Tumgik
eliottpradot · 5 years
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Sujets | Sylvain Huc | Théâtre de l’Oiseau-Mouche | Le Grand Bain | 13.03.2020
Une lueur blanchâtre éclaircit le plateau nu et silencieux du Théâtre de l’Oiseau-Mouche au centre duquel sont assis.e.s les cinq interprètes de Sujets, vêtu.e.s dans le plus simple appareil. Mon attention délaisse bientôt les corps tranquilles et repliés sur eux-mêmes pour se porter sur le visage offert d’une interprète à l’avant-scène, qui nous adresse un regard bienveillant, bientôt rejointe par les quatre autres. Les bouches s’entrouvrent, les lèvres se pincent, les yeux s’écarquillent ; chaque visage s’anime, aux prémisses d’une émotion encore insaisissable qui confine à la joie comme à la tristesse, à la colère comme à l’effroi, me laissant empathiquement irrésolu. Alors qu’ils.elles se relèvent lentement pour nous faire face, ce préambule aura suffi à désamorcer la troublante dimension érotique que suscite généralement la nudité au plateau, à multiplier et singulariser cette dernière en lui attribuant une variété de visages.
Puis les interprètes nous oublient tout à fait et la pièce se poursuit en faisant jouer chacune de ces singularités fougueuses au sein d’une organisation globale. Par là est donc rendue visible l’idée que l’on n’est guère « sujet » en soi, indépendamment de tout, mais bien en relation à d’autres « sujets » et au monde. Ainsi, après une courte exploration individuelle de l’espace, chaque interprète se plie à l’action de se tracer une voie qu’il sillonne et sillonne encore bien que leur départ à l’unisson et les incidences de leurs parcours les inscrivent dans un schème commun. Mais on quitte assez rapidement cette organisation chorégraphique des plus artificielles pour en traverser d’autres, plus ou moins « vivantes » (si on entend par là la complexité qui réside au cœur du « vivant »…). Et alors la lueur blanchâtre s’éclipse au profit d’une lumière incessamment changeante qui revêt les corps d’un effet kaléidoscopique.
Jusqu’à la fin de la pièce... Ces pas répétés d’avant en arrière, il m’apparaissent tout de suite sans fin. Sans fin parce que la référence, ici non dissimulée, s’impose à moi sans tarder : c’est la marche inlassable et lassée des personnages de Beckett. Finalement, alors que je m’attends à les voir errer ainsi sans fin, jusqu’à ce que l’obscurité envahisse la salle, je suis surpris de les voir un.e à un.e s’évader en coulisse…
Plus d’une semaine a passé depuis la représentation de Sujets, et au moment où j’écris ceci je suis là, faisant les cents pas dans mon salon à la recherche des mots justes. Sujets n’est peut-être pas fini… Car peut-on s’évader ?
Eliott Pradot
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eliottpradot · 5 years
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Fête | Arnaud Pirault (Groupenfonction) | Le Gymnase | Grand Bain | 12.03.2020 | Ouverture
En voilà au moins un qui respecte largement la distance de sécurité recommandée contre le virus qui est sur toutes les lèvres du public attendant patiemment l’ouverture de cette septième édition du Grand Bain : c’est Guillaume Clouet, l’interprète de la pièce Fête d’Arnaud Pirault, qui vient se positionner en fond de scène derrière un nuage de fumée en train de se dissiper. Alors qu’il nous observe de loin, la musique de Rubin Steiner fait entendre crescendo ses premières sonorités électroniques ; puis quand le premier beat tonne franchement dans la salle, Guillaume Clouet se met alors sans transition à danser. On n’assiste alors ni au processus qui mène une personne jusqu’au flux de réjouissance, de désœuvrement et d’oubli que peut susciter une fête, ni aux conditions extérieures qui aboutiraient à cette dernière, que ce soit l’incidence progressive du rythme de la musique sur le corps ou encore l’effervescence collective. Face à cette volonté de recréer de façon artificielle pour l’homme qui danse face à nous un état corporel proche de celui de la « fête », il devient alors clair que ce qui est recherché ici ne tient pas dans la cause d’un tel « état »… Peut-être cela tient-il alors dans son effet ?
Mais il s’avère que Guillaume Clouet est vite noyé dans un dispositif occultant notre perception de spectateur.rice.s, superposant le volume assez élevé de la musique électronique à des flashs plus ou moins groupés des projecteurs en rythme avec cette dernière, le tout nimbé de temps à autre par un épais nuage de fumée. Il semblerait donc qu’on ne cherche visiblement pas à nous montrer non plus ce qu’une telle danse, ce qu’une telle frénésie de la « fête » peut produire chez un danseur, n’accédant jamais ni au visage de ce dernier où pourraient poindre toutes sortes d’émotions, ni à la fébrilité de son corps en mouvement. Me vient alors le souvenir du travail de Jan Martens accueilli aussi dans ces murs et qui ne nous cachait rien dans The dog days are over de l’épuisement de ses interprètes exécutant une partition très précise de sauts. Par effet d’écho, je cherche alors au sein de Fête une potentielle partition ou logique au sein des mouvements de Guillaume Clouet, mais n’en discerne aucune de manière évidente ; a contrario je piste alors en vain les indices d’un réel débordement chez le danseur, d’une exultation lui faisant traverser quelque chose d’inconnu… Puis la musique s’arrête et la lumière se rallume sur Guillaume Clouet, tout juste sorti de cette radicale ligne de fête qui le menait jusqu’ici du fond à l’avant-scène. On distingue alors les premiers effets de la fatigue ; mais ceux-ci sont bien vite relégués au second plan par l’amplification au micro cravate du souffle haletant du danseur. On se demande alors pourquoi on en vient ainsi à redoubler cet élément si ce n’est que pour appuyer de façon un peu redondante l’état de fatigue de ce dernier : le corps ne parle-t-il pas de lui-même ?
A défaut de n’avoir pu cerner ce que l’on souhaite nous montrer ici, si cela ne tient ni dans la cause ni dans l’effet de cet « état de fête », notre dernière porte d’entrée dans cette pièce peut alors résider dans l’idée d’une tentative de contamination de cet « état ». En effet quand on connaît la place qu’occupe les projets participatifs dans le travail de Groupenfonction et d’Arnaud Pirault (et que vient confirmer d’ailleurs l’image quelque peu absconse des enfants amateur.e.s qui viennent entourer le danseur à la toute dernière minute de la Fête...), nous apparaît un instant que l’enjeu réside peut-être ici dans le fait de nous donner envie de mettre à bas la distance de sécurité du quatrième mur et de sauter sur scène pour rejoindre Guillaume Clouet dans la danse ; actuelle mesure de prévention ou pas(?),  personne n’ose même un premier pas…
Eliott Pradot
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eliottpradot · 5 years
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Echoa | Thomas Guerry & Camille Rocailleux – Cie Arcosm | Les Petits Pas | Maison Folie Beaulieu | 10.12.2019
Une architecture composée de praticables à hauteurs variables s’érige en contre-jour. En son sommet à Cour une danseuse trône, de dos, éclairée par une douche : elle se met à danser, torsadant son corps, et un homme se présente au pied de la tour. Il la gravit et en retire la danseuse : tous deux enchaînent alors des portés. à jardin, les deux musiciens Mathieu Ben Hassen et Matthieu Benigno les accompagnent aux xylophones.
On découvre peu à peu que cette architecture est incrustée de tout un tas de micros et peuplée d'autant d'instruments de musique. La pièce Echoa se construit alors sur un dialogue constant entre le corps et cette architecture sonore et leurs capacités respectives à produire du son ou du mouvement. L’enjeu est de créer la confusion au plateau entre celles et ceux qui, tel que le détaille le programme de la soirée, sont « danseurs.euses » ou « percussionnistes ». Ils.elles composent d’abord une musique amplifiée par les micros en alternant plusieurs « qualités » de mouvement, frottant, tapant, grattant,…, les différents matériaux constituant l’architecture. Puis tous les quatre vont alors s'amuser à faire bouger le corps de l'autre en vue du son que de tels contacts peuvent produire ou pour le faire interagir avec les instruments alentour. Les danseurs.euses Thomas Guerry et Camille Rocailleux accompagnent de leurs souffles les lignes que dessinent, suspendent et impactent leurs mouvements. Plus tard, tous.tes composent à partir d’onomatopées et de bruitages, créant entre eux.elles des moments comiques : le « HéHo ! » de Thomas Guerry revient comme leitmotiv à toute situation qui lui déplaît quand par exemple l’un des musiciens lui tapote l’épaule d’une façon trop fortement amicale ou qu’il tente d’embrasser la danseuse.
Pour ce qui est des échos, deux fois la situation initiale de la danseuse tombant dans les mains du danseur se réitère. La deuxième fois la musique est plus « dansante » et les portés plus énergiques jusqu’à ce que les musiciens surexcités foncent sur les percussions et fassent fuir les danseurs.euses. Ils forment alors un duo battant à l'unisson sur leurs instruments, défiant ponctuellement l’autre en vue des plus beaux mouvements rythmiques. La troisième est la dernière fois : la danseuse s'empare d'un bâton, frappe l’immense xylophone, pièce centrale de cette architecture, et le son se meut jusqu’au bâton du musicien mis en relief par la lumière, qui reste alors seul suspendu dans l’air…
Eliott Pradot
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eliottpradot · 5 years
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Screenagers | Guiseppe Chico & Barbara Matijevic - Cie 1er Stratagème | Les Petits Pas | 04.12.2019
Tout le monde manie son téléphone dans l'entrée du Gymnase en vue de se connecter au réseau wifi éponyme de la pièce qui s'apprête à avoir lieu, Screenagers, et accéder à l'URL «futur.pizza» qui servira ici d'interface interactive entre la scène et le public. Des îlots se créent autour de la difficulté de certain.e.s à se connecter, frappé.e.s d'illectronisme entend-on dire…
Une fois assis.e en salle, un texte projeté sur un grand cyclo blanc défile en fond de scène et fait office de tutoriel sur fond de musique d'ascenseur entêtante (celle que l’on peut entendre en boucle lors de la création de son avatar sur la console Nintendo Wii). Ce tutoriel pratiquant l'autodérision nous explique donc qu'à chaque fois qu'un icône représentant un smartphone apparaîtra sur les écrans multiples qui composent la scénographie, les spectateurs.rices pourront interagir, et choisir entre trois propositions celles qu'ils.elles souhaitent voir se réaliser sur scène. La proposition la plus plébiscitée (élue à la majorité simple) se devra alors d'être effectuée par Pierre-Erick Lefebvre, l'interprète qui attend au milieu du plateau. Sur un écran s'affichent les votes de chacun.e dissimulé.e derrière un pseudonyme ; je vérifie d'ailleurs que le mien, « Universedead20 », s'y affiche bien lors du premier vote qui nous voit choisir ce que l'interprète nous avait suggéré : nous raconter son histoire. Pierre-Erick Lefebvre, musicien, artiste de réseau, Webdesigner,..., nous annonce, entre autres détails autobiographiques, qu’il fait partie de la dernière génération à avoir eu encore accès à l'analogique et donc à avoir vu pleinement se développer le numérique dont il dit s'être fortement imprégné en tant qu’individu, louant au passage les bienfaits de l'outil magique qu'est l'Internet.
Émoticône smartphone : la mise en contexte s’achève et le public prend (en apparence) les commandes. Les propositions interactives varient, des plus loufoques aux plus instructives, autour de ce vaste sujet des tendances du numérique : « Jouer du grindcore pendant 10 secondes » et « Rapper avec la presse » côtoie « Expliquer la différence entre cyberespionnage, cybercriminalité et cyberguerre ». On peut alors prendre mesure de «notre» capacité à être diverti.e à l'idée de pouvoir faire faire n'importe quoi à l'interprète, de pouvoir contrôler les faits et gestes de cet individu réel juste devant nous à l'instar d'un personnage de jeux vidéos ; et cela visiblement en dépit du fait que chacune des propositions est bien évidemment supervisée par la régie en surplomb et que l’interprète aura une réponse préparée pour chacun des scénarios possibles. « Troller » devient alors l'action maîtresse. Sur un douzaine de choix faits, Pierre-Erick Lefebvre jouera deux fois « dix secondes de grindcore ». Avant un cours sur les « mèmes », on voit tout de même l'intelligence collective être au rendez-vous pour faire évoluer communément Mario entre sauts d'obstacles et récupération de pièces qui poussent aux clics compulsifs…
Enfin l’écran du fond affiche un message d’erreur navigateur ; des gifs popent alors sur tous les écrans. L’interprète quitte la scène et laisse le public s'amusant à téléporter et faire se gigoter son propre avatar-gif sur les écrans jusqu’à ce que OFF s’ensuive…
Eliott Pradot
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eliottpradot · 5 years
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T’es moins (extrait) | Pol Coussement, Magalie Mattana - Miroir d’eux | Ballet du Nord + Futurisme | Géométrie variable & El Squad | Le Colisée | Les Petit Pas | 02.12.2019
La soirée s'ouvre sur un extrait de la pièce en cours de création intitulée T'es moins mis en scène par la compagnie Miroir d'eux orchestrée par Pol Coussement et Magali Mattana avec ses interprètes regroupant exclusivement une douzaine de jeunes amateur.e.s roubaisien.ne.s. Ces dernier.ère.s nous attendent en bordure de la scène du studio du Ballet du Nord. La lumière bleutée qui vient imprégner l’espace en accompagnement d’une musique à la mélodie lyrique incite quelques jeunes à entrer sur scène. On distingue alors plus ou moins deux groupes de par leur identité vestimentaire : certain.e.s en chemises blanches et d’autres en haut rouge ou noir, cheveux attachés. Une chorégraphie d’ensemble se constitue à base de petits gestes des bras ou des mains, créant par similitudes gestuelles des duos et des trios. En avant-scène, une fille joue avec ses cheveux longs ; bientôt une des personnes en chemise vient l’attraper par sa queue de cheval et la manipuler, la faisant aller jusqu’au sol. Plus tard, deux garçons viennent s’empoigner par le col de leur chemise et un instant se bousculer. En arrière plan, deux filles se font siamoises en nouant ensemble leurs longs cheveux. Mais l’attention est tout de suite accaparée par une fille au t-shirt rouge qui se met à chanter, mélancolique à l’avant-scène, au côté d’un garçon en chemise qui nous fait dos et qui semble l’ignorer. Enfin, devant le groupe tout entier réuni autour des petits gestes communs du haut du corps, deux interprètes en chemises s’embrassent... Si la chorégraphie d’ensemble a tendance à les diluer entre ses lignes de gestes parfaitement exécutés, et ne pas nous laisser le temps de les voir tout à fait se développer, on entrevoit dans ces moments fugaces des bribes de vécus partagés...
Puis la soirée continue dans la grande salle du Colisée avec Futurisme placé sous le signe des danses urbaines. Dans le faisceau d'une poursuite apparaît Vicelow, le maître de cérémonie de la soirée qui commence par chauffer le public à coups de «Vous êtes chaud Roubaix?», à quoi répond  par applaudissements et cris multipliés le public manifestement « chaud ». « Quoi, j'ai pas entendu, est-ce que vous êtes chaud Roubaix?» Tel que Vicelow finit enfin par nous le présenter, le premier show est celui de la compagnie Géométrie variable. Un beat tonne et on découvre une masse humaine en plein centre de la scène proposant une chorégraphie qui, comme le laissait présager le nom de la compagnie, fera apparaître plusieurs formes géométriques. Usant avec prédilection de la technique du popping, tous les danseurs sont quasi-intégralement vêtues de noir, nous laissant juste apercevoir leurs têtes et leurs bras nus, bras où viendront se focaliser la plupart de leurs mouvements. Passant du triangle au carré, de l'étoile au losange et ainsi de suite, les danseurs multiplient ainsi les polygones réguliers, et cela toujours sur les accents toniques de la musique tel que les poncifs des shows hip hop le suggèrent, mais sans jamais vraiment venir faire varier la forme du show en lui-même... Entre deux, Vicelow de retour nous apprend qu’il est un ancien membre du groupe de rap Saïan Supa Crew et s'octroie donc la possibilité de lâcher deux couplets. Puis arrive le clou de la soirée avec la compagnie japonaise El Squad. On a tout juste le temps d'apercevoir un corps humain, apparaissant aussi en plein centre de la scène, que la lumière déjà s’éteint. Pour quasiment tout le reste de la représentation, aucun.e danseur.se n’apparaîtra : ces dernier.ère.s seront affublé.e.s de costumes parcourus de fils électroluminescents. Ainsi, pendant quarante minutes, ces silhouettes bariolées ne vont cesser de bouger dans tous les sens, d’apparaître et de disparaître, de se « téléporter »,… Usant de beats tonitruants, de rayons lasers qui balaient l'espace, du feu d’artifice de leurs costumes survoltés et d’une exhortation à toujours être en mouvement, la proposition d’El Squad nous laisse à bout de souffle et un peu aveuglé.e.s devant la vision futuriste ici représentée.
Eliott Pradot
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eliottpradot · 5 years
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3D | Jonathan Guichard | Les Petits Pas | 28.11.2019
Un gradin constitué de trois rampes boisées encercle de manière tri-frontale l’arène scénique légèrement surélevée au milieu de laquelle nous attend une structure endormie, arc en bois de la largeur d’un homme tendu par une tige métallique. Deux interprètes viennent se placer derrière une table régie qui vient clore la semi-circularité des gradins : jouant un peu naïvement avec un pad contrôleur, ils énumèrent touche à touche les usuelles annonces précédant une représentation : “Merci de bien vouloir éteindre votre téléphone portable” et consorts. Mais, touche-à-tout, ils inversent bientôt l’ordre des mots nous invitant paradoxalement à faire tout le contraire, avant d’arriver enfin à conclure communément que pour bien commencer il faut “se dire bonjour”, ce qu’ils s’empressent de faire en se serrant la main. En dépit de son air désabusé, Jonathan Guichard maintenant au seuil de la scène ne manque pas pour autant de continuer à s’acquitter des formalités et de veiller à ce que chacun.e en fasse autant. Il serre donc aussi la main du spectateur le plus proche. Après un temps de flottement et quelques œillades avisées, ce dernier comprend qu’il lui faut passer le bonjour aux suivant.e.s. L’interprète attend, attentif quant à chaque poignée de mains ; quelques bises surgissent, le public prend contact.
Ceci fait, Jonathan Guichard s’essuie sur place les chaussures et entre sur scène en tapant du pied un rythme qui résonne dans toute la salle, l’arène étant par en dessous enregistrée et amplifiée en direct. Il s’empare ensuite d’un micro qu’il vient coller dans le creux de la structure endormie. Il se met alors à danser, sauter, glisser, multiplier les acrobaties sur le dos de l'arc en bois qui se fait surface de résonance des sons que produisent dessus ses mouvements. Puis Jonathan Guichard fait se mouvoir la structure elle-même, la relève sur un de ses bords convexes pour détacher le micro qu’il part ranger : la structure bascule et se dresse devant les yeux (et un cri!) effrayés d’un.e. spectateur.rice qui se voit déjà écrasé.e. Mais en raison de la logique périodique du mouvement de balancier, la structure repart identiquement en sens inverse. Jonathan Guichard se joue ainsi du public en manipulant son arc en bois entre suspens(ion) et bascule dans l’espace restreint de l’arène. Il demande à certain.e.s de le tenir et le lâcher en temps voulu : il se love alors à l’intérieur en plein mouvement, le fait rouler-bouler, s’équilibre sur la tige métallique,etc. Il construit ainsi à plusieurs reprises une certaine complicité avec les spectateurs.rices qui ira jusqu’à le voir devenir chef d’orchestre d’un groupe de joueur.se.s de câbles XLR carillonnants, ou susciter la participation spontanée du public entier se mettant à émettre toutes sortes de sons en vue de faire danser son corps soudain somnambulique. Au-delà de la virtuosité des mouvements acrobatiques et en dépit d’un final où ceux-ci s’effectuent “sur” la musique – quand il s’agissait jusqu’ici de la composer par le geste –, c’est l’exploration de différentes modalités de composition sonore qui prédomine dans cette pièce grâce notamment à une autre complicité qui la traverse, celle formée entre l’acrobate et Mikaël Le Guillou, l’interprète-régisseur dont les interventions concourt au duo comique. D’ailleurs symbole de leur concordance : dans un ultime mouvement, Jonathan Guichard fait lentement glisser la structure dans le creux de laquelle il s’est finalement dissimulé et cette dernière vient alors parfaitement s’intégrer dans la table régie…
Eliott Pradot
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eliottpradot · 5 years
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Voici les Parques | Loïc Touzé | Les Petits Pas | 27.11.2019
Nous nous permettons ici de reporter un texte déjà rédigé à l’encontre du spectacle Voici les Parques, texte qui provient du journal de critiques locales Les Démêlées où l’on peut le retrouver dans sa version papier ou web ci-contre (https://lesdemelees.org/IMG/pdf/n5lesdemelees-web.pdf) :
Après quelques mouvements d’échauffement, les cheveux se délient sur les trois têtes bouclées comme des pelotes de fil ébouriffées. Pour des raisons ferroviaires, l’arrivée de Loïc Touzé au Gymnase I CDCN est différée ; néanmoins il a demandé à ses interprètes Laura Dufour, Corentin Le Flohic et Simona Rossi de renouer ensemble avec le déroulé de la pièce là où ils.elles l’avaient laissé.e.s un mois auparavant et d’en faire un filage. Assis.e.s à même le sol dans une posture de repli sur eux.elles-mêmes, les interprètes entonnent des plaintes, bientôt devenues un chant, qui les présente et révèle le nom de la pièce en travail : Voici les parques. On devine à la manière dont ils.elles sont lové.e.s que quelque chose les recouvre, puis à l’extrême délicatesse dont font preuve leurs doigts, que le fil de la mémoire s’y déroule : on se prend alors à imaginer la trame qu’il constitue spatialement, les relations qu’il tisse entre eux.elles, ce qu’il met en tension entre leurs souvenirs respectifs. À défaut des éléments – fils à tendre et couvertures à revêtir – avec lesquels ils.elles ne cessent d’interagir d’ordinaire au cours de la pièce, le "moindre geste" qui se manifeste ici est un panel de préhensions qui, depuis les mains, fait s’organiser diversement les corps en regard du "comportement" supposé des matériaux manipulés. Focalisé.e.s sur l’idée d’être au plus près de la sensation, et cela malgré l’absence des objets, tous.te.s les trois sont entièrement traversé.e.s par la finesse de fileuses soucieuses à l’égard du fragile fil de la vie, qu’elles pincent à peine entre leur index et leur pouce. Et sans jamais le perdre, les gestes reprennent rapidement leur place dans le canevas chorégraphique, en dialogue direct avec la proposition musicale de Jonathan Seilman...
Plus tard, alors qu’ils.elles s’étaient décidé.e.s à affiner les plaintes introductives, un gémissement retentit. Depuis le début de la répétition, un spectateur un peu plus jeune que le public-cible s’est immiscé dans la salle : le bébé en question s’arrête de pleurer une fois dans les bras de Simona Rossi dont on vient de découvrir qu’elle tient le rôle de la Parque Nona, celle qui fabrique le fil et qu’on associe à la naissance. Entrelacement avec le réel. Et justement, suite à l’arrivée de Loïc Touzé, on décide de clore la journée en se remémorant à nouveau pour tout.e un.e chacun.e le déroulé de ce "rituel qu’il faut faire et défaire afin que le monde ne s’effondre pas" selon les dires d’une Parque et, au cours d’une discussion concernant la potentielle implication de Morta dans la rupture du fil, Loïc Touzé en appelle à un tissage qui tresse naissance, vie et mort indéfiniment...
En comparaison du travail qu’il mène pour ses autres créations où la recherche chorégraphique s’étire sur un temps plus long (1), Loïc Touzé me décrit celui qu’il met en place pour ses pièces jeune public, dont fait partie Voici les parques (2), comme relevant davantage de la fabrication. Le lendemain, un long fil argenté vient poser un cadre à l’intérieur de l’espace scénique et la chorégraphie se pare de ses éléments scénographiques. Le fil permet alors d’inscrire les relations entre les trois Parques sans guère plus d’ambiguïté possible. Incontestable conducteur de cette dramaturgie filée au point d’imprégner les corps d’une mémoire des plus sensibles, sa présence fait naître et problématise les dialogues possibles entre objet et mouvement au sein d’une pièce chorégraphique.
Eliott Pradot
(1) Donnant lieu aussi à des publications et entretiens de sa part, notamment disponibles sur deux sites dont il est l’auteur et co-auteur : www.oro.fr et www.pourunatlasdesfigures.net.
(2) Deuxième pièce mythologique après Voici Ulysse sur son bateau qu’on aura pu voir au Gymnase en 2016.
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eliottpradot · 5 years
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Dadaaa | Amélie Poirier - Les Nouveaux Ballets du Nord-Pas de Calais | Les Petits Pas | 20.11.2019
Tout juste déchaussé.e.s dans l’entrée, les enfants de cette séance scolaire des plus matinales sont accueilli.e.s par deux personnages incompréhensibles au langage constitué d’onomatopées qui, par surprise, les laissent avant tout étonné.e.s... avant que le signifiant ne revienne au galop avec un geste clair de la main nous invitant à entrer. Des plus petit.e.s au plus grand.e.s, nous nous installons donc sur des coussins et de petits bancs pendant que ces personnages onomatopant en rejoignent deux autres. L’un à l’avant-scène chante et joue de l’alto quand l’autre, palette et pinceau en main, ajoute la dernière touche au visage d’un pantin à proportion humaine. Un peu partout sur scène sont disposées sur des socles plusieurs reproductions de tailles différentes des marionnettes créé.e.s par l’artiste dada Sophie Taeuber.
L’altiste fait grincer ses cordes. La peintre délaisse alors son travail et s’empare d’une bouteille et de deux verres qu’elle tend aux deux premiers personnages : elle a alors tout juste le temps de mettre une goutte dans chacun des verres que ces derniers, comme activés par les notes orphiques du joueur d’alto, se mettent à « manipuler » les danseur.euse.s faisant pour leur part mine de ne contrôler aucun des mouvements qui les impactent. Une première marionnette prend alors « vie » entre les mains de l’altiste qui se fait un temps manipulateur en apportant en bord de scène un bonhomme de taille réduite dont il exprime d’abord les flatulences à l’aide d’un son et d’une abduction de la jambe, flatulences qui iront jusqu’à propulser ladite marionnette, la faisant planer dans les airs comme les enfants font planer leurs jouets, avant d’atterrir sur le corps d’une danseuse. La voilà alors se baladant sur la danseuse se contorsionnant pour permettre son évolution, tout cela sous le regard amusé du manipulateur onomatopant. Puis revient à la peintre l’occasion de pouvoir faire se mouvoir son pantin finalisé en lui assurant une démarche trébuchante qu’à ses côtés les deux danseur.euse.s entreprennent mimétiquement.
Ainsi tour à tour, toutes les marionnettes font leur spectacle sur fond de pantomimes et d’onomatopées qui n’ont ni queue ni tête mais qui font assurément rire les enfants. Et ritournelle, les verres sans eau font des siennes. L’altiste est tous azimuts : il hésite constamment entre les morceaux guillerets et/ou dissonants de son alto et sa marionnette flatulente qui semble être la mascotte de la pièce. Mais le rêve Pinocchio touche alors à sa fin : toutes les marionnettes sont remises à leur place, comme si aucune d’entre elles ne s’était animée. Fin somme toute peu cavalière pour une pièce dada : si tous les enfants peuvent l’être en tant qu’il « colle, agrège, mélange », rangent-ils.elles tous.tes pour autant leur chambre après avoir joué ?
Eliott Pradot
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eliottpradot · 5 years
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We can be heroes*Kids | Arnaud Pirault, Pol Coussement & Magalie Mattana | Les Petits Pas | 20.11.2019 | Ouverture
À peine venez vous de retirer votre ticket à la billetterie du Gymnase, que quelques petits pas vous propulsent déjà en lieu et place de la performance à venir. Les gradins ont été repliés, tout l’espace est à vue et le public en avance discute dans l’entrée et près du bar. Au centre, un carré délimité au scotch noir contient des micros en pied réglés à différentes hauteurs. Quinze jeunes de 8 à 17 ans viennent se placer devant chacun d’entre eux et une musique pop fait entendre ses premières notes. En moins d’une mesure, les pieds battent déjà la pulsation. Puis viennent les premières paroles que les héro.ïne.s de ce soir interprètent en playback. Peu à peu, on se rend compte qu’aucune des chansons choisies n’est en français et le choix n’est pas des moindres. Cela engendre chez les héro.ïne.s une diction approximative, de celle que l’on nomme familièrement « yaourt », et qu’on peut distinguer, même en playback !, en lisant les mots mâchés sur leurs lèvres – mais n’y voyons pas là d’offense, on ne ferait sans doute pas toutes et tous mieux ! On n’y fait d’ailleurs rapidement plus attention. Car l’on comprend vite qu’il n’est nullement question ici d’exécuter le meilleur playback possible – ce que l’on réserve aux stars du showbiz –, mais que ce qui compte avant tout réside dans les gestes et les danses de chacun.e, dans leurs manières personnelles d’« interpréter » corporellement les chansons. Car quand les paroles laissent place à la musique seule, d’un saut les héro.ïne.s quittent les micros et dansent. En creux de ces danses se révèle la disposition sur le moment de chacun.e : un peu gêné.e, à l’aise, à cheval sur le respect de la consigne, oublieux.se du public présent, au contraire cherchant à faire de l’effet sur ce dernier,… tant d’éléments qu’un show ordinaire ne laisserait que peu transparaître.
En opposition à la teneur concurrentielle de ces shows comme The Voice Kids1 qui font fantasmer leurs téléspectateurs.rices avec l’idée que tout.e inconnu.e à la possibilité de devenir une star s’il.elle fait montre d’un incroyable talent – à quoi s’ajoute dans ce cas du Kids le recherche de l’« effet attendrissant » que suscite l’enfance mise en scène, le dispositif quadri-frontal de We can be heroes*Kids évince judicieusement toute comparaison simultanée en vue d’élire LE.LA héro.ïne de cette performance. Il s’avère même qu’il inverse le rapport : ce n’est pas aux héro.ïne.s de construire leur performance en vue du public mais au public de s’adapter à cette quadri-frontalité en tournant autour du carré s’il souhaite assister à la performance de chacun.e. Quand les paroles et leurs gestes corrélatifs reviennent, on s’amuse alors à tenter de discerner ce qui est de l’ordre d’une attitude empreinte de ce réel stéréotypé du show télévisé ou de sa pure parodie en regard de certain.e.s mimiques, poses lyriques, mains en accompagnement des paroles, doigts désignant le public, yeux aux ciels,…
En plein milieu de la pièce la musique change de registre et un éclair stroboscopique annonce les premières notes de Lose Yourself du rappeur Eminem : unanimement les corps se raidissent, les gestes se font plus rares et les paroles incessantes empêchent tout moment de danse. Pour certain.e.s, il semble que ce soit le moment attendu pour chuter au sol. Au-delà de l’irruption hétéroclite du morceau sélectionné, cette utilisation commune de l’élément chorégraphique de la chute rompt étrangement avec le parti-pris qui avait guidé jusqu’ici la performance. A savoir, dirait-on pour simplifier, de chanter en présence des paroles et de danser en leur absence, mais en laissant libre cours à chacun.e de faire ce qu’il.elle souhaite à l’intérieur de cette consigne semble-t-il des plus ouvertes. Mais la musique pop revient et « A toi de jouer ! » redevient alors ce temps pour soi faisant advenir de beaux accidents quand certain.e.s, emporté.e.s par la musique, en oublient de revenir à leurs micros…
Eliott Pradot
Si cette émission n’a plus cours et que me voilà avec cette référence déjà has been au yeux du jeune public, pardonnez mes lacunes pour ce qui est du domaine télévisuel...
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