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GENEPI Fresnes
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Le Genepi milite en faveur du décloisonnement des institutions carcérales par la circulation des savoirs entre les personnes incarcérées, le public et ses bénévoles. Groupe intervenant à l'établissement pénitentiaire de Fresnes Revue de presse, vie associative A consulter également : http://mavieaugenepi.tumblr.com/
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genepifresnes · 11 years ago
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COLLOQUE : L'utilisation du concept de dangerosité dans la sphère pénale
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Le Genepi, association militant pour le décloisonnement des institutions carcérales, vous invite à participer au colloque des 21 et 22 mars 2014 de 10h à 18h à Sciences Po Paris (27 Rue Saint-Guillaume, 75007 Paris). Sous le haut patronage d'Antoine Lazarus, une quinzaine d'intervenants viendront témoigner de leurs recherches et échanger avec le public. Le colloque est ouvert à tous et sur inscription (obligatoire) : https://docs.google.com/forms/d/1xXIfYt6nBZCDU9q5RuzVezQ2baBdbFopJ4tdgAOkR7s/viewform Pour plus d'information sur le programme, n'hésitez pas à consulter la page internet dédiée au colloque http://www.colloquedangerosite.puzl.com/ ainsi que le site du Genepi http://www.genepi.fr/p-82-agenda.php
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genepifresnes · 11 years ago
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Architecte, j’ai découvert comment on dessinait une prison
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TÉMOIGNAGE       19/02/2014 à 13h57
Florence Astrié | Architecte
MAKING OF Florence Astrié est une jeune architecte. Elle vient de travailler pendant six mois sur des projets de construction de prisons. Elle est allée de découvertes en découvertes. Et a été épatée de voir comment sa chef de projet essayait, par petites touches, d’améliorer les conditions carcérales. Mathieu Deslandes
6 août, 14 heures, coup de fil de l’agence d’intérim.
« Mademoiselle, nous sommes heureux de vous annoncer que votre candidature a été retenue. Il s’agit de prêter main forte à l’agence d’architectes X pour l’un de leurs dossiers en cours.
– Euh, oui très bien, est-ce que vous pouvez m’en dire plus sur la mission ?
– Je ne sais pas si c’était mentionné dans l’annonce, il s’agit d’une prison. »
Non, ce n’était pas mentionné. Je suis au beau milieu de la plage, j’appelle Air France pour réserver mon billet. Je suis en poste, le lendemain, 9 heures.
En vacances après six mois passés à faire le gratte-papier dans une usine à projets mal fagotés, je suis curieuse de voir comment on traite ce sujet en France. J’arrive avec mon lot de préjugés. Première pensée :
« Heureusement je ne suis pas née aux Etats-Unis, pas de salle d’exécution. »
Deuxième pensée :
« Où sont les douches ? »
Elle, elle parle d’enlever des barreaux
Ma responsable, que nous appellerons Sophie, commence à nous présenter le sujet. A mesure qu’elle parle, je trouve étonnant qu’en 23 ans de carrière à faire des prisons, la personne douce et aimable en face de moi ait l’air de n’avoir jamais élevé la voix même sur son chien.
Elle transpire l’altruisme, à se demander si ça existe encore des gens comme ça. Elle est désolée qu’on enferme des gens et entend bien y changer quelque chose. Elle parle d’enlever des barreaux, de programmes sociaux, d’éducation dans les prisons.
Rachida Dati voulait plus de prisons, je ne sais pas exactement pourquoi mais j’ai été propulsée tout au bout de la chaîne alimentaire du bras armé de la sacro-sainte Justice. Et j’y ai rencontré quelqu’un qui ne voulait pas que les gens aillent en prison, pas au sens barbare et rétrograde auquel on l’entend.
« Ça, ils peuvent le casser ou l’arracher »
Techniquement, une prison, c’est un village. C’est gigantesque. C’est une ville prévue pour 500 locataires sous haute surveillance, où il faut constamment gérer les circulations, les vis-à-vis, les mouvements, les suspensions. Sur le plan, on dessine des « pare-vue », les hommes ne doivent pas voir les femmes (pourquoi donc ?).
Tout déplacement doit être anticipé, justifié, et toute attente aussi. Parce que l’attente est longue. Parce que ça laisse le temps de réfléchir, et pas forcément aux péchés que l’on a commis.
Réfléchir à un détail banal, puis y réfléchir une deuxième fois.
« Non, si tu le dessines comme ça, ils peuvent le casser à cet endroit, ou même l’arracher, petite. »
On ne peut pas redessiner l’égout à l’intérieur de la toiture, « le détail est sous scellé ».
Pas de miroir dans le quartier disciplinaire
Deux œilletons et une herse plus tard, j’ai commencé à saisir pourquoi Sophie s’est autant investie, car il en coûte moralement. Voilà, quand on dessine une maison, on pense aux habitants ; quand on dessine une prison, on pense aux prisonniers, aux gardiens, aux surveillants, aux avocats, aux familles, aux enfants. Je dessine un aquarium.
Juridiquement, la plupart des peines subies par les détenus ou prévenus sont d’une durée inférieure à deux ans. Majoritairement, les prisons sont peuplées de gens ayant commis des délits mineurs. Alors pourquoi empêcher les hommes de voir les femmes ? (Il est à la discrétion du directeur d’établissement d’enlever ou de laisser les pare-vue.) Sont-ils devenus des chiens aux moments où ils ont passé la porte d’entrée principale ?
On leur a échangé leur identité contre un numéro d’écrou et puis quoi, maintenant, il faut qu’ils payent à la société leur infamie, qu’ils payent de leur temps, de leur argent, de leur santé aussi, et qu’on ne vienne pas nous embêter avec ça, ils ont perdu toute humanité le jour où ils ont volé le sac de mémé. Même pas un miroir pour voir sa gueule le matin en quartier disciplinaire. Sérieusement, on pense vraiment réinsérer des gens après avoir détruit ce qui les constitue ? On pense leur apprendre quoi ? A ne plus savoir ouvrir la porte de leur chambre ? Je dois vraiment participer à ça ?
Pour tous les méchants, hop, le même panier
Bien qu’il y ait différents niveaux « d’enfermement » au sein de l’établissement, de la Maison d’arrêt au quartier disciplinaire (pas encore vu de « cachot » dans les plans), on a la sensation d’une réponse un peu bâclée : pour tous les méchants, hop, un même panier. Une dichotomie entre le cadre juridique et légal, à la charge de l’architecte de s’en débrouiller, vivement que le cahier des charges soit complété. Un mécanisme de réparation et de réinsertion qui brise l’individu, où architecture doit rimer avec sécurité. Un mécanisme qui le rend fou, inapte à la vie en société. Démuni de sa conscience du soi. De son identité, de sa valeur d’individu. Vous le voyez le paradoxe, là ?
On ne condamne plus à mort, on se contente de les laisser se suicider, à moins qu’il y ait une grosse bagarre. Hop, dites que les morts se sont pendus et collez moi le reste au mitard. De la « workhouse » améliorée, après tout, c’est un peu de leur faute s’ils se sont retrouvés là.
Sophie me parle de projets d’ateliers fomentés avec des fondations d’entreprises, chaîne de télévision, groupes de grande distribution, entreprises de pointe, de luxe, même un chocolatier…
Le bon sens de Sophie
Elle me parle d’un projet d’établissement. Une prison en projet, sans barreau pour de vrai, pour « détenus condamnés » qui n’ont commis ni crime sexuel ni crime de sang. De l’échelle locale, du cas par cas, un projet politique aux petits oignons qui parle de formation, de faire revivre un village peu peuplé, de redonner conscience de leur valeur aux personnes écrouées. Pas juste profiter de main-d’œuvre bon marché. Pas de fabrique de sous-hommes. Je suis en plein roman de Pennac, Clarence de Saint Hiver s’appelle Pierre Botton. Le sens revient. Même si le projet fait toujours débat. Et que ça ne concerne pas du tout ma mission ici. Point trop de largesses au pays du supplice de la roue quand même.
Avec l’état-major de sécurité de son côté, Sophie a fait avancer le débat à grands coups de bon sens.
« Ah bon, pourquoi on ne peut pas demander aux surveillants comment améliorer leurs conditions de travail en répondant à leur besoin de communiquer entre eux ? » Premier pas, les atriums ouverts.
« On va laisser le sol en dur partout dans les quartiers femmes ? Non parce que certaines ont des enfants, et les enfants n’ont rien fait… » Un deuxième pas, les sols souples dans les quartiers nourrices.
« Je voudrais pas dire, mais cette troisième porte barreaudée ne sert pas à grand-chose niveau sécurité, par contre elle gêne très bien vos équipes d’intervention quand il s’agit de rattraper un prisonnier qui s’évade ! »
Bon c’est vrai, ça n’a pas dû se passer comme ça, mais il a bien fallu se poser ces questions, et le résultat est là. On n’a plus besoin de mettre systématiquement des barreaux verticaux notamment dans les Unités de vie familiale (on s’arrange pour les mettre ailleurs, au-dessus, loin. Même sécurité, moins d’acharnement moral).
Mouiller le maillot pour changer le système
Il paraît que Michèle Alliot-Marie, lors d’une de ses visites en milieu carcéral, s’est étonnée : « Dommage que ce ne soit que minéral ! » Oui dommage pas vrai, c’est vous qui avez décidé que la pelouse ne devrait pas dépasser 3 cm de hauteur, des fois que le détenu décide de brouter.
Mais Sophie était là, et la végétation peut refleurir en prison, des ateliers horticoles existent maintenant dans certains établissements, au bon vouloir des directeurs. Des serres construites par les prisonniers. Un nouveau pas.
« Tiens, les détenus malades doivent être soignés à l’extérieur, ce qui leur donne plus de chance de s’évader, on ne peut pas améliorer les services médicaux dans l’enceinte même de la prison ? »
Oui, et maintenant les hôpitaux régionaux prennent en charge la dotation de matériel médical et gèrent les Unité sanitaires (à leur propre initiative d’ailleurs). On avance.
Pas à pas, la Direction de l’administration pénitentiaire a adapté ses programmes, même si le chemin est long. Il faut croire qu’employer l’architecture à des fins productives a quelque chose de compliqué, au point qu’il faille mouiller le maillot à ce point pour changer l’absurdité du système juridico-légal.
On a dû effacer l’aquarium des plans
A se demander à quel moment nous arrêterons d’enfermer les gens suivant un paradigme de punition bourgeoise qui est plus vieux que la terre … Au final, pas de douches communes où tombe la savonnette, et ce que j’ai pu dessiner pour les Maisons d’arrêt n’est pas fondamentalement différent d’un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) ou de logements étudiants – si on met de côté que les cellules seront sans doute occupées non pas par une personne mais par deux, trois… au choix.
Ajoutons à cela que travailler en partenariat public-privé (PPP) apporte toujours son lot de bonheur et de réconfort (« Comment ça des lavabos pour les bureaux des médecins ? On n’a qu’à prévoir du désinfectant pour les mains ! »). Cette chaleur humaine incroyable qui se dégage d’une entreprise qui prend les architectes pour des rigolos (« Vous pouvez choisir les couleurs, mais on va enlever des fenêtres là où le programme n’exige pas d’éclairage naturel ! Et tant pis si certaines zones sont un peu anxiogènes... ») voire des esclaves (« On va rabaisser les niveaux des étages de 14 cm pour économiser du béton, ça ne vous dérange pas ? – Bien sûr que non, il n’y a jamais que quinze bâtiments, une tripotée d’escaliers pour répondre à toutes les normes de circulations détenus/personnel/intervention et on est juste en fin de la phase Pro, on va vous faire ça dans la demi-heure et on vous apporte des sandwiches après »).
On a dû effacer l’aquarium des plans. Pour le moment. Je vais sans doute enfoncer une porte ouverte, mais est-il raisonnable de faire du PPP – usine de désossement d’architecture – pour déshabiller ceux qui n’ont déjà plus rien, pour des programmes où l’architecture impacte à ce point la vie nue… le PPP, appuyé par ces bons vieux préjugés populaires et populistes, surtout, qui se préoccupent autant de l’inconfort des prisonniers que la Corée du Nord de sa politique extérieure (« Pourquoi donc aller vers la qualité ? »), pire ! Considérant que ce dernier point fait partie intégrante de la punition, pour une meilleure rédemption...
Comme le soulignait Foucault, le travail du juge ne se résume plus à une seule et même personne… de là à le confier à n’importe qui… Puis la musique de « Prison Break » dans la tête, et les copains qui vous proposent de vous tatouer les plans sur le dos… ceux qui vous plaignent d’un ton faussement complaisant.
C’est toujours dans les situations les plus difficiles que l’on voit les braves, et je suis heureuse d’en avoir rencontré une. Ce n’est pas tous les jours qu’un architecte ne veut pas que son nom soit cité. Et qui vous dit, le visage rieur :
« J’ai trouvé un plan B pour l’aquarium. »
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genepifresnes · 11 years ago
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« Nous ne pouvons concevoir de rencontrer nos clients dans un parloir sécurisé »
Le Monde.fr | 17.02.2014 à 12h56 • Mis à jour le 17.02.2014 à 12h56 |Par Un réseau d'avocats en droit pénitentiaire
Le Bâtonnier de l’Ordre des avocats d’Alençon a indiqué le 5 février dernier qu’il suspendait les interventions des avocats d’Alençon dans la prison de Condé-sur-Sarthe. L’AFP a repris l’information : « les avocats d’Alençon ne veulent plus mettre les pieds à la prison de Condé-sur Sarthe », considérant que leur sécurité ne serait pas assurée lors de leurs entretiens avec les personnes détenues.
Des mesures de sécurité supplémentaires sont ainsi demandées et notamment des locaux « adaptés », comme des parloirs qui comprendraient des dispositifs de séparation par hygiaphone... La maison centrale de Condé-sur-Sarthe a été sous le feu des projecteurs médiatiques depuis la fin de l’année 2013 en raison des nombreux incidents qui s’y sont déroulés.
Les syndicats pénitentiaires ont beaucoup communiqué sur ces incidents, la directrice de l’administration pénitentiaire s’y est déplacée le 27 janvier 2014 pour présenter ce qu’elle a appelé « un projet d’établissement » n’emportant cependant que des mesures d’annonce insusceptibles de régler le profond mal-être dont souffrent le personnel pénitentiaire et la population carcérale et dont témoigne le communiqué du Bâtonnier.
Plus de sécurité réclamée par les syndicats des personnels, rien de surprenant. Mais de la part des premiers défenseurs des droits des détenus…la demande est inédite. Si la sécurité, tant celle des personnes détenues que des surveillants et des intervenants extérieurs, fait aussi partie des droits attendus, encore faut-il s’entendre sur les moyens d’y parvenir. Le renforcement des mesures de sécurité exclusivement matérielle, comme celle demandée par l’Ordre d’Alençon par la mise en place des dispositifs de séparation lors des parloirs avocat, consacre l’échec de la politique sécuritaire mise en œuvre depuis plus de dix ans et dont la construction des nouvelles prisons est l’émanation récente la plus spectaculaire.
Idée reçue tenace, la multiplication des mesures de sécurité matérielle pourrait résoudre les problèmes d’insécurité. Ces mesures se multiplient effectivement, mais les problèmes demeurent et s’aggravent. L’atomisation des relations sociales au sein des prisons et l’effacement progressif mais continue de l’intimité des personnes détenues décrivent le mouvement de fond de la gestion déshumanisante des établissements pénitentiaires qui s’accompagne d’une surenchère sécuritaire au détriment de tous. La sécurité intérieure des établissements pénitentiaires est l’ennemi de la sécurité publique, estimait le Professeur Martine Herzog-Evans. Rien de plus vrai ! Profitant d’une architecture devant être ultrasécurisée, la maison centrale d’Alençon n’échappe pas à la règle selon laquelle la gestion des personnes détenues sous l‘angle exclusif de la sécurité exacerbe les tensions et les pulsions de destruction.
Les commissions de discipline sont organisées, selon le bâtonnier, quasi quotidiennement à Condé-sur-Sarthe, alors que l'établissement ne compte que 68 personnes détenues, ce qui établirait la moyenne annuelle à plus de 5 procédures disciplinaires par personne incarcérée, un chiffre sans commune mesure avec les autres établissements pénitentiaires de France et seraient le signe d’un phénomène d’explosion d’incidents lorsque sont traités à la marge les souhaits légitimes des personnes détenues de bénéficier d’activités dans le contexte d’un enfermement sans espoir.
Lire aussi : A la centrale d'Arles, des facilitateurs pour désamorcer la colère
Le communiqué du Bâtonnier d’Alençon interpelle en ce qu’il alerte à son tour sur la situation désastreuse des nouvelles prisons ; mais il est contestable en ce qu’au nom des avocats, il demande des mesures de sécurité qui portent directement atteinte aux modalités d’exercice des droits de la défense.
Et il ne répond nullement aux questions qu’il renferme : quelle légitimité dans l’enfermement de personnes présentant des troubles psychiatriques ? Comment des hommes condamnés à de très longues peines peuvent-ils être enfermés dans un établissement dans lequel si peu d'activités leur sont proposées ? Pourquoi un si grand nombre de comparutions devant l’organe disciplinaire !
Les parloirs avec séparation ont été supprimés pour les familles des personnes détenues depuis trente ans, mais n’ont jamais existé pour les rencontres avec l'avocat. Dans les autres établissements de France, la question ne s'est jamais posée et aucun Bâtonnier ne l’a jamais envisagée. Une telle séparation matérielle entre la personne détenue et son défenseur ne saurait être acceptée.
De notre expérience commune, il ressort que tous les détenus, et ceux même étiquetés « fou dangereux » par l’administration pénitentiaire, savent reconnaître leur défenseur, lorsqu’ils en ont un. Un acte de séparation serait méconnaitre les droits des personnes détenues et, parce qu’il est voulu par le Bâtonnier lui-même, il signifierait que les avocats admettent la violation des droits de celles-ci et ne les reconnaissent plus comme titulaires de ces droits.
Les avocats partagent et cultivent l’idée intempestive selon laquelle un être humain ne doit pas être défini par une qualité aussi incertaine que la dangerosité. Défendre, c’est accompagner, ce qui implique de se tenir côte-à-côte. Aujourd'hui, en notre qualité d'avocats intervenant régulièrement dans tous les établissements pénitentiaires de France, dont pour certains d'entre nous à Condé-sur-Sarthe, nous contestons la demande du Bâtonnier des avocats du barreau d'Alençon. Nous ne pouvons concevoir de rencontrer nos clients dans un parloir sécurisé, derrière un hygiaphone, faisant porter une présomption de dangerosité sur toutes les personnes détenues, alors que des problématiques bien plus larges (conception architecturale d'établissements comme Condé-sur-Sarthe, longueur infinie des peines, personnes présentant des troubles psychiatriques dont la place ne peut être en détention...) devraient se trouver au cœur des préoccupations de tous les avocats et plus largement des citoyens.
 Signataires :
Benoit David, Mathieu Oudin, Sylvain Gauché, Yannis Lantheaume, Lionel Febbraro, Dominique Maugeais, Jérémie Sibertin-Blanc, Joseph Breham, Nathalie Grard, Etienne Noël, Delphine Boesel, Florence Alligier, Grégory Thuan, Delphine Malapert, Elsa Ghanassia, Hugues de Suremain, Maud Guillemet.
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genepifresnes · 11 years ago
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A la centrale d'Arles, des « facilitateurs » pour désamorcer la colère
LE MONDE | 17.02.2014 à 11h06 • Mis à jour le 17.02.2014 à 12h20 |Par Franck Johannès
Christophe se fait grave. « Ça nous fait grandir. Quand on doit aider un détenu impulsif et qu'on est soi-même impulsif, ça fait réfléchir. On est tous tellement loin d'un aménagement de peine… On aide les autres parce que ça nous aide. C'est gratifiant, même si c'est lourd. La déresponsabilisation, c'est le cancer de la prison. » Christophe, 39 ans, condamné à une longue peine, aux épaules impressionnantes et aux colères célèbres, n'a pas été touché par la grâce : il est « facilitateur » depuis un an et demi à la centrale d'Arles, dans les Bouches-du-Rhône.
Il fait partie de la dizaine de détenus sélectionnés par l'administration pour accompagner les condamnés qui ont le plus de mal avec la détention, pour servir de relais avec des surveillants avec qui ils sont souvent en guerre. « J'étais contre, dit un vieux détenu. Pour moi, les facilitateurs, c'étaient des balances, c'étaient des prévôts. » Il est arrivé à Arles il y a quatre ans, et n'a changé d'idée qu'il y a six mois. « J'ai passé dix ans en prison à me battre tous les jours. Pour acheter un paquet de tabac, il fallait aller à l'affrontement. Ici, on discute. »
L'histoire d'un autre détenu lui a ouvert les yeux. On lui avait retiré ses enfants, à l'époque placés par la Ddass. Le père s'était emmuré dans le silence, retranché des mois dans le quartier d'isolement, où il refusait le moindre contact avec les surveillants. Christophe l'a approché doucement, a facilité les démarches avec le conseiller d'insertion : on a trouvé un logement à la mère, remis de l'ordre dans le foyer, le détenu a repris peu à peu pied dans la vie de la détention, et finalement trouvé du travail.
LONGUE PATIENCE
C'est une longue patience. « On ne collabore pas avec l'administration,proteste Christophe, c'est un partenariat. On essaie de dénouer les problèmes. Il y a toujours eu des détenus qui donnaient la bonne parole, mais ici, c'est encadré. » Le dialogue est même gravé dans le marbre, avec un engagement écrit entre le facilitateur, le détenu – qu'il faut d'abord convaincre – et l'administration. Le tout systématiquement validé par la commission pluridisciplinaire unique.
Ça ne marche pas toujours. Un détenu a pris un premier surveillant en otage pendant trois heures en juin 2013. « Nous avons été surpris, nous n'avions pas entendu son malaise, convient Christine Charbonnier, la directrice. Mais c'est heureusement un acte isolé. » Arles compte 135 détenus condamnés à de longues peines, dont 58 % pour des homicides volontaires, dans une centrale très sécurisée – portes fermées, vidéosurveillance partout.
Mais la directrice s'efforce « de donner du sens à la peine », en mettant l'accent sur le dialogue et les liens avec l'extérieur. « Il est important qu'il y ait de l'air, beaucoup d'intervenants pour ouvrir les esprits, sourit Christine Charbonnier, pour apprendre à gérer les émotions. Ça fait vingt ans que ces personnes mangent seules en cellule, qu'elles n'ont plus aucune idée du monde, qu'elles n'imaginent même plus le bruit du dehors. »
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genepifresnes · 11 years ago
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« Les surveillants n’avaient pas été assez préparés à ce rapport de force »
Le Monde.fr | 17.02.2014 à 11h11 • Mis à jour le 17.02.2014 à 12h19 |Par Franck Johannès 
Prises d'otages, agressions, violences... Neuf mois après l'ouverture du centre pénitentiaire d'Alençon-Condé-sur-Sarthe, dans l'Orne, les incidents graves se succèdent. Ce centre – dans lequel on enferme pour une durée de neuf à douze mois les détenus les plus dangereux, les plus violents, ceux qui ont été exclus de tous les autres établissements et qui purgent des peines infinies, vingt-cinq, trente ans, perpétuité – a coûté 65 millions d'euros. Avec aujourd'hui 68 détenus pour 204 places , ce projet de prison ultra sécurisée doit être revu.
Isabelle Gorce, directrice de l'administration pénitentiaire depuis août 2013, s'est rendue à la centrale. Elle revient pour Le Monde sur les raisons de cet échec.
Le Monde : Comment expliquer la série de graves incidents depuis l'ouverture en mai 2013 de la centrale de Condé-sur-Sarthe ?
Isabelle Gorce : Ouvrir un établissement pénitentiaire est un moment complexe, qui nécessite une période de rodage, pendant laquelle l'ensemble des intervenants va devoir s'approprier le territoire de la prison. C'est une opération délicate, qui prend du temps et connaît des vicissitudes. A Condé, l'exercice s'est encore compliqué parce que l'établissement résulte d'un concept nouveau : il a été conçu dans les années 2000 pour recevoir principalement des détenus condamnés à de longues peines qui n'arrivent pas à s'insérer dans la collectivité de la prison. Ils posent des problèmes de comportement, de comportements violents ou de repli sur soi, parfois les deux.
La centrale de Condé comporte trois quartiers, totalement étanches les uns par rapport aux autres, qui disposent de leurs propres salles d'activités, de leurs ateliers, de leurs unités de vie ou de promenade, pour permettre une approche très individualisée des détenus, et très segmentée des groupes. Dans beaucoup d'établissements, même dans ceux qui comportent un haut niveau de sécurité, le concept de vie collective est très important : les détenus doivent pouvoir se retrouver pour les activités, le sport, les ateliers. Condé est conçu exactement sur un mode inverse.
Quand l'établissement a ouvert, je crois que nous avons affecté un peu trop rapidement des détenus présentant des troubles du comportement, parfois psychiatriques. Dans ce contexte de rodage, d'appropriation des locaux, on s'est retrouvé en butte à un manque de savoir-faire – collectif, je ne critique pas le personnel de surveillance, bien au contraire. Il a fait face, mais il a été mis en difficulté, parce que la nouvelle approche de la prise en charge des détenus que nécessite ce genre d'établissements n'avait pas suffisamment été pensée en amont, au sein de l'institution.
La moitié des surveillants sont des stagiaires ?
Ce n'est pas la jeunesse du personnel qui rend les choses plus difficiles, au contraire, bien qu'ils soient confrontés à des détenus qui eux, connaissent depuis longtemps les régimes de détention des maisons centrales. C'est un personnel dynamique, volontaire, qui a compris qu'il y avait un enjeu et un défi dans la création de cet établissement. Je crois que nous ne les avons sans doute  pas suffisamment préparés à faire face aux rapports de force que crée un mode de prise en charge au quotidien extrêmement encadré dans un espace assez contraint. Dans cet établissement, les détenus ne peuvent pas sortir de cellule, aller dans les activités ou en promenade quand ils veulent. Ils sont très dépendants du personnel de surveillance, et, face à des détenus qui ont déjà du mal à se contrôler, qui ont connu des régimes de détention autorisant plus d'autonomie, il faut beaucoup de savoir-faire.
Il n'y a pourtant que 68 détenus pour 204 places ?
Ce n'est donc pas un problème de structure, l'établissement est adapté à ce qu'on veut faire : ce n'est pas non plus un problème d'effectif ou de surpopulation carcérale, c'est bien un problème de méthode. Nous allons renforcer les actions de formation professionnelle sur site, pour que les surveillants soient mieux préparés à la prévention des conflits et de la violence. Comment se comporter lorsqu'un détenu est dans une opposition systématique, comment échapper au rapport de force que veulent instaurer un certain nombre de détenus qui ne savent pas se comporter autrement.
Une bonne partie des personnes détenues affectée à la maison centrale de Condé a connu à la fois des régimes de détention collective dans d'autres établissements et les régimes d'isolement de long terme. Le régime d'isolement, on sait bien que ce n'est pas une solution. Il faut, à un moment donné, trouver les voies et moyens de remettre ces gens condamnés à de très longues peines dans une vie plus collective. Condé cherche à répondre à ce défi, pour leur permettre progressivement de retourner dans des établissements plus tournés vers l'autonomie, plus adaptés à la longueur de leur détention. Les Québécois parlent« d'insertion carcérale », il y a bien un temps où un condamné va s'insérer dans la détention, y nouer des relations et faire son chemin sur la voie de la réinsertion.
Il n'y a pas une contradiction ? Comment s'insérer dans la vie carcérale à Condé lorsqu'on est là pour neuf mois ? N'est-ce pas un super quartier disciplinaire ?
Il ne faut surtout pas que ça devienne un super quartier disciplinaire, ou qu'on aie des réminiscences des QHS, les quartiers de haute sécurité. Il est bien certain qu'une partie de ces détenus arrive après avoir commis de nombreux incidents en détention, 46% des 68 détenus ont été affectés à Condé après avoir été exclus d'un autre établissement et 44% ont des antécédents disciplinaires pour violences. Ce sont des détenus qui ont écumé les autres maisons centrales, alors que celles-ci sont elles-mêmes charpentées pour accueillir des détenus qui présentent une certaine dangerosité.
Le transfert à Condé est donc vécu comme une punition ?
L'enjeu est que ce ne soit non pas une punition ou un quartier disciplinaire, mais une affectation dans un établissement dans lequel existent toutes les activités qu'on peut trouver ailleurs, mais dans un cadre plus contraint. Ils n'y restent pas plus de huit ou neuf mois parce que l'objectif est bien de retourner dans un cadre où la vie est plus collective et plus tournée vers la responsabilisation. Que les détenus se plaignent d'un régime moins libéral, je peux l'entendre, mais s'ils sont là, c'est justement parce qu'ils n'ont pas pu maîtriser leur comportement ailleurs.
D'où l'idée de contractualiser, de fixer un délai dans lequel le détenu devra faire preuve de sa capacité de se reprendre, à s'insérer dans un projet qui lui permettra de partir. Comme la centrale a des bâtiments très séparés les uns des autres, on peut tout à fait, et c'est l'objectif, avoir un bâtiment plutôt consacré à ce type de détenus, et d'autres qui auraient un régime plus souple et qui pourraient être un sas pour rejoindre un autre établissement.
Créer donc un régime différencié ?
C'était le projet initial d'établissement. Mais un certain nombre de digues ont cédé dans les premiers mois qui ont suivi l'ouverture, parce que le personnel a eu du mal à tenir le rapport de force qu'ont immédiatement engagé un certain nombre de détenus, dans un contexte où il y avait très peu d'activités. On imagine bien qu'une personne condamnée à une longue peine qui se retrouve enfermée dans sa cellule a vite le sentiment d'être dans un quartier d'isolement. Cet établissement n'a de pertinence qu'à partir du moment où le condamné va devoir s'inscrire dans une dynamique thérapeutique, éducative, d'activités pour sortir de cette vie d'affrontements dans laquelle il s'enferme. L'effet conjugué de la période de rodage, du manque de pratique dans un concept d'établissement nouveau, et de l'insuffisance des activités a démultiplié les difficultés.
Que faire ?
La première chose absolument nécessaire était de redonner confiance aux personnels de l'établissement. Une formation a été programmée avec leurs collègues d'un autre établissement de la région qui a également connu des phénomènes de violences à répétition, pour sortir de l'idée qu'ils étaient seuls confrontés à quelque chose d'unique, de singulier, qu'on ne pourrait pas appréhender. Nous avons demandé au chef d'établissement de revenir sur le projet d'établissement initial, on va l'aider en l'assistant d'un cabinet-conseil pour retravailler avec son équipe d'encadrement. La cohésion est décisive – il ne faut pas qu'il y ait l'épaisseur d'une feuille de papier à cigarette entre le directeur et la chaîne hiérarchique. On est dans un lieu très contraint, la moindre hésitation fragilise l'ensemble.
Il y a également une forte demande de personnel soignant ?
Oui, il manque des personnels, surtout des psychiatres et des psychologues, alors que les détenus ont manifestement de graves problèmes de comportement. Nous allons en discuter avec le ministère de la santé et l'agence régionale de santé.
Y a-t-il un problème architectural, l'établissement est plutôt glacial ?
Oui, il est glacial, mais comme tout bâtiment neuf qui ouvre. Il faut lui donner de la vie. Un établissement pénitentiaire est un lieu de vie, d'ici quelques années ce ne sera plus le même. On a dit exactement la même chose du programme 13 000 dans les années 1990 : quand on visite aujourd'hui un établissement construit à cette époque, on n'a pas du tout le sentiment d'entrer dans une prison déshumanisée.
Reste quand même de toutes petites fenêtres, de toutes petites cours de promenade ?
C'est un établissement qui a été conçu pour gérer de petits groupes, donc les espaces sont contraints. C'est pourquoi on ne peut pas imaginer que des détenus y passent la totalité de leur peine. Il faut qu'ils puissent aller dans des établissements plus grands, qui offrent des espaces visuels et physiques élargis.
D'autres centrales ont mis en place des « facilitateurs », comme à Arles, des détenus qui permettent de faire un lien avec l'administration. Est-ce envisageable à Condé ?
Tous les détenus à Condé ne posent pas de difficultés particulières. Avec un régime différencié, on peut imaginer la vie des détenus de façon différente. Les expériences à Arles sont très intéressantes : elles prouvent qu'on peut faire des choses originales dans des centrales. Toutes les expériences conduites dans les établissements longues peines se sont construites dans le temps, rien n'interdit d'exporter à Condé des expériences innovantes, il faut au contraire s'en nourrir. Je crois beaucoup aux échanges entre les personnels des différents établissements, pour qu'il y ait une culture commune, qu'ils partagent leur expérience.
Franck Johannès  Journaliste au Monde
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genepifresnes · 11 years ago
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La dérive de la prison la plus sécurisée de France
Neuf mois après l’ouverture de la centrale modèle d’Alençon-Condé-sur-Sarthe, les agressions se multiplient.
LE MONDE | 17.02.2014 à 10h46 • Mis à jour le 17.02.2014 à 11h09 |Par Franck Johannès
André Breton a un sourire fatigué. Trente-sept ans de pénitentiaire, entré dans l'administration comme simple surveillant, il a gravi tous les échelons et dirige désormais le rude centre pénitentiaire d'Alençon-Condé-sur-Sarthe, dans l'Orne. L'Orne, morne plaine. La prison s'étend sur 35 hectares sous un éternel crachin ; pas de voisins, une immense prairie qui vient buter au milieu de nulle part sur les hauts murs d'enceinte de la prison la plus sécurisée de France.
On y enferme pour neuf à douze mois les détenus les plus dangereux, les plus violents, ceux qui ont été exclus de tous les autres établissements et qui purgent des peines infinies, vingt-cinq, trente ans, perpétuité. Le temps de retrouver un semblant de vie collective, avant de retourner dans un régime de détention plus souple.
Le directeur a travaillé deux ans sur le projet d'établissement, le centre a coûté 65 millions d'euros. Il a fait modifier mille détails pour l'améliorer et estime que ses demandes ont dû coûter pas loin du million d'euros. Condé a enfin ouvert le 29 mai 2013, prudemment, avec aujourd'hui 68 détenus pour 204 places. Et a tout de suite tourné à la catastrophe.
46 % DES DÉTENUS ONT ÉTÉ EXCLUS D'AUTRES CENTRALES
Le 30 décembre 2013, un surveillant stagiaire est pris en otage pendant quatre heures par deux détenus. L'un, condamné 14 fois, passé par 83 prisons et libérable en théorie en 2024, l'autre, 28 condamnations, libérable en 2031. L'un était là depuis quinze jours, l'autre depuis deux mois. Tous deux ont été condamnés à huit ans de prison supplémentaires.
Le 2 janvier, un surveillant est attaqué à coups de poinçon par un homme condamné à 18 ans de réclusion, qui a pris trois ans de plus. Le 9, un surveillant est agressé avec un pic en bois au sortir du terrain de sport par un détenu de 32 ans, dont 13 de prison, condamné à quatre ans supplémentaires.
Le lendemain, un directeur adjoint est blessé lors d'une fouille de cellule par un homme de 37 ans, qui a connu 21 établissements. Libérable en 2020, il a été condamné à trois ans de plus. Le 10 février enfin, un détenu qui se refuse à sortir de l'isolement a légèrement blessé un surveillant à la main. « Nous avons connu 18 agressions physiques significatives depuis l'ouverture, soupire André Breton. J'ai été quelque peu effaré par ces incidents, ce n'est pas anodin. » 46 % des détenus de Condé ont été exclus d'autres centrales, 44 % pour violence. Les armes ont toutes été fabriquées en prison, un manche de fourchette patiemment aiguisé, un bout de boîte de conserve affûté et emmanché sur une brosse à dents.
« LE PERSONNEL A SUBI DES TRAUMATISMES »
André Breton le manifeste peu, mais reconnaît qu'il a été affecté. « Le personnel a subi des traumatismes. On constate une certaine fragilité psychologique, une certaine appréhension, avec toujours le risque de se faire agresser dans la coursive. » Les avocats d'Alençon refusent désormais « de mettre les pieds » à Condé, assure leur bâtonnier. A la grande stupeur de leurs confrères.
La prison est propre, neuve, glaciale. Trois bâtiments parfaitement étanches, avec leur propre unité de vie de 17 cellules, leur terrain de sport, leur minuscule cour de promenade, agréable comme un frigidaire des pays de l'Est. Les couloirs sont déserts, les détenus ne peuvent pas se croiser, les portes des cellules sont fermées en permanence, contrairement à beaucoup de centrales. Les cellules, individuelles, sont très correctes, au moins 12 m2 avec douche, W-C, frigo, (petite) fenêtre. Quatre unités de vie familiales, de petits appartements un peu tristes où les détenus peuvent retrouver leur famille, pour 48 ou 72 heures. Pas de desserte en bus, les familles doivent se débrouiller.
« La structure est top, elle est au point pour des gens très compliqués,explique Jérôme, un premier surveillant de 50 ans. Ils l'ont rendue le plus sécuritaire possible, mais à l'intérieur, il y a des bonshommes, ça leur a un peu échappé. Des types virés de partout, qui sont en guerre contre le système. On a été d'une patience infinie pendant six mois. » Un détenu, à chaque fois qu'on ouvre sa porte, leur jette à la figure ses excréments, un autre, à la moindre contrariété, menace de les frapper.
« On a été obligé de lâcher du lest, et quand on n'a plus pu dire oui, ils sont passés de l'agression verbale à l'agression physique, raconte Jérôme. On nous demande de nous plier aux détenus, c'est aberrant, parce qu'ils sont ingérables. Il faudrait serrer la vis, le rapport de force est brisé. Pour faire du social, il faut parler. Et on ne peut pas parler avec un couteau sous la gorge. Les gens ne se rendent pas compte à quel point les détenus sont en révolte. »
Pas tous. Une quinzaine explose régulièrement, les quartiers disciplinaires et d'isolement sont complets. Les autres supportent mal. Emile, 52 ans, est détenu à Condé depuis septembre 2013, assure n'avoir jamais versé une goutte de sang, mais n'a cessé d'essayer de s'évader. De condamnation en condamnation, il a pris 41 ans de prison. Il peut espérer sortir en 2039. « Ici, on est enterré vivant. La structure n'est pas adaptée comme les autres centrales – je les connais, j'y ai passé vingt-cinq ans. Ici, c'est un grand quartier d'isolement. »
« LA GAMELLE, C'EST PAS TRÈS BON »
Il trompe le temps en écrivant un livre sur la correspondance de la géographie terrestre avec les signes du zodiaque, il n'y a plus que ça qui le maintient. Il gagne autour de 500 euros par mois en travaillant en atelier, on lui en prélève une partie pour rembourser ses victimes, la location du frigo coûte 5 euros, la télé 18, il a pour 100 euros de téléphone par mois – des numéros préenregistrés et évidemment écoutés – « et j'ai plus rien à envoyer à mes enfants ». Emile a de petits rêves simples, pouvoir être à plus de sept en même temps dans la bibliothèque, que la prison ait une machine à laver. Il regrette la centrale de Saint-Maur (Indre), où il a purgé cinq ans – pour lui, c'est clairement la meilleure.
Mouslem aussi a un bon souvenir de Saint-Maur. A Condé, il distribue les repas, le linge, lave les coursives, vide les poubelles. 230 euros par mois, il lui en reste 190 après prélèvement. « La gamelle, c'est pas très bon. Les gens prennent le yaourt, les fruits, le pain. Je jette le reste, si c'est pas malheureux. » Il est boxeur, 90 kg de muscle, les nerfs à fleur de peau.
Lire aussi : A la centrale d'Arles, des « facilitateurs » pour désamorcer la colère
Dix ans de prison, encore quatre à purger. « Je n'ai rien à faire là, je ne suis pas un criminel, dit l'homme de 32 ans. On a ramené ici tous les fatigués de la tête de l'Hexagone, je n'ai rien à faire avec les fous, des mecs qui coupent des têtes, des tarés, des malades. Je suis entré en prison pour violence, or ici c'est encore plus violent. Il faut côtoyer ces gens-là ? » Lui assure avoir compris qu'à Condé, « on peut pas gagner. On peut mettre des coups, mais c'est perdu d'avance ».
L'administration pénitentiaire, pour calmer le jeu, a suspendu les entrées. Les détenus ne seront plus que 62 fin février, les 189 surveillants, tous volontaires – dont une moitié de stagiaires – vont suivre une formation renforcée, pour faire face à ces bouffées de violence. Le directeur va multiplier les activités, mettre en place « un régime différencié » – un bâtiment réservé aux cas les plus durs, un second plus souple, le troisième qui servira de sas pour la sortie. C'était le projet initial, qui a capoté devant les agressions. Et sans doute le seul moyen de redonner confiance à l'équipe et de rendre la vie à Condé un peu plus vivable.
A Alençon, 189 surveillants pour 68 détenus
67075 personnes étaient détenues au 1erjanvier dans 191établissements, qui comptent 57516 places opérationnelles. 92 établissements ont une densité supérieure à 120 % – supérieure à 200 % dans 8 d'entre eux. 995 détenus dorment sur des matelas à terre. 
Les 101 maisons d'arrêt reçoivent les prévenus en attente d'un jugement définitif et les personnes dont la peine (ou son reliquat) est inférieure à deux ans.
  Les 83 établissements pour peine sont divisés en 7 maisons centrales, pour les longues peines, 25 centres de détention, et 11 centres de semi-liberté. Les 43 centres pénitentiaires sont des établissements mixtes (maison d'arrêt et de détention). Il faut ajouter les 6établissements pénitentiaires pour mineurs et l'établissement public de santé national de Fresnes (Val-de-Marne).
  189 surveillants travaillent à la centrale d'Alençon-Condé-sur-Sarthe. Ouverte le 29 mai 2013, elle compte 204 places pour 68 détenus. Prison la plus sécurisée de France, elle accueille les détenus considérés comme les plus dangereux. En 2015, un établissement comparable devrait ouvrir à Vendin-le-Vieil (Pas-de-Calais).
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genepifresnes · 11 years ago
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Rencontre avec Bernard Hemery, architecte
Bonjour à tous,
Le groupe de Fresnes recevra mercredi 12 février à 20h30 à l'ENS, Bernard Hemery, architecte.
Il a participé notamment à la construction des centres pénitentiaires de Réau et du Havre, "nouvelles prisons" qui suscitent de nombreuses interrogations et controverses. Il viendra donc échanger avec nous, et avec vous, puisque nous ouvrons notre formation locale. 
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Vous êtes les bienvenus, n'hésitez pas à nous rejoindre. Coordonnées complètes et renseignements supplémentaires à l'adresse suivante : [email protected] A mercredi  !! :)
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genepifresnes · 11 years ago
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9 h 30 le 24 janvier, prison de Fresnes : Philippe El Shennawy sort
Le Monde.fr | 24.01.2014 à 21h17 • Mis à jour le 25.01.2014 à 11h01 |
Par Florence Aubenas
La libération d'El Shennawy est le dénouement d'un thriller judiciaire où pendant des mois, le prisonnier a joué sa vie à coups de procédures et de grèves de la faim. | AFP/MIGUEL MEDINA
La silhouette court le long du mur d'enceinte de la prison de Fresnes et, dans l'obscurité du petit matin, se détachent seulement des cheveux longs et très blonds. Il est 7 h 45, vendredi 24 janvier. Martine El Shennawy vient chercher son mari, Philippe, qui doit être libéré en conditionnelle après trente-huit ans de détention, une des plus longues peines de France.
Des photographes, des journalistes sont déjà là, un groupe compact, éclairé par les flashs et les projecteurs des caméras. La libération d'El Shennawy est le dénouement d'un thriller judiciaire où pendant des mois le prisonnier a joué sa vie à coups de procédures et de grèves de la faim.
Mais surtout, sortir après une peine aussi longue, cela n'existe pas, ou si peu : soit on est déjà dehors, soit on restera dedans à jamais. Une petite vendeuse, dans un magasin tout près de la prison, regarde le remue-ménage derrière la vitrine : « A quoi ça ressemble quelqu'un qui a passé trente-huit ans là-dedans ? » Un client répond : « C'est ce que tout le monde veut voir, non ? »
 « ON TOURNE UN FILM ? »
Les journalistes se sont massés sous le porche devant la porte de sortie. Pour tromper le temps, quelques-uns interrogent Martine El Shennawy :« Cela doit être dur, non, les dernières minutes ? » Elle, d'une voix égale :« Non, ça fait 38 ans que je l'attends. » « Et votre vie avec lui, comment vous la voyez ? – Une vie de tous les jours. »
Le jour est en train de se lever. Huit heures sonnent, le moment où commencent les libérations. La porte de la prison s'ouvre. On se précipite.
C'est Ahmed, 29 ans, relaché après dix-huit mois de détention « pour une connerie de jeunesse ». Il regarde les caméras. « On tourne un film ? » La voiture d'un fonctionnaire manque le renverser quand il traverse pour rejoindre les deux copains venus le chercher. « Je suis dehors depuis une minute et vous voulez déjà me tuer », se plaint-il.
Le jour commence à se lever. Quelqu'un annonce qu'El Shennawy sortira seulement quand la presse aura reculé 700 mètres plus loin, sur le trottoir. Une voiture de police arrive pour procéder à l'opération quand la porte s'ouvre à nouveau.
« D'UNE CERTAINE MANIÈRE, J'AI TOUJOURS ÉTÉ LIBRE »
Cette fois, c'est Julien Dubs, l'avocat d'El Shennawy, né l'année où son client est entré en prison, essentiellement pour des braquages et deux évasions, sans jamais de sang versé. Me Dubs explique que, finalement, la presse peut rester là.
On ne sursaute même plus quand un grand costaud en survêtement sort en courant au milieu des objectifs, le visage caché derrière une feuille de papier blanc. Une journaliste se demande s'il ne serait pas possible de donner 2 euros à El Shennawy et le filmer en train d'acheter une baguette,« pour voir comment il compte les euros. Il ne le connaît pas, n'est-ce pas ? ».
Il fait grand jour maintenant, les téléphones portables sonnent de partout, chacun s'est résigné à ce que l'attente soit longue. Il est 9 h 30. D'un coup, El Shennawy est là, parka noire, une bouteille d'eau à la main. Il marche à grandes enjambées vers Martine et arrive à l'enlacer avant que les caméras ne le rejoignent. Elles font cercle autour de lui.
« Waouh », dit El Shennawy.
Puis : « La vraie vie, c'est vous, c'est là. » Des questions partent dans tous les sens, il prend parfois son temps pour répondre, laissant s'égrener des secondes qui paraissent démesurées dans le tempo des télés. « Toutes ces années, il faut que ça serve à quelque chose. Je veux être un témoin, sans exagération. »
Les surveillants se sont approchés, les policiers aussi. Les journalistes, qui – pour beaucoup – ont écrit sur son dossier pendant des années sans jamais le rencontrer, inspectent l'ex-prisonnier sous toutes ses coutures. « D'une certaine manière, j'ai toujours été libre. Ce qui compte maintenant, c'est mon travail, il y a une confiance qu'il faut que je mérite. 
Il s'en va avec Martine. Derrière la vitrine, la jeune vendeuse : « C'est lequel ? » On lui désigne El Shennawy. Elle s'étonne : « Mais il est comme vous et moi. »
Les conditions de libération de Philippe El Shennawy ne l'autorisent à sortir de chez lui qu'entre 7 heures et 19 heures pendant la semaine, et trois heures les jours de week-end. Il portera un bracelet électronique.
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genepifresnes · 11 years ago
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La poudrière pénitentiaire
Tribune de Cecile Martel, directrice de l'Observatoire international des prisons
Il ne se passe désormais pas un jour sans qu’éclate un incident violent au centre de détention d’Alençon Condé-sur-Sarthe. Et pour cause, tous les éléments sont réunis pour faire de cet établissement une poudrière.
L’architecture oppressante d’abord : ici, le béton et les caméras de vidéosurveillance ont remplacé l’humain, les fenêtres sont les plus petites possibles, réduisant d’autant l’ouverture vers l’extérieur, tout est cloisonné pour limiter les contacts entre détenus et avec les surveillants, les salles et les cours de promenade sont exiguës pour éviter les rassemblements, les portes des cellules sont continuellement fermées et les déplacements étroitement surveillés et restreints.
L’isolement géographique, ensuite, qui réduit les liens avec l’extérieur : les proches des détenus sont souvent contraints d’effectuer plusieurs centaines de kilomètres pour une visite au parloir. Les intervenants extérieurs sont d’autant moins nombreux que la prison est loin de tout centre urbain. A la diminution des visites s’ajoute le manque cruel d’activités, de travail, de prise en charge médicale. Ici, pas de professeur et un psychiatre à quart-temps pour une soixantaine de détenus sous-tension.
Car cet établissement ultrasécurisé a été conçu pour accueillir des détenus condamnés à de longues peines, considérés comme dangereux, et dont les perspectives de sortie sont si lointaines qu’ils n’ont plus rien à perdre. Le 30 décembre, deux détenus du centre prenaient en otage un jeune surveillant pour obtenir leur transfert. Jugés en comparution immédiate, ils ont tous deux été condamnés à huit ans de détention supplémentaires, repoussant ainsi leurs dates de libération à 2032 et à 2039. Le prix à payer pour leur transfert est lourd. Mais quelle différence quand la perspective d’une vie en dehors de la prison ne s’ancre plus dans aucune réalité autre que virtuelle. Ces dernières années ont vu un durcissement croissant de la législation pour les personnes condamnées en matière criminelle : accumulation d’obstacles pour prétendre à une libération conditionnelle, mesures de sûreté, voire de rétention après la fin de peine. Cyrille Canetti, psychiatre retenu en otage en 2010 par un de ses patients, confiait ainsi à l’Observatoire international des prisons (OIP) : «Indépendamment de toute considération humaniste ou éthique, si l’on veut se protéger, on se trompe de méthode. L’absence de tout espoir et de perspective de sortie pousse un individu au pire de lui-même.»
A Condé-sur-Sarthe, ces détenus se retrouvent encadrés par un personnel pénitentiaire constitué pour moitié de jeunes stagiaires inexpérimentés. Si l’administration voulait créer une situation explosive, elle ne pouvait pas mieux s’y prendre !
La situation de Condé-sur-Sarthe est extrême, mais les mutineries, prises d’otages et agressions se sont multipliées ces derniers mois dans l’ensemble des établissements pénitentiaires français. Fin novembre, l’administration pénitentiaire relevait une augmentation de 33% des mouvements collectifs par rapport à l’année précédente. Dans des prisons déshumanisées, qui n’offrent pas d’espace de parole ni de négociation, où le droit d’expression n’est pas reconnu aux personnes détenues, les revendications prennent les formes les plus violentes.
«Ils nous mettent loin de nos enfants, de nos familles, mais quel homme ne craquerait pas ?» témoignait Philippe en août, après avoir été transféré à plus de 600 kilomètres de sa compagne dans la centrale de Moulins, où une quarantaine de détenus ont refusé la semaine dernière de regagner leur cellule. Après quatre mois sans rien faire, il a demandé à travailler en cuisine, notamment pour aider sa femme qui dépense tout son argent pour venir le voir. Après des semaines d’attente, de multiples relances, la réponse a fini par tomber : pas de place. Alors «je serre les dents», dit-il, en concluant : «Ils attendent que je pète un plomb mais je ne leur donnerai pas cette joie.»
Car, que demandent les détenus mutins des établissements pénitentiaires de Condé-sur-Sarthe, d’Argentan, de Moulins ? Leur transfert vers une prison plus proche de leur famille, des conditions de détention correctes, l’accès à un travail et à des activités pour sortir de cellule et gagner un peu d’argent, la possibilité d’accéder à un aménagement de peine leur permettant de se projeter dans un autre avenir que celui des murs d’une prison. Des demandes légitimes auprès d’une institution censée préparer l’insertion ou la réinsertion des personnes détenues… mais qui se heurtent à une culture pénitentiaire privilégiant la répression et la neutralisation plutôt que le respect des droits et le dialogue.
L’administration manque aussi de moyens pour les activités et l’insertion, son budget étant absorbé par un accroissement sans fin des dispositifs de sécurité et la construction de nouvelles prisons. Les annonces de la garde des Sceaux, lors d’une visite le 7 janvier à la prison des Baumettes, confirment les options de politique pénitentiaire qui se dégageaient du projet de loi de finances 2014 : les sommes allouées à la «sécurisation des prisons» augmentent de 105% par rapport à 2013 et de 141% par rapport à 2012. Des fonds destinés à la vidéosurveillance, aux filets, aux armes et munitions, aux dispositifs de brouillage de téléphone portable et autres brigades cynotechniques…
Pourtant, dès 2007, un groupe de travail de l’administration pénitentiaire constatait que «le dispositif actuel sécuritaire demeure un facteur essentiel des violences». En 2010, un second groupe de travail enfonçait le clou : «La violence surgit quand il n’y a pas d’espace de conflictualisation organisé (droit de grève, droit à manifester, droit à la syndicalisation, à l’association, par exemple)», car il manque en prison «des lieux où le détenu, avant de s’emporter», puisse «exprimer ses griefs (contre tel dysfonctionnement, contre l’attente, etc.)». Ces deux groupes encourageaient la mise en place d’un autre modèle de sécurité, dite «dynamique», dans la droite ligne des recommandations du Conseil de l’Europe. Il faut rompre avec l’illusion qu’avec plus de coercition, de privations et d’oppression, on obtiendra plus de sécurité. Il s’agit dès lors d’assurer des conditions dignes de détention, d’offrir des espaces d’expression et de médiation, de proposer des activités qui permettent aux détenus de passer l’essentiel de leur journée en dehors de leurs cellules, de proposer des occasions de développement physique, intellectuel et émotionnel, de responsabiliser autant que possible les détenus dans les choix de la vie quotidienne, etc. Ce n’est pas une utopie. Des pays tels que le Danemark ont déjà fait le choix de la «sécurité dynamique» : une part importante de la formation des surveillants est consacrée à la gestion des conflits, tout détenu a trente-sept heures d’activités hebdomadaires et un tiers des prisons connaissent un régime de détention dit «ouvert», qui offre aux détenus la possibilité de circuler. En France, la volonté politique manque pour remettre en cause les bonnes vieilles recettes qui ont déjà maintes fois échoué.
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genepifresnes · 11 years ago
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Réunion de groupe mardi 7 janvier : soyez les bienvenus !
A l’occasion de sa réunion mensuelle, le groupe de Fresnes recevra Me Delphine Boesel, avocate pénaliste spécialisée en droit pénitentiaire et de l’application des peines, et Nicolas Ferran, responsable des affaires juridiques de l’Observatoire international des prisons, qui aborderont la thématique de l’entrée du droit en prison.
Vous êtes chaleureusement invités à vous joindre à nous à 19h30 à l’ENS Ulm (45 rue d’Ulm dans le 5e). 
Informations et plan détaillés sur demande.
A mardi soir on espère ! :)
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genepifresnes · 11 years ago
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Esprit public thématique sur les prisons, avec Jean-René Lecerf (22 décembre 2013)
L'émission l'Esprit public, était, le dimanche 22 décembre 2013 consacrée à la question des prisons, et recevait pour en parler Jean-René Lecerf, sénateur UMP du Nord très engagé sur les questions pénitentiaires.
Il est en effet membre de la Commission des lois et rapporteur pour avis du budget des prisons, et a été rapporteur de la loi pénitentiaire de 2009. Il est aussi membre de la Commission de suivi de la détention provisoire et membre du Conseil d'orientation de l'Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales, ainsi que membre du Conseil supérieur de l'administration pénitentiaire. Étaient également invités Jean-Louis BOURLANGES, professeur à l'Institut d'Etudes Politiques de Paris, Max GALLO, romancier et historien ainsi que Thierry PECH, directeur de la rédaction d’Alternatives économiques, qui ont pu lui poser leurs questions.
L'émission est à retrouver, écouter et podcaster ici
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NB : il s’agit de rapporter les propos tenus par Jean-René Lecerf, les opinions et positions développées sont strictement les siennes, les reproduire ici ne signifie pas que le Genepi les partage.
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> Quels sont les obstacles à la mise en œuvre de la réforme prévue par la Garde des Sceaux ?
  Ceux-ci seraient principalement d’ordre financier.
« Les prisons sont un problème ancien et complexe. Tous les gouvernements successifs s’y sont souvent brisés.
On présente la période Sarkozy comme purement sécuritaire, mais elle a aussi permis de grandes avancées, telles que mise en place du CGLPL, et la loi pénitentiaire de 2009 , qui a constitué une véritable rupture puisqu’on y affirme que la prison devient l’exception en matière délictuelle.
Cependant, pour réaliser de manière concrète cette nouvelle politique, il aurait fallu embaucher des CPIP, ce qui n’a pas été fait. On se trouvait en effet à l’époque dans l’obligation de reconstruire un parc pénitentiaire délabré et indigne, et financièrement on ne pouvait faire les deux. Pour info, on estime qu’une place de prison = 200 000 euros environ.
Pourtant, l’étude d’impact de la loi pénitentiaire estimait que pour que celle-ci fonctionne, il fallait 1000 CPIP de plus. »
  Lors de ses premiers contacts avec Taubira , Jean-René Lecerf lui a rappelé que l’aménagement de peine nécessite le développement des SPIP. Aujourd’hui on rajoute 300 postes + 100 postes de renfort, c’est un pas, mais c’est encore insuffisant, surtout quand par ailleurs il n’y a pas de recrutement de magistrats, et pas de JAP supplémentaires.
  « On est aujourd’hui dans une situation où la plupart des établissements ne peuvent faire face à leurs dépenses induites à partir de l’été. Le secteur public des prisons est la variable d’ajustement, tandis que les dépenses engendrées par les établissements sous contrats privés ne peuvent être contournées du fait du caractère privé des contrats. On est donc face à un parc pénitentiaire à deux vitesses qui complique encore le travail du Gouvernement. »
    > Sur le bilan de la période Sarkozy : il faut tout de même souligner que le niveau de surpopulation est lié au système de pénalisation mise en place sous Sarkozy, et notamment aux peines planchers.
JRL : il faut relativiser l’importance des peines planchers, car les magistrats ont la possibilité de les contourner en justifiant spécialement leur décision.
Il faut pointer la responsabilité des parlementaires : « il est nécessaire d’expliquer que ce ne sont pas les lois qui règlent les problèmes, et ce n’est pas la prison telle qu’on la connaît qui permet d’assurer la sécurité.
Il faut une prison qui permette la protection de la société, l’indemnisation des victimes, et qui permette à la réinsertion, et qui permette une vie responsable et exempte d’infractions (critère mentionné par les RPE).
Aujourd’hui ce n’est pas ce qu’elle permet, puisqu’on est dans des logiques d’infantilisation permanente des personnes détenues, et qu’il faut également souligner la présence de la maladie mentale. 10 % de personnes qui considérées comme complètement hors d’accès de la peine, qui ne savent pas pourquoi elles sont là. »
  Question de Max Gallo
Je lis ceci, qui m’a choqué « la construction de nouvelles prisons n’est plus prioritaire ». C’est une sorte de mystère pour moi, dès lors que l’on connaît le taux de surpopulation dont souffrent les prisons françaises, pourquoi ne pas construire ?
JRL : « Ce que je redoute plus que tout, c’est une course à l’échalote entre l’incarcération des personnes et la construction de nouvelles places.
Nous aurons des places de prisons pour que le ratio soit de 105 personnes incarcérées/ 100 000 habitants. »
Que penser de ce ratio ? Il faut ici souligner une certaine hypocrisie : selon la sensibilité politique et ce qu’on cherche à démontrer, on compare la situation française à des pays qui ne sont pas comparables. Par exemple : le ratio personnes incarcérées/population globale est très faible en France si on le compare à celui des États-Unis, plutôt élevé si on le compare cette fois à l’Allemagne, aux pays nordiques.
« L’urgence c’est que les prisons soient des lieux où l’accueil puisse être digne. Si l’on estime que la priorité c’est la réinsertion et l’aménagement de peine, il faut consacrer les moyens financiers qui sont limités à ces aménagements de peine. »
Il ne s’agit pas de grands criminels, la plupart des gens là pour les délits.
"La prison doit être l’espoir d’une vie meilleur ou un cycle qui fait ressortir pire que l’on y entre."
  > L’encellulement (individuel) : est-ce un but ?
JRL : Se prononce favorable à l’encellulement individuel, et cherche à maintenir le principe même s’il n’est jamais respecté.
Son idée est que même non respecté, ce principe a une valeur, car si l’on supprime le principe, on n’aura même plus mauvaise conscience d’enfermer 4 personnes dans 9m2.
Constat : la prison est un lieu où l’on incarcère des personnes qui ont pris des libertés par rapport au droit, mais les prisons sont elles-mêmes des zones de non-droit. Pour qu’elles redeviennent des zones de droit, il faut que le droit s’applique. Le surpeuplement est un des freins.
« Il faut expliquer aux gens que l’aménagement de peine ce n’est pas un cadeau, mais une façon d’exécuter sa peine, et qui est plus prometteuse d’avenir. »
  > Sans créer de places nouvelles, la réhabilitation des prisons ne reste-t-elle pas nécessaire, ainsi qu’un meilleur aménagement de l’espace carcéral pour ne pas mélanger primo-délinquants et récidivistes par exemple ?
JRL : Cela coûte cher. « Ce n’est pas en limitant les investissements dans la pierre que l’on va trouver les sous pour développer les personnels des SPIP. »
Les gouvernements de droite + centre ont créé 30 000 places, avec divers plans successifs : le programme des 13000, celui des 5000, celui des 13200 sous Dominique Perben… « La construction, on a déjà donné. 
Par ailleurs, certains coûts interpellent : Dans les EPM, dont je ne suis pas sûr que les résultats soient intéressants, ont des prix de journées phénoménaux, qui avoisinent 700 euros/personne/jour.
Il faut faire preuve d’imagination, car la prison casse des gens, ou elle sert de maréchalat. »
Proposition de la candidate Royal de faire travailler ensemble justice et défense. Le sénateur se prononce en faveur d’un possible « encadrement militaire de jeunes tombés dans une délinquance profonde, et qui apprendraient davantage au contact de certaines autorités qu’au contact de la population pénale. Les jeunes des EPM sont en attente de ce cadre et ce contrôle. »
  > Sens des peines : quel est-il aujourd’hui ?
JRL : Les gens sont ambivalents : ils ont honte de l’état des prisons, mais en même temps l’opinion est la première à réclamer que l’on détienne le plus longtemps possible ceux qui pourraient récidiver. Aujourd’hui, on veut mettre les gens dangereux hors du circuit.
Il est nécessaire de trouver le registre de justification moderne de la peine, et de faire œuvre de pédagogie auprès du grand public : « quand on explique de quoi il pourrait s’agir, si l’on prend le temps, on rencontre un accueil globalement favorable. »
Il faut aussi s’interroger sur le comportement majoritaire des magistrats à l’égard des peines substitutives.
Il est difficile aujourd’hui pour beaucoup d’envisager une peine réellement alternative de la prison. Cela conduit à s’interroger sur le sens de la prison, pourquoi et combien de temps doit-on mettre les gens en prison.
« On est tous responsables et coupables. J’ai en tête ce droit français sur la santé mentale (distinction abolition/altération), et qui conduit à ce que les personnes dont on estime que le discernement a été seulement altéré soient condamnées plus lourdement que les personnes saines :
“Puisqu’il n’y a pas d’autres solutions pour protéger la société, mettons-les en prison le plus longtemps possible.”
Le sens de la peine, c’est d’abord la sanction du condamné, la réparation, mais aussi la réinsertion, et la possibilité de mener une vie meilleure. »
  « L’opinion publique n’est pas forcément sécuritaire, elle vit au fur et à mesure des évènements qui se passent. Ainsi, dans le nord, Outreau a choqué, et notamment le fait que des innocents ont connu la prison.
On légifère beaucoup trop, l’opinion publique pense qu’en faisant une loi on règle les problèmes.
Une politique pénitentiaire ne peut constituer dans la construction, de même que l’aménagement de peine ne peut constituer en le seul développement du bracelet : ce sont des outils, pas une fin. Il faut développer la semi-liberté, le placement extérieur, mais on n’a pas les moyens. Comment voulez-vous que les magistrats aient recours aux alternatives quand ils savent que la personne ne sera pas suivie ?
Par ailleurs, les juges sont souvent le coupable idéal désigné à la vindicte populaire. »
  > Opinion publique : La récidive une grande peur de la population. Quelle serait  l’idéologie des juges face à la récidive ? Sont-ils sans prise de position intérieure face à la question de l’utilité de la prison ?
JRL : « C’est plus le problème de la réitération que celui de la récidive qui est insupportable, les cas de personnes qui commettent 10 , 15 , 20 fois des actes délictueux.
La loi pénitentiaire exigeait que soient mises en place des statistiques sur le taux de récidive par établissement pour peine, afin de juger des effets du régime de détention sur la récidive ou la réinsertion. Aucun décret d’application n’a mis en œuvre cette disposition. Aujourd’hui le Gouvernement se demande à qui l’on confie cette question : on n’avance pas.
Le législateur n’a pas d’informations suffisantes sur les raisons qui vont limiter la récidive, ou celles qui vont la faire se développer.
Les magistrats sont conscients de cette situation et de cet état de fait.
La loi ne permet pas d’accorder des aménagements de peine à des récidivistes »
  > Selon Eric Ciotti, la seule réponse c’est l’enfermement : quid ?
JRL : les personnes qui bénéficient d’une libération conditionnelle récidivent moins que ceux qui font une sortie sèche.
La prison n’est pas inutile, elle est nécessaire, mais il faut garder les éléments suivants en tête :
— Les courtes peines sont inutiles
— Les libérations conditionnelles accompagnées par présence humaine sont meilleure façon de protéger la société
Il faudrait que monde politique prenne conscience qu’il est temps de cesser de raisonner de façon politicienne sur les questions de sécurité et de politique pénale.
« Pour Camus, on juge une société à l’état de ses prisons : le jugement risque d’être sévère. »
On est entravé dans les progrès dans le caractère qui semble utile aux uns et aux autres. Exemple : on étudie la loi pénale après les municipales.
« La solution proposée par M. Ciotti  ne serait à l’avantage de personne. »
  > Rétention de sureté : que penser de l'annonce de sa suppression par C. Taubira ?
JRL : n’est pas favorable à sa suppression.
Opportunité de la rétention : évaluation qui sera faite pendant 6 semaines au CNE pour s’approcher de la réalité sur la dangerosité de la personne.
L’aléa, la chance de se tromper, sont moins importants.
Par ailleurs, le jury populaire condamnera plus longtemps en l’absence de rétention de sûreté.
  > Maladie mentale :
JRL : « Faut-il revenir à l’ancien Code pénal, où il n’y avait que responsabilité ou irresponsabilité. Dans le nouveau Code pénal, on a inventé une 3e voie, celle de l’altération du discernement.
En réalité c’est une responsabilité aggravée, car lorsque l’altération du discernement est retenue, la personne est condamnée de manière moins sévère que les personnes saines d’esprit, et on y avait d’une obligation de soin. Cette proposition de loi a été adoptée à l’unanimité au Sénat et n’a jamais été inscrite à l’ODJ à l’AN.
Le problème est différent : permettre aux victimes d’avoir un lieu, le procès, qui leur permet de mieux faire leur deuil (mélange morale et juridique).  
La déclaration d’irresponsabilité vient prendre la place du non-lieu : on constate que le crime a eu lieu, on indemniser les victimes puis on n’applique pas les sanctions. C’est une façon de mieux considérer les victimes, même s’il est difficile de faire passer devant les tribunaux des personnes dont l’absence de présence mentale est tout à fait patente.
On peut se demander si on n’a pas fait, ici, trop de place aux victimes. »
  > L’opinion publique se tourne vers les juges mais également vers les experts :
JRL : Il suffit qu’un expert se trompe.
Le CNE vient permettre une meilleure expertise, mais il s’agit d’un problème d’humanité, le risque zéro n’existe pas. On va alors tenter d’approcher la décision la plus scientifique qu’il soit.
L’expertise telle qu’elle existe aujourd’hui n’est pas satisfaisante. Il manque d’experts psychiatres.
C’est plus facile d’être courageux quand on est à plusieurs.
Outreau : un des experts avait déclaré : « quand on des rémunérations de femme de ménage, on a des expertises de femme de ménage. »
Interrogation : les grandes décisions (libération conditionnelle des personnes condamnées pour des crimes spécialement graves par ex) ne devraient pas être elles aussi prises par un jury populaire : cela enlèverait l’angoisse généralisée du corps social.
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genepifresnes · 11 years ago
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"Foucault et la naissance de la forme-prison" dans l'émission le Bien Commun
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En décembre dernier a été publié l’un des derniers cours de Michel Foucault au Collège de France, qui est en réalité l’un de ses premiers. Il est intitulé « La Société punitive ». On y voit en quelques sorte le philosophe au travail deux ans avant la publication de son « Surveiller et punir », à un moment où s’élaborent tous les principaux concepts de Foucault sur la pénalité ou plus exactement sur la forme sociale profonde révélée par la généralisation de l’emprisonnement qui se met en place au début du XXe siècle.
Le 2 janvier, Frédéric Gros, philosophe spécialiste de Foucault, est venu commenter ce nouveau livre dans l'émission le Bien commun présenté par Antoine Garapon, magistrat.
L'émission est à réécouter et à podcaster à volonté ici.
POUR ALLER PLUS LOIN
A l'occasion de la journée spéciale France Culture "24h en prison : Surveiller, punir et après ?", l'émission La Grande Table s'est interrogée : A-t-on cessé de penser la prison après Michel Foucault ?
L'émission est à retrouver et podcaster ici 
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genepifresnes · 12 years ago
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Votez pour le court-métrage "Qu'est-ce qu'on attend... pour fermer les prisons ?" de Karim Mokhtari afin qu'il soit diffusé sur France 2.
A l'adresse suivante : http://www.dailymotion.com/contest/infracourts/videos#video=x17t0rp
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genepifresnes · 12 years ago
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J'y étais : Projection du film Être là, et discussion avec Anne Lécu, le 27 novembre au Centre Laennec
Le mercredi 27 novembre, s'est tenue au Centre Laennec une projection-débat dans le cadre des 20e Journées nationales prison sur le thème de la santé à l'épreuve de la prison.
A d'abord été projeté le documentaire Être là de Régis Sauder, qui prend place au sein du SMPR (Service médico-psychologique régional) des Baumettes, à Marseille. 
Régis Sauder  a suivi le quotidien d'un service psychiatrique au sein de la prison des Baumettes. Essentiellement composé de femmes, le SMPR est une bulle de soins dans l'enfer de la taule. D'une grande exigence formelle, Être là  accompagne un positionnement politique et éthique d'autant plus fort que le discours ambiant est à la criminalisation de la maladie mentale. 
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  Plus tard, Le docteur Anne Lécu, qui exerce depuis de nombreuses années à la MAF de Fleury-Mérogis, nous a apporté diverses précisions sur la santé psychiatrique en prison, puis est revenue sur son vécu et son expérience tant que médecin exerçant derrière les barreaux.
Sur la psychiatrie en prison
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Le docteur Anne Lécu conteste certains chiffres concernant la santé mentale en détention, et notamment l’affirmation selon laquelle 80 % des personnes incarcérées souffriraient de troubles psychiatriques. En effet, ceux-ci résultent d’une étude menée en 2004 qui a retenu une conception très large des troubles psychiatriques, considérant par exemple que l’insomnie ou l’anxiété en faisaient partie. Il ne s’agit pourtant, pour le docteur Lécu, pas de pathologies mentales, mais de symptômes de souffrances psychiques.
Elle évoque ce qui serait aujourd’hui une tendance généralisée à tout voir comme pathologie mentale.
  Sur l’exercice particulier de la médecine en détention :
Un exercice ordinaire dans un lieu qui ne l’est pas
Il ne faut pas oublier que l’exercice en détention est un exercice ordinaire de la médecine dans un milieu qui ne l’est pas.
Les personnes détenues ne sont pas à l’image de celles que l’on peut voir dans le film Être là, où il s’agit de personnes gravement malades sur le plan psychiatrique. Il faut s’ôter de la tête que la prison ne renferme que des fous, des dangereux, des criminels : la prison peut arriver à chacun de nous, la plupart des personnes y effectuent des peines courtes pour des faits d’une faible gravité.
La principale caractéristique des détenus c’est la misère : à la MAF de Fleury, 70 % des femmes sont étrangères, ce sont principalement des « mules ». Elles souffrent de misère matérielle, psychique, affective.
  Il faut être attentif, car l’enfermement majore la chosification du corps : celui-ci peut en effet être conçu dans sa pure matérialité, mais également sur le plan relationnel, de l’être ensemble. « En milieu fermé, on majore l’attention au corps que l’on a, et l’on oublie trop le corps que l’on est. »
La psychiatrie, ce que l’on voit très bien dans le film, est un acte de lien social. Il ne faut pas oublier que la spécialité du soin c’est la singularité de la rencontre personnelle, qui se traduit par le secret médical, par les exigences déontologiques, par l’indépendance du médecin.
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             (images tirées du film Être là de Régis Sauder)
La prison, lieu de soin ?
La prison n’est pas un lieu de soin, car elle a en premier lieu une finalité punitive. Elle peut par contre être une occasion de soin. Il ne faut pas tomber dans la logique inverse qui conduirait à se dire « puisqu’il est malade, on va l’envoyer en prison pour qu’il se soigne ».
Anecdote : de jeunes Roumaines sont placées en détention provisoire à Fleury-Merogis. De sérieux doutes existent quant à leur âge, et il faut souligner que l’expertise osseuse ne peut donner des résultats qu’avec 18 mois de marge d’erreur. Se pose la question de les garder ou non incarcérées, et quelqu’un dit « elles seront mieux là que dans les réseaux mafieux ». Celle qui a 16 ans : « si elle est dehors, elle sera à la rue ». Ce type de raisonnement conduit à changer complètement la finalité de la prison.
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    Le risque de l’extra-médicalité
Le danger de l’exercice médical en détention c’est celui de l’extra-médicalité. Le médecin va être amené à se prononcer sur des choses qui ne sont plus de son ressort.
Exemple : le placement au QD. Le médecin doit se prononcer sur l’éventuelle contre-indication de l’état de santé de la personne par rapport à son placement au Quartier disciplinaire. Il est dangereux d’aller au-delà de considérations purement physiques, telles que « sa jambe dans le plâtre ne lui permet pas d’utiliser les toilettes à la turque qui se situent dans les cellules disciplinaires », car l’on peut rapidement tomber dans un avis sur la sanction pénitentiaire, ce qui n’est pas le rôle du soignant. Dès lors que l’on outrepasse son domaine, on n’est plus à la bonne place en tant que soignant.
Autre exemple : le risque de suicide. Si le médecin traitant détecte un risque de suicide chez la personne, il doit demander son hospitalisation, et non pas communiquer de telles informations à l’administration pénitentiaire qui devrait alors exercer une surveillance particulière sur la personne. Ce n’est pas son rôle.
  Le médecin doit s’astreindre à répondre de façon médicale à des questions qui ne le sont pas.
Il ne faut pas tomber dans le piège des bons sentiments qui peuvent faire sortir le soignant de son rôle de soignant.
Exemple : du CEL (cahier électronique de liaison) qui recoupe un certain nombre d’informations sur les personnes détenues. La politique du docteur Lécu est de ne pas le lire, ne pas le remplir. Le secret médical est à double sens : ne pas communiquer ce que l’on sait, mais également ne pas chercher à savoir ce que l’on ne doit pas savoir. Il y a tendance à vouloir savoir plus pour soigner mieux : ce n’est pas du tout évident.
Les surveillants ont souvent du mal à comprendre cette logique.
De même, le docteur Lécu refuse de participer aux Commissions pluridisciplinaires uniques qui regroupent l’ensemble des personnes qui travaillent dans l’établissement, car soit le médecin garde le silence, il cela constitue alors au mieux une perte de temps, au pire un cautionnement par le silence de choses discutables, soit il s’exprime et le risque est grand de vite trop en dire. Toutes les personnes qui interviennent en détention ne comprennent pas cette logique, mais défendre un détenu, c’est sortir de ses attributions, et c’est surtout porter du tort à tous ceux que l’on ne défend pas.
La collaboration avec l’administration pénitentiaire ne peut se faire que dans le cadre de rencontres institutionnelles où l’on ne parle pas des détenus
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    QUESTIONS :
  — il faut souligner les disparités qui existent entre les différents lieux d’enfermement en France. À titre d’exemple, il y avait 5 psychiatres pour 800 détenus à la Santé, et le même nombre pour 1000 détenus à Fresnes.
Le SMPR des Baumettes est sans doute le plus abouti de France, notamment en raison de la personnalité de Catherine Paulet qui le dirige. C’est elle qui a permis que le film soit tourné.
À souligner, un défaut du film : seules de jeunes femmes apparaissent, ce qui peut donner une vision un peu troublée. Les psychiatres hommes ont refusé d’être filmés.
  — Le titre du film, Être là, est une excellente question. Tous les professionnels consciencieux intervenant en prison se la posent, en se demandant « notre présence cautionne-t-elle le système ou aide-t-elle plus les gens ? ». Dès qu’on a l’impression qu’on cautionne plus que l’on aide, on part.
Comment résister à la dureté de ce que l’on voit ? Le docteur Lécu a ainsi choisi de n’exercer qu’à mi-temps, et de faire de la philosophie à côté ce qui lui permet de prendre du recul, de repenser sa pratique, ce qui permet de mieux garder certaines choses à distance. Une des psychiatres du film poursuivait également des études en parallèle, un collègue fait du planeur : à chacun de trouver ses échappatoires.
Il faut insister de nouveau sur l’extra-médicalité : « en restant à sa place, on est moins fatigué que quand on veut sauver le monde »
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  Nous tenons à remercier très chaleureusement le docteur Anne Lécu pour sa disponibilité.
Pour aller plus loin :
- la thèse de philisophie pratique  d'Anne Lécu La prison, un lieu de soin ? publiée en 2013 aux éditions Les Belles Lettres.
- un entretien d'Anne Lécu avec Antoine Garapon dans le cadre de l'émission le Bien Commun en février dernier, à retrouver, écouter et podcaster ici
- un entretien de Régis Sauder sur son film dans Télérama (et extraits du film) 
" Cette entrée est un condensé du film et de ses choix : éthiques, esthétiques et politiques. D'abord, elle traduit bien le “être là” du titre qui fait référence à la place des patients et des soignants mais aussi à celle du cinéaste. Je voulais également montrer la difficulté d'accès à ce lieu de soin à part. Pour y arriver, il faut traverser la prison, ces portes, ces verrous. Il fallait que je traduise la violence et la complexité de ce parcours, que le spectateur fasse l'expérience d'une entrée aux Baumettes. La première fois que j'y suis allé, les bruits m'ont complètement submergé ; des images m'ont assailli, qui se sont imprimés en moi de façon indélébile. D'où les flashs que l'on voit dans cet extrait : des marionnettes confectionnées dans le cadre d'un atelier destiné aux agresseurs sexuels, ce cafard sur le dos qui est évidemment une métaphore de la détresse des détenus mais aussi, plus prosaïquement, un signe de la vétusté des lieux."
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genepifresnes · 12 years ago
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'Heureux qui comme', résidence d'écriture et enregistrements radiophoniques à l'EP de Fresnes
'Heureux qui comme', une production de David Christoffel, dans le cadre d'une résidence d'écriture du Conseil Régional d'Ile-de-France proposée par l'association D'Ici à là. Tous les enregistrements ont été réalisés avec des personnes détenues de l'Établissement Pénitentiaire de Fresnes, au sein du Parcours Culturel d'Insertion mis en place par le SPIP du Val-de-Marne et des élèves du Lycée Pauline Roland de Chevilly-Larue, avec le concours des chercheurs de ParisTech Telecom.
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Dans le cadre du parcours culturel d'insertion mis en place par le SPIP, une odyssée radiophonique à travers le langage menée par David Christoffel, poète, musicien et homme de radio, auprès de personnes détenues de l'Établissement Pénitentiaire de Fresnes et de lycéens du Lycée Pauline Roland de Chevilly-Larue. Engageant ces personnes dans une relation à l'écriture par le biais de l'enregistrement sonore, David Christoffel leur a tendu le micro à l'écoute de l'expression de leur imaginaire.
D'abord, c'est un spectacle de magie. Des choses vont apparaître et disparaître. Très vite, cela produit une cosmologie. Il est important de savoir où nous sommes et, pour cela, de vérifier si le ciel peut être le plus bel endroit de la terre. À ce moment-là, on se demande jusqu'où peut-on se réveiller, sachant qu'un robot pose des questions qui semblent vouloir que l'on soit heureux. "Heureux qui comme..." et si Jacques Chancel n'avait pas aussi posé des questions, on aurait peut-être continuer à lire des poèmes de Joachim Du Bellay. Au lieu de quoi, on a aussi fait un procès simulé dans lequel des personnes frustres et rigides ne sont pas forcément coupables. 
A écouter et podcaster ici : http://www.franceculture.fr/emission-l-atelier-de-la-creation-heureux-qui-comme%E2%80%A6-2013-12-11
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genepifresnes · 12 years ago
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Quand on a eu notre thème d'Assises
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Et maintenant : au boulot !!
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genepifresnes · 12 years ago
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J'y étais : évènement des Journées Nationales Prison le 28 novembre à la mairie de Fresnes
Le 28 novembre s’est tenu à la mairie de Fresnes un événement dans le cadre des 20ème Journées nationales prisons sur le thème de la santé à l’épreuve de la détention.
  Intervention de Catherine Fac, chef du service somatique au CP de Fresnes
Présentation générale de l’organisation des soins à Fresnes : il s’agit d’une équipe pluridisciplinaire, présente dans chaque demi-division. Comme ailleurs, l’UCSA est rattachée à l’AP-HP et non à l’administration pénitentiaire, elle exerce donc en toute indépendance et dans l’absence de tout lien hiérarchique. Elle travaille dans le but d’une « remise dans la démarche de soin » : vaccination, conseils…
Il y a toujours une visite dès l’arrivée en détention : permet un bilan de santé globale, ainsi que d’évaluer les besoins. Par la suite, une personne détenue peut demander une consultation par écrit ; à Fresnes, on utilise des pictogrammes pour ceux qui ne savent pas écrire pour préciser la demande de soin.
Fresnes dispose d’une garde médicale 24/24h (c’est la seule prison avec Fleury). L’hôpital de la Pitié-Salpêtrière dispose d’une unité sécurisée spéciale.
Comme dehors, l’accord du patient est toujours requis.
 Elle a ensuite évoqué les principales difficultés que pouvait rencontrer un médecin exerçant au CP de Fresnes, parmi lesquelles :
- La rencontre d’une population très mixte aux besoins variés, qui cumule les situations de risques (tabac, addictions…) et qui sont souvent dans un état de santé précaire : la moitié d’entre eux sont déjà malades en arrivant.
- La nécessité de gérer des flux énormes, avec plus de 13 000 personnes à prendre en charge chaque année
- Par ailleurs, il s’agit d’une population qui « refuse beaucoup mais demande tout autant  » : il est fréquent que les propositions d’examens spécialisés à l’hôpital du Kremlin-Bicêtre soient refusées.
- La question du recrutement de médecins et d’infirmières est toujours délicate.
- L’on voit se développer dans les dernières années le recours à la télé-consultation, qui permet de limiter les extractions médicales. C’est notamment le cas pour les consultations ophtalmologiques.
  Intervention de Magali  Bodon Bruzel, chef du SMPR de Fresnes
Elle rappelle que la psychiatrie est importante en détention du fait d’un public fragile psychiquement et psychologiquement. Pour rappel : le taux de suicide est 7 fois plus élevé en prison qu’à l’extérieur.
En l’absence d’unité spécialisée dans la psychiatrie, ce rôle de suivi revient à la médecine somatique (UCSA). Il n’y a que 26 SMPR en France.
Au SMPR les détenus sont toujours seuls en cellule, et le principe est celui de l’hospitalisation libre. En cas de trouble mentaux graves, les soins sous contraintes peuvent être nécessaires mais ne s’effectuent pas au SMPR en détention mais dans un hôpital psychiatrique à l’extérieur.
Le travail du SMPR est parfois vu sous l’angle de la gestion du stress et de la « gestion de la mauvaise nouvelle » tout au long de la détention.
  Intervention d’Anne Galinier, membre de l’équipe du CGLPL
Dans l’équipe du Contrôleur, en matière de santé, les principales préoccupations sont :
- Concernant la Sécurité sociale :
Précisions concernant la prise en charge par l’Assurance-maladie au cours de la détention : les personnes détenues sont obligatoirement affiliées au régime général de la sécurité sociale dès leur entrée en établissement pénitentiaire. Cette affiliation est gratuite, et les démarches sont effectuées directement par l’ établissement. Pour toute la durée de la détention, les personnes incarcérées sont soignées gratuitement :  les médicaments sont fournis par l'établissement pénitentiaire et les soins médicaux dispensés dans un établissement hospitalier sont intégralement pris en charge, y compris le forfait hospitalier. Concrètement, 70% des frais sont remboursés par la Sécurité sociale, et le ticket modérateur (partie des dépenses de santé qui reste à la charge du patient après le remboursement de l'assurance maladie) de  30% est à la charge de l’administration pénitentiaire
La difficulté est celle de la continuité de l’affiliation à la Sécurité sociale  à la libération.
- Les modalités de prise de rendez-vous:
 le système fonctionne par écrit alors qu’il existe une part non négligeable de personnes illettrées.
 Il est impératif que soit mise à disposition une boite à lettre spécifique pour l’UCSA pour préserver le secret médical : ce n’est pas toujours le cas.
- En terme de bilan, s’il l’on peut considérer que l’offre de soin générale est souvent bien couverte, il faut souligner que les médicaments ne sont pas toujours distribués quotidiennement pas par l’AP, ni en main propre.
- Elle souligne enfin le problème des médicaments qui ne sont plus remboursés et des soins non conventionnels.
  Intervention de Claude Charamathieu, directeur du SPIP Val de Marne
L’état de la santé de personne peut être un élément qui va influer non seulement le parcours pénal mais également sur l’aménagement de peine.
Les besoins d’encadrement ne sont pas les mêmes selon le public :
chez les jeunes, le SPIP effectue un travail éducatif sur les conduites à risques
 chez les personnes âgées (on connaît actuellement un certain vieillissement de la population pénale), on va plutôt s’axer sur la prévention du suicide, par exemple en ayant recours au concept du codétenu de soutien.
Par ailleurs, il est d’une importance capitale que la personne soit immatriculée à la Sécurité sociale à sa libération, afin de permettre une continuité dans la prise en charge.
    Question d’Antonin (Genepi) :
Il est revenu sur une formulation du Docteur Catherine Fac, qui a évoqué la prison comme « lieu de réconciliation avec son corps ». La problématique du corps en prison semble en effet particulièrement sensible dès lorsqu’on songe aux fouilles, à la sexualité qui passe avant tout par la pornographie et la masturbation (en l’absence d’UVF), au manque d’intimité… On peut envisager encore un autre aspect : Gabriel Mouesca nous avait dit, lors d’une rencontre avec le groupe de Fresnes le 12 novembre, que  « les trois meilleurs amis du directeur de prison sont le shit, la télé, la camisole chimique ».
Antonin : La discussion a un peu piétiné. Le docteur Catherine Fac a justifié cette formulation par référence aux éventuelles démarches médicales qui pouvaient être entreprises en détention (guérison de l’addiction, adhésion à une démarche de soin…). Elle a reconnu que par bien d’autres voies la prison porte atteinte au corps, citant notamment l’exemple de l’altération de la vue.
M. Charamathieu a ensuite mis en garde contre des caricatures sur la prison (dans le piège desquelles tomberaient fréquemment les Genepistes (sic)).
En résumé, les différents intervenant sont tombés d’accords sur le fait que la prison est améliorable, mais il faut également considérer que les soins apportés sont importants, surtout au vu de la situation initiale des détenus. 
Le docteur Bodon Bruzel a estimé que la camisole chimique est un mythe et que les psychotropes prescrits le sont strictement  pour des raisons médicales.
Cette remarque préliminaire a donc suscité des réactions : un peu trop même, puisque nous n’avons pas pu poser d’autres questions intéressantes, par manque de temps.
  Merci à Clarisse, Antonin et Gaetano d'avoir assisté à cette réunion et nous en faire part  :)
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