Tumgik
eberluee · 5 years
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imbrogli
il y a eu une agression avant-hier matin en permanence, une personne accompagnée a pris à la gorge une collègue. ce sont des choses qui arrivent, ce n’est pas la première fois et sans doute pas la dernière. on cherche des raisons, des “qu’est-ce qu’on aurait pu faire pour éviter ça”, on sait que ce n’est pas juste une question d’un traitement médicamenteux qui saute car sinon nous ferions face à des agressions bien plus régulièrement
les collègues décrivent comment ils sentent l’ambiance de la permanence dès le premier quart d’heure, de la présence ou non de tensions dans le groupe, des vigilances particulières à avoir (et la surprise l’année dernière que ce soit un petit vieil homme qui ait brandi un couteau refait surface)
je suis choquée par certains propos, seule psy parmi des travailleurs sociaux je les trouve pressés souvent (pas tous heureusement) de faire intervenir la psychiatrie, des soins sous contraintes - comme si les pauvres ne subissaient pas déjà assez de violence.
je suis fatiguée de la mascarade à laquelle on participe.
j’imagine la violence exposée aux yeux de tous, si tous les agents du maintien de l’ordre, de la paix sociale s’arrêtent de travailler ; si on arrive à expliquer que le rsa est un minimum de survie pour contrôler et maintenir les pauvres dans un état de détresse permanent, que les apl sont une aide pour les propriétaires, etc.
nous cachons seulement la violence avec des pansements bancaux, il faudrait laisser les fous être fous, laisser les pauvres périr dans la rue, laisser les vieux se perdre n’importe où, (de manière moins étouffée et plus spectaculaire que des statistiques ou des faits divers)
à l’heure de la méditation collective et des cérémonies de gratitude comme idéal de rébellion, j’aimerai que chacun puisse poser ses yeux sur la réalité sale de la violence et qu’elle ne reste pas en vase clos dans des institutions où des gens qui tentent d’y pallier en sont les seuls gardiens et victimes
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eberluee · 5 years
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par temps de rage
à chacune de nos quatre maraudes hebdomadaires, nous allons à la gare où nous y rencontrons des habitué-es qui cherchent un peu de vie sociale dans ce lieu public, rempli de passages et d'attentes, où le regard de la foule ne se dépose pas forcément sur la précarité qui l'entoure. la gare ferme à minuit et demi et ouvre vers quatre et demi - parfois elle reste ouverte toute la nuit, lors d'un retard de train par exemple ; alors les sans-abri qui attendent ici observent souvent les panneaux d'arrivée et de départ et certains ont fini par connaître aussi bien que le chef de quai les horaires de chaque train. la gare est aussi le lieu où se réfugient des familles exilées, déboutées ou non, où des enfants jouent et pleurent et chaque soir où nous y sommes, nous croisons les gens qui y travaillent, pas forcément les cheminots non, le gars de la sécurité ou celui de l'entretien, à qui on sert parfois une boisson chaude sous l'invitation d'une personne accompagnée par l'association. un article a été écrit il y a peu, par une journaliste locale, sur la gare comme presque “une cour des miracles” un des gars de l'entretien témoignait dedans, et ces derniers temps il nous demande "y'a pas de travail pour moi ?" ; au départ je ne comprenais pas sa question. puis il m'a expliqué un peu : il voudrait travailler avec nous, je lui réponds que notre maraude est salariée et fonctionne seulement avec le binôme psychologue-travailleur-se social. il a l'air triste sur son engin qui nettoie, j'ai souvent peur de le déranger dans son travail quand je sers du café au milieu des bancs des usagers de la gare, que parfois on en renverse, que nous sommes une petite gêne dans son emploi quotidien il a l'air triste et me déclare "moi aussi je devrais voir une psy" ce monsieur qui s'occupe de l'entretien de la gare, il voit les gens sans-abri, les familles avec des tous petits qui dorment dehors, il est là le soir, témoin du sort d'autres et il est tout seul face à ça. je lui donne le numéro du CMP en le rassurant sur la gratuité du service et lui propose de ne pas hésiter à venir nous parler plus longuement s'il le souhaite.
je crois en ce moment que ce n'est pas la violence de la rue qui pourrait me faire arrêter mon boulot, ce n'est pas la violence des parcours de vie des personnes que je rencontre,
comme cet homme qui décrit le bruit des clés de la prison qui l'empêche de s'endormir le soir et qui se drogue en conséquence, devient polytoxicomane et espère que sa prochaine cure va marcher
cette violence là je peux la contrer d'empathie et de douceur quand je suis au près de ces personnes, de sympathie et de reconnaissance du même qui nous constitue,
cette violence là elle s'atténue quand je sers chaleureusement la main de personnes assises sur des cartons bien empilés, que je salue le chien par son prénom et qu'on me remercie pour mon sourire
je pense à ce couple de "zonards" avec lequel commence à se créer une sorte d'amitié professionnelle: lui est un grand gaillard, marqué par la vie, des cicatrices et des tatouages sur les bras, rarement sobre ; elle est frêle, très maigre, mais elle tient avec une poigne confiante la laisse de son pittbul. il y a quelques mois je ne les connaissez pas encore, je l'avais croisée couverte de bleues, fuyante, impossible de rentrer en contact avec elle malgré des échanges de regard intrigués le chien des sans-abri est une jolie porte d'entrée pour entrer en relation ainsi, j'apprendrai un soir que son chien était content de la retrouver à sa sortie de prison. ils ont remarqué notre présence récurrente, la façon dont nous nous plaçons auprès de personnes avec qui ils partagent des choses.. petit à petit, quelque chose s'ouvre, et nous pouvons discuter un peu, prendre des nouvelles quand nous les revoyons, ils se débrouillent comme ils peuvent, trouvent des squatts plutôt habilement ou une autre fois sont hébergés chez des amis et tout se passe bien et puis du jour au lendemain, ils s'installent sous les arcades dehors et il va pleuvoir. je pense à eux, et comme c'est étrange que je sois attendrie alors qu'un mois plutôt ils volaient un chiot à un autre couple à la rue.
mais ce n'est pas cette violence qui peut se taire parfois dans l'humain dont j'ai peur
c'est la violence de la société tout autour qui permet ce genre d'existences possibles qui me fend le coeur
là où il n'y a plus d'asiles pour personne.
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eberluee · 5 years
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deux albanais à la gare veulent me montrer quelque chose sur leur téléphone, sans doute leurs nombreux appels vains au 115, mais non, sur l'écran une photo, un peu floue car zoomée, d'une façade de maison avec une fenêtre où l'on aperçoit une silhouette fantomatique, vêtue d'une sorte d'ancienne robe de chambre blanche, le visage caché dans l'ombre.
ensuite, ils me font comprendre en gestes (le fameux doigt qui tourne autour du crâne pour dire que quelqu'un est fou) que c’est là où vit un irakien qui traîne souvent à la gare, assez maigre avec des chicots pourris, qui dit "bonjour madame, merci madame" et qui nous demande à chaque fois trois ou quatre cafés "et vous avez du lait ou des petits gâteaux pour aller avec madame ?" et ne se souvient jamais que non.
puis un somalien arrive pour demander une boisson chaude, il regarde la photo sur le téléphone d'un des albanais et il commence à s'adresser à eux dans ce qui me semble être de l'allemand.
je suis assise sur un banc dans le hall de la gare, et je regarde ces trois messieurs discuter ensemble dans une allo-langue, et le somalien parle un peu français alors il me traduit quelques bribes de phrases, moi je me demande surtout pourquoi cet albanais a une photo de la façade d'où habite l'irakien, tandis qu'eux trois ont l'air de parler de maison hantée, d'esprits maléfique : "toi connaître le sheitan ?"
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eberluee · 6 years
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lundi soir
La nuit et le froid sur le supermarché, personne à l'horizon, direction le centre-ville. En marchant dans les ruelles, je tente d'expliquer à ma collègue les tensions du moment entre quelques personnes d'europe de l'est et deux jeunes femmes, Lila* et Cindy, des histoires qui baignent dans de l’alcool, sans doute de la drogue, qui se ponctuent de bagarres et de kurva (l’équivalent d’un gros mot générique qui convient à toutes les situations).
Je raconte à ma collègue que jeudi dernier, nous discutons calmement avec Lucjan, qui nous expliquait l’attraction de la rue pour quelqu’un qui y a vécu des années malgré sa réinsertion ces derniers mois, un appartement et un boulot, il nous parlait du contact humain qu’il ne retrouve pas enfermé entre quatre murs et Cindy est arrivée, la colère dans ses gestes et sa voix, elle échange quelques mots avec Lucjan, ne semble pas satisfaite de ses réponses et en partant, elle jette sa bouteille d’alcool sur le sol, à nos pieds. Le lendemain, nous croisons sur notre chemin Tomek, passablement énervé contre Lila, alors que Mariusz tente de les calmer. Est-ce qu’on continue notre route, est-ce qu’on appelle la police, est-ce qu’on se mèle de ces histoires sur lesquelles nous n’avons aucune prise ? Lila provoque Tomek qui se met en position de boxeur en retirant son manteau, elle se prend un poing dans la figure, tombe au sol puis se relève, du sang sur la joue et va chercher les affaires de Tomek laissées par terre pour les lancer sur la route, sur les voitures qui passent puis finit par rentrer dans une cage d'immeuble avec Mariusz qui hausse les épaules tandis que nous proposons une tisane à Tomek un peu plus loin dans une tentative d’appaisement et d’éloignement. Kurva.
Je dis donc à ma collègue d'être viligante à de possibles débordements de violence face à ces gens même si je doute qu'ils puissent s'en prendre à nous.
Et au loin nous apercevons un groupe bruyant avec des jeunes chiens qui aboient, il y a les deux jeunes femmes, dont Lila avec un bel œil noir, il y a aussi Mariusz qui est énervé contre une autre maraude, qui comme souvent commence à nous parler de choses, de sa tristesse, et c'est confus, et il se retient de trop nous en dire sinon il va pleurer alors il préfère partir et on s'occupe d'un jeune, Raphaël, qui nous cherchait la semaine dernière, il dort dehors et il est malade, il a été à l'hôpital mais n'a pas voulu y rester à cause de mauvais souvenirs d'un proche décédé là bas, il doit aller chaque jour chercher un antibiotique car les urgences n'ont pas voulu lui donner la plaquette entière, mais il dort dehors alors il n'y va pas, on appelle le 115, la dame au téléphone lui réserve une place pour ce soir, on lui demande de prévenir l'autre maraude qui tourne plus tard et qui véhicule les gens pour qu'elle puisse l'emmener. A côté, Cindy demande de l'aide également, mais elle a un chien alors l'hébergement d'urgence n'est pas possible. Pendant ce temps, quelqu'un a ramené un gros tronc d'arbre et les chiens s'en donnent à cœur joie, du bruit, quelqu'un demande un couteau à un autre pour couper une branche du tronc mais le couteau reste planté dans le bois, il est fichu, ils mettent le tronc sur une poubelle avec le couteau planté dedans et le propriétaire demande si on a enlevé ses empreintes de l’arme.
Après, un peu plus loin, un peu de calme avec un sans-abri qui écoute nostalgie et qui nous montre ses livres illustrés ; nous le recroiserons plus tard dans l'un des hébergements d'urgences.
Nous continuons notre route, je vois sous les arcades l’absence des affaires de S. et de M., cela fait comme un vide dans le paysage habituel de la maraude. Un empillement de trois-quatre cartons, le même nombre de couverture, quelques valises comme oreillers, je me souviens qu’en serrant leurs mains, je m’étonnais de leur chaleur. Ils se sont fait virés par la police qui fait à la fois le ménage dans la rue et en même temps expulse les gens des squatts, quelle logique formidable. (Oui, la loi élan autorise l’expulsion de squatts pendant la trève hivernale.)
Nous arrivons à la gare et nous restons un moment avec Efkan. Il est arrivé en France quand il avait quelques mois, il ne connait rien de son pays natal, pas même sa langue. Cet été, son titre de séjour n’a pas été renouvelé : plus de RSA, plus d’appartement. Et maintenant il doit faire des travaux d'intérêt général pour une histoire d'il y a deux-trois ans et il ne comprend pas comment c'est possible car il est sans-papier. On essaie de l'orienter régulièrement vers une association qui pourrait l'aider niveau administratif mais il se disperse partout, c'est compliqué.
Plus loin toujours à la gare, nous sommes surprises de croiser un monsieur que nous n'avions pas vu depuis longtemps, un apatride qui a fui la guerre de Bosnie. Lors de nos premières rencontres, il s'indignait à juste titre de notre proposition de café alors qu'il voulait un endroit où dormir et du travail, il se déshabillait pour nous montrer ses cicatrices, voulait mettre notre sac à la poubelle, sortait un couteau et faisait minne de s'automutiler pour finalement accepter ce café proposé. Il dort maintenant dans une voiture abandonnée car il en a marre du 115, de ne pas savoir s'il dormira au chaud le lendemain, de devoir quitter les lieux à neuf heure du matin. Sa procédure Dublin a été annulée, cela avance doucement mais il est fatigué, il peine à sourire.
Ensuite nous allons dans une salle d'attente chauffée de la gare où nous retrouvons un monsieur qui a un appartement mais qui dort dehors, une histoire de persécution qui l'empêche d'habiter depuis quelques années malgré un ou deux déménagements. Ma collègue le connait bien, nous avions décidé qu’elle lui propose de discuter en tête à tête avec lui pour tenter de lui faire entendre sa folie, tenter de le raccrocher aux soins sans qu'il prenne fuite. Elle converse avec lui dehors alors qu'un vieux monsieur entre dans la salle d'attente, mal rasé, sans affaire, l'air perdu ; il demande s'il y a encore des trains cette nuit, je le questionne un peu et il apparaît rapidement qu'il est en errance depuis quelques jours, il a plus de 70 ans et comptait dormir dans un train. Il veut bien qu'on appelle le 115, qu'il semble connaître déjà, et il aura une place dans un hébergement juste à côté de la gare, alors nous l'accompagnons à pieds, doucement car il se déplace difficilement, il s'agrippe à nos bras très fort et son pantalon tombe alors nous devons faire office de ceinture en même temps, il sent très fort, il est retraité de la SNCF, il faut qu'il retourne chez lui demain pour aller à la banque, il est sous curatelle, j'ai mal au bras.
On arrive à l'hébergement d'urgence, nous saluons les gens que nous connaissons, il y a maintenant une télé, des va-et-vients dans un petit espace - effervescence ; l'autre maraude arrive également, nous leur demandons s'ils ont pu accompagner Raphaël là où il était orienté par le 115 et non, ils n'ont pas eu le message alors on rappelle le 115 et sa place n'a pas été réservée mais il reste quelques lits ici alors il faudra espérer qu'il soit toujours au même endroit et que la maraude véhiculée le retrouve pour le mettre au chaud. Le raté partenarial conclue la maraude, kurva.
* tous les prénoms ont été changés
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eberluee · 6 years
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j’ai l’ordre d’y penser une heure trente par jour en moyenne
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eberluee · 6 years
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dimanche matin
je suis allée à la gare pour acheter des feuilles, j'ai posé le casque audio sur mon bonnet comme un bouclier (les lunettes de soleil ne sont plus de saison), les mains dans les poches j'ai aperçu au loin un jeune couple que je connais qui faisait la manche avec une couverture sur eux - ils ont sûrement dormi dehors, 
lui, je le croisais de temps en temps mais il ne semblait pas vouloir accrocher quelque chose à notre maraude, une de ces personnes qui nous saluent respectueusement à distance, apprécient notre venue et nos propositions de boissons chaudes tout en refusant d’entrer véritablement en contact
un soir tard, dans une rue où nous le croisons pas habituellement, il était là, avec une bière, triste et il m’a parlé de ses soucis, de sa copine et de la drogue, et quand les larmes arrivaient à ses yeux, il s’est tu
j'ai fait un détour pour ne pas qu'ils me voient puis en sortant de la gare, je suis quand même passée devant eux, si jamais ils m'avaient vu tout de même je ne souhaitais pas abîmer notre fragile relation par un évitement hors maraude je leur ai tendu ma main pour serrer les leurs, ils ont eu du retard dans leurs assédics, mais c'est transitoire, ils ont entendu dire que l'association où je travaille pourrait les loger même s'ils n'ont pas de ressources, je doute et leur conseille de passer en permanence pour rencontrer mes collègues travailleurs sociaux je leur souhaite bon courage, bonne journée, à une prochaine en maraude (je pourrais au moins leur servir un café ou un thé chaud) je revisse le casque sur les oreilles et j'écoute la canaille, en pensant à l'hébergement dans la relation à défaut de leur offrir autre chose
https://www.youtube.com/watch?v=uQ2OHVSvg2A 
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eberluee · 6 years
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Il y a un vrai four dans le nouvel appartement, je mangeais un snickers glacé en regardant cuire le gâteau au yaourt que je venais de confectionner sans aucune mesure (la pâte comme un nuage à la pomme) et est-ce que vous aussi quand vous étiez petit-e vous mangiez tout autour de la barre céréale du twix glacé pour essayer de l'avoir seul sans chocolat, ni glace, ni caramel, peut-être dans un challenge avec des sœurs ou des frères et que finalement, le biscuit seul n'était pas très bon alors aujourd'hui vous ne mangez plus que des mars et est-ce que vous vous demandez parfois si un jour lorsque vous mangerez à nouveau un twix glacé vous tenterez à nouveau d’avoir le biscuit seul guidé par la nostalgie d’un souvenir ou non.
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eberluee · 7 years
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Nocturne in Black and Gold: The Falling Rocket (1875), by James McNeill Whistler 
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eberluee · 7 years
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Giuseppe Pietro Bagetti, Il noce di Benevento
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eberluee · 8 years
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Koblic
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eberluee · 8 years
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eberluee · 8 years
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eberluee · 8 years
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eberluee · 8 years
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eberluee · 8 years
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eberluee · 8 years
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