Mon nom est Véronique Pascal, je suis un humain de la planète Terre. Je vais écrire ici des petites quantités de mots pour avaler le réel.
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Micro-dose 27 - Grogner.
Je me lève le matin en grognant. Je ne sais même pas exactement pourquoi : je grogne, je chiale dans ma tête à propos de tout et de rien. J'ai toujours été comme ça, grognonne : c'est pas tant que je trouve que ma vie est un enfer ou que je pense réellement que les choses devraient se passer autrement pour moi. Non, non. Pas tant. Je me trouve globalement bien chanceuse, en fait. Y'a beaucoup de choses enviables dans ma vie : les choses moins enviables, c'est rien pour en écrire un texte. Le fameux 'Quand on se compare, on se console' a été intégré à ma vie. Je sais que je suis chanceuse, et quand je me couche le soir, je suis le plus souvent ben contente de mes journées.
Alors pourquoi je me lève le matin en grognant ? Aucune idée. Sans doute, si je commençais toutes mes journées en méditant, bien zen ... ce serait différent. Ou si je me levais à l'aube ... ou en nature ... toutes ces possibilités, pour changer une chose qui au final, n'est pas tellement importante. Je lis le journal : je grogne. Je bois mon café en voyant la vaisselle dans le lavabo : je grogne. Je lésine à me mettre au travail, je brette en grognant. Et pourtant, j'aime mon travail. Je l'adore, j'ai l'impression que tout est possible dans ce travail !
Non, non. Je suis ainsi faite, et même si je tente de mettre toutes les chances de mon côté pour que la vie soit plus douce, je grogne quand même.
J'ai juste envie de réaffirmer que ce n'est pas la fin du monde. Souvent, ma pensée est ennuagée par ces pensées-là. Mais je sais que je ne suis pas ces pensées, que je ne pense pas vraiment, même, ces choses qui me traversent. Grogner n'est pas une défaite : c'est comme une mise au monde à quelque part. Quand on grogne, on s'extirpe du cours des choses pour lever le doigt.
Je comprends qu'il vaut mieux 'penser positif' mais ces idées de croissance personnelle m'étouffent. Je tâche de me maintenir dans un espace mental honnête et cette honnêteté a un prix, celui de me faire grogner des fois. Je voudrais me lever comme une fleur, ne pas penser à la journée qui m'attend, aux choses que je dois faire. Au passé, à l'avenir. Je voudrais être juste dans le moment présent, comme une petite pierre emportée par le flot de la rivière. Mais cet état n'est pas permanent. Parfois j'y touche.
Il y a un ouragan en moi, j'ai le monde qui me spinne dans le ventre, et une sensibilité accrue pour l'injustice et le troublant. Je ne reste jamais là, assise devant le troublant à ne rien faire. Je m'active, je me retrousse les manches, je donne de mon temps, je bosse sur mes affaires.
Mais je grogne. Ça peut prendre plusieurs heures, plusieurs jours même avant que le brouillard se dissipe. Et quand ça se dissipe, ça fait du bien ... mais ça revient.
J'abdique. Je serai ainsi. C'est tout.
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Micro-dose 26 - Dormir.
Depuis quelques temps je dors mal, ce sont des cycles. Ça va, ça vient.
Je vais dormir une nuit de 12h et le lendemain, peiner à tomber endormie.
Les confinements se suivent et se ressemblent pour ça : le sommeil, qui était déjà un enjeu, est devenu pire.
Aujourd'hui certains assouplissements arrivent mais je suis indifférente.
J'espère autre chose dans mon journal du matin. Comme la semaine dernière j'espérais quelque chose de mes mails. Je souhaite être sublimée par quelque chose.
Encore prise dans ce piège de chercher hors de moi, je me garoche sur les seules communications qui se rendent à moi, en manque. Je cherche une main tendue vers moi, mais cette main ne vient pas.
J'ai toujours eu du mal avec l'après-Noël. Cette année ne fait pas exception.
Comment trouver en soi un courage qui ne soit pas fatigué, en ce moment ? Toutes mes bravoures sont rouillées. Tous mes muscles tirent.
Et : si je mettais mes activités théâtrales sur pause, est-ce que je me sentirais mieux ?
Et : si je fermais les yeux sur ce qui se trame dans le monde, est-ce que je me sentirais mieux ?
Et : comment on fait ? Pour combattre le spleen, quand on s'entraîne déjà à tous les jours, que l'on prend l'air, que l'on cuisine, fait le ménage ? Celleux qui me disent de prendre soin de moi, je les emmerde.
Je flotte depuis des semaines. Je n'ai envie de rien. Juste me coucher en boule et dormir, longtemps.
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Micro-dose 25 - Croire.
Curieusement, je ne me suis jamais posé de question à propos du sens que devaient avoir ma vie : j'ai toujours eu de l'énergie, j'ai toujours eu la foi. Foncer sans trop réfléchir, ça, c'est bien moi, ouvrir les 4 ronds du four en même temps dans un moment de désespoir, et se retrouver, quelques mois plus tard, à en avoir trop dans mon assiette : un bon résumé de mon existence.
J'ai toujours su que je devais être devant les gens, prendre parole, d'une manière ou d'une autre. La parole créative me sied mieux que les autres paroles, les paroles éducatives ou corporatives finissent toujours par m'assécher. La répétition m'ennuie, l'autopromotion me suce.
Ma vie d'adulte, je réalise, a été faite de moments de creux suivis de trop pleins. L'équilibre fût rare, mais dans mon cerveau l'équilibre c'était pour les faibles. Je me suis habituée à ce rythme de débile, à cette vie faite de hauts et de bas. Mon tempérament a été entièrement forgé - possiblement érodé - par ces vagues, et je me suis laissée porter, longtemps, longtemps. Le plus longtemps possible. J'avais confiance.
Ce qui est particulier depuis les derniers deuils que j'ai eu à avaler, c'est que depuis ma foi n'est plus pareille. Je suis encore troublée, ébranlée par ce que j'ai vu. C'est tout un monde de souffrances et d'étrangetés qui s'est ouvert devant mes yeux. Nous ne mourrons pas quand notre âme le décide : nous mourrons quand la mort arrive. Et si les bonnes habitudes de vie peuvent aider, elles n'empêcheront pas une personne de partir subitement alors que personne ne s'y attendait.
Pour l'avoir vue de près, la mort, je peux dire qu'elle a une odeur, et que toutes nos métaphores ne peuvent la renverser quand elle se pointe. Par exemple, 'bien se battre' pour vivre, c'est une manière de dire qui me pue au nez maintenant. Une personne qui agonise ne se bat pas : elle semble être plutôt dans un acte de stabilisation d'elle-même. Les morts que j'ai vues ont été fulgurantes, il n'y avait que très peu de place pour la bataille : il n'y avait que la résignation.
Il y a aussi que nous plaçons notre condition de vivants, comme un absolu. 'Profiter de la vie' est aussi une locution qui me perturbe. Les gens qui sont dans la rue, malades ou lourdement handicapés échappent au 'profit'. Bien sûr, la vie est ce qu'elle est, parfois une rivière incessante de joies et de fêtes, mais rien n'indique que la mort n'est pas plus agréable. Les maux du corps, les complexités incessantes du quotidien, les échecs : la vie est aussi ce qui pèse, ce qui heurte. Et certain.e.s sont en vie mais n'en 'profiteront' jamais.
Je réalise que ma foi s'est transformée. Moi qui ai passé des pans entiers de ma vie à dévorer la section self-help des librairies, je ne suis plus capable d'avaler la bullshit de certains gourous de la psychopop.
Par contre, l'intuition est plus grande, et nécessite plus de calme pour se faire entendre. Au risque d'avoir l'air cinglée, depuis quelques années, j'entends certains messages, je vois clair à travers les êtres et les situations. De ce fait, je dois prendre du recul, aller marcher en forêt, être seule plus souvent. Certain.e.s appelleraient cela de la sorcellerie. J'ai envie de dire : peut-être. Je savais que ma mère ne guérirait pas quand elle nous a annoncé sa maladie. Je sais quand deux personnes vont se séparer. Je ressens très fort, comme des faits, certains secrets que l'on tente de me cacher. Posséder ces informations, curieusement, me redonne foi. Comme si ma présence avait un sens. Cette 'sorcellerie' me réconcilie.
Cette nouvelle spiritualité ramène ma foi, qui était tournée vers l'extérieur, vers mon être. Elle m'ancre bien plus que n'importe quel désir que j'aurais d'être vue. Pour en arriver à être encore plus puissante, je voudrais en finir avec mon vieux désir paradoxal d'être vue, d'être élue. Ma belle - et commune - blessure.
Cette phrase de Thom Yorke m'est apparue hier et mon coeur s'est réchauffé : 'I want to be alone and I want people to notice me - both at the same time'. Oui, Thom, tout le temps. Je pense pas être seule à adhérer. À chaque fois que je me terre dans l'ombre je meurs un peu. À chaque fois que je me replace dans la lumière, je souhaite retourner chez moi et être seule.
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Micro-dose 24 - Prier.
Je suis déracinée, embrouillée, écartelée de moi-même à cause du vaccin.
Les deux premières doses avaient bien été, presque aucun effet secondaire, mais c'était en mai et en juillet.
Je commence à me poser de sérieuses questions sur cette obstination, cette ruée vers l'Eldorado de la vaccination.
En mai et en juillet, je n'ai pas bronché, j'y suis allée comme on va voter. Mais dernièrement un doute s'est immiscé, confirmé par certains articles que j'ai lu dans les journaux dernièrement. Le vaccin n'est pas efficace à 95% contre Omicron, plutôt de l'ordre du 40%. Et en plus, on sait que son efficacité baisse avec le temps. Cette troisième dose me reste en travers du corps et de la gorge. Je l'ai sentie dès qu'on me l'a mise dans le bras, ç'a pincé puis l'arrière de ma nuque s'est raidie. Depuis j'ai des maux de tête et des nausées. Je réalise que nous nous enlignons vers des doses de rappel aux 6 mois, aux ans. Cela m'inquiète. Voyant les gens en lignes bien droites, au palais des congrès, obéissants, près à se faire shooter ça docilement, il m'a pris une inquiétude sournoise, profonde : nous on marche au pas, et les milliardaires du Big Pharma sont morts de rire. Combien de temps va durer ce cirque ? Combien de mois encore ?
Je sais bien qu'une pandémie a sa propre durée et que personne ne peut prédire l'avenir. Il m'apparaît évident en ce moment que tout tient avec du scotch tape. Je ne peux me réjouir durablement de rien. Alors je mets de l'argent de côté et j'espère, j'espère une suite qui se peut, une suite dans laquelle on pourra gérer d'autres problèmes, d'autres problèmes !
S'il y a une force qui nous dirige, qui nous guide, une intentionnalité justement, quelque chose qui tend vers la beauté ... il faut que cette pandémie cesse. Il faut que cela arrête. La planète va mal, les humains ont mal, ce virus prend toute la place.
...
Je fais donc une prière aujourd'hui, à toutes les forces en présence, partout, dans ce monde ou ailleurs.
Je suis rendue là !
Forces - Anges - Dieux, énergies et whatever.
Je crois que les leçons que nous pouvions tirer de cette maladie sont tirées. Merci des apprentissages, de nous mettre face à l'impermanence, à l'acceptation ce qui est ... merci !
Maintenant, on a d'autres chats à fouetter. On est sur le bord d'une 3e guerre mondiale, on a des problèmes environnementaux importants, des problèmes humains inquiétants.
Forces - Anges - Dieux, énergies et whatever.
Ça suffit de nous montrer le laid, le laid, le laid.
C'était un beau grand soufflet, une belle grande claque.
Maintenant, autre chose. L'entraide, la résilience, la compassion. S'aider à construire mieux, avec mieux.
Je demande que ça arrête. Que ça se dissipe, que ça cesse.
Je demande un long sursis et je prie pour que tout cela nous donne un levier pour attaquer d'autres enjeux plus pressants. Il faut que le virus arrête son tour de piste : il nous faut aller de l'avant.
...
Aujourd'hui, je vais prendre ça mollo, comme dirait le PM. Encore une fois.
Je ne suis pas dans la plus grande forme pour créer, c'est ainsi. Je dois ménager mon énergie.
Mes pensées vont-viennent, je les partage ici, je m'efforce de les ordonner.
Hier, j'ai fait de l'insomnie, j'oscillais entre aller très bien, comme un boulet de canon d'énergie ... et aller mollo (!). Les idées comme des décharges électriques dans le cerveau.
J'ai comme cette impression que je dois tout donner à mon show, et oublier tout le reste. Faire beaucoup avec peu, avec pratiquement rien. Insuffler à notre projet tout ce que je peux d'inspiration. Me concentrer.
Je n'ai pas la force de jongler en ce moment entre plusieurs projets, comme je l'ai tellement fait dans le passé. Je suis troublée par ce qui se passe et par comment je réagis à ce qui se passe. Barouettée. Pitchée. Garochée. Le coeur percé, l'énergie qui coule par les fentes. J'essaie de retrouver mon souffle. De me donner du souffle.
En yoga, en pranayama, on dit que contrôler le souffle, c'est contrôler la pensée. Le tsunami que provoque le yoyo des changements constants des derniers mois fait en sorte que ces excellents trucs ne fonctionnent plus sur moi. C'est bête. Je me sens vraiment comme un hamster qui tourne en rond, comme un chat qui se court après la queue.
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Micro-dose 23 - Disparaître.
Les mois de janvier sont toujours des mois longs et méditatifs. Celui-ci n'échappe pas à la règle, au contraire.
À la question de Solène Paré qui demandait 'Où vont les artistes lorsqu'iels meurent ?', je tente un début de réponse. Voici en quoi j'ose croire, suivez-moi jusqu'à la fin s'il-vous-plaît.
Les artistes qui se meurent disparaissent de notre vue.
Iels se taisent et tentent de respirer sans gêne.
Iels vont à l'épicerie acheter un pain qu'iels ne mangeront que par petite bouchée.
Iels se demandent s'iels ne doivent pas tuer la part d'artiste en elleux, pour laisser les autres parts émerger.
Vivre autrement.
Travailler dans un café sans avoir envie d'être ailleurs.
Planter des arbres.
S'occuper de vieillards.
Faire de la soupe.
Fermer ses réseaux pour de bon, et la télévision.
Iels oscillent entre crier et se taire.
Iels parlent peu, mais n'en pensent pas moins.
Les oeuvres qui meurent et celles qui ne naissent pas, elles n'ont nulle part où aller.
Ces idées mortes nées restent prises dans les limbes, dans les êtres qui les portaient, on les met dans un plat Tupperwear, on les garde au frigo pour ne pas les jeter tout de suite. On espère.
Mais on sait que les idées ne sont pas éternelles : ça passe date comme un yogourt, comme un flirt, une idée c'est comme un orage : il faut que ça arrive, il faut que ça pète.
Quand un artiste décide de vider un Tupperwear dans la toilette, il se meurt un peu plus.
Sur la mort et les départs, une finale en douceur :
Les artistes qui meurent, je crois qu'iels vont à la même place que les autres, toutefois, comme la beauté est la seule preuve tangible que l'univers a une intentionnalité ... iels doivent y contribuer. L'art et les fleurs possèdent le même mystère étrange et servent un même objectif : nous rappeler le sens. Les artistes qui meurent créent ailleurs, dans ce monde ou autrement.
Je sais que les salles ouvrent le 7 février, mais le coeur est fatigué, le coeur sur la main, comme celui des vieux, rêve de casse-têtes et de soleils simples.
Ce qui est essentiel, selon moi, c'est la reconnaissance de ce que nous sommes et de notre parole : un groupe qui contribue à tous les égards, mais qui n'en finit plus d'être oubliés. C'est au delà de la santé mentale des Québécois, l'art ne sert pas à 'se donner du lousse'. L'art est essentiel en soi, comme la beauté, comme l'église pour les pieux : l'art en cette ère où la seule manière d'aller à la rencontre d'un autre est d'avoir à acheter un objet ... est une réponse.
...
La mort me poursuit ces jours-ci. J'y pense souvent, tout le temps. Quand je traverse une rue, quand je descends un escalier, quand j'ai mal à la tête. La mort me suit.
Mon énergie est basse et j'ai du mal à la faire se relever. Mon coeur est en miettes, encore et encore. Les annonces de réouverture me font replonger dans mes blessures ouvertes. Le sentiment d'injustice qui me poursuit ne se calme pas. Je me rends compte que nous avons tout perdu, mais pour aucune raison valable. Il s'agit d'un peu d'huile sur le feu et ce même gouvernement qui disait il y a une semaine que rien n'était possible change son fusil d'épaule. Après le carnage et la rigidité, on ouvre les valves, jusqu'à ce que la prochaine crise arrive, et là, on refera pareil. Même gouvernement, mêmes tactiques.
Je suis allée au Santropol pour donner du temps, cela m'a fait sentir utile. Mais la tête me spinnait d'idées, j'avais du mal à juste couper mon persil tranquillement. Je ne trouve pas le calme, le repos. Je ne retrouve pas la foi, ou du moins, pas de manière durable. J'aimerais croire qu'aller au resto ou voir un show va tout changer, mais la vérité c'est que non, c'est pas exactement de ça que j'aurais besoin.
Ce que j'ai besoin est inaccessible, du moins, en ce moment. Ça pourrait être mieux, ça pourrait être pire.
Je rêve de me réinventer au complet. Le courage me manque. Tous les courages me manquent.
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Micro-dose 23 - Disparaître.
Les mois de janvier sont toujours des mois longs et méditatifs. Celui-ci n'échappe pas à la règle, au contraire.
À la question de Solène Paré qui demandait 'Où vont les artistes lorsqu'iels meurent ?', je tente un début de réponse. Voici en quoi j'ose croire, suivez-moi jusqu'à la fin s'il-vous-plaît.
Les artistes qui se meurent disparaissent de notre vue.
Iels se taisent et tentent de respirer sans gêne.
Iels vont à l'épicerie acheter un pain qu'iels ne mangeront que par petite bouchée.
Iels se demandent s'iels ne doivent pas tuer la part d'artiste en elleux, pour laisser les autres parts émerger.
Vivre autrement.
Travailler dans un café sans avoir envie d'être ailleurs.
Planter des arbres.
S'occuper de vieillards.
Faire de la soupe.
Fermer ses réseaux pour de bon, et la télévision.
Iels oscillent entre crier et se taire.
Iels parlent peu, mais n'en pensent pas moins.
Les oeuvres qui meurent et celles qui ne naissent pas, elles n'ont nulle part où aller.
Ces idées mortes nées restent prises dans les limbes, dans les êtres qui les portaient, on les met dans un plat Tupperwear, on les garde au frigo pour ne pas les jeter tout de suite. On espère.
Mais on sait que les idées ne sont pas éternelles : ça passe date comme un yogourt, comme un flirt, une idée c'est comme un orage : il faut que ça arrive, il faut que ça pète.
Quand un artiste décide de vider un Tupperwear dans la toilette, il se meurt un peu plus.
Sur la mort et les départs, une finale en douceur :
Les artistes qui meurent, je crois qu'iels vont à la même place que les autres, toutefois, comme la beauté est la seule preuve tangible que l'univers a une intentionnalité ... iels doivent y contribuer. L'art et les fleurs possèdent le même mystère étrange et servent un même objectif : nous rappeler le sens. Les artistes qui meurent créent ailleurs, dans ce monde ou autrement.
Je sais que les salles ouvrent le 7 février, mais le coeur est fatigué, le coeur sur la main, comme celui des vieux, rêve de casse-têtes et de soleils simples.
Ce qui est essentiel, selon moi, c'est la reconnaissance de ce que nous sommes et de notre parole : un groupe qui contribue à tous les égards, mais qui n'en finit plus d'être oubliés. C'est au delà de la santé mentale des Québécois, l'art ne sert pas à 'se donner du lousse'. L'art est essentiel en soi, comme la beauté, comme l'église pour les pieux : l'art en cette ère où la seule manière d'aller à la rencontre d'un autre est d'avoir à acheter un objet ... est une réponse.
...
La mort me poursuit ces jours-ci. J'y pense souvent, tout le temps. Quand je traverse une rue, quand je descends un escalier, quand j'ai mal à la tête. La mort me suit.
Mon énergie est basse et j'ai du mal à la faire se relever. Mon coeur est en miettes, encore et encore. Les annonces de réouverture me font replonger dans mes blessures ouvertes. Le sentiment d'injustice qui me poursuit ne se calme pas. Je me rends compte que nous avons tout perdu, mais pour aucune raison valable. Il s'agit d'un peu d'huile sur le feu et ce même gouvernement qui disait il y a une semaine que rien n'était possible change son fusil d'épaule. Après le carnage et la rigidité, on ouvre les valves, jusqu'à ce que la prochaine crise arrive, et là, on refera pareil. Même gouvernement, mêmes tactiques.
Je suis allée au Santropol pour donner du temps, cela m'a fait sentir utile. Mais la tête me spinnait d'idées, j'avais du mal à juste couper mon persil tranquillement. Je ne trouve pas le calme, le repos. Je ne retrouve pas la foi, ou du moins, pas de manière durable. J'aimerais croire qu'aller au resto ou voir un show va tout changer, mais la vérité c'est que non, c'est pas exactement de ça que j'aurais besoin.
Ce que j'ai besoin est inaccessible, du moins, en ce moment. Ça pourrait être mieux, ça pourrait être pire.
Je rêve de me réinventer au complet. Le courage me manque. Tous les courages me manquent.
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Micro-dose 22 - Niaiser.
La semaine dernière, ma psychologue m'a avoué que je la faisais rire. Face à elle, je suis extrêmement sérieuse, voire même dramatique : je ne sais donc pas comment prendre ça.
'Toi Véronique, ça te tenterait pas de devenir influenceuse ?'
... y'a tellement de choses qui se sont bousculées en moi quand elle a dit ça. La parole de Silvy a toujours été un phare dans ma nuit, mais là, je suis mêlée ... c'est-tu une vraie recommandation ? Silvy me suivrait en tout-cas, si j'ai bien compris. Mais vraiment, ce serait une avenue thérapeutique pour moi ?
Pas sûre. Moi qui endure difficilement les réseaux, j'ose utiliser le peu de libre arbitre qui me reste pour décider que non ... non, non.
Je pourrais écrire là-dessus : un personnage de fille dans la quarantaine en quarantaine qui essaie de flipper sa vie de bord. En gros, du niaisage. Et ça, ouin, ça me rejoint à quelque part.
C'est quand même le fun de penser qu'une part de ma vie, c'est d'être payée pour les idées folles qui me viennent en niaisant. Sur ce point, je peux me dire que j'ai réussi de quoi, peut-être.
D'aussi loin que je me souvienne, la chose que j'ai toujours préféré (et que je préfère encore) ... c'est de niaiser. Niaiser avec mes amis, c'est pas mal la base de la joie de mon existence. J'ai mis beaucoup d'efforts à essayer de me construire une vie palpitante, sérieuse et chargée, mais bon : y'a ça en moi, cette envie de niaiser qui espère toujours trouver un partenaire de niaisage sur ma route.
Je ne me sens pas différente de l'adolescente que j'étais quand je pars sur une chire avec des ami.e.s : c'est un feu roulant, ça arrête pu, on se relance en déchaînés. Il y a peu de traces de ces excellents projets stupides, de ces longues tirades comiques, de ces défilés improvisés avec perruques. Quelques souvenirs confus qu'on ressort une fois de temps en temps, une ou deux photos jamais partagées ... et on se re-raconte l'affaire et on re-rit entourés des gens concernés. Mais ces choses arrivent sans qu'on ne les prévoit, elles ne sont ni scénarisées ni mises en scène, elles surgissent, c'est tout.
Parfois, quand je perds mon temps comme tout le monde à scroller des stories, des tic tocs ou des vidéos youtube, je me surprends à me dire (sans humilité aucune) que c'est pas aussi drôle qu'avec mes potes.
C'est aussi l'intention qui est différente : quand on dérape en groupe, on devient un seul cerveau à plusieurs, et on en vient à oublier qui a dit quoi, qui a fait quoi. C'est un jeu et l'ensemble en tire profit.
Le contenu en ligne a toujours l'objectif de faire son autopromotion, ou la promotion d'un projet quelconque. Il y a toujours ce pas que j'ai du mal à franchir parce que trop consciente que je le franchis. L'auto-promo fait partie de nos vies, mais je suis tellement pas dans ma zone d'aisance avec ça.
Je sais, c'est paradoxal que je publie ces billets dans un blogue public, alors que je remets en question l'impact réel du contenu en ligne. Ma sensation est que tout s'équivaut sur le web et ça m'ennuie profondément. Mes intentions sont claires avec ce blogue : écrire chaque jour dans un espace qui est 'public' fait en sorte que je m'efforce à travailler sachant que je pourrais (!) être lue. Ces 750 mots quotidiens me recentrent, peut-être que les stories ont le même effet sur les gens qui les font ?
Le seul hic que je vois, quant à la notion de plaisir, c'est qu'une storie offre un un succédané de fun, plutôt qu'un fun partagé, ressenti. Je crains pour celleux qui grandissent dans cette culture qu'iels ne sachent pas reconnaître la différence entre les deux, et surtout l'implication que chaque activité comprend.
J'ai souvenir d'une soirée au La Tulipe, j'avais invitée une amie du secondaire à rejoindre ma gang : 2 minutes après son arrivée, je voyais bien qu'elle n'avait pas de plaisir. Je me souviens de l'avoir vue se prendre en photo avec un sourire dévastateur, 10 minutes avant de quitter après son premier et dernier verre. Plus tard, j'ai vu la photo en question défiler : elle avait tout d'une femme festive, mais c'était faux. Depuis ce jour, je ne peux m'empêcher de penser que derrière chaque photo, chaque storie, il y a un inconfort profond.
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Micro-dose 21 - Remonter.
Se mettre en action est la seule solution.
'Stop worrying where you're going : move on' : je reviendrai toujours à ces mots-là, thank you Mister Sondheim.
Dans le grand tout, dans l'ensemble de ce que nous formons comme vivants à l'échelle de l'univers ... nous ne sommes rien.
Et ces moments passés - que je passe ! - à surréfléchir sont perdus à jamais. J'ai touché à mon 'shadow self'. Ok, c'est bon, là.
Fuck l'analyse, je bouge.
Si je suis une cellule, ma job c'est de participer au mouvement. Humblement, entièrement.
Go, cellule. Arrête d'essayer de 'comprendre' ce qu'il faut faire, il faut justement, 'faire'.
...
Hier j'ai cuisiné, fait du ménage, me suis entraîné, ai eu un excellent meeting, ai reçu des gens chez moi. Aujourd'hui, je vais mieux. C'est si simple.
Avec les amis, on a écouté le pétage de coche de la boulangère qui a rouvert sa salle à manger, au Saguenay, Patrick Lagacé l'interviewait au 98,5. Mon dieu qu'elle m'a fait du bien. Elle avait tellement raison sur toute la ligne. Sur les conditions de travail des infirmières (de la merde). Sur le système de santé dévalorisé depuis des années, qui fait que nous payons tous le prix en ce moment (de la merde). Sur les restrictions qui pénalisent ceux qui ont tout bien fait à date, qui sont en train de tout perdre ... de tout perdre ! Les commerçants, les artistes, les petits, ceux qui font les trucs de leurs mains, avec amour. Pendant qu'à côté, les multinationales et les salons de massage continuent à recevoir de la clientèle.
Fuck off ! C'est la rage et le mouvement qui font avancer le monde. Go !
Dans un moton de non-sens, prenons les chemins qui pour nous, font sens, alors.
Je me suis inscrite à une formation en février. BON ! On essaie, j'y vais. Donnez-moi deux-trois chances, bonté divine. Je le mérite. Go !
Ce matin, dans le journal, on parle de déconfinement, probablement d'ici la mi-février. S'il n'y a pas de remontée de cas ... ce qui m'étonnerait. On va nous donner du lousse, pis ça va repartir en flèche, mais que veux-tu, on a le gouvernement qu'on a, on a le système de santé qu'on a.
Aussi, dans le journal, on parle d'une pandémie qui s'en va vers sa phase endémique. Bien sûr un nouveau variant peut toujours 'fucker le chien', mais les gouvernements, face à une maladie qui n'est plus aussi létale, ne pourront plus justifier leurs hôpitaux mal gérés.
J'entrevois la suite avec plus d'optimisme qu'hier ... peut-être, la pause ne sera pas aussi longue que je ne l'appréhendais. Je le vois enfin une sorte de lumière au bout de ce tunnel, et surtout un espace mental viable s'ouvre en moi.
Je sais que cette période laissera des traces en nous. Nous ne serons plus les mêmes.
Mais si je dois retenir une chose de ma semaine, c'est que les artistes sont essentiels. C'est Silvy qui l'a dit, ma psy. Au plus profond de mon marasme, j'en suis venue à douter, puis ... paf : aujourd'hui au MAC, Forensic Architecture, un coup de poing de prise de conscience sur notre monde, sur là où la cybersurveillance en est rendue. Sans ces penseurs - cinéastes - journalistes - architectes - militants courageux, ces informations ne se seraient pas rendus à la population. L'art est un espace qui ouvre l'être, de toutes les manières possibles. L'art ouvre un être, il ouvre tant celui qui offre que celui qui reçoit. L'art est une fleur !
Encore ce matin, je lisais sur ces personnes âgées qui avaient besoin d'aller à l'église : pour moi, la créativité humaine qui génère l'art, c'est une manifestation de Dieu, comme la fleur, 'preuve que l'univers a une intentionnalité'. De toutes les manières, nous devons laisser l'art envahir le monde, que le beau nous contamine, nous rende encore plus beau.
Je sais où diriger mes drôles de prières. Je sais vers où regarder. Je me charge énergétiquement, et quand le monde s'ouvrira devant moi, je bondirai. Je serai prête.
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Micro-dose 20 - Décatastropher.
Je remplis ce petit questionnaire afin de me lousser la distorsion cognitive : en cet énième jour froid de janvier, j'admets être en bord de la crise, j'ai pleuré hier quand une amie m'a flushée pour aller prendre une marche. Alors alors :
- What is worrying you ?
* l'avenir, le fait qu'on ait pas de date de reprise, aucune preuve que la Covid va se tasser, que mon secteur de travail est menacé, qu'on ne peut se projeter dans rien, et que j'ai pas du tout envie de me réinventer !
- Why are you worried about it ?
* Les choses allaient bien et subitement tout a foutu le camp autour du 18 décembre.
- How likely is it that your worries will come true ?
Rien n'indique en ce moment que ça arrivera pas. En fait, je peux continuer à faire ce que je fais, mais selon moi y'a peu de chance qu'on ne revive pas des épisodes tels que celui qu'on vit là. Et à chaque confinement, on perd du travail, des possibilités, de l'énergie. Je ne sais pas si je peux endurer encore longtemps ce nouveau statut quo.
- Has it happened before ? To someone else ?
Des gens se réorientent tous les jours. On cherche tous à changer le mal de place, à sublimer notre inconfort. Les gens déménagent et se réorientent. C'est pas mal ça qui se passe.
- If it does come true, what is the absolute worst that can happen ? Be careful not to exaggerate.
- Les théâtres réouvrent, referment comme ils le font en ce moment, suivant les hauts et les bas de la pandémie : puisqu'ils ont des problèmes à remplir leur salle, les directeurs misent sur les shows avec des acteurs de la télé, et coupent progressivement sur les projets plus audacieux et mettant en scène des gens moins connus. Les annulations se poursuivent : de tous les laboratoires auxquels j'ai participé, aucun n'accède à la diffusion. Les projets déposés ne se rendent plus à la surface, à cause du goulot d'étranglement qu'a causé la pandémie. Je me retrouve alors sans projet, sans revenu. À 40 ans, sans désir profond de réorientation, j'erre : pendant ce temps, la planète Terre continue d'envoyer des signes d'alerte, il fait très chaud, très froid, etc. La violence escalade dans les rues de nos villes, des gens ont faim. Je donne un coup de main. Nous avons de moins en moins accès à la nourriture, à des logis convenables pour tous. Les riches s'enrichissent rapidement, sur le dos des pauvres (nous). Nos vies sont rétrécies pour toujours, je ne suis plus une artiste, mais une femme âgée. Dany se tanne de moi, il fatigue d'être avec une personne qui vit dans le passé et qui n'a jamais de sous. Il me laisse pour une plus jeune. Je termine ma vie dans un microscopique logement, entourée de chats, en lisant des livres qui m'éduquent mais qui ne servent plus à rien. Je meurs seule et recluse, oubliée de tous.
*je sais sincèrement pas si ce récit pathétique peut être considéré de l'exagération
If it does come true, what will most likely happen ?
Je vais vivoter jusqu'à ce que je m'écoeure de cet art que j'ai tant aimé. J'aurai un deuil à faire. Je ne pourrai plus suivre le travail de collègues : je devrai ouvrir une nouvelle place en moi, pour réellement me réinventer, trouver un sens nouveau à mon existence. Mettre ma créativité au service d'autre chose.
Ce ne sera pas la fin du monde, mais la fin d'un monde. Peut-être au final que ce serait bien.
If it does come true, will you be ok ...
In one week ? Dans une semaine, les choses seront similaires à ce qu'elles sont en ce moment. Donc en gros, oui, j'ai un toit sur la tête et je n'ai pas faim.
In one month ? Dans un mois, je serai en train d'essayer de créer une oeuvre d'art. Je vais y mettre mon coeur, comme on le fait toujours, mais je devrai me préserver, me ménager. J'aimerais, toutefois, trouver la force de transformer ma perspective de ce qui est en train d'arriver.
In one year ? En janvier 2023 ... si tout est similaire dans la société, moi, faut que j'aie d'autres perspectives. Faut que mon deuil commence à se faire, mon deuil de la vie d'avant, mon deuil de la vie que je croyais que j'allais mener.
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Micro-dose 19 - Flotter
Nous binge-watchons une série complètement geek, dont l'action se situe dans l'espace. Cette série est intéressante, mais tout comme Star Trek, comporte son lot de raccourcis absurdes presque comiques. Les protagonistes en viennent constamment à être à bout de ressources, et puis paf, une exo-anthropologue aveugle trouve un antidote antiviral au fond d'une ruine extraterrestre où se sont réfugiés deux peuples ennemis lors d'un immense tsunami qui a détruit leur campement - ah, aussi, ils sont tous condamnés à mort par une infection qui leur bouffe les yeux. Bien sûr, lors de l'évacuation du campement, elle avait pris soin d'apporter avec elle tout l'équipement scientifique nécessaire. Il y a toujours une solution qui leur saute aux yeux 3 secondes avant que tout explose : les doigts bousillés repoussent, les méchants se font lancer dans l'espace, les gentils se promènent d'une station spatiale à l'autre sans problème. Ces gens ne dorment pas, mangent un épisode sur cinq et font l'amour une fois par 6 mois. Bref, c'est tout ce que la situation de crise a de meilleur à offrir ! Piou ! Piou ! Ça tire du gun, ça sort des catchphrases aux 10 minutes, ça nous tient en haleine : mais comment vont-ils faire cette fois-ci pour s'en tirer ?
J'adore ça. J'étais pas particulièrement geek avant la pandémie, mais la vie en a décidé autrement. Je me mets à geeker sur des choses, ça me rassure. Je flotte entre un livre, ma guitare, notre nouvelle collection de vinyles, comme les membres de l'équipage du Rossinante dans leur vaisseau sans gravité. Sans gravité : j'aime le double-sens.
Les aventures que nous consommons ne nous embêtent pas avec des émotions plates, comme la nostalgie, l'attente, l'exaspération, le dépit.
Flotter me semble la seule chose réconfortante qui est accessible en ce moment. Dans mes flottements, je rêvasse d'études que je pourrais faire, de lettres que je pourrais écrire aux ministres, de maisons de campagne que je pourrais (éventuellement) m'acheter. Flotter me donne des munitions émotionnelles devant le gâchis Omikron, en ce janvier qui n'en finit plus de finir.
Dans mes flottements, il y a un espace où je perçois celle que je pourrais devenir. J'arrive au mi-temps de ma vie durant ce chaos. Hélas, si tous les signes pointaient vers une direction (Vas-y, continue, lâche pas), là, je me sens comme quelqu'un qui doit ouvrir de nouvelles portes. Je vois venir la douleur de nouveaux deuils à faire, et cela me tétanise. À la surface de l'eau, portée par des flots auxquels je ne peux résister, me voilà déposée sur le pas de ces portes, poussée par les événements.
C'est précisément parce que j'aime la vie de pigiste que je me retrouve là : j'ai toujours refusé de prendre poste dans un théâtre, à passer mes jours devant l'ordinateur, devant des tableaux excel. C'est précisément parce que je sais très bien quel est le bout de ce spectre. Le terrain est ma place, le terrain ... c'est là où tout se passe, mais c'est aussi l'endroit le plus vulnérable.
Je dois accepter que j'ai fait un choix de vie risqué. J'en paie le prix aujourd'hui.
Je me souviens quand nous étions jeunes, au camp de vacances, mes amis ambitieux voulaient tous accéder aux postes de responsables : moi, j'étais une fille de terrain, mais je me suis demandée si je devais vouloir la même chose qu'eux. Je les voyais pris dans leurs bureaux à longueur de journée, venir dîner avec mes jeunes, et ne jamais manquer de me dire à quel point ils s'ennuyaient du terrain.
Le terrain a été pendant plus de 15 ans un endroit où j'ai su me montrer habile, essentielle. Ce terrain est devenu un espace où les visages ne sont plus à découvert, où l'autre est une menace potentielle, où on ne peut s'arrêter nulle part : il faut toujours tracer, avancer, être efficace.
Je suis en deuil de la simplicité du temps d'avant. Mon cerveau magnifie le passé : à 20 ans on pense toujours qu'on a des gros problèmes, alors je sais très bien qu'à ce moment-là, je devais mettre mon énergie sur une quelconque histoire d'amour inutile et aujourd'hui oubliée.
Peut-être que c'est ça la grande leçon : voir ce qui est. Parce qu'à quelque part, même en rageant sur le présent, je me prive de ce qui est encore là, de ce qui demeure intouché par cette pandémie. Si les choses ne vont pas en s'améliorant, nous devrons tous développer ce muscle. Rapidement.
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Micro-dose 18 - Souffrir.
La suite logique du ralentissement, c'est de plonger dans son shadow self.
Le côté obscur de la force.
Hier, je me suis permise de rien faire ; aujourd'hui, je pleure et je saigne. How fun is that.
Je suis comme le 3 d'épées du jeu de tarot, la carte avec un coeur qui pleure, percé de trois couteaux : face à mes blessures et mes peurs, incapable de bouger comme je le souhaiterais, dans la direction que je voudrais.
Percée, face à l'échec, à ma douleur réelle, physique.
...
Il y a en moi un refus, un rejet de ce qui se passe, de ce qui s'est passé.
Je rejette la violence avec laquelle on m'a moi-même rejetée. Je rejette aussi cet entêtement qui m'a toujours caractérisée, à me relever, me retrousser les manches. Cette femme-là est égarée dans les méandres de mon être, et je n'arrive plus à la ramener à la surface.
Hier, on m'a fait parvenir une publicité pour une formation continue de comédiens : 700$ pour recevoir des coachings via zoom, pour me faire voir et me former à distance. Depuis le début de la pandémie, j'ai été bonne joueuse, j'en ai parlé dans d'autres micro-doses. Là, ça suffit.
Je suis en colère contre ces gens qui sans cesse se renouvellent dans l'art d'offrir des 'formations pertinentes pour les acteurs', ils me puent au nez avec leur entreprise qui s'est échafaudée à même nos vulnérabilités. Je vois affluer nos nouveaux portraits d'artistes, les likes que l'on espère de manière désespérée. Je me reconnais dans cette course à se sentir toujours en train de faire ce qu'il faut pour qu'il se passe ce qu'il faut qu'il se passe.
En ce moment, je ne devrais même pas avoir le temps de regarder ces mails et de les considérer : je devrais être en train de faire ce que j'ai choisi de faire, ce qui donne du sens à ma vie. Je suis rendue là, à ce moment où je ne souhaite plus avoir à constamment me rappeler au bon souvenir de tout le monde. Je veux juste faire ce que j'ai à faire, simplement.
J'ai les larmes aux yeux de lire sur Karim Ouellet, ce grand coeur aimé de tous dont on dit qu'il vivait reclus depuis quelques temps. Je te feele, Karim. La colère des artistes ne devrait pas exister, parce qu'on a le privilège de faire ce qu'on aime. Je me sens recluse et esseulée, dans ma grotte sans lumière à la coop, à répéter, mettre en scène et écrire des pièces de théâtre qui ne sont vues que partiellement par des demi-publics durant des séries de spectacle charcutées. J'écris en ce moment ma 3e pièce depuis le début de la pandémie. Je suis consciente qu'elle ne va pas se créer dans les conditions les plus enviables, et j'appréhende le début des répétitions.
Dans mon sac à plaies, y a aussi tous ces embryons de projets qui devaient naître, qui sont encore dans l'antichambre, et pour finir, ceux qui sont morts avant même d'avoir pu vivre une vie convenable, ou une finale intéressante, un au revoir doux. On nous a enlevé ça aussi, le droit de dire au revoir.
Je dis on, mais y a personne à blâmer, pour toutes ces pertes.
Comme pour le départ de gens qu'on a aimé : personne n'est à blâmer sinon la part de hasard qui parcourt aussi nos vies.
Tous ces deuils, on les ravale, et on continue. Il faudrait créer des espaces pour les réfléchir, les digérer, les pleurer. Créer, c'est le contraire de mourir : en ce moment, faut accepter le fait que nous sommes vraiment dans une ère de morts et de pertes.
Aussi : de quoi parler, aujourd'hui ? J'ai envie d'écrire mais le seul sujet qui m'interpelle est le quotidien, en ce moment, le mouvement des plaques tectoniques de nos vies, qui provoque des failles à certains endroits, des irruptions ailleurs. Ce matin je lis que Justin Trudeau ne ferme pas la porte à l'extraction de ressources dans le fond des océans. Je me dis que c'est donc vrai, que nos politiciens, incapables de ralentir la course au progrès, vont tout faire pour nous embellir le réel en apparence, et puis dans l'ombre, s'assurer de nous enfoncer le plus fortement possible la tête dans le pire.
...
Je refresh mon browser, je veux savoir de quoi est décédé Karim Ouellet. Ça m'obsède. Cette nouvelle catalyse ma propre perte de sens, ma propre déroute.
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Micro-dose 17 - Tempérer.
Ce matin à 6h am, mon père a appelé sur le cellulaire.
Il y avait un dégat d'eau chez lui, une voisine qui avait mal revissé un tuyau, que sais-je.
'Les murs et le plancher sont à refaire. Va falloir que je dorme à l'hôtel. Quand est-ce que tu t'en viens ?'
Le père était en panique sur son message de répondeur. Il voyait tout au pire. J'ai pris son message à 8h45, pendant ma rencontre avec la psy. Je l'ai rappelé à 9h45 : il allait mieux. Je suis allée le rejoindre, on a fait les courses ensemble ... on s'est même mis à rêver d'aller dans un hôtel le fun sur un beau terrain, avec un beau restaurant. Ces idées ont semblé lui plaire et calmer sa peur d'avoir à quitter son si confortable logis.
Ma psy m'aide à accepter mes émotions dites 'laides', et je réalise que je fais pareil avec ma famille, mes amis. En ce qui me concerne en ce moment, c'est mon manque de foi et de véritable énergie que je dois embrasser. Certaines personnes consomment, accusent le monde entier de leurs maux. Moi, ça se retourne toujours contre moi : je suis déçue par le réel, alors je ne me sens pas valide, et je me convaincs que je sers à rien. Ce qui est faux et temporaire. Mais en ce moment je ne vois pas tellement clair.
Ma psy dit que les artistes sont essentiels. Je le pense aussi. Je pense que les vrais artistes, celleux qui osent réinventer, provoquer, être authentiques et fougueux ... sont des électrons qui changent le monde à petite dose, quand ils circulent. Encore faut-il leur permettre de se déplacer, de s'élancer, d'être vu.e.s. et entendu.e.s.
C'est paradoxal : la vie nous demande de nous reposer, d'aller moins vite, de faire attention. Mais notre pulsion de vie est à l'envers de cela. C'est normal de ressentir une friction. Une tension.
...
J'ai ressorti le tarot, l'encens. J'ai été chercher des livres à la BANQ, encore. J'ai besoin d'invoquer une certaine magie, en ce moment, pour modifier mon ressenti. Ma manière d'analyser le réel ne m'aide pas à vivre. J'ai besoin de nouvelles lunettes.
La carte que j'ai pigé c'est la tempérance. La tempérance, ça le dit, c'est l'alliance des extrêmes. C'est l'harmonisation de ce qui se trame en nous : en moi, depuis un mois, c'est des montagnes russes de joie et de désespoir, d'agitation et de trous noirs énergétiques.
Je sais qu'avant de pouvoir passer à autre chose, je dois accepter cela. Je dois cesser d'essayer d'être géniale et productive alors que j'ai ce cri en moi.
Accepter l'émotion, la vivre : me suis-je seulement autorisée à être en colère ? À me sentir volée, violentée par le réel ? Bien sûr que je suis chanceuse, mais puis-je également rager, pleurer, envoyer chier ce réel duquel je ne peux tirer aucun apprentissage ?
...
Je dis cela, mais oui, il y a une chose à apprendre.
Se plier. Comme le bambou.
Apprendre à nommer la fatigue et l'accepter.
Apprendre à se reposer. À se choisir.
Mon amie Catherine demandait avec justesse, comment faire pour revenir à l'être que nous sommes, sans l'enrobage de notre vie professionnelle ? Qui suis-je, quand je ne m'agite pas, quand je respecte mes limites, quand je prends la vie par petites bouchées ? Quand je ne travaille pas comme une déchaînée ?
Je pense que je suis curieuse, disciplinée. Que j'aime bouger, cuisiner.
J'ai parfois de bonnes idées.
Je ne suis pas patiente. Oh mon dieu ... non. Je n'ai aucun muscle pour soulever cette charge-là.
Je tourne parfois les coins ronds. Dans ma vie du passé, j'en ai souvent trop pris, et j'avais cette excuse mentale d'avoir à tenir tous les fils en même temps. J'entends encore parfois cette voix en moi qui me dit que ce n'est pas grave, que je fais du mieux que je peux, que ce qui compte c'est l'intention.
La situation actuelle me permet de mesurer cette tendance à l'agitation, qui mène au surmenage. Ma tendance à faire ça pour noyer le réel dans un océan de cossins à faire.
Qui m'empêche de vraiment savoir ce que je veux, ce que je dois faire.
Faut alors donc, vraiment, ralentir. Encore plus.
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Micro-dose 16 - Arrêter.
On dirait que la vie me - nous ! - souffle collectivement de ralentir, d'arrêter.
D'être et de cesser d'essayer de provoquer les choses.
Aujourd'hui devait être la rentrée en classe des élèves : dehors, la plus grosse tempête de l'hiver. À quelque part, c'est ironique. Bien sûr que pour les parents épuisés, il est temps que les enfants retournent à l'école. Mais pourquoi faut-il que nous recommencions nos vies comme si tout était normal en ce janvier terriblement froid et confus ... alors que rien n'est normal ?
...
Je n'ai plus vu clair depuis le 20 décembre. J'ai ressenti toute la fragilité des choses dans mon corps. Je commence à discerner pourquoi toute cette agitation m'a animée depuis. Les annulations de spectacles sont violentes dans le corps d'un.e interprète. Car pour se rendre à une première, il faut construire une grande énergie qui sera redonnée au public soir après soir. Nous avions commencé à construire ces énergies, et puis subitement, ces énergies n'ont plus eu nulle part où aller. Je comprends le désespoir qui nous a assailli, la détresse : cette grande énergie ciselée, il est impossible de tout simplement la cadrer dans les actions quotidiennes.
...
J'écoutais hier un professeur de yoga kundalini qui parlait d'aura. (Attends, deux secondes ... c'est hyper concret, surtout très intéressant). Il racontait que les gens ont deux manières de se protéger dans la vie : soit d'avoir un aura très près du corps, par exemple les introvertis qui ont un aura serré autour d'eux qui les rend autonomes dans la gestion de leurs émotions, voire hermétiques. Une autre manière de se protéger est de développer un aura très grand, pouvant englober plusieurs personnes, même plusieurs lieux. C'est deux façons inconscientes d'essayer de 'contrôler' son environnement. J'ai trouvé cette façon d'analyser très pertinente. On nous parle souvent de présence, à l'école de théâtre, on valorise cette grande ouverture, de voir tout, de pouvoir intervenir à tout moment, cette conscience du moment présent est signe d'intelligence, de talent.
C'est toutefois paradoxal, car la plupart des comédiens sont foncièrement démunis de véritable confiance en eux-mêmes. Mon opinion : si tu n'as pas une faille, tu ne choisis pas un gagne-pain qui te force à t'exposer constamment. C'est fou parce qu'après plusieurs années à faire ce métier, tu dois t'en détacher si tu veux grandir, parce que l'amour des autres est temporaire, fugitif, et qu'il ne peut pas remplacer l'amour qu'on doit se donner soi-même.
Cette histoire d'aura, c'est ce que je ressens depuis toujours : il me semble que j'existe fort. Je suis incapable d'exister à distance raisonnable de moi, juste assez pour faire entrer ce qui doit entrer et laisser le reste dehors : moi, je prends tout, je porte tout.
Je sais que je suis loin d'être la seule à faire ça.
...
Cette obsession que j'ai depuis 2 semaines d'essayer de contrôler mon environnement est vaine : j'essaie de fabriquer à côté de moi un avenir rassurant, inerte mais beau. À chaque jour je refais les mêmes gestes, le même rituel étrange, où je m'étends dans un futur hypothétique. Et tous ces efforts ne donnent rien au final : je ne retrouve pas la foi. Je n'ai pas encore retrouvé la lumière, le oumph. La chose qui fait qu'on se lève le matin. Je m'obstine à vouloir 'servir à quelque chose', je voudrais pouvoir dire que je fais quelque chose de grand. Mais non. Je fais des châteaux de sable.
Je suis fatiguée de repasser par les mêmes chemins pour revenir aux mêmes constats. Je déteste ce monde qui m'a faite me considérer moi-même comme un objet utilitaire.
Les artistes servent. J'en ai la preuve à chaque fois que mon cerveau de zèbre se pointe dans un monde de moldus : dès que la rencontre est possible, je sers.
En attendant, pourquoi est-ce que je me gère moi-même comme une entreprise ?
Pourquoi ne suis-je pas capable de ralentir et de me pardonner de vouloir ralentir. ?
Pourquoi dois-je à tout prix faire du sens alors que manifestement, dans le monde concret, peu de choses font sens ?
...
Ma crise existentielle est normale, je me pardonne de la vivre.
Je sais que je dois prendre soin de moi. Continuer d'aller à la campagne.
Continuer de méditer sur ces thèmes, le travail, la présence, l'utilité, le désir.
Me retrouver moi-même, pour mieux rebondir plus tard. Quand mes qualités d'humaine retrouveront leur place. Ne rien forcer, laisser venir. Enfin.
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Micro-dose 14 - Neiger
À Chertsey, il neige pour douze. Je suis assise devant la grande fenêtre et je me laisse hypnotiser par les focons qui tombent dans la plus grande quiétude. Je n'ai pas été capable d'arrêter de lire les journaux pendant que j'étais ici : toutefois, la neige rend l'indigeste plus soutenable.
L'ambiance ici arrive même à me faire oublier (temporairement) ce qui se passe dans notre société. Un article de journal posait la question l'autre jour : est-ce à ça que ça ressemble, le début d'un déclin ? Une part de moi est engagée dans cette réflexion, mais une part de moi ne la ressent pas en profondeur. Ça doit être ça, être privilégiée. J'ai de la chance. Ça m'empêche pas de me sentir bousculée par ce qui se passe, mais j'ai beaucoup de chance.
...
Quand nous étions petits, nous glissions sur la petite pente du terrain de notre chalet, et souvent, les luges se rendaient presque jusqu'au lac. Ça nous suffisait amplement, cette petite pente : on avait pas besoin d'aller aux tripes à St-Jean-de-Matha, on préférait notre pente à nous. De toute manière, le trip était assez grand, pour nous qui étions tout petits. On avait aussi un autre loisir débile : quand la neige était assez dense et qu'elle format comme un coussin d'environ 5 pieds de haut, on sautait en bas du balcon. Ça nous faisait vivre un semblant d'émotion forte, même si c'était hyper sécuritaire. Un 'semblant', dis-je : on est loin des kids qui sont morts en se garochant des falaises aux dalles de Ste-Béatrix. On est plus dans la catégorie des bateaux pirate en toile de cordes dans les parcs, des cordes à Tarzan, de l'hébertisme.
On a grandi, et nos désirs ont grandi avec nous. La petite pente à glisser s'est mis à nous paraître ridicule : on a eu besoin de plus d'émotion, de sensations. On a voulu aller au Massif, aux 'States', pour pouvoir dire qu'on avait glissé sur ces sommets-là. Refaire 2 fois la même montagne nous est apparu comme une consolation. On avait toujours de nouveaux plans.
J'en sais quelque chose, j'ai tellement voyagé. J'ai rempli mes cartes de crédit, j'ai sauté dans des avions, je me suis retrouvée toute seule dans des pays parfois hostiles. À faire des treks, sans jamais vraiment réfléchir à ce qui se passerait si je m'y cassais une jambe, si je tombais dans un ravin. J'étais jamais bien préparée ... j'avais toujours des bottes de marde, un sac à dos brisé ... j'ai improvisé, bref.
La vie telle qu'elle était à ce moment-là était par ailleurs une grande improvisation, un grand flottement. Je me suis laissée entraîner par le courant et j'ai eu de la chance. Je me sentais plus comme une gambler que comme une adulte, à bien y penser.
Cet état d'être, cette improvisation ... gambler .... j'étais quand même bonne là-dedans : c'est quelque chose qui m'échappe de plus en plus. C'est de plus en plus dur à générer comme état : c'est comme si l'usage de mon temps-argent-énergie est devenu un truc extrêmement rigide. Même le temps de repos est géré.
Comment est-ce que j'en suis arrivée là ?
...
Depuis que je suis ici, je lutte contre moi-même. On dirait que je ne sais pas comment exister quand je ne suis pas pressée à 100%, comme un citron.
La lenteur, la douceur et le contentement sont des choses qu'on ne m'a pas apprises : j'essaie de me les inculquer à moi-même. J'y arrive quand même, jusqu'à un certain point. Comme quand je suis ici, dans le plus grand des silences. J'ai des objectifs ludiques : lire mes livres, jouer de la guitare, faire un casse-tête. Patiner, marcher dehors.
Mais aussi, écrire. J'écris, j'écris, j'écris. À ne plus savoir à quoi cela sert, si quelqu'un me lit, m'entendra. Mes mots sont infinis comme les flocons de Lanaudière, et tombent sur les canevas avant de se fondre au néant.
Je sais qu'écrire me donne cette fausse sensation d'exister plus fort.
Une illusion de plus.
Pareil comme cette 'sensation de danger' quand je me garochais du balcon, ou ces montagnes que j'ai montées et descendues : écrire valide ma présence sur la planète.
Mais je sais que si j'étais vraiment humble, j'existerais en silence. C'est peut-être ça, la nouvelle liberté : disparaître. Se fondre dans le décor. Et se rire de l'absurdité de nos existences, de nos désirs, si naïfs, si vains, si humains, sans avoir le besoin d'en témoigner.
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Micro-dose 13 - Rêver
Aujourd'hui, la neige qui tombait sur la campagne faisait rêver. J'ai pris mon temps avant de me mettre dans mes affaires : l'ambiance était magique et j'avais envie de planer un peu.
Je suis sortie patiner. À St-Donat il y a un sentier de glace pour le patin, dans la forêt. C'était tout simplement magique. Après 30 minutes, j'avais les orteils gelées : je me suis jurée d'y revenir. Le ciel était mauve vers 16h : j'aurais voulu partager ce moment avec quelqu'un.
...
Ces derniers temps, le rêve était pas une option. On dirait que la hache passée dans notre temps des Fêtes a amené une forme de panique, qui dans mon cas, s'est transmutée en une agitation qui n'a pas cessé de me prendre par l'intérieur. L'impression qu'il faut trouver autre chose, s'accrocher à autre chose, se projeter dans autre chose ne m'a pas lâchée : j'ai passé un bon 10 jours là-dedans, j'ai changé d'idée à peu près 95 fois sur mon avenir.
Si je sais qu'il ne faut pas prendre de décisions majeures quand on se sent comme ça, j'ai quand même tiré quelques réflexions de cet état d'être.
J'ai passé, depuis 2002, un nombre d'heures incalculables à penser au théâtre. C'était le but de ma vie. J'ai tout donné. Heureusement, j'ai voyagé, j'ai aimé, j'ai joué à des sports, j'ai fait du yoga, et de la musique. J'ai trippé fort, ma vie a été superbe, remplie de surprises, de grandes joies, de grands deuils aussi. Deuils d'individus, oui, mais aussi beaucoup de deuils de certaines idées. Vieillir occasionne un désenchantement face au réel, qui est souvent décevant.
La beauté se fait rare. Les belles histoires existent, mais il faut changer de lunettes pour les voir.
C'est exactement ça que je cherche : mes nouvelles lunettes.
...
Bientôt 3 semaines que nous endurons (encore) une vie sans saveur. Je comprends pourquoi. J'oscille entre me résigner (les hôpitaux, pense aux hôpitaux !) et me révolter.
Le sens que je donnais à ma vie, c'était les spectacles, cette rencontre-là, ces rencontres-là. Je me suis spécialisée, je suis qualifiée maintenant : j'ai fait plus de 10 000 heures de ça, j'ai beaucoup 'pratiqué', comme on dit. Et là, je me sens mêlée. Je ne veux pas tout renier.
Je parle comme s'il fallait que je change de métier demain, c'est fou.
Mais c'est ainsi que je me sens. Je perçois un salaire pour des projets qui ne naissent pas, j'écris pour des projets menacés de mourir depuis maintenant 2 ans. Je cherche à faire du sens. L'énergie dont j'ai besoin pour juste me remettre à table est incroyable, car la motivation fluctue au rythme des annonces gouvernementales.
...
Je pense à mes amis Julie et Pascal qui animaient le Gala Célébration, le week-end passé. C'est en fait un gros tirage de loterie ; des artistes viennent performer entre les animations.
Je ne l'ai pas écouté. Je n'écoute pas vraiment la télévision québécoise.
Parfois, je me dis que ma vie serait plus simple si j'étais comme eux. Ils acceptent de faire tout ça, font une poignée de cash, paient leur maison, leurs voitures, l'éducation de leurs petites filles.
Je suis incapable de juste abdiquer la part de ma vie qui a choisi de creuser. Mon art est certes plus fragile, mais je veux croire que tous ces efforts ne sont pas vains. Je veux croire qu'il est encore important d'être indépendants, fous-furieux, follement créatifs sans céder à la tentation de vouloir plaire au plus grand nombre. Je veux voir chez moi et chez les autres de l'innovation, l'expérimental. Je veux rêver et faire rêver.
Je suis idéaliste, je sais. Est-ce que mon idéalisme doit à tout prix mourir, est-ce que c'est le prochain deuil que je dois faire ?
Dois-je me résigner à tous les niveaux ?
...
J'ai réécrit à la faculté universitaire pour qu'on ré-ouvre mon dossier d'étudiante : on m'a répondu hier. Je ne peux pas nier une certaine excitation, qui m'aide à passer à travers les journées. Je sens que je retouche à cette Véronique pleine de possibilités que j'ai rencontrée lors de la première vague de la pandémie.
Cette formation me permettrait un sursis, d'ouvrir mes horizons. De sortir de la métropole : il se passe plein de choses ailleurs, faut juste relever les yeux.
Je cherche une porte de côté. Une discrète sortie de piste, qui me ferait exister en parallèle.
Ne pas disparaître.
Renaître, comme le phénix, de mes cendres.
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Micro-dose 12 - Se débrancher
Après 10 jours à niaiser en ville, à ne pas savoir quoi faire de nos peaux, je quitte enfin.
Je pars à la campagne, j'en ai très hâte. Un peu peur, la solitude est quelque chose que je n'ai pas eu depuis longtemps mais que je désire : la solitude me permet de me retrouver moi-même, sans fluctuation de ma psyché. J'ai aussi besoin de me recentrer : je fais quoi du temps qui m'est imparti, cette année ? Après les micro-traumatismes de décembre, je dois trouver quelque chose auquel m'accrocher en moi-même. Je ne peux pas toujours espérer que le monde extérieur me sauve : je dois au contraire me rattacher à l'essentiel, la nature, le temps qui coule sans bruit, pour m'entendre penser et prendre de meilleures résolutions.
Cette année, j'étais si désespérée le 2 au matin, j'ai rien fait de tout cela. Et je pense qu'à quelque part j'en ai besoin, mais je ne vois pas clair en ce moment. Je n'arrive pas à me connecter à mon instinct : depuis mon petit 4 et demie de la ville, je ne fais que répondre au mode panique des derniers jours. Même le journal me semble plate. Nous sommes confinés, sous le joug d'un couvre-feu, et les articles fusent sur mille et uns sujets ... comme si on était tellement las qu'on avait besoin de s'évader même via le journal.
Ça va faire du bien de ne même pas le lire, tous les matins. Je me souviens petite que toute la famille lisait le journal avant de quitter la maison, c'était un rituel qui nous faisait du bien. Café, journal, toasts : le classique.
Sauf que là, y'a peu de choses à raconter. En ce qui me concerne, c'est bof en tout cas. Les séries qui s'en viennent, les nouvelles téléréalités. Du vide, beaucoup de vide.
Je préfère le vide plein de ma campagne, de mon lac, de mon ruisseau. De mes livres, nombreux, que j'ai hâte de lire. J'ai hâte d'écrire et faire un casse-ête. J'ai hâte de m'éloigner du marasme de Montréal. J'ai hâte de me retrouver moi-même.
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Micro-dose 11 - L'échapper
J'ai souvenir de ma première brosse : j'étais en secondaire 3 et je me tenais, suite à une production théâtrale d'école, avec une gang un peu plus âgée que moi qui célébraient la fin de leur projet. Une bouteille avait fait son chemin jusqu'à moi : je me souviens de la première gorgée de vodka qui a glissé dans mon oesophage, sa brûlure surprenante ... et surtout, l'excitation d'être 'rendue là', grandie.
J'ai depuis ce moment entretenu un rapport étrange avec l'alcool, de l'ordre du 'toute ou pantoute'. Incapable de doser mes consommations, je me suis souvent retrouvée amochée à faire la planche, à tomber en bas d'une table, à dormir dans un coin. Je suis grande et forte, capable d'en prendre : je n'ai vomi d'alcool que deux fois dans ma vie au total. Une véritable éponge. Ce qui n'est pas nécessairement positif.
En tant que personne timide à la base (car c'est bien ce que je suis, une 'fausse extravertie'), l'alcool a été un formidable déliant. 'Moi ma drogue c'est l'alcool, chui de la vieille école', chante Stella Spotlight dans StarMania : sans l'alcool, je serais encore seule dans mon coin à penser que tout le monde me déteste.
Car c'est bien de ça dont il s'agit : le sentiment premier que je ressens face à une foule de gens, c'est la méfiance. J'ai essayé de défaire ce détestable pli, je sais d'où il me vient en plus : ma mère était un syndrome de l'imposteur sur deux pattes ... et ma grand-mère passait des grands pans de ses journées à espionner le voisinage par la fenêtre. Ces deux-là étaient toujours au courant de tout, stratèges du quotidien, espionnes habiles ... elles étaient nées pour survivre à une attaque nucléaire : hélas, la vie qu'elles ont mené ressemblait plus à un train-train quotidien classique de banlieue.
Mon grand-père (et ça bien sûr, personne n'en parle ouvertement dans la famille) est décédé de complications dues à une 'maladie du foie" : pendant que les femmes se méfient, les hommes boient. Faut dire que leur vie a été épouvantablement difficile, et dans le cas de mon grand-père, décevante, je crois : jeune talent Catelli capable de chanter, jouer de la guitare et du violon, mon grand-père a donné sa vie à la compagnie Bell. Ma mère m'a raconté souvent à quel point son père détestait son emploi. D'une haine profonde. Elle a vu son désarroi et a été si marquée par cette détresse, cette résignation-là qu'elle s'est battue pour qu'on n'ait pas la même vie. Malheureusement, maman a hérité du spleen de son père. Elle pouvait flotter de longues journées dans une mélancolie que je n'ai jamais su apaiser.
...
Mon père aussi a jadis été un bon buveur : il buvait pour d'autres raisons. Mon père a toujours été un épicurien : même à bientôt 70 ans, il émane une certaine joie de lui, même les jours de grisaille. Il a fini par devenir ce petit vieux drôle qui fait une blague à chaque deux phrases. Dieu sait que lui aussi, il en a enduré, mais il a cette manière de ne jamais s'imbiber de la vie. Mon père boit comme se manifestent ses émotions : brusquement, dans la fulgurance. Il ne traîne pas sa misère, il n'a pas en lui ce vague à l'âme qui a rongé mon grand-père et ma mère. Cette nostalgie beige si québécoise, le fameux 'né pour un petit pain'. Mon père, même réduit dans ses mouvements, continue de rêver. Il n'est pas abattu devant le destin.
Le spleen, j'en ai hérité moi aussi. C'est pourquoi je prends soin de ne pas boire tous les jours, même dans le temps des fêtes. Je sens que je pourrais, comme ces membres de ma famille, sombrer dans le versant plus sombre de ma psyché. Cet espace est là en moi, mais j'essaie d'activer mes gênes paternels quand je bois : j'essaie d'être festive, joyeuse, heureuse.
Hier, on l'a échappé entre voisins. Depuis le début de la pandémie, ces petites dérapes arrivent souvent, et nous les ressentons comme des actes de résistance contre le réel insupportable des confinements et couvre-feux. Nous buvons, nous nous racontons des histoires, nous rions, nous potinons. Le lendemain, j'ai toujours un peu mal à l'âme, mais je me suis aussi pleine de reconnaissance : on a vécu une autre journée sur la planète Terre, et ces moments donnent du sens. Même si on se défonce comme des adolescents.
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