Présentation du livre de Guillaume Davranche, "Trop jeunes pour mourir. Ouvriers et révolutionnaires face à la guerre (1909-1914)", paru en novembre 2014 en coédition L'Insomniaque/Libertalia. ISBN 9782918059820
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Ce blog est consacré au livre de Guillaume Davranche, Trop jeunes pour mourir. Ouvriers et révolutionnaires face à la guerre (1909-1914), L’Insomniaque/Libertalia, 560 pages, 20 euros. ISBN 9782918059820
La 2e édition, corrigée et augmentée de 16 pages, est en librairie en mars 2016 (1re édition en novembre 2014).
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La photo d'un groupe lié à la Fédération communiste anarchiste en 1913, sans lieu ni date. Le drapeau déployé est noir, probablement avec des lettres rouges ; l’homme qui le tient est un ouvrier terrassier, reconnaissable à sa large ceinture de tissu rouge. Les journaux exposés sont “La Voix du peuple”, organe hebdomadaire de la CGT, et “Le Libertaire”, hebdomadaire de la FCA, édition du 21 juin 1913.
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Quand Zeev Sternhell trébuchait sur le syndicalisme révolutionnaire
L’historien Zeev Sternhell (1935-2020) a écrit d’excellentes choses sur les prémices françaises du fascisme, au début du XXe siècle. Son livre La Droite révolutionnaire (1978), contient notamment de belles études sur le boulangisme (1887-1890) et sur le syndicalisme jaune (vers 1902-1910). Mais il a aussi écrit, dans Ni droite ni gauche. L’idéologie fasciste en France (1983), de grosses bêtises sur le syndicalisme révolutionnaire, avec des méthodes indignes d’un historien même médiocre.
Elles sautent aux yeux de quiconque a étudié le syndicalisme révolutionnaire français d’avant 1914, ses principales figures – Pelloutier, Griffuelhes, Pouget, Yvetot, Merrheim, Monatte… – et son action contre les nationalistes (revanchards, antisémites, xénophobes, royalistes…).
Pour arriver à ses conclusions, Sternhell se contente d’analyses très superficielles (le syndicalisme révolutionnaire est antiparlementaire… donc préfasciste !), et brandit les trajectoires individuelles d’une poignée de personnages, plus souvent des intellectuels parlant du syndicalisme que des syndicalistes réels (Georges Sorel, Gustave Hervé, Émile Janvion).
Eussent-ils été représentatifs du syndicalisme révolutionnaire, que ce serait de la téléologie de déceler, dans certaines étapes de leur vie – arbitrairement sélectionnées – la racine de leur fascisme ultérieur. Et qu’en aucun cas ça ne peut faire du syndicalisme révolutionnaire en général une racine du fascisme... Le fait que Gustave Hervé ait siégé pendant treize ans à la direction du Parti socialiste aux côtés de Jaurès, Vaillant et Guesde, fait-il du socialisme une racine du fascisme?
A l’époque, Jacques Julliard – qui, il y a quarante, fut un très bon historien du syndicalisme révolutionnaire – a démontré par A+B en quoi les thèses de Sternhell sur ce sujet étaient superficielles, et pour tout dire ineptes.
Je mets à disposition son étude de 16 pages, « Sur un fascisme imaginaire », parue dans la revue Les Annales (juillet-août 1984) et republiée dans Autonomie ouvrière. Études sur le syndicalisme d’action directe en 1988.
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La tournée Trop jeunes pour mourir
Les prochaines dates :
24 septembre 2017 : à Cluny (71), au Salon du livre libertaire de Saône-et-Loire
20 juin 2017 : à Montreuil (93), de 10h à 11h, au siège confédéral, 263, rue de Paris, à l’occasion du congrès de la CGT Construction-Bois-Ameublement
10 janvier 2017 : à Millau (12), à 20h30, à la Fabrick, 9, rue de la Saunerie
20 décembre 2016 : à Montreuil (93), à 18h30, à la bourse du travail, 24, rue de paris
2 juillet : à Amiens (80), à 14h, salle Maurice-Honeste, 67 bd du Cange
26 juin : à Montreuil (93), à 13h30, à la fête de la CNT, présentation des Mémoires d’Eugène Cotte, Je n’irai pas (éd. La Ville brûle), dont j’ai établi l’appareil critique.
9 juin : à Paris 13e, à 14h15, à la Maison du Livre, 94 boulevard Auguste-Blanqui, à l’invitation de l’Institut CGT d’histoire sociale du Livre parisien
16 mai : à Presles (95), de 11h à 12h, sous le chapiteau Karl-Marx de la fête de Lutte ouvrière
27 avril : à Saint-Étienne (42), à 19 heures, à la bibliothèque de la Dérive, 91 rue Antoine-Durafour
Tournée de l’est et du nord
5 mars : à Nancy (54), à 14h30, au Centre culturel autogéré de Nancy, 69 rue de Mon-Désert
4 mars : à Metz (57), à 19h30, au local de la CNT, 5, place des Charrons
3 mars : à Strasbourg (67), à 18h30, au Molodoï, 19, rue du Ban-de-la-Roche. Apéro-bouffe conviviale puis présentation du livre
2 mars : à Lille (59), à 20h, au Centre culturel libertaire, 4, rue de Colmar
1er mars : à Bruxelles, à 18 heures, à la librairie Joli Mai, 29, avenue Paul-Dejaer
29 février : à Liévin (62), à 19 heures, au Lieu autogéré, 23 avenue Jean-Jaurès
20 janvier 2016 : à Paris 19e, à 19 heures, pour l’association Nogozon, 3 passage de l’Atlas
11 novembre 2015 : à Lyon 7e, à 14 heures, à l’Atelier des canulars, 91, rue Montesquieu
10 novembre : à Alès (30), à 19 heures, à la bibliothèque La Rétive, 42, faubourg d’Auvergne
4 novembre : à Montreuil (93), à 11 heures, sur l’angle “CGT et travailleurs migrants (avant 1914)”, dans le cadre d’une formation syndicale organisée par la fédération CGT Construction-Bois-Ameublement.
24 septembre : à Montreuil (93), à 19 heures, au Musée d’histoire vivante, 31, boulevard Théophile-Sueur
13 septembre : à La Courneuve (93), à 11 heures, à la fête de L’Humanité, sur le stand de l’UD-CGT de Paris.
27 mai : à Montreuil (93), de 11h à 14h, au siège de la CGT, en marge du comité confédéral national.
8 mai : à Montreuil (93), à 13h30, au festival de la CNT-F à la Parole errante, 9 rue François-Debergue.
18 avril : à Rouen (76), à 16h30, pour la Journée de l'édition libertaire de la librairie L'Insoumise, 128 rue Saint-Hilaire.
14 avril : à Ivry-sur-Seine (94), à 19h, à la librairie coopérative Envie de lire, 16, rue Gabriel-Péri.
28 février : à Paris, de 13h30 à 15h30, sur Radio libertaire, en débat avec Jean-Claude Lamoureux, auteur des Dix derniers jours, dans l'émission Chroniques rebelles de Christiane Passevant. Et, de 16h30 à 19h, à la librairie Publico, 145, rue Amelot.
Tournée de l'ouest
7 février : à Rennes (35), à 17h, à la librairie Pecari amphibie, place Sainte-Anne.
6 février : à Angers (49), à 20h30, à l’Étincelle, 26, rue Maillé.
5 février : au Mans (72), à 19h, à la librairie L’Herbe entre les dalles, 7 rue de la Barillerie.
4 février : à Tours (37), à 19h, dans l'émission Demain le Grand Soir sur Radio Béton ; à 20h30 au bar des Colette's, 57, quai Paul-Bert.
3 février 2015 : à Orléans (45), à 18h30, à la librairie Les Temps modernes, 57 Rue Notre-Dame-de-Recouvrance.
10 janvier 2015 : à Paris 11e, à 15h30, dans le cadre du RDV des Editions Libertalia, au CICP, 21 ter rue Voltaire.
20 décembre 2014 : sur Radio libertaire, à 13h30, dans l'émission Chroniques rebelles, avec Christiane Passevant.
Tournée du Midi
15 décembre : à Dijon (21), à 19h, au Black Market, 59, rue Berbisey.
13 décembre : Grenoble (38), à 17h30, à la librairie Antigone, 22, rue des Violette.
12 décembre : à Marseille (13), à 19h, au Centre international de recherches sur l'anarchisme (CIRA), 50, rue Consolat.
11 décembre : à Montpellier (34), 19h, à la librairie Scrupule, 26, rue du Faubourg-Figuerolles.
10 décembre : à Toulouse (31), dans le cadre de l'Université populaire, de 18h à 19h, à la librairie Terra Nova, 18, rue Léon-Gambetta ; puis à partir de 20h45 au Bijou, 123, avenue de Muret.
9 décembre : à Agen (47), à 18h, au cinéma Les Montreurs d'images, 12, rue Jules-Ferry.
8 décembre : à Bordeaux (33), à 20h, à l’Athénée libertaire, 7, rue du Muguet.
4 décembre : à Montreuil (93), à 19h, à la médiathèque Robert-Desnos, 14, boulevard Rouget-de-Lisle.
21 novembre : à Erquery (60), à 20h30, à la Grange-Erquery, 16, rue de la République.
18 novembre : sur Radio libertaire, à 20h, dans l’émission Lumière noire, avec Agnès Pavlowski.
15 novembre : à Saint-Denis (93), à partir de 18h30, soirée de lancement au théâtre de la Belle-Étoile, 14, rue Saint-Just.
8 novembre 2014 : à Paris 20e, de 15h à 17h, journée organisée par le SUB-CNT au 33, rue des Vignoles.
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Sabotages, meetings monstres et chaussettes à clous… quand les anarchistes tenaient le haut du pavé

Juste avant 1914, l’anarchisme a donné le "la" de la contestation ouvrière. Guillaume Davranche le raconte dans Trop jeunes pour mourir. Entretien paru le 2 janvier 2015.
On ne le sait pas : aujourd’hui relégué à la périphérie du paysage politique, l’anarchisme fut, au début du XXe siècle, l’un des grands animateurs de la gauche française. Sa présence était particulièrement marquante à la CGT, qui était le cœur de la contestation politique et où cohabitaient trois écoles de pensées: le réformisme (incarnés par Jaurès), les vieux marxistes (héritiers de Guesde et Blanqui) et les libertaires.
Dans Trop jeunes pour mourir, l’historien Guillaume Davranche décrit les derniers feux de l’anarchisme, juste avant la guerre de 14-18: la lutte contre la montée du militarisme, la propagande, les sabotages, les débats autour de la bande à Bonnot, les tiraillements au sein de la CGT… jusqu’au divorce final. Car, aux lendemains de la guerre, sous le double effet de la fièvre patriotique et de la Révolution russe, l’anarchisme sera balayé du paysage politique français.
Pour BibliObs, l’historienne Marianne Enckell s’est entretenue avec l’auteur de cette fresque étonnante.
Marianne Enckell : Les 500 pages de votre livre racontent, presque au jour le jour, cinq années d’affirmation et de luttes du mouvement ouvrier, principalement syndicaliste et anarchiste, en France, de 1909 à 1914. On comprend que l’histoire se termine à la date de la guerre; mais pourquoi débute-t-elle en 1909?
Guillaume Davranche : Dans l’histoire du mouvement ouvrier français, les années 1909-1914 constituaient jusqu’ici une période très mal connue, peu étudiée, sans doute en raison de son caractère intermédiaire entre la «période héroïque» de la CGT (1902-1908) et la Grande Guerre. En effet, à partir de 1909, la CGT marque le pas, puis enchaîne les revers. Peu à peu, l’organisation perd confiance et entre en crise. Malgré cela, c’est une période pleine de luttes passionnantes et de débats dont certains restent d’actualité.
L’histoire de la lutte contre la guerre, qui domine l’action ouvrière entre 1911 et 1914, est totalement méconnue. Du point de vue anarchiste, cette période 1909-1914 voit l’émergence de la première organisation nationale, la Fédération communiste anarchiste (FCA). L’année 1909 voit les premières réactions, au sein du milieu libertaire, contre l’influence prépondérante de Gustave Hervé et de son journal, La Guerre sociale. Se méfiant d’Hervé, dont ils avaient décelé les équivoques, un groupe de militants parisiens a, cette année-là, commencé à le contester. De leurs efforts, au terme de vifs débats et de diverses péripéties, va naître fin 1910 la FCA, dont l’histoire constitue le fil rouge de ce livre.
Quel fut le rôle de la FCA, petite organisation anarchiste, par rapport à la grande CGT?
La FCA influence la gauche de la CGT, dont les bastions sont les syndicats parisiens du Bâtiment et certains syndicats des Métaux (dont Paris et Saint-Étienne), animés par des anarchistes ou par des syndicalistes révolutionnaires «ultra», en osmose avec les anarchistes. Mais la FCA est également en phase avec la direction confédérale de la CGT, pour des raisons d’affinités idéologiques. Le syndicalisme révolutionnaire, qui est la doctrine majoritaire au sein de la confédération, est en effet proche de l’anarchisme sur des points essentiels : le mépris pour l’action parlementaire, la primauté donnée à l’action directe des travailleurs.
Dès 1909, plusieurs responsables cégétistes, libertaires ou non, ont vu d’un bon œil l’émergence d’une organisation anarchiste susceptible de faire contrepoids, sur la gauche de la CGT, à l’influence du Parti socialiste [autre nom de la SFIO, NdlR] sur sa droite. L’organisation syndicale est neutre et indépendante mais, jusqu’en 1914, bon nombre de ses responsables n’hésitent pas à parrainer individuellement l’action anarchiste. On est entre gens de confiance.
Un divorce cruel intervient à l’été 1913. La CGT est alors confrontée à une violente répression et, ne se sentant pas la force de durcir le bras de fer, choisit de faire le dos rond, malgré l’insistance de sa gauche. Dès lors, une crise violente éclate en son sein. Pendant plusieurs mois, la gauche de la CGT, dont l’hebdomadaire de la FCA, Le Libertaire, se fait le porte-voix, mène une polémique intense contre la direction confédérale, l’accusant de recentrage, de trahison, de capitulation, de bureaucratisation… C’est la fin d’une époque.
Vous prenez honnêtement et ouvertement parti. Le moins qu’on puisse dire, c’est que vous n’aimez pas les anarchistes dits «individualistes» et que vous ne perdez pas une occasion de les maltraiter; je suppose que ce sont les éditeurs qui se sont amusés à faire figurer en cul-de-lampe les Pieds Nickelés… Les travaux d’Anne Steiner ou de Gaetano Manfredonia ne donnent-ils toutefois pas une image plus fine d’eux?
Les pages que je consacre aux anarchistes individualistes doivent justement beaucoup aux travaux d’Anne Steiner (Les En-dehors, 2008) et de Gaetano Manfredonia («L’Individualisme anarchiste en France [1880-1914]», 1984) qui, eux-mêmes, se montrent critiques sur ce courant. Cependant, je ne pense pas les avoir spécialement malmenés.
Si le livre donne cette impression, cela peut tenir à deux raisons. La première, c’est que la période 1909-1914 voit la déliquescence de cette mouvance, qui s’entredéchire dans des querelles internes assez peu politiques. Les rixes sanglantes qui, en 1910, opposent les «scientifiques» et les «sentimentaux», écœurent de nombreux individualistes qu’on retrouvera ensuite à la FCA, à la CGT ou à La Guerre sociale. En 1912-1913, la cavale de la bande à Bonnot s’achève dans une atmosphère de délation, de retournements de veste et de sauve-qui-peut qui accélérera cette désagrégation du milieu individualiste.
La seconde raison, c’est que ce livre étudie les réactions des syndicalistes et anarchistes à ces diverses péripéties, et notamment à l’affaire Bonnot. Curieusement, cela n’avait jamais été vraiment fait. Or les révolutionnaires, après être restés sur leur réserve pour ne pas paraître crier avec les loups, publient des analyses politiques sans concession de toute cette affaire. Et, en coulisse, leur sentiment est sévère : dépit, consternation, colère contre ce gâchis… Apporter l’éclairage critique des contemporains ne pouvait pas aider à redorer le blason de l’individualisme.
Vous décrivez les grèves avec les séquestrations, la machine à bosseler et la chaussette à clous…. Quand les techniques de sabotage se sont-elles développées? Puis quand et comment ont-elles disparu, si elles ont disparu des milieux syndicalistes ?
La « machine à bosseler » et la « chaussette à clous », ce sont en fait les coups de poing et de pied qu’on promet aux « jaunes » pendant les grèves. C’est une pratique courante au sein de la puissante fédération du Bâtiment, qui forme l’épine dorsale du syndicalisme révolutionnaire. Cette formule imagée circule beaucoup à l’époque – que ce soit pour la dénoncer, dans la presse et à l’Assemblée, ou pour la revendiquer avec ironie. Le poète Gaston Couté en tirera même une chanson provocatrice en 1910: Brave Chaussette à clous.
Dans le registre de l’action directe, on peut aussi citer la campagne contre les bureaux de placement (les agences d’intérim de l’époque) en 1903, et celle contre l’ouverture des magasins le soir et le dimanche, en 1911. Dans les deux cas, les militants de la CGT ne se contentent pas de revendiquer: ils brisent des vitrines et renversent des étals pour obliger le patronat et le législateur à les écouter.
Le sabotage ouvrier, lui, a été adopté par la CGT dès son congrès de 1897, sur proposition d’un groupe de délégués anarchistes, dont Émile Pouget. À l’instar de la grève et du boycott, il s’agit d’une tactique de lutte qu’on peut résumer par le slogan «À mauvais salaire, mauvais travail». Il peut s’agir de ralentir la production, ou de la rendre inutilisable. Dans la réalité, cette tactique semble avoir été peu usitée.
En revanche, les années 1909 à 1911 sont marquées par des milliers d’actes de sabotage en soutien à la grève des PTT, puis à la grève du rail. Dans les régions où le mouvement anarchiste est fort, des équipes grimpent, la nuit, aux poteaux télégraphiques, et sectionnent les fils. Et «Mamzelle Cizaille», comme la surnomme La Guerre sociale, poursuit son œuvre pendant des mois après, pour contraindre le gouvernement à réintégrer les grévistes révoqués.
C’est donc un sabotage d’une nature différente de celui défini en 1897. Il semble tomber en désuétude après qu’en 1911 un sabotage maladroit sur une voie ferrée ait failli provoquer des morts. Devant le scandale, La Guerre sociale prend alors ses distances et estime publiquement que cette tactique de lutte n’est plus appropriée.
Vous mentionnez aussi à plusieurs reprises la formation des militants, syndicalistes ou propagandistes. Était-elle systématique, à Paris et en province?
On apprenait essentiellement l’art oratoire sur le tas. Il faut dire que le meeting constituait, à l’époque, une des activités militantes de base. La télévision n’existait pas, les gens sortaient beaucoup le soir et allaient volontiers écouter des conférences, des orateurs, assister à des débats contradictoires.
La FCA pouvait attirer 80 à 100 personnes dans de petites salles de proximité, et 600 à 1000 dans de grandes salles. Les syndicats, eux, attiraient dans des proportions bien supérieures : jusqu’à 10.000 ou 15.000 personnes dans les «meetings monstres» à l’occasion d’une grève ou d’une campagne d’opinion. Et tout cela sans sonorisation !
Il fallait donc avoir du coffre pour monter à la tribune et se faire entendre. S’essayer à une petite tribune, puis à des tribunes de plus en plus impressionnantes faisait partie de l’apprentissage du militant, qui pouvait parfois, en outre, bénéficier d’une formation. En 1912, la FCA mit ainsi sur pieds une «école du propagandiste» où des camarades expérimentés pouvaient dispenser des cours sur la pensée anarchiste ou sur la technique oratoire.
L’expérience la plus intéressante que j’aie relevée est celle du «Comité féminin», actif en 1912-1913, et principalement animé par des militantes de la FCA. Avec l’aide d’Henri Antoine (le fils d’André Antoine, fondateur du Théâtre libre), elles ont organisé des cours de théâtre et de diction pour former des oratrices ouvrières – une espèce alors très rare !
Dans votre livre, vous mélangez allègrement les citations: presse quotidienne, presse militante, archives de police, mémoires et travaux… Des historiens pointilleux pourraient vous le reprocher.
J’ai détaillé mes sources dans une interview au blog Samarra, réalisé par un collectif d’enseignants d’histoire-géographie. La matière première, je l’ai trouvée aux archives de la préfecture de police de Paris, et extraite de volumineux cartons bourrés des rapports d’indicateurs infiltrés dans la FCA.
Mais on sait quelle distance critique il faut avoir vis-à-vis des rapports d’indicateurs, dont certains travestissaient la réalité pour se faire bien voir de leurs employeurs à la Sûreté générale. J’ai donc systématiquement recoupé leurs informations avec d’autres sources – notamment la presse militante et la presse quotidienne – en visant l’exactitude factuelle.
Toutefois l’exactitude factuelle ne suffit pas. Je voulais également approcher au plus près l’état d’esprit des militants de l’époque, comprendre leurs motivations et évaluer l’importance réelle que certains débats avaient pour eux. Pour cela encore, il est indispensable de recouper les sources, de faire dialoguer la presse militante dans toute sa pluralité.
Propos recueillis par Marianne Enckell (Centre International de Recherches sur l'Anarchisme, Lausanne)
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« Cela en valait la peine »

Une chronique de Trop jeunes pour mourir dans Le Monde diplomatique de juin 2015.
Au début du XXe siècle, la Confédération générale du travail (CGT) oscillait entre réformisme et anarchisme. La Grange-aux-Belles, son quartier général, résonnait d'appels à la grève générale et au sabotage, deux formes de lutte alors couramment employées.
Les rédacteurs de La Guerre sociale se retrouvaient régulièrement en prison pour délit de presse. De nombreux syndicalistes passaient devant les tribunaux pour antimilitarisme. En 1909, quand le pédagogue Francisco Ferrer, au projet éducatif fondé sur la mixité et l'autonomie, est fusillé en Espagne, accusé d'avoir impulsé l'insurrection de Barcelone, des dizaines de meetings rassemblent des milliers de travailleurs dans toute la France.
Guillaume Davranche, journaliste et chercheur, voulait rendre compte du grand passé de la Fédération communiste anarchiste : il s'est laissé déborder en consultant des montagnes d'archives, mais cela en valait la peine, car cette histoire-là est bien rarement racontée.
Christophe Goby
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Boucherie sans eux

Dans Libération du 22 janvier 2015, une critique par l’historien Dominique Kalifa, dont je recommande vivement l’ouvrage Biribi (Perrin, 2009).
Contre un parti socialiste unifié jugé «électoraliste», contre une CGT qui venait d’entamer son tournant «réformiste», il y eut dans la France des années 1910 une frange de militants que le secrétaire des bourses du travail, Georges Yvetot, qualifia de «minorité révolutionnaire dangereuse».
Certains se disaient «insurrectionnels», d’autres libertaires, individualistes ou syndicalistes. Beaucoup se retrouvaient derrière La Guerre sociale, le brûlot antimilitariste lancé par Gustave Hervé en 1906. Tous défendaient une morale ouvrière sans concessions, hostile à l’Eglise, au patronat, aux «renards» (les «jaunes»), aux mouchards et, plus que tout, à l’armée. C’est au cœur de cette nébuleuse que nous entraîne Guillaume Davranche.
Fort d’une lecture minutieuse de la presse et des brochures publiées par ces militants, il s’attache à restituer leur combat en ces années où s’exacerbent les tensions et les menaces de guerre. On découvre une pensée plus nuancée que prévue (le soutien apporté à la révolution mexicaine de 1911, le malaise face à l’équipée de la bande à Bonnot) et des efforts peu connus pour s’organiser, à l’instar de la Fédération révolutionnaire communiste en 1910, rebaptisée Fédération communiste anarchiste en juillet 1912.
On perçoit surtout l’indomptable énergie de ces hommes qui sont de toutes les grèves et de toutes les manifestations, appelant à la paix et, pour les plus radicaux, à la désertion et au sabotage. Beaucoup d’entre eux échouèrent en prison ou dans les bagnes militaires.
L’ouvrage, qui ne cache pas son empathie à l’égard du mouvement libertaire, manque parfois un peu de distance. Mais il offre une mine inégalée d’informations, une chronique minutieuse des cinq années qui précédèrent la guerre, avec leur cortège d’affaires, d’arrestations, de rivalités et de règlements de comptes.
Complément du Maitron des anarchistes (L’Atelier, 2014), il livre aussi une belle galerie de portraits, d’où émergent Émile Janvion, qui dériva vers l’antisémitisme, Benoît Broutchoux et Pierre Monate, hérauts du syndicalisme révolutionnaire, ou encore Louis Lecoin, à qui l’on doit l’obtention en 1958 du statut d’objecteur de conscience.
On n’en était pas là en 1914 : en dépit des meetings qui se poursuivirent jusqu’au jour de la mobilisation, ceux qui n’étaient pas en prison ou à Biribi durent rejoindre leur régiment, comme l’immense majorité des Français.
Dominique Kalifa
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Grève des cheminots (1910)
Du 10 au 17 octobre 1910, les cheminots se mettent massivement en grève pour la "thune" (5 francs de salaire journalier). L'armée garde les gares et les voies, les meneurs syndicalistes sont jetés en prison et le gouvernement Briand décrète la mobilisation militaire des cheminots au titre de la "sécurité nationale". Ceux qui reprennent le travail portent le brassard des réquisitionnés. Ceux qui refusent sont révoqués par centaines. La grève est brisée, mais témoigne de la radicalisation d'une corporation jusque-là très réformiste.
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Prolos de feu

Le matin même de la tuerie de Charlie Hebdo, l’autre hebdomadaire satirique publiait cette critique de Trop jeunes pour mourir.
C’était un temps rude, brutal, violent, dont on a perdu jusqu’au souvenir. Une époque où militants et journalistes étaient le plus souvent qu’à leur tour envoyés aux assises ou en prison. Où les bagarres idéologiques tournaient au pugilat, où attentats et sabotages revendiqués, étaient légion. Un temps où, en France, on pouvait mourir pour ses idées. Où anars et communistes de la CGT étaient alliés au sein de la Fédération communiste anarchiste (FCA) et où tous se proclamaient fièrement antimilitaristes et antipatriotes. Eh oui ! aujourd’hui ça fait sourire…
Guillaume Davranche a mis huit ans à mettre en forme ce livre passionnant, relevant à la fois de la somme historique et du dictionnaire aux multiples entrées, grâce à d’ingénieuses notes de bas de page.
La révolte des femmes, vaillantes « midinettes » – qui réclament l’égalité, refusée par leurs camarades, à de rares exceptions –, renvoie aux punitions atroces infligées aux soldats réfractaires, expédiés à « Biribi », sobriquet quasi poétique « dont le seul nom fait frissonner les plus durs », tant sont terrifiantes ces « structures disciplinaires et pénitentiaires de l’armée coloniale d’Afrique du Nord » permises par les « lois scélérates » que le Parti socialiste a laissé passer sans même s’en rendre compte.
Le journal La Guerre sociale de Gustave Hervé, le libertaire, « agglomérat détonnant, soudé par un même goût de la provocation et de la violence », s’écrit et s’imprime au cœur du « quartier de l’encre », à Paris, rue Montmartre, où fut assassiné Jaurès. C’est de La Guerre sociale, ou plutôt de deux de ses anciens, Maurice Maréchal et HP Gassier, que naîtra, un jour béni, Le Canard enchaîné.
Ils décerneront à Hervé, après référendum des lecteurs du Volatile, le titre de « grand chef de la tribu des bourreurs de crâne ». Batailles de mots, d’idées, de fractions, combats d’hommes et de femmes, de militants y sont éclairés par Davranche. Mais la guerre approche, qui les tuera. Trop jeunes, si jeunes.
Dominique Simonnot Le Canard enchaîné du 7 janvier 2015
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Grève générale du 16 décembre 1912
Alors que le conflit balkanique menace d’embraser l’Europe entière, la CGT provoque une “grève générale d’avertissement” de vingt-quatre heures, pour dissuader le gouvernement français d’entrer en guerre.
Sur ce dessin de Gaston Raieter, le ministre de la Guerre, Millerand (qui, curieusement, ressemble plutôt, ici, à Joseph Caillaux), menace : “Nous avons, pour répondre à la grève générale, la mobilisation” (allusion à la mobilisation militaire des cheminots pour casser la grève de 1910). Le travailleur : “Ta mobilisation, on s’en fout ! Nous répondrons par l’immobilisation.”
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Révolutionnaires et ouvriers contre la Première Guerre mondiale

La revue de critique sociale Ballast n°3 (automne 2015) publie un entretien-fleuve autour du livre Trop jeunes pour mourir.
Guillaume Davranche, né en 1977, est journaliste et chercheur indépendant en histoire sociale. Avec Trop jeunes pour mourir. Ouvriers et révolutionnaires face à la guerre (1909-1914), une somme de 500 pages éditée par Libertalia et L’insomniaque, il donne à lire la mobilisation qui s’enclencha dans les rangs radicaux contre la Première Guerre mondiale. Son étude est également l’occasion de mettre en lumière la Fédération communiste anarchiste : elle n’exista que quatre années mais jura l’insoumission et la désertion aux autorités qui s’apprêtaient à envoyer les peuples de France et d’Allemagne s’entretuer au front.
Après avoir participé, avec d’autres, à l’ambitieux Maitron des anarchistes, voilà que vous publiez Trop jeunes pour mourir. Qu’est-ce qui vous incite à vous lancer dans d’aussi colossaux chantiers ?
Honnêtement, c’est surtout le fait qu’on ne mesure pas du tout, au départ, qu’ils le sont autant ! Plus sérieusement, mon intérêt pour l’histoire du mouvement libertaire et révolutionnaire est, c’est évident, lié à mon engagement politique. Pendant longtemps, je me suis contenté des grands épisodes les plus connus du mouvement libertaire : la Commune de Paris, la Révolution russe, la Révolution espagnole… Sorti de là, généralement, pour le militant moyen, c’est souvent terra incognita ! Certes, il y a la somme de Jean Maitron en deux tomes, Le Mouvement anarchiste en France. C’est une mine d’informations mais, plus de soixante ans après sa première parution, il faut reconnaître qu’on en sent les limites.
À partir de 2000, j’ai eu envie d’en savoir davantage sur l’histoire du courant communiste libertaire, et j’ai commencé par la période récente (avant tout parce qu’il y avait une certaine urgence à recueillir les témoignages d’actrices et d’acteurs déjà âgés). C’est ainsi que j’ai fait la connaissance d’un certain nombre d’anciennes et d’anciens de la Fédération communiste libertaire, de Noir et Rouge, de l’Organisation révolutionnaire anarchiste (ORA)… et que j’ai réalisé des entretiens qui ont été publiés ici ou là : avec Georges Fontenis, bien sûr, que j’ai côtoyé dans le groupe tourangeau d’Alternative libertaire en 1997-1998 ; avec Gil Devillard, un ancien de l’Organisation Pensée Bataille et du groupe Makhno de Renault-Billancourt1 ; avec Guy Malouvier et Rolf Dupuy, de l’ORA2 ; avec Patrice Spadoni et Thierry Renard, de l’ORA et de l’Union des travailleurs communistes libertaires3 ; avec des anciens de Noir et Rouge, comme Jean-Max Claris4 ; et encore, récemment, avec Daniel Guerrier5…
Tout cela m’a, disons, mis en appétit. Et m’a donné le goût d’une histoire écrite « à hauteur d’homme », d’une histoire qui s’approche autant que possible d’une compréhension des acteurs du passé.
Pour Trop jeunes pour mourir, tout a commencé par une visite aux archives de la Préfecture de police de Paris, en 2006. J’avais lu quelque part (sans doute dans la partie bibliographique du site de Fabrice Magnone consacré au Libertaire) qu’il existait là-bas un carton concernant la Fédération communiste anarchiste — la FCA. Je faisais alors des recherches sur l’origine du courant communiste libertaire qu’on faisait, à l’époque, communément remonter à la Plate-forme de Makhno et Archinov, datant de 1926. Avant cette date, le grand flou. Et dans ce grand flou : la FCA ! Intrigué par cette mystérieuse organisation fugacement évoquée par Maitron, je me suis donc rendu au musée de la Préfecture de police, dans le Ve arrondissement. Derrière ses vitrines, on peut admirer, entre autres, un pittoresque arsenal de poignards et de pistolets saisis sur des « apaches » des années 1900. Les brassards hérissés de Liabeuf, le « tueur de flics »6, y sont également exposés. Les archives de la Préfecture de police étaient consultables dans des locaux attenants7.
C’est là que j’ai découvert l’existence non pas d’un, mais de deux cartons libellés « FCA », particulièrement volumineux, et contenant des centaines de rapports de mouchards : au moins un par semaine pendant trois ans ! Un gisement d’informations totalement inexploité, complété par des cartons annexes — sur la Fédération révolutionnaire et sur le Comité de défense sociale. Sans trop savoir où j’allais, j’ai commencé à dépouiller cette masse désordonnée. J’ai noirci des feuilles de notes, plusieurs jours de suite, ignorant l’étendue de ce qu’il restait à découvrir.
Et plus j’en apprenais, plus je peinais à comprendre ce qu’il se passait au sein de cette FCA : les rapports faisaient référence à des personnages, des luttes et des débats, qui m’étaient largement étrangers. Je me suis rapidement rendu compte qu’il était impossible de comprendre le mouvement anarchiste de ces années-là sans comprendre, en même temps, l’influence de l’hervéisme, la trajectoire de la CGT, et, plus généralement, le climat militariste de l’époque. Ça a été le point de départ. J’ai commencé à rédiger, tout en défrichant en parallèle, de plus en plus passionné par ce que je découvrais.
C’est ainsi que j’ai commencé à travailler les week-ends, la nuit, ou très tôt le matin, pendant mes périodes de chômage, tout en menant, en parallèle, le chantier du Maitron des anarchistes dans lequel je m’étais laissé entraîner, et l’activité au sein d’Alternative libertaire, puisque, par principe, je ne fais jamais passer la politique au second plan — le passé ne doit pas dévorer le présent, ni l’avenir. Malgré tout, j’étais loin d’imaginer que je n’achèverais ce travail que huit ans plus tard !
Pourriez-vous, déjà, résumer pour nos lecteurs le paysage politique de l’époque, les tensions et les enjeux ?
En 1899, la clôture de l’affaire Dreyfus avait ouvert une période nouvelle : la droite conservatrice, nationaliste et cléricale, s’était vue durablement affaiblie, et l’Assemblée nationale était dominée par la bourgeoisie de gauche (républicains, radicaux, radicaux-socialistes…). Las, dix ans plus tard, le clivage droite/gauche s’estompait déjà : sur le plan économique, bien sûr, mais aussi sur celui des valeurs, notamment à partir d’octobre 1909 et de la politique centriste dite de l’« apaisement ». Cet « apaisement », voulu par le président du conseil, Aristide Briand, consistait à amadouer la droite en reprenant une partie de ses thèmes. La gauche au pouvoir mit donc en œuvre une politique de plus en plus réactionnaire, parfois à la stupéfaction et sous les applaudissements de la droite. Cette dérive réactionnaire s’accéléra après le coup d’Agadir qui, à l’été 1911, avait vu la France et l’Allemagne à deux doigts d’entrer en guerre. À partir de février 1912, le nouveau président du conseil, Raymond Poincaré, lança la politique de « fermeté nationale », qui visait au réarmement matériel et moral du pays face à l’Allemagne. Son ministre de la Guerre, Alexandre Millerand, aurait alors déclaré vouloir remettre l’armée française « dans l’état où elle était avant l’Affaire Dreyfus » 8. Pas mal, pour un ex-socialiste et ex-dreyfusard ! Il s’attira rapidement les hommages de Maurras qui, dans un édito de L’Action française, assura que « pour un patriote qui se respecte, la question politique cesse de se poser devant un ministre de la Guerre qui fait son devoir » 9. On voit le niveau de confusion politique de l’époque !
Face à cela, seul le mouvement ouvrier démontrait de la cohérence et de la rigueur. À l’époque, on admettait communément qu’il se composait de trois grandes tendances : le socialisme, l’anarchisme et le syndicalisme (considéré comme un courant politique à part entière). Malgré ses divisions et ses querelles, ce mouvement ouvrier se retrouvait uni sur la question de la guerre : contre l’aventure coloniale au Maroc, contre la militarisation de la société et pour la dénonciation des rivalités impérialistes qui faisaient de l’Europe une véritable poudrière…
La période méconnue que vous avez mise en lumière (1909-1914) correspond à une phase de déclin de la CGT avec, en parallèle, l’émergence de ladite Fédération communiste anarchiste. Comment et pourquoi cette organisation est-elle née ? Quelle fut son influence réelle ?
Fondamentalement, la FCA est née de la conjonction de deux crises : primo, celle du syndicalisme, débutée en 1909, qui donnait à penser que la formule « le syndicalisme se suffit à lui-même » n’était pas si opérante ; secundo, celle de l’anarchisme. Faisant ce constat, une poignée d’anarchistes parisiens étaient convaincus que si l’anarchisme ne se dotait pas d’une organisation de référence, qui serve de point de repère, il était condamné à n’être qu’un supplétif.
Au printemps 1910, les élections législatives avaient été l’occasion de mener une grande campagne abstentionniste, qui avait mobilisé l’ensemble des fractions du mouvement libertaire — excepté les individualistes —, et même au-delà, puisque certains révolutionnaires du PS s’y étaient associés. C’était en fait la première fois que le mouvement anarchiste français parvenait à mener une campagne nationale concertée. Après ce relatif succès, il est apparu que la situation était mûre pour mettre sur pied une véritable organisation révolutionnaire, qui pourrait associer les anarchistes, l’extrême gauche du PS, et un certain nombre de syndicalistes.
Cependant, les débats concernant l’orientation qu’on pourrait donner à cette organisation furent vifs. Une question stratégique était celle de son rapport au PS : d’un côté, l’équipe de La Guerre sociale aurait voulu un parti révolutionnaire qui ne soit pas strictement « anti-votard » et qui n’aurait pas gêné l’action parlementaire du PS ; de l’autre, l’équipe du Libertaire refusait cette idée d’une complémentarité des tâches entre réformistes et révolutionnaires, et militait pour une organisation strictement anarchiste-communiste. Au terme de plusieurs mois de controverses, c’est finalement la seconde orientation qui l’emporta.
En décembre 1910 fut fondée la Fédération révolutionnaire communiste, dont Le Libertaire allait devenir l’organe officieux. Peu à peu, elle rallia à son drapeau noir la majorité des groupes libertaires qui comptaient, tandis que La Guerre sociale amorçait un virage droitier. On peut considérer qu’à l’été 1912, La Guerre sociale avait perdu l’essentiel du crédit dont elle jouissait dans la gauche de la CGT, et que la FRC, rebaptisée Fédération communiste anarchiste (FCA), constituait le nouveau pôle révolutionnaire de référence.
Je pense qu’elle atteignit son apogée à l’été 1913, lorsqu’un congrès national lui permit d’unifier autour d’elle la plupart des groupes anarchistes du pays (dont ceux de la mouvance des Temps nouveaux et un certain nombre de groupes locaux). Elle compta alors peut-être les 1 000 adhérent.e.s. Quelle fut son influence réelle ? Comme elle ne se présentait pas aux élections, son audience dans « les masses » ne peut se mesurer qu’au tirage de ses journaux : 10 000 exemplaires pour Le Libertaire en 1913, 5 000 pour Les Temps nouveaux, auxquels il faut ajouter les journaux régionaux (principalement dans le quart nord-est du pays) : les hebdomadaires Germinal (Somme et Oise), La Vrille (Vosges), La Cravache (Marne), Le Combat (Nord), L’Avant-garde (Pas-de-Calais)… Ça peut sembler considérable aujourd’hui, mais ce n’est pas tant que ça en ces années 1910 où la presse écrite était reine.
Les meetings de la FCA en région parisienne rassemblaient communément 200 à 400 personnes, 1 200 quand elle y mettait de grands moyens. Là aussi, ça peut sembler impressionnant au regard des critères actuels. Mais c’était dans la norme des meetings d’une époque où la télévision n’existait pas, et où les gens assistaient aux conférences pour s’instruire ou se distraire.
Cette audience restreinte dans les masses, la FCA la compensait en exerçant une influence stratégique au sein du mouvement ouvrier. Dans plusieurs départements industriels (Somme, Rhône, Loire, Maine-et-Loire, Finistère…), les anarchistes pesaient fortement dans la CGT. Dans la Seine10, il y avait une véritable connivence entre la FCA et certains syndicats du Bâtiment, des Métaux. Avec les Jeunesses syndicalistes, aussi. Plusieurs de ses militantes s’activaient dans le syndicat des couturières. Certains militants de la FCA (comme Benoît Broutchoux ou Jules Lepetit) étaient de populaires orateurs syndicalistes.
Enfin, des liens directs et privilégiés existaient entre, disons, le « premier cercle » de la FCA et plusieurs dirigeants confédéraux de la CGT (notamment Léon Jouhaux, Georges Yvetot, Pierre Monatte, Georges Dumoulin, Pierre Dumas et François Marie). Hormis avec Yvetot, ces liens se rompirent cependant à partir de l’été 1913 lorsqu’une violente crise d’orientation opposa la gauche de la CGT à la direction confédérale. La FCA, dans sa majorité, prit le parti de la gauche de la CGT.
À l’intérieur du mouvement syndical, vous discernez deux sensibilités libertaires. D’une part, ceux que vous qualifiez d’« anarchistes syndicalistes », comme Broutchoux ; d’autre part, ceux que vous nommez les « syndicalistes libertaires », comme Émile Pouget ou Pierre Monatte…
… Mais il me faut commencer par souligner que cette distinction n’a jamais été formulée à l’époque. C’est moi qui l’opère, et qui la soumets au débat historiographique. Elle s’inspire en partie de Jacques Julliard — un des meilleurs historiens du syndicalisme révolutionnaire, dans une autre vie — qui, dans son Autonomie ouvrière11, évoquait deux types de syndicalistes révolutionnaires : les « ultras » et les « politiques ». Comme Julliard ne proposait pas de définition de ces catégories, je me suis permis de le faire.
Pour moi, la sensibilité « politique » regroupait ces militants issus des vieilles écoles socialistes — blanquiste, allemaniste et anarchiste — dont la coalition avait engendré, entre 1903 et 1906, le syndicalisme révolutionnaire. Mais on y trouvait aussi des militants sans étiquette, purs produits de la CGT. Les « ultras », eux, étaient presque exclusivement des anarchistes ou des jusqu’au-boutistes qualifiés d’« anarchisants » par les modérés. Mais dissipons tout de suite une équivoque : les « politiques » n’étaient pas nécessairement d’habiles stratèges préparant minutieusement des grèves victorieuses, et les « ultras » n’étaient pas nécessairement de brouillons braillards appelant à la grève générale à tout bout de champ. On trouvait, dans chaque sensibilité, de tenaces bâtisseurs de l’organisation ouvrière.
On peut néanmoins noter, chez les « politiques », une prudence que n’avaient pas les « ultras », plus habités par la théorie des minorités agissantes. En appliquant cette catégorisation politiques/ultras aux anarchistes actifs à la CGT, je distingue donc les syndicalistes libertaires et les anarchistes syndicalistes.
Pour schématiser, le syndicaliste libertaire aura tendance — il faut se garder de toute systématisation — à faire prévaloir l’unité ouvrière sur ses propres préférences partisanes et même idéologiques. C’est en cela qu’il est « politique ». Par souci d’unité, il se dit simplement « syndicaliste révolutionnaire », même s’il ne fait pas mystère de ses convictions anarchistes. L’anarchiste syndicaliste, lui, aura tendance à faire prévaloir ses préférences idéologiques et partisanes, parfois au risque d’affaiblir l’unité ouvrière. Et en cela, c’est un « ultra ». Il appartient également au courant syndicaliste révolutionnaire de la CGT, mais n’hésite pas à s’enorgueillir de l’épithète d’anarchiste. Il s’autocensure moins. Il laisse volontiers libre cours à son aversion pour le PS, quitte à provoquer des conflits, voire des scissions, dans la structure syndicale. L’un n’est pas moins libertaire que l’autre. Il est important de le préciser, car si le premier choisit tactiquement de ne pas mettre en avant son étiquette anarchiste, cela ne veut aucunement dire qu’il a renoncé à ses idées. Cela signifie simplement qu’il juge plus conforme à la politique anarchiste de préserver l’unité ouvrière.
Peut-on y voir les prémices de la différenciation entre anarcho-syndicalistes et syndicalistes révolutionnaires ?
Bien qu’appartenant à la même majorité syndicaliste révolutionnaire, ces deux sensibilités anarchistes n’avaient pas tout à fait les mêmes priorités, et pouvaient donc avoir des divergences. Ce fut le cas au congrès d’Amiens, en 1906, sur la question de l’antipatriotisme, et, de façon très violente, dans la polémique sur l’orientation qui déchira la CGT à partir de l’été 1913.
La sensibilité anarchiste syndicaliste portait des positions bien à elles : pour un syndicalisme ouvertement anti-étatiste, pour la rotation du permanentat, pour la limitation du rôle des fédérations au bénéfice des unions régionales… En cela, elle fut bien la matrice du courant anarcho-syndicaliste qui devait voir le jour dans les années 192012, et préférera façonner sa propre centrale syndicale — la CGT-SR en 1926, la CNT-F en 1946 — quitte à ce qu’elle soit squelettique. Un autre courant libertaire fit le choix inverse et, au fil des décennies, militera là où il lui semblera qu’il est le plus utile à la lutte de classes : à la CGT dans les années 1930, à la CGT-FO dans les années 1950, à la CFDT dans les années 1970, à SUD dans les années 1990…
Mais, avant 1914, la question se posait dans un contexte radicalement différent puisqu’il n’y avait qu’une unique confédération syndicale en France, et que tout le monde s’y retrouvait, dont les deux sensibilités libertaires évoquées.
L’époque, c’était aussi La Guerre sociale, ce journal qui mêlait anarchistes, socialistes insurrectionnels et syndicalistes « ultras », sous la houlette de Gustave Hervé. Ce dernier allait virer nationaliste et sera même, en 1919, un des fondateurs du fascisme français, avec son Parti socialiste national. Peut-on y voir le début de ce logiciel « confusionniste », alliant « national » et « social », qui remporte aujourd’hui un succès certain à l’extrême droite ?
En réalité, ce logiciel « socialiste national » existait bien avant Hervé. Il avait marqué un profond mouvement populaire : le boulangisme, entre 1887 et 1889. On le retrouva ensuite dans La Libre Parole d’Edouard Drumont et dans le syndicalisme jaune de Pierre Biétry. L’historien Zeev Sternhell a dit l’essentiel sur cette question13, même s’il en a profité pour écrire de grosses bêtises sur le syndicalisme révolutionnaire14. À partir de 1911, on voit ce logiciel « socialiste national » ressurgir dans Terre libre, le journal d’Emile Janvion. L’antisémitisme était, à l’époque, un élément indissociable de ce logiciel. À ce sujet, il faut noter que Gustave Hervé aura toujours eu l’antisémitisme en horreur (ce qui sera une vraie singularité dans l’extrême droite de l’entre-deux-guerres).
Le problème que l’on a communément avec Hervé, c’est qu’on est tenté de lire ses positions de 1910-1912 à la lumière de sa trajectoire ultérieure : le socialisme réformiste, l’union sacrée, le nationalisme, le proto-fascisme, le pétainisme. Or, il ne faut pas commettre d’erreur de perspective : on ne peut pas prendre l’Histoire à rebours. Le Hervé de 1912 s’explique par celui de 1901, de 1905 et de 1910… pas par celui de 1914, 1919 ou 1940 !
Dans mon livre, je me suis efforcé d’être honnête avec Gustave Hervé. J’ai vraiment cherché à comprendre son évolution. Le directeur de La Guerre sociale n’a en effet nullement attendu 1914 pour réviser ses idées et se faire huer par l’extrême gauche.
C’est dès la fin de 1910 que, par glissements successifs, s’est amorcé un recentrage qui le conduisit, en un peu plus de deux ans, de la gauche antiparlementaire du PS à sa droite « blocarde » — c’est-à-dire partisane du « bloc » électoral avec le Parti radical. Comment l’expliquer ? Jusqu’à preuve du contraire, Hervé n’a jamais été un « vendu ». Toute sa vie, il aura défendu ses propres convictions dans son journal, en toute indépendance. L’ambition personnelle ne l’aura guidé que dans la mesure où il avait un besoin viscéral de provoquer, de parler haut et de n’en faire qu’à sa tête.
Mais il y a un point de départ à son recentrage : sa désillusion vis-à-vis du syndicalisme révolutionnaire. Printemps 1909, première déception : crise de direction à la CGT, puis échec lamentable d’une tentative de grève générale. Automne 1910, seconde déception, très douloureuse : l’échec de la grève des cheminots, qui avait soulevé un immense espoir. Dans les semaines suivantes, Hervé commença à réviser ses idées. C’est la clef de tout. Personnellement, je pense qu’à mesure qu’il a perdu confiance dans l’action autonome du prolétariat, Gustave Hervé a adopté les codes de la politique bourgeoise, de façon de plus en plus assumée et arrogante.
Au printemps 1914, la CGT s’est inquiétée d’une vague d’immigration massive, alors qu’elle peinait déjà à organiser les travailleurs étrangers. Les syndicalistes craignirent des réactions xénophobes dans certaines corporations exposées à la concurrence de la « main d’œuvre étrangère ». Pouvez-vous revenir là-dessus ?
Avant 1914, la CGT avait une activité non négligeable en direction du prolétariat immigré (essentiellement italien, espagnol ou belge). Les fédérations les plus confrontées à la question étaient les mineurs, les métaux et le bâtiment — notamment la corporation des terrassiers, car leur travail, non qualifié, attirait beaucoup les migrants.
Rappelons qu’à l’époque, il n’existait pas de salaire minimum garanti, et que le patronat sous-payait systématiquement les étrangers : parlant mal la langue, privés de droits, vivant avec l’épée de Damoclès d’une expulsion du territoire, ils se défendaient peu. L’enjeu, pour la CGT, était donc de les aider à arracher de meilleures conditions de travail, pour empêcher la baisse générale des salaires.
Les syndicats déployaient tout un répertoire d’actions pour s’adresser aux migrants. Ils pouvaient éditer des publications en langue étrangère, faire venir de l’étranger un orateur syndicaliste pour les aider… Ils pouvaient salarier un militant, pendant une ou plusieurs années, pour aider les migrants à organiser leurs propres syndicats. C’est ce qu’ont fait Boudoux, Alphonse Merrheim et Marius Blanchard, en Lorraine (entre 1905 et 1907), ou Frago et Roueste, sur le littoral méditerranéen (en 1913). Ils allaient de mine en usine, d’usine en chantier, à pied, pour implanter des syndicats. Ils s’adressaient aux milliers d’Italiens et d’Espagnols exploités dans des conditions misérables. Il leur fallait d’abord trouver un interlocuteur parlant français, puis former un premier noyau d’ouvriers désireux d’agir, monter un petit syndicat, enfin lancer une grève, soutenir la répression, le harcèlement des jaunes, tenter de maintenir le syndicat en vie…
Cela ressemble beaucoup à la pratique des organizers développée aux États-Unis depuis les années 1930 (et que Ken Loach a mis en scène dans son film Bread and Roses). En France, la presse bourgeoise les avait surnommés les « gréviculteurs ».
Il y avait également des pratiques, aujourd’hui oubliées, comme la « tournée hivernale », que la Fédération du bâtiment expérimenta en 1912-1913 (en s’inspirant de son homologue allemande) : deux hivers de suite, un propagandiste italophone fut envoyé dans les zones d’émigration de la péninsule, pour sensibiliser les travailleurs à la question sociale avant leur migration printanière. La tâche était ardue : dans certains villages analphabètes et pétris d’obscurantisme, l’émissaire de la CGT était accueilli avec des cailloux ! Il lui fallait payer des tournées au café pour faire passer son discours sur la nécessaire solidarité de classe.
Loin de tout protectionnisme, la CGT avait donc inventé des pratiques internationalistes très concrètes pour lutter avec les travailleurs migrants.
La situation se compliqua à partir du 2e semestre 1913, en raison de l’allongement du service militaire à trois ans, qui mobilisa une classe d’âge supplémentaire à la caserne. Pour compenser cette perte de main d’œuvre, le patronat importa massivement des ouvriers étrangers, encadrés par ce qu’on appelait des mercantis (ou « marchands d’hommes »), chargés de recruter dans les régions pauvres. On n’a évidemment pas de chiffres fiables, mais La Bataille syndicaliste évoqua à l’époque 300 000 immigrés liés à la loi de trois ans (dont 200 000 rien qu’en région parisienne). La nouveauté, c’est que le patronat recruta bien au-delà des traditionnels pays limitrophes : Russes, Arabes, et même Chinois, firent leur apparition.
Pour les cégétistes, c’était un véritable défi : ils avaient déjà du mal à organiser les Espagnols, les Italiens ou les Belges. Avec des immigrés venus de pays non industrialisés, où le syndicalisme était inconnu, de même que la pratique du français, ils se sentirent dépassés. En mars 1914, la CGT désigna une commission d’étude pour plancher sur la question. Ce fut un des débats importants du congrès fédéral du bâtiment, en avril 1914, et il était également inscrit à l’ordre du jour du congrès confédéral de septembre 1914, prévu à Grenoble. L’irruption de la guerre et le retour de centaines de milliers de travailleurs immigrés dans leurs foyers rendit cette question provisoirement obsolète.
En août 1914, quand la guerre éclata avec l’Allemagne, ce fut la « trêve des partis » (bientôt rebaptisée « union sacrée » contre l’ennemi commun). L’idéologie de la défense nationale devait faire des dégâts jusque dans les rangs libertaires. Quelle fut alors l’attitude de la FCA ?
Raconter l’attitude militante de la FCA pendant la Grande Guerre, ce serait amorcer un nouveau livre qui raconterait la désespérance, les reniements, mais aussi la résistance à la guerre et à l’union sacrée, en suivant les personnages de Trop jeunes pour mourir sur la période 1914-1919. Je le ferai peut-être un jour, d’autant qu’il y aurait bien des épisodes épiques à raconter. Je pense par exemple aux réunions secrètes des Amis du Libertaire ; au groupe des terrassiers révolutionnaires de Longjumeau qui constitua un des premiers foyers de contestation de ligne majoritaire de la CGT ; à la controverse qui déchira l’ancienne rédaction des Temps nouveaux ; à l’aventure de l’hebdomadaire pacifiste CQFD, avec un Sébastien Faure louvoyant en permanence pour éviter la censure ; à la conférence de Zimmerwald, à laquelle le militant de la FCA Henri Bécirard fut empêché d’assister par la police ; à l’action avant-gardiste et presque désespérée d’un noyau de militants de la FCA autour de Louis Lecoin ; à la création du Comité de défense syndicaliste (avec Jules Lepetit), pour regrouper les syndicats minoritaires ; au congrès irrégulier de Saint-Étienne qu’ils ont tenu ; à la tentative de grève générale pour la paix en mai 1918 ; à la grève de la métallurgie parisienne en juin 1919…
Il y a là tout un pan de l’histoire du mouvement ouvrier révolutionnaire qui n’a jamais été raconté, même pas par Alfred Rosmer. Un peu parce qu’il n’en a pas eu le temps — il est mort avant de rédiger le tome III de son livre15 —, un peu parce que les anarchistes communistes n’étaient pas vraiment ses amis.
Vous racontez la peur qui s’abattit sur la CGT en juillet 1914 : la crainte du Carnet B, du fossé d’exécution. Raymond Péricat relatera, plus tard, l’ambiance qui régnait au comité confédéral du 28 juillet : « Beaucoup de délégués suent la peur. […] Certaines faces blêmes sont déjà marquées du stigmate du reniement. » Cette peur d’une répression impitoyable explique-t-elle l’inaction de la CGT durant la crise européenne ?
La peur est un élément explicatif, mais il ne faut pas l’isoler de son contexte si on veut comprendre l’attitude des militants de la CGT. Je pense que, fondamentalement, c’est surtout l’idée de faire en vain le sacrifice de sa vie qui les a paralysés. Appeler à la grève générale, si personne ne suivait, à quoi cela servirait-il… hormis à se faire coller au poteau pour trahison nationale ? Entrer dans les livres d’histoire comme martyr de la cause ? Avec un minimum d’empathie, on peut comprendre l’hésitation des militants de la CGT, et éviter de les juger avec une condescendance mal placée.
Comme je le montre dans le livre, les responsables de la CGT étaient d’authentiques révolutionnaires, qui assumaient leurs actes et leurs paroles, jusqu’en prison s’il le fallait. Quand ils prônaient la grève générale en cas de guerre, cela n’avait rien d’une posture rhétorique. Cependant, leur persévérance en la matière n’avait guère été récompensée. Pendant quinze ans, ils avaient fait la propagande de cette idée dans les masses (et ils l’avaient fait avec une ardeur renouvelée à partir de l’été 1911). Cependant, ils ne se racontaient pas d’histoires : ils savaient que seule une avant-garde, au sein de la classe ouvrière, adhérait à cette idée. Cela leur fut confirmé en décembre 1912, pendant le conflit balkanique, avec la grève générale d’avertissement qu’ils organisèrent contre la guerre. Son bilan mitigé ramena à sa juste mesure l’influence réelle de la CGT.
Autre problème, et de taille : l’attitude de la social-démocratie, qui tenait le syndicalisme allemand entre ses mains. Pendant dix ans, les cégétistes avaient demandé que les questions de l’antimilitarisme, de la guerre et de la grève générale soient inscrites à l’ordre du jour des congrès syndicaux internationaux — une demande systématiquement rejetée par leurs homologues allemands.
En juillet 1914, la situation n’était donc pas brillante : la CGT était affaiblie — elle avait sans doute perdu un tiers de ses effectifs depuis trois ans —, elle traversait une crise morale, et sortait à peine d’un an de violentes polémiques internes. Ses dirigeants pensaient qu’elle était, moins qu’en 1912, capable de mobiliser. Et ils avaient la conviction qu’outre-Rhin, les syndicats allemands ne tenteraient nullement de lancer une grève générale dont ils n’avaient jamais voulu discuter.
Simultanément, le gouvernement proférait des menaces de mort explicites : application du Carnet B (cette liste noire des militants à arrêter en cas de guerre), guillotine pour les plus dangereux, camp de concentration ou envoi en première ligne pour les autres…
Tout cela pesa sur les épaules des responsables de la CGT pendant la très brève semaine de crise européenne qui précéda la guerre — un laps de temps trop court pour leur laisser le temps de faire grand-chose. Pas étonnant, dans ces circonstances, qu’ils se soient retranchés derrière une interprétation stricte de la motion du congrès de Marseille (1908) : la grève générale contre la guerre devait partir de la base, la responsabilité ne leur en incombait pas.
Après-guerre, notamment au congrès confédéral de 1919, la question de l’attitude de la CGT en 1914 sera longuement débattue. La minorité révolutionnaire, par la voix de Pierre Monatte et de Jules Lepetit, reconnaîtra elle-même qu’appeler à la grève générale en juillet 1914 n’aurait pas eu de sens. Que l’échec aurait été sanglant. Ce qu’ils reprocheront, en revanche, à Léon Jouhaux et à la majorité de la CGT, c’est d’avoir par la suite versé dans l’union sacrée, la collaboration de classe, et le patriotisme. Ils auraient pu, au pire, s’abstenir de parler, se contenter de faire profil bas en attendant des jours meilleurs. Mais non, au lieu de cela, ils avaient placé la CGT sous la tutelle du gouvernement, participé à l’effort de guerre et au bourrage de crâne, et même refusé d’approuver les timides initiatives pacifistes menées dans les pays neutres. Là était leur vraie faillite, leur véritable trahison, et c’est ce sur quoi la minorité révolutionnaire de la CGT devait refuser de passer l’éponge, après guerre.
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Notes :
Gil Devillard : « Chez Renault, militer dans le groupe Makhno, ce n’était pas de tout repos ! », Gavroche, octobre-décembre 2006. Disponible en ligne sur Alternativelibertaire.org.
Rolf Dupuy et Guy Malouvier : « Chacun de ces mots comptait : organisation ; révolutionnaire ; anarchiste », Alternative libertaire, mai 2008. Disponible en ligne ici.
Patrice Spadoni et Thierry Renard : « Il y avait toute une mythologie qui entourait l’ORA », entretien de 2005, paru dans Théo Rival, Syndicalistes et libertaires. Une histoire de l’Union des travailleurs communistes libertaires (1974-1991), Alternative libertaire, 2013.
Entretien de 2006, qui nourrit la notice biographique parue dans le Maitron des anarchistes, en 2014.
Entretien de 2014, qui a nourri une notice à paraître dans le Maitron-en-ligne.
Au sujet de l’affaire Liabeuf, lire Trop jeunes pour mourir, page 91.
Elles ont depuis été déplacées au 25, rue Baudin, au Pré-Saint-Gervais.
Témoignage anonyme d’« officiers républicains et socialistes » paru dans L’Humanité du 8 juin 1912.
Charles Maurras, « L’armée sans l’État », L’Action française du 11 mars 1912.
La Seine était le département qui, avant 1966, regroupait Paris, les Hauts-de-Seine, le Val-de-Marne et la Seine-Saint-Denis.
Jacques Julliard, Autonomie ouvrière. Études sur le syndicalisme d’action directe, Gallimard-Le Seuil, 1988.
Parler d’anarcho-syndicalisme avant 1922 est un anachronisme.
Zeev Sternhell, La Droite révolutionnaire, 1885-1914. Les origines françaises du fascisme, Le Seuil, 1978.
Sternhell a décelé, dans l’antiparlementarisme du syndicalisme révolutionnaire, un germe de fascisme (!). Or, celui-ci opposait au parlementarisme la démocratie ouvrière directe, nullement un État dictatorial et militarisé… Sternhell ne l’a pas compris, ou a fait semblant de ne pas le comprendre.
Alfred Rosmer, Le Mouvement ouvrier pendant la guerre, tome I, Librairie du travail, 1936 ; tome II, Mouton & Co, 1959.
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Questions de classe(s) : cinq questions à Guillaume Davranche
Le site alternatif d'éducation, de lutte et de pédagogie Questions de Classe(s) a interrogé l'auteur de Trop jeunes pour mourir :
Sur sa méthode de travail ;
sur les personnages marquants de son livre ;
sur la place des femmes dans les années 1910 ;
sur le poids de la presse à l'époque ;
sur le rôle des enseignantes et enseignants dans la résistance antimilitariste...
Un entretien qui nous permet de saluer la parution aux éditions Libertalia (voir le site) d’un ouvrage que nous vous invitons à acquérir au plus vite !
C’est un livre colossal de 544 pages et plus d’un million de signes portant sur la période 1909-1914. D’une grande érudition, mais très accessible. On peut le lire intégralement ou ne se référer qu’à certains thèmes clairement identifiables grâce à un index minutieux. Trop jeunes pour mourir. Ouvriers et révolutionnaires face à la guerre est un événement éditorial (en librairie depuis le 20 novembre). Nous avons souhaité poser quelques questions à son auteur, par ailleurs syndicaliste et militant libertaire.
À noter également que le livre est relayé par un blog "Trop jeunes pour mourir" également animé par Guillaume Davranche et qui vaut bien le détour !
Tu viens de publier Trop jeunes pour mourir, un travail considérable coédité par Libertalia et l’Insomniaque. Mais en cette année 2014, un autre ouvrage auquel tu as largement participé a été publié : le Maitron des anarchistes (éditions de l’Atelier). Quel est le lien entre les deux ? Comment t’es venu l’idée de t’intéresser au mouvement ouvrier et révolutionnaire d’avant-guerre ? Concrètement, combien de temps de travail t’a demandé cet ouvrage et comment as-tu procédé ?
Guillaume Davranche : Le travail sur le livre a précédé celui sur le dictionnaire. Vers 2006, j’avais déjà accumulé des matériaux pour écrire l’histoire de la Fédération communiste anarchiste (FCA) quand, sans voir venir le coup, j’ai été happé par le projet de Dictionnaire biographique du mouvement libertaire français, plus connu sous le nom de Maitron des anarchistes. J’ai mené les deux en parallèle, l’un nourrissant l’autre. Pour le dico, j’ai donc rédigé ou révisé, entre autres, à peu près toutes les notices biographiques de personnages de la période 1909-1914, qu’on retrouve tous dans mon livre. Mais, hormis Anthony Lorry qui soupçonnait quelque chose, mes camarades du Maitron ignoraient que je rédigeais un bouquin en parallèle. Je préférais le taire, ne sachant pas si je parviendrais un jour à achever un tel morceau !
Au total, cela représente environ huit ans de labeur, sur mon temps libre, employant mes périodes de chômage à faire des recherches aux archives de la police, aux Archives nationales ou à la BNF… Je rédigeais le soir, la nuit, ou tôt le matin. Tout cela, au début, sans vraiment de méthode (j’ai œuvré hors du cadre universitaire, auquel je suis étranger). Ce n’est que progressivement que l’architecture du livre s’est élaborée dans mon esprit, au fur et à mesure du défrichage des archives…
En effet, au départ, je ne visais pas autre chose qu’une modeste histoire de la FCA. Mais je me suis vite rendu compte que c’était impossible sans faire, en même temps, une histoire du mouvement syndical sur cette période – ça tombait bien, elle était très mal connue.
Enfin, pour ne pas laisser ces acteurs hors sol, je me suis résolu à élargir encore le champ, en expliquant le contexte belliciste de l’époque. Arrivé à ce stade, je pense que j’étais quelque peu possédé par mon sujet, fasciné par l’univers que je découvrais. Alors, par goût du récit, j’ai fini par truffer le livre d’épisodes connexes – les grandes grèves, les « affaires » Aernoult-Rousset, Ferrer, Bonnot, Bintz, la fondation de La Bataille syndicaliste, l’« excommunication » d’Alphonse Merrheim… – et d’études complémentaires – sur les femmes, sur la « main-d’œuvre étrangère ».
Le résultat final, c’est cet ouvrage un peu baroque, multipliant les entrées de lecture, tout en conservant un fil rouge (la FCA) et une toile de fond homogène (la montée vers la guerre).
Ton livre est illustré et dresse le portrait de nombreux militants. Quelles sont les figures qui t’ont le plus marqué ?
Guillaume Davranche : Il y en a trois sortes. Primo, il y a les militants quasi inconnus que j’ai découverts, comme Thérèse Taugourdeau (une oratrice ouvrière, couturière syndicaliste et militante de la FCA) et Henry Combes (un militant doctrinaire assez désagréable mais qui a su, au bon moment, pousser le mouvement anarchiste à s’émanciper de Gustave Hervé).
Secundo, il y a les gens connus que l’on voit sous un nouveau jour. Louis Lecoin, par exemple, n’avait à l’époque rien du doux apôtre non violent qu’il sera dans les années 1960. C’était une tête brûlée de première, un antimilitariste et révolutionnaire fanatique ! Mais je pense aussi à Pierre Martin, un anarchiste de la vieille école, rugueux prolétaire autodidacte, qui présida au tournant anarchiste-communiste du Libertaire en 1910.
Tertio, il y a des figures auxquelles j’ai consacré un portrait, tant ils me semblaient exprimer quelque chose de leur époque : Gustave Hervé (le directeur de La Guerre sociale), Almereyda (son « lieutenant », créateur des Jeunes Gardes), Georges Yvetot (le champion du courant anarchiste à la CGT), Émile Janvion (eh oui, ce triste sire, mais qui a joué un vrai rôle), Émile Pouget (qui aborde là sa dernière période militante, en tant que chroniqueur syndical à La Guerre sociale).
Quelle était la place des femmes au sein des organisations révolutionnaires ?
Guillaume Davranche : Très réduite ! La société de l’époque était encore plus précaire et patriarcale qu’aujourd’hui, ce qui limitait d’autant l’engagement des femmes. À la double journée de travail – salarié puis domestique – qui constitue toujours un frein aujourd’hui, s’ajoutaient les « convenances » : une femme craignait pour sa réputation si elle se rendait à une réunion d’hommes. Enfin, dans la mentalité commune, la chose publique restait une affaire d’hommes, et peu de femmes osaient s’y aventurer.
Il y avait pourtant des syndicalistes et, parmi elles, si on veut caricaturer, des institutrices socialistes et des couturières anarchistes. On ne possède hélas qu’une information très fragmentaire à leur sujet. La police ne s’intéressait guère aux femmes, et elles sont quasi absentes des rapports de mouchards. Celles qui ont pu être identifiées sont souvent les épouses ou les compagnes de militants connus…
Je cite là un phénomène bien connu des historiens : on a beaucoup plus de mal à cerner les actrices que les acteurs du passé.
Malgré tout, je suis heureux d’avoir mis au jour une structure quasi inconnue : le Comité féminin contre la loi Berry-Millerand, les bagnes militaires et toutes les iniquités sociales, actif en 1912-1913 et animé entre autres par Thérèse Taugourdeau, une couturière de la FCA. C’est un des rares exemples de groupes féminins ouvriers de l’époque, et le livre décrit son action et son originalité.
À l’heure du tout-numérique, pourrais-tu revenir sur le poids et la dynamique de la presse militante de l’époque ?
Guillaume Davranche : C’était un poids considérable. À l’époque, les organisations ne connaissaient pas la mailing-list, certes, mais pas non plus la « circulaire interne ». Tout passait par un canal public, celui la presse, qui drainait toute l’information, les rendez-vous, les petites annonces entre groupes, les débats, les mises en causes, les controverses…
Avant la création de la FCA fin 1910, le mouvement anarchiste était ainsi essentiellement organisé par quatre hebdomadaires : La Guerre sociale, Les Temps nouveaux, Le Libertaire et L’Anarchie. C’était une forme d’organisation non démocratique, puisque ces journaux étaient sous le contrôle privatif de la petite équipe qui les détenait, mais c’était néanmoins une forme d’organisation.
Ce qu’il est important de comprendre, c’est qu’en 1909-1910, le journal qui donnait le la dans le mouvement anarchiste n’était pas à proprement parler anarchiste, puisqu’il s’agissait de La Guerre sociale de Gustave Hervé. Mais avec son professionnalisme, son prestige, ses 50 000 ventes, il marginalisait les titres historiques tels que Les Temps nouveaux et Le Libertaire, qui ne vendaient que 5 000 exemplaires chaque semaine.
En 1911, les militants anarchistes et les dirigeants de la CGT auront à cœur de réduire leur dépendance vis-à-vis de La Guerre sociale, parce qu’ils n’avaient pas confiance en Gustave Hervé. C’est une des raisons du lancement du quotidien La Bataille syndicaliste. Ensuite, en 1912, avec le discrédit d’Hervé, Le Libertaire, devenu l’organe quasi officiel de la FCA, supplantera La Guerre sociale comme porte-voix des anarchistes révolutionnaires. Fin 1913, l’organisation aura en outre rassemblé toute une séries de titres locaux (La Cravache à Reims, Le Combat à Lille, L’Avant-Garde à Lens, La Vrille à Épinal, Germinal à Amiens…) et d’organes de tendance (comme Le Mouvement anarchiste, incarnant la gauche de la FCA, ou Le Réveil anarchiste ouvrier, proche de la direction de la CGT).
Comment s’organisaient politiquement et syndicalement les enseignants et les enseignantes ? On dit souvent que ce sont les hussards noirs de la République qui ont préparé la « revanche » en inculquant des valeurs cocardières et bellicistes aux enfants. Ont-ils quand même eu une place dans les résistances à la guerre qui venait ?
Guillaume Davranche : Certes, pour la grande majorité, c’est vrai, mais il y eut aussi eu une minorité syndicaliste à contre-courant !
En 1905, une Fédération nationale des syndicats d’instituteurs et d’institutrices a été constituée par de jeunes enseignants à l’esprit frondeur, qui publieront bientôt une revue qui entrera dans l’Histoire : L’École émancipée. En 1907, la fédération s’est adossée à la CGT, sans pouvoir y adhérer officiellement : à l’époque, la syndicalisation des fonctionnaires était illégale, quoique tolérée, et les instituteurs évitaient de provoquer les pouvoirs publics.
Cependant, le congrès des syndicats d’instituteurs, les 16 et 17 août 1912 à Chambéry, fit grand bruit en votant la mise en place d’une caisse du Sou du soldat. Très répandu parmi les syndicats révolutionnaires, le Sou du soldat consistait à adresser une aide monétaire aux jeunes syndiqués durant leur service militaire – une façon de maintenir le lien avec leur organisation de classe. Mais le Sou du soldat était très mal vu des pouvoirs publics, qui y voyaient (souvent à juste titre) un moyen de propagande antimilitariste à l’intérieur des casernes. Le Temps se scandalisa donc de voir naître un foyer de désagrégation nationale au cœur de l’Instruction publique, et le gouvernement prononça la dissolution des syndicats d’instituteurs. Certains capitulèrent, d’autres résistèrent et posent des recours en justice. Mais globalement, ils cherchèrent à montrer patte blanche, en récusant l’antipatriotisme dont on les accusait. Cela peut s’expliquer par le fait que chez les instituteurs, de nombreux syndicalistes étaient également encartés au PS.
Néanmoins, leur combativité impressionna plutôt favorablement la direction de la CGT, qui les mit à l’honneur au congrès confédéral du Havre, en septembre 1912 – cela agaça d’ailleurs certains anarchistes qui, par ouvriérisme, ne croyaient guère à la flamme révolutionnaire des fonctionnaires. Pourtant, durant la Grande Guerre, la Fédération des instituteurs sera une des premières, avec celle des Métaux, à relever le drapeau du pacifisme et à s’opposer à l’Union sacrée !
Propos recueillis par Jacques Collin.
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“Un travail absolument nécessaire”

Une chronique de René Berthier dans Le Monde libertaire de février 2017.
Jʼarrive après la bataille pour rendre compte du livre de Guillaume Davranche, Trop jeunes pour mourir, paru en novembre 2014, édité par LʼInsomniaque et Libertalia. Bien entendu aucune excuse nʼest recevable, mais je me console en disant que ce livre restera un ouvrage de référence et quʼun an et quelque de retard nʼest pas bien grave. Il faut dire quʼil fait tout de même 540 pages.
Ce livre arrive à point, même sʼil ne traite que des années 1909-1914, mais ce sont des années clés de lʼhistoire du mouvement ouvrier et anarchiste. Davranche nʼa dʼailleurs pas choisi la facilité car ces cinq années-là ne représentent pas une époque flamboyante et héroïque de lʼhistoire ouvrière mais de recul, quelque chose comme le début de la fin.
Mais cʼétait un travail absolument nécessaire, parce que ces années-là sont peu étudiées : un travail en profondeur permettra dʼéclairer lʼhistoire qui a précédé le déclenchement de la Grande Guerre et de remettre en perspective nombre dʼidées reçues, en particulier celle de la « trahison » du syndicalisme révolutionnaire – une question que jʼavais moi-même ébauchée dans Kropotkine et la Grande Guerre, Les anarchistes, la CGT et la social-démocratie face à la guerre (Éditions du Monde libertaire, 2015),
Trop jeunes pour mourir sʼouvre donc le 25 février 1909 avec lʼélection du réformiste Louis Niel, représentant du Livre, à la direction confédérale de la CGT... à une voix de majorité. Niel sera rapidement « éjecté » car le courant révolutionnaire reste puissant dans la CGT : « Les révolutionnaires qui tiennent tous les postes clefs à la Grange-aux-Belles (1) vont lui mener la vie dure » (p. 13) et il démissionnera rapidement (en mai). Mais les réformistes nʼont pas dit leur dernier mot. L’élection de Niel est le symptôme de deux choses:
a) Les échecs successifs de mouvements de grève violents, notamment à Villeneuve-Saint-Georges en août, qui ont abouti à lʼarrestation de presque tout le bureau confédéral. Niel est donc venu occuper lʼespace laissé vacant par Griffuelhes.
b) La montée progressive et irrépressible du courant réformiste dans la CGT, dont Davranche nous fait revivre dans le détail les affrontements que cela a provoqué dans la CGT, et les enjeux.
Il nous fait en particulier revivre les débats qui ont opposé les « syndicalistes révolutionnaires » et les militants quʼil désigne sous lʼappellation dʼ« anarchistes syndicalistes », une classification que je trouve bien plus pertinente que celle de Jacques Julliard qui distinguait entre « politiques » et « ultras » (p. 16). Plus pertinente parce que la distinction que fait Julliard est plutôt subjective alors que lʼexpression « anarchiste syndicaliste » existait bien à lʼépoque et désignait une tendance bien réelle. Remarquons que Davranche, à juste titre, nʼutilise pas le terme « anarcho-syndicaliste », qui ne désignera un courant à part entière quʼaprès la Révolution russe.
Les trois pages denses consacrées aux « politiques » et aux « ultras » méritent quʼon sʼy arrête car elles tentent de proposer une classification, une « typologie » du mouvement libertaire dʼalors. Lʼintérêt dʼune typologie est de fournir un outil permettant de mieux comprendre les motivations et les projets des militants quʼon classe ainsi – étant entendu qu’il ne faut pas en faire un absolu.
Davranche montre que la CGT a été « pilotée par une coalition de révolutionnaires » qui a fini par constituer un courant à part entière : le syndicalisme révolutionnaire. C’est au sein de ce courant que se trouvent les sensibilités « politique » et « ultra ». Cette sensibilité « politique » serait la plus importante, regroupant blanquistes, allemanistes et anarchistes, « dont la coalition a engendré, entre 1903 et 1906, le syndicalisme révolutionnaire ». Les « ultras » constitueraient l’aile gauche des « politiques », constituée « presque exclusivement des anarchistes ou des syndicalistes jusqu’au-boutistes ».
Cette analyse est à mettre en relation (ou en confrontation) avec celle de deux auteurs sud-africains, Michael Schmidt et Lucien van der Walt, dont le livre, Black Flame, est devenu dans les pays anglo-saxons et en Amérique latine une sorte de « Bible » du plateformisme (peut-être sans que les auteurs l’aient voulu, d’ailleurs). Pour ces auteurs, le mouvement libertaire est constitué de deux courants :le courant insurrectionnel (minoritaire) et l’« anarchisme de masse ». Selon eux, « le syndicalisme révolutionnaire est une variante de l’anarchisme » (2). Mais ils vont plus loin : ceux des syndicalistes révolutionnaires qui récusent la filiation explicite avec l’anarchisme agissent « par ignorance ou par négation tactique de leur lien avec l’anarchisme » (3). Ils précisent même que « le syndicalisme révolutionnaire est par essence une stratégie anarchiste » (4), qu’il est une « stratégie anarchiste de masse et qu’il devrait être compris ainsi, indépendamment de ce que ses partisans soient ou non conscients de sa généalogie anarchiste » (5).
La typologie de Michael Schmidt et Lucien van der Walt, très dogmatique, est donc fondée sur une vision a-historique et idéaliste du mouvement libertaire et syndicaliste révolutionnaire, sur une approche qui amplifie de manière extrême le lien existant entre ces deux courants, ce qui rend en fait impossible de définir avec précision à la fois leurs convergences et leurs différences.
A cette typologie, on peut opposer celle que propose Gaetano Manfredonia dans Anarchisme et changement social (6) qui fournit des issues extrêmement convaincantes aux impasses méthodologiques dans lesquelles les deux auteurs sud-africains se sont engagés. Manfredonia distingue trois types idéaux : le type insurrectionnel, le type syndicaliste et le type éducationniste-réalisateur. L’originalité de son point de vue réside dans le fait qu’il n’enferme pas l’anarchisme dans des cases imperméables les unes aux autres, comme l’avait fait la « Synthèse » de Sébastien Faure : il distingue différents types d’activités (et non de positions idéologiques) propres au mouvement libertaire et qui peuvent évoluer selon que les circonstances exigent un type plutôt qu’un autre. Insurrectionalisme, syndicalisme et éducationnisme-réalisateur ne s’opposent pas, ils peuvent se succéder chronologiquement ou cohabiter dans des proportions variées selon le contexte politique et social – ce que Davranche exprime peut-être en disant que les deux courants qu’il identifie « ne se donnent pas les mêmes priorités » (p. 17), mais « lʼun nʼest pas moins libertaire que lʼautre » : il n’établit pas de cloison entre les différents courants du mouvement entre lesquels il y a « une hostilité déclarée, mais pas de clôture hermétique » (page 211). Cette digression sur les « typologies » montre qu’il y a un réel besoin de compréhension du mouvement libertaire dans sa diversité et une volonté de sortir des cadres hérités des années 1920 – « plateformisme » et « synthèse anarchiste ».
Le sujet qui intéresse Davranche dans Trop jeunes pour mourir est évidemment la manière dont les anarchistes ont tenté de sʼopposer au réformisme et au bellicisme – les deux n’allant pas forcément ensemble, dois-je préciser. Et il veut montrer que les militants de la Fédération communiste anarchiste, qui deviendra en 1913 la Fédération communiste anarchiste révolutionnaire, ont joué un rôle déterminant: « de 1911 à 1914 (...) la FCA aura été parmi les plus intransigeants adversaires de la guerre » (p. 516). Mais la Fédération communiste anarchiste ne sʼest formée quʼen 1912, prenant la suite dʼune organisation créée en novembre 1910 sous le nom de Fédération révolutionnaire communiste : cʼest en quelque sorte la première organisation anarchiste « spécifique » en France.
Pourquoi une apparition aussi tardive? Jusquʼalors, La Guerre sociale de Gustave Hervé (pp. 33-36 et 129-136) constituait un pôle dʼattraction pour les révolutionnaires; titrant à 50.000 exemplaires (contre 5.000 pour le Libertaire), le discours radical et enflammé de cette publication séduisait les militants les plus radicaux. La FCA vint à point pour contrebalancer la démagogie verbeuse de Gustave Hervé et détacha définitivement lʼanarchisme de lʼhervéisme.
Trop jeunes pour mourir développe le tableau détaillé de la résistance à la guerre pendant les cinq années qui ont précédé le désastre. Il centre son travail sur le mouvement anarchiste organisé mais il traite largement du Parti socialiste, de Gustave Hervé et de sa Guerre sociale et naturellement de la CGT. Cependant le lecteur qui chercherait dans ce livre une grande synthèse bien cadrée faite de schémas simplistes sera déçu. Le travail de Davranche est plutôt pointilliste. La période décrite est d’une extraordinaire complexité et le mérite du livre est d’avoir restitué cette complexité mais en rendant l’exposé agréable à lire : on plonge littéralement dans lʼextraordinaire fourmillement de débats et de luttes du mouvement anarchiste et de la CGT. Et surtout, on perçoit cette sorte dʼattirance-répulsion qui caractérisa lʼanarchisme et le syndicalisme révolutionnaire. Davranche nous montre également lʼextrême violence des luttes sociales de lʼépoque et la répression féroce qui les accompagnait.
On trouve dans lʼouvrage de Davranche le portrait de nombreux militants... et militantes, trop peu nombreuses, comme Thérèse Taugourdeau, couturière, militante de la CGT et de la FCA. Sa galerie de portraits fournit une lumière nouvelle sur quelques images d’Épinal du mouvement anarchiste : Louis Lecoin, par exemple, était à lʼépoque une tête brûlée, pas du tout lʼapôtre de la non-violence quʼon connaît. On apprend également lʼexistence dʼun organisme jusquʼalors inconnu: le « Comité féminin contre la loi Berry-Millerand, les bagnes militaires et toutes les iniquités sociales », dont Thérèse Taugourdeau fut la première secrétaire (pp. 326-328).
L’intérêt de Trop jeunes pour mourir est de développer un certain nombre de points qui me paraissent essentiels et souvent très actuels, comme par exemple le débat sur le « fonctionnarisme syndical » (pp. 403 et 460-462). Davranche évoque le cas de la Fédération du Livre, « devenue parangon du réformisme pour avoir maintenu Keufer trente ans à son poste » (p. 460). Une remarque qui reste encore parfaitement actuelle...
Nous avons également un exposé détaillé de la situation du mouvement individualiste (p. 209 sq., 312), du climat délétère qui y règne, expliquant pourquoi « un certain nombre de militants, écœurés par l’individualisme, passent à l’anarchisme révolutionnaire avec armes et bagages » (p. 108). Une nette prise de distance avec l’individualisme (auquel est implicitement assimilé le terrorisme) se fait jour. Jean Grave publie dans Les Temps nouveaux un article impitoyable pour Bonnot (p. 222), à propos duquel E. Armand écrit en 1912 :« Je n’avais pas imaginé que l’illégalisme dût aboutir à cela. »
Davranche tente de mettre en lumière les enjeux et les contradictions qui divisaient le mouvement libertaire sur la stratégie syndicale à mener. Nous sommes à une période charnière de la lutte des classes où la confrontation violente a trouvé ses limites (sauf à mener à la révolution sociale) et où la pratique de la médiation ne s’est pas encore imposée. Par « médiation », j’entends à la fois la négociation et le compromis syndical, et le recours au Parlement pour régler les questions sociales. Cette mutation en cours n’est pas forcément perçue de manière consciente par les militants, mais elle est là, et elle a inévitablement un impact sur eux. Les militants (et dirigeants) les plus réalistes comprennent que la confrontation permanente n’est plus possible. Les défaites successives de la CGT dans les grèves sont pour quelque chose dans ce constat.
Par ailleurs, le mouvement socialiste, qui a longtemps été divisé et pour tout dire incohérent – division et incohérence qui ont largement fait le lit du syndicalisme révolutionnaire – s’est récemment unifié, en 1905, et commence donc à constituer une alternative sérieuse au syndicalisme révolutionnaire. Plutôt que de parler de « politiques » et d’« ultras », on pourrait parler de « réalistes » et de « gauchistes ». Ces deux sensibilités vont connaître une situation d’attraction-répulsion pendant un temps, dont le congrès d’Amiens fournit un bon exemple : la motion qui deviendra la « charte d’Amiens » fut votée par une écrasante majorité des délégués, y compris anarchistes, mais les différents courants libertaires se divisèrent de nouveau sur la motion antimilitariste d’Yvetot : anarchistes-syndicalistes et syndicalistes libertaires s’opposeront sur cette question. Mais la grève générale de 1912, qui constitua en quelque sorte un baroud d’honneur avant le déclenchement de la guerre – et dont il n’y eut aucun équivalent en Allemagne – fut votée à une écrasante majorité, à la grande fureur des réformistes.
Pour terminer, je tiens à dire que la conception du livre, sa maquette, les illustrations, les index qu’elle contient en font un outil remarquable. Et une carte du « Paris ouvrier ».
Un regret cependant : l’absence de référence à Maurizio Antonioli, qui a écrit une étude, récemment rééditée, intitulée Bakounine entre syndicalisme révolutionnaire et anarchisme. Organismes spécifiques et organismes de masse : le débat au début du siècle (1907-1914) (7), qui pourtant s’inscrit parfaitement, par le sujet et la période traités, dans le cadre du travail de Guillaume Davranche. Cette étude, initialement écrite pour le centenaire de la mort de Bakounine (1876) et traduite en français pour le second centenaire de sa naissance (2014), expose dans le détail les débats souvent passionnés qui eurent lieu au sein du mouvement libertaire français et italien sur les liens entre anarchisme et syndicalisme révolutionnaire et sur la question de la filiation entre Bakounine et le syndicalisme révolutionnaire. L’étude montre la « redécouverte » des thèses bakouniniennes sur le syndicalisme, en grande partie grâce à James Guillaume ; elle révèle l’extrême surprise éprouvée par nombre de militants en découvrant que leurs pratiques au sein du mouvement syndical n’était que l’application de ce que le révolutionnaire russe avait décrit. Mais Antonioli montre aussi le rejet progressif, par certains anarchistes, de cet héritage. L’affirmation (évidente selon moi) de Bakounine comme précurseur du syndicalisme révolutionnaire aurait permis à Davranche de citer le révolutionnaire russe au moins une fois dans son ouvrage. Ce qui ne retire absolument rien à l’intérêt considérable du travail effectué par notre camarade d’Alternative libertaire.
René Berthier, juillet-octobre 2016
Maison des fédérations de la CGT.
« Syndicalism is a variant of anarchism » (p. 16). Rappelons qu’en anglais, syndicalim (et en allemand syndikalismus) se traduit par « syndicalisme révolutionnaire ». Le syndicalisme « ordinaire » est le trade unionism.
« … which does not make so explicit a connection, due to ignorance or a tactical denial of the link to anarchism… » (Black Flame p. 16).
Black Flame, p. 16)
Cf. Black Flame : « Syndicalism, in essence, is an anarchist strategy, not a rival to anarchism » (p. 16) ; « Syndicalism was a mass anarchist strategy and should be understood as such, regardless of whether its proponents are aware of its anarchist genealogy » (p. 170).
Editions Atelier de création libertaire, 2007.
Éditions Noir & Rouge, 2014.
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“Un tableau vivant du mouvement ouvrier de cette période”
Une longue chronique par Roger Revuz dans les Cahiers du mouvement ouvrier n°73 (1er trimestre 2017), revue dirigée par Jean-Jacques Marie.

Trop jeunes pour mourir raconte cinq années méconnues du mouvement ouvrier français et plus particulièrement du mouvement libertaire de 1909 à la déclaration de guerre en août 1914.
S’appuyant sur le dépouillement d’archives policières et la presse syndicale et anarchiste de l’époque, Guillaume Davranche dresse un tableau vivant du mouvement ouvrier de cette période. C’est une époque d’intense lutte des classes, qui voit se multiplier les grèves, dont celle des postiers de 1909, qui se termine par une défaite et la radiation de 700 postiers. Elle est suivie d’une vague de sabotages des lignes télégraphiques – Mam’zelle Cisaille entre en action – qui touche cinquante départements, dans le but de contraindre le gouvernement à les réintégrer. En 1910, la CGT mène campagne contre le projet de retraites ouvrières par capitalisation, projet défendu par le Parti socialiste. [...]
Roger Revuz
La suite dans Les Cahiers du mouvement ouvrier n°73 (1er trimestre 2017).
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Sur le syndicalisme révolutionnaire d’avant 1914
Une chronique de Marc Norguez dans Le Travailleur parisien, journal de l’union départementale CGT de Paris.
Ouvrage d’histoire qui nous transporte dans le Paris ouvrier et révolutionnaire durant les six années qui précèdent la grande hécatombe de 1914-1918, Trop jeunes pour mourir, de Guillaume Davranche, est un livre de plaisirs. Plaisir à lire un texte clair, alerte, plaisir d’apprendre à chaque page, de découvrir, de comprendre.
Ce n’est pas un livre sur la CGT, bien que celle-ci soit omniprésente et ouvre le récit avec l’élection difficile, le 24 février 1909, d’un nouveau secrétaire général en remplacement du révolutionnaire Victor Griffuelhes. C’est le réformiste Louis Niel qui sera élu pour trois mois seulement. Il démissionnera après avoir reçu un blâme du comité confédéral…
Il était, au départ, prévu de relater les combats des libertaires, anarchistes et syndicalistes révolutionnaires. Mais l’auteur a dû élargir son propos, notamment à cause de leur implication dans la CGT, « leur seconde famille ». « Libertaires » est une appellation très large qui recouvre celles et ceux qui combattent le système capitaliste et l’autorité. Révolutionnaires, ils ne se satisfont pas du cadre parlementaire. Beaucoup se revendiquent du communisme à l’opposé du collectivisme qui nierait les individus. Certains sont des individualistes revendiqués, d’autres des anarchistes de conviction gardiens de la doctrine.
Ces groupes et militants constituent l’extrême gauche comparable par beaucoup d’aspects à ceux de Mai 68 : le refus de l’autorité, la volonté de modes de vie libérés de contraintes aliénantes.
A la différence essentielle donc qu’à cette période, les syndicalistes révolutionnaires dirigent la CGT. Ils ne la dirigent pas seuls. Les réformistes assumés leur disputent le terrain et les débats sont vifs.
Courage et sincérité
C’est une période très dense que les lecteurs de ce livre vont traverser, avec des grèves très dures qui n’aboutiront pas et entraîneront une forte répression et des centaines de révocations.
Un temps de mobilisations internationales très fortes avec les manifestations pour Francisco Ferrer, notamment, dont celle du 13 octobre 1909, qui donnera lieu aux affrontements les plus violents depuis la Commune. En réaction, les socialistes organiseront la première manifestation pacifique avec un service d’ordre composé de députés et d’élus, mais aussi des anarchistes : les « hommes de confiance ».
L’antimilitarisme est une composante de l’identité de la CGT ; certains pratiqueront l’antipatriotisme. La CGT et ses militants sont contre la loi des trois ans de service militaire, le colonialisme, l’impérialisme, la « revanche » et la course à la guerre. Elle mène campagne contre les bagnes militaires, les exactions de l’armée.
La presse est centrale. Un titre est la colonne vertébrale du récit : La Guerre sociale de Gustave Hervé. La CGT lance un quotidien : La Bataille syndicaliste, et Pierre Monatte commence à publier La Vie ouvrière. Dans de nombreux titres, on sera surpris de la violence des échanges.
Ce qui frappe est l’actualité des idées que les hommes – les femmes sont peu représentées – développent. Enfin, ce qui doit nous rendre modestes, au moins, est le courage de ces militants, la sincérité de leur engagement.
Marc Norguez
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En janvier 1913, la FCA organise une campagne sur le “droit d’asile” pour sauver la tête de certains inculpés du procès de la bande à Bonnot : Jourdan, Godoreski, Reinert et Gauzy, accusés d’avoir hébergé les bandits.
Pour annoncer le meeting du 1er février, trois automobiles sillonnent la capitale en exhibant de grandes affiches « Droit d’asile » et répandent ce tract. La police les intercepte. Quatre militants de la FCA sont placés en garde à vue.
Parmi les orateurs annoncés, deux responsables de la CGT (Jules Le Guerry et Georges Dumoulin), l’économiste Francis Delaisi, le célèbre Sébastien Faure, ainsi que Pierre Martin et Eugène Jacquemin, de la FCA.
Avec seulement 600 à 800 personnes dans la salle, moitié moins qu’espéré, le meeting sera décevant pour la FCA.
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La CGT... dans vingt ans !
Un patron dépité, devant un groupe d’ouvriers méprisants : “Quoi! Quoi!... Est-ce que tu te f... de nous? C’est avec un certificat pareil que tu nous demandes une place de patron?... Faudrait d’abord nous dire pourquoi tes ouvriers t’ont renvoyé de ta dernière boîte !”
Une caricature de Joseph Hémard, probablement vers 1906-1908.
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