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Exposés en 2016 au MuDA, Museum of Digital Art de Zürich, les graphistes suisses Andreas Gysin et Sidi Vanetti proposent avec Sei Lettere une installation urbaine, visuelle et sonore, tant humoristique que fascinante. Elle utilise six volets, comme ceux du panneau d’affichage des horaires de la gare de Zürich (avec lequel Gysin et Vanetti ont également travaillé, sur Zürich HB Flap), qui affichent l’un après l’autre les 2935 mots de six lettres du dictionnaire italien –les deux artistes étant tessinois. Pour passer d’un mot à l’autre, l’oeuvre est programmée de manière à produire le monde effort, en ne changeant si possible qu’une lettre, comme on le voit bien sur la vidéo. Cet enchaînement est possible grâce à un algorithme proche du problème du voyageur de commerce ("travelling salesman algorithm") – un problème d’optimisation qui donne à un voyageur une liste de villes et de distance entre toutes les paires de villes, et vise à déterminer le chemin le plus court qui passerait par toutes les villes en un seul trajet et revienne à la ville de départ. L’enchaînement des 2935 mots n’est donc pas aléatoire du tout.
Ce qui est intéressant c'est l’effet que l’oeuvre, très simple (simple dans son attirail mais pas dans son algorithme), a sur le spectateur. A force de contemplation, il participe à l’enchaînement de mots, essayant de deviner quel mot sera le suivant... Sei Lettere devient presque un jeu, n’étant d’ailleurs pas sans rappeler le jeu (en italien, encore) Passa Parola, dans lequel le joueur doit trouver le plus de mots possibles à partir de 10 lettres données au hasard, ou plus connu le Scrabble. C’est en bref l’effet participatif de Sei Lettere qui me plaît. En plus, c’est assez amusant de voir un mot passer à un autre, de sens parfois totalement éloignés, en changeant juste une lettre.
Etant moi-même italophone, je pense que cette installation est moins intéressante pour ceux qui ne comprennent pas l’italien, mais elle reste selon moi captivante. En plus, Sei Lettere interagit avec nos sens auditifs, créant à chaque transition un bruit, donnant un rythme aléatoire dû au roulement des lettres parfois plus rapide que d’autres.
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Les architectes suisses Fabio Gramazio et Matthias Kohler mêlent le potentiel de la technologie informatique à la construction dans leurs travaux. Leurs recherches portent sur les techniques de fabrication numérique, des structures aux matériaux, à différentes échelles. Leur installation Sisyphus (créée spécialement pour l’exposition Gramazio Kohler au MuDa de Zürich en 2017) témoigne de cet intérêt pour la matière en soi autant que pour ce que les technologies peuvent apporter à celle-ci. L’oeuvre est un robot, suspendu par trois poulies commandées par des moteurs, qui plane au-dessus du sol en y déposant du sable, à partir d’un réservoir. Il crée ainsi des formes et volumes abstraits et doux, comme des collines, des paysages de sable, sans cesse renouvelés, le robot étant en perpétuel mouvement. Lorsque le réservoir est complètement vidé, le robot ramasse tout le sable du sol et l’oeuvre recommence à zéro, tout est recréé à nouveau, dans un cycle de construction et déconstruction.

L’installation, hormis la poésie qu’elle dégage et son aspect actif qui la rend fascinante à observer, est à mon sens intéressante car elle renvoie directement au monde dans lequel nous vivons aujourd'hui et à son architecture: construction, déconstruction, reconstruction, déconstruction, etc sont des processus qui qualifient autant Sisyphus que le fonctionnement de nos villes aujourd'hui. En effet, on n’arrête pas de construire, déconstruire, reconstruire, notre monde étant en perpétuel changement, les villes en construction, les bâtiments, nouvelles structures affluant. Le fait que des architectes créent une oeuvre telle que celle-ci est notable.
Le travail de Gramazio Kohler, de manière générale, montre que les technologies touchent de plus en plus de domaines, comme l’architecture, ce qui offre de nouvelles perspectives, une multitude de nouvelles possibilités dans le monde de la construction.

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Le miroir est l’élément central dans une série des œuvres du designer d’interaction Daniel Rozin, intitulée Mechanical Mirrors. Ayant fait des études de design industriel, on comprend son intérêt de mêler les technologies à des objets industriels du quotidien tels que le miroir. Dans cette série, Rozin crée plusieurs “miroirs” en grand format, en différents matériaux, qui répondent au spectateur de la même manière qu’un miroir traditionnel: toute personne se tenant devant l’un de ces miroirs voit instantanément son reflet s’afficher sur la surface de l’œuvre. Avec Wooden Mirror, une des pièces de sa série, il utilise le bois comme matière première. La pièce, composée de 830 carrés de bois, affiche à l’aide d’une caméra et de moteurs la personne se tenant en face du miroir en bois, en faisant varier l’inclinaison de chaque carré par rapport à la source lumineuse, créant ainsi différents tons de couleur. Ainsi, les différentes zones, certaines plus claires, d’autres plus ombragées, créent la forme de notre reflet tout en produisant un son doux et relaxant produit par les pièces de bois.
Les nombreux carrés de bois sont comme des pixels, non plus digitaux mais physiques, et c’est en cela que Wooden Mirror est une œuvre indubitablement actuelle, bien qu’initialement créée en 1999, puisque la problématique du portrait en pixels concerne particulièrement les générations du 21ème siècle, à l’ère des smartphones (et autres écrans), des selfies, des portraits/autoportraits numériques. Wooden Mirror pose des questions sur la manière dont on se voit, sachant qu’à notre époque ce n’est plus tant sur papier photo que l’on voit nos portraits mais sur les pixels de notre téléphone ou ordinateur. Wooden Mirror illustre à merveille le contraste entre digital et physique. De plus, le grand format de l’œuvre place le visage du visiteur en position d’œuvre en soi, et l’on peut mettre l’œuvre en parallèle avec les affiches publicitaires de nos villes, de par son aspect éphémère et son format, car les affiches sont de plus en plus remplacées par des panneaux publicitaires digitaux. Pourtant ce n’est pas, à priori, une œuvre moralisatrice mais bien amusante, grâce à son aspect interactif qui réjouit toujours les visiteurs.
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