Tumgik
fredpresquile · 3 years
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Pourquoi je garde tous ces livres
Qui seront sinon lus jamais relus
Pourquoi je recouvre les murs
Que la pierre a déjà tapissés
Comme le lierre dehors
Impose sa beauté sauvage et prolifère
Tous ces livres mes livres
Peu de très bons et de nombreux mauvais
Ceux qu’on feuillette furtivement
Ceux dont on sait qu’ils sont dédicacés
Ceux qui le sont mais on a oublié
Ceux qui sont restés emballés
Ceux tachetés de fiente d’insectes
Ceux qu’on nous a offerts
Ceux dont on a un peu honte
Ceux empruntés jamais rendus
À la place de ceux qu’on a prêtés
Qu’on n’a jamais revus
L’idée de posséder un livre
À la manière du meilleur moment de l’amour
Qui se passe en montant l’escalier
Est supérieure à la possession elle-même
J’ai des livres je ne sais pas pourquoi
Quand bien même je sais que c’est
Pour qu’on ne m’oublie pas
Qu’on les vende ou qu’on les partage
Mon portrait s’y associera
Comme chaque fragment du disque dur
Pourra revenir aux vaillants
Qui sauront monnayer l’inédit
Ou bien à ceux qui m’ont aimé
Au point de désirer pénétrer mes secrets
Mes livres mon plus précieux legs
Quand le soleil passe à l’ouest
Que ses rayons embrasent le terre de Sienne
Tout l’ocre de la maison des oiseaux
S’illumine autour des autres rayons
Où les livres comme des promesses
Et des photographies
Se révèlent en tranches à ma propre histoire
Voilà pourquoi je garde tous ces livres
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fredpresquile · 3 years
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Je me nomme Presquile et je suis retraité
Nous sommes dans la France du début de juillet
Le temps s’est rétréci
Tout le monde est parti
Le monde s’est réduit
Aux balises jalonnant ma presqu’île
Comme des totems rassurants
À l’effigie desquels pourraient se pâmer
Les dieux involontaires du mois de juillet
Les matins de ce monde
S’ébrouent dans l’effluve pimenté des pins
Assoiffés de soleil
Mes jambes tournent sans même que j’y pense
Au rythme du serpentin des lacets
De la petite montagne de cette presqu’île
Où je me fais un nom
Le vent me cueille en descendant
Me recueille au sein de ses poings chaleureux
M’arrachant à la fraîcheur des sous-bois
Aux sons sauvages de l’ascension
À la position verticale de l’antenne
Qui s’approche et s’échappe à la fois
Le matin s’en tient à cent bornes
Dans la déclivité se mesure la norme
Et c’est aux heures irrespirables
Que je regagne la presqu’île
Ses jalons aux alertes franches
Ses tintements de canettes
S’entrechoquant dans le frigo
Ma vie tourne autour d’une roue de bicyclette
L’écran diffuse l’étape en intégralité
L’onde distille ses commentaires
Je pique du nez devant les bouts droits
Devant les rituels maniérés des anciens coureurs
Demain jour de repos ce sera deux cents bornes
Un sandwich un chapelet de montées
Bien pliés dans la poche arrière
Demain je ne le sais encore
Debout sur les ruines de ma presqu’île
Comme un miroir improbable émergé dans la houle
Le sémaphore d’un frère retrouvé
Que j’avais cessé de chercher
Se dressera sur ma route
Et dessinera pour moi des barrages
Retenant la montée des eaux
Qui tôt au tard formera l’île
Et gommera mon nom
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fredpresquile · 3 years
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Je n’étais pas courageux
Je n’avais pas de destin
Les occurrences me portaient plus que la volonté
La persévérance me faisait défaut
Je saisissais chaque opportunité
De ricaner de « la belle ouvrage »
Toutes les échappatoires étaient séduisantes
L’à-peu-près lettre majuscule
De cette philosophie spontanée
D’amateurisme bon enfant
Je ne savais aller au bout
J’ai traversé non pas des métiers
Car le mot induit l’expertise
Mais des occupations plus ou moins reluisantes
Plus ou moins gratifiées
Par exemple j’abandonnai des études
De sociologie dès le commencement
Pour me consacrer à la rédaction
D’un roman dont je n’avais pas idée
Fût-ce l’ennui contagieux qu’il pouvait m’inspirer
Entre-temps je fus remercié
De ne pas avoir su télévendre du double vitrage
Puis j’entrais en apprentissage
Au sein d’une boutique du XVIIe
Réputée dans le négoce de pianos
J’allais faire semblant d’accorder
Des instruments de banlieues déprimantes
Puisque l’on me cédait un utilitaire
J’acceptai de la meilleure des grâces
La cape de complicité de l’escroc
Mais ça n’a pas tenu
J’ai renoncé le masque vaillant
Et signé l’autre contrat d’apprenti
Chez l’ébéniste de mon quartier
Où j’ai pu restaurer une horloge
Du gros œuvre à la finition
Dizaines d’heures à son chevet
Le vernis a fini par cloquer
Je suis parti fleur au fusil
Sévir au cirque du rock’n’roll
Sombrer tant il était agaçant
De répéter sans progresser
De répéter
Pas comme avec les enfants
Des centres de vacances d’été
Pour qui la versatilité
Égale l’inventivité
Tiens j’ai vendu deux ou trois jours
Dans le métro des fruits pourris
Stocks sacrifiés à Rungis
Pour un guignol aux abois
Du type loup dans Tex Avery
À l’automne j’enfourchais enfin le félin
Après un bref passage à l’infirmerie de l’armée
J’intérimai dans des locaux de coworking sans co
Où je me demande encore ce que j’étais censé déplacer
Du matériel informatique remisé sur des étagères
Et des gens excités qui remplissaient des cartons
J’ai rejoint les chaînes de l’usine d’en face
Étiqueter ton nouveau numéro du Chasseur français
Le filmer l’expédier au centre de tri vers chez toi
Connaître les départements et leurs numéros
C’est au Monoprix que j’ai regretté
L’aspect ludique et pédagogique
Quand à mi-route entre éveil et sommeil
Je chargeais les rayons du magasin clos
De tous les condiments de ce monde
De produits transformés
Un peu comme quand au volant d’un fourgon La Redoute
Je sillonnais les rues gris clair du XVe
Les poches débordantes de « soif »
Et tentait parfois sachant que c’était en vain
D’épuiser une cargaison triée de l’autre côté de Paris
Par mes mauvais soins au petit matin
Mais j’ai connu des temps plus tranquilles
Lorsque j’occupais un emploi fictif
Dans une association semi-subventionnée
La liberté contre un petit bakchich
Et plus grand-chose de Byzance
Mais pas tellement moins que lors de mon métier d’après
Un Tuc dans un jardin du Collège de France
Sans chef ni planning
D’où l’on pouvait s’échapper
Sans que quiconque l’eût jamais su
Le jardin c’était devenu mon truc
J’ai pu faire profiter de mes talents
Deux entreprises sises à Grasse
L’une tenue par un malade autoritaire
Qui ne conservait guère auprès de lui
Que les outils faute à l’agacement
Qui l’animait en toutes circonstances
L’autre par une silhouette furtive
Qui ne contrôlait rien ni personne
Et passait comme un souffle
Dans les corridors des villas de luxe
Loin des piscines où je finissais la journée
Et puisque la Côte d’azur
Exacerbe la fracture sociale
Et que les traits d’union façonnent nos récits
J’intégrai le chantier d’une magnifique bastide
Dans un vignoble bordant une oliveraie
En qualité de peintre de volets
Puis rapidement de maçon chez Michel
L’histoire mérite un roman
Tant par la densité du chapelet d’anecdotes
Que la richesse des personnages
Qui l’espace de quelques mois
Gravitèrent dans ce repaire
De mercenaires aux codes singuliers de travail
Je n’en dirai dans l’immédiat davantage
(Il faut conserver cartouches)
Mais j’ai continué quelques temps
À seconder Michel
À ne jamais bien finir
À ne jamais savoir aller au bout
Dans l’ombre du grand tilleul
De la maison des oiseaux
Malgré moi sans même effleurer l’idée
J’esquissai bientôt un dessin
Dont l’architecture cubique
Forme des pans modulables
À l’effigie du destin
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fredpresquile · 4 years
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Est-ce que tu vois ça ?
C’est la statue du Commandeur
Quoique je fasse je l’ai toujours eue dans le dos
Lui semble ridicule figé dans cet accoutrement
D’empereur famélique d’une Rome infestée de rats
Il voulait se donner de la carrure et du ventre
Une grandeur supposée que l’allégorie minérale
N’a jamais substituée à la peur que j’avais de lui
Ou peut-être éternel Sganarelle
Devrais-je en parler au présent
Mais quand il exerçait son pouvoir
Le Commandeur agissait dans son ombre
Depuis laquelle infusait la terreur
Il ne se départait de la nuit
Que pour m’obliger à quitter mon nid
Avec le bout de ses doigts impatients
Il faisait pression sur mes côtes
Avant de s’en retourner dans son antre
M’abandonnant au manque d’appétit
Tu fixes incrédule l’effigie surannée
Sans jamais lui concéder un mouvement
Tu le sais depuis avant moi
Le Commandeur n’est plus celui-là
Je ne l’ai compris que trop tard
Essoré par mon Commandeur à moi
Par l’ampleur et l’aplomb de ses dénégations
Par l’impossibilité de le déboulonner du podium
Au sommet duquel il trônait à son aise
Le Commandeur est maintenant celui-ci
Qui le nez sur la carte échafaude demain
Sans porter un regard sur les lambeaux de derrière
Qui ne sait lorsque survient la douleur
Qui reste sans vraiment être là
Sans même l’excuse du téléphone
- Magie de convoquer l’ailleurs et l’ici
Qui pétrifié de moitié déploie son influence à distance
Roue de secours d’un tricycle porteur
Dont il ne vit les périples
Qu’à la publication des podcasts
Qui doute de l’engagement
Dont les exigences exigent sa fuite
Qui les dimanches de permission
Arbore aux épaules encore quelques galons
Qu’il emmène sur les chemins rouler
Ou le rendent président de son canapé
Ce vieux grognard au bronze élimé
Que tu crains autant que j’ai redouté le mien
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fredpresquile · 4 years
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Narcisse au-dessous du plan d’eau
Le reflet par-dessus la jambe
À l’équilibre Mikado
Des réalités qui s’enjambent
Narcisse et ses autres portraits
Embrassant celui de l’artiste
En un chevauchement de traits
D’un panorama fataliste
Réduit à sa belle présence
Narcisse se croit maquillé
Quand le miroir saisit l’absence
Qui se monnaie en pointillés
Codé par l’encre sympathique
L’architecture semble échoir
Dans la brume télépathique
À ceux qui incarnent l’histoire
C’est compter sans le spectateur
Qui change les vies en déserts
Et s’intronise délateur
Des scènes jouées à travers
L’image est un récipiendaire
La récurrence du passif
Elle est à jamais tributaire
Des agissements fugitifs
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fredpresquile · 4 years
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Sens 2
Le claquement sourd du portillon de la maison des oiseaux dont l’augure nous échappe
Le frissonnement des feuilles neuves du grand tilleul sous la pluie fine et continue du printemps
La mélodie incertaine du carillon de ce même arbre
Les chaînes de vélo qui font écho dans les corridors des villages
Le clic de la pédale automatique prélude à tout possible
Le ronron régulier et strident du moteur de la 204 de mon grand-père
Les nappes automobiles sur le pavé de l’Avenue du Château dans un matin calme d’août en transit
L’ululement du vent dans la cage d’escalier du bâtiment A2
L’accent américain du ciné-club du dimanche depuis le fond de mon lit
Le timbre grave de ta voix qui me résonne dans le dos
Le coup de sirène du Guerveur à l’entrée du port de Palais
La vague qui percute la berge de Donnant avant l’aspiration du ressac
Les ronflements de la Bialetti
L’accord d’ouverture de A Hard Day’s Night que personne n’arrive à refaire alors que c’est un bête D7sus4
La Fileuse générique du Masque et la plume qu’un pianiste interprétait en direct avant de laisser libre court à l’improvisation à l’hémistiche de l’émission
Le métallophone du jeu des mille francs
L’indicatif des publicités Jean Mineur ainsi que le motif de piano UGC
Les cloches des rouquines du Cézallier qui dans la brume bloquent la route qui monte à Montgreleix
La pénétration soyeuse des carres des skis dans la poudreuse du matin
La coda de Nude où Yorke vocalise comme Arielle où tu m’apparais sous tes traits d’enfant
Alison Goldfrapp qui nous susurre Pilots depuis le bord du lit
L’infinité des combinaisons musicales
L’hypnotique roulis du train de nuit ses histoires passées à venir
Le bruissement de l’étoffe contre ta peau lorsque petit à petit descend ta culotte
Les borborygmes d’un vagin subitement désoccupé
Le glissement sur le parquet des pas timides des enfants dans la stupeur atone d’un dimanche matin
Le craquement sec du livre qu’on ouvre pour la première fois
Le frottement d’un doigt qui glisse le long de la page à tourner
Le frottement d’un doigt qui glisse le long d’un bord de mon feutre
Enfin le silence
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fredpresquile · 4 years
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Sens 1
Les mimosas de la vallée du Tanneron dans le clair-obscur de janvier
La résine des pins ruisselant de soleil au bord des chemins avalés à vélo
L’autre résine à la flamme d’un briquet
Le chèvrefeuille qui détruit le mur d’enceinte de la maison des oiseaux
Le dernier lys du jardin de la même maison ou ceux pourpres de notre second premier rendez-vous
L’encre des livres fraîchement imprimés disposés en de belles piles sur les tables de la librairie
Les vêtements neufs de la petite boutique de mode anglo-italo-pakistanaise
La gomme des pneus de l’atelier du vélociste
Le graisse froide dans le hangar du garagiste
L’essence des femmes imprévisibles imprégnant une paire de gants oubliés
Ta peau sucrée de bébé le matin d’une nuit d’encre et d’oubli
Le gazon rasé de près le premier mercredi des vacances de printemps
La chaleur humide du fond de l’étable dont le souvenir s’insinue devant une photo de Raymond Depardon
Les grains de café qui brûlent et créent Rue Saint-Esprit l’illusion de l’éternité d’un samedi matin
Le chêne et le hêtre se consumant aux premiers jours de novembre
Les fleurs des châtaigniers de juillet à l’ombre des forêts d’Ardèche à la joie des adolescents mâles
Peau de poisson grillée de retour du marché dans les vapeurs de muscadet
L’encaustique des boiseries qui se mêle à la fumée des cierges soufflés
La cire épaisse de l’escalier glissant Rue de la Tombe-Issoire
Les épices du monde entier réunies en bocaux dans la cuisine de ma grand-mère
L’incandescence d’un tas de feuilles mortes activée par Saadi Rhabba, esclave moderne de l’entreprise d’entretiens de jardins de Peymeinade (Alpes-Maritimes)
La friture d’oignons de la pissaladière de la fin du semis de gazon
Celle du papier d’Arménie censée gommer la pestilence du tabac froid
Le ton boisé des bolets de Bordeaux dans les forêts sombres où nous n’en trouverons pas la queue d’un
Le super à la pompe synonyme de Lucky Luke gratuit
La laine en mailles serrés des pulls marins des premiers frimas
L’écharpe écossaise imbibée de l’haleine de la veille
L’entêtante acidité des pieds arrachés pendus à l’envers dans le vieux cabanon des costumes
La part des anges
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fredpresquile · 4 years
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Bertrand c’est un prénom à la con
Pour un chanteur quelle question
Bertrand l’air de rien
Descend les marches trois à trois
Il ne s’attarde pas
Comme le Tour de France ne fait que passer
Il accélère encore le pas
Pas fâché d’être masqué
Il se dit qu’il aurait tant à dire
À la télé dont il sait
Qu’elle est un centre agréé
De falsification
Naydaky y a plus rien ici
Tout est parti les gosses aussi
Difficile de capter un appel
Rien que de la lumière
Clignotante
La rançon de l’absence
Tu penses qu’un réseau magnétique
Vous collera grâce à sa mécanique
Mais ta chaleur était ailleurs
Quand il aurait fallu rester
Naydaky ciao Chéri-Bibi
Bertrand contre le bar
Souffle sur la mousse du café
Des boucles hypnotiques
Occupent tout le champ
Toute la zone sensible
Des miettes de son cerveau
Il baigne dans cet anonymat rêvé
Qui se fond dans l’incessant brouhaha
Bouclé dans une scansion tribale
Déserté des guitares
Camarade tricard
L’ami perdu binôme désemparé
Flèche de ton arbalète tendue
Le Pierre de ton église
Bertrand seul comme la pierre
Si ton étoile illumine ton art
Elle a mis ta vie en lambeaux
Les astres ont rendu l’âme
Les signes plaident en ta défaveur
Ton nom sert désormais d’antonomase
Pour qualifier une super trempe
Bertrand se morfond personne ne l’appelle
Autrefois il jonglait avec les numéros
Personne ou bien chacun
S’est noyé dans le flot
Continu de son propre fiel
Le détroit derrière lequel
S’endormait la mémoire
N’était pas assez large
Pour que tu t’y engouffres
La chevelure de beau gosse a pris l’eau
Ces trucs qui nourrissent les textes
Et font pencher à l’endroit
L’envers de toute litanie
Que reste-t-il un home studio
Un carnet de poèmes qui tient
La poche gauche du pantalon
Des cigarettes arrangées
Dans la cour des miracles
On n’est jamais que ce que
Notre prénom suggère
Naydaky naydaky
Accepte ton destin
(tag : Dolnaise)
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fredpresquile · 4 years
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J’ai le devoir d’accepter de fermer ma gueule
J’ai le devoir de fournir un rictus
Quand je suis fustigé pour le moindre coup d’œil
Ou mes façons d’aquoiboniste
Qualifiées de social-traîtrise
J’ai le devoir d’accepter
Les circonvolutions d’engagés jusqu’aux pieds
Sans préciser qu’on a déjà évoqué le sujet
Qu’au reste il n’est plus qu’un unique sujet
Que ce n’est pas celui que j’ai tenté d’évoquer
J’ai le devoir d’accepter de tourner autour du pot
Si je ne souhaite pas que vous m’y envoyez bouler
Me reprochant des contradictions
Pas radicalement différentes des vôtres
J’ai le devoir d’accepter les passages en force
Sous peine de subir d’interminables causeries
Et d’injonctions à me faire cuire le cul
J’ai le devoir d’accepter de ne plus chambrer
Ni ma mère ni quiconque pourvu
D’une déraisonnable estime
De soi de l’importance de ses pas
J’ai le devoir d’accepter les vannes de mon père
Censées ponctuer des joutes entamées
Dans le rétroviseur de quelques quarante années
J’ai le devoir d’accepter
Que les familles se déchirent
Par décision patriarcale
Par défaut de remise en question
J’ai le devoir d’accepter les saillies
Dans l’idée qu’elles nourriront un poème
J’ai le devoir d’accepter les idées
Qu’elles soient fulgurantes ou macérées
Puisque partout sont les experts
Puisque chacun ici-bas sait
J’ai le devoir d’accepter
Que ce type à qui j’ai réservé
Sur Le bon coin une cafetière m’accueille
Dans la rue non pas sa cuisine
Devant un café chaud de validation
J’ai le devoir d’accepter
Que les sorties pour rouler
Entre amis de déroulent désormais sur Zwift
J’ai le devoir d’accepter le départ
De vieux amis en cette matinée
De vieux amis que si rien ne retient
Rien ne rappelle non plus
J’ai le devoir d’accepter
Afin de couper court à tout un tas de temps perdu
À des kilomètres de pansements stérilisés
La participation conditionnée
Les portes qu’on laisse claquer
La suffisance et la médiocrité
La pensée de trois cents mots outillée
L’obsolescence de toute civilité
Et que chacun se répande
Jusque dans mes espaces privés
J’ai le devoir d’accepter cela
Ou bien je m’enferme chez moi
Seul avec la nature à bricoler gratuitement des pages
Dans une forme d’onanisme revisité
J’ai le devoir d’accepter de me taire
Et de finir comme Marceau
Dans le fauteuil de mon grand-père
(aquoiboniste est un néologisme gainsbourgeois)
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fredpresquile · 4 years
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Ça fait trente ans qu’il est assis face à la mère
Il danse d’un pied sur l’autre
Attentif au flux et reflux des mariés
Réfrénant son élan lorsque le corps suggère l’assaut
Il tremble à la fatalité d’être mouillé
Comme les trous jaunes dans la neige
Se dissimulent sous de fraîches pellicules
Parfois la mère s’est retirée
Parfois elle vaque entre deux eaux
À portée de tir de la bouche du bunker
Abandonné sur la plage arrière
Et puis un soir la mère s’ouvre
Dans le courant d’une compassion dévoyée
Elle s’en remet à lui sur le plateau de ses fruits
Un séisme réputé potentiel et néanmoins fortuit
Qui n’engendrera qu’un tsunami faiblard
Indigne de l’intensité qu’il avait supposée
Méticuleusement calculée
Il se sent déconfit comme délesté d’un idéal
La mère elle s’est déjà projetée
Vers la prodigalité d’autres lunes
Vers des rivages instantanés
Te voilà trempé jusqu’à l’os petit patient
Tes jeux de sable auxquels parfois elle se conviait
Contestant la hauteur la dimension d’un édifice
Te semblent désormais bien plus sensuels
Que la fougue animale de quelque déferlante
De laquelle n’échoue qu’une vague tristesse
(Œuvre de Tim Morgan)
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fredpresquile · 4 years
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J’avais voulu monter une cave
Mais je buvais plus que je ne gardais
Alors j’ai relu tous mes livres
Enfin le dos de mes livres
J’ai regardé certaines dédicaces
J’avais passé le jour entier à ranger
Déloger les peureuses araignées
Détourner le circuit des fourmis
Cantonner les abeilles en leur enclos
Et je me suis assis face à mes livres
La lumière en avait fait pâlir plus d’un
Quelques autres je ne me souvenais plus les avoir
Mais très précisément du moment de ma vie
Où je les avais lus
Comme pour les dédicaces
Tous ces temps révolus serrés en sardines
Archivés à la faveur de mon âge
Je me suis levé quand le jour a fini
Tout le monde est parti
Les livres sont ici
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fredpresquile · 4 years
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LIENS INVISIBLES
Longtemps avant vint ce type et puis celle
Qui parlait avec lui à l’aide d’une ficelle
Un pot de yaourt collé à chaque oreille
Ils avaient inventé la huitième merveille
On a tiré les fils érigé des poteaux
On a charrié le son comme à cale de bateau
Si donner la nouvelle usait la vie naguère
Ce devint dans l’instant qu’on put savoir la guerre
Des pelleteuses ont permis d’enfouir au fond des câbles
Des antennes ont poussé là où ne meurt que le sable
On rendit désuète l’idée d’inaccessible
Ces voix mises en boîte nouèrent les liens invisibles
Sons et images sont montés en orbite
Reflétées par la grâce du miroir satellite
Les liens furent désormais affranchis des ficelles
Les liens invisibles devinrent ceux par lesquels
Le désir se renouvelle
Aux tables du resto du bas les écrans s’illuminent
Le monde est un convive dans les cercles intimes
Il y a verres et couverts
Rectangles prêts à hurler
J’aimais flâner en ville par les dimanches mutiques
Je ne peux plus flâner en ville la faute aux sons parasites
Les haut-parleurs vomissent la soupe vocodée
Des élucubrations témoins de langue décédée
Qu’ont-ils tant à se dire pour l’offrir en partage ?
Qu’ont-ils tant à rater qui justifie l’usage
Opiniâtre de ce surplus d’âme possible
Suspendu dans les liens invisibles ?
Je revois ma rue ses faisceaux électriques
Dessinant un chemin jusqu’à l’abri téléphonique
Mes doigts sur le cadran anticipant ta voix
Mais tu n’es pas tellement plus prolixe que moi
L’attente nous forgeait elle modelait nos rêves
L’attente littéraire du boudoir où l’on crève
L’espoir sur un muret de pierre en bord de route
Je lisais des poèmes que personne n’écoute
Je n’en sais plus aucun
Nous avons désormais relégué nos bibles
Suspendues dans les liens invisibles
D’après Telegraph Road (Knopfler)
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fredpresquile · 4 years
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Maintenant il me faut rentrer
Par mille signes tu me le fais comprendre
Et puis le trompe-l’œil de la ville
Masque de plus en plus mal le vide qu’il a recouvert
Il est temps de nous retrouver tu sais
Les arbres trop montés te coupent du soleil
Les herbes folles te chatouillent de toute part
Tu laisses aller sans jamais refaire la pelote
Tu sers de refuge à de futures ex
Que la ville a régurgitées par percolation
Tu recèles cette vengeance
Que tu prodigues à tâtons
Après tant d’années à s’épier à rester sur nos gardes
J’ai découvert que tu pouvais être sournoise
Tu caches une larme à la pensée des journées confinées
Où je tentais vainement de te chauffer
Pas d’Internet dans l’internat
J’aurais voulu demeurer plus ou moins talentueux
Moins et j’aurais disparu dans le cloud
Plus et j’aurais fixé des lignes où se refléterait l’univers
Brodé des motifs ayant trait au retour
Rien ne change jamais vraiment
Notre histoire s’était jouée sur un coup de dés
Sur une opposition
Parfois le futur s’écrit au bonheur d’une pirouette
Je t’ai récupérée car nul autre n’avait besoin de le faire
Bien après et pour quelques années
La solitude à deux aura noué nos passages
Si bien qu’il nous paraît désormais une gageure
De trouver un endroit où l’ombre de l’autre ne gagnerait pas
La caqueterie du matin fait partie du silence
Qui se prolonge tout le jour
On n’entend même plus la route
On ne perçoit que la sourdine de nos idéaux
Et les bras des tilleuls d’hiver
Que perce la lumière changeante
J’ai grand besoin de revenir
Mais les pierres s’amoncellent sur la trace
Je suis obligé jusqu’à trépas
À l’idée baroque de loyauté
À ce vœu monacal quand tu me tends les bras
Et me supplies de continuer à souffrir avec toi
Comme autrefois
Dans ce temps où nous avions abandonné la souffrance des villes
À de plus fous que nous
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fredpresquile · 4 years
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J'ai perdu un lecteur à la suite de la publication d’un hiatus
J'ai perdu un lecteur qui avait une idée précise de ce que j’aurais dû écrire
J'ai perdu une lectrice parce que je l’ai citée dans un poème
J'ai perdu une lectrice parce que j’avais blasphémé contre la religion
J'ai perdu un lecteur parce qu’il estimait que mon statut social était incompatible avec la possibilité d’être un auteur
J’ai perdu une lectrice qui croit dur comme fer qu’un homme réputé mauvais ne peut figurer un artiste acceptable
J’ai perdu une lectrice parce que j’ai couché avec elle
J'ai perdu une lectrice parce que je n’ai pas couché avec elle
J'ai perdu un lecteur à qui j’avais refusé la lecture de la deuxième mouture de son roman
J'ai perdu un lecteur qui pense qu’on ne peut d’un côté s’ériger en chantre de la sous-culture et de l’autre écrire des trucs intéressants
J'ai perdu un lecteur après que j’ai dit à un lecteur perdu qu’il aimait les histoires mais ne comprenait rien à la littérature
J'ai perdu une lectrice parce que j’avais écrit trop de mal de mon père
J'ai perdu un lecteur en dépit de qualités dont je n’ai jamais su témoigner
J'ai perdu une lectrice parce qu’elle avait compris que j’avais capté son manège de candidate à l’intronisation dans le gotha littéraire
J'ai perdu un lecteur parce que je ne suis pas connu
J'ai perdu un lecteur mais il n’avait jamais commencé à me lire
J'ai perdu des lecteurs parce qu’il y a plus d’écrivains que de lecteurs
J'ai perdu un lecteur avant même d’en avoir gagné un demi
J'ai perdu une lectrice parce qu’elle n’avait de temps à consacrer qu’à ses propres créations
J'ai perdu un lecteur et ce n’était pas Bukowski
J’ai perdu un lecteur pas Cendrars non plus
J’ai perdu un lecteur Aragon n’en disons rien
J’ai perdu un lecteur et la mesure aussi
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fredpresquile · 4 years
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Quand j’étais jeune je n’aimais pas Piccoli
Après j’ai désiré devenir lui
Piccoli picoler
C’est une anagramme de mon nom
J’ai fait le con avec un chapeau
Comme Dean Martin dans Some Came Running
J’ai compris qu’être beau ne traduisait rien
À part pour les enfants
J’ai compris que quand on disait Piccoli
Chacun s’accordait à répondre ah oui
Se soumettre à l’art pas au fric
Même si l’on ne l’applique pas à soi
Ça force le respect en tout cas
Et croire en l’amitié
Quitte à figurer dans un film raté
C’est pareil
Avoir l’air vieux même jeune
Ne paraît suspect qu’aux enfants
Piccoli c’était un tombeur
Dans le champ mais hors-champ
Avec cette position de voix qu’on lui sait
Michel en mai
Soldat de toujours
Au service d’une cause qui le surpasse
Dans un dernier travelling
La pellicule a déroulé ses images
Une seconde avant que son cœur lâche
Les seules images qui nous retiennent à lui
Plus de vingt-quatre en cette seconde
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fredpresquile · 4 years
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DISPARU
On savait sans savoir
L’animal avait disparu
Tout du moins on nous l’avait fait valoir
MK2 avait mis à disposition
Sur un support moult films gratuits
On n’avait qu’à s’alanguir
Sans voir plus loin qu’aujourd’hui
Pourtant nous nous croyions durs
Aussi francs aussi droits qu’un Jospin
La foi nous habitait à tout instant
Nous avions la conviction qu’on irait au plus loin
Nous pourrions sortir vivants à la fin
À l’air du jour au vol du vautour
Nous jouissions d’avoir tant appris sur nous
Tant su pas à pas rafraîchir nos plans clairvoyants
Quand tout un chacun doutait du futur
Où d’un nid paraîtrait un fanion
L’illusion du parfait amour
Allait pourrir l’ambition qui pourtant nous avait unis
Car l’animal avait paru
Il jouait là sans un cri
Dans un rayon du miroir
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fredpresquile · 4 years
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Lorsque je me réveille
Mon père est déjà là debout
Dans la cuisine devant un seau de café
Ou bien à fumer la fenêtre ouverte
Envisageant des équations
Dont les inconnues lui échappent
Moi je suis partagé
Entre une image furtive de la fin de mon rêve
Et le décor carcéral qui se remet en place
Comme ce tableau vu mille fois
Qu’on redécouvre infiniment
Mon père me sert le déjeuner
Le jus des fruits et ses gestes
Sont habités d’amertume et de mélancolie
Retenus dans l’instant
Prisonniers du passif
Il s’installe à côté de moi
Il me regarde sans un mot
Du dos des doigts il caresse ma joue
Son sourire de clown blanc
Dévoile des dents tachées du vin de la veille
Les journées sont copiées collées
Je ne pense même plus à sortir
Du minuscule appartement
Mon père fait mine de travailler
Ça consiste à beaucoup réfléchir
Moi j’ai l’oreille tenue
Par les histoires du monde
Que souffle ma radio
L’œil dans le vague de la cour
Au-dessus de laquelle les martinets
Ne sont pas encore venus tournoyer
Mon père est un peu mignon
Il cuisine des choses que j’aime
Pour acheter sa tranquillité
Il pique du nez sur ses livres
Tandis que je tourne les pages des miens
Pour ne rien faire
Nous faisons paire
Et la musique s’insinue
Dans les interstices des strates mutiques
Le soir arrive juste après le matin
Jamais je n’ai autant rêvé
Je suis heureux parce que
Quand je m’éveillerai
Mon père sera déjà là debout
Dans la cuisine à faire semblant de m’attendre
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