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eonubes · 2 years
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« anéantir » le dernier roman de Michel Houellebecq prend pour cadre la France en 2027.  Une série d’attentat frappent plusieurs pays dans le monde, avec une extraordinaire précision et des modes opératoires très variés. Afin de maîtriser l’information, les auteurs de ces attentats procèdent à un hackage des médias afin de contrôler le contenu des informations sur leurs propres actions. Un homme, retraité des services de renseignement, semble avoir établi un faisceau de corrélations avant qu’un accident vasculaire ne le cloue au silence. Peu à peu, les liens se tissent autour d’une mouvance ésotérique qui convoque le Baphomet : Anagramme du Prophète Mahomet qui était obscure hérésie médiévale. Elle avait notamment servi à Philippe le Bel comme chefs d’accusation pour éradiquer la puissance montante des Templiers.
Il est à chaque fois très confortable d’enfermer un auteur et son œuvre, en un tour de clef, en inférant qu’il ferait « symptôme » dans un paysage par définition asymptomatique... Le symptôme est la voie la plus courte et la plus usuelle de l’absence de réflexion critique ; de celle qui scelle sous le régime d’une métaphore toute réflexion critique. Cette facilité épuise à restituer l’épaisseur d’un auteur ; notamment un auteur de l’envergure de Michel Houellebecq. Un auteur qui, le moins que l’on puisse dire, est clivant : entre ceux qui y voient un prophète et ceux qui le réduisent à un « symptôme ». Dans cet article, nous allons restituer les tensions, les forces et les faiblesses qui apparaissent à la lecture de ce roman.
Publié au tout début de l’année, au édition Flammarion, « anéantir » le dernier roman de Michel Houellebecq n’est pas l’énième roman d’un auteur prolifique. Quand bien même on y retrouve des motifs, ses obsessions, les mêmes personnages ou des paysages qui lui sont propres et le rendent reconnaissables pour ses lecteurs. On aurait tôt fait, dès lors, de réduire roman à une déclinaison des items houellecquiens en rangeant poliment en bonne place dans sa bibliothèque parmi ses autres.
Dans ce roman, Michel Houellebecq, nous introduit dans les arcanes du pouvoir en suivant la vie de Paul Raison, haut fonctionnaire du Ministère de l’Économie et des Finances. C’est assez habile de prendre un personnage établi au cœur de la machine de l’État, dans un pays comme la France ou la sophistication administrative est très prononcée, pour décortiquer nos existences corpusculaires.  
Du haut de son bureau, situé au sommet de la gigantesque barre de béton qui surplombe l’autoroute urbaine qui jusqu’au cœur de Paris, en  balafrant profondément le tissu urbain du 12e arrondissement Paul Raison a une vue surplombante sur les flux : mécaniques, motorisés ou fluviaux qui nourrissent ses pensées les plus secrètes. Tout autant que la circulation, il observe les méandres du fleuve qui cycliquement absorbe les rives pour en reconfigurer le paysage bien ordonné à l’intérieur des quais. C’est clairement l’une des clefs de l’écriture de Houellebecq. Dans le roman elle nous est donnée dès les premières pages. Houellebecq donne souvent à ses personnages quelque chose comme une seconde chance. Celle d’être appréhender par une forme de grâce poétique qui les délivre temporairement de le plus abjecte trivialité.
Le roman anéantir, l’auteur se joue des frontières entre une description très terre à terre et une teneur poétique ; comme dans ce passage où le père de Paul : handicapé et mutique, est laissé seul dans un fauteuil à roulette dans un parc où il se fait soigné. Son regard reste fixement rivé à un bouquet d’arbre qui lui fait face ; sans qu’on puisse décidé s’il observe la grâce que donne le mouvement des branches traversées par le vent ou si ce n’est pas juste son état végétatif qui le cloue dans cette attitude proche d’un détachement extatique et d’abandon intérieur. L’aspect contemplatif de ses principaux personnages des romans de Houellebecq est rémanent.  Ce roman n’y fait pas exception. Peut-être même plus encore que les précédents les descriptions poétiques parcourent tout le roman jusqu’à son dénouement. Ce qui est notable, c’est que ces descriptions ne sont pas forcément appréhendées à partir du regard de personne en pleine santé mais paradoxalement et à deux reprises dans le roman de personnes à la limite de décrépitude physique et mentale. C’est un aspect qui mériterai que l’on s’y arrête tant il semble que, pour l’auteur, l’homme moderne n’arrive à une sorte d’ascèse contemplative qu’en étant préalablement déchu de ses habitus contemporains du fait de sa déchéance.
Comme nous l’indiquions, l’alternance de ces passages poétiques sont contrebalancés par d’autres descriptions plus terre-à-terre. Nous entrons effectivement dans le corps du roman quand Paul Raison descend de sa citadelle de Bercy pour s’intégrer physiquement dans ce paysage qu’il observait en surplomb. C’est un des tours de force d’un roman qui n’en manque pas que d’avoir su restituer très précisément l’un des quartiers les plus méconnu de Paris. Un quartier excentré, en grande partie artificiel, bien que chargé d’histoire. Un ersatz de quartier coincé à l’intérieur du quadrilatère presque parfait que forment la gigantesque « architecture totalitaire », comme l’écrit l’auteur, du Ministère de l’Économie et des Finances, du périphérique, des rails de la SNCF et des rives solitaires de la Seine. Un quartier de prédilection donc pour un amateur d’anecdote comme l’est l’auteur. Il s’est attaché très particulièrement à celle qui concerne l’église Notre-Dame de la Nativité de Bercy sur laquelle l’auteur s’attarde à de nombreuses fois. Détruite et reconstruite à de nombreuses reprises, tout le long de son histoire, cette petite église du 12ième ardt, enchâssé dans la trame urbaine recomposée du quartier de Bercy fait dire au narrateur qu’à elle seule elle résume l’histoire de la chrétienté occidentale. On peut s’étonner que cette réflexion de l’auteur ne se soit pas étendue à tout ce quartier de Bercy. Quartier hybride : ancien et artificiel ; recomposé d’éléments épars de ses structurations successives, non seulement forme un succédané, mais préfigure la France contemporaine : entre mythe, recomposition et amnésie. C’est très frappant quand on traverse le parc de Bercy, la cour Saint-émilion, et jusqu’aux Maréchaux.
Historiques ou philosophiques ; voir triviales, les références tout autant que les analyses ne manquent pas dans ce roman. C’est peu dire qu’il en est « truffé ». On y voit là une forme de saturation toute contemporaine : celle de la nos sociétés overdosées d’informations de toutes sortes. Houellebecq nous alimente jusqu’à la lie de renseignent sur tout type de sujet. Il prend parfois un malin plaisir à n’omettre aucun détail, rendant souvent la lecture empêtrée de gloses, de digressions, d’analyses dont certaines sont à l’emporte-pièce.  Le plus souvent on les trouvera succinctes, comme celles qui concernent les pensées des philosophes, mais la plupart du temps elles tout simplement caricaturales comme des lectures de secondes mains.
Houellebecq use de ces digressions comme un anthropologue collecterait des mythes ; nous entrainant toujours plus loin dans une très longue et minutieuse description de nos habitus modernes. On aura tôt fait de conclure qu’il s’agit d’une description au scalpel du crépuscule du couple hétéronormé dont l’auteur ne prends aucune pincette pour le déconstruire méthodiquement. Très vite il nous conduit dans les recoins de l’intime où vont se nicher les plus triviales descriptions du roman. La ligne de démarcation de la « guerre des sexes » se déplaçant à l’intérieur du frigo du couple que forme Paul Raison et sa femme Prudence. « Un couple hétérosexuel est un couple en instance de divorce » déclare le narrateur dont il décrit l’évolution, en reprenant à Dante sa géographie infernale, l’image des cercles concentriques que forment l’Enfer comme autant de cycle vers l’inéluctable. Il faut attendre la page 350 pour avoir un semblant d’esquisse d’une rédemption sous deux modalités différentes.
Le narrateur, en effet, indique comme solution de prendre exemple sur les animaux et en particulier sur les oies. En laissant, par exemple, son odeur sur sa ou son partenaire et en prenant soin de surtout de ne pas appuyer les premiers attouchements d’un retour en flammes. Tout cela à grand renfort de magie et de cierges déposé dans la modeste église Notre –Dame de la Nativité de Bercy. L’autre type de rédemption prends la forme d’une femme africaine que l’auteur décrit bien sous tous rapport : catholique, bien éduquée, et portant un prénom bien français : Maryse. Ce personnage dont on laissera le lecteur découvrir plus abondamment tout seul, est introduit dans le chapitre en même temps qu’une digression sur un autre type d’immigré comme si leurs figures en formaient l’antithèse. C’est-à-dire l’arabe, « la racaille », comme il est écrit ; précédemment assimilés aux orcs du roman « Le Seigneur des anneaux ». La dites racaille des quartiers populaires reste une racaille même quand elle vote massivement en faveur du candidat au pouvoir pour les présidentielles (Sans doute une des fictions les plus risibles du livre). Celle des classes populaires dont l’horizon se borne aux barres d’HLM en béton dont le narrateur nous dit que Maryse « se méfie instinctivement ». Cette bonne immigrée est donc l’autre solution de rédemption au couple hétéronormé. Elle, elle sait « prends les choses en mains » : sexuellement s’entend, pour leurs faire retrouver leurs naturalités premières. Finalement ces deux formes de rédemptions possibles au couple hétéronormé semblent se faire écho sur le plan d’un retour aux sources naturelles et animale de l’humanité…. La brave Maryse sera finalement expédiée deux dix cents pages plus tard en retournant dans son Bénin natal après avoir prêté de sa personne comme prix à payer de sa parfaite intégration à la famille Raison. On retrouvera encore les immigrés au détour d’une discussion dont se remémore Raison. Dans laquelle, le Ministre de l’Économie et des Finances, lui aurait expliquer qu’ils ne sont ni économiques, ni même réellement humanitaires, et que c’est en conscience qu’ils risqueraient leurs vies. « Ils ont parfaitement compris notre fonctionnement dit Bruno, « La culpabilité, le « christianisme résiduel, ect » ; « Ils savent qu’ils vont être recueilli par un bateau humanitaire ». « La violence est efficace » finit par conclure Monsieur Raison en écoutant le Ministère. Ce passage est anthologique : A grand renfort de citation on y retrouve ce gout houellebecquien pour la glose savante.  Il conclut le récit d’un attentat filmé contre un bateau de migrants. Ceux-ci auraient finalement renoncer depuis à faire la traversée en mer. L’immigration peut bien avoir « quelques succès » comme celle de ce dentiste qui vient sauver la bouche fétide et gangrenée du personnage principal mais il faut bien convenir « qu’ils étaient de plus en plus rares » conclut-il.
Si l’on a dit que le roman « anéantir » dispensait de quelques réflexions sur la société hétéronormé et patriarcal, ce qui est immanquable ce sont les prophéties de Houellebecq.  L’une d’elle s’est réalisée en cours de publication (nous vous laissons le soin de découvrit laquelle), mais les plus intéressantes quant à l’avenir de la France sont celles qui conditionnent son personnel politique. Au moins une personne figure au premier plan : le « Président » sans qu’une seule foi tout le long des 730 pages que compte le roman son nom soit donné. On l’aura très vite deviné, il s’agit de l’actuel Président de la République. S’il n’est jamais nommé, il fait exception. Certaine on droit  à voir figurer sous leurs prénoms comme c’est le cas d’une des figure de l’Extrême-droite actuelle.  Le narrateur nous avertit prophétiquement que le « Président » compte rempiler à toutes les élections à venir ; quitte à mettre un factotum comme marchepied entre deux suffrages, suivant scrupuleusement les modifications apportées à la Constitution en 2000. Le pire n’est pas là. On pouvait sans Houellebecq se douter des ambitions du personnage. Ce que l’on apprend c’est que le « Président » serait même capable de contribuer à une élection de l’Extrême-droite si celle-ci pouvait, à son tour, rendre inéluctable son retour aux pouvoirs après que les freins de la Constitution seraient levés.
Le roman est constitué d’une sorte d’épilogue. On bascule dans une autre géographie urbaine, un autre quartier qui semble se déplier du précédent comme s’il en formait depuis le début son horizon. Il en est en tout cas le prolongement naturel. C’est dans cette partie du roman que le titre « anéantir » prend tout son sens. Il est écrit sans lettre capitale comme pour en conserver sa puissance évocatoire sans autre résonance capitale. C’est au cœur de cette anéantissement que la rédemption du couple que forment Paul et sa femme prudence le plus de force. Il n’est guère étonnant que les plus beaux passages du livre se trouvent dans cette épilogue. La maladie y est décrite comme un processus d’anéantissement intime exactement dans les mêmes termes que l’a décrit le savant Claude Bernard. En sorte que le vivant lui-même est corrélé à la mort dès son apparition. Ce sont sans doute les pages les plus justes de tous le roman qui n’en manquent pourtant pas. Si bien des passages peuvent laisser dubitatifs jusqu’à en perdre son lecteur quant aux qualité que l’on prête à Houellebecq. L’épilogue à lui seul concentre toute la force et la beauté d’un très grand écrivain. On y suit jusqu’au plus près de l’intimité, délesté des dernières pudeurs, la maladie et l’amour faisant résonner ce vers biblique qui imprime son timbre au Cantine des cantiques « Mets-moi comme un sceau sur ton cœur, Comme un sceau sur ton bras; Car l'amour est fort comme la mort ».
Description du quartier : Immeuble totalitaire à partir duquel se décline le quartier et son histoire comme un microcosme emportant avec lui la France en succédanée...
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eonubes · 3 years
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Débandade dans la métempsycose animale  IV.5 (2/2)
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L’aube perça très profondément l’obscurité jusqu’à aller se frotter sur le bord de l’épinette. D’abord, il y eu la vague sensation que quelque chose se pressait contre ses paupières. Une impression miroitante qui caressait sur le bord crénelé de ses yeux. La lumière bourgeonnait derrière la cloison de son épiderme, et finit par soulever le mince opercule de peau qui les recouvrait. Il fut surpris et ravi. Une onde intense et belle le traversa littéralement. Il n’eut aucun mal à s’y habituer tellement elle l’enchantait. Tout fit jour en lui. Un court instant cependant, il eut un léger frémissement de vertige en réalisant que le bord sa cage était suspendu dans le vide. Toutes les portes étaient étrangement restées ouvertes. Rien ne le séparer plus du néant. Il resta donc bien prudemment en deçà ; se contentant d’admirer ce qui s’offrait à lui de l’intérieur de son gîte. Ce n’était que profusion de lumière et de couleurs dont les saveurs virent faire naitre auprès d’elles tous les sons qu’ils se pouvaient. Il leurs prêta la plus grande attention. Les découvrant et les étudiants, les détaillants un-à-un, peu-à-peu, comme un psautier bucolique débordant de chants d’oiseaux.  
Les moineaux vinrent en premier, aiguisant leurs trilles pour annoncer, avant que tout le monde ne soit réveillé, l’arrivée d’un nouveau jour. Toute une partition de sons brefs et mélodiques, suivi de zézaiements prolongés saturèrent l’air de bon matin. Au loin, le bruit d’un volet qu’on relève à la manivelle produisit leurs firent écho sur exactement les mêmes notes ; sidérant au passage nos pauvres passereaux. Des tourterelles en profitèrent pour leurs voler la vedette ; déployant leurs roucoulements tout en zyeutant une place un gite et un couvert pour nidifier.
Un couple de corbeaux les prit à revers, sans n’y trouver aucun compte ; passant inélégamment au milieu de l’assemblée volatile qui s’était installé dans la cour de la ferme. Ils émirent un « CrroÔâh ! CrroÔâh ! » bien senti faisant reculer toute ce cénacle improvisé.
Des Geais inquiétés, accrochés aux arbres alentour se mirent à pousser trois sons brefs et grésillant. Des cris grimaçants ; défendant qu’on s’approche d’eux, de leurs nids et de leurs couvées. Même si personne n’y avait vraiment songé. Des pigeons aux bulbes gras, indigestes et recouverts de plumes toutes crottées, fredonnèrent en boucle les mêmes notes sans qu’on ne puisse rien en traduire. Vint encore des pies ameutées par la quête d’un repas ou de gente à ennuyer. Elles s’invitèrent dans un festin ou il n’y avait encore rien à partager. A moins qu’elles apprirent sans partage appâter par leurs cris lugubres ; médisants tout ce qu’elles pouvaient bien penser.
Des merles à distance s’envoyaient sans échange d’un regard, des invitations à baiser et des serments d’amours & de fidélité que chacun pouvait prendre à bons comptes, dans le sens qu’il le voulait. Ils produisaient des chants mélodieux en s’envolant dans les tours : créant des gammes aux motifs variés, avec par moments des sifflements  semblable à une flute ; avec des finales ascensionnelles d’aigües vertigineux en virtuose.
Un rouge-gorge solitaire passa par-là, lui aussi ; à vol plané. Il émit un genre de gazouillis un brin affligé de notes à la mélancolie expurgée.
Autre chant. Variante apportée à celui des moineaux ; celui d’une mésange ou d’un rouge-gorge ?! À moins que ce ne soit un débordement volatile de l’évolution des espèces. L’on peut imaginer que leurs chant seraient facteur d’évolution bien au-delà de tout ce que Darwin prêtait à tout ce marivaudage..
Leurs chants sentaient bon la saison. Le printemps et son interminable symphonie pastorale s’entendit jusqu’à la pointe du jour. Ce qui fut s’étendit des heures durant, couvrant tous les horizons à la ronde...
Quiet, il respira par grandes bouffée. Inspirant et soufflant généreusement. Remplissant ses minuscules poumons de ciel bleu. Ses aérations répétées et accélérer finirent par lui donner le tournis. Pour accompagnait ses brusques élévations de conscience, notre charmant chapon dodelinait de la tête en bordant sur des refrains réminiscants au plus profond de sa tête : « cokcockockcococcookckc ! ». Même si ce n’était pas très satisfaisant au regard des règles du solfège, le fait de pouvoir exprimer par un chant toutes les émois qui le submerger balaya tous scrupules.
Pas un instant, il ne se rendit compte que quelque chose était en train de se modifier. Imperceptiblement dans l’air. Le chant des oiseaux s’embrunit sans que la subduction de leurs mélodies n’en soient affectés. L’humeur du ciel. La pression de l’air. Le déplacement de l’éther et des vents. Jusqu’au métabolisme du plus insignifiant insecte n’y fut pas insensible…
Des nuages courraient dans le ciel en redessinant la ferme de jeu d’ombres fantasques qui assombrissaient par instants la basse-cour. Pas de quoi altérer le chant d’oiseaux. Ils observaient du coin de l’œil cette étrange chorégraphie qui au départ n’avait rien de dirimants. Un des nuages arrêta net cette course folle. Sa taille gigantesque le lui permettait. Il estompa entièrement la lumière du jour, avalant le soleil, absorbant ses rayons dans son ventre glouton.
C’est alors que retentit un cinglant  «MeuuuuuUÛÛHhhhh !!! » venu des profondeurs de l’œsophage d’un ruminant ; abrégeant d’un coup la Pastorale comme l’aurait fait, dans un orchestre, le son deux cymbales se percutant violemment l’une contre l’autre. L’ondulation sonore se propageât longuement et pris écho des murs autour de la basse-cour. Imposant le silence de toutes parts.
Comment dire ?!!
Ce bruit lugubre et stupéfiant anéanti le concert des oiseaux. Ce meuglement venait d’annoncer quelque chose qu’il ne comprit pas immédiatement. Une fin de partie qui fit fuir le printemps. D’un coup il fit froid. Très froid. L’immense nuage se couvrit de teintes allant du blanc à une infinité de camaïeu de gris et de violet les plus menaçants. Il installa les ténèbres au-dessus et la ferme. Il le ressentit intimement. Sa peau se couvrit de frisson. Le froid pénétrait au fond de lui. Son premier réflexe fut d’entrer plus loin dans sa cage. Il sentit une sourde pression se faire contre les plumes de ses ailes. Son corps se rapetissait. Il recula encore plus profondément, jusqu’à se replier totalement en lui-même comme il avait appris à le faire. Sauf que de ce côté-là quelque chose s’était fermé. Ses yeux restaient bien ouverts et affrontaient la réalité nue sans échappatoire. D’évidence il ne pouvait d’aucune manière la contourner. Au cœur des ténèbres, il perçu un léger crépitement qui à mesure redoubler de vigueur, en devenant de plus en plus prononcer. Tout d’abord sur le toit de la grange, au-dessus de lui, puis autour contre les murs. La pluie devint de plus en plus forte. Il tombait à verse. Le vent soulevait des embruns qui, en pénétrant au travers des bardeaux en bois, vinrent jusqu’à lui frapper en pleine face. Il ne pouvait rien y faire. Il fut très vite complétement imbibé d’eau. Le froid, la pluie mêlée au vent lui collaient les plumes. Il regarda le jour s’en allait sans bouger. Il lui sembla ne plus rien devoir attendre. Trempé jusqu’à l’os. Regardant fixement cette porte restée ouverte qui après lui avoir offert le monde, maintenant était la source de tous ses craintes. C’est par cette porte qu’une ombre arriva. Un homme s’interposa dans la peine lumière en travers. Il alluma la lumière. Une lumière horrible, électrique, provenant du plafond de la grange. De sorte que c’était la première fois qu’il pu voir l’intérieur cette grande. Jusqu’à présent elle avait été tout le temps dans le noir le plus complet. Même la porte restée ouverte ne lui avait avait pas permis de voir concrètement à l’intérieur. Paradoxalement, l’éclairage électrique lui fit découvert où il s’y trouvait concrètement. Il vu qu’elle était remplie de dizaine d’autres épinettes dans lesquelles par des centaines d’autres de ses congénères se trouvaient. Des milliers de petits yeux noirs semblaient à présent tourner vers lui. Ses yeux lui envoyer le même message d’attente et de demande avec une expression invraisemblable de dénuement.  Il ne sut que répondre. Mimétiquement il leur renvoya le même regard en retour. Il regarda tous ses clones disposés en rangés avec la même demande d’incrédulité, la même perplexité, le même regard mêlé d’effroi…
L’ombre s’approcha de lui. Une main plongeât dans sa cage et le saisie. Il se retrouva emporter au-dessus du vide. Il eut encore le temps de voir que tout en dessous de lui se déployer à l’infini une multitude de nouvelles cages ; disposée en damier, et au sein desquelles la sienne était enclose. Toutes étaient remplies à l’identique de coqs qui le regardaient avec le même regard indéfinissable. Il leurs envoya, à tous, un dernier regard fraternel avant d’être emporté plus loin, à l’écart sur une table. Il fut allongé sur un établi et maintenu plaqué contre le plateau en bois dans cette position. La main le tenait fermement sur l’épaisseur de chêne brut. Il ne fit au mouvement pour s’en défaire. Le temps s’étira invraisemblablement. Il resta comme ça, inerte ne sachant pas ce qu’on pouvait bien ou mal lui vouloir, ni combien de temps encore cela aller durer. Tout en ayant l’intime sentiment d’apercevoir l’inéluctable et de l’accepter comme une délivrance. La main se fit plus ferme autour de son petit corps. Un éclair métallique fusa en surplomb au-dessus de lui. Une lame d’acier damassé était recouverte d’une fine mosaïque en arabe. La calligraphie de lettres élaborées des figures abstraites donnait l’impression d’être animée et vivante. L’objet, parfaitement usuel, le ravit au plus profond de son être. Il avait une forme en S ; de sorte que la pointe effilée était relevé comme le museau d’une biche sauvage, alors que la forme courbe du manche lovée, elle, la main du boucher. Avant de plonger sur lui, et de d’abattre d’un coup sur lui, elle le subjugua, telle une œuvre de l’art…
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eonubes · 4 years
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Débandade dans la métempsychose animale III.4 (1/2)
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D’aussi loin qu’il pouvait s’en souvenir, fatalement, il avait en lui cette douleur qui lui faisait front. Elle lui était intime tautologique. Consubstantielle. Plus intiment plantée dans son crâne que son nez au milieu du visage. Devant elle tout s’estompait. Si tant est qu’il y eut quelque chose pour former un tout... La douleur ou plus précisément une horrible ημικρανίον l’anéantissait. Elle absorbait sa psyché. Elle avalait ses globes oculaires en les maintenant profondément enfoncés. Sous l’effet d’une pression invraisemblable elle l’écrasait intérieurement. Lui intimant de se cantonner à ça ; l’empêchant d’y réfléchir. Modérant la plus infime expression d’être qu’il aurait pu avoir en amour propre. Dès que « quelque chose » se présentait à lui, la douleur s’en emparait en se renforçant, en redoublant de vigueur jusqu’à lui faire lâcher prise. Inéluctablement il s’abandonnait à elle. Elle le possédait et interdisait qu’il puisse en être autrement.
Afin de de maintenir un semblant de conscience, - évitant surtout de lutter-, il se laisser aller dans le vague. Il se maintenait ainsi dans une quasi léthargie jusqu’à ce que, graduellement, il finisse être emporter et s’évanouisse. Ces états primaires de consciences altérées et d’évanouissements ne lui permettaient aucune évolution sur un plan strictement darwinien. Jusqu’à ce que… nonobstant ; une fois, alors qu’il baignait dans cet état larvaire apparaisse autre chose.
De prime abord, cela se présenta à lui sous la forme d’une impression. Il eut l’impression que quelque chose se détachait délicatement du fond numineux et opaque qui le cloisonnait et formait son réduit. Pendant un instant arraché à la douleur et au néant, il lui sembla distinguer des sortes de fulgurances sensiblement plus prégnantes. De fait, il lui fallut un effort sur-animal pour y prêter attention et consolider cette attention. Même résiduellement. C’est à ce prix qu’il put dissocier les lignes entre elle ; les collecter pour ensuite se les récapituler.
Elles se présentaient à lui sous l’aspect de linéaments animés qui se juxtaposaient plus ou moins parfaitement pour former une constellation. Il lui faisait mal de les regarder. Dès qu’il en reprenait l’examen, inéluctablement, la douleur se renforcer et lui soustrayait sa peine conscience naissante. Implacablement elle le subjuguait et le faisait replonger dans une forme plus aigüe d’abrutissement. Elle le forçait à ouvrir les yeux et à lâcher l’image qu’il avait en tête. Pour contrer la douleur, il tenta vainement un stratagème. Celui de plisser les yeux comme s’il cherchait, de la sorte, à évacuer la douleur en l’essorant de sa tête. Combien de temps lui fallut-il pour réussir à discerner et reconnaitre ces figures, et finalement, en en approfondissant leurs contours, à les restituer dans leurs intégralités ? Il eut fallu énumérer ses évanouissements et leurs rémanences ; et édifier un genre de comput de ces « cycles ». Puisque tout ainsi, à chaque nouveau cycle, de nouveaux éléments s’ajoutaient et s’aggloméraient. Pour assimiler complétement cette première image et se la rendre familière il lui fallut un nombre démesuré de ces cycles. Afin d’accélérer leurs alternances naturelles, il se mit à les prévenir mécaniquement. Il lui suffisait pour cela de forcer sa respiration et d’hyper ventiler ses poumons. Il ne fallait pas trop attendre pour que l’opération se conclut par les évanouissements escomptés. Il appert que de nouvelles représentations lui apportèrent un bénéfice thérapeutique. A tout le moins, contribuèrent-elles à une forme inédite de bien-être.
En s’emboitant les unes aux autres, les premières formes se complexifièrent jusqu’à finalement former un tout. A bien y regarder cette première complexion n’était rien d’autre que celle d’une colonne corinthienne avec ses cannelures, son échine et son chapiteau à feuilles d’acanthe. Dans l’ordre des figures c’était celle qu’il réussit le plus aisément et le plus durablement à atteindre et à se rappeler. Il en avait développé au fil du temps une sympathie secrète. Sans doute parce qu’elle flattait un égo que l’on peut qualifier frustre ou juvénile. Tout ainsi, il la cherchait avec assiduité tant elle lui faisait du bien. En tout cas moins mal que tout. Ce fut donc la première forme qu’il sut ramener avec lui de l’autre côté…
La seconde image lui vint pour ainsi dire en bloc et d’un coup... Il se complaisait, en esprit, à l’effeuillage des feuilles d’acanthes quand l’envie lui pris de les manger. C’est alors qu’il était en train de se repaître mentalement des feuilles du chapiteau corinthien que son appétit fut bouleversé par ce qu’il faut bien appeler « une épiphanie ». En soit, l’apparition d’une tache rouge, chatoyante ; couleur lit de vin. Elle découlait littéralement d’une vague silhouette qui se tenait flottante en équilibre précaire dans le fond numineux. Elle était pourvu d’appendices longs et élancés ; mus par un mouvement non coordonné avec les autres parties. Tout en imprimant, au reste du corps une giration et une allure musicale. Ce mouvement oscillant le bouleversa. Suscitant en lui la sourde volonté de se laisser subjuguer. Toute chose qui ne lui était jamais arrivé volontairement auparavant. Il se mit doucement à dodeliner de la tête et laissa ce mouvement se prolonger dans tout son corps. Il tanguait comme si une musique le guidait. L’image réveilla au plus profond de son âme des sensations éteintes. Il en fut saisi d’une profonde mélancolie qui le fit sangloter. Les larmes ne furent pas plus tôt induites qu’elles le ramèrent à son état primaire. A peine ses paupières se mirent elles à frémir que la douleur reprit ses droits. Le contraignant à retrouver son ordinaire abrutissement. Cet émoi venait d’engendrer une soif inextinguible qui allait le conditionner durablement… 
D’autres images lui vinrent encore. Elles formèrent une totalité qui lui devint aussi personnel que s’il s’agissait d’un recueil ou plus communément d’un “album photos”. Après celle de la petite danseuse, une autre plus étonnante se présenta à lui. De prime abord des lignes noires se détachèrent grossièrement d’un nuage de couleurs en dégradées allant du beige au rose parme. A ce stade rien ne permettait de comprendre à quoi cela tenait. Deux entités étaient indubitablement emboitées. Il eut à dégager non pas une mais les deux conformations fondues ensemble. Prises l’une à l’autre dans un lacis. L’une était plus massive et plus grande ; l’autre plus souple et gracile ; plus complexe aussi. Leurs « têtes » étaient embrassés ; apprêtées d’un baisé profond et passionné. Leurs bras s’enroulaient et saisissaient toutes les parties de leurs corps. Les jambes de l’une glissaient sur celles de l’autre comme un écheveau au sommet duquel la plus ténue des entités se tenait à cheval ; de sorte qu’elle laissait nonchalamment apparaitre à leur point de fusion quelque chose détonant. Cette découverte le troubla profondément comme il en avait été transpercer d’une manière fulgurante. Il eut le plus grand mal à soutenir cet émoi.  
Après avoir parfaitement assimilé cette dernière image il s’attendit très logiquement à la revoir, mêlée au flux des autres images passées, dans l’enchainement des cycles. Il n’en fut rien. Sans qu’il puisse s’en expliquer il retrouva le même fond opaque de couleur chair qui lui était connaturel. Chose nouvelle cependant ce lui fut à présent agréable. Il pouvait encore pressentir la douleur mais elle n’était plus prégnante. Elle était diffuse comme une menace dont il en connait parfaitement les attendues. Cet état devint permanent sans que les cycles suivants n’y apportent rien en propre. Ce n’est qu’après s’être habitué au mur qui lui faisait face qu’il finit par en déceler d’infimes gradations ombrées qui, en se différenciant en tonalités chromatiques, lui ouvrirent des brèches à partir desquels il put laisser libre court à ses dévisements. Après plusieurs cycles des couleurs nouvelles s’ajoutèrent à son discernement. Des couleurs allant du beige au jaune ; au marron pour les plus prononcées. Enfin deux taches noires plus prononcées évoluèrent en duos. Très rapidement elles s’engendrèrent et une image toute nette lui apparut. Arrivant à son faite, il put dès lors distinguer de l’opacité originelle une ombre. Celle d’une silhouette féminine nue. Elle se tenait dans une posture lascive et terriblement envoûtante sans qu’il puisse comprendre ce qui le troubler. Elle dérobait son visage aux regards Le buste légèrement recourbé, inclinant sa tête contre son épaule droite. Sa silhouette était augmentée par un fort trait rouge, la vêtant d’une onde gracieuse et vive qui l’a sublimé. D’attachants traits noirs soulignés ce rouge et faisaient résonner, par contraste, les autres parties de son corps. La jeune femme tenait ses bras derrière elle comme si elle accomplissait un menuet ou une courbette. Elle esquissait un mouvement drôlesque et impudique ; contorsionnant ses hanches comme pour les présenter à un public invisible. Offrant, par ce geste, son sexe aux regards qu’elle accueillait effrontément.
Il n’arrêtait pas de parcourir toutes les parties de son corps. S’attardant sur cette tête qui se dérobait ; sur ses épaules ; sur les seins de la jeune femme tout juste esquissé d’un trait de crayon comme on le ferait pour deux grappes de raisins délicatement détachées. Il regardait avidement ses hanches licencieuses dont les jambes prolongeaient majestueusement la sensualité des courbes. Invariablement son attention revenait au même point : sur son sexe. Même s’il réussissait à maintenir attention, il n’arrivait pas à creuser plus l’anatomie de la jeune femme. Son regard suivait chacun des traits emmêlés qui dessinaient, en se complexifiant en gribouillis, son intimité. Il longeait les hanches nues ; s’attardait sur son nombril et revenait invariablement sur le sexe féminin sans jamais parvenir à le fixer effectivement…
Sous l’effet de la contrariété, brusquement, ses yeux s’ouvrir. A son grand étonnement il ne percevait plus aucune douleur. Il pouvait même regarder les choses autour de lui et se les assimiler concrètement. Il n’eut aucun mal à se remémorer la jeune femme. Son image ne l’avait pas quitté comme il pouvait encore revenir en arrière. Bien qu’elle fut de très courte durée, cette pensée lui procura une forme diffuse de volupté. En repensant à elle il se mit à entretenir en lui une sourde et continue frustration qui progressivement, à mesure que ses souvenirs s’estompaient, s’aiguisa. Penser à elle finit par se fondre en un sentiment de latence qui le laissèrent dans un état d’incomplétude. Il senti cette empreinte croitre en lui tout en étant brider par le désir très vif de la revoir. Il repensa à elle tant que son image état palpable.
Peu-à-peu des vagues de froid traversèrent son corps. Elles lui donnèrent la chair de poule. C’est à ce moment-là qu’il se rappela d’elle. Celle qu’il avait croisé à trois reprises. A l’entrée du restaurent ; en sortant des toilettes et enfin quand tout s’est mis à aller dans tous les sens. Même s’il n’en avait rien laisser paraitre, elle l’avait profondément marqué ; séduit diront d’autres. Les traits de son visage, son regard doux et profond. Cette air mélancolique et intense qui traversait son regard l’avait poussé, par une sorte de mesquinerie puérile à dérober le carnet de croquis qu’elle et son amie était en train de consulter. Son cahier de notes recouvertes de croquis et de dessins lui revint en mémoire. A présent, il se souvenait de tout. De même qu’il se mis à réaliser l’endroit où il se trouvait. Tout à présent devint clair. Il était accroupi, les jambes repliées sous lui, ses bras collés le long de ses flancs ; baignant dans ses miasmes de pensées. Tout en lui trouvant quelque chose de familier l’odeur le rebuta. Pour trouver un peu d’agrément, il fit un mouvement en oscillant sur lui-même. Alors qu’il venait de trouver un modeste confort, sans l’avoir voulu il émit un son de contentement que l’on pourrait retranscrire littéralement comme suit « KoÖte ! koôtkotkotekote ». Au bout d’un moment le temps lui parut long, très long, interminable long, il s’assoupit réellement...
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eonubes · 4 years
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Ego vox clamantis in deserto II.3 (2/2)
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Sortant de la Cour Marly du Louvre, les deux étudiantes s’engouffrèrent dans le café restaurant situé en contre-bas du musée. Chloé entra la première. Au moment où Lola passa la porte à son tour, elle sentie quelque chose lui la reprendre des mains. En se retournant elle trouva nez-à-nez avec un type coller contre elle. Tout en lui lui parut grotesque et repoussant. Il était gros, grisonnant et mal soigné. Elle pouvait sentir l’odeur de renfermée qui l’accompagnait. Ses cheveux et sa barbe hirsutes lui donnait des airs d’un néo Crusoé. Il était engoncé dans un grand manteau trainant et épais, surmonté d’une énorme capuche qui lui recouvrait le haut du visage. Un genre vêtement en laine comme on en voit dans les toiles de Delacroix. En cherchant à entrer dans le restaurant, il se cogna une première fois contre les montants de l’entrée ; accrochant un bâton qu’il tenait en bandoulière. La seconde fois il buta contre Lola comme s’il ne la voyait pas. Il était lourdaud et maladroit. Une fois à l’intérieur du restaurant, il ne prêta aucune aux deux jeunes femmes qui à présent le dévisageaient. Il disparut presque immédiatement.
Lola et Chloé s’assirent au fond du café ; parcourant toutes les rangées de tables pour se retrouver entre elles ; à l’écart. Seules…
-          « Tu as pris des notes du cours ? » dit Chloé
Lola déposa son carnet de croquis sur la table comme si elle s’en débarrasser. Chloé se jeta dessus et, immédiatement, commença à le feuilleter.
-          « Comment t’as fait pour te barbouiller les lèvres d’encre ? »
-          « Je ne sais pas ! J’en ai encore ?! »
Chloé la regardait attentivement. Alors qu’il n’y avait plus une seule trace, elle reprit son mouchoir pour l’humecter de sa salive.
-          « Mais, arrête ! T’es dégelasse ! » Protesta Lola, en repoussant mollement son amie
-          « Tu ne disais pas ça tout à l’heure ! » lui dit Chloé, en la regardant avec un air de plein de malice.
-          Elles éclatèrent de rire, attirant l’attention des garçons de café qui attendaient à distance la première occasion venue pour se pointer vers elle. Avant d’atteindre leur table ils se livraient déjà à une joute plus ou moins forcer entre eux-eux pour s’attribuer la prérogative de s’adresser aux deux jeunes femmes. Le plus capé s’imposa et repoussa le plus ardent d’un geste ferme pour lui couper la route.
-          « Bonjour Mesdames. Vous désirez quelque chose ? » dit-il d’un ton emprunté et plein de fausse condescendances.
-          « Un café ! » dit Chloé
-          « Deux ! » surenchérit Lola
-          « Je vous emmène ça de suite… »
Au même moment Chloé rouvrit le carnet de Lola. Elle se mit à le feuilleter rapidement. Il ne lui fallut par longtemps avant de repérer les dessins érotiques de Lola.
-          « Quoi ?! Nan, mais, je rêve !! »
Lola lui reprit le carnet des mains.
Chloé tentât de le reprendre. En vain...
 -          « J’y crois pas ! T’as dessiné le sgoum du prof. ?! »
-          « Ben, non !» répliqua Lola
-          «Alors c’est quoi ça ?! Ne me dis pas que c’est sur modèle vivant »  
-          «Non, c’est un pote! »
-          « Quoi ?!! Un copain toi, sauvage comme t’es ?! »
 Chloé repris le carnet à Lola sans qu’elle ne chercha pas à l’en empêcher. Elle feuilleta compulsivement chaque page. S’arrêtant sur chaque croquis.  
-          « Je remarque qu’il y a plus de matière masculine que féminine » dit Chloé.
Lola se pencha sur son carnet comme pour le vérifier. Chloé resserra fermement le carnet contre sa poitrine par précaution.
« C’est ça que tu cherches ?! » s’exclama-t-elle en lui mettant un des dessin sous son nez.
« T’aimes ça, hein ?! »  
Les deux étudiantes éclatèrent de rire.
« C’est très ressemblant » dit une voix derrière elles.
L’un des serveurs venait de leurs rapporter les cafés. Chloé devint toute rouge. Elle referma automatiquement le carnet en le déposant sur la table. Les jeunes femmes attendirent dans un silence pesant que le serveur s’éloigne. Dès qu’il fut à distance, elles éclatèrent de rire.
-          « C’est un cube » dit Lola
-          « Un quoi ?! »
-          « Un  redoublant !»
-          « Tu m’avais caché ça ! »
-          « Je ne sais même pas comme ç’en est arrivé là. Ça fait des semaines qu’il me propose de traduire des textes grecs ensemble. On s’est vu deux fois dans un café. Il est très bon. Je l’ai emmené chez moi et on a bu. Je ne sais pas ce qu’il a cru. On s’est retrouvé à poil à parler mythologie grecque ».
-          « Anh, le plan cul ! Pour te mettre à poil, le mec il t’a fait un exposé sur les divinités grecque ?! »
-          « Un peu ça ! »
-          « C’est qui ?! Je le connais ?! »
-          « Marc ! »
-          « Marc ?!
-          « Marc, le type grand, brun que tu avais croisé à l’Ecritoire. C’est son repaire ». Ajouta Lola
-          « Ouais, peut-être ! Tu sais que c’est leurs spécialités ?! »
-          « Le grec ?! »
-          « Nan, le cours de langue aux cagneuses esseulées de première. Les filles dans ton genre !». « Ils s’en vantent entre eux ! ». « Les cubes sont des crabes !». Dit Chloé  
-          « Il s’est pointé chez moi avec une bouteille du Raki » continua Lola.  
-          « A son corps confondant, la petite Lolo s’est rendu à l’ennemi. C‘était comme qui dirait l’offrir à sa science ». Ajoute-t-elle malicieusement.
-          « Allonge-toi là Cosette ! Qu’on cause un peu d’anatomie !».
-          « Tu m’épuise ! » lui dit Lola
-          « Pas autant qu’un kub hellénisant. J’imagine ! ».  
Abandonnant son carnet de notes à son amie, Lola se leva et partie en direction des toilettes. Au moment d’ouvrir la porte, elle retomba à nouveau sur le même type  qui s’était cogné contre elle à l’entrée du restaurant. Il sortait des toilettes pour dames. Le type ne lui prêta aucune attention. Son regard cette fois était plus froid et déterminé. Il était sanglé de tout un attirail dont le long bâton avec lequel il s’était accroché aux montants de la porte d’entrée. Lola aperçu brièvement un miroitement métallique incrusté à l’intérieur du bois du bâton qu’il tenait accroché à l’épaule.
 A peine s’était-elle appliquer de l’eau sur le visage qu’un cri bref et strident transperça le silence autour d’elle. Il lui sembla que ce cri sortait d’entre les miroirs qui lui faisaient face. Le silence se fit à nouveau. Lola resta une longue minute à se regarder dans la glace sans bouger. Tendant l’oreille.  Elle se remit de l’eau sur ses joues et son front pour apaisait le feu de son visage. Elle ne chercha pas à se sécher le visage. Conservant la fraicheur produite. Elle resta ainsi longuement sans qu’aucune pensée ne traverse son esprit.  
Quand elle ressorti des toilettes, Lola comprit immédiatement qu’il se passait quelque chose d’anormal. Le type en costume oriental était au milieu des tables du restaurent. Le bâton très long qu’il tenait dans ses mains était en fait un moukala. Un très long fusil qui d’ordinaire sert de décoration intérieur des salons de thé maghrébins. Les quelques clients du bar le regardaient sans abasourdit. Lola chercha son amie. Mais la confusion lui fit perdre le souvenir de l’endroit où elles étaient. Chloé était toujours assise à la même table. Le visage blême, sidérée et pétrifiée de peur. Lola n’osa pas faire un pas de plus. Elle resta un long moment debout sans réussir à prendre aucune initiative. Elle tenait toujours la porte entrouverte de sa main droite. Est-ce une sorte de réflexe ? Elle aurait voulu revenir sur ces pas si la peur ne la tenait paralysée. Personne ne prêta attention à elle. Tous les regards étaient tournés vers le type. La scène était surréaliste. Le type était debout au milieu du restaurent.
C’était un petit bonhomme très sombre, relativement ventripotent. Sa bedaine débordait de ses vêtements. Il s’adressait aux clients comme s’ils s’agissaient d’une foule de spectateurs venus pour l’écouter. Beaucoup ne le prirent pas immédiatement au sérieux. Notamment à cause de sa façon de parler. Il cherchait ses mots ; trébuchant sur les syllabes en les articulant avec un fort accent qui ne le rendait pas tout le temps compréhensible. Il avait semble-t-il de la difficulté à saisir le vrai sens des mots qu’il employait tout en étant persuadé que sa prononciation était correcte. Quand il fut capable de produire une phrase entière, sans la hacher, il s’arrêtait et regardait longuement son auditoire pour s’assurer d’être bien comprit. Il faisait peine à voir. Suant à grosses gouttes ; reprenant régulièrement une respiration haletante. Pour se donner de la contenance, il s’appuya sur le bord d’une des tables et repris son monologue…
 -          « Les rives de (…), étaient bordaient d’arbres vénérables. Vous prétendiez que ce sont les romains qui les premiers leurs ont donnés un nom, alors que nous les connaissions depuis la plus haute antiquité. C’est un mensonge !  
Les filles et les fils de Oulemna passaient leurs journées sans craindre la boue nourricière. C’est dans cette boue qu’ils sont nés. C’est de cette boue qu’ils composèrent leurs airs pour nous.  Entendez-vous leurs mélodies ? C’est pour vous aussi qu’ils la composent. C’est au fond de vous que leurs chants résonnent. Et que disent-ils » s’écrit-il en fronçant les sourcils ? « les grenouilles d’Ou(…)mena sont parties comme les fleurs, et les petits poissons avec les arbres. Il ne pleut plus. Sinon des larmes de colère. L’eau ne coule plus de source mais sort l’extracteur national. Il puise dans les profondeurs les derniers restes karstiques. Résidu de toutes les pluies qui ont lessivés nos terres depuis des millénaires. Pour combien de temps nous la boirons encore ? Combien de nouveau-nés viendront encore s’en repaitre ? Entendez-vous les plaintes des enfants d’Ou(…) Aaaahhh !? C’est le gazouillis naturel qui s’élève du bord des rivières quand ils s’égayent dans la boue.  Parfois, il en disparait emporter par un torrent en cru comme leurs lointains ancêtres ; d’autres viendrons remplacer celui-là. Les parents n’ont pas le temps, ni de les compter, ni de gémir sur leurs sorts. Ils font des enfants et puis c’est tout. Dieu le leurs restera ! ».
 Les clients continuaient à le regarder complément abasourdis. Certains avec un sourire goguenards, d’autres effarés. Un des garçons de café pris son courage à deux mains, et se dirigeât à grands pas vers le type. A peine avait-il parcouru la moitié du chemin qu’un grand bruit claqua. L’onde de choc se répandit de tous côtés des murs du restaurent. Il venait de décharger son moukhala sur le serveur. Le choc les fit reculer tous deux de plusieurs mètres, quasi symétriquement de part et d’autres. Le type se rattrapa on ne sait comment. Virevoltant entre les tables mitoyennes. Dans tout le restaurant se fut un cri unanime d’horreur et de stupeur. Le serveur tomba complètement à la renverse et ne se releva pas. Il resta ainsi sur le sol sur le sol, criblé de petits plombs qui l’assommèrent sur le coup pendant quelques minutes. Quand il reprit ses sens, la stupeur et l’effroi lui commanda de rester allongé sans bouger et de faire le mort.
Au moment, où le type mit le serveur en joue, Lola remarqua qu’il tenait son carnet de notes du cours entre les mains. Elle était médusée. Comment avait-il récupérer son carnet ? Elle chercha instinctivement Chloé en balayant la salle du regard. Tout le monde était debout, sidéré, chacun à distance les yeux fixant le type. Chloé elle avait totalement disparue… Lola n’attendit pas plus et saisit l’occasion du coup de feu pour retourner se cacher dans les toilettes.
 Ce qu’on ne comprit pas, à ce moment-là, c’est qu’en déchargeant sa pétoire le type était devenu d’un totalement inoffensif.  A un moment, il finit par le dire lui-même : « comme je suis devant vous, inoffensif comme un agneau, n’ayant que mes mots pour seuls armes ». Evidemment personne ne devina l’aveu qu’il venait de faire
Il reprit son monologue là où semble-t-il il l’avait laissé... 
 -          « C’était un pays resté pur depuis le premier jour de la création. Les gens y vivaient au milieu d’une nature intacte ; de plantes et d’animaux sauvages jamais connues et disparues depuis. Chaque jour suffisait sa peine. C’est vous-même qui avait abattu son dernier lion en 56. Le dernier des grands lions à fourrure épaisse. C’est vous comme les grenouilles, les fleurs et les ormes. Tout ! Il prit un ton accusateur en pointant du doigt l’auditoire improvisé.
 Il était comme au théâtre. Dans son théâtre personnel. Il parlait sans se soucier réellement des gens qu’il avait en face de lui. Il semblait avoir enfin gagné le public qu’il lui manquait pour étancher sa soif de paroles.
Le monologue dura des heures. Tout le monde avait fini par être épuisé. Sauf lui semble-t-il ! Parfois, il s’arrêtait ; prenait une grande gorgée d’eau en se servant copieusement dans l’une ou l’autre carafe qui avaient été disposé pour le déjeuner, et ensuite il reprenait son monologue.
La nuit venue, la place d’habitude très fréquentée resta vide. Chose étonnante, les lampadaires ne s’allumèrent pas avec la tombé du jour. Seule la lumière du restaurent éclairait ses abords immédiats. Quand le noir dehors fut le plus total, toutes les lumières du restaurent s’éteignirent brutalement. Le type s’arrêta d’un coup de parler. Il eut tout juste le temps de regarder autour de lui. Des silhouettes noires lui faisaient face partout où il posait les yeux. Presque immédiatement, un bruit sourd fit éclater toutes les vitres du restaurent en même temps. Les ombres noires qu’il avait remarqués quelques instants auparavant s’engouffrèrent dans le restaurent. Elles étaient précédées de faisceaux lumineux blanc s’entrecroisant comme pour illuminer la scène qu’il occupait. Tous le ciblaient et le percutèrent ; traversant son corps de partout en même temps. Une chose inconcevable frappa son crâne en premier. Il ressenti une douleur intense qui prit la forme d’un halo lumineux brutal. Elle le pris ensuite au cou, aux épaules, contre sa poitrine et ses bras ; dans ses mains et ses jambes ramassé comme un clou qu’on lui administre en frappant très fort. Le bruit, les lumières vives, les chocs qui le percutaient le tenir suspendu en l’air au-dessus de la table qu’il avait pris comme estrade. Il resta quelques instants immobiles debout, fixé par les balles qui le transperçaient de tous côtés. Au moment de s’effondrer, d’autres faisceaux de lumières virent l’éclairer. Ils étaient bien différents et plus larges que la fois précédente. Avant de s’ecrouler son corps bascula en arrière entrainant avec lui les pages du croquis de Lola qui avait volé en éclats. Les feuilles s’étaient détachées et maintenant accompagnaient la chute du type. Elles volaient tout autour de lui, suspendu en l’air dans une mise en scène sublime de baroque. Lui assurant un final digne d’une scène d’opéra….
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eonubes · 4 years
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Vox Clamantis in Deserto II.2 (1/2)
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-          « Vox Clamantis in Deserto ! » Sa voix retentit à plein au milieu de la salle 225 de l’Aile Richelieu du Musée du Louvre ; montant jusqu’au plafond ; amplifiant les volumes ; ranimant d’un seul coup l’attention assoupie de ses élèves. La nuit s’estompait peu à peu, effaçant les ombres derrières les fenêtres qui donnaient sur la cour Marly. Le cours avait commencé depuis à peine plus une demi-heure. Les étudiants étaient assis autour d’un groupe en marbre blanc : «La Bacchante et du Satyre » de Jean-Jacques Pradier. Lola leva les yeux vers son professeur. Un bref échange entre eux, lui fit comprendre que c’était à elle qu’il s’adressait. Mimétiquement, les autres élèves reportèrent leurs regards vers elle. Lola sentie une bouffée de chaleur lui traversait tout le corps, réveillant sous ses vêtements les fragrances assoupies de la nuit. Cette sensation suave l’embarrassa profondément. C’était comme si elle exposait au dehors ce qu’elle avait consciencieusement enveloppé en s’habillant ce matin avant de se rendre à son cours. Elle fit un effort considérable pour surmonter sa gène en reportant sa concentration sur les notes qu’elle avait prises.
Le cours repris…
-          « Nous disions donc que ce groupe en marbre blanc, tout en ayant une facture néoclassique annonce bruyamment le romantisme. La sensualité, inouïe pour l’époque, de la silhouette féminine qui bascule dans les bras d’un satyre est empreinte d’un érotisme qui accentue la saisie esthétique de cette œuvre. Très vite la présentation publique de cette sculpture fut accompagnée de légendes. Elle fera immédiatement scandale ; pour elle-même mais également par la renommée sulfureuse du personnage féminin. Selon les indiscrétions d’un des élèves de James Pradier aurait mouler dans le plâtre sa propre maitresse ».
-          Lola prenait des notes tout en exécutant de petits croquis qu’elle disséminait de façon aléatoire, dans un chaos apparent, à mesure que les pages se remplissaient de son écriture soignée. Elle détachait du bloc de marbre des points de vues bruts tout en laissant libre court à son imagination. Son regard se promenait le long de la silhouette de la ménade, glissant de haut en bas de sa poitrine, passant sur son ventre jusqu’au creux de ses jambes. Elle en tira un premier trait, presque droit sur le bord de son cahier ; puis un second. Dessinant un arrondit qui en se remplissant de coups de crayons esquissèrent la poitrine, le torse bombé, l’ossature des arquée de la cage thoracique, les seins nus à quelques centimètres du visage grimaçant et réjoui du bouc. La barbiche du satyre la surplombait ses seins qui semblaient s’offrir à ses baisers. Quand elle eut croqué les muscles saillant du ventre et des cuisses de la jeune femme, une image mentale lui traversera l’esprit. Lola se revue, elle-même nue, telle qu’elle était quelques heures avant, allongée sur propre son lit. Un frison parcouru son corps. Elle chercha à le réprima d’un mouvement de tête comme pour en chasser l’image fantôme de son esprit. Elle ferma les yeux un instant. Mais en les ouvrants à nouveau elle croisa le regard inquisiteur du prof. Il la dévisageait ostensiblement avec le même sourire étrange, conquérant et ravi que celui du satyre. Il la dévisageait. S’autorisant cet air dominateur et rempli d’assurance qu’affectent un prédateur. Elle fronça les sourcils, et pris interloqué et défiant.
Passé cette escarmouche, le cours repris…
-          « Ce scandale lui fermera durablement les portes des acquisitions nationales. C’est à partir de là que commence pour cette œuvre de Jean-Jacques Pradier un très long nomadisme à travers toute l’Europe qui allait durer plus d’un siècle. De l’année 1834 ; où elle fut exposée au Salon jusqu’aux débuts des années 1980 : date de son acquisition par le Musée du Louvre. Vous trouverez toutes ces indications dans le support que je vous ai donné au début du cours, en sus du portait du modèle qui a prêté son corps, au sens propre et au sens figuré à l’auteur » ajouta-il comme s’il s’était agi de lui.  Ce modèle, peut-être ne l’ai pas encore dit, n’était autre que la fameuse Juliette Drouet. Plus connu pour avoir été l’amante de Victor Hugo. Je ne m’y attarde pas d’avantage. Vous trouverez tout ça page 12 de l’imprimé que je vous ai donné en entrant ».  
-          Lola suivait le cours d’une oreille vagabonde, plus intriguée par le sujet qu’elle avait sous les yeux. Son attention se porta sur l’enchevêtrement des pieds de la bacchante et du Satyre. C’était concrètement dans ce sous-bassement scénique, de fusion des désirs, que l’animalité du couple se confondait. Elle dessina le pied de la bacchante, posé tout à côté du sabot de la bête, en conservant l’apparente ambigüe de leurs appartenances. Son regard se porta ensuite sur les plis du vêtement qui effleurait le pubis de la ménade en se dérobant d’entre ses jambes. Le satyre tenait fermement dans son poing l’un de ses pans du vêtement dont le marbre avait pétrifié l’instant précédant le dénudement de la ménade.  Alors qu’elle terminait de croquer les doigts agrippés sur le vêtement, Lola se laissa porter par le motif qu’elle était en train dessiner, retrouvant presque naturellement, par association de pensées son lit, le jeune homme qui étendait ses bras vers elle pour l’attirer à lui, la nuit qu’elle venait de passer. Anticipant l’intention de ce geste elle fit un mouvement en arrière ; repoussant presque instinctivement le cahier qu’elle tenait entre ses mains comme pour éviter celles invisibles qui tentaient de la saisir ; ajournant ainsi l’ascendance du garçon sur son corps. Elle étudia de plus près la bouche mi ouverte du satyre ; ses lèvres effleurant les seins de la ménade ; l’abandon de la bacchante, l’emprise du satyre. L’étreinte du couple propageait dans le marbre un instant éternisé. La tension des bras de la bacchante, en se saisissant des cheveux humains qui débordaient les cornes du bouc, étaient palpables. Son effort pour le repousser se débandait à mesure que le désir de la bête se raffermissait. Le nez humain et les lèvres bestiales plongeaient au creux de la poitrine qu’il venait de dénuder. Lola embrassa le jeune homme pour déjouer son attente. Lui donnant faussement des gages sans pour autant aller plus avant à sa rencontre.
-          « La dynamique des mouvements du couple donnent au groupe une forme de mobilité d’ensemble que l’on peut saisir de toutes part de l’œuvre » dit-il. Observez les traits du visage du modèle. Son visage est presque ovale. Ses yeux en amendes comme sa bouche, parfaitement soulignée. Cette douceur subjuguante, James Pradier va lui donner l’attrait irrésistible de l’étreinte amoureuse qui conduit à l’extase. C’est ce renoncement aux canons esth��tiques néoclassiques qui permet à Pradier de donner une expression paroxysmique de la féminité. Délié ; si vous me permettez l’expression. Il regarda autour de lui pour trouver chez ses élèves un écho à ses réflexions.
-          « Vous retrouverez cette veine dans toutes les figures féminines que réalisera le sculpteur. On peut dire qu’il a renouvelé le genre au même titre qu’il a ouvert la voie à la sculpture romantique ».
Le bruit des pages se propageait en écho dans la salle. Lola lui trouva un son proche de celui de l’envol d’une nuée d’oiseaux. C’était comme si les élèves s’étaient élever en l’air tout autour elle.
Laissant libre cours à son esprit, Lola esquissa au cœur du fatras de ses notes un nouveau croquis. Elle dessina la silhouette du garçon qu’elle avait laissé dans son lit avant d’aller en cours. Il était assis sur ses genoux au milieu du lit. C’était au tout début de la nuit. Il venait de relever le drap qui les recouvraient. Il semblait amuser à s’être découvert à elle, laissant poindre sous ses yeux, sans pudeur, son désir naissant pour elle. Au milieu de ses notes elle dessina le sexe du garçon, le séparant du précédant croquis comme s’il s’était agit d’un artéfact. Une fois fait elle reporta machinalement le plume qu’elle tenait entre les doigts sur le bord de ses lèvres.
-          « Pour en observer toute les facettes ils faut vous déplacer autour du groupe »…
Obéissant à la phrase prononcée par le professeur, toute la classe fit un quart de tour et se figeât mécaniquement d’un bloc.  
-          Dans un premier temps, Lola resta figeait comme si elle n’avait rien entendu. Répondant finalement à l’invitation de cette chorégraphie non écrite, elle fit également le quart de tour pour rattraper les autres élèves. Elle se retrouva précisément derrière le satyre. Son regard balayât confusément le dos puis les fesses mâles de la créature qui lui tournait le dos. Elles étaient surmontées d’une queue qu’elle trouva grotesque tout autant qu’obscène Lola ressentit tout l’embarras de la situation. Elle se déplaça d’un grand pas sur le côté comme un échassier. Lola réussit à se glisser parmi les élèves du premier rang. Elle était à présent en surplomb de la poitrine de la bacchante. Leurs trois visages à présent se faisaient face. L’étudiante venait alors d’entrer dans un dialogue amoureux. Elle compléta son analyse du groupe de marbre en balayant du regard les yeux ravis de la bacchante et ceux du Satyre. A nouveau, elle mit sa plume de biais sur le bord de ses lèvres. Le bout de sa langue effleura le froid de l’acier. Instinctivement elle mêla sa salive à l’encre. Sans qu’elle n’y prête particulièrement attention, un gout acre se répandit sur sa langue. L’encre mêla à sa salive et s’étendit sur le bord de ses lèvres. Les colorants d’un filet mauve lui donnèrent la même modulation satisfaite que celle de l’homme-bouc.
-          Si vous prêtez attention aux mains des personnages, on peut dire qu’ils s’opèrent un dialogue qui rend explicite la relation poétique des deux personnes. Les mains et d’une certaine manière, les pieds aussi de façon diamétralement opposés.  C’est ce dialogue qui permet de dire que le personnage féminin ne repousse pas son amant. Elle se saisit de lui et même s’accomplit en lui dans la même étreinte. Les mains du satyre, elles, anticipent les mouvements de sa partenaire. Il la porte tout en la découvrant. Par le geste de dénudation, une scène invisible qui se joue entre eux. C’est une scène anticipée. Vous pouvez en présumer le dénouement mais pas en observer la concrétude. Tout un chacun peut la conclure sans qu’elle ne soit effective. Ce geste, pour ainsi dire, clos cette séquence. C’est une dénudation dénouement. Je précise cela en particulier à l’attention des étudiants en philosophie… ».
Le prof. se tourna vers Lola comme s’il attendait quelque chose d’elle en retour. Elle s’agaça d’être à nouveau l’objet de son attention Lola fronça les sourcils et lui renvoyât un regard interrogateur, passablement courroucé. Il lui répondu par un sourire qui déclencha incontinent l’éclat de rire généralisé de l’ensemble des autres étudiants. Lola tourna son regard perplexe tout autour d’elle sans saisir l’objet de l’hilarité générale. Elle sentit que quelqu’un attrapait son coude pour l’entraîner vers la salle contigüe. C’était Chloé…  
-          « Tu as la bouche couverte d’encre. Bourrique ! On se demande ce que tu as bien pu foutre ».
-          « Quoi ?! » Lola tenta d’essuyer ses lèvres avec sa manche.
-          « C’est parti ?! »
-          « Non frotte plus fort, ça ne s’enlèvera pas comme ça ».
 Salles après salles, les deux jeunes étudiantes franchir l’Aile Richelieu et se trouvèrent dans la cour Marly à côté d’Apollon et Daphné.
-          « Attends ! » dit Chloé en attrapant le bras de son amie. Lola s’arrêta net et se tourna vers elle. Les deux jeunes femmes se regardèrent. Chloé prit un mouchoir dans sa poche et l’humecta de sa salive. Elle fit passer le mouchoir sur les lèvres de Lola pour y effacer l’encre.
Elle ne s’y attendit pas. Lola n’opposa aucune résistance. Elle repensa fugitivement au garçon. Tout cela lui sembla loin, très loin et passablement futile...
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eonubes · 4 years
Text
Per nemus ignotum non certis passibus errans I.1
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-          Anti prologue :
PRrrOURRRRRRRRRFFFFFFFFFFFFFFFF   !!!!
Une terrible déflagration retentit à l’intérieur de son crâne. Sa tête explosa littéralement. Une pression invraisemblable saisie ses tempes pour les broyer comme dans un étau. La douleur était si intense et subite qu’il ne prêta pas immédiatement attention aux sensations qui harponnèrent les autres parties des membres de son corps : son épaule gauche, ses mains, sa cage thoracique broyée. Un genre pression volcanique et irascible le fit défaillir. Les formes autour de lui devinrent confuses, oblongues et sinueuses, jusqu’à se dissoudre en filaments lumineux. Les couleurs se ramassèrent en un état primal avant de devenir irradiantes et diffuses. Elles se muèrent en une expression de lumière brute, totale et douloureuse ; en halo pur et irisant. La douleur le subjugua totalement. Elle devint si intense qu’il en perdit pied. Il ferma les yeux et se laissa choir. Le sol se déroba sous lui pour finalement l’envelopper comme dans un linceul. Ouvrit-il encore une fois les yeux ? Quelque chose s’était incrusté dans sa tête, provenant, d’évidence, de l’extérieur... Il sentit son front s’éclater qui, tout en brisant les parois, laissèrent entrer des images animées s’imprimer dans son crâne. Il perçu distinctement des silhouettes. Une image seule se figeât dans ses yeux et grava définitivement dans sa mémoire : celle d’hommes aux visages sans expressions. Ils le regardaient fixement avec une expression de douleur qui semblait communiqué avec la sienne. C’est tout ce qu’il emporta avec lui…
 -          Prologue :
 Dès qu’il essayait de reprendre le fil de sa pensée, les parois, autour de lui, renvoyaient l’écho étrange d’une expiration caverneuse. Un genre de renflement déformé. Ce son insolite semblait venir de lui, sans que sa volonté n’y soit pour quelque chose. Il avait un mal fou à garder l’esprit clair. Penser lui était, pour ainsi dire, exténuant. Il luttait contre une forte migraine et ce son répétitif. Goutte-à-goutte, s’interposait entre lui et lui. Ce son étrange produisait une tonalité qui semblait communiquer jusqu’aux mouvements de ses paupières. Il n’arrivait pas à concevoir et à conserver une seule idée sans qu’elle ne finisse par se résumer par ce son déroutant. Une image seule, fugitive, passa au travers de sa tête ; ou plutôt, se fixait devant ses yeux. Elle ne lui réfléchissait rien. Il trouva finalement confortable de ne pas chercher à en apprendre plus sur elle ou même à s’en défendre. Il accueillit ensoi ce son et cette image sans plus leurs opposer aucune résistance. L’image était parfaitement immobile : des hommes uniformément habillés en noir le regardaient fixement. L’image lui sembla presque aussi familière que celle d’un poster accrochait dans une chambre d’adolescent. Il arriva sensiblement à y accorder sa maigre attention, et peu à peu à en affiner les détails lesquels singularisaient chacun de ces hommes. L’expression de leurs yeux lui communiquait une personnalité propre avec laquelle il échangeait un regard. C’est seulement quand il souleva ses paupières qu’il comprit que cette image ne pouvait pas être réelle. Il eut de la peine à garder durablement les yeux ouverts. La douleur revenait par vague à chaque fois plus intenses. Il referma les yeux et l’image l’accueillit en retour avec de nouveaux détails tout frais.
Les hommes en noir lui faisaient face. Ils n’avaient absolument pas bougé, ni changer de place. Ils le regardaient toujours aussi fixement. Il lui sembla qu’à présent ils avaient une sorte d’expression de peine pour lui ; limite de pitié. C’est dans cette forme ramassée de dialogue, qu’il se mit à scruter méticuleusement l’image, et par se laisser aller sans chercher à la comprendre plus avant... Tenir les yeux hermétiquement fermés lui fit perdre le fil du peu de conscience qu’il avait. Il dû s’assoupir un court instant avant que les sons ne s’imposent à lui plus concrètement. En rouvrant les yeux il vit une autre image. Une image animée : de figures noires sur un fond opaque et blanc. Elles flottaient devant lui. Il distingua clairement des mouvements enchaînaient sans qu’il puisse leurs donner un sens ou une forme fixe. Des êtres animés semblaient gesticuler à l’intérieur d’un cadre sans bord. Il essaya de se concentrer sur ces formes en mouvement, mais la douleur redevint plus atroce. Au bout d’un moment il referma les yeux et retourna au confort de la première image. Il resta un long moment, les yeux fermés bercer par les sons grotesques qui faisaient vibrer sa gorge. Sa conscience désœuvrée se fit plus lourde, et pesa sur ses paupières au point de l’endormir tout à fait…
 Une sensation de froid s’écoula le long de son vendre, s’insinuant entre lui et le sol. Le froid se rependit sur tout son ventre, enrobant son nombril, remonta sur les bords crénelés de sa cage thoracique. En tentant de se départir de cette sensation, il se rendit compte qu’elle faisait corps avec lui et avec le sol dans lequel il semblait fondu. .  
« Ça y est ça recommence ! » se dit-il. Il comprit alors que le bruit répercutait ses propres fermants de pensées. A chaque fois qu’il sortait d’un état de calme intérieur, invariablement, les sons reprenaient et se répercutaient plus follement tout autour de lui. Il pouvait presque interpréter leurs sens sans qu’un seul mot ne soit prononcé. Dès lors tout lui sembla évident. Dès qu’il tentait de parler le même son monocorde lui sortait d’en travers de la gorge. La peau de son cou se mettait à vibrer comme une darbouka en faisant un balancier de gauche à droite, produisant d’affreuses vocalises. Il résolu de ne plus rien tenter de ce côté-là.. En ouvrant les yeux, il ne retrouva pas immédiatement l’image du dehors. Celle qu’animaient d’étranges mouvements. Il recherchait confusément autour de lui, en faisant de petits mouvements de rotation sur lui-même. Elle était bien là. Mais elle s’était déplacer sur sa droite. Il dû tordre la tête dans une extension maximale pour bien la fixer. Il lui sembla que les mouvements à présent lui rappelaient quelque chose. En tenant sa tête tordue sur le côté, il pouvait presque deviner de quoi il s’agissait. L’image était en fait inversée… Il essaya de tenir le plus longtemps possible dans cette position inconfortable. Il tordait donc sa tête le plus qu’il put, et, à mesure, l’image donna tout son sens. Les petits mouvements erratiques étaient en fait des silhouettes humaines grises ou bleues. On pouvait clairement distinguer le couple que formaient un homme et une femme jouant ensemble. La femme repoussait les bras du garçon qui essayait de l’enlacer. Elle le repoussait mollement, tout en se laissant subjuguer par les assauts du jeune homme. Après avoir longtemps repoussé ses avances, elle bascula toute entièrement dans ses bras, le laissant saisir, avec elle, le vêtement qui recouvrait ses dernières pudeurs…
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