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Ecopsychologie
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ecopsychologie · 8 years ago
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“Au dessus, comme en dessous”
Tel est l’enseignement des alchimistes qui voyaient en l’univers une extraordinaire harmonie, une véritable unité. C’est aussi ce que nous enseigne la systémique, qui analyse l’interaction, l’interdépendance des systèmes. C’est aussi l’éclairage de l’écopsychologie, car l’homme ne fait pas exception. 
Il est lui même système, composé de sous-systèmes, dépendant de systèmes plus englobants. C’est ainsi que je suis “Jeanne”. Une personne. Je suis un être en perpétuel changement : je vieillis, je digère, je fabrique des globules rouges, des blancs aussi, et sans même m’en rendre compte,  je bouge, je m’énerve, je change d’avis... Il en va de même pour les sous-systèmes qui me composent. Mon coeur, mon cerveau, leurs cellules, leurs atomes... Pourtant vous me reconnaissez, vous être capable de définir des caractéristiques générales suffisamment stables pour cela. 
Si je m’énerve, c’est parce que je cherche une adaptation à un autre système : un logiciel qui plante, par exemple. Je vous l’accorde, ce n’est pas la meilleure façon de s’adapter, mais c’est la seule ressource dont je dispose à cet instant précis face à mon impuissance. Elle me permet de prendre conscience de ma difficulté tout en évacuant un trop plein d’énergie. Cela agit sur mes sous-systèmes (la pression sanguine augmente, les muscles se tendent avec toutes les réactions en chaîne qui suivent...) et sur d’autres systèmes connexes, notamment lorsque mon fils entre dans mon bureau à l’instant précis o�� j’étais prête à étrangler mon PC (réaction tout aussi inadaptée, me direz-vous peut-être d’un air sentencieux...). Oui, nous avons tendance à projeter nos modes de fonctionnement sur les systèmes qui nous entourent : “Au dessus, comme en dessous”... Et comme nous sommes des systèmes semblables, en tant qu’êtres humains, j’en déduis que vous faites la même chose. C’est alors que j’appelle la hotline. Il m’est difficile de ne pas communiquer mon état (déplorable) d’âme à Sophie, du centre d’appel de Dakar. Elle répète à plusieurs reprises “calmez-vous, Madame, sinon je ne vais pas pouvoir vous aider”... J’interprète ces mots comme une menace. Mes mots dépassent alors ma pensée et la victime impuissante que j’étais se mute en infâme persécutrice de son sauveur d’opératrice à des milliers de kilomètres... Je sais bien faire ça... Inconsciemment, c’est même un jeu dont je retirerais certains bénéfices, d’après Karpman qui voit dans cette dynamique un triangle dramatique. Sophie a eu des dizaines d’appels comme le mien, le système familial dont elle dépend lui pèse : un mari peu accommodant qui n’apprécie pas qu’elle parte travailler chaque jour tout en reconnaissant la nécessité d’un deuxième salaire, des enfants qui ont besoin de leur mère, c’est du moins ce qui lui répètent ses parents, ses amis... J’étais la goute d’eau qui manquait à sa coupe. Elle craque et pose sa démission le soir-même. Les conséquences de son choix touchent le système de l’entreprise qui l’embauche, son système familial, mais aussi social... Et moi, pendant ce temps,  je m’aperçois que je suis en retard pour l’assemblée générale de l’association “Pour l’indépendances des femmes Africaines”. Oui, c’est important que les femmes travaillent, soient indépendantes et je souligne le plaisir que j’ai eu à m’entretenir avec Sophie, d’un centre d’appel au Sénégal, bien qu’elle ait encore visiblement besoin d’une formation en communication...  Puis, nous dînons dans un petit restaurant bio. “Il est fondamental pour moi de ne pas avaler toutes ses substances chimiques qui polluent notre organisme et l’environnement”, dis-je en lançant le mégot de ma cigarette en direction du caniveau avant de m’engouffrer dans la salle surchauffée. 
Quel portrait! A ce stade, j’ai perdu toute crédibilité... Et même si je vous dis que tout cela est fictif, vous ne me croirez pas et vous n’aurez pas tort pour au moins deux raisons : 
Le style narratif utilisé, au présent avec peu de négations et un discours positif et direct. Le ton de l’aveu. La reconnaissance de ses “défauts”. Nous aurions pu faire le même exercice de style, où j’aurais fait part de ma satisfaction d’utiliser un logiciel au cours d’une enquête menée par Sophie. Je lui aurais communiqué mon enthousiasme, elle aurait eu les félicitations de son boss.... Mais vous ne m’auriez pas cru... Les paradoxes du premier le rendent plus réaliste...Pourquoi? Parce que nous ne sommes pas toujours cohérents, et peu enclin a le reconnaitre...! 
La complexité qui nous est propre nous conduit à intégrer et faire coexister plusieurs systèmes qui ne sont pas toujours compatibles entre eux et nécessitent des arbitrages, généralement au niveau inconscient. C’est heureux, car si tout ce chaos remontait à la conscience, nous ne serions pas adapté du tout et aurions depuis longtemps été dévoré par les lois de l’Evolution!  
Revenons à notre point de départ “Au dessus, comme en dessous”. Ces paradoxes et les interdépendances des systèmes entre eux se retrouvent à tous les niveaux. L’équilibre nait de la succession des déséquilibres, comme l’Evolution est le fuit de la complexité et de la diversité issus des nombreux brassages génétiques, et non de la sélection seule. Imaginez une sélection naturelle sans diversité,  en monoculture... Nous y serions passés aussi! 
Cette complexité qui nous anime est à l’image de la profonde interconnectivité des systèmes entre eux. Il n’est pas toujours facile de les concilier. C’est ainsi que nous dépendons d’un système plus vaste encore : la biosphère, qui dépend elle même du système solaire, du cosmos... Le hic, c’est que nous n’en sommes pas conscient et nous comportons, encore une fois, de façon paradoxale. C’est ce qui fait dire à Otto Scharmer à propos des conséquences de l’exploitation des ressources de la planète par l’homme : “Comment avons nous réussi à créer collectivement une situation que nous ne voulons pas?”. 
Depuis la nuit des temps, l’homme cherche à améliorer son confort. C’est ce qui le rend si créatif. Chaque jour, nous cherchons à améliorer notre quotidien, à bénéficier de solutions que nous n’imaginions pas 10 ans plus tôt. Tout cela grâce à l’utilisation des ressources de notre planète. Regardez tous les objets qui vous entourent : ils viennent des ressources de notre planète. Ce stylo, ce livre, le thé, la tasse, les biscuits, vos habits, le carrelage, les pièces de monnaie... Même la plante en plastique! Tout! En plus des matières premières que nous utilisons, les activités pour les transformer, les commercialiser, les utiliser ont un fort impact sur le réchauffement climatique. Nous sommes de plus en plus nombreux, avons de plus en plus de besoins, la masse de plus en plus éduquée est de plus en plus créative et productive... Certains pensent que nous sommes dans l’anthropocène. Mais au fond de nous, allons nous mieux? 
Que dire de ces êtres vivants qui alternent les ambiances métro-boulot-dodo et qui, comme le dirait Pierre Rabhi, vivent dans des boites, travaillent dans des boîtes, sortent se distraire dans des boîtes avant de finir ensevelis dans des boîtes... On s’atermoie sur les vaches en batterie, mais on trouve normal que l’homme vive ainsi. Evidemment, la vache n’a pas choisi son environnement, tandis que l’homme l’a voulu et bâti, de telle sorte qu’il fait partie de sa nature qui le pousse à dominer la Nature. C’est la théorie de Théodore Roszak, le père de l’écopsychologie, qui voit la megalopole comme “notre tentative la plus audacieuse de vivre “au-delà” de la nature”. L’homme s’est peu à peu déconnecté de cette nature qui lui fait peur et qu’il cherche à dominer depuis des millions d’années. Cette séparation n’est pas sans conséquences sur sa santé, et des travaux de recherche en psychologie de plus en plus  nombreux démontrent combien de simples éléments naturels dans le cadre de vie réduisent le niveau de stress. Cela peut être un simple paysage encadré dans un bureau. 
Anthropocentrée, ce n’est que tardivement, malgré les intuitions précoces de Carl Gustav Jung, que la psychologie s’intéresse aux bénéfices de la reconnection de l’homme à la nature pour sa santé psychique, mais aussi physique. C’est le courant multiforme de l’écopsychologie. “Au dessus, comme en dessous”. C’est ici qu’Yvon Chouinard, fondateur de Patagonia, verrait un signe supplémentaire de notre anthropocentrisme: nous intéresserions-nous toujours à la préservation de notre environnement dans l’intérêt des autres espèces si nous savions que notre propre espèce s’éteindrait inéluctablement dans les 10 ans à venir?
Anthropocentrisme ou pas, les résultats sont là, les enjeux planétaires aussi. L’écopsychologie, et avec elle l’écothérapie, amènent à ré-expérimenter ce lien fort à la Nature, de telle sorte que la notion d’environnement perd son sens. L’environnement est en nous, et pas seulement autour de nous, et nous sommes en lui. Nous en faisons partie. Cette expérience, avec les techniques inspirées du Travail qui Relie de Joanna Macy permet de sentir appartenir à “toile de la vie” redonner du sens. Elle permet aussi, en s’intégrant pleinement à une système beaucoup plus vaste et en ressentant les dépendances, d’avoir des gestes beaucoup plus cohérents et responsables envers la planète, mais aussi envers autrui, et envers soi-même. L’écopsychologie s’étend donc aussi au monde de l’entreprise, puisque c’est en elle que le Management Fluide puise une grande partie de ses fondamentaux théoriques. 
Prendre conscience que “au dessus, (c’est) comme en dessous”, voilà peut-être tout l’or des alchimistes qui fait échos au avertissement attribué au sage indien Geronimo : “Quand le dernier arbre aura été abattu - Quand la dernière rivière aura été empoisonnée - Quand le dernier poisson aura été péché - Alors l’homme saura que l'argent ne se mange pas.”
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ecopsychologie · 8 years ago
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La psychologie qui se consacre tant à l'éveil de la conscience humaine, doit s'éveiller à elle-même l'une des plus anciennes vérités humaines: nous ne pouvons être analysés ou soignés indépendamment de la planète
James Hillman
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