit lui permettre de triompher au jeu. Mais voix (russe ?) ferme, aux belles notes graves.
Réussite de la mise en scène qui ne cherche pas à tordre le bras au drame historique en costumes ; Saint-Petersbourg, ses bals, ses concerts, ses cafés, est classiquement figuré, sans excès ni parodie. La scène est 'ancien régime', soit tsariste, soit soviétique renvoyés à égalité de regrets : le temps de la légèreté. La nostalgie soviétique, par exemple est rendue par un décor de salle des fêtes d'une maison du peuple, où les jeunesses communistes chantent et dansent, où on projette des portraits avenants du petit père des peuples. Ça se moque, évidemment, mais sans dénaturer ce goût du passé, ni le caricaturer. La clé du bonheur, son secret fabuleux est en effet dans le passé, dans ce très beau personnage (chant de douleur et de regret, peut-être le plus beau moment de la soirée) de la Comtesse (Elena Zaramba) : 'ah ce monde est détestable, quelle époque. On ne sait plus s'amuser.' La comtesse fait entendre avec une grande tristesse, cette mélancolie funèbre qui emporte la Russie moderne [sans insister, on rappelle de Timoféi Kouliabine s'est exilé de Russie dès février 2022, au moment de l'invasion de l'Ukraine...], nostalgie qu'elle chante pour partie en français, ce qui ajoute au trouble (quiconque n'a pas connu l'ancien régime ne sait pas ce qu'est le bonheur, comme on disait...)
Vendredi 15 mars, à la Comédie de Saint-Étienne, salle Jean Dasté, soirée avec Anna, pour Edelweis [France Fascisme], de Sylvain Creuzevault, montage de textes des pires collabos vichystes et pro-allemands, Brasillach, Rebattet, Drieu, Doriot etc...enquillés dans une sorte de farce bouffonne très bien vue, délirante mais grave. Très belle soirée de théâtre, avec Anna, qui est ravie.
Le texte est une enfilade de discours, documentés ou en tous cas qui citent leurs références, et présentés comme tels, à plat, crûment. On passe de l'un à l'autre des ultra collabos, genre passage en revue de l'ignominie. Bien vu du point de vue historique, présenté comme un formidable délire, qui ne cherche pas à expliquer raisonnablement les raisons des uns et des autres : c'est la grande réussite de ce spectacle, bien joué, en se marrant, à fond, dans une sorte de danse macabre. Les comédiens tiennent plusieurs rôles, rassemblant la collaboration dans un seul portrait, un seul ton, uniformisé par leurs éructations. Très bien et rare : la mère de Rebatet, absente de l'histoire d'ordinaire, à la racine 'Action Française' de tout ça. Et, pour les régionaux dans le public, madame Rebatet, odieuse, assure la présence de Moras-en-Valoire, berceau des Rebatet, notaires, etc... Charlotte Issaly joue un Brasillach faussement tranchant et sûr de lui, faible au bout du compte, trouble. Rebatet aussi est joué par une femme. Un effet 'petite gouape' dans les deux cas, efficace.
Peut-être préservé plus que les autres : Céline, joué très toubib de dispensaire, qui les met tous à distance. Il chie sur scène : leur merde. Pour tous : une justification des meurtres à quoi ils appellent, sur fond d'argumentation idéologique : bien obligés, nous luttons contre la décadence et ses agents, juifs bien sûr, mais aussi gaullistes, pétainistes, tous lâches et finalement traitres à l'ordre allemand si nécessaire pour libérer l'Europe. Leur trouille, bien montrée, hurlée : la décadence du beau pays de France.
Très bon théâtre donc, vivant. Dur, cauchemar et grotesque.
[Je dors sur un coin de canapé chez Anna. Levé très tôt et train du retour, parfait bonheur du petit matin, après bon théâtre.]
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dubalaivrac · 4 months
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dubalaivrac · 5 months
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George Benjamin. Lessons in Love and Violence. Philarmonie de Paris, 12 octobre 2023.
PARTITIONS, NOTES (AUTOMNE 2023)
1-Lessons in Love and Violence, George Benjamin/Martin Crimp. Le 12 octobre 2023, Philarmonie de Paris, dans le cadre du festival d'automne. Direction du compositeur. Mise en espace. Ce qui est frappant : l'opéra et ses effets reculent devant la musique et la simplicité des enjeux de disposition et de mise en scène. Éclatent la complexité des moyens musicaux mis en oeuvre, et la richesse et la variété instrumentale. Très belle précision de la direction, renforcée par l'extraordinaire acoustique de la salle. Exemple : les éléments de percussions qui rythment l'ensemble, très curieux, sons rares à peine perceptibles. Renforcé également : la gémellité des deux barytons (Stéphane Degout, le roi et Gyula Orendt, Gaveston, son amant) qui sont très simplement rapprochés, et comme tendrement unis, par leurs voix (scène 6, entremêlement des voix, et aussi de nombreux moments de superposition. Rares duettos). Jouer des contrastes cependant, dans une même tessiture : prouesse.
Tout est bien là-dedans : progression dramatique sans effets, par la seule musique ; le pouvoir royal (arbitraire), bien rendu, avec ses basculements tragiques : l'amour vaincu, la rigueur (compréhensible, il s'agit de sauver l'État) de Mortimer, qui se transforme en dictature ambitieuse. Aimé aussi : le jeune homme, qui devient roi en remplacement de son père. Cruel à la fin, dont le rôle s'épanouit à ce moment seulement, sans pitié pour sa mère. Joué (ténor : James Way) avec retenue (donc : glaçant). A la fin, le jeune roi a interdit la musique. Puis, théâtre dans le théâtre, on représente une conspiration, où l'amant du vieux roi apparaît comme un spectre. Le spectacle condamne la reine...Un nouveau tyran est né. Ce seront donc les mêmes jeux de pouvoirs, la même cruauté, mais l'amour en moins.
Curieux aussi : le ton grave et guerrier du cor/Dissonances des timbales/longs moments de cordes pincées/un diminuendo de castagnettes/des accès violents et emportés à la harpe (surprenant). Deux harpes/Absence de mise en scène classique opéra : excellente compréhension musicale, élucidation et exposition de chacun des personnages très bien rendues. De ce point de vue la direction de George Benjamin est détaillée, très claire.
Lent retour, très tranquille. Songeur bien sûr. Taboulé frais vers Laumière. Soirée heureuse.
2-Lohengrin. Wagner, mise en scène Kirill Sebrennikov. Opera Bastille, samedi 14 octobre 2023.
Vu il y a peu, avec Jenny, à Valence, La femme de Tchaïkovski du même Sebrennikov, précieux et maniéré, mais qui témoignait d'un univers chargé et lourd, décoratif et outré qui pouvait bien convenir à Wagner, me semblait il. Heureux d'être là, à saisir peut-être une occasion de rentrer dans Wagner, qui ne m'a jamais vraiment emballé (fatras mythologique, embardées sans joie, religiosité et grandiloquence musicale etc...). Mais ratage à peu près total, évident dès les premières scènes. Il m'a semblé que la direction d'orchestre était trop étale et ne variait pas ses effets. Pas de grâce des héros, pas de liberté face à leur destin (ils ne 'jouent' rien, donnés d'avance...Sans doute : la guerre, incessante et oppressante, ne leur laisse-t-elle pas le choix) Le choeur, par exemple, 'suit' la pièce, ne transforme rien, ne pèse sur rien. Grandeur, certes, et ampleur mélodique, mais à quoi on ne s'attache pas. Le fracas de la guerre, son décor, ses ruines, (qui ne sont pas dans le livret), insistant, emportent tout.
La mise en scène surtout est morcelante, diffractée et parfaitement envahissante. Sebrennikov nous impose trois (!) Elsa, comme démultipliées, dont deux danseuses, agitées. Simplisme des choix et décors, des oppositions : héroïnes chevelues/tondues, par exemple. Une croix lumineuse, aussi, dont notre orthodoxe ne peut se priver. Des sabres laser...La video répète les scènes, certaines projetées à l'envers. La division de l'espace, en lieux de projection distincts, force à la dispersion et heurte la réception (du chant en tout cas) : on y perd la ligne chantée, bien sûr...Ces pièces d'un appartement sont autant de cases et de cages (on rajoute même des cloisons) qui empilent les éléments dramatiques, qui dispersent le regard et l'attention, un vrai labyrinthe de points de vue. Un gros plan insistant sur un tourne disque est gênant. On a même droit à un cercle de lumière = le cercle des dieux : tout ce qui apparaît comme des artifices de remplissage, littéraux. Je ne suis pas mélomane, mais il me semblait que l'orchestre n'arrivait pas à suivre, et pataugeait. Lohengrin : héroïsme des forêts et des grands espaces, qui est ici rapetissé à de trop nombreuses scènes d'intérieur.
J'assiste au désastre sans plus prendre de notes, à partir du moment où j'ai compris ; ne prends pas la peine de vérifier que tout sombre dans les dispositifs choisis, avec constance. Le tout est écrasé par la guerre, Lohengrin en soudard de journal télévisé, épais, aux déplacements sans grâce. Mais la vidéo est charmée par un jeune homme (effet publicitaire et homoérotique). Drame guerrier, contemporain, qui oublie la légende du chevalier au cygne, dont on a perdu la jeunesse. Je suis sans doute passé à côté du Lohengrin de Piotr Beczala, dont un article confus du Monde, lu après coup, m'apprend que c'est un grand wagnérien. Regrets supplémentaires, donc.
Payé trop cher (183 €, me force à l'économie pour le reste de l'année). Regrette mon argent. Bien placé cependant.
3-La femme sans ombre, Richard Strauss, opéra de Lyon, dimanche 22 octobre 2023, mise en scène Mariusz Trelinski. Direction Daniele Rustoni. Une grande 'machine', peu montée et réduite ici à un orchestre disons...normal. Pour une musique très riche, variée, sonore et éclatante.
Le livret est mythologique, féérique, et ça éclate dès la mise en place, dès les premières notes : une gazelle, fille du roi des esprits est blessée à la chasse par l'empereur ; elle est transformée en femme, qu'il aime. Elle vit au palais, mais rêve du royaume des humains, où elle doit chercher une ombre. Mais elle doit enfanter, sinon l'empereur sera pétrifié. Tout le spectacle va être marqué par la féérie du lancement. Très beau tout au long. Atmosphère magique et mythologique, féérique donc, à quoi s'oppose le prosaïsme du monde des humains, que l'héroïne veut rejoindre. La pièce est au point de rencontre des deux mondes, décors et chants, héros et héroïnes. Le décor est tournant : parfois dépouillé et sombre chez les dieux, et au contraire sordide et encombré chez les pauvres hommes/prolos : superbe rendu de cette situation de départ, tension tenue tout au long, les deux mondes sont constamment exposés, et opposés. La mise en scène tient les deux bouts de l'intrigue.
Passer de l'autre côté du miroir, accéder à sa véritable nature, pour l'impératrice, et, pour le teinturier et sa femme, ne pas tuer, rester du côté des humains et de la vie ...Le monde des dieux est radical, c'est celui des idées, de l'idéal qui dicte sa loi ; le monde des humains est bienveillant, hésitant, mais sûr finalement de sa vraie nature. Au point de rencontre des deux monde, la tragédie, forcément. Exemple : la nourrice (Lindsay Ammann, glaçante, très dure dans les aigus), guide de l'impératrice semble être la maîtresse de la nuit, très beau rôle, voix inquiétante. En regard, de l'autre côté du miroir, la très belle voix de basse, envoutante de Barak (Joseph Wagner), prolétaire au grand coeur, magnanime et généreux : 'je ne t'en veux pas/mon coeur est joyeux/Ich zürne dir nicht/Bin freudigen Herzens' (à sa femme qui se rebelle et ne veut pas d'enfant, au premier acte)
Très beau final : Barak : 'je vais chanter la joie/comme personne ne l'a chantée/Je vais travailler/comme personne n'a travaillé' (Nun will ich jubeln/Wie keiner gejubelt/Nun will ich schaffen/wie keiner geschafft). A quoi répond l'impératrice : 'Toutes deux élues/pour jeter une ombre/Toutes deux trempées/A la flamme de l'épreuve (Schatten zu werfen/beide erwält/Beide in prüfenden/Flammen gestählt) Importance et grande beauté (très conclusive) de ce final dans mes notes, que je complète ici de la citation exacte, prise dans le programme.
Suivre Joseph Wagner, très belle voix de basse, qui emporte le reste, qui tire vers les vibrations intimes, convaincant, chaleureux. Il insiste dans le final : 'à la flamme de l'épreuve...' (sous entendu, l'épreuve du monde...) Très beau.
Impeccable ouverture de saison à Lyon. J'ai distrait ce billet de mon abonnement offert par Jenny au prochain Noël. Vif plaisir, qui dure. Voyage (train) avec Patrick Bombrun, tout à sa passion opératique. Amical.
4-La Esmeralda, de Louise Bertin, à l'opéra de Saint-Etienne, mardi 7 novembre 2023, avec Anna et Liam. Mise en scène de Jeanne Desoubeaux. Avant les Bouffes du Nord, à Paris, en décembre. Réduction de la partition à un court ensemble chambriste, bien, précis tout au long, mais insuffisant à 'porter' le drame, perdu dans un spectacle de grand guignol.
Choisi pour Hugo et Notre Dame de Paris, pour 'montrer' à Liam : grande différence avec Hansel et Gretel, même endroit, qui lui avait tant plu la saison dernière.
Rareté de Louise Bertin , femme compositrice (en 1836.) Unique livret d'opéra de Victor Hugo. Direction de Berlioz à l'époque. Bref un morceau d'histoire : on y traîne le petit fils, qui se laisse faire, volontiers.
Décevant. Manque d'ampleur et de moyens. Pas de belle voix. L'aimantation d'Esmeralda n'opère pas, sans désir objectif : Esmeralda est une jeune femme sans charme, mal sapée : on ne comprend pas le basculement de tous les hommes confrontés à sa beauté, mal rendue. Pas de grâce dans les mouvements, et pas d'envoûtement par le chant. Le viol d'Esmeralda est confus, très mal rendu (sous-vêtements couleur chair de contre-sens), avec un Phoebus bien peu dangereux, et approximatif tout au long, à la gestuelle par trop vulgaire et caricaturale. Frollo s'éjacule dessus : ça va bien comme ça.
On commence (trop long) par une cour des miracles (pauvres costumes, chorégraphie courte et confuse) qui alourdi tout le début et mélange tout : pas d'effet de contraste : laideur populacière//séduction du beau monde. On ne se relève pas de ce début laborieux. D'autant qu'une scène doublonne : une ripaille de cabaret, vraie redite. Dans les deux cas, un Quasimodo anecdotique et banal, qui ne signe pas l'amour fou du petit peuple pour une Esmeralda, dès lors sans soutien, qui sera laissée aux crimes (sexuels)(de premier degré) de Frollo et Phoebus.
On s'ennuie tous les trois, mais on décide que c'était une bonne 'sortie'...Prévu : Brundibar à Lyon, avec Liam, en mai...
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dubalaivrac · 5 months
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Intersection. Pastels et encre, sur carton de récup' et papier Ingres gris foncé, 14x10 cm. Décembre 2023.
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dubalaivrac · 7 months
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Au fil du temps, j'ai pu constituer une bibliothèque pugilistique qui comprend surtout des essais à caractère historique, des biographies de champions, des récits et de nombreux romans. Ça m'avait pris pendant la préparation d'un ouvrage qui traitait de la rencontre, au début du XXe siècle de Jack Johnson, grand champion noir, et Arthur Cravan hurluberlu de fort tonnage et poète ami des Delaunay, un genre de proto-dada. Dans ces livres, il y avait le Sugar d'Éric Sarner, paru au début des années 2000, recueil-portrait de Ray Sugar Robinson, libre et aérien comme son modèle, versifié et savant, détendu, facile d'allure, jazzy bien sûr et qui trace une esthétique de la boxe, souvent décrite comme un poème. Puis, il y a peu, Poésie/Gallimard a fait reparaître ce recueil augmenté d'autres poèmes, dont certains sont des exercices d'admiration, Pasolini, , Leiris, Roth, Becckett, toute une galerie, toute une bibliothèque. Je l'avais repris, sans le relire, par précaution et acquis de conscience. Cette semaine, par hasard vraiment, j'y trouve ça que je n'avais jamais remarqué, au numéro 26 (Sugar est scandé comme des rounds) :
'J'aime cette note de Claude Meunier
dans son livre Ring Noir :
poètes et boxeurs partagent depuis toujours
le même sort éphémère, quand
un seul coup sépare le travail quotidien,
sombre et épuisant, dans la salle de boxe
ou dans l'atelier, de la gloire et de la lumière,
de la reconnaissance par les pairs.'
Et puis le poème évoque Joyce Carol Oates et son Sur la Boxe, vrai traité de pugilisme littéraire. Vrai livre d'une vraie tradition américaine, qui veut comprendre et embrasser la psyché du pays, nous l'expliquer et qui se sert de la boxe pour ce faire.
Et voilà comment les poètes parlent des livres qui parlent de la boxe, qui est un poème, dont parlent les boxeurs, et les poètes, et Sarner, et moi, et Sugar Ray, et Cravan forcément et tout ça finit par composer nos bibliothèques, notre histoire, et noscombats et nos poèmes, qui se saluent de loin en loin, bibliothèques de nos fantômes vivants.
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dubalaivrac · 1 year
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‘Oh moi, ce genre d’histoire....’ Technique mixte (encres, pastels, mines) sur carton alimentaire de récupération, 6,5x5,5 cm). Mai 2023.
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dubalaivrac · 1 year
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Dimanche 5 mars 2023, Théâtre de la Renaissance à Oullins (Rhône), où l’Opéra de Lyon présente Mélisande, une recomposition de l’oeuvre de Debussy à la mise en scène et à la partition tout à fait chamboulées, par Richard Brunel, pour un spectacle amaigri, nerveux et intrigant. Le tout, partition et travail théâtral, resserré autour de la figure de Mélisande, infiniment gracieuse et légère, qui occupe tout l’espace. Surveillez les dates de tournée, ça vaut le coup, et par exemple aux Bouffes du nord, à Paris, jusqu’au 19 mars.
Ça n’a pas grand chose à voir avec les Pelléas ordinaires, effrayants Golaud ou Mélisande symbolistes et languides. C’est plutôt du théâtre musical (cinq instruments sont sur scène, montés sur roulettes, rendus très présents dans le drame : saxo, percussions, violoncelle, harpe et accordéon. Ce dernier, monocorde le plus souvent, donnant le ton : une phrase sombre et simple accompagnant les personnages), aux  rares parties chantées. Richard Brunel avait expérimenté ce genre de formule de variation à Valence, quand il dirigeait la Comédie du lieu. L’artiste en résidence était alors Samuel Achache, petit prince de ce genre de folie musicale, à la fois foutraque et raffinée, qui y avait monté un Didon et Enée de même inspiration. Et ce n’est pas un hasard si on retrouve à Oullins une Mélisande qui en était passé par là, par Valence : Judith Chemla. Tendue, émouvante, diseuse, chanteuse, et danseuse. D’ailleurs c’est aussi par la danse qu’elle séduit Pélleas, sinueuse et déliée, dans une très belle et très prenante chorégraphie ‘aux cheveux’, où elle emprisonne son amant, comme une Salomé ensorceleuse. Ça passe sans cesse de l’un à l’autre : Pelléas tient la partie de saxo et on a ainsi l’illusion que Mélisande séduit un des musiciens du quintette.
Golaud, l’effrayant Golaud qu’on connaît, n’est plus que le diseur de son chagrin et de sa jalousie, voix pâle et défaite, quasi neutre. Impuissant à contenir son destin, comme impuissant à chanter...Contraste avec un Pélléas jeune et clair, attirant, innocent, à l’innocence de qui Mélisande ne peut que se laisser aller (tant il chante bien, et clair).
Mais ce Mélisande n’est pas une réduction du drame, ni de l’opéra de Debussy, un résumé pour mieux se faire comprendre, une version courte, c’est plutôt une variation, une interprétation. Tout est très mêlé, intime et dense. Cohérent : malade en blouse blanche, mourante et alitée au début et à la fin, Mélisande est en couleur quand elle aime, quand elle séduit. En rouge quand Gaulaud la violente. Et Richard Brunel lui laisse chanter ce beau vers, hymne stratégique (et comique) du mensonge amoureux :’je ne mens jamais, je ne mens qu’à ton frère.’ Incertitude de Mélisande : ment-elle toujours à Golaud ?..
Le Journal Le Monde vient de faire paraître (Vendredi 10 mars) un portrait très intéressant de Judith Chemla, qui retrace sa carrière et la laisse (bien) parler des enjeux des grands rôles féminins qu’elle aborde : ‘c’est impressionnant tout de même, à quel point les femmes peuvent mettre leur vie en jeu dans l’amour, et à quel point les héroïnes qui abandonnent tout pouvoir et se donnent à un homme sont glorifiées, mythifiées’ La grande qualité de ce spectacle est peut-être là : rendre sensible et vivant, plus touchant encore, le mythe de Mélisande.
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dubalaivrac · 1 year
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Vignette : elle a dit : ‘...ma race...’. Encre et mines, sur carton emballage alimentaire, 8x5 cm. janvier 23.
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dubalaivrac · 1 year
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Sans titre. Gouache sur carton alimentaire, 17x6 cm. Décembre 2022.
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dubalaivrac · 1 year
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...Vermine...[encre et mines de couleur, sur carton alimentaire de récupération, 10x6 cm. Novembre 2022]
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dubalaivrac · 2 years
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L’herbe                       c’est le paysage avant de relever la tête,
celui qu’on aperçoit            quand on pose le pied avec précaution,
pas à pas, méfiant                           on sait jamais          ce qu’il y a dans l’herbe,
sous l’herbe  la première fois qu’on y met les pieds ?
Pas à pas                  on porte attention                           au sol
on avance                 avec précaution                              par terre.
 L’herbe folle, l’herbe vierge c’est le paysage de la première fois, du premier pas
on y regarde de près, on porte le regard sur le paysage minuscule
à l’horizon rétréci. On sait que, quand on aura posé le pied, plus rien ne sera pareil, alors on y prête attention, forcément.                     On pose le pied (et le regard)
avec précaution,                  sur un paysage attentif et resserré
sans profondeur                             de champ.
    Mais l’herbe gelée est cassante et fragile
Ça s’entend                                     et puis ça se voit
 mais marcher sur l’herbe glacée,                        c’est la tuer ;
demain la l’herbe gelée blanche              noircira
et le temps que cette herbe blessée se refasse une santé,
le piétinement du marcheur aura             laissé une trace.
et pas à pas, on aura finalement tracé un chemin                   noirci
                       cette trace sera visible au printemps.
 On voit que, peut être bien, les chemins sont tracés l’hiver, et fait d’herbes mortes ; une trace, une sente  un trait,          un dessin dans le pré    un dessin
dans le tapis                         l’horizon s’est élargi                                   on va pouvoir relever la tête
 Relever la tête et chanter peut être bien            la bonne chanson
No hay camino                                                                   la bonne chanson :
————————————————————————————���——-
Alors, à sa lumière d’incendie, on aperçoit
un pré nocturne, humide, et la     forêt par-delà
où il avait surpris cette ombre tendre,
ou beaucoup mieux et plus tendre qu’une ombre :
 il n’y a plus que chêne et violettes, maintenant.
 La voix qui illuminé la distance retombe.
 Je ne sais pas s’il a franchi le pré.
  ———————————————————————————————-
 et puis, toujours à nos pieds, le ciel apparaît
dans une flaque                   à quelques pas,
du ciel, un reflet       des arbres     des nuages
comme un gouffre d’en haut
à nos pieds               le paysage                s’est ouvert
dans une flaque sans profondeur            un grand ciel clair
est apparu                                        feuilles et frondaison          nuages
bords d’eau et de neige                 rubanier        tiges hautes
dans une clairière nappée   de blanc
 —————————————————————————————————
Puis j’ai levé les yeux : toute la largeur du ciel
était autour de nous
avec un grésillement dans les éteules
comme d’étoile à ras de terre.
Un dernier vol, telle une trace de silence, fut visible
et je me dis : ’nous voilà donc nés de nouveau
par le baptême de la longue nuit d’été.’
  —————————————————————————————————
  on a levé yeux                      dans la flaque d’eau, dans l’étang
on a levé les yeux   distraits         sortis de notre précaution
sortis de l’enfance pied à pied
sortis du monde de l’herbe           des choses et des petits cailloux semés ici et là,
des signaux simples                       semés                      ici et là  
qui forment la cartographie simulée qu’il nous fallait déchiffrer
 maintenant pour qui marche,       c’est le ciel  dans la flaque
l’horizon  liquide      par terre        à ras de terre
l’horizon miroitant et blanchi                    cassant
qui porte vers le ciel   vers la trouée  vers les nuages
  le détail à quoi on prenait garde baissant la tête
est devenu
le paysage qu’on découvre           levant les yeux
 claude meunier (mai 2021-mai 2022))
    en italique, des passages de Le dernier livre de Madrigaux (Ed. Gallimard, 2021), pour rendre hommage à Philippe Jaccottet, qui vient de mourir.
A paraître très bientôt, un recueil de dessins de Martine Schildge, qu’accompagne le texte ci-dessus.
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dubalaivrac · 2 years
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Répépétitif [encre-machine sur papier japon, monté sur carton emballage, 5,5x10 cm, mars 2022]
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dubalaivrac · 2 years
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Vue ces dernières semaines, une courte exposition consacrée à Pierre Bonnard à Grenoble, où j’ai retrouvé cet autoportrait en boxeur, déjà remarqué dans mon travail sur ce sujet : la boxe, quand elle sert de mise en scène aux artistes pour dire leur combat artistique contre...contre tout, contre leur vie, contre eux-mêmes, ou contre leur temps. Le plus souvent, cette bataille perdue d’avance donne lieu à un spectacle dérisoire où affleure la mélancolie et la tristesse. Mais surtout, Bonnard s’est toujours méfié non pas de la peinture, mais du tableau, ce piège, cette surface hostile qui attend, qui combat, qui piège et qui se venge, qui fait échouer les plus endurants. Ici, face à un miroir, un Bonnard vieilli lutte encore contre le tableau, et contre lui même.
Bonnard a peint quatorze autoportraits dans sa vie, six entre 1899 et 1930 où on l’aperçoit en peintre, en jeune homme, en amant, dans des scènes d’amour ou de nature, sur le motif, avant ou après peindre, avant ou après l’amour. Puis huit entre 1930 et 1947, plus pathétiques et mélancoliques qui aboutissent à une mise à nu qui traduit de plus en plus ses difficultés à comprendre son métier de peintre, à saisir ce qu’il fait. Cette série s’accomplira  dans le dénouement du Portrait devant la glace de 1940-45, présenté lui aussi dans l’exposition. Et comme Marthe devient peu à peu comme folle, qu’elle s’enferme et s’isole bientôt tout à fait, elle le laisse seul devant ses toiles, aux prises avec elles. L’idéalisme et la douceur des portraits féminins persiste cependant, quand les auto portraits -ici c’est frappant- sont marqués par la sincérité à l‘égard de lui-même, par la dureté dérisoire par laquelle Bonnard se figure sans concessions, timide et myope, maigre, pauvre boxeur rougi (la honte, ou la congestion ?) sous l’effort, poitrail étroit, poings serrés et garde ouverte, à la merci d’un mauvais coup en retour.
Ce tableau de petit format est intitulé Le Boxeur (portrait de l’artiste) ; il est daté de 1931. Le catalogue nous dit qu’il a été réalisé au Cannet, face au miroir de la salle de bain, qu’on devine, ce miroir, à l’étroite bande bleue qui borde la toile, à droite. Cette bande de couleur incongrue ‘fait’ le cadre de la scène, comme partout chez Bonnard où portes, fenêtres, paravents et rambardes encadrent le sujet, éléments géométriques simples mais tranchants, éléments de dureté contraignante. Liquide et doré pour le fond, rectiligne et froid pour le cadre du miroir. Dans Nu dans un intérieur, daté de 1935, on trouvait déjà cette bande de bleu coupant, qui bordurait le tableau et le décor au fond jaune de papier peint.
Bonnard aimait les toiles à la géométrie complexe, les plans qui se recoupent, les lignes qui marquent des limites, qui découpent le tableau. Quand s’ajoute   un miroir à cette architecture, le spectateur ne sait plus où il est, ni ce qu’il regarde, ni où il regarde, perdu dans un labyrinthe de portes et de chambranles, de plans qui égarent le spectateur. Avec un mystérieux paradoxe : le miroir ajoute à la profondeur de champ, mais interpose une surface, frontale, brutale, qui impose au peintre un traitement à plat, court, radical et sans épaisseur. L’intimité des salles de bain et le corps gracile de Marthe, contre la vision frontale et sans mystère de Bonnard, lui même. Un combat sans issue dans le tableau, écrasé, réduit à un seul plan, sans ligne de fuite. Un combat perdu, on vous dit.
Ce boxeur décharné est ressemblant, très réaliste et conforme aux portraits photographiques de Bonnard à cet âge de 64 ans, frêle, fragile, tendu et crispé, mais ridicule. S’il se représente en athlète, il n’en a pas l’allure, ni le tempérament ; ce qui compte alors, dans cette invraisemblance, ce n’est pas tant l’anatomie que l’attitude, la saisie, le vif, le combat. Perdu d’avance, on le devine, tant l’homme a l’air fluet, au thorax étroit, aux maigres épaules.
Les yeux du boxeur sont estompés et enfoncés dans le visage, traités comme un prolongement des joues rougies. On retrouve cette manière d’effacement et d’atténuation dans le portrait qui suit, dans l’exposition, intitulé Autoportrait dans la glace du cabinet de toilette, et peint entre 1940 et 45. C’est la même cécité angoissée, tête à demi baissée et résignée, baignée d’ombre, mais le peintre a abandonné son combat et apparaît plus résigné encore. Combat contre la cécité qui gagne, contre cette passion périmée, qu’il ne pourra plus imposer : la peinture : Narcisse mort, aveugle, combattant, il est en train de perdre ses yeux, sombres, oubliés, enfoncés.
Depuis les années trente, Bonnard prend des notes et des croquis dans de petits agendas de poche (reproduit ici) ; il y consigne des idées de tableaux rapidement esquissées et de courtes listes de ses achats à faire. Mais toujours, il note le temps qu’il fait, sans qu’on comprenne bien ce que ça vient faire dans le tableau, ou avec le sujet du tableau projeté, ni son rendu final. Ici les quelques traits qui saisissent le boxeur, à la mine, sont précédés des notules météo : ‘pluie’ le 27 novembre [1931] et ‘couvert pluie’, la veille. Peut-être ces indications donnent-elles la couleur psychologique du tableau, son ambiance de vie, quelque chose d’objectif comme un relevé de température, mais où la météo du jour laisse passer un sentiment. Quant au crayonné du boxeur, il est des plus simples, et donne quelques volumes d’ombre, des contrastes de masque africain, sans yeux déjà. Ce qui compte plutôt, ce sont les muscles et le dessin de l’épaule. D’ailleurs ce qui a provoqué la prise de notes, qu’on voit dans l’agenda, c’est l’idée qui a fait le sujet : la posture est tourmentée et presque revendicative, mais éludée par l’épure.
Après la guerre on disait de Bonnard qu’il est un peintre de la joie, de la couleur éclatante, joie et couleur étant mêlées, après les années de grisaille et de privations de la guerre (y compris pour Bonnard et Marthe, coincés au Cannet, aux prises avec les difficultés du ravitaillement), dont le jaune solaire et irradiant devait nous guérir. Mais l’expo de Grenoble montrait au contraire un Bonnard exposé à la difficulté de vivre et aux tourments, non seulement de la peinture, mais aussi de la vie amoureuse et sentimentale : Marthe souffre, elle est malade, aux prises avec de grandes difficultés psychologiques. Elle se réfugie dans de longues séances de bains et ne quitte bientôt plus son cabinet de toilette, où Bonnard la saisit sans discontinuer. Avant de passer à ces auto-portraits, plus durs, devant le même miroir.
A la fin de sa vie, Bonnard est fidèle à Mallarmé, qu’il connait bien et qu’il relit souvent, dont l’oeuvre lui est familière. Ils ont en commun cet attachement à la figure du pitre-artiste et de l’histrion-poète, transfiguré et résumé ici en boxeur. Clowns et Pierrots, danseurs de corde : les poètes de la fin du XIXe siècle ont rebattu le sujet, lunaire, triste et en marge du spectacle bourgeois en train de bâtir son système de représentation. ‘Le pitre châtié’ de Mallarmé, a l’air d’illustrer le boxeur de Bonnard, de l’imager. Et peut-être en a-t-il inspiré le traitement : ‘Hilare or de cymbale à des poings irrité/Tout à coup le soleil frappe la nudité/Qui pure s’exhala de  ma fraîcheur de nacre.’ Sartre avait bien vu tout ça, cet enchevêtrement de la lucidité et de la confrontation : ‘la société , la Nature, la faille, [Mallarmé] conteste tout, jusqu’au pauvre enfant pâle qu’il aperçoit dans la glace’. Pauvres enfants, pauvre Lélian, pauvre boxeur... La boxe a pris le relais, variant les effets, comme ici chez Bonnard, avec ce soleil brulant du jaune qui ‘frappe la nudité’.
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dubalaivrac · 2 years
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Ça...[Mines, encre, pastels sur Ingres, dans Carnets, Janvier/Février 2022]
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dubalaivrac · 2 years
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Sans titre (pas la peine d’en rajouter...) Pastels sur papier Ingres gris foncé, 10x15 cm, 4 novembre 2021.
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dubalaivrac · 3 years
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Iphigénie en Tauride (Gluck). Mercredi 29 septembre 2021, opéra de Paris (Garnier), reprise d’une mise en scène de Krzysztof Warlikowski datant de 2006, sa première mise en scène d’opéra. Cette Iphigénie est donc patrimoniale, un classique.
Le metteur en scène a situé le drame à l’époque moderne, dans une maison de retraite ; des infirmières, mais surtout des vieilles dames, s’agitent et dansent et on comprend qu’Iphigénie est l’une d’entre elles, qu’elle se souvient. A partir de ça, la mise en scène laisse faire et laisse chanter : se souvenir, ça met le drame au passé, Iphigénie connaît sa culpabilité, elle chante une malédiction qui la hante : c’est, tout au long, l’effroi des coupables, leurs remords, quand ils connaissent l’issue des choix que le destin leur a imposé. C’est très prenant, constamment : Iphigénie implore Diane et les dieux, ou la patrie, ou son père : elle connait le chagrin qui ne va pas manquer de venir (pour nous), qui est venu (elle le sait). C’est l’effroi des coupables, de qui l’on exige qu’ils versent encore et encore du sang. Tara Erraught chante une Iphigénie  oppressée mais sans colère, ralentie par le remord ; la direction musicale, dans ces parties-là, est très sobre, comme atténuée, en accord impeccable avec le propos.
C’est l’histoire des Atrides : normal que ça finisse dans un EHPAD, ces affaires de famille qui tournent mal. Iphigénie est vierge, exilée en Tauride ; c’est maintenant une prêtresse tenue de sacrifier tous les étrangers débarqués. Arrivent Oreste et Pylade. Iphigénie va finalement refuser le sacrifice d’Oreste (elle l’a reconnu, c’est son frère) : elle s’humanise, chante pour elle et nous ; elle représente notre destin, qui peut échapper aux dieux de la vengeance. Il suffit de chanter, et d’épargner Oreste (’le calme rentre dans mon ceur’, très beau moment,émouvant, bien dirigé, très précis et net). Sur la photo présentée ici (plateau rouge sang) Pylade et Oreste, les deux amis, se disputent pour savoir qui va repartir en Grèce, et échapper ainsi à la mort ; chacun veut épargner l’autre. L’amitié guerrière des deux jeunes grecs est très bien rendue, chantée avec tendresse et douceur. Contraste  avec les soudards de l’arrière plan. Beaux violons, lenteur.  Et cependant Iphigénie doit choisir ; à l’acte IV,  ‘mon âme se déchire’, puis silence et reprise de violons, pas de chant : superbe de retenue. Et par un effet d’opposition, ce passage (’encore du sang...’) martial, souligné de roulements discrets de caisse claire.
De la même manière, plus tôt, même lamento magnifique  (‘Ô malheureuse Iphigénie’ et ’je n’ai plus de parents’) et gémissements plaintifs. Et que l’héroïne grecque soit ce soir-là incarnée dans une chanteuse rondelette, aussi loin de la ‘statuaire grecque’ que possible, humaine si humaine, rajoute au charme de son rôle : Iphigénie a retrouvé une forme de dignité humaine, après la victoire de Pylade revenu abattre le tyran. Et, à cette vue, on retrouve tous cette dignité que confère la liberté reconquise, la fin de la malédiction.
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dubalaivrac · 3 years
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LE PLAFOND DES RADELIERS D’ARLES.
La veille de notre départ pour Arles, nous avions loué sans trop y regarder, très vite et pour pas cher, un petit appartement situé dans le quartier de la Roquette, tout au bord du Rhône. C’était une maison minuscule, au fond de l’impasse des Pilotes : une  cuisine dans l’entrée et une chambre perchée sur un escalier malcommode ; partout je devais prendre garde à ne pas me buter ici où là, la tête, un orteil, une épaule, dans l’escalier ou un meuble, une mauvaise chaise ou une étagère anguleuse. Petit canapé inconfortable, placé à quelques centimètres de la porte d’entrée, qui coinçait, dont la serrure était mise à ras du chambranle, difficile à manoeuvrer quand ce n’était pas le rideau mal fichu qui s’emmêlait. Tout était ajusté au prix, bricolé pour pas grand chose : à peine garée notre valise, nous nous étions amusé de la situation, ça irait très bien comme ça, ces proprios qui raboutent trois planches, pour faire de petits abris de rapport, parfaits, vite loués par des manoeuvres téléphoniques pas compliquées ; sur le canapé un rapide verre d’eau avant de filer en ville, on contemplait la cuisinette qu’on avait sous le nez, placards posés de travers et plomberie proéminente aux raccords qui semblaient hasardeux, montés de biais, on ne toucherait à rien, promis, trop fragile, trop branlant, promis on ne prendrait pas de risque.
 C’est surtout le plafond qui nous avait intrigué, irrégulier, chironné et clouté de partout, avec de petits graviers coincés dans des planches inégales et mal posées sur des solives tronquées, badigeonnées de blanc sans prétendre rien masquer, sans décor : on voyait les failles, on comprenait qu’il nous faudrait marcher là-dessus, sur le parquet du haut, on se demandait si ça tiendrait, mais après tout Jenny n’est pas bien lourde, ça devrait passer. Vu des dessous de l’affaire, l’impression de fragilité était entière : plus de tapis pour cacher les raccrocs, pas de faux plafond et on voyait bien quelques vieux clous qui dépassaient, sans voir ce qu’ils maintenaient ensemble. Tout cela laissait deviner une bonne franchise : on bricole, on fait même pas semblant, on est tous de passage, sous nos pieds le vide et ses vrillettes, pas la peine de s’affoler, on vous loue ça pour pas cher, on est bien d’accord et un petit coup de blanc et ça ira. 
 Et puis nous étions allé regarder les expositions de photographie, pour quoi nous étions venus à Arles. Nous avions remonté les rives du Rhône, tout au long du quartier de la Roquette, pour rejoindre la vieille ville. La Roquette est faite de maisons étroites comme la notre, hautes d’à peine un étage,  aux simples façades strictes et ternes, poussiéreuses ; une porte et une fenêtre à même la rue, sans ferronneries ni manières, avec un pot qui, le plus souvent fait pousser un rosier grimpant ou du jasmin. Une pellicule blanche de boue séchée indique que le Rhône a débordé il n’y a pas longtemps. Rue des douaniers, rue des salines, on longe la digue : pas d’ouvertures sur les façades aveugles qui se protégeaient du Rhône et du vent : on comprend que La Roquette était jadis vouée au fleuve et à son économie d’entrepôts et d’artisans, de patrons de barques et de travailleurs du Rhône, de commerçants, d’armateurs. Au fronton de l’ancienne église de Sainte Croix, on peut encore lire : coopérative du syndicat des éleveurs du mérinos d’Arles ; où on refait un théâtre, on jette un oeil et l’on aperçoit la haute charpente très simple d’une grange, plus loin, un cinéma et une librairie fameuse ont été installés. Après le Rhône et La Roquette, il y avait eu le train et ses ateliers, plus haut dans la ville, marquant l’histoire ouvrière d’Arles, qui en est sortie communiste d’obédience cheminote, après guerre. Maintenant tout est fini, mariniers et cheminots, et partout la ville tente de se réoccuper et de se restaurer autour de l’industrie culturelle, chargée de boucher les trous et d’occuper les usines mortes. Les ateliers dits ‘De la mécanique générale’ abritent de grandes expositions, comme celles que nous allions voir. Une milliardaire pharmaceutique a construit tout à côté une tour formidable et dominante qui dit bien que la ville a changé de coeur : place aux affaires de l’art, du banal, du toc, comme on comprend. En face de ces fonderies et de ces ateliers de réparations, a été construite une très belle école de photo, tendue, basse et sombre, rectiligne et confortable. Et dans cette école, les élèves montrent leur travaux. Dans la bibliothèque, ils exposent les livres qu’ils projettent, où qu’ils ont réalisés à quelques exemplaires : des sortes de petits montages de papier présentées comme des maquettes astucieuses et élégantes. Ça a le charme de ce qui n’est pas encore dans le commerce, ou qui ne le sera jamais, le charme de l’étude et de l’inachevé, de la jeunesse. Surtout, ça n’est pas encore oblitéré et étouffé par l’épaisseur des gros papier-gros tirages qui sont le défaut de l’édition photographique ordinaire, . c’est léger, agréable, de bonne conversation, occupé à des stratégies visuelles savantes et réfléchies, biaiseuses le plus souvent et bricolées.   Un de ces livres d’étude, feuilleté au hasard de l’exposition, montre le quartier de La Roquette et enquête sur son architecture, fait voir des détails et furette dans les vieux métiers dont on parlait tout à l’heure. Quand il traite de la construction navale sur le fleuve, le jeune photographe évoque bien sûr la charpente et le radoub, le bois et le goudron, mais il s’attarde surtout sur les chantiers du bois, commerce primordial des bords du Rhône. Il prend l’exemple des cargaisons de châtaignes d’Ardèche, qui descendaient par le fleuve dans de lourdes barges pour se vendre en grandes quantités dans tout le midi de la France. Mais le voyage du retour, à vide, était trop cher à remonter ensuite, halage, bestiaux, risques, assurances, une fois vendues leurs cargaisons : ce couteux voyage de retour finissait de manger le bénéfice du marchand de châtaigne. Qui avait bientôt trouvé cette astuce d’affréter plutôt des sortes de radeaux de planches de châtaigniers, construits pour un seul voyage, et démantibulés une fois arrivés à Arles, dans ces fameux chantiers navals. Les radeliers revendaient le radeau, en même temps que leurs châtaignes, et remontaient sans rien, comme ils pouvaient, avec leur double bénéfice : celui de leur cargaison, en même temps que celui du bois de leur radeaux. Et ces châtaigniers de réemploi servaient ensuite à construire à bon compte les maisons de la région, une fois le bois retravaillé. La modestie du livre et son apparence de bricolage est très adaptée à son étude : le petit livre, fragile et sans grands moyens photographiques (je ne me souviens plus s’il est même relié, ou agrafé, sans doute pas), évoque bien cette économie circulaire et récupératrice, cette ruse marchande qui consistait à bâtir des navires à usage unique, à concevoir un devenir-plafond pour leurs assemblages de planches de châtaigniers : planchers sur le fleuve aux destins de planchers en ville. Des pages mal ajustées pour des plafonds raboutés.
Le soir, on s’était raconté nos trouvailles bien sûr et, fourbus, on avait contemplé encore une fois les dessous de notre plafond mal ajusté. J’ai pris la photographie qu’on voit à l’entrée de ces notes extraites de mes carnets et réarrangées depuis. Puis nous avons reconsidéré son allure douteuse de vieux radeau et la moquerie râleuse et hôtelière avait fait place à une sorte d’estime historique, de perspective savante et amusée sur les choses du commerce : les châtaigniers d’Ardèche, vieux radeaux d’occasion, rapportaient encore une fois, planchers à touristes.
(Arles-Chabeuil, Juillet-septembre 2021)
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