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À l’heure qu’il est, ma valise pour Arles devrait siéger dans un coin. C’était une surprise que j’avais en tête depuis un moment, toujours un peu plus présente à mesure que l’angoisse de l’âge s’immisçait dans nos conversations. C’était une surprise qui se voulait intimiste, pour ne pas bouleverser ton quotidien. Mais la revendication nationale en a voulu autrement. Difficile alors d’aller contre la remise en cause d'un système qui nous méprise, après avoir voté à gauche... À défaut de pouvoir être en colère, j’ai d’abord été triste, avant que me revienne notre dernière discussion de ta vingtaine : les grèves. Ça m’a fait sourire. Les trajets de RER vers le 94 avaient déjà rythmé notre premier échange prolongé. De la B à la C, de la 4 direction Odéon à la 14 vers BNF, au TGV qui n’arrivera jamais… Même lorsqu’ils nous éloignent physiquement, les transports continuent de nous rapprocher autrement.
Si je parle autant de voyages en train - outre leur image mélancolique (enclencher «la misère est si belle») - c’est peut-être qu’il m’est difficile d’écrire «vulnérablement». D’écrire tout court, même. Je n’avais même pas de papier pour le faire. Et lorsque j’ai commencé à t’écrire, l’encre de mon feutre a traversé la feuille. J’ai ensuite trouvé mon écriture illisible, puis mes phrases trop longues. Tel un jeune Robbie écrivant à Cécilia, j’ai froissé pas mal de pages. Puis je me suis dit qu’au-delà d’un lâcher-prise, on méritait surtout quelque chose qui nous ressemble à toutes les deux.
Malgré le contexte IRL de notre rencontre, je continue de me dire qu’on aurait pu se croiser au détour d’une URL. Deux oiseaux de nuits dans des univers parallèles. Aussi proches qu’un clic, aussi loin qu’un nom de domaine. Moi sur skyblog, rêvant d’atteindre un jour la patience et l’esthétisme des filles de tumblr. Toi ici, personnification encore inconnue de tout ce que j’imaginais de ces dernières : des références soignées et des looks intemporels. Porté sur toi dans la vraie vie, mon regard admiratif ne s’est que confirmé depuis.
Au-delà d’un refuge à l’approche d’une nouvelle décennie, le passé offre finalement une distorsion du temps précieuse en amitié. S’y lover nous permet de rattraper les années que nous n’avons pas vécues ensemble, comptées en films indés visionnés loin de l'autre. Une capsule temporelle rassurante car inchangée, retrouvée chaque soir au creux d’une insomnie, le reflet d’un écran sur le visage.
Que l’on se rassure. Il y a quelque chose de beau dans le fait de grandir. Pour moi, ça a été te voir évoluer. Essayer de te raisonner puis tout envoyer valser. Douter de ton regard puis le voir s’adoucir. Apprendre à te choisir sans sacrifier les autres. Refaire confiance et croire à nouveau. Le tout, avec la constance délicate d’un cœur bien trop rare. À 25 ou 30 ans, qu'importe, le privilège d’être dans ta vie ne sera jamais acquis.
Un jour, dans un futur (espérons très très lointain), on aura fait le tour des crêpiers de Paris et perverti ses lieux romantiques de l’enseigne McDonald’s. On y sera résolument sages ou résignées à refaire les erreurs dont on pensait avoir appris. Peut-être qu’on continuera de refaire le monde jusqu’à la fermeture du Starbucks ou, qu’après l’agitation, on aura fini par apprécier le silence. Qui sait. J’espère que d’ici là, on saura juste apprivoiser le vertige pour saisir l’instant.

En parlant de présent… nous sommes le 6 juillet 2022. Il est 03h47 et tout ce que je cherche à te dire au fond c’est : franchement t’es grave le sang j’espère tu vas bien dormir*.
Joyeux anniversaire ma sœur <3
MJ
*Je t’aime, en venus verseau
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