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laperditudedeschoses · 1 year ago
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Je veux juste te voir danser sous la pluie violette
Quitter Paris ou ne pas quitter Paris, telle est la question.
Beaucoup se la posent. A vrai dire la plupart des parisiens que je fréquente et avec qui j’aborde le sujet. Pour ma part j’y reviens régulièrement depuis plusieurs années. Je me sens l’envie de filer sans y arriver vraiment. Il faut dire que j’entretiens avec cette ville une relation pas très saine, du genre Je t’aime moi non plus et je pense que je ne suis pas la seule. Tantôt je m’intoxique avec son énergie, l’infini des possibilités, la foule et les sirènes d’ambulances qu’on entend jusque dans les films tournés dans des appartements mal insonorisés. Je me dis qu’il n’y a qu’elle. Tantôt je suffoque, je la hais et je me sens vidée après la moindre promenade dans des rues trop étroites, trop grises, où se côtoient sans se parler la misère la plus sinistre et l’opulence la plus criante.
J’ai battu son pavé pendant des années, voire des décennies, ravie, et à l’époque je n’aurais jamais imaginé pouvoir un jour être tentée par la perspective de voir la mer depuis la fenêtre de ma résidence principale ou entendre les rossignols chanter dans un jardin au petit matin. Les pigeons et les rats suffisaient largement. Est-ce moi qui ai vieilli ou la ville qui a changé ?
Je n’ai pas de réponse à cette question, mais quand on envisage de quitter Paris, une autre émerge rapidement : partir pour aller où ?
Un jour quelqu’un m’a dit « Où que j’aille, j’ai l’impression que j’y serais mieux qu’à Paris ». Certes, mais tout de même. Il y a un certain nombre de paramètres à prendre en compte : le travail, la distance avec ses amis et sa famille, le niveau d’urbanité, la vie culturelle, les orientations politiques aussi. Hier Alessandro me disait être attiré par le Nord de la France mais refroidi par les résultats du RN très élevés lors des dernières élections.
Il y a un autre paramètre qui n’est pas facilitant, c’est faire ce choix quand on est seul.e. Je m’explique : passé l’âge des études, d’Erasmus ou des premiers boulots dans lesquels il est facile de faire des rencontres, s’installer seul.e dans un nouveau territoire peut s’avérer compliqué sur le plan social. Franchir le pas quand on est célibataire, à l’âge où il devient urgent de se poser pour « construire », peut carrément paraître comme une prise de risque qui pourrait s’avérer fatale.
Après tout Paris, c’est plus de 2 millions d’habitants, rien qu’intramuros, donc grosso modo si je rajoute la banlieue, que je divise par deux, que je soustrais 40%, que je fais plouf plouf, je dirais qu’il y a minimum plusieurs dizaines de milliers de personnes parmi lesquelles on peut aller piocher pour dessiner son tableau de vie idéale.
Si on décide d’aller s’installer à Guéret en Creuse, qui ne compte que 15 000 habitants, ça devient tout de suite plus compliqué. Pourtant le nombre de rossignols au kilomètre carré y est nettement plus important.
Quand j’y pense parfois, je ressens comme une injustice. Puis je m’imagine l’enjeu que représenterait une installation en couple dans une ville où on ne connaît personne, avec le risque d’un repli sur soi qui nous remettrait presque dans une situation de confinement. Quand j’en parle avec mes amis qui ont des enfants et qui comme moi étouffent à Paris, ils me sensibilisent à un paramètre auquel je ne pensais même pas, le déracinement des enfants de leur vie scolaire et amicale.
Conclusion : quitter Paris, c’est dur pour tout le monde.
Ayant tout de même envie de tenter l’aventure mais me trouvant face à un dilemme que je ne parvenais pas à résoudre seule, j’ai dû faire appel à un soutien extérieur, une nouvelle méthode d’aide à la décision.
Utiliser mon oracle du Cercle des femmes ? Non.
Du coaching ? Non plus.
Pile ou face ? Oh quand même, c’est sérieux comme sujet !
Pour me décider à quitter Paris, j’ai utilisé la Théorie des couleurs.
Pour comprendre comment j’en suis arrivée là, il faut remonter quelques mois en arrière. Comme je l’ai dit, cela fait depuis plusieurs années, je dirais quelques mois avant le COVID, que je me pose la question de quitter la ville lumière. J’ai des destinations en tête, Bordeaux, Lille, Barcelone, le Portugal … et puis Vincent débarque dans mon cœur avec son projet marseillais qui me paraît pas mal du tout. Pendant quelques temps j’essaie de m’y projeter malgré les confinements, les couvre-feux et les déboires de couple.
Quand notre histoire prend l’eau, je me reconcentre sur l’Ile de France et envisage de franchir la petite ceinture pour aller palper un peu de verdure vers Les Lilas ou Romainville. Mais Vincent revient dans le tableau et Marseille aussi. Finalement, quand nous faisons le constat que notre relation fonctionne mieux avec une dynamique amicale qu’amoureuse, j’abandonne l’idée de m’installer dans le sud avec lui.
Les mois passent et je constate que Paris, et maintenant toute sa région, me sortent de plus en plus par les trous de nez, tout comme je constate que j’ai du mal à digérer d’avoir dû abandonner le projet phocéen.
Et un jour, c’est la révélation. Je descends à Marseille pour l’anniversaire de Nelly qui en est originaire et a rejoint le paquebot deux ans avant et alors que nous passons au-dessus de la plage des Catalans, à l’heure du coucher de soleil, je me fige. Je m’y vois. C’est ici que j’ai envie de m’installer.
Une vision, ça inspire et ça motive, mais franchir le cap est une autre affaire. En tout cas pour moi. Je commence d’abord par aller passer un peu de temps à Marseille au cœur de l’hiver pour tester la ville dans les pires conditions. L’expérience est plutôt concluante et pendant mon séjour, je fais des rencontres. Notamment un joueur de basse croisé sur le Cours Julien et avec qui je finis dans une espèce de bar dansant de nuit, clandestin mais pas vraiment clandestin, bref on n’est pas là pour faire le guide de la night marseillaise.
Parmi ses nombreux attributs, ce jeune homme porte un sweat shirt violet et un foulard type flamenco, violet lui aussi. C’est une couleur que l’on voit peu, et encore moins sur un homme. Je ne manque pas de lui souligner et il me répond que c’est sa couleur préférée. Cette information paraît anecdotique mais je la retiens et quand j’en parle à Léa, elle me répond du tac au tac « C’est peut-être un signe … ».
Léa adore la symbolique. Sous-entend-elle que ce sweat violet est porteur d’un message qui m’est adressé ? Si oui, lequel ? La couleur violette contient-elle la réponse à la question : dois-je partir m’installer à Marseille ?
Piquée par la curiosité, je commence mes recherches sur la symbolique du violet. Voici ce que je trouve sur l’article Wikipedia : « le violet est une couleur ambigüe », aïe, on n’est pas aidés.
« Le violet est une couleur fuyante » La fuite ? le départ ? C’est un peu négatif non ?
« Pendant longtemps, la couleur violette fut mal considérée, elle symbolisait la fourberie et la tristesse ». Génial…
« Dans la symbolique occidentale, le violet est associé à la noblesse et à la jalousie ». Là je ne sais plus quoi penser.
« En ésotérisme, c'est la couleur de l'initiation ». Voilà, j’aime mieux. Un départ dans une nouvelle ville c’est une initiation non ?
Cela peut paraître tiré par les cheveux mais quand on se penche sur la théorie des couleurs, on apprend plein de choses passionnantes sur les effets que les couleurs ont sur notre psychisme. Cette approche est utilisée en décoration d’intérieur, en marketing bien sûr, mais aussi pour apporter des soins, c’est ce qu’on appelle la chromothérapie.
A mon retour de Marseille, je sens que je touche la décision du bout des doigts mais que je n’y suis pas encore tout à fait. La trouille, probablement. Alors je me retourne vers les signes de l’univers. Arrivée à la gare de Lyon, je vois que la ligne 14 est fermée. C’est la ligne violette, ça veut dire que je ne dois pas aller à Marseille ? J’arrive près de chez moi, rue Poulet et je prends conscience que la plupart des salons de coiffure africains ont des devantures violettes. Ça veut dire que je dois aller à Marseille ?
Ça dure comme ça pendant quelques jours mais le doute persiste. J’en ai envie mais en suis-je capable ? Déménager toutes mes affaires ne sera-t-il pas trop compliqué ? Et si je me sens seule ? Et si j’ai trop chaud ? Je précise que sur le plan professionnel ce déménagement n’aurait pas un impact trop important, d’où le fait que les questions que je me pose manquent un peu de substance, même si elles me réveillent la nuit.
Deux semaines après mon retour, on me parle d’un appartement à louer à Marseille qui a l’air de cocher pas mal de cases. Le projet commence à se dessiner et je me sens prête à faire le pas.
Mais la confirmation que cette décision est la bonne arrive à un moment où je ne m’y attends pas du tout. Alors que je remonte la rue Poulet, pour la 1150ème fois de ma vie et que j’écoute la playlist Spotify « En boucle », où passent des chansons de tous les styles, que j’ai écoutées à peu près autant de fois, démarre un morceau qui me fige lui aussi. Un accord de guitare doux amer, suivi d’une mélodie qui me donne envie de danser un slow ou de me lancer dans karaoké solo.
« I never meant to cause you any sorrow … I never meant to cause you any pain ». C’est lui, c’est Prince, qui chante une de mes chansons préférées de la vie … et elle s’appelle Purple Rain ! Pluie VIOLETTE.
Mais bien sûr, Léa avait raison, c’était un signe. Un messager bassiste – et j’ai oublié de le dire, fan de funk - qui porte du violet, c’est Prince qui s’est incarné dans ce marseillais pour me dire à moi, rien qu’à moi, de venir m’installer dans cette ville*.
Le pouvoir de la musique, encore et toujours.
Je ne suis pas encore partie mais c’est presque fait et je peux l’affirmer aujourd’hui, la rue Poulet ne me manquera pas.
*Je ne sais pas quels messagers ont prévenu les dizaines de milliers d’autres parisiens qui font comme moi ; si vous en connaissez, demandez-leur.
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laperditudedeschoses · 1 year ago
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Jade et la jeune fille formidable
Comment savoir si on est épanoui ?
Pas si simple. On pourrait croire qu’on le sait naturellement, que c’est une évidence, que comme Céline on peut jeter sa tête en arrière, écarter les bras en croix et affirmer le sourire jusqu’aux oreilles « Je suis bien ».
Mais à bien y réfléchir, la réalité est plus complexe. Ne vous est-il jamais arrivé de vous sentir tout rabougri parce que vous êtes stressé, contrarié, d’avoir l’impression que le monde est contre vous, que votre ne vie ne vaut rien et au moment d’envisager de passer sous anti-dépresseurs retrouver le sourire parce que « c’est bon en fait j’ai pas perdu mon tél, je l’avais juste mis dans ma poche intérieure » ? Et puis finalement prendre conscience que tout va bien et que vous avez de la chance ?
Inversement, qui n’a jamais passé un moment avec cette personne qui clame haut et fort que tout baigne, que « ça va ça va », alors que l’on peut percevoir le gouffre émotionnel dans le fond de ses yeux comme dans deux petites fenêtres, cette personne qui nous affirme qu’« en ce moment ? Oh rien de spécial, un peu de boulot mais je tiens bon », alors que le burn out est à deux doigts de faire son grand débarquement ?
Si on peut mentir aux autres et à nous-mêmes, à quel saint peut-on se vouer pour savoir si on est heureux ? Existe-t-il des indicateurs, des signes extérieurs d’épanouissement, l’équivalent Rolex du bonheur, observables par tout le monde y compris nous ? Figurez-vous que oui, au moins un et je l’ai découvert il y a peu de temps.
Pour vous en parler, je reconvoque Jade, cette « jumelle de cassos » que j’ai connue dans le monde impitoyable des projets de transformation des entreprises du CAC 40, cette pionnière qui a défriché pour moi le monde encore plus impitoyable des manipulateurs puis des amoureux évitants.
Nous nous voyons de temps en temps pour prendre des verres et se raconter nos vies. Du temps peut s’écouler entre chaque entrevue mais quel que soit le nombre de semaines ou de mois qui viennent de passer, Jade a toujours des choses incroyables à me raconter, de nouvelles activités testées, des anecdotes hyper drôles, une prise de conscience sur un élément important de sa vie, des conseils de sa psy qui s’avèrent utiles pour tout le monde, a minima pour moi. Si elle arrivait à lâcher définitivement les power points et les tableaux de bord, de sa capacité à raconter des histoires elle pourrait faire son métier. Je pourrais lui donner les clefs de La Perditude des choses les yeux fermés, mais pour le moment, contentons-nous d’en faire un des nombreux personnages de ma galerie.
Le verre dont je vais parler se passe tout début mai, au démarrage du printemps mais plutôt ressenti comme une fin d’hiver bien trop long. Pour ma part, je rentre d’une semaine de vacances/télétravail en Bretagne, où j’ai passé 80% de mon temps à stresser et 20% à picoler pour me détendre. Pourtant, quand Jade s’enquiert de mon moral, je réponds en pilote automatique « Ça va ça va ».
Jade me raconte sa vie, ses dernières vacances, des histoires ubuesques de boulot : un ancien client complètement taré qui propose de lui vendre un marché à 100 000 euros si elle accepte de recruter son cousin et la harcèle de sms nuit et jour pour qu’elle accepte.
A mesure qu’elle parle, quelque chose m’interpelle. Sa peau très lisse, ses grands yeux verts rieurs, ses cheveux qui brillent plus que d’habitude. Je ne l’ai jamais trouvée si belle. Quelque chose a changé, mais quoi ? Aurait-elle fait du botox ? Elle n’est pas particulièrement bronzée – elle me parle d’ailleurs de ses vacances pluvieuses passées à bouquiner au coin du feu.
Dans le bar, un miroir est accroché au mur à côté de ma banquette et lorsque je m’y regarde, je vois une tête de vilaine fripouille toute contrariée qui crée un contraste énorme avec la jeune femme épanouie qui me fait face.
A mon tour je lui raconte ma vie, rien de transcendant, quand enfin elle lâche le morceau, les yeux encore plus illuminés :
« Et sinon je ne t’ai pas dit mais j’ai un crush … »
Ah
« … pour une femme »
Oh !
Nous y revoilà ! Une nouvelle réorientation en pleine carrière. Après quinze ans de bons et loyaux services à l’hétérosexualité, le besoin de donner un nouveau souffle à sa vie amoureuse, de changer d’environnement, d’apprendre un nouveau langage. On peut dire que ça lui réussit.
Je vais évidemment en dire plus sur cette situation, mais avant cela j’aimerais faire une petite parenthèse sur le lien que j’ai immédiatement fait entre cette nouvelle source d’épanouissement pour Jade et l’aspect changé de sa peau.
Je vous avais déjà parlé de la peau de Père Castor, ce Charentais haut en couleurs qui mangeait des poissons sans écailles pour mieux se connecter avec le cosmos et Jade m’apporte une preuve supplémentaire que l’aspect de la peau est un signe manifeste du bien-être, ou non, de celui qui l’habite.
Cela peut paraître évident, mais je n’en avais jamais fait le constat aussi clairement que ce soir-là et alors que commence à se poser la question d’avoir recours aux injections ou d’ouvrir un compte épargne supplémentaire pour payer un lifting qui me permettrait d’avoir la même peau que Jennifer Lopez quand j’aurai 50 ans, je suis contente de savoir que d’autres options sont possibles, comme celle d’avoir un crush, tout simplement.
J’avais tout de même remarqué, au sortir du premier confinement, que sans avoir rien fait pour dégrader l’aspect de ma peau mais en ayant juste eu une absence totale de perspective et de fun pendant deux mois, je me trouvais « grise et fade ».
Cette théorie aurait pu rester une de mes tentatives foireuses de schématiser le monde si les hasards de la vie n’avaient conduit Léa à me parler hier soir, oui hier soir, du travail extrêmement documenté d’un psychanalyste appelé Didier Anzieu sur ce que la peau révèle du psychisme de chacun, travail auquel il a donné le nom mystique du « Moi-peau ». D’après un texte qu’elle m’a transmis, qui lui avait été transmis par son amie Plume que j’embrasse au passage, « la peau n’est pas qu’une enveloppe physiologique, elle a une fonction psychologique qui permet de contenir, de délimiter, de mettre en contact, d’inscrire. » Je fais l’impasse sur le reste du texte qui n’est pas toujours limpide.
Mais j’en retiens qu’à l’avenir, pour savoir si l’on est épanoui, peut-être faut-il passer chez le dermato avant de contacter un psy.
Revenons-en à Jade et à son crush, qui s’appelle Elizabeth. Après son ex François, dont le prénom me faisait penser à François Hollande, ce nouveau coup de cœur m’évoque Elizabeth Guigou et j’imagine tout à coup Jade nageant dans une mer de désir remplie des éléphants du Parti Socialiste, vision très étrange.
Si vous avez lu le billet intitulé La voyante de Zouzou, vous savez que Jade n’est pas la première femme que je croise qui tombe amoureuse d’une autre femme après avoir aimé des hommes ; il y en a d’autres dont je n’ai pas encore parlées mais qui se reconnaîtront. Vous devez donc savoir que ça évoque chez moi tout un tas de questions, dont une qui ressort encore plus, considérant que Jade a connu précédemment les mêmes schémas amoureux que les miens : est-ce que ça va m’arriver à moi aussi ?
Je profite de l’avoir sous la main pour lui poser certaines de ces questions, comment elle le vit, est-ce qu’elle se voit en parler à son entourage familial, comment elle s’en est aperçue. Mais le seul sujet qui l’empêche de dormir et pour lequel elle me demande de l’aide c’est comment faire un move ?
Quelques éléments de contexte : Elizabeth est une collègue de Jade qui vit à Bordeaux et avec qui elle travaille sur un projet en ce moment. Elles s’entendent très bien et en sont rapidement venues à se confier sur leurs vies personnelles respectives, incluant bien sûr leur vie amoureuse. Les deux sont célibataires, mais les deux, jusqu’il y a peu en tout cas, sont hétérosexuelles.
Tenter une approche avec quelqu’un qui nous plait n’est jamais facile, mais il est vrai que de le faire avec quelqu’un du même sexe, qui a priori n’a jamais vécu d’histoire avec une autre personne du même sexe et ne se doute pas une seconde que vous-même êtes attirée par elle parce que vous non plus n’avez jamais vécu d’histoire avec quelqu’un du même sexe … je ne sais plus comment j’ai commencé cette phrase, mais c’est compliqué.
En bonnes consultantes, Jade et moi brainstormons pour trouver des idées lui permettant de passer à l’action. Jade suggère de sortir boire des coups et tenter de l’embrasser, tout simplement. De mon côté, je lui conseille plutôt de lui en parler, pour éviter un couac au moment du bisou, à quoi Jade répond qu’elle trouve cette approche « pas romantique, voire un peu lourde ». La soirée se termine sur ces différentes pistes.
Dans les mois qui ont suivi, chaque fois que je voyais Jade je trépignais d’impatience de savoir où elle en était. Malheureusement le passage à l’acte s’est avéré très délicat et Jade a eu l’impression qu’Elizabeth avait compris d’elle-même et que son coup de cœur n’était pas réciproque.
La semaine dernière, je l’ai retrouvée pour un traditionnel verre de catch up, après au moins quatre mois sans se voir. J’ai appris à cette occasion qu’elle a rencontré quelqu’un, un homme, laissant de côté la possibilité d’une idylle avec Elizabeth. Je ne peux cacher que j’ai ressenti une petite déception, pas tant parce que la chute de mon billet de la semaine eût été différente, mais parce que j’aurais aimé voir voire cette histoire se matérialiser, continuer de voir ses yeux briller.
Jade a toujours une belle peau hein, mais quand même, le soir en question, y avait un truc en plus …
Elle m’a quand même dit qu’elle aimerait un jour parler de tout ça avec Elizabeth, ce qui soulève une nouvelle question : comment annoncer à une personne du même sexe qu’on a eu un crush pour elle alors qu’elle n’a elle-même jamais été attirée par une autre personne du même sexe et qu’elle pense qu’il en est de même pour vous ? Cette fois-ci, elle sera obligée de parler, même si c’est « lourd » …
Cette histoire m’évoque une autre question fondamentale : pour avoir une belle peau, qu’est-ce qui est le plus simple, faire un lifting ou être épanoui ?
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laperditudedeschoses · 1 year ago
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Vous voyez le cordon noir ? Coupez-le.
Saviez-vous qu’une séance d’hypnose permet d’avoir la récupération d’une sieste ?
Cette question m’a été posée au moins 75 fois. Autant de fois que j’ai regardé, ou plutôt écouté, une vidéo d’hypnose sur Youtube modestement appelée « Adieu fatigue » et proposée par un monsieur au visage poupin, au cheveu rare et doté d’une grosse barbe rousse. Cet homme à la voix tantôt douce, tantôt caverneuse m’a sauvé la mise plus d’une fois - en l’occurrence soixante-quinze - quand il s’agissait de retrouver de l’énergie en milieu de journée après une nuit de sommeil agité.
Ses vidéos, qui sont très nombreuses et qu’il suggère habilement de regarder tous les jours, pour une amélioration nette de la qualité de notre sommeil et pour une augmentation nette du nombre de ses vues, font partie de ma vie depuis quelques années. Il propose différentes thématiques pour traiter tous types de sujets : sommeil bien sûr, mais aussi confiance en soi, tabagisme, hypersensbilité …
Il me semble avoir fait la connaissance de Barberousse via une vidéo humoristique d’un Youtubeur au sujet des insomnies et ça a été ma première rencontre avec l’hypnose.
Si je devais résumer une séance d’hypnose en ne m’appuyant que sur ses vidéos, je dirais qu’il s’agit pour celui ou celle qui la pratique de parler sans discontinuer et avec une voix calme en disant n’importe quoi - « pendant que vos pensées se subdivisent, que l’esprit apprend à laisser les choses jaillir en lui d’une manière inconsciente, dans l’état de pré-sommeil, cette manière de se dire, de se voir, de s’entrapercevoir ou de percevoir peut-être plus simplement, à mesure que le stress s’en va apparaissent toutes les émotions, laissez votre regard se reposer » - jusqu’à ce que l’hypnotisé se mette en « transe », que Barberousse résume ainsi : « un état de semi-conscience et de détente qui ressemble au moment où nous nous endormons ».
En ce qui me concerne, l’efficacité est redoutable et j’aurais pu m’arrêter là si je n’avais pas été poussée par la curiosité, voire le désespoir, vers d’autres formes d’hypnoses. A part cette version Réseaux-sociaux-pour-insomniaque je ne connaissais que l’hypnose spectaculaire qui nous est montrée à la télé, avec un type qui parle, là aussi, d’une voix très calme et avec un débit continuel, à des gens du public qui ferment les yeux, laissent pendouiller leur tête et font des choses qu’ils oublient dès que le manitou les réveille.
Toutefois, Judith m’avait aussi parlé de séances qu’elle avait pratiquées il y dix ou quinze ans dans le salon d’un « hypnothérapeute » quelque part en Seine et Marne pour résoudre un problème personnel et de l’efficacité qu’elle avait constatée quelques semaines plus tard. Heureusement je m’en suis souvenue et j’ai pu me lancer moi aussi, pour élargir ma palette de prestations d’accompagnement psychologique.
Remontons dans le temps, à une époque où, comme vous le savez maintenant, je vis de plein fouet une relation anxieuse + évitant = stress.
Face à un être mutique qui ne me rassure pas constamment comme j’en aurais besoin, je me sens en permanence comme un nourrisson abandonné, un genre de Moïse qu’on laisse filer sur une rivière dans son petit lit de branchages. N’ayant pas la résilience suffisante pour transformer ce sentiment d’abandon en pouvoir surnaturel qui permettrait d’ouvrir la Mer Rouge en deux, je cherche plutôt à m’en débarrasser.
Et en pleine nuit, après une nouvelle crise de panique qui se transforme en dispute, qui se transforme en ultimatum, qui ne donne lieu à rien du tout, je repense à l’hypnose et me mets à chercher un ou une thérapeute sur Doctolib, disponible dès le lendemain, oui le lendemain, pour me recevoir pour une séance. J’ai beaucoup de chance car je tombe sur une femme qui m’a l’air tout à fait respectable, qui reçoit dans un cabinet à 200 mètres de chez moi et qui a une disponibilité dès la fin de matinée le jour suivant !
Elle dit pratiquer l’hypnose « humaniste », qui n’est pas tout à fait comme l’hypnose ericksonienne. Jai hâte d’en savoir plus…
Quand j’arrive pour ma séance, je me sens tellement désespérée que je veux juste que quelqu’un me parle et me rassure. Je tombe alors sur une petite jeune femme très douce, qui doit être à peine plus âgée que moi et qui a des yeux très clairs. Elle me demande dans un premier temps pourquoi je suis là. Je lui explique ma situation, lui raconte un peu ma vie, lui sors le topo que j’annonce à chaque rencontre avec un nouveau thérapeute (je n’en ai pas vu tant que ça, mais j’ai quand même un laïus tout prêt).
Puis c’est elle qui parle, beaucoup, avec une voix douce et le regard brillant. Elle m’explique la différence entre hypnose humaniste et ericksonienne, dont je vais vous faire un résumé rapide : l’hypnose humaniste est une hypnose de conscience augmentée ; concrètement le patient est totalement présent psychiquement pendant la séance, c’est lui/elle qui orchestre ce qui se passe, choisit ses symboles, agit sur son inconscient mais il peut le faire parce que ses sens sont exacerbés, disons plus ouverts. Pour faire passer un patient dans un état de conscience augmentée, on utilise les techniques qu’on utilise normalement pour faire sortir un patient sous hypnose ericksonienne … vous me suivez ?
Bon, elle me parle aussi d’elle, de ce en quoi elle est spécialisée, la thérapie de couple et « l’imago » puis du fonctionnement du psychisme, de l’inconscient, du fait que le cerveau ne distingue pas le réel de l’imaginaire, ce qui explique l’état de panique dans lequel on peut se mettre rien qu’à envisager le pire et même si tout va bien, ainsi que de la force des symboles et images que l’on peut envoyer à ce même cerveau, grâce à l’hypnose.
En toute fin de séance, elle me fait une rapide « induction » mais me propose de revenir une prochaine fois pour de la full hypnose. Elle m’a convaincue et je reprends rendez-vous une semaine plus tard.
Au total, je crois que je suis allée la voir sept fois et il s’en est passé des choses … Chaque séance démarrait par une petite conversation pendant laquelle je lui parlais de mon couple et où elle réagissait et me donnait des conseils, dont certains assez précieux sur la communication non violente, puis nous passions à l’hypnose.
Allongée ou assise, je l’écoutais me parler, me demander de fermer les yeux, d’imaginer des choses étranges comme une galaxie d’étoiles à l’intérieur de mon buste ou une lumière vive à différents points de mon corps. Puis je me sentais partir tout en étant toujours là, un peu comme si j’étais droguée, mais légèrement.
Ensemble nous sommes allées envoyer des représentations à mon cerveau. Elle m’a fait parler à mon enfant intérieur, une petite fille brune qui rit tout le temps et qui, d’après ce que j’ai cru voir, demande juste qu’on lui foute la paix, à une autre enfant intérieur, mais cette fois-ci âgée d’environ treize ans, qui avait la tête de la femme d’un de mes collègues – extrêmement bizarre – et à qui j’ai construit un appartement à l’intérieur de mon ventre, oui oui. J’ai aussi pu prendre un café avec mon amour de jeunesse, pour lui demander pardon de l’avoir quitté si précipitamment. J’ai vu mes deux parents et pu presque littéralement « couper le cordon » avec eux, en utilisant une paire de ciseaux que j’ai dû imaginer dans ma tête. S’ils savaient …
Tout cela peut paraître étrange, mais j’ai ressenti sur le moment le bien que ça me faisait, à tel point que j’ai recommandé cette thérapeute à deux de mes amis : Léa, qui après y être allée deux fois m’a dit tout de go « Je vais arrêter, j’y crois pas une seule seconde à ce truc, c’est trop facile, genre tu imagines une pierre qui représente un problème, tu la balances par-dessus ton épaule et ça y est c’est fini » ; Alessandro qui lui aussi y est allé deux fois et m’a carrément dit qu’il se « méfiait de cette femme qui n'a pas l’air nette ».
Bon … j’ai mon indépendance d’esprit et je n’ai pas arrêté de voir cette hypnothérapeute à cause de ce qu’ils m’avaient dit, mais parce qu’elle a fini par augmenter ses tarifs. Néanmoins je suis quand même persuadée qu’elle m’a aidée à retrouver du poil de la bête et regagner confiance en moi à une époque où j’en avais bien besoin. Et cumulée avec les petites vidéos de Barberousse, dont une intitulée « Le changement c’est maintenant », elle m’a permis de dire au revoir à mon évitant … une première fois avant quelques rééditions, mais quand même !
Cette hypnothérapeute doit avoir quelques pouvoirs surnaturels parce qu’il y a une heure environ, alors que j’écrivais ce billet qui parle d’elle, elle m’a envoyé un mail d’invitation à un séminaire pour couples qu’elle organise avec son mari en mai prochain, alors que je n’ai rien reçu d’elle depuis trois ans.
Père Castor m’avait bien parlé de télépathie …
Et vous l’hypnose, vous en pensez quoi ?
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laperditudedeschoses · 1 year ago
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Les papillons de Néné
Quand je pense à ma famille, quelle que soit la direction dans laquelle je regarde, quelle que soit la branche que je remonte dans l’arbre généalogique, je ne vois que des zinzins.
Zinzin est un terme affectueux bien entendu, que je m’auto-attribue ainsi qu’à mes amis, mais tout de même, j’ai grandi entourée d’un certain nombre de référent.e.s qui disposaient d’un esprit ne fonctionnant pas de manière parfaitement rationnelle et censée.
Dans cette nuée de gens pas comme tout le monde, il y avait Néné. Néné était la sœur de feue ma grand-mère adorée Mamou. Les deux avaient bien sûr de vrais prénoms qu’il n’est pas nécessaire de dévoiler ici.
Néné est un personnage en soi, pour tout un tas de raisons. Son aspect physique pour commencer. Il faut savoir que de ce côté de ma famille, nous pouvons nous targuer d’avoir des origines Micmacs, un peuple natif d’Amérique du Nord, dont certains membres se sont mélangés avec des navigateurs bretons. J’adore la ramener avec ça, même si objectivement ces origines remontent à deux cents ans et que j’affiche plutôt les caractéristiques de la grande communauté internationale des zinzins que celles de n’importe quelle amérindienne. Mais Néné, elle, avait les attributs physiques des MicMacs : la peau mate toute l’année malgré des journées entières passées dans ce qu’elle appelait son « gourbi » ou dans son jardinet de Vendée, qu’on appelait le « tempote » ; de longs cheveux noirs épais et très lisses qu’elle coiffait toujours de la même manière, une espèce de chignon/queue de cheval ; un nez aquilin et une mâchoire ovale.
Son allure également. Elle avait peur de beaucoup de choses et préférait la compagnie de ses multiples chats à n’importe quelle interaction avec un autre être humain, mais quand elle se décidait à sortir, elle enfilait un imper blanc et enfourchait son solex pour sillonner les départementales de son coin, ce qui lui donnait l’air d’un personnage du Petit Spirou.
La vie qu’elle a eue, aussi. Un peu triste, il faut l’admettre, mais commune à beaucoup de femmes de sa génération qui n’étaient pas mariées et n’avaient pas d’enfants. Elle a eu quelques petits boulots, s’est occupée de ses parents sur la fin de leur vie, a travaillé comme gouvernante chez un ancien militaire qui n’avait pas l’air sympathique, a vécu seule longtemps et a terminé ses jours dans un EHPAD. Je l’ai pour ma part surtout connue quand elle vivait dans sa petite maison, dont elle aspergeait le sol d’eau de Cologne pour neutraliser l’odeur de chat et qu’elle espérait quitter le jour où « la grosse somme d’argent » qui lui avait été promise par une publicité mensongère – qui lui demandait d’envoyer des chèques de 20 euros pour pouvoir réclamer son dû – lui serait enfin versée.
Parce qu’une de mes tantes n’a eu ni enfants ni mari, ma cousine prétend que chaque génération a sa Néné, mais on ne peut pas encore dire qui, de la nôtre, remportera le trophée.
Un autre attribut avec lequel j’ai toujours connu ou entendu parler de Néné, c’est son penchant pour la mélancolie, ou l’anxiété, qui n’était toutefois jamais exprimé ainsi. Pour une femme issue de la France profonde et catholique, d’une génération qui a connu la guerre et où aller chez un psy relevait du domaine de la science-fiction, le terme de « névrose » n’a jamais été évoqué et elle préférait le formuler de la sorte : « Oh tu sais … ma tête m’a encore joué des tours ». Petite je ne comprenais pas vraiment ce que ça voulait dire mais j’ai vite compris qu’elle aimait en user pour un oui ou pour un non.
Elle est décédée il n’y a pas longtemps et quand ma mère m’a raconté comment elle avait récupéré toutes ses affaires à l’EHPAD et les pépites qu’elle avait trouvées, elle a mentionné des « papillons ».
Devant mon air surpris, ma mère m’interpelle « Tu connais pas les papillons de Néné ? ». Il s’agit apparemment de petits papiers sur lesquels elle écrivait ses humeurs, ses préoccupations, des choses qui lui arrivaient, pour ne pas les oublier. Elle les a conservées pendant des décennies et ils se comptent par dizaines, conservés dans diverses boîtes à chaussures en carton ou boîtes de bonbons en métal (les Quality Streets que nous lui offrions pour Noël, avant de les dévaliser quand nous allions regarder la télé chez elle, un parfait exemple d’économie circulaire).
Ça alors ! Néné, bien avant toutes les instagrameuses qui mangent du chia pudding, a pratiqué le journaling pour évacuer ses démons, prendre du recul sur la vie et initier ses mornings routines, entre ses piles de télé Z et ses meubles plastifiés.
Et appeler ça des « papillons », c’est tellement poétique, la légèreté du papier qui équilibre la profondeur de certaines de ses pensées noires. Néné était une artiste non reconnue en fin de compte !
On est ici pour se détendre, mais aussi pour apprendre quelques techniques de développement personnel alors faisons un point sur le journaling. Sur internet je trouve cette définition, très poétique elle aussi : « un rituel d'écriture quotidien, un rendez-vous pris avec soi et quelques feuilles de papier ». Concrètement ça consiste à écrire ses pensées pour s’en défaire et entamer sa journée plus sereinement. C’est le principe du journal intime, qui permet aussi de se souvenir de moments forts que l’on a vécus. C’est une pratique popularisée grâce à un livre intitulé The artist way, qui encourage, pour libérer sa créativité, la rédaction de « morning pages », trois pages d’écriture manuscrite en pleine conscience et dès la première heure du jour. Il m’arrive de rédiger des morning pages, mais aussi des afternoon pages, voire des night pages pendant les insomnies et je dois dire que c’est assez efficace.
Pour préparer ce billet, ma mère a eu la gentillesse de me recopier quelques papillons dans un mail et je la remercie pour cela. Notons qu’elle ne lira probablement jamais ces remerciements, dans la mesure où je n’ai pas encore osé lui communiquer l’adresse de La Perditude des choses, n’assumant pas qu’elle lise certains billets qui évoquent la sexualité, même réprimée, comme Pierrot mon poto ou Les huiles essentielles.
Bref, à la lecture de quelques exemplaires, je m’aperçois que les papillons ne sont pas exactement ce à quoi je m’attendais. C’est plutôt un florilège assez gratiné d’une femme en colère et paranoïaque.
Un florilège de notes à elle-même : « Je ne croyais pas mes ennemis aussi proches … J´ai plus de secours venant du ciel, de mon défunt frère, qui est toujours avec moi. »
Un florilège de copies de notes adressées à des gens qu’elle aime plus ou moins, son voisin « Faites stopper ce bruit incessant qui vient de votre salle de bain » ; au prêtre qui officiait avec mon grand-oncle, lui-même prêtre « Cher Père, je vous suis très reconnaissante de bien entourer mon frère pendant sa maladie. Si son état devenait plus alarmant, pourriez-vous prévenir ma sœur au 02…… elle est plus résistante que moi. »
Un florilège de brouillons de courriers, dont un expédié à Julien Courbet avec un dossier de 50 pages, qui commence ainsi : « Après de longues années de souffrance votre émission me redonne un espoir. C´est pourquoi pour comprendre ma demande je vous envoie tout mon dossier. »
Moins poétique que ce que j’imaginais, c’est tout de même un témoignage intéressant d’une époque qui n’existe plus vraiment : les courriers manuscrits et leurs copies, la correspondance avec le prêtre du village, Julien Courbet …
D’ailleurs en écrivant ce billet, j’ai pris plaisir à me replonger dans ces souvenirs et à les graver dans mon récit.
Oh mais dis donc, moi aussi je suis quelqu’un d’anxieux et moi aussi j’aime écrire et tout conserver dans des carnets.
Catastrophe ! Suis-je la Néné de ma génération ?!
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laperditudedeschoses · 1 year ago
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Jérôme et l'oracle du cercle des femmes
Pour un de mes anniversaires, mes amies Nelly et Judith m’ont offert un oracle.
Tout le monde, enfin j’imagine, aime les cadeaux. Mais chacun attache une importance plus ou moins prononcée à certains critères : l’esthétique, la difficulté qu’a eu l’offrant à le trouver, son empreinte carbone, sa rareté, sa conception do it yourself – big up les colliers de pâtes -, son prix bien sûr. Pour ma part j’apprécie énormément les cadeaux utiles. Et L’Oracle du cercle des femmes, puisque c’est celui-ci qu’elles ont choisi, est un des cadeaux les plus utiles qui m’ait été offert.
Qu’est-ce qu’un oracle exactement ? Dans l’antiquité il s’agissait d’une personne vers qui on se tournait pour s’entendre prédire son futur ; on pense évidemment à l’Oracle de Delphes qui a annoncé à Œdipe qu’il allait tuer son père et coucher avec sa mère. Depuis quelques années toutefois, le mot oracle est aussi donné à un genre de jeu de cartes que l’on peut utiliser pour faire des tirages, comme un tarot. On en voit fleurir un peu partout, avec des thématiques différentes : Oracle de l’art, Oracle du féminisme, Oracle des sorcières et j’en passe.
L’Oracle du cercle des femmes contient 42 cartes et permet de répondre à des questions pour orienter des choix de vie en révélant toutes les facettes de femme qui sommeillent en nous. Il peut aussi être utilisé à plusieurs pour animer des « cercles de femmes », que l’on peut constituer en s’appuyant sur les instructions d’un livre appelé Créez votre cercle de femmes et découvrez la force de la sororité, écrit par la créatrice de l’oracle.
Je l’utilise seule mais il est rapidement devenu le compère de mes phases de doutes, qui sont fréquentes. 3h30 du matin, je suis éveillée et tourne et me retourne dans mon lit. Qui suis-je et où va ma vie ? Je n’aime pas mon travail, je ne fais pas assez de sport, je suis célibataire, j’entends mon voisin qui fait pipi, bref je suis perdue. J’allume la lumière et attrape l’oracle sur ma table de nuit. Je bats puis coupe les cartes de la main gauche, je les étale devant moi et en choisis trois. Une qui symbolisera celle que j’étais avant, une celle que je suis aujourd’hui et l’autre celle que je serai bientôt.
Première carte : l’opiniâtre. « Je suis sûre de moi, aucun obstacle ne me résiste, je persévère. L’opiniâtre sait exactement où elle va et ne dévie pas de son objectif. ». Dommage que ce soit la carte du passé !
Deuxième carte : la silencieuse. « Je suis en silence, je laisse mes paroles endormies. Aujourd’hui je n’écoute que moi ». Bon bah je vais éviter de demander des conseils aux gens.
Troisième carte : la colérique. « Je sors de moi toute colère, les changements s’imposent. Aujourd’hui je m’exprime ». C’est ça mon futur ? Je ne m’énerve jamais pourtant.
Curieusement, savoir, ou croire, que je vais bientôt me mettre en colère et envoyer les gens pénibles voir ailleurs si j’y suis m’apaise et je me rendors.
L’Oracle contient des cartes sur lesquelles j’adore tomber, « la créatrice », « l’aventurière » et d’autres que je déteste, « la fragile », « la menteuse ». Un oracle uniquement conçu pour les femmes … vraiment ?
Laissons derrière mon insomnie et ma chambre sous les toits parisiens pour aller prendre un peu le soleil et répondre à cette dernière question.
Nous sommes au mois d’août, sur une plage magnifique de l’Atlantique, à l’heure où le soleil décline sérieusement, laissant la lune sortir de terre, grosse et orangée, à l’heure où la chaleur étouffante a laissé place à un air plus doux, mais suffisamment chaud pour traîner encore des heures en maillot. Nous, c’est Léa et moi. Nous ne sommes pas seules, puisque nous avons convié à ce moment de détente extrême un cubi de vin blanc nature. A la différence de la bouteille de verre, qui nous alerte sur notre alcoolisme par transparence et nous freine avec son contenu plus limité, le cubi est une source qui ne se tarit jamais, ou presque. Une petite pression et voilà notre verre qui se remplit aussi vite qu’il sera vidé.
Dans ce décor de rêve, l’esprit léger grâce aux vacances et jamais assoiffées, nous refaisons le monde, prenons des selfies, écoutons de la musique en nous émerveillant d’un rien. La vie est douce et nous nous sentons puissantes, dans notre essence de Femmes avec un grand F. Mais à la nuit tombée, sans crier gare et avec la complicité du cubi, les deux grâces se transforment progressivement en tatas pinard.
Nous quittons la plage et passons près de la maison de Tony, un ami d’enfance, qui accueille chez lui pour la semaine un de ses potes appelé Jérôme, que nous avons rencontré l’après-midi même.
Dans le village où je passe mes vacances, nous avons l’habitude d’entrer les uns chez les autres sans s’annoncer et je ne déroge pas à la règle en collant mon front sur la fenêtre du salon de Tony, où je vois Jérôme en t-shirt et caleçon affairé sur son ordinateur. Je tape immédiatement à la fenêtre, « Ouh ouh !!! ». Jérôme nous voit et avant même qu’il ait répondu quoi que ce soit à ce salut distingué, j’entre dans la maison.
Le moment est venu d’en dire un peu plus sur les protagonistes de cette soirée. De Jérôme, nous ne savons pas grand-chose, si ce n’est que Tony le connaît depuis quelques mois, qu’il travaille dans l’art, sans plus de détails, qu’il va de temps en temps à Dubaï et qu’il est célibataire. L’ayant vu en maillot sur la plage, nous savons aussi qu’il est charmant. Il intrigue Léa, et c’est à elle que je vais m’intéresser maintenant.
Je l’ai déjà évoquée plusieurs fois dans mes billets, mais à part le fait qu’elle rêve de gode-michets trouvés dans la rue, vous ne savez pas grand-chose d’elle. Léa est une amie de longue date. Comme beaucoup de gens de mon entourage, elle est née sous le signe de la balance et elle en a les attributs. Elle est notamment en recherche permanente d’un équilibre entre deux versants de sa personnalité qui ne font pas toujours bon ménage. Donnons-leur des petits noms. D’un côté nous avons Léi. Léi est un people pleaser, autrement dit quelqu’un qui souhaite faire plaisir aux autres, cherche à satisfaire leurs attentes, facile à vivre, essayant de communiquer pour résoudre les conflits, très curieux et ouvert. Mais Léo veille au grain et lui (ou elle) ne se laisse pas marcher sur les pieds. Quand Léo prend le dessus, Léa cherche à compenser la flexibilité de Léi et durcit son tempérament. Parfois pour le meilleur, quand elle devient une négociatrice hors pair où une compétitrice de premier rang au ping pong, parfois pour le pire, quand elle devient légèrement agressive. Il est important de savoir que l’alcool a tendance à énergiser Léo et qu’il endort Léi.
Tout comme moi, et comme beaucoup de mes amis, Léa a plutôt un profil anxieux, même si elle préfère se décrire comme « romantique ». Aussi, face à Jérôme, ce taiseux musclé mais difficilement saisissable, elle s’interroge. Qui est-il réellement ? Est-il un allié ou un ennemi ?
Nous allons le savoir rapidement puisque nous torpillons son moment de solitude. Tony l’a en effet laissé pour la soirée pour aller retrouver sa petite amie. Ayant laissé de côté la bienséance depuis quelques heures déjà, nous posons nos affaires dans le salon, Léa demande à Jérôme s’il a de quoi nous offrir à boire – le cubi est fini – et je cuisine des pâtes parce que j’ai faim.
L’interrogatoire peut commencer.
« -  Alors Jérôme, tu fais quoi exactement dans la vie ? ».
-Je viens de terminer un roman.
-Ah mais tu te la pètes !
Oups, Léo est réveillé.
Jérôme reste calme suite à cette attaque et nous raconte l’histoire de son livre, qui parle d’intelligence artificielle et d’esthétique. Ok super. On passe à autre chose. Pour une raison qui m’a échappée depuis, on en vient à parler astrologie.
-Quel est ton signe ?
-Bélier.
-Aïe, le pire signe du zodiac ! Caractériel et égocentrique !
Cette fois ci c’est moi qui agresse ce pauvre Jérôme gratuitement. Je tiens à préciser à mes amis béliers que j’ai proféré cette insulte sous l’emprise de l’alcool, autrement j’aurais dit « A fleur de peau et légèrement centrés sur eux-mêmes par moment ».
Jérôme a l’air désemparé, voire inquiet, par cette description. Quant à nous, très sûres de nous, nous continuons de lui poser des questions, de commenter ses réponses, presque de le « womansplainer » dès que nous ne sommes pas d’accord avec lui. C’est étrange, c’est un peu comme si soudainement Jérôme, qui reste très calme et aimable sous les attaques, payait pour tous les hommes qui nous ont déçues. Un martyr malgré lui.
D’ailleurs on en vient rapidement à parler féminisme, aux injonctions faites aux femmes sur leur physique, la maternité, le travail, etc. « C’est scandaleux ! Ça ne te choque pas ? Tu n’as pas lu Mona Chollet ? Tu n’as pas honte ?! ».
Tony débarque à ce moment-là et nous voyant bien échauffées, met de l’huile sur le feu en râlant après les femmes qui ne s’épilent pas. Le débat vire au règlement de comptes, on crie, on est affligées, on ne tient plus debout parce qu’on est bien trop avinées.
Il est clairement l’heure de rentrer pour les tatas pinard. Sur le chemin du retour, nous débriefons, remontées comme des coucous. Ce Jérôme a l’air d’être la caricature du mâle alpha, ça se voit tout de suite !
Le lendemain nous dînons de nouveau avec Tony, Jérôme et d’autres amis. Personne n’en veut à personne, les avantages de l’alcool et de l’amnésie. Cette fois-ci nous tentons une approche plus aimable pour échanger avec Jérôme. Il nous apprend au détour d’une conversation qu’il lui arrive de consulter une médium, en particulier pour lui parler de ses problèmes sentimentaux. Cette médium utilise un oracle pour les consultations, nous dit-il.
Je rebondis en parlant de mon Oracle du cercle des femmes récemment acquis et je vois le regard de Jérôme qui s’éclaire « C’est celui-ci qu’elle utilise ».
Ça alors ! Ce grand gaillard de Jérôme se fait lui aussi tirer les cartes pour savoir quelles facettes de femme sommeillent en lui. Léa et moi n’en revenons pas.
Le vin nature nous a trompées, c’est un bon gars finalement.
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laperditudedeschoses · 1 year ago
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Adam, le premier évitant
Dans la distance maintenue, ils se sentent en sécurité, même si cette fausse sécurité est chèrement payée : la solitude et, au bout du compte, l'échec amoureux. 
Cette semaine, on quitte l’ésotérisme, sans toutefois trop s’éloigner du développement personnel. Cette semaine, je vous emmène dans l’univers de la théorie de l’attachement, un monde peuplé de créatures définies par leur rapport aux autres et la manière dont elles créent du lien. Elfes, fées et farfadets laissent place ici à des insécures, anxieux, désorganisés et à la créature qui nous intéresse aujourd’hui : l’évitant.
Laissez-moi vous raconter comment j’ai fait la connaissance de ce « profil », de ses caractéristiques, de ses schémas familiaux et des techniques à adopter quand on en côtoie. En réalité je vais surtout vous raconter comment en m’intéressant aux évitants j’ai ouvert les yeux et pris conscience que, pour ma part, j’étais plutôt du côté des créatures « anxieuses/fusionnelles ».
Je m’intéresse depuis longtemps à tout ce qui touche à la psychologie, au développement personnel et encore plus à leur champ d’application concret : les relations amoureuses. Que ce soit pour m’instruire, occuper des dimanches après-midi un peu mornes ou pour comprendre des situations que j’ai vécues ou auxquelles j’ai assisté, j’adore fouiner des heures sur internet pour consulter des ressources plus ou moins scientifiques sur ces sujets. Toute information est bonne à prendre, qu’elle soit fournie par Psychologie Magazine ou la thèse d’un doctorant en psychiatrie. La citation qui introduit ce billet est d’ailleurs extraite d’un article du Huffington Post.
J’aime aussi beaucoup donner des conseils non sollicités aux personnes de mon entourage. J’ai souvenir d’un temps où je dévorais des pages d’un site qui s’appelait Redpsy, qui n’existe plus aujourd’hui mais qui contenait des analyses détaillées et très intéressantes sur les personnes souffrant de dépendance affective. Je me permettais d’en envoyer des liens par mail à des proches, avec pour objet « Ca m’a fait penser à toi, tu devrais le lire », ce qui, miraculeusement, n’a jamais mis en péril mes amitiés. J’avais le sentiment d’être une coach aidante et bienveillante, flottant un peu au-dessus de tout ça et ne me sentant pas du tout concernée par ces problèmes d’amour fusionnel ou autre manque de confiance en soi.
On s’entoure la plupart du temps de gens qui nous ressemblent ou nous comprennent. Forcément, je compte autour de moi d’autres personnes curieuses et, oserais-je dire, légèrement névrosées, comme Jade, avec qui les similarités vont si loin que j’ai fini par l’appeler « ma jumelle de cassos ». Pourquoi ce sobriquet ? Jade est une amie que j’ai connue au travail il y a une dizaine d’années. Nous étions toutes les deux consultantes en management de la transformation pour des grandes entreprises du CAC 40 et bien que volontaires pour répondre au mieux aux exigences de ce métier aux contours flous, ni elle ni moi n’étions réellement adaptées à ce monde. Nous avons travaillé ensemble pendant six mois sur une mission absurde et inutile pour un client lunaire, créant entre nous un lien indéfectible, comme celui qui unit deux anciens compagnons de cellule.
Mais il n’y a pas que ça. A la même époque et pendant la même durée, à une ou deux semaines près, nous avons toutes les deux été en relation avec un homme extrêmement toxique. Pas le même bien sûr, mais à comparer leurs comportements respectifs on eût pu croire qu’ils avaient été conçus dans la même usine : agressivité, manipulation, enfance difficile, mère toxique, dépendance affective, menaces de suicide et j’en passe. Jade s’était séparée de son compagnon avant moi et avait déjà effectué de nombreuses recherches sur ceux qu’on appelle de manière un peu résumée les pervers narcissiques. Aussi, quand je m’étais confiée à elle sur ce que j’avais vécu, elle m’avait transmis tout un tas de ressources, notamment une campagne de publicité belge qui recréait des scènes de couples avec un partenaire toxique et qui m’avait glacé le sang, tant elle était réaliste.
Heureusement, Jade a retrouvé l’amour quelques années plus tard dans les bras de François. Très différent du précédent, François est plutôt du genre doux, respectueux, mais pas dépendant affectif pour un sou, voire beaucoup trop indépendant, à rentrer dans sa grotte même quand tout va bien et ne plus donner de nouvelles pendant des semaines. L’histoire connaît rapidement quelques rebondissements et Jade s’en trouve fort contrite. Elle en touche un mot à sa psy qui lui parle de la théorie de l’attachement et des différents profils qu’elle décrit. Une fois de plus, au cours d’une après-midi que je passe chez elle pour boire un café, Jade partage avec moi ses connaissances nouvellement acquises, m’apprend que François est un « évitant » et, humblement, qu’elle est « anxieuse ».
Je suis intriguée et mène mes propres recherches en rentrant chez moi.
Voici ce que l’on peut retenir de la théorie de l’attachement. Elle remonte aux travaux qu’un psychiatre du nom de John Bowlby a mené dans les années 50, en analysant les styles d’attachements que les parents ont avec leurs enfants dès la naissance et les conséquences que cela a sur ces derniers quand ils deviennent adultes. En fonction de la façon dont nos parents, ou « figures d’attachement », ont interagi avec nous quand nous étions nourrissons, nous développons un style d’attachement au choix sécure, désordonné/chaotique, anxieux/fusionnel et, last but not least, évitant/craintif.
Ce dernier profil, celui de François, m’intéresse particulièrement. A première vue je ne sais dire si c’est parce que je m’y reconnais ou parce qu’il m’offre un nouveau point de vue sur des gens, plus particulièrement des hommes, que je considérais sobrement comme des « cons égoïstes » et qui m’ont l’air tout à coup d’être des brebis égarées. Quoi qu’il en soit, je me mets à consommer tout ce qui peut m’apporter des éclairages sur les évitants. Grosso modo, une personne évitante est quelqu’un pour qui l’intimité représente une souffrance ou une menace et pour qui les relations aux autres sont très consommatrices d’énergie. Les évitants cherchent du lien, comme tout le monde, mais dans leur inconscient, le lien rime avec danger et risque de rejet, alors ils s’en distancient comme ils peuvent. Cela peut les conduire à se replier sur eux-mêmes sans crier gare et ne plus donner signe de vie. Cette distance ils la pratiquent avec les autres, mais aussi avec eux-mêmes, surtout avec leurs émotions.
Jésus, le coach en amour dont je vous ai déjà parlé et qui a consacré des dizaines de vidéos aux évitants, m’apprend qu’ils sont de plus en plus nombreux dans notre société individualiste et narcissique, mais surtout qu’un évitant est quelqu’un qui fait tout pour ne pas ressentir d’émotions négatives : fuite des conflits, mutisme, mise en retrait voire dissociation.
Quand on commence à s’attacher à quelqu’un, on voit son prénom écrit partout. Quand j’ai mis un pied dans l’univers des manipulateurs, j’ai ouvert les yeux sur toutes les situations d’emprise et de toxicité qui pouvaient se produire autour de moi. Et quand j’ai compris ce qu’était un évitant, j’ai eu l’impression qu’ils se démultipliaient. Une amie qui rencontre quelqu’un qui a envie « de passer du temps » avec elle mais ne veut pas utiliser le mot « couple », une autre qui essaie de communiquer avec quelqu’un qui s’immobilise et se met en retrait dès que le sujet est trop douloureux…
Une hypnothérapeute m’a appris un jour qu’en amour, on cherche toujours quelqu’un qui va réparer nos blessures, donc de préférence quelqu’un qui va aller appuyer là où ça nous fait mal pour nous aider à prendre conscience de la plaie, la panser puis la guérir. Tout ceci est totalement inconscient bien entendu. A ce titre, les évitants vont avoir tendance à se tourner vers leurs opposés exacts, les profils anxieux, comme me le suggérait Jade. Les profils anxieux ont eux peur de l’abandon et cherchent à créer une relation fusionnelle avec leur partenaire, pour s’assurer qu’elle ne se termine jamais. Et quand un.e évitant.e rencontre un.e anxieux.se, l’un.e cherche à créer une intimité forte avec l’autre, qui prend peur, fuit et donne l’impression au premier d’être abandonné. Que du bonheur !
Là aussi, internet fourmille de documentation sur ce duo anxieux/évitant et je m’y plonge jusqu’à ce que quelque chose me frappe. Les exemples donnés, les origines des maux de chacun, les comportements types, tout cela sonne très familier, une impression de déjà-vu…
Oh mon dieu. La révélation.
Tout ce que racontent ces articles décrit au mot près ce qui se passe dans ma relation avec Vincent à ce moment-là. Et une fois de plus, Jade et moi vivons la même chose exactement au même moment !
Je prends alors conscience que je suis une anxieuse. Tout mon prisme de lecture change. Je relis ce que dit la théorie de l’attachement sur les différents profils et ceux dits « sécures » me paraissent totalement étrangers. Ils seraient 60% mais quand je pense à tous les gens que je fréquente j’ai l’impression de n’en connaître aucun. Qui sont ces gens qui vivent des relations saines, équilibrées et sans angoisses ? Quels sont leurs réseaux ?
Partant de ce constat et souhaitant rester un peu au chaud dans le déni, je ne me suis pas trop appuyée sur les travaux de Bowlby et ses dérivés pour comprendre mon anxiété mais plutôt pour essayer de sauver ma relation avec Vincent. J’ai suivi à la lettre les recommandations de Jésus pour laisser de l’air, respecter l’espace de l’autre, compter sur ses propres ressources pour s’épanouir et ne pas tout attendre du couple. J’ai même fait de l’hypnose pour limiter le sentiment d’abandon que provoquaient certaines situations.
Cela n’a pas marché mais au final j’ai pu profiter de cette relation pour « panser ma blessure d’abandon » et développer plus de compréhension et d’empathie pour les évitants, ces zinzins qui nous envahissent.
J’ai gardé une petite frustration, celle d’avoir eu le sentiment d’être la seule à essayer de changer. Car sachez-le, les anxieux, souffrant de leur anxiété et cherchant à s’en débarrasser, sont ceux qui font le plus de travail sur eux-mêmes, tandis que les évitants, trop distancés de leurs émotions pour comprendre ce qui leur arrive, ont beaucoup plus de difficultés à le faire.
Ajoutez à cela que dans notre société, les femmes sont culturellement plus enclines, voire encouragées, à faire des thérapies que les hommes, j’étais doublement destinée à travailler pour deux.
Et un jour, une nouvelle épiphanie. Je suis dans un musée de Mexico avec Léa et Manon et je regarde une œuvre en terre cuite qui représente Adam, Eve et le serpent sur un arbre de vie. Soudain, ça me frappe et j’expose fièrement une nouvelle théorie. En croquant la pomme et en cherchant à déconstruire les connaissances qui lui avaient été données, Eve a essayé de sortir de sa condition et se lancer dans l’exploration du monde, tandis qu’Adam, un peu mou et suiviste, n’aurait jamais eu les couilles de le faire de son propre chef. Manon le synthétise en une formule : « Adam, le premier évitant ».
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laperditudedeschoses · 1 year ago
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La clinique du sommeil
37 % des français souffrent régulièrement de troubles du sommeil.
Dans ce billet donc je parlerai de moi, mais probablement aussi d’un tiers d’entre vous. Les troubles du sommeil ont fait leur entrée dans ma vie il y plus de dix ans, devenant au fil des années de véritables compagnons, une seconde peau, un attribut qui me définit parmi d’autres, âge, métier, hobbies.
On aime à dire de certaines personnes qu’elles sont « destinées » à une carrière brillante ou à un avenir plus ou moins radieux ; à regarder mon patrimoine génétique on aurait facilement pu me prédire un destin d’insomniaque. Tous les membres de ma famille dorment avec encombre : mes deux parents sont adeptes de nuits courtes et de phases d’éveil prolongées, une de mes sœurs les imite fidèlement et l’autre dort en apparence comme une marmotte, parfois jusqu’à neuf ou dix heures quand elle n’avait pas encore d’enfants, mais il arrive que ses nuits soient perturbées par des terreurs nocturnes. Tout à coup elle crie, panique, s’éveille en sursaut. La crise cardiaque est garantie si vous partagez sa chambre.
Jusqu’à un certain âge, ces problèmes m’étaient étrangers. Je dormais en moyenne huit heures par nuit, voire plus l’hiver quand je n’arrivais pas à sortir de mon lit, finissant par sécher la première heure de cours au collège ou au lycée, avec la complicité de ma mère qui écrivait « règles douloureuses » ou « fièvre » sur la page des justificatifs d’absence de mon carnet de correspondance. Eventuellement si une échéance importante, surtout des examens écrits ou oraux, m’attendait le matin, je m’éveillais quelques fois dans la nuit et en rêvais à plusieurs reprises, mais jamais rien de méchant.
Et puis un jour, elles ont frappé à ma porte. Je dis « elles » pour « insomnies » comme je pourrais dire « ils » pour « éveils nocturnes ». Chaque être est unique dans le rapport complexe qu’il entretient avec ses nuits. Pour moi ça s’est immédiatement caractérisé ainsi : après 4h de sommeil environ, je me réveille, en pleine forme et pleine conscience et je ne parviens à me rendormir que deux heures plus tard, presque à la minute près. Il peut se passer toutes sortes de choses pendant ces deux heures, j’y reviendrai.
Ces insomnies ont-elles débarqué de nulle part ? Bien sûr que non. Je sais dater leur arrivée avec exactitude et les relier à un événement précis dans ma vie. J’avais 25 ans. Je menais en apparence une vie douce et rangée, dans le cocon sécurisé que j’avais créé avec mon amoureux de l’époque. J’étais au rendez-vous des attentes que je m’étais fixée toute seule et grâce auxquelles j’avais l’impression d’avoir trouvé ma place, au travail, dans ma vie affective, dans ma famille. Je ne me posais pas trop de questions, ou peut-être n’y prêtais-je pas attention, préférant écouter ce que les autres avaient à me dire au lieu de ce qui se passait dans ma tête.
Jusqu'au jour où tout a basculé. Sans prévenir personne, même pas moi, je me suis mise à porter un regard différent sur ce qui m’entourait et j’ai eu envie de tout quitter, à commencer par mon compagnon, de tout remettre à plat et de recommencer différemment. Ce qui était constitutif de ma vie est devenu soudainement l’incarnation du passé, d’un passé à laisser derrière soi, et vite.
Une nouvelle Anouk que je ne connaissais pas a pris place et beaucoup de choses ont changé à ce moment-là : je l’ai dit, je ne me posais pas trop de questions, mais j’ai commencé m’en poser des milliers, en permanence, sur tout, mes choix, mon passé, le sens de la vie ; d’une personne réservée et pas toujours facile d’accès je suis devenue beaucoup plus sociable, à aller vers les gens, à chercher du lien ; aimant auparavant rayonner avec parcimonie autour du 4ème arrondissement de Paris, jamais plus de 20 minutes en Velib’, je suis devenue ultra mobile, avec un désir fort de voyages et d’aventures.
Mon sommeil en a été immédiatement affecté. Au début, ces deux heures d’éveil nocturne me permettaient de rêvasser, d’écouter discrètement de la musique, d’imaginer les contours de cette nouvelle vie qui m’attendait, pendant que mon passé dormait paisiblement à côté de moi. Mais bien vite elles sont devenues le cadre idéal pour que mon anxiété nouvellement révélée puisse s’exprimer pleinement.
Alessandro et Gino m’ont offert récemment un ouvrage un peu mystique mais passionnant sur le sujet, Insomnia, qui résume très bien la chose : « A l’heure où il n’y a plus grand-chose à faire, à l’heure où le monde est inquiétant dans son silence, l’amas d’angoisses nous frappe avec une nouvelle intensité. »
Durant les 6 premiers mois, je me réveillais toutes les nuits. Réglée comme une horloge. Après 4 heures de sommeil un œil s’ouvre, dans la minute qui suit l’usine à questionnements et panique s’enclenche, on se tourne, on se retourne, on regarde son portable et après une heure trente environ le rythme cardiaque ralentit, on se rassure, on trouve des solutions à des problèmes qui n’en étaient pas, puis on se rendort. Quand on se réveille le lendemain matin, tout va mieux, on est une nouvelle personne et la vie est belle. J’ai ainsi appris à vivre avec deux heures de sommeil en moins toutes les nuits. J’en tirais presque une fierté malsaine lorsque je débarquais dans les bureaux grisâtres des grandes tours de la Défense. « Je suis capable de dérouler mon power point pendant deux heures en rdv client sans fatiguer une seule seconde, puis d’enchaîner une journée de boulot avec une soirée à picoler dans Paris ». Quel accomplissement !
Ma mère, qui ne sait pas faire de compliments, le formulait ainsi « Tu as l’air toute fraîche. On ne voit pas du tout que tu manques de sommeil. Tu n’as pas de chance, les gens ne doivent pas être indulgents avec toi du coup. »
On s’habitue à tout, même et surtout à l’inconfort, et peu à peu les nuits de huit heures et l’entrain du matin sont devenus un lointain souvenir, un attribut de l’ancienne Anouk. J’ai toutefois cherché des solutions : l’acupuncture, parce que l’effet avait été immédiat chez une de mes amies, qui s’est soldée de mon côté par un échec ; la mélatonine, ça marche un temps, mais le cerveau, plus fort, la rend petit à petit inefficace ; développer une routine du soir – recommandation d’un petit bouquin sur le sommeil offert par une autre amie -, peu concluant ; le yoga du soir, intenable. J’ai aussi essayé d’occuper ces deux heures de temps : faire le ménage, lire, évidemment passer des heures sur mon smartphone, travailler (je l’ai peu fait et j’en garde un souvenir atroce).
Au début de ma trentaine je me suis mise à mon compte et, le télé travail aidant aussi beaucoup, j’ai trouvé le moyen de rattraper au petit matin les heures perdues en pleine nuit, en me levant plus tard.
Cette ruse a permis de limiter le problème mais je continuais de rêver à un temps où le sommeil était synonyme de réconfort et pas un sujet problématique, sans pour autant faire grand-chose pour le résoudre.
Quand ma relation avec l’insomnie a fêté ses dix ans, j’ai décidé d’agir. J’ai décidé d’aller faire un séjour à la Clinique du sommeil.
Comme son nom l’indique, la Clinique du sommeil est un lieu médicalisé où l’on peut rester une ou deux nuits pendant lesquelles notre sommeil est observé et analysé. Le tout pris en charge par la sécurité sociale, pour peu que l’on s’arme de patience, car l’attente se compte en mois entre la première consultation chez son médecin traitant et le jour où l’on débarque avec son baluchon pour passer son séjour. Une modeste recherche Google m’a conduite à choisir le service sommeil de l’hôpital Jean Jaurès, dans le 19ème arrondissement, sobrement appelé « BioSerenity ».
Rendez-vous a été pris pour deux nuits en avril, un jeudi et un vendredi soir, le service n’étant pas accessible le week-end, ce qui m’a rendue indisponible pour le travail, m’obligeant à annoncer aux gens que je me faisais hospitaliser puis, face à leurs mines inquiètes, à leur révéler que j’allais faire analyser mon sommeil.
Avant cela, j’ai dû tenir un carnet de bord de mes nuits, soit noter mes heures de couchers et d’éveils nocturnes et matinaux pendant deux semaines, dans un tableau prévu à cet effet. Se sentant déjà observé, mon sommeil a réalisé ses plus belles performances, pour bien justifier ce passage à la clinique : une insomnie de deux heures par nuit, toutes les nuits pendant quinze jours. Quand j’ai fait mon entrée dans ce service quasi désert de l’hôpital, je n’en menais pas large, valises à la main et sous les yeux.
Mais tout de suite je suis très bien accueillie par les infirmières et les aides-soignants. On m’explique ce qui va se passer, on me demande d’enfiler mon pyjama, que je ne quitterai pas pendant deux jours, on installe tout un tas d’appareils sur mon corps et ma tête, maintenus par un filet blanc qui me donne une tête de télétubbies, ou de gland, au choix. On m’explique aussi les règles : le dîner est servi à 18h15, le petit déjeuner à 8h, le déjeuner à midi, réveil obligatoire à 7h30, interdit de quitter la chambre entre 19h et 7h le lendemain parce que je suis filmée. Je me sens un peu comme dans un EHPAD, ce qui n’est pas si désagréable en fin de compte.
Ma chambre est d’ailleurs très confortable, avec trois grandes fenêtres sans vis-à-vis qui me laissent entrevoir le ciel étonnamment bleu pour un début de printemps parisien.
En principe le séjour à la clinique se termine par une entrevue avec un médecin mais l’infirmière m’apprend qu’il n’y en a pas le samedi, donc dans mon cas, un médecin passera le vendredi en fin de matinée, soit le lendemain et je pourrai prendre un autre rendez-vous quelques semaines après pour un bilan global.
Ma première soirée se déroule dans la douceur, je fais une petite balade en pyjama et chaussons dans la courette de l’hôpital, je déguste un repas délicieux à 18h15 précises et je me prends des bouffées nostalgiques et des envies d’antan, en regardant Conte d’été d’Eric Rohmer, un film dans lequel Melvil Poupaud, à une époque sans smartphones, sans internet et sans contraintes, erre dans les dunes de Bretagne Nord avec tout un tas de filles.
La nuit qui suit est correcte, n’ayant pas grand-chose à faire je me couche tôt, je me réveille au bout de 6h, traîne sur mon téléphone, lit un peu et me rendors, jusqu’à ce que l’aide-soignante du matin vienne me tapoter le bras à 7h30, précises. Ces attentions permanentes et cette sensation d’être totalement prise en charge sont extrêmement agréables et me donnent le sentiment d’être en vacances.
« Tu es parti à Deauville ce week-end ? Moi j’étais à la Clinique du sommeil. »
Je suis tout de même pressée d’avoir la visite du médecin et je trépigne toute la matinée. Malheureusement il faudra attendre un peu après 14h pour que Gisèle, dont j’ai oublié le nom de famille, entre dans ma chambre. Elle me salue et reste debout, on sent qu’elle n’est pas là pour longtemps.
« - Alors alors, nous avons vos résultats ! Mais avant racontez-moi un peu, qu’est-ce qui vous amène ? me demande-t-elle.
Eh bien voilà, je fais des insomnies depuis dix ans, je me réveille la nuit plusieurs heures, j’ai essayé quelques trucs mais rien n’a marché.
D’accord, je vois sur vos tests que vous ne faites pas d’apnée du sommeil, vous n’avez pas non plus de syndrome des jambes sans repos. Vous ronflez un peu mais bon … sur le plan physiologique rien d’anormal. Vous savez pourquoi vous vous réveillez la nuit ? »
Merde, est-ce que je lui explique la rupture il y a dix ans, tout ça tout ça ? Ça sonne ridicule et ça sort ridicule quand j’essaie de l’expliquer. 
« - Bah euh, j’étais avec quelqu’un et je me suis séparée et donc euh …
Ça vous stresse ça ? Elle a un air moqueur, super.
Bah ça a été un petit choc et puis euh… mais je fais une thérapie aussi.
D’accord. Mais en ce moment vous êtes avec quelqu’un ?
Je me suis séparée de Vincent trois mois avant.
J’étais avec quelqu’un mais on n’est plus ensemble parce que c’était, parce qu’il était …
Compliqué ? Elle trouve le mot juste mais le prononce en frisant du nez, comme si elle disait « Ça sent le fromage ici. ». Le travaille aussi vous stresse ?
Euh … oui … aussi. »
Je la vois qui sourit, tourne la tête et presque se désespère.
« Mais vraiment je ne comprends pas pourquoi vous stressez comme ça ! »
Merci Gisèle, merci pour ce regard sans nuance et bien rationnel sur dix ans de ma vie que ni vous ni moi n’arrivons à résumer. Elle aimerait que je réponde là comme ça à une question qui a fait l’objet d’années de réflexions et d’analyse, qui a alimenté mille conversations, qui sera bientôt le sujet central d’une page Insta !
Eh beh … »
Voilà ma réponse.
Elle me demande ensuite quelles sont mes habitudes de sommeil, ce que je fais quand je me réveille la nuit. Très fièrement je réponds « Je lis ! », parce qu’il est hors de question que j’admette que je scroll sur les réseaux pour la voir m’engueuler.
« Ah mais ça ne va pas du tout ça ». Aïe.
Elle m’apprend alors que lorsque je suis dans mon lit je ne dois rien faire d’autre que « dormir et faire l’amour » sinon j’envoie un message à mon cerveau comme quoi le lit est un lieu d’éveil. Elle me conseille de patienter dans le noir et de faire des exercices de respiration quand je fais une insomnie, là aussi pour ne pas faire croire à mon cerveau qu’il est l’heure de se lever. Enfin, elle me suggère des thérapies comportementales de groupe organisées par un certain Réseau Morphée, avant de me tendre les résultats d’analyse de ma première nuit.
Bon bah voilà, encore 24h à passer à la clinique, à digérer cet échange qui a duré en tout et pour tout 15 minutes et à continuer de me faire assister comme une petite vieille par le personnel soignant, bien plus attentionné que les médecins, mais fallait-il le préciser ?
J’en profite pour consulter mes résultats, je ne comprends pas tout, mais je note que mon taux de sommeil profond s’est élevé à 50%, ce qui est deux fois plus que la normale. Peut-être ai-je besoin de moins d’heures de sommeil car celui-ci est très efficace ? Je note aussi que mon rythme cardiaque est très bas. Quand je suis éveillée et au repos, il atteint péniblement 57 battements par minute, soit d’après Internet le taux d’une personne âgée OU d’une sportive de haut niveau. Stylé.
Je dors très bien la deuxième nuit et me réveille avec un niveau de détente maximal. Je suis presque triste de quitter la clinique et de reprendre mes responsabilités. J’ai l’impression d’être une nouvelle personne et cette bonne humeur me suit pendant plusieurs jours.
Pour ce qui est du sommeil, je n’ai pas contacté le réseau Morphée et il est loin d’être parfait, mais j’ai quand même noté une nette diminution et même un raccourcissement de mes éveils nocturnes. Surtout, quand je me réveille la nuit, je ne panique plus, je me prélasse dans le noir et j’attends patiemment. Les insomnies en deviennent presque des moments agréables comme elles l’étaient au tout début.
Quant à savoir pourquoi une rupture a provoqué une telle tornade et pourquoi l’anxiété s’est installée ainsi dans ma vie, bref comme dirait Gisèle, pourquoi je « stresse comme ça » ? Ma foi, pour comprendre il va falloir continuer de lire La perditude des choses.
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laperditudedeschoses · 1 year ago
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La morsure de serpent
Quand le serpent a persuadé Adam et Eve de croquer le fruit défendu, leurs yeux se sont ouverts et ils ont pris conscience de leur nudité. Quand le serpent a mordu mon amie Sarah, elle a plongé dans le déni et cru que son petit ami était devenu un héros.
Cette histoire se passe dans la chaleur humide et étouffante de la lointaine Guyane, un territoire français mais si différent de la métropole, notre far west à nous, avec sa nature maîtresse et ses animaux sauvages. C’est là qu’a vécu pendant de nombreuses années la fameuse Sarah. Sarah et moi nous sommes connues il y a quelques années au Sénégal, lors d’un voyage haut en couleurs que je raconterai peut-être un jour. Au pays de la Teranga, nous avons vécu mille aventures et nous sommes liées d’amitié très vite. Il faut dire que Sarah possède ce je ne sais quoi qui me la rend attachante.
Déjà, elle est balance et coche l’intégralité des cases que j’ai évoquées dans mon billet sur l’astrologie.
Fille d’oranais s’étant installés à Bayonne dans les années 70, cette jeune femme dont les influences mêlent le raï, l’air chaud du Sahara, les férias et le jambon cru a su créer sa propre identité, grâce au soutien appuyé de la Direction des programmes de M6. Eh oui, tout comme moi, Sarah a été biberonnée aux séries des 90’s et elle a vu sa vie influencée par les intrigues des personnages auxquels elle s’est attachée durant son adolescence.
Très récemment, et je ne l’invente pas, elle m’a appris avoir quitté son compagnon après avoir binge watché l’intégralité des épisodes de Gilmore Girls et fait le triste constat que le malheureux ne serait jamais à la hauteur d’un Dean ou d’un Jess.
Et tout comme moi, une série en particulier a eu un impact considérable sur ses choix de vie : celle qui raconte l’histoire d’une femme ayant quitté Boston pour aller pratiquer la médecine seule dans un bled paumé du Colorado. Vous l’aurez reconnue, je parle bien sûr de Dr Quinn, femme médecin.
La petite Sarah s’est prise de passion pour cette héroïne qui montait à cheval parfaitement coiffée avec sa longue robe, recousait les plaies et défendait les minorités et quand est venu le moment de choisir sa voie, elle n’a pas hésité une seule seconde, elle serait sage-femme. Une fois son diplôme obtenu, elle a cherché son propre Colorado Springs et une offre d’emploi le lui a apporté sur un plateau : Grand-Santi, en Guyane.
Pour se rendre de Bayonne à Grand-Santi, il faut dans un premier temps prendre le train pour Paris, puis un avion pour Cayenne, puis un bus pour Saint-Laurent-du-Maroni, d’où l’on emprunte une pirogue, oui une pirogue, une embarcation de 4m de long et 1,5m de large, pendant 7 heures. Grand-Santi est un village de 300 habitants où Sarah se retrouve vite face à des situations cocasses qui n’arriveraient jamais dans le Sud-Ouest. Elle y fait ses armes pendant deux ans, avant de se rapprocher un peu de la civilisation en prenant un poste à l’hôpital de Saint-Laurent.
J’ai eu le loisir de rendre visite à Sarah à Saint-Laurent et je dois dire que d’une certaine manière, cette ville fait elle aussi penser à l’Ouest américain de la fin du 19ème siècle : rues quadrillées, maisons basses, coexistence de plusieurs communautés et sentiment légèrement anxiogène que la nature aura toujours le dessus.
Une bonne série ne peut se passer d’une bonne intrigue amoureuse et Michaela Quinn ne serait rien sans Byron Sully, cet homme mystérieux à cheveux longs qui vient d’on ne sait où mais vit parmi les amérindiens, porte des vestes à franges et lance des haches d’un air très inspiré.
La vie est très bien faite, car à Saint-Laurent, Sarah a trouvé son Sully. Infirmier travaillant dans le même hôpital qu’elle, cheveux longs, né d’une mère amérindienne et portant un prénom qui fait définitivement chavirer cette fan de Céline Dion : René.
La ressemblance s’arrêtera là, car dans la vraie vie, René n’est pas tout à fait comme Byron Sully. Un peu moins fidèle, un peu moins respectueux, il en vient vite à jouer avec les sentiments de ma petite Sarah et leur histoire devient une succession de déceptions, de rééditions puis de séparations.
Un jour qu’ils se disputent, René va fricoter avec une autre jeune femme mais revient rapidement vers Sarah pour lui prononcer ces quelques mots qui suffisent à relancer la machine « J’ai bien réfléchi et je le sais maintenant, c’est toi que je veux ». Elle lui ouvre de nouveau ses bras et son cœur et, pour fêter ça, ils partent à « la crique » passer l’après-midi. La crique est un endroit dans la forêt – la forêt tropicale de Guyane, pas Fontainebleau – où l’eau du fleuve est plus profonde et légèrement plus claire. Dans cet écrin de nature, Sarah fait une déclaration à René, elle lui affirme qu’elle est « heureuse » avec lui, même si à ce moment en réalité, elle a perdu confiance en elle et doute beaucoup. Quelqu’un a-t-il entendu ce mensonge dans la forêt ?
En rentrant vers la voiture, elle marche en tongs sur le chemin qu’elle connaît bien mais sent tout à coup une douleur lancinante dans son pied.
Elle pousse un hurlement et René se précipite à côté d’elle, l’écarte et lui crie « C’est un serpent ! C’est un Grage ! ».
Sarah connaît les Grages et les dangers causés par leur morsure. Au dispensaire de Grand-Santi, quand un patient mordu par un Grage arrivait, il était immédiatement transporté à Cayenne par hélicoptère. Mais sur le moment, le déni l’emporte et elle ne s’inquiète pas outre-mesure.
Sarah et René rentrent en voiture à Saint-Laurent et sur la route, il lui demande dix fois comment elle va et insiste pour passer aux urgences de l’hôpital. Sarah n’y voit pas grand intérêt mais accepte, presque pour lui faire plaisir. Mais quand elle descend de voiture, toute sa jambe commence à lui faire mal, à tel point qu’elle ne parvient plus à poser le pied par terre. René l’aide à marcher à cloche-pied jusqu’à l’hôpital. Lorsqu’elle arrive et informe ses collègues qu’elle a été mordue par un Grage, elle voit tout le monde paniquer. Elle ne comprend pas bien ce qui se passe et voit sa jambe et son pied doubler de volume, avec une douleur de plus en plus intense.
Elle est installée dans une chambre pour qu’on lui surélève la jambe – seule position « supportable » - et qu’on lui fasse des prises de sang. Une médecin qu’elle connaît bien vient la voir avec les résultats, en particulier son taux de prothrombine, dit « TP », qui indique le niveau de coagulation dans le sang. Le TP se situe entre 70 et 100% chez un patient en bonne santé. S’il est plus bas, le risque d’hémorragie interne est très élevé ce qui est extrêmement dangereux.
Son amie, un peu embarrassée, lui apprend que son taux est faible, sans lui en dire plus. Sarah insiste pour qu’elle soit plus précise et la médecin lui répond « En fait on n’arrive pas à le trouver ». Concrètement, il est tellement faible qu’il n’est pas perceptible dans les examens. La situation n’est pas grave, elle est catastrophique.
Sarah n’a plus droit de se nourrir normalement et passe en intra-veineuse. La douleur est toujours aussi insupportable et tout à coup, elle vomit du sang. Dans Dr Quinn, les gens qui vomissaient du sang passaient rapidement l’arme à gauche. D’ailleurs, la mère de Matthew, Colleen et Brian meurt dans le premier épisode parce qu’elle est mordue par un serpent ! Sarah prend enfin conscience de ce qui se passe et panique, elle va mourir, l’heure est venue. Elle appelle son grand frère en France, en pleurs, pour tout lui raconter. Il la rassure comme il peut, même s’il doit lui-même se trouver dans un état de panique après avoir entendu la nouvelle.
Quelques heures sont passées depuis son admission à l’hôpital, pendant lesquelles René est parti prévenir Mami, sa mère amérindienne, qui prépare une mixture à faire boire à Sarah. Quand il la lui présente, elle n’est pas très convaincue mais la boit, déjà parce qu’il n’y a pas grand-chose d’autre à faire et ensuite parce qu’elle se doute que les amérindiens qui vivent sur ces terres au contact des Grages depuis des siècles savent sans doute y faire, et mieux que le personnel hospitalier, très dévoué mais un peu désemparé.
Les jours qui suivent, elle reste à l’hôpital. René s’arrange pour qu’elle occupe une chambre près du service de maternité, avec ses collègues les plus proches. On ne lui donne rien d’autre que de la morphine qui la fait vomir, lui offrant un choix cornélien entre douleur et nausées.
Au bout d’une semaine, son état ne s’est pas vraiment amélioré mais rester à l’hôpital ne change pas grand-chose. Elle veut rentrer chez elle et c’est alors que Byron Sully fait son apparition. René lui propose en effet de l’accueillir chez lui et la prend entièrement en charge pendant un mois. Elle peut à peine bouger et doit rester allongée le plus possible, alors il lui prépare à manger matin, midi et soir, reste à son chevet jusqu’à ce qu’elle s’endorme et lui fait sa toilette avec une bassine tous les jours.
Il fallait donc ça, la morsure d’un serpent, pour que le héros qui sommeillait en lui s’éveille enfin. Il fallait qu’il craigne de la perdre pour toujours pour que René soit prêt à se donner tout entier à Sarah, laissant de côté les enfantillages, enfilant sa veste à franges. Elle en remercierait presque ce Grage qui a contribué à sa manière à sceller leur amour.
Avec toute cette attention, son état s’améliore et Sarah tente de reprendre une vie normale, a minima de passer une journée debout. Les premières heures se passent bien mais quand arrive le soir, la douleur redémarre, sa jambe change de couleur, devient bleue/noire et elle est obligée de se rallonger. Elle voit alors dans le regard de René que ça y est, il en a marre.
Notre héros a tout donné pendant 30 jours, pas un de plus. La fête est terminée.
Dans les jours qui suivent, Mami, qui s’enquiert de l’état de Sarah, lui conseille d’aller voir un chamane – médecin traditionnel de la communauté amérindienne. Sarah demande son avis à une amie collègue ayant fait sa thèse sur les morsures de Grage et cette dernière lui conseille d’accepter.
Sarah se rend alors chez ce vieil amérindien, torse nu, un bras en moins, qui va la garder pendant deux longues heures. Il lui fait boire du rhum arrangé, une fois, deux fois, trois fois, la fait s’asseoir, se lever, se rasseoir puis se relever. Sa tête tourne, elle est au bord de l’évanouissement. Il regarde sa plaie et trouve un minuscule morceau de dent du Grage qu’il enlève, puis il prépare un bandage qu’il imbibe d’une solution à base de plantes et applique sur la plaie.
Il demande à Sarah de garder le bandage jusqu’à ce qu’il tombe et de le jeter ensuite dans le fleuve un soir de pleine lune.
Sarah quitte le chamane et sa jambe commence très rapidement à dégonfler. Lorsque le bandage tombe, elle le jette dans le fleuve et constate qu’elle va mieux. Elle marchera à l’aide d’une béquille encore quelques semaines puis sera complètement guérie.
René est redevenu celui d’avant morsure, avec ses qualités et ses défauts. Elle aimerait lui parler de ce moment où elle a vu dans son regard qu’il se lassait de jouer les gardes malades mais au moment où elle s’apprête à lui dire, il lui offre un petit bijou rapporté du Suriname où il a passé un week-end. Bon, ça ira pour cette fois, il est quand même mignon…
Avant cet événement, Sarah n’avait jamais vu de serpent dans la forêt guyanaise. Après cela, à chaque balade elle en a vu et elle se sent depuis plus connectée à la nature. Un an plus tard, elle a reçu une patiente qui avait perdu son bras suite à une morsure de Grage et elle a pris conscience de la chance qu’elle avait eue.
De mon côté j’ai fait des recherches sur les Grages et ne suis tombée que sur des articles parlant de telle ou telle personnes mortes suite à une morsure. Je me pose alors la question : pourquoi Sarah s’en est-elle sortie ? Était-ce la mixture fournie par Mami la première nuit ? L’intervention du chamane ? Ce serpent était-il un messager destiné à lui faire vivre un ascenseur émotionnel de plus avec René pour lui faire prendre conscience in fine qu’il n’y avait pas grand-chose à en tirer ? Peut-elle était-il tout simplement trop tôt pour que Sarah nous quitte, puisqu’elle devait me rencontrer un an plus tard sur le continent africain …
J’ai ma petite idée sur la question.
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laperditudedeschoses · 1 year ago
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Il y a de la fiction dans l’espace entre toi et moi
Le jour où mon moniteur d’auto-école m’a appris qu’il envisageait de quitter Paris pour Toulouse d’ici quelques mois et que dans l’heure qui a suivi j’ai commencé à nous imaginer main dans la main sur la place du Capitole, alors que je ne connais même pas son nom de famille, j’ai constaté que mon imagination était sans limites.
Quand le soir même mon amie Candice m’a parlé d’un mec avec qui elle discute sur Happ’n qui retape une maison dans le Morvan, avant de m’avouer qu’elle était à deux doigts de s’acheter des bottes en caoutchouc sur Vinted pour leurs futures balades en forêt, j’ai compris que nous étions en danger.
Roland Barthes a écrit un jour « ce que le public réclame, c’est l’image de la passion, non la passion elle-même ». Il ne devait pas avoir en tête le sujet que je vais aborder aujourd’hui, pourtant il en propose le meilleur résumé. Dans Mythologies il nous explique comment on construit un mythe et comment on finit par se penser à travers lui. Il s’intéresse à des mythes collectifs qui agissent comme des catalyseurs pour unifier un groupe ou une nation (le steak-frites, la DS), mais qu’en est-il des mythes individuels, ceux qu’on se crée tout seul dans sa tête ? Ceux qui agissent par exemple comme des catalyseurs de l’attachement ?
Le mythe, c’est une image qu’on projette, un récit qu’on construit, une histoire qu’on se raconte. C’est aussi un moyen très efficace de croire en l’amour, ou en la vie, même lorsque l’on a connu des déceptions. Ce qui est magique avec le mythe individuel c’est qu’il n’y a pas besoin d’engager toute une équipe de marketing pour le construire, l’usine à projections s’active d’elle-même dès qu’il nous arrive quelque chose : un entretien d’embauche et on se demande si la place qu’on occupera dans l’open space aura une vue sympa, la visite d’un appartement et on voit tout de suite où on installera le canapé, une rencontre (parfois un sourire !) et on espère déjà que nos amis vont l’aimer.
Et telle un suppôt du grand capital, cette usine ne se met jamais en grève.
J’ai déjà évoqué les huiles essentielles, le coaching ou le chamanisme pour leurs effets potentiels sur la confiance en soi, l’indécision ou la santé. Mais pourrait-on s’intéresser un instant au pouvoir de la projection et des effets euphorisants voire hallucinatoires qu’elle peut avoir sur notre psychisme ? Le biberonnage aux contes de fée et le matraquage d’Hollywood et de ses rom coms n’aident pas, mais leur attribuer la seule responsabilité pourrait nous conduire à penser que « se faire des films » est quelque chose de très féminin. Or croyez-moi, je connais des hommes qui se racontent tellement d’histoires qu’ils finissent par inventer des faits qui ne sont jamais produits.
« Juliette et moi on se tourne autour depuis un moment. On a fini par s’embrasser en fin de soirée quand tout le monde était parti. » La version de l’intéressée : « Ce baiser n’a jamais eu lieu. Roméo est très sympa mais c’est juste un bon pote ».
Quand on commence à se raconter des histoires, le plaisir que cela nous procure et la déconnexion avec le réel pourraient presque faire penser à l’effet d’une drogue. Et comme la drogue, la projection peut faire vivre des descentes très douloureuses : quand le rêve se confronte à la réalité.
Bien sûr ça m’est arrivé. Bien sûr je vais vous le raconter.
J’ai rencontré Charlie pour la première fois il y a environ huit ans, un soir de match de foot. Nous étions dans un bar de l’est parisien, chacun avec nos amis respectifs. Je n’ai aucun souvenir des équipes qui jouaient ce soir-là, encore moins du score final, mais je me souviens de l’audace dont j’avais fait preuve quand, après avoir repéré ce jeune homme, cheveux châtains et veste en cuir, qui m’avait l’air charmant, je l’avais « eye contacté » pour lui suggérer par télépathie de venir de parler. Il s’était exécuté, nous avions fait connaissance puis passé quelques moments ensemble les semaines suivantes, dans la légèreté et la chaleur estivale. Ça n’avait pas donné lieu à une grande histoire, mais nous ne nous étions pas quittés fâchés.
Deux ans plus tard, nous nous recroisons par hasard dans la rue et en profitons pour boire un verre. Nous sommes moins frais qu’à notre première rencontre. Le travail, l’hiver finissant et la fatigue nous ont un peu rabougris et je n’ai plus l’élan d’antan pour tenter un quelconque move. Une fois de plus, nous nous quittons en bons termes.
Mais l’univers remet Charlie sur ma route trois ans plus tard et dans des circonstances qui prêtent rapidement à interprétation : un mariage. Je ne suis pas une ayatollah du mariage et je ne sais même pas si je me marierai un jour mais dès que je me retrouve dans une cérémonie avec la belle robe blanche, l’entrée de la mariée, les discours et le champagne gratuit illimité, je deviens plus fragile. Je suis aussi très sensible aux rencontres par petites touches et rendez-vous manqués, alors quand je reconnais Charlie en costar gris qui fait la queue pour le foie gras poêlé, j’y vois immédiatement un signe du destin et je reprends une coupe de champ’ pour me donner l’assurance nécessaire à une approche efficace.
Charlie a l’air aussi surpris que moi et, j’ai l’impression, content de me recroiser. Nous discutons et nous apprenons mutuellement que nous sommes célibataires. Il me dit aussi vivre entre Paris et Lyon. Depuis le temps que je voulais aller dans un bouchon, ça tombe à pic ! Nous convenons de nous revoir deux semaines plus tard. Pendant cet interlude, l’usine à projections s’enclenche et va bon train. Quelle belle histoire, on pourra la raconter aux enfants… Jeanne Moreau chante dans ma tête (« On s’est connus, on s’est reconnus, on s’est perdus de vue, on s’est retrouvés, on s’est réchauffés »). Et cette vie à 100 à l’heure entre Paris et Lyon, je ne m’ennuierai jamais ! J’ai oublié de préciser que Charlie est juriste, comme trois personnes dans ma famille : tout est cohérent (oui j’ai pensé ça …).
Le fameux soir arrive, je me prépare, mets mon parfum préféré, je suis toute excitée. Il propose de passer me prendre chez moi et j’en profite pour lui offrir un premier verre à la maison. Dès qu’il arrive j’ai envie de l’emmener dans ma chambre, mais je me retiens car ça n’est pas du tout l’esprit de cette soirée, en tout cas de ce moment-là. Nous quittons donc l’appartement pour prendre un deuxième verre puis dîner dans mon quartier.
Au début ça se passe bien, nous discutons de choses légères, de choses sérieuses, rions et en apprenons un peu plus l’un sur l’autre. Plus la soirée avance et plus je me dis que j’aimerais passer la nuit avec lui, d’autant qu’il m’apprend qu’il prend un train le lendemain pour Lyon, ce qui ajoute de l’intensité (un baiser sur le quai de gare...). De son côté, les choses paraissent différentes. Plus le temps passe et plus je le sens préoccupé. Vers les 22h30, il regarde sa montre, devient nerveux. J’essaie d’en savoir plus et il m’explique qu’il doit rentrer chez lui pour nettoyer son appart avant de prendre son train demain. Wow, trop d’info tue l’info. C’est quoi cette histoire de ménage pas romantique pour un sou ?
On quitte le resto et j’espère qu’il me prenne la main, essaie de m’embrasser, me plaque contre un mur. De l’action, on veut de l’action ! Mais il ne fait rien et commence à ruminer ses histoires de ménage, de train tôt le matin et de « il faut que j’essaie de faire une nuit correcte parce que j’ai une grosse prez’ demain aprem ». Aux secours, il parle boulot maintenant. Je suis un peu fâchée et je m’attache à le lui faire savoir en lui demandant pourquoi il a pris un train aussi tôt, sous-entendu « sachant qu’on allait se voir la veille ».
Et là il se lance dans une tirade : « En fait ma carte grand voyageur est en phase de renouvellement mais elle n’est pas encore valide et j’avais pas fait gaffe et du coup je voulais pas prendre un billet trop cher parce que j’ai déjà trop de notes de frais ce mois-ci par rapport au plafond… ».
Oh Mon Dieu. La déclaration que j’attendais, le « Anouk, je suis vraiment content qu’on se soit recroisés à ce mariage et je crois que j’aimerais faire un bout de chemin avec toi » ou juste « Anouk, je te trouve très belle et j’ai très envie de t’embrasser » s’est transformée en gloubi boulga de problèmes SNCF et de processus administratifs. Comment est-ce possible ?
Ca c’est parce qu’il est juriste, c’est pas des gens funs, j’aurais dû m’en douter. Le mec au cuir d’il y a cinq ans est bien loin maintenant. On se quitte et il voit que je ne suis pas contente. Il me présente ses excuses et me dit qu’il va me rappeler à son retour de Lyon, dès qu’il aura l’esprit plus disponible.
Je rentre chez moi frustrée et énervée. J’entends la porte de mon immeuble qui claque. C’est lui, il revient ! J’entends des pas dans l’escalier, mais ils dépassent ma porte et montent un étage plus haut. Grrrr.
5 minutes plus tard, je reçois un message sur mon téléphone. C’est lui ! Il va me faire une déclaration, me dire qu’il veut me revoir !
A la place, voici texto ce qui est écrit : « La ligne 4 était fermée, je suis rentré en taxi finalement ! ».
Mais c’est quoi cette blague ???!!! Je m’en fous, je réponds pas. Je vais le punir, comme ils disent dans les vidéos de coach en amour.
Encore 5 minutes après, il m’appelle ! Ok je réponds, il veut me parler, ça y est, il a réfléchi, fuck le ménage, il va revenir chez moi avec son baluchon.
Je décroche « Allo ? ». « Anouk ? Excuse-moi de te déranger, j’ai pas oublié mes clefs chez toi par hasard ? ».
A ce moment précis, j’ai enterré pour toujours cette histoire dans ma tête, mais j’ai quand même été gentille et cherché les clefs dans mon salon en le gardant au bout du fil, jusqu’à ce qu’il les retrouve dans une petite poche de son sac. Il m’a de nouveau promis qu’il me recontacterait bientôt, avant de raccrocher.
Tant pis pour cette fois. Ça n’est pas l’histoire que je me suis racontée et, de fait, je ne sais pas trop si la réalité m’enchante tant que ça. Je n’ai jamais trop aimé Lyon d’ailleurs. Comme les fois précédentes, nos échanges finissent pas s’espacer et nous ne nous quittons pas fâchés.
Je rumine un peu en me demandant comment je pourrais essayer de moins me projeter à l’avenir. Et un jour que je me balade avec Léa aux Buttes Chaumont, nous évoquons le sujet parce que je suis déjà en train de recommencer avec un pote de pote avec qui il ne s’est encore rien passé. Me voyant me tourmenter et m’auto-flageller, Léa me demande : « Mais est-ce que c’est grave de se faire des films ? ».
Cette question suffit à balayer d’un revers de main des heures de réflexion, d’analyse et d’auto-coaching à se raisonner pour rester connectée à la réalité.
Non, ça n’est pas grave de se faire des films.
En plus, ça fait des histoires drôles à raconter …
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laperditudedeschoses · 2 years ago
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Comment apprendre à punir un homme
Ce billet aurait pu s’intituler Les plaisirs honteux. J’oserais même dire Les plaisirs coupables.
Tout le monde les pratique, ces activités qui nous font un bien fou mais qu’on ne peut avouer à personne. Commander un Macdo sur UberEats en envoyant valser nos principes diététiques, écologiques et sociaux et en payant 3 euros de plus juste pour ne pas avoir à sortir de son salon ; mener des fouilles archéologiques sur Facebook pour savoir ce qu’est devenue cette fille qu’on n’aimait pas trop au lycée ; exposer l’ordinateur du boulot aux pires attaques de malware en regardant les Kardashians sur des sites de streaming un peu louches.
Je me suis adonnée aux trois, mais je ne suis pas en reste car j’en ai ajouté une à ma panoplie il y a quelques temps : consulter des vidéos de coachs en amour.
Mon introduction à cet univers TRES riche s’est faite il y a quelques années quand deux de mes amies, qui ne se connaissaient pas, m’ont parlé au même moment de Jean Prout. Jean Prout – dont le nom a été modifié - est un coach qui propose toutes les semaines vidéos et podcasts pour aider les femmes à s’en sortir dans cette jungle qu’est la séduction. Plus précisément, il aide les femmes à « comprendre l’homme ». Dans le monde de Jean Prout, le mâle s’apprend comme une langue étrangère, avec son vocabulaire et ses règles de grammaire : certains mots sont interdits dans les conversations avant x semaines de relation, les messages envoyés ne doivent jamais faire une ligne de plus que ceux que l’on reçoit, si un homme nous plait, il faut le laisser nous aborder en premier, etc. Il propose aussi du contenu pour les hommes mais je m’y suis moins intéressée.
A la même époque, une autre amie, Soizic, que vous connaissez, avait offert à Isilda, que vous connaissez aussi, une bible américaine en la matière intitulée The Rules, qui partage également tout un tas de consignes à destination des femmes, toujours, pour trouver l’homme de sa vie et pouvoir enfin se marier, super.
Je considérais alors ces approches comme du développement personnel cheap, rétrograde et débilitant et je désespérais de voir mes amies, que je percevais comme des femmes fortes et intelligentes, compter les jours avant de répondre à un message parce que « Jean Prout, il a dit … » ou ne pas faire le premier pas dans une soirée parce que « dans The Rules, il y a écrit… ».
Comme pour Uber, comme pour Vincent, comme pour les slims il y a bien longtemps, le coaching en amour au début j’ai dit NON, jusqu’au jour où je suis tombée dedans.
Cette histoire se passe encore en période COVID, avec ses confinements, ses couvre-feux et ses doutes et je pense que ça n’est pas un hasard. A l’époque j’étais parvenue à développer une forme d’ingéniosité hors pair pour jouer avec les règles gouvernementales et échapper à la morosité pour conserver un semblant de vie normale. Le MacGyver de la pandémie. Ma plus grande fierté est d’avoir échappé à la grisaille parisienne et au couvre-feu à 18h en m’incrustant trois semaines complètes chez mon amie Miette, qui vit à Barcelone depuis plusieurs années.
J’ai vécu cette période comme un enchantement absolu. A peine arrivée, j’ai pris un café en terrasse pour la première fois en six mois, je me suis promenée dehors jusqu’à 22h parce que c’était permis, j’ai dégusté une paella en bord de mer par 25 degrés, en plein mois de février, et j’ai renoué avec des souvenirs de ma vingtaine, de l’Auberge Espagnole, des années Erasmus et de la vie pleine de promesses.
Malgré cela mon cœur n’était pas léger. Partir à Barcelone c’était aussi fuir une relation qui ne marchait pas à Paris, mettre de la distance pour se protéger ou pour essayer de se manquer et raviver la flamme. J’avais beau me réchauffer et reprendre des couleurs, étendue des heures durant sur les pelouses du parc de la Ciutadella, j’avais emmené avec moi sans le vouloir mes préoccupations et ma peur de voir cette histoire se terminer.
Le paroxysme a été atteint un soir où je buvais un verre avec Miette et ses collègues. Je discute avec Meryem, une jeune femme douce et très solaire qui vient d’Istanbul et vit en Espagne depuis deux ans. Je ne me souviens plus de la question exacte qu’elle me pose, pour savoir à quoi ressemble mon quotidien en France, quels sont mes projets ou s’enquérir de ma vie sentimentale, mais ce que je sais c’est qu’au moment de répondre, ma gorge se serre et un flot de larmes jaillit de mes yeux.
Catastrophe, je pleure devant une inconnue, je suis dans tous mes états comme une adolescente, incapable de me retenir et évidemment je suis obligée de lui expliquer pourquoi donc me voilà qui lui raconte tous mes tourments. Meryem est adorable, elle me réconforte et parle de sa propre histoire d’amour, qui a connu des moments difficiles mais a fini par rebondir et dure depuis des années maintenant.
Après cet événement fort embarrassant, je décide que ça suffit, je vais me reprendre en main. Je ne peux pas continuer comme ça, me morfondre et passer à côté des bons moments, m’inquiéter sans cesse quand je n’ai pas de prise sur les événements. Ça n’est plus un secret, ma plateforme favorite, c’est Youtube, je m’y rends donc pour chercher de l’aide avec une requête très sérieusement formulée « Comment faire quand on a peur de perdre quelqu’un ? ».
Et c’est là que je tombe sur sa page. Je regrette de ne pas pouvoir donner son vrai nom parce qu’encore aujourd’hui j’ai envie de le recommander à celles et ceux qui cherchent des conseils en amour ou qui ont juste besoin d’entendre une voix apaisante. Je l’appellerai Jésus, même si physiquement il n’a rien à voir avec le fils de Dieu. Grand, brun, ultra baraque parce qu’il fait de la muscu (il en parle dans une de ses vidéos), il se dit coach en amour depuis 2007 et vit aux States, parce que c’était son « rêve » et que « dans la vie, il faut tout faire pour réaliser ses rêves ». Les titres de ses vidéos sont très concrets « Le secret pour rendre un homme fou de vous », « Pour le faire s’engager, utilisez cette astuce », « Si vous manquez de confiance en soi, ceci est la solution ».
Leur contenu est un joyeux bordel qui mixe développement personnel, neurosciences, psychologie abrégée, clichés sur les hommes, « les chasseurs », et renvois vers des vidéo payantes dans lesquels il approfondit ses méthodes, notamment la technique du push and pull, qu’on traduit par le « fuis-moi je te suis ». Pourtant je n’y peux rien, son timbre de voix, le « Mesdames » réconfortant par lequel il commence ses vidéos, sa vision du monde et des relations, si simple, tout me rassure et je me lance dans un vidéothon sur sa chaîne, qui est extrêmement fournie.
Miette passe près de moi au moment où je regarde une séquence dans laquelle il explique comment lutter contre ses complexes en allant tout simplement régler les problèmes qui en sont à l’origine.
« Ah bah merci, il est sympa lui !». Elle commence à l’imiter « Vous vous trouvez moche ? Faites de la chirurgie esthétique. Vous êtes grosse ? Faites un régime ». Je pars dans un fou rire incontrôlable et remercie Jésus et Miette intérieurement parce qu’ils me redonnent le sourire.
Après cela, j’ai tout de même continué de regarder ses vidéos et pendant de nombreux mois. Pas uniquement pour me tranquilliser sur le moment mais aussi pour essayer de mettre en pratiques quelques conseils prodigués, notamment ceux de la vidéo « Comment apprendre à punir un homme » car oui, elle existe.
En voici quelques extraits : « Les hommes aujourd’hui, c’est comme des enfants », ok, pas faux, « si vous avez un enfant, vous l’aimez de tout votre cœur, mais vous ne le laissez pas faire tout ce qu’il veut, avec les hommes c’est pareil ». Bien sûr !
« Quand vous voulez punir un homme, on ne peut pas lui parler et être dans la communication ouverte parce que ça nous met en demande, on lui donne de l’attention. Si vous voulez punir un homme il faut mettre de la distance ». Ok donc si je suis énervée après lui, je ne lui dis rien, je ne réponds plus à ses messages. Ça me paraît pas très mature mais au moins je sais faire.
« Ensuite, on ne l’attaque pas en tant que personne car ça vous met en porte-à-faux, on va lui dire « Ça ne me fait plus vibrer » et pas « Tu ne me fais plus vibrer » ». Très bien, prochaine discussion, je lui dis « ça ne me fait plus vibrer ». Il va être bien puni.
« Enfin on attend qu’il y ait des excuses et les premières actions de changement, c’est très important d’avoir les mots ET les actes ».
J’ai obtenu des excuses. Je n’ai malheureusement obtenu aucun changement. Et comme les slims, comme Vincent et bientôt je l’espère comme Uber, un jour, j’ai arrêté de regarder les vidéos de Jésus.
La semaine dernière j’étais de retour à Barcelone. Après tout ce temps je me suis demandée comment j’avais pu me mettre dans des états pareils pour si peu, prendre le risque de ne pas vivre pleinement les moments passés là-bas, profiter de la mer, du beau temps et de la Sagrada Familia. Et fait amusant, j’ai revu Meryem, qui m’a annoncé qu’elle avait mis fin à sa longue relation, parce qu’elle avait besoin d’évoluer, de se réinventer.
Parce que oui, Messieurs, c’est CA les femmes : des putain de rock stars qui ne prennent rien pour acquis, qui sont prêtes à tout remettre en question, y compris elle-même, pour toujours aller chercher le meilleur, qui peuvent écouter des heures de vidéos à la con et se plier en huit pour qu’une relation marche et qui ont bien compris que la vie, c’est comme une paella, y a pas que le riz, y a aussi les fruits de mer et même le poulet, voire le chorizo.
Dans le train du retour j’ai réécouté quelques vidéos de Jésus pour m’aider à dormir, ça a marché du tonnerre.
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laperditudedeschoses · 2 years ago
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La puissance de la musique
La musique, c’est la vie. La musique c’est ma vie.
Compagne de fortune ou d’infortune, elle est toujours un peu là, présente à tous les instants et colorant notre quotidien. Un(e) ami(e) sort sa guitare et la soirée se transforme, un morceau électro démarre et les conversations d’experts suivent :
-         Mmmh, ce beat est un régal !
-          Ah ouais ? Moi je le trouve trop mou.
La musique a beaucoup plus de pouvoirs qu’on ne l’imagine. Marchez dans la rue en écoutant Staying Alive des BeeGees et vous avez le sentiment que le monde vous appartient ; écoutez Dire Straits et vous avez l’impression d’être un daron. Quand Maurice entre dans le bistrot et que la radio envoie le premier « Destinée » de Guy Marchand, vous ne voyez plus le même homme.
La musique connecte les gens. Parfois on écoute une chanson dans le métro et on croirait que cet autre passager qui secoue la tête écoute la même, dans une synchronicité parfaite. La musique permet de s’échapper quand la réalité est trop agressive. C’est aussi un ancrage mémoriel. On écoute Tryo et on se revoit à l’aube de l’an 2000, la tête pleine de rêves, de paix et de plantations.
Mais parfois la musique est aussi un messager. On écoute les paroles d’une chanson et c’est comme si l’interprète connaissait notre situation et s’adressait à nous, rien qu’à nous. L’histoire que je vais raconter en est la preuve par trois.
Août 2014. Cet été-là, les cigales ne chantent pas. Dans des décors de rêve – une petite île paradisiaque de l’Atlantique, la forêt landaise, la campagne toscane – je vis un enfer. L’enfer a un visage : de grands yeux bleus d’une profondeur telle qu’on y plonge facilement, jusqu’à se noyer ; de belles boucles blondes de bébé cadum. L’enfer a un prénom, que je tairai, par respect peut-être. L’enfer a surtout une personnalité qu’on croirait merveilleuse au départ, qui nous enveloppe et nous emmène loin dans son baluchon plein de promesses, puis qui tout à coup nous pique discrètement à petits coups de couteaux, de plus en plus profonds, jusqu’à nous réduire en tous petits morceaux qu’on mettra un temps infini à recoller.
Il y a l’enfer et puis il y a moi. Moi qui suis là et qui vis cela, moi qui reste dans cette tempête. Sainte parmi les saints, moi qui m’observe presque d’ailleurs, dans un étrange exercice de dissociation, me faire hurler dessus, rabaisser, parfois menacer, voire secouer, bien sûr quand tout le monde a le dos tourné. Moi qui le regarde faire le beau devant les autres et qui me sens d’une certaine manière flattée parce qu’il « a besoin de moi ». Moi qui suis habitée du matin au soir par une formule, un motto d’empathie hérité de l’histoire, de la culture judéo-chrétienne et de ma mère : « le pauvre ! ». Et oui, l’enfer a eu une enfance difficile avec une mère atroce, il semble donc normal que je lui serve d’exutoire.
C’est cette mère à qui nous allons rendre visite dans le Sud-Ouest, parce qu’il dit la détester et s'est engueulé avec elle récemment, mais il adore nous avoir toutes les deux réunies à ses côtés. C’est une visite surprise alors, de crainte qu’elle ne nous ouvre pas et qu'elle appelle la police, je vois mon ange démoniaque escalader la barrière pour entrer dans son jardin et m'inviter à faire de même, dans une scène de film dans laquelle je ne me reconnais pas mais où je joue mon plus beau rôle de femme forte, douce et digne, endimanchée dans ma robe noire. Une Pietà comme Michel-Ange ne l’aurait jamais imaginée.
Mais avant cela, nous avons dû prendre un bus de Bordeaux. Depuis le réveil, depuis la veille, depuis toujours en fait, il me pourrit. Je suis trop lente, je ne souris pas assez, je regarde trop ailleurs, je n’ai rien d’intéressant à dire, et par un tour de passe-passe, sans doute parce que je suis grignotée par la culpabilité qu’il a façonnée dans mon esprit, je me retrouve à porter l’intégralité de nos affaires, en courant derrière lui qui a les mains vides et qui me crie dessus.
Cette relation m’a appris que mon seuil de tolérance à la maltraitance est très élevé, mais aussi qu'il y a une limite que même un beau blond torturé ne me fera pas franchir : je DETESTE porter des choses lourdes. Je suis ce qu’on appelle « la petite dernière » et depuis ma plus tendre enfance ma mère s’est toujours assurée que mes petits bras mignons ne soient jamais trop encombrés pendant nos voyages, en répartissant les charges entre elle et mes sœurs.
Lui les mains vides et moi le dos courbé, cette injustice est trop forte, cette histoire ne mène nulle part. Je suis prête, je vais l’abandonner là tout de suite avec sa tête de con ! Je le suis tout de même dans le bus parce qu’avant de faire le grand saut, j’ai besoin d’un plan. Mais quand je pénètre dans l’habitacle, quelque chose se passe.
La radio est branchée, Nostalgie est programmée et c’est là que je l’entends.
Après une courte introduction au violon qui suspend l’instant, Jacques Brel qui me susurre calmement mais intensément « Ne me quitte pas ». Tout à coup il n’y a que lui et moi. Lui c’est Jacques bien sûr. Le piano est doux et pénétrant et tout à coup je m’aperçois que les paroles racontent notre histoire, à l’enfer et à moi :
Oublier ces heures qui tuaient parfois
Je te parlerai de ces amants-là qui ont vu deux fois leurs cœurs s'embraser
Il est, paraît-il des terres brûlées donnant plus de blé qu'un meilleur avril
Ne me quitte pas, ne me quitte pas, NE ME QUITTE PAS.
C’est dingue ! Est-ce que quelqu’un nous regarde ? Est-ce que le chauffeur a deviné que je veux partir ? Est-ce que le type qui a conçu la playlist de Nostalgie qui tourne en boucle depuis vingt ans savait que ce jour arriverait, que je prendrais ce bus ?
Au même moment, l’enfer me lance son regard de chien battu, de petit garçon perdu qui ne sait plus qui il est, qui, dans cette nuée, redevient l’être inoffensif qui a besoin de moi. Est-il conscient de ce qui se passe ? A-t-il lu dans mes pensées ?
J’essaie de me calmer, m’assieds sur mon siège et ris intérieurement de ce moment que je me promets de raconter un jour dans un roman, un film ou une bd. Quand la chanson s’arrête enfin, c’est Gainsbourg qui intervient : « Je suis venu te dire que je m’en vais ».
Mais c’est pas possible !!! Ce morceau que j’aime plus que tout prend un tout autre sens. Les esprits de Jacques et Serge sont-ils venus dans ce bus exprès pour moi ? Jacques serait l’enfer et je serais Serge ? Ou peut-être que toutes les chansons parlent de rupture … Je ne sais toujours pas quoi faire mais je profite de ces airs pour m’extraire de ce que je suis en train de vivre et c’est déjà beaucoup, un moment de respiration dans le cyclone.
Ça a pris du temps, mais j’ai fini par quitter l’enfer et depuis je porte une attention toute particulière aux paroles des chansons que j’écoute. The promise I made was to love myself de Cleo Sol me rappelle mes priorités dans la vie, Lovely day de Bill Withers me met de bonne humeur pour la journée, Agadou, dou, dou pousse l'ananas et mouds l'café bah … elle est entraînante, faut l’admettre.
Et il y en a tant d’autres…
On peut choisir d’utiliser la musique comme un oracle ou tout simplement comme une présence réconfortante qui stimule nos émotions à bon escient. Ce n’est pas l’enfer qui avait besoin de moi, c’est moi qui ai besoin de la musique et elle, elle sera toujours là.
Et surtout n’oubliez pas : si un jour vous vous retrouvez à porter toutes les affaires face à quelqu’un qui a les mains vides et vous accuse de ne rien faire, fuyez, vous êtes manipulé(e) !!!
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laperditudedeschoses · 2 years ago
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Pierrot mon poto, tu me tiens chaud
Pour se sentir bien, il est très important de prendre conscience de la chance qu’on a. Même quand beaucoup de choses ne vont pas et même si bien sûr le niveau de chance n’est pas le même pour tous. L’injustice existe, mais il y a toujours une manière de voir le monde, de voir son monde, comme un filtre coloré qui teinte et donne un air aux choses. Enfilez une paire de lunettes aux verres jaunes et votre rythme cardiaque ralentit. Mettez plein de contraste et un effet vignette sur une photo et vous vous croyez trente ans en arrière. Activez le filtre « jeunesse » sur Snapchat et comme par magie … bref.
Voir et dire qu’on a de la chance peut vraiment faire du bien. Les yogis appellent ça la gratitude.
Sur certains aspects et en particulier lorsque j’ai bien dormi, j’ai l’impression d’en avoir beaucoup. J’ai notamment le loisir, depuis que je suis enfant, d’aller passer mes vacances sur un petit caillou dans l’Atlantique d’où ma grand-mère était originaire. Dans cet endroit merveilleux dont je cacherai le nom parce qu’il est déjà beaucoup trop fréquenté, le prénom « Pierre » est partout. Beaucoup d’Antoine et de Nicolas bien sûr et peu de prénoms moins gaulois, on va pas se mentir. Des Pierre il y en a tellement qu’il n’y aurait pas assez de Jeanette à qui pouvoir chanter « ne pleure pas, tu auras ton Pierre ».
Mais d’ailleurs, qu’est-ce que ça signifie « avoir son Pierre » ? Eh bien moi, j’ai la chance de le savoir, parce que j’ai mon Pierre, j’ai même mon Pierrot. Avec Pierrot, c’est une histoire qui date. Je l’ai connu quand j’avais 12 ou 13 ans et j’ai été amoureuse de lui tout un été. A l’époque, je le suivais partout. Nous étions trop jeunes pour que puisse être évoqué ici le concept de « tension sexuelle » mais je me souviens que j’avais envie d’être avec lui le plus possible et que pour pouvoir l’approcher l’air de rien, je lui proposais sans cesse de le coiffer. « Pierre tu veux que je te coiffe ? ».
Il avait 18 mois de moins que moi – il prétend aujourd’hui que c’est ce qui a causé l’échec de notre idylle – et par docilité, ou par amour réciproque qui sait, il répondait oui. Notons que c’est la seule fois de ma vie que j’ai eu un tant soit peu d’autorité sur un homme pour qui mon cœur battait.
Cet amour est resté chaste et, par la magie de l’adolescence et des réinventions perpétuelles, s’est dissipé les étés suivants. Nous sommes devenus des amis d’enfance, qui se retrouvent chaque année, se voient grandir et passer les étapes clefs de la vie, de qui on se sent proche même si on se voit peu, parce qu’on s’est connus jeunes, un peu comme des cousins.
J’en ai d’autres des amis d’enfance, mais avec Pierrot s’est toutefois installé un rituel un peu étrange vers 18-19 ans. En toute fin de soirée, quand nos verres étaient vidés et nos esprits brouillés, on se mettait à s’embrasser pendant un long moment, pas toujours avec classe, puis chacun rentrait chez soi. Ce rituel, ou l’ambiguïté qu’il a créée, est resté au fil des années, uniquement quand lui et moi sommes célibataires, cela va sans dire.
Pierrot a une manière bien à lui de me manifester son amitié, qui varie selon son niveau d'alcoolémie. Trois verres de vin et sans demander il pose ses mains sur mes seins. Deux gorgées de bière et il me prend la main pour me dire "Quand je t'épouserai, je te ferai une bague" (je ne l'invente pas, c'est son métier). Certains de mes amis qui ont surtout vu la première version le prennent pour un perv’ et s’en méfient. Pour ma part je ne me pose pas trop de questions et je profite de cette sécurité affective et sensuelle vers laquelle je peux me tourner à l'envi, un peu comme un lieu de vacances qu'on retrouve chaque année, justement.
Le concept de « case pote » (ou friendzone), bien que très décrié aujourd’hui pour les représentations sexistes qu’il renvoie, a un vrai sens pour moi. C’est là que je range mes amitiés masculines asexuées, avec un gros cadenas et en balançant la clef par-dessus bord. Quand on y est, on y est pour toujours.
Le concept de Pierrot est plus flou, mais dans mon esprit, rien ne serait jamais consommé, on s’arrêterait toujours au bécotage habillé pas très élégant.
Mais v'la t'y pas qu'un été ça a pris une autre tournure ! Je ne sais qui de nous deux a mis un coup de canif dans le contrat, mais tout à coup ça n'était plus un p'tit bisou par-ci qui repassera par là mais des chopes bien franches au moins deux soirs de suite, avec un crescendo.
Et comme nous ne sommes plus des enfants, la potentialité d'aller plus loin s'est concrétisée dans mon esprit. La panique : coucher avec Pierre ? Le sortir de la case pote ? Le voir tout nu ? Malheur ! Un gouffre s'est ouvert devant moi. D’un coup j'étais tétanisée, à nouveau adolescente, curieuse mais coincée. Tout cela était-ce bien sérieux ? Que se passerait-t-il ensuite ? Serions-nous gênés ? La foire aux questions était lancée.
Le troisième soir et après mon troisième tipunch je décide de lui en parler. La litanie démarre : "Non mais tu comprends, est-ce que tu penses que c'est vraiment une bonne idée d'aller plus loin, parce que tu comprends (oui deux fois comprendre), on se connaît depuis longtemps, je ne veux pas que ça change quelque chose entre nous et puis moi je cherche le père de mes enfants et je ne crois pas qu'on veuille la même chose dans la vie toi et moi, bien sûr c'est rigolo mais y a pas que le rire dans la vie il faut bien considérer les choses et je crois que je me cherche encore un peu même si de plus en plus je sais ce que je veux et un jour peut-être tu en seras là." J'ai dû parler pendant au moins trois minutes sans interruption.
Pierrot ne s’attendait sans doute pas à cette attaque et son regard perdu me fait l’effet d’un miroir : qui est cette cinglée qui pose mille questions et parle de chercher le père de ses enfants entre deux verres et deux pelles ? Poli, il cherche tout de même une réponse à apporter à ce chaos : « Moi quand j’avais 10 ans j’étais amoureux de toi ». Ah bah voilà pourquoi il se laissait coiffer le bougre !
Cet échange ne donne pas lieu à grand-chose et deux jours plus tard Pierrot quitte l’île, me laissant avec mes interrogations. Au gré des baignades et de l’été qui passe, je m’apaise. Et Pierrot revient sur l’île finir son mois d’août ! Nous nous retrouvons comme si de rien n’était mais après trois verres de beaujolais, les allusions reprennent. On rit de nous, c’est léger, alors j’en profite pour lui partager mes états d’âme, lui dire que je ne sais pas si je me sentirais capable d’aller plus loin que nos fricottages, que je sais en rire mais que je ne suis pas si légère. Je lui demande ce qu’il en est de son côté et riant nerveusement il me répond « Je pense que je serais terrorisé ».
L’alignement des planètes le voilà ! Le vrai moment de complicité, la connexion intense qu’on recherche toute une vie, ce sentiment partagé qui nous lie Pierre et moi dans cet instant suspendu : LA TROUILLE.
C’est peut-être ça, avoir son Pierre : avoir quelqu’un qu’on n’arrive pas trop à ranger dans une case, sans que ce soit grave, avec qui un lien étrange persiste, qui reste au fil du temps mais qui au final nous fait plus de bien que de mal. Comme un gros rocher lisse chauffé par le soleil sur lequel on peut s’allonger sans s’écorcher et qui nous tient chaud.
Dans Chanson pour Pierrot, Renaud parle à son fils imaginaire, avec qui il se voit jouer au football et aller au bistrot. Mon Pierrot à moi est bien réel, avec sa veste en jean et ses Santiago. Entre nous c’est toujours un peu bizarre, mais je sais que j’ai de la chance de l’avoir.
Et vous, avez-vous votre Pierrot ?
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laperditudedeschoses · 2 years ago
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Père Castor, raconte-nous une histoire
Il y a dix jours, c’était la tempête. C’est toujours impressionnant une tempête. On en retrouve dans la mythologie, dans les textes religieux, sur des toiles de toutes époques, au théâtre. Dans l’actualité elle rime aussi avec submersion, dégâts matériels et « vitesse de vent jamais enregistrée à la pointe du Raz depuis 1987 ». La tempête, c’est la nature qui rappelle à l’être humain qu’il n’est rien du tout, que l’univers est plus fort que lui. Je suis sûre que les médiums et les énergéticiens ont deux fois plus de clients après les grandes tempêtes.
Mais pour moi la tempête a une saveur encore plus particulière depuis un certain mois d’août en Charente. J’y suis allée passer des vacances chez ma mère et j’ai invité Betty pour une semaine. Vous commencez à le savoir, quand Betty est dans les parages, des choses singulières nous attendent au coin de la rue. Et ça n’a pas tardé puisque dès le soir de notre arrivée, autour des pommes de terre bouillies et des langoustines, ma mère nous raconte une anecdote sur son ami Père Castor.
Père Castor est un homme qu’elle nous décrit comme très sauvage mais brillant, jamais à court d’inventions, un genre de Léonard de Vinci après l’heure qui a conçu toutes sortes de machines dont il se sert pour sa petite exploitation locale. Il est arrivé dans le village il y a une vingtaine d’années mais de sa vie d’avant on ne sait rien. « On pense qu’il a dû se passer quelque chose… », nous dit ma mère avec un ton intriguant.
« C’est-à-dire ? Tu penses qu’il a commis un meurtre ? Il est recherché par la police ? ». J’ai déjà entendu parler de Père Castor, mais jamais sous cet aspect et j’aimerais être rassurée sur le fait qu’il ne viendra pas égorger ma mère en pleine nuit, sur un coup de folie.
« Oh non, quand même pas mais bon … », répond la future victime un peu trop mollement à mon goût.
« Mais tu ne lui as jamais posé de question sur son passé ? ».
« Ah non, je ne veux pas le déranger ! Il est très réservé. Et tellement gentil. »  S’il est gentil en effet, mieux vaut ne pas l’embêter en lui posant des questions…
Une fois ce décor posé ma mère nous raconte que Père Castor est venu chez elle réparer sa chaudière la semaine passée et que quelques jours plus tard il l’a appelée pour savoir si elle fonctionnait bien et pour s’enquérir d’autre chose : « Caroline est-ce que tu te sens plus en forme ces derniers jours ? », à quoi ma mère a répondu « Je ne sais pas trop, c’est vrai qu’avant-hier je me suis endormie à 23h au lieu de 22h ».
« Et là il m’apprend que c’est grâce à lui que je suis plus en forme. Il a des énergies ou quelque chose comme ça, il a un don et apparemment les gens qui passent du temps avec lui sont comme revigorés après. » Ma mère nous livre l’info en ces termes, avec un air assez convaincu, alors qu’elle n’est au départ absolument pas branchée ésotérisme. C’est même la première fois de ma vie que je l’entends parler d’un tel sujet.
Tout à coup j’occulte complètement de mon esprit le fait que Père Castor a peut-être assassiné un de ses voisins à coup de pioche il y a vingt ans parce que je suis beaucoup trop intriguée par cette histoire et serais même intéressé personnellement par une petite séance de réénergétisation, pour bien démarrer mon été. Je vois dans son regard que Betty pense comme moi et après quelques questions pour essayer de mieux comprendre comment ça se passe, nous disons à ma mère avec entrain « On aimerait bien le rencontrer ce Père Castor ! ».
Ma mère nous organise un café avec lui deux jours plus tard. Nous brûlons d’impatience de le rencontrer et en parlons sans cesse, allongées sur nos serviettes de plage. Quelle belle perspective pour les vacances après une année pas dingo à trop travailler, mal dormir et pas faire assez de sport. On va être toutes fraîches !
Le jour j ma mère nous apprend qu’elle aura 5 minutes de retard et nous suggère de retrouver directement Père Castor à la terrasse de son café favori. « Vous ne pouvez pas le rater, il porte un chapeau de cow-boy ». Nous avons un peu d’avance et voyons à la terrasse du café d’à côté un homme avec une barbe, un chapeau et un sac à dos posé à côté de lui.
« Tu penses que c’est lui ? C’est bizarre, il n’est pas au bon café ». « Non, je ne pense pas, il n’a pas une tête de quelqu’un qui a de bonnes énergies », me répond Betty. Je fais confiance à l’experte et en effet, quelques minutes plus tard arrive un homme avec un chapeau de cow boy, un bon teint et un âge difficile à déterminer, qui s’assied à la bonne terrasse.
Nous allons nous présenter à lui « Bonjour, je suis la fille de Caroline ». Il est un peu gêné, comme nous, mais ma mère arrive rapidement et elle introduit la « séance » : « Ma fille et son amie sont très intéressées de savoir quel est le don que tu as pour donner de l’énergie ».
Et là, Père Castor démarre son histoire : « C’est très simple, avec vos modes de vie, vous êtes complètement coupées de l’énergie universelle et vous vous videz petit à petit sans pouvoir vous remplir. Votre antenne parabolique ne capte plus les messages du cosmos ». Ah ouais, « antenne parabolique » …
Il poursuit : « Aujourd’hui les gens sont déconnectés et ne reçoivent que des énergies négatives, ils s’épuisent, développent des maladies ». Très vite, j’ai le sentiment qu’on part sur un zinzin, mais pourtant ce qu’il dit sur les modes de vie déconnectés de la nature qui nous épuisent me parle et à regarder sa peau lisse, son air détendu et en pleine forme, comparé à nos deux faces défraîchies alors même que nous pourrions être ses filles, je me dis qu’il a quelque chose que nous n’avons pas.
Il poursuit sur une thématique qui me parle encore plus, les « vases communicants » et l’importance de s’entourer de gens qui nous apporte de l’énergie et qui ne nous en pompe pas. Allez dire ça à mon ex, un vrai moustique ! Il emprunte le ton un peu docte de celui qui a compris des choses avant nous quand il nous fait son exposé et à un moment il croit nous coincer : « Depuis quelques mois vous devez vous sentir encore plus fatiguées, non ? Depuis que vous avez eu la p’tite piquouze ? ».
Je vois très bien où il veut en venir, mais pas de bol, Betty n’est pas vaccinée contre le COVID – parce qu’évidemment c’est de ça dont il parle. Je ne me gêne pas pour le lui dire, ce à quoi il répond, en regardant Betty « Alors vous ça va », puis se tournant vers moi « Mais vous, vous faites de la télépathie ? Vous avez dû remarquer que ça fonctionne moins depuis que vous êtes vaccinée ».
Euh, attends là. Non je ne fais pas de télépathie, mais Père Castor a l’air de penser que si. Est-ce que j’ai une tête à faire de la télépathie ? Est-ce qu’il m’a vu un don de télépathe ? Je devrais peut-être essayer un jour.
Nous poursuivons l’échange et je regarde ma mère qui l’écoute attentivement et lui sourit. Je suis certaine qu’elle n’adhère à rien de ce qu’il dit mais, et c’est ce que j’apprécie particulièrement chez elle, elle ne lui dira jamais parce que c’est son ami et elle ne veut pas lui faire de peine.
Nous finissons par lui demander comment faire pour se recharger en énergie et maintenir un bon niveau, même quand l’environnement affectif ou professionnel vient nous en pomper. Il nous conseille de bien nous nourrir, en s’inspirant des juifs et des musulmans, pas de porc, pas d’alcool, de poissons avec écailles (ou sans écailles j’ai oublié) qui n’ont pas la même énergie que nous et puis, si on veut qu’il nous en transmette, lui envoyer une photo de nous avec nos prénoms. C’est entendu !
L’entrevue se termine ainsi. Au moment du débrief, Betty me dit qu’elle a bien fait de quitter son ex, qui lui était vacciné, parce qu’avec leur incompatibilité énergétique (disons-le, avec son énergie toute vilaine pleine d’ARN messager) cela aurait été problématique pour la descendance. Tiens, voilà une difficulté supplémentaire pour les couples mixtes provax/antivax à laquelle je n’avais pas pensé.
Plus tard sur la plage, nous prenons un selfie pour l’envoyer à Père Castor. Sur le premier, par réflexe, nous faisons un bisou. Pas possible. Sur le deuxième, un duck face. Catastrophe. Quelle tête faut-il faire sur une photo à envoyer à un monsieur qui va travailler sur notre énergie ? Finalement nous faisons un sourire gentil. Betty lui envoie, accompagné du message suivant : « Bonjour Père Castor, encore merci pour cet échange très enrichissant. Comme discuté, voici notre photo. Merci beaucoup. Betty ».
Une heure après, il nous répond : « Voilà, tenez moi bien informé 😊 😊 😊 😊 😊 😊 😊. A bientôt ». 7 smileys, c’est pour les 7 chakras ? Ou il écrit juste comme un boomer ?
Le soir nous dînons chez des amis d’enfance à qui nous racontons cette aventure et qui s’empressent de réagir, avec leur rire gras « Ah bah d’accord, on s’imagine bien ce qu’il va faire avec votre photo … hahaha ». Nous ne savons pas trop quoi penser mais profitons du dîner pour s’enquiller une demi-bouteille de rouge, en ne respectant absolument pas les consignes de Père Castor. Quand nous rentrons chez nous vers 1h du matin, la pluie a commencé à tomber et le vent à souffler.
Le lendemain matin, l’énergie ne se fait pas encore sentir, court-circuitée qu’elle est par la gueule de bois. Nous aimerions aller prendre l’air pour récupérer, mais il pleut sans discontinuer. Il est des lieux qui sont de véritables paradis quand le soleil les irradie et le ciel bleu intensifie leur beauté, mais qui n’ont plus AUCUN intérêt quand la grisaille et la pluie s’installent. Et c’est exactement le cas du village de ma mère. Avec ce temps, pourtant la première semaine du mois d’août, il n’y a rien à faire à part attendre. De bonne composition, nous en profitons pour lire puis faire une balade en voiture avec ma mère. Le soir, la tempête s’est installée. Nous ne pouvons pas sortir de la maison, nous ne pouvons pas retrouver mes amis, nous ne pouvons pas aller boire des verres. Tant pis, couchons-nous tôt pour récupérer.
La nuit qui suit, le vent souffle, les branches des arbres frottent le toit de la maison, des rafales de pluie tombent. Résultat, nous dormons mal et en se réveillant le matin, toujours pas d’énergie. La tempête continue et je vois Betty qui me regarde d’un air désespéré qui veut dire « J’avais tellement besoin de vacances, de farniente, de baignades … ». L’après-midi, une éclaircie apparaît alors nous en profitons pour nous balader, bien qu’il y ait encore un peu de vent. Au bout de 30 minutes de marche, tout bascule, une douche de pluie s’abat sur nous. Betty part dans un fou rire nerveux et en pleure presque. Nos k-way ne servent plus à rien, nos leggings sont trempés. Et toujours pas d’énergie. Le soir venu, nous n’avons pas le courage de sortir, alors on apprend à jouer au Yams puis on finit par se faire des tipunch et danser à deux sur Aya Nakamura. L’ambiance est de plus en plus étrange.
Le lendemain, il fait carrément froid. Nous faisons l’effort d’aller boire un grog en plein après-midi mais cette fois-ci ça suffit, il va falloir écrire à Père Castor pour lui demander ce qui se passe. Bien sûr qu’il n’est pas responsable du mauvais temps, mais nous on a l’impression d’être toutes molles, que notre état est pire qu’avant de le rencontrer. Et puis ça se fait de lui donner des nouvelles.
Betty lui écrit : « Bonjour Père Castor, j’espère que vous allez bien. Un petit mot pour vous informer qu’avec Anouk on se sent détendues après votre session (elle ne veut pas le froisser parce qu’il est gentil). La tempête nous a quand même bien fatiguées. A bientôt. Anouk et Betty. »
Très impliqué, Père Castor répond immédiatement : « Bonjour Betty et Anouk, nous sommes dans le portail astrologique du lion, je pense plutôt que ce sont ces énergies très puissantes qui vous ont fatiguées. Cela ira mieux dans quelques jours. Tenez-moi au courant. Bonne soirée à vous ».
Voilà une explication à laquelle on ne s’attendait pas, mais que nous sommes prêtes à croire, tant nous sommes désespérées. Le soir-même nous sommes rejointes par Léa, qui vient elle aussi passer quelques jours chez ma mère et à qui nous racontons nos aventures. Elle nous apporte son énergie extérieure et nous passons une très bonne soirée. Le lendemain la tempête a laissé place à un grand soleil, nous permettant enfin de commencer les vacances, dont la suite se déroule beaucoup plus sereinement.
Je n’ai pas osé en parler à Betty sur le coup, mais pendant ces quelques jours de tempête, j’ai ressenti un énorme pic de libido qui ne m’a pas quitté de tout l’été. Une envie d’en découdre d’une intensité que je n’avais jamais connue. Je me suis sérieusement demandée si c’était l’influence de Père Castor et quand j’ai fini par en parler avec elle à la rentrée en septembre, Betty m’a annoncé qu’elle avait ressenti la même chose !
Pendant l’été j’ai pu mettre à profit cette « énergie » au clair de la lune, avec mon ami Pierrot, mais ça c’est pour une autre histoire.
En attendant je rêve à un monde où juifs, mulsulmans, pro, antivax, tout le monde se tienne par la main pour reconnecter son antenne parabolique avec le cosmos.
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laperditudedeschoses · 2 years ago
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Les huiles essentielles
Comme beaucoup de personnes de ma génération, j’ai été biberonnée aux séries 90’s.
Pour une enfant de la télé comme moi, le panel était large : des productions qualitatives aux divertissements les plus douteux, de Beverly Hills à Hélène et les Garçons, en passant par Hartley cœurs à vif et Loïs et Clark, Sunset Beach avec ma grand-mère, Friends, bien entendu, avec mes grandes sœurs... Je ne les citerai pas toutes car il faudrait un billet entier pour raconter les souvenirs que j’en garde, l’influence qu’elles ont eue sur moi à l’époque ou les émotions que provoquaient les cliff hangers de fin d’épisode, quand il fallait attendre une semaine entière pour avoir la suite. Le binge watching n’était alors possible qu’une fois la VHS d’une saison complète disponible à la Fnac, soit tous les dix-huit mois environ.
Il y en a une en particulier qui a eu un impact bien au-delà de la courte durée de mon adolescence, c’est Sex and the City. Elle est très décriée aujourd’hui pour tout un tas de raisons que je comprends parfaitement : pas assez inclusive, trop bling bling ou pas vraiment féministe parce qu’à la fin tout le monde a besoin d’être avec un homme pour être heureux.
Toutefois je n’y peux rien, je prenais énormément de plaisir à la regarder et j’y reviens encore souvent, pour des shoots nostalgiques ou pour me détendre, tout simplement. A 16 ans à peine, je faisais mon « éducation sexuelle » en regardant des trentenaires new-yorkaises en stiletto galérer dans des dates avec des investment bankers. Nos vies n’avaient rien à voir mais je m’identifiais totalement à elles et maintenant que j’ai leur âge, je trouve que mon quotidien ressemble plus au leur, sans savoir si c’est vraiment une bonne nouvelle.
L’identification est allée au point de m’attribuer les caractéristiques de chacune d’elle, assez facile car les personnages sont bien définis. Et je suis certaine que d’autres comme moi ont déjà dit « Je suis une Charlotte », ne signifiant pas par-là « Je suis un délicieux dessert à la crème » mais au contraire je suis une rêveuse qui fantasme une vie idéalisée et projette beaucoup trop de choses sur toutes mes rencontres, finissant souvent déçue. Je suis aussi comme Carrie, quand je m’assieds au café pour écrire La Perditude des choses bien évidemment, mais surtout parce que j’ai eu mon lot de compagnons toxiques et fuyants à la Mister Big. Heureusement j’arrive à être un peu comme Miranda, indépendante et cynique, ne se laissant pas marcher sur les pieds.
Mais il y en a une que je n’arrive pas à être et à mon grand regret, c’est Samantha. Cette femme ultra séductrice et sûre d’elle, à l’aise avec sa sexualité, qui cherche le plaisir avant de chercher à faire plaisir et capable de choper un homme sans se poser UNE SEULE question.
Pourtant j’essaie régulièrement, j’ai même tenté des techniques, en l’occurrence l’usage d’huiles essentielles. Voyons ce que ça a donné.
Tout a commencé un soir alors que je dînais chez un couple d’amis, Alessandro et Gino. A ce moment-là, je sors d’une rupture. Pour celles et ceux qui connaissent la courbe du deuil et ses étapes successives, je dirais que je me situe quelque part entre le choc et le déni, pensant être déjà arrivée en phase d’acceptation. Dit autrement, je me situe à cet instant assez proche de la séparation où on a séché ses larmes, compris ce qui s’était passé et où l’on cherche à se donner du peps pour aborder le célibat en se mentant un peu à nous-même. On se croit capable de changer du tout au tout, de soulever des montagnes et d’oublier l’ex en un battement de cils, sans avoir conscience que le pire est à venir, que la vraie déprime nous attend et qu’en fait on n’est pas prêt du tout à se lancer dans quoi que ce soit.
Mes hôtes ont invité un ami d’enfance de Gino, Horace. Gino est franco-italien et Horace allemand mais ils se sont connus au Lycée International à Londres. Alessandro et Gino ne nous ont pas du tout invité dans l’intention de nous matcher – ça m’est arrivé à d’autres reprises et j’y consacrerai peut-être un billet. Ils ont juste profité d’un petit trou d’air dans leurs agendas chargés pour réunir deux de leurs amis qui ne se connaissent pas. Dès la bise d’introduction pourtant, je trouve Horace assez beau. Il dégage quelque chose de très virile avec ses épaules carrées et sa barbe de trois jours. Il parle parfaitement français, mais avec un léger accent qui lui donne un certain je-ne-sais-quoi. J’ai bien fait de mettre mon nouveau gilet rouge en angora.
Quand je croise dans la rue un homme que je trouve beau, prise d’embarras, je me mets automatiquement à boîter. Quand je croise un ami d’ami que je trouve beau, j’écarquille les yeux et je ne sais plus quoi dire. Heureusement Alessandro et Gino nous régalent avec leur Montepulciano du meilleur millésime et ma gêne se dilue rapidement dans l’alcool.
Nous parlons de tout et rien, jusqu’à ce qu’Alessandro demande « Comment va Anouk ? ». Avec une partie du cerveau déjà noyée dans le pinard, je m’apprête à répondre « Elle va très bien, merci ! », mais comprends qu’en fait la question s’adresse à Horace, qui répond l’air gêné et en nous regardant successivement tous les trois « On est séparés ».
Il ne me faut pas longtemps pour saisir que sa petite amie a le même prénom que moi et que très bientôt il l’appellera son ex.
Je lance un « Ah mince » un peu trop aigu et enjoué pour être honnête, même si j’ai beaucoup d’empathie pour ce compagnon de galère qui traverse lui aussi une rupture, cette période désagréable où il faut toute l’énergie de la terre pour se réinventer, se défaire d’habitudes, assumer l’échec d’une relation et repartir dans le célibat.
Pourtant je dois dire qu’égoïstement j’identifie une opportunité. A minima une opportunité de flirter. Consciemment ou pas je me redresse, sors un peu ma poitrine et raconte mes meilleures anecdotes, comme les pigeons qui gonflent le cou pendant la parade nuptiale.
Dans la conversation qui suit, j’apprends qu’il s’est reconverti l’an dernier, quittant un job d’ingénieur dans l’aviation civile pour devenir responsable commercial d’une petite fabrique d’huiles essentielles de l’est de la France. Il est à Paris en ce moment parce qu’à la fin de la semaine il tient un stand au marché des petits producteurs de Belleville.
« Oh ! Mais j’habite juste à côté, je pourrais passer. J’aime beaucoup les huiles essentielles. » Une fois de plus, mon intention est double. Evidemment j’y vois l’occasion de le recroiser mais je suis aussi très intéressée par les huiles essentielles. Qui ne le serait pas ? La promesse que tous les problèmes peuvent être résolus avec trois gouttes d’une mixture à base de plantes ! J’en utilise souvent : la menthe poivrée est idéale contre les maux de têtes de lendemain de soirée, il n’y a pas mieux que le tea tree contre les problèmes de peau et la lavande, que dire de la lavande ?!
Quand j’avais 20 ans, je fabriquais même mes propres cosmétiques à base d’huiles essentielles que je vendais à mes amis, provoquant au passage quelques réactions allergiques mais jamais trop de rancœur.
A ma proposition, Horace répond que je suis la bienvenue et je perçois dans son regard qu’il ne sait pas trop si c’est du lard ou du cochon, mais comme moi non plus, lançons-nous.
Je rentre chez moi très fière de ce move de femme libérée. Je prends mon destin en main, adieu la fille rabougrie et coincée. Z’allez voir ce que vous allez voir !
J’y repense les jours qui suivent mais à mesure que l’échéance approche, je commence doucement à me désaucer.
Le jour j, il fait froid et il pleut et puis j’ai plein de choses à faire, je déjeune avec Soizic, je dois acheter un cadeau pour l’anniversaire d’une copine, je dois passer l’aspi … En rentrant en milieu d’après-midi je ne sors pas à Belleville mais une station avant, Couronnes, pour remonter chez moi sans risquer de passer devant le marché. Mais arrivée en haut du parc de Belleville, je tombe nez-à-nez avec son stand et ceux de ses camarades viticulteurs, fromagers et fabricants de bougies. Je pensais que le marché serait à la station de métro Belleville, mais pas du tout ! Un signe du destin ?
Dans ce cas je me lance, qu’est-ce que j’ai à perdre ? Quand faut y aller …
J’arrive à sa hauteur « Salut ! », faussement décontracté et trop aigu, une fois de plus.
« Oh ! », il a l’air surpris, il a oublié ? J’explique ma présence « Je suis venue voir ce que tu proposes comme huiles essentielles », avec un ton de défi, autoritaire juste ce qu’il faut.
« Mais bien sûr, je vais te présenter notre gamme, tu as des problèmes en particulier ? ». S’il savait…
« Tu veux peut-être un verre d’abord ? ». Il me montre une bouteille de vin blanc nature. Il est 16h … « Allez ! »
1er verre : Horace me présente tous ses produits, huile essentielle de lavandin, huile essentielle de clou de girofle, huile d’argan « Celle-ci est idéale pour un massage », me dit-il avec un grand sourire. « Mmh intéressant », je réponds ; le vin nature et les effluves commencent à faire effet. Il me prépare une potion spéciale pour les cheveux qu’il applique directement dessus, pour me montrer. Horace est très bon vendeur, je lui achète au moins cinq produits.
2ème verre : je traîne près de son stand, l’aide à accueillir les clients, on est bien, c’est sympa comme après-midi, picoler et jouer à la marchande. Je ne suis toujours pas au clair sur mes intentions mais Horace commence à prendre les devants « Tu fais quelque chose ce soir ? ».
« J’ai une soirée d’anniv mais ça risque de finir tôt parce que mon amie vient d’avoir un enfant », dis-je avec une espèce de moue un peu blasée qui veut dire « C’est pas un plan hyper rock and roll alors que moi je suis une nana hyper rock and roll ». « Et toi ? ».
« Je n’ai rien de prévu, j’ai juste une chambre d’hôtel réservée à Montreuil », m’annone Horace. N’importe qui aurait senti immédiatement la chaleur monter dans son buste en entendant « chambre d’hôtel », moi j’entends « Montreuil » et je me demande combien de temps ça me prendra si j’y vais en métro.
3ème verre : je m’éclipse un temps parce que mon amie Isilda m’appelle. Ça m’aide à reprendre mes esprits et, parce qu’Isilda est plutôt du côté Samantha de la force, à m’offrir un coaching à la Aimé Jacquet pendant la mi-temps « Muscle ton jeu, muscle ton jeu Anouk ».
A mon retour au stand, Horace y va franco « Alors, je te le fais ce massage ? ». « Allez ! » (il va falloir que je change d’expression). Je m’installe derrière le stand et Horace commence à me masser. Je tiens à préciser que j’ai enlevé mon manteau, mais il passe ses mains sous mon pull pour appliquer directement l’huile sur la peau de mon dos.
Il commente : « Tu as la peau dooouuuuuuce, mais tu es TRES tendue ». Et comment ! Je suis confrontée à une proposition très claire : passons la nuit ensemble, profitons de mon passage à Paris, soyons légers, libérons nos corps, libérons nos esprits, honorons la liberté. Mandela, si tu nous entends !
Allez Samantha, tu peux y arriver. Malheureusement Charlotte s’immisce dans ma tête et me pose mille questions : Qu’est-ce que tu fais là ? Tu as vu comme il fait jour ? Qui drague en plein jour ? A quoi ça va mener cette histoire sans lendemain ? Un ami d’ami en plus, le danger ! Qu’est-ce que tu crois que vous allez vous dire quand tu vas le retrouver à son Ibis budget ? Au bout de combien de temps vous allez vous déshabiller ? Tu te vois l’embrasser ?
Au lieu de me détendre, ce massage me stresse, c’est la catastrophe. Nous sommes interrompus par la viticultrice qui a besoin qu’Horace l’aide à porter des cartons. Je profite de cet intermède pour renfiler mon manteau et préparer ma sortie. A son retour, je le vois un peu déçu, je prends son numéro et lui promets de l’informer de l’évolution de ma soirée.
Sur le chemin qui mène à mon appartement, je m’accable mentalement, je suis trop coincée, pas assez cool, pas assez libre. Aimé Jacquet a laissé place à Philippe Lucas.
Mais plus tard dans la soirée, comme je suis contente d’arriver à un anniversaire tout calme avec un nouveau-né, bien au chaud, sans folies, sans massages. Et puis je me suis détendue, ce qui importe c’est de faire ce qui nous fait du bien, quand on en a envie. Et j’ai quand même acheté 5 super huiles essentielles !
Je finis par écrire à Horace que je rentrerai chez moi ce soir.
Mais je ne lâche pas l’affaire et cette fois-ci c’est moi qui vous demande une technique : si, homme ou femme, vous savez comment on passe d’une Charlotte à une Samantha, je suis preneuse.
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laperditudedeschoses · 2 years ago
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La voyante de Zouzou
« La voyante lisait l’avenir dans les cartes bleues ».
Ce titre d’un article du Gorafi résume bien l’image que j’ai longtemps eue des voyantes. Une vieille dame avec une boule de cristal dans une fête foraine qui prédit l’avenir aux gens ou une pub à la télé « Tu veux connaître ton destin ? Envoie ‘Voyance’ au 83333 ». Je les imaginais cherchant à arnaquer les gens, comme leurs acolytes guérisseurs qui distribuent des petits papiers au métro Barbès. « Dr. Habibou, contactez-moi en cas de différends familiaux, problèmes sexuels, fuites d’eau. » Le terme même de « voyante » me paraissait assez désuet, beaucoup moins professionnel que thérapeute, coach, même magnétiseur ou énergéticien. Je n’imaginais pas que quelqu’un puisse en faire une carrière, l’écrire sur une carte de visite ou le graver sur une plaque accrochée à la façade de son immeuble.
Ça bien sûr, c’était avant. Avant de rencontrer des gens qui consultent des voyantes. Avant qu’à Marseille, dans un bus qui nous ramenait de la plage des Catalans une après-midi ensoleillée de décembre, mon amie Louise ne me parle de la voyante de sa cousine Zouzou.
La cousine Zouzou est une quinquagénaire que Louise adore et qui vit à Douarnenez en Bretagne. Zouzou aime les femmes mais a longtemps été célibataire. Toutefois il y a quelques mois elle a fait la connaissance d’Annie à son cours de violon des Balkans. Le coup de foudre a été immédiat. Zouzou a senti que la réciproque était vraie, il y avait parait-il de l’électricité dans l’air. Malheureusement Annie, un peu plus âgée que Zouzou, est mariée à Robert, qui, d’après l’enquête que Zouzou a menée, est devenu un vieux con qui en fait voir de toutes les couleurs à sa femme.
Cet amour impossible et empêché est douloureux et frustrant pour Zouzou, mais le ciel va bientôt s’éclaircir car Louise m’apprend toute excitée et l’œil brillant que sa cousine « a appelé sa voyante et [qu’] elle lui a annoncé que Robert va bientôt mourir ». Plait-il ?
Je rêve où on est en train de m’annoncer en toute décontraction qu’une « voyante » a dit à sa cliente ? (patiente ? consultante ?) : « Détendez-vous Zouzou, l’amour arrive, Robert va clamser, je lui donne 3 mois max » ?
Louise a l’air contente pour sa cousine. Si tout le monde se réjouit de la mort prochaine de Robert ma foi, pourquoi s’en faire ? Ça fait quand même un peu peur, non ?  Je suis partagée entre l’effroi et le fou-rire et ce d’autant plus que dans ma famille et depuis que je suis toute petite le mot « zouzou » est utilisé pour parler du vagin, ce qui donne un relief supplémentaire à cette histoire cocasse.
Il y a beaucoup de choses à dire sur cette situation, mais j’aimerais d’abord faire une parenthèse sur un sujet que ça soulève et qui m’intrigue énormément : la réorientation sexuelle et affective au grand âge. L’histoire d’Annie qui, après des décennies de bons et loyaux services à l’hétérosexualité et à presque 70 ans, prend conscience qu’elle n’aime plus les sucettes et préfère les zouzous m’en rappelle une autre.
Un autre de mes amis, Raphaël, vit en Colombie depuis une dizaine d’années et adore partager son quotidien et ses aventures sur Instagram. Il y a quelques mois, il a publié une série de photos sur lesquelles on le voit accompagné de deux dames d’un certain âge, ayant toutes les deux les cheveux gris et courts, assez vigoureuses puisqu’elles l’accompagnent un peu partout, balades urbaines dans les rues de Bogota, randonnée en montagne dans les environs de Salento et j’en passe. Je ne suis pas très sûre de savoir qui sont ces femmes pour Raphaël même si la légende dit « Mi abuela Suzie visitando » et que mes années d’espagnol LV2 me permettent de comprendre que l’une des deux est sa grand-mère. Mais qui est la deuxième femme ? Elles se ressemblent un peu alors j’ai pensé à des sœurs, mais l’une des photos les montrant bras dessus bras dessous et tout sourire, ou une autre où on les voit côte à côte, le visage radieux face au coucher du soleil, donne le sentiment d’une relation d’une toute autre nature.
Je me suis risquée à poser la question à Raphaël : « Ta grand-mère t’a rendu visite avec sa compagne ? » à quoi il a répondu de sa plus belle voix de petit fils modèle et naïf, malgré ses 35 ans bien consommés, « Hihihi pas du tout, c’est son amie Doucette, elles passent beaucoup de temps ensemble depuis qu’elles sont toutes les deux veuves ».
Suzie et Doucette, deux amies inséparables qui traversent l’Atlantique pour rendre visite au petit fils …
C’est devenu un sujet de vanne récurrent et j’adore titiller Raphaël avec ça. Mais avec le temps et la collecte d’indices supplémentaires – Doucette a été plusieurs nuits au chevet de Suzie quand elle s’est faite opérer, elles dorment souvent l’une chez l’autre, parait-il dans la même chambre – on peut se demander s’il s’agit toujours d’une blague.
Cette situation pose forcément tout un tas de questions à votre hôtesse : qu’est-ce qui fait que l’on tombe amoureuse d’une personne de même sexe si tard dans la vie ? S’agit-il de femmes qui ont toujours été lesbiennes mais qui se le sont interdit par convention ? S’agit-il d’une rencontre ? Est-ce qu’elles ne seront attirées que par une seule femme ? Est-ce que c’est une forme d’opportunisme, parce que passé un certain âge, tous les hommes sont morts ? Est-ce qu’en fait on n’est pas tous bisexuels et on peut aimer autant de femmes que d’hommes dans sa vie ? Est-ce que ça va m’arriver et si oui, quand ???
Je n’ai bien sûr aucune réponse, mais ce que j’en retiens en réalité c’est que l’on peut tomber amoureux (ou se lier d’une forte amitié, rien n’est confirmé à l’heure où j’écris) à tout âge et pour ça je remercie chaleureusement Suzie et Doucette qui sont une source d’inspiration.
J’en reviens à notre voyante qui a continué ses faits d’arme pendant que je vous parlais d’autre chose. Quelques mois après notre trajet en bus, Louise a décidé de la contacter elle aussi pour quelques éclairages. Elle en parle comme d’un besoin de prendre un peu la température dans sa vie et puis son actu lui fait se poser des questions : elle a récemment décidé de se réorienter professionnellement pour se lancer dans la photo. Toujours aussi prédictive, la voyante de Zouzou n’y est pas allée de main morte : « Oui, vous allez pouvoir vivre en tant que photographe mais bon vous ferez pas une carrière internationale hein », puis sur son job actuel, « La rupture va être très compliquée, beaucoup de paperasse et de désaccords, vous allez perdre de l’argent » et puis tant qu’on y est aussi sur le perso « Vous n’aurez qu’un enfant et ouh la la vous allez avoir du mal à l’avoir, vous allez devoir faire appel à la médecine. »
Mais qu’est-ce que c’est cette connasse ?! Quand Louise m’a raconté ça, penchée à la fenêtre de mon salon pour fumer une blonde, elle charriait autour d’elle une aura de déprime que l’on aurait presque pu toucher.
Je ne savais pas les voyantes si précises dans leurs prédictions. Quel intérêt d’aller s’entendre lire un avenir aussi atroce ? Est-ce qu’elle y croyait ? Cette femme n’était-elle pas une escroc qui racontait des faits précis et inventés pour se donner une légitimité ?
Heureusement Louise a beaucoup de ressources, internes et dans son carnet d’adresse, et elle a fissa appelé deux autres voyante/medium qui ont eu une approche nettement différente : lui donner de la motivation, des tendances, lui dire de s’écouter pour savoir ce qu’elle veut vraiment faire. Ça ressemble à du coaching mais ça m’a plus convaincue et je me suis dit que je pourrais être tentée d’appeler l’un des deux à l’occasion…
J’en ai profité pour demander à Louise des nouvelles de Zouzou et elle m’a appris qu’elle et Annie se sont déclarées leur flamme et passent beaucoup de temps ensemble, discrètement et dans le dos de Robert qui est toujours vivant. Ne pas attendre que l’avenir décide pour vous et se lancer quand on aime quelqu’un, ça m’a beaucoup plus plu.
Une histoire d’amour naissante et aucun mort, si ça c’est pas une fin comme on les aime !
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laperditudedeschoses · 2 years ago
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Le tirage de tarot entre go
Quand j’étais adolescente, il y a un temps certain, La Perditude des choses n’existait pas, donc pour m’occuper le dimanche soir je regardais souvent Zone Interdite ou Capital sur M6. Bernard de la Villardière était déjà fasciné par les dérives de l’humanité mais plus écolo puisqu’il ne traversait pas encore l’Atlantique pour rencontrer les dealers des geôles de Caracas et réussissait à dénicher des sujets croustillants en restant dans l’hexagone. C’est en tout cas ce que ma mémoire a retenu puisque j’ai souvenir d’un numéro dédié à la consommation de drogues dures chez les trentenaires parisiennes des quartiers cossus. Les journalistes partaient à la rencontre d’un groupe d’une dizaine de femmes qui se retrouvaient certains soirs de semaine dans l’appartement de l’une d’entre elles et profitaient de ce safe space pour consommer de l’héroïne, dans le calme et pour « s’amuser ».
Il y avait un décalage certain entre l’apparence rangée de ces consommatrices et la nature de leur récréation, que j’assimilais à l’époque à des pratiques de junkies qui squattaient les marches de l’opéra Bastille.
Fort heureusement, ma génération est beaucoup plus civilisée et dorénavant nous cherchons des occupations a priori moins nocives pour la santé pour égayer les soirées d’hiver entre go. Ou du moins nous essayons. Ou du moins nous avons essayé, avec mes amies Isilda et Soizic, un soir de confinement ressenti comme étant le 14ème et où l’enjeu de se divertir était assez important.
Ce soir-là nous nous retrouvons toutes les trois chez Soizic, sans autre plan que de manger de la raclette, boire du vin blanc et se raconter nos vies un peu mornes à l’ère de la pandémie. Un premier fait tout à fait surprenant se produit quand Isilda, sans autre motif que l’envie de faire plaisir, offre à Soizic un tarot de Marseille. C’est un très beau tarot illustré par un dessinateur marseillais, coloré et contemporain, assez branché. Je dis surprenant parce que Soizic est la dernière personne que je connaisse qui serait tentée par l’ésotérisme sous quelque forme qu’il soit. Elle ne jure que par la sacro-sainte rationalité, les preuves et les évidences, la science et les lois de l’astrophysique. Face à quelqu’un, qu’elle connaît ou pas, qui lui parle d’horoscope, elle est du genre à écarquiller les yeux puis froncer les sourcils et poser la question franchement « Mais alors toi tu crois vraiment que c’est le positionnement de Jupiter dans le ciel au moment de ta naissance qui a déterminé ta personnalité ? ». C’est demandé sans aucun sous-entendu mesquin ni jugement, avec beaucoup de curiosité et de sincérité, ce qui fait se sentir encore plus con et démuni quand on est en face et qu’on doit fournir une réponse.
Fait encore plus surprenant, Soizic est ravie du cadeau et très touchée. Avec la même franchise et presque la larme à l’œil, elle dit à Isilda « Qu’est-ce que tu es attentionnée, tu es une vraie amie ». Il faut préciser qu’elle est cartésienne mais très sensible.
Après avoir fait un tour de table pour raconter nos quelques actus pas passionnantes et rebondi chacune sur ce que disait celle qui avait la parole, pour s’encourager, donner son avis, bref se coacher gentiment, Isilda propose qu’on fasse un tirage du tarot marseillais. Elle a déjà un peu pratiqué avec d’autres amies et nous suggère le tirage en croix. C’est ma première fois, mais croyez-moi, ce ne sera pas la dernière. Le tirage en croix consiste à poser une question et tirer 5 cartes que l’on positionne en croix, chacune ayant une fonction bien spécifique. La première décrit la situation actuelle pour donner du contexte, la deuxième décrit les forces dont dispose la personne qui pose la question et sur lesquelles elle va pouvoir s’appuyer, la troisième les faits qui vont se dérouler prochainement, la quatrième la réponse à la question – enfin ! – et la cinquième, placée au centre de la croix, est un conseil donné par l’univers.
Soizic demande si on peut faire son tirage en premier. Décidément que de surprises ce soir ! Elle choisit une question liée au travail. Comme notre ami Bernard cité plus haut, elle est journaliste, mais spécialisée dans le sport, beaucoup moins racoleuse et beaucoup plus consciencieuse et professionnelle. Je ne dis pas ça parce que c’est mon amie ou parce que je n’aime pas Bernard, c’est la pure vérité et prouvable scientifiquement. A ce moment-là elle vient de démarrer un nouveau sujet mais son employeur lui a collé un responsable en qui elle n’a pas trop confiance. Pas fiable et du genre à faire des coups en douce, voire à manipuler ses subordonnés, un genre de manager toxique comme on peut en trouver un peu partout.
Sa question est donc la suivante : « Vais-je réussir à travailler avec mon nouveau chef ? ».
C’est Isilda qui mène la danse, elle bat le paquet, demande à Soizic de le couper en deux avec la main gauche et de choisir, dans l’ordre, ses cinq cartes. Comme Soizic est novice, Isilda, qui peut avoir une petite tendance autoritaire, tout en étant une amie très attentionnée bien sûr, la met en garde « Surtout concentre toi bien quand tu choisis une carte, ne prends pas n’importe laquelle ». Je vois Soizic qui s’exécute, sans savoir exactement comment faire pour « Se concentrer et ne pas choisir n’importe quelle carte ».
Les 5 cartes posées, Isilda les retourne et c’est parti pour l’interprétation.
Première carte : le Bateleur. On voit un jeune homme avec un grand chapeau manipuler des objets pas facilement identifiables. Les connaissances d’Isilda étant encore limitées, nous cherchons consciencieusement des explications sur internet. Les mots qui nous sont proposés pour « l’Endroit » - je ne sais pas ce que ça signifie – sont « commencement, ressource, énergie, motivation », prometteur pour Soizic ! Pour « l’Envers », on nous parle de « malhonnêteté, violence, blocage, égoïsme ». Oups.
Plus bas une description plus étoffée, avec des phrases : « Sur le court terme, l’arcane du Bateleur est le présage d’un nouveau départ. Motivé à l’idée de construire un avenir qui vous ressemble, vous faites aujourd’hui preuve d’un enthousiasme débordant ».
« Ah mais c’est tout à fait ça. C’est la carte qui décrit la situation actuelle. La situation actuelle c’est bien que tu démarres un nouveau sujet ! ». Je ne sais plus qui d’Isilda ou moi s’est exprimée ainsi mais je me souviens que c’est nous deux qui tout à coup faisions preuve d’un enthousiasme débordant face au constat que les cartes disaient juste. Soizic ne dit trop rien mais écoute attentivement.
Deuxième carte : le Chariot. On y voit un roi sur un chariot tiré par deux chevaux de couleurs différentes. Cette carte désigne les forces de Soizic pour faire face à la situation et le site internet nous parle de « mise en action, qui pourra par exemple prendre la forme d’une disponibilité accrue au niveau professionnel ».
« Mais oui c’est ça, tu es quelqu’un de très dévoué dans le travail, ne lâche pas ça, il faut que tu t’accroches ». Plus rien ne nous arrête, le coaching est lancé.
Troisième carte : le Pape, sur laquelle, sans grande surprise, on voit un pape. Celle-ci doit nous annoncer des événements qui arriveront bientôt et là on apprend que cette carte se traduit souvent par « l’apparition – ou la reconnaissance – d’une personne de confiance dans l’entourage proche », « une force tranquille extrêmement positive ».
« Oh c’est une bonne nouvelle ça, tu penses à quelqu’un ? » disent les deux amies qui espèrent secrètement et en toute humilité que la carte parle d’elles.
« Euh, je ne sais pas trop » répond Soizic. Bon bah on poursuit.
Quatrième carte, très importante, la réponse à la question « Vais-je réussir à travailler avec mon chef ? » : la Maison Dieu. On voit un homme qui chute d’une tour médiévale la tête la première. Soizic la regarde et dit placidement « Ah … le suicide ».
« Mais non, mais non ! Hahaha écoute plutôt ce que nous dit le site : ça parle de changement, ça dit même ‘Ne luttez pas contre ce changement, il vous permettra de reconstruire sur de nouvelles fondations’ ».
La brèche est ouverte, nous nous y engouffrons. « Mais là le message est clair Soizic, il va falloir que tu changes certaines choses dans ta manière de travailler, surtout d’interagir avec les gens. Il faut que tu sois plus souple Soizic, oui oui oui. Ton chef est toxique, soit, mais il faut que le confrontes moins frontalement, que tu anguilles un peu plus, que tu arrondisses les angles, que tu sois plus douce ».
Isilda et moi chantons à l’unissons, très sûres de nous et alignées avec le tarot. Nous adorons toutes les deux Soizic, là n’est pas la question, mais il est vrai qu’elle est parfois très directe et, sans avoir travaillé avec elle, nous sommes certaines que ça peut lui jouer des tours professionnellement et puis de manière générale, ça lui ferait du bien d’être moins frontale dans sa communication, avec le travail, ses amis, avec nous, avec tout le monde. « Tu crois pas ma belle ? ».
Nous ne sous sommes pas coordonnées pour réaliser ce numéro mais on peut dire que la pauvre Soizic n’a d’autre choix que d’abdiquer face à ce duo infernal et son tarot maléfique.
Je ne me souviens même plus de la dernière carte – celle du conseil - mais à ce stade, ça ne compte pas, le plus important ayant été dit. Nous poursuivons avec le tirage d’Isilda puis le mien et la soirée se termine bien, dans le calme et toujours sans drogue.
Trois semaines plus tard je revois Soizic et lui demande comment se passe le travail, parce que c’était quand même un peu inquiétant cette histoire de manager malsain et là, je vous le jure, elle me répond : « On m’a changé de chef ! ». La carte disait juste, il y a bien eu un changement !!! Isilda et moi, en revanche, nous sommes complètement plantées. Notre petit laïus paraît hors sujets au regard des événements qui ont suivi. Faudrait peut-être qu’elle change d’amies en fait …
Soizic ne nous en a jamais voulu, mais elle n’a plus jamais fait de tirage de tarot.
Et vous, vous utilisez des moyens détournés pour faire passer des messages à vos ami.e.s ?
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laperditudedeschoses · 2 years ago
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Tatiana, la chamane de Kalmoukie
La Perditude des choses n’est pas née de nulle part. Comme dans toute bonne aventure, il y a eu un élément déclencheur, un moment où quelqu’un m’a dit « Tu devrais raconter tes expériences étranges par écrit et les partager ».
Jusqu’à présent, j’ai fait la belle avec mes tirages de cartes sur youtube et mes horoscopes en espagnol, mais c’est de l’amateurisme comparé à ce que je m’apprête à raconter.
J’ai déjà évoqué Betty, cette amie qui m’a introduite à l’horoscopo negro. Betty sera souvent évoquée ici car de tous mes proches qui flirtent avec l’ésotérisme, c’est elle la queen. Et elle a eu la gentillesse de me raconter et me faire partager bon nombre d’expériences du troisième type.
Betty fait partie des gens fascinants et inclassables. Avocate en droit de l’environnement, elle sait fait preuve d’un cartésianisme à toute épreuve pour faire des réclamations, adresser des requêtes en référé au tribunal administratif et pondre des mémos de quinze pages sur le principe de constitutionnalité d’une action en justice pour défendre le droit d’exploitation des sols argileux en zone forestière.
Mais comme un ancien président de la république française, elle croit aux forces de l’esprit et se fait régulièrement aider et conseiller par une myriade d’experts : énergéticiens, magnétiseurs, voyantes, qu’elle consulte en cabinet ou à distance. Et à l’occasion d’un voyage en Russie, plus précisément en Kalmoukie – je ne l’invente pas – elle a fait la connaissance de Tatiana, une chamane.
Du chamanisme je sais peu de choses, si ce n’est que le terme « chamane » peut être utilisé différemment selon les contextes : chez les amérindiens de Guyane, il désigne des médecins traditionnels, en Amérique Latine, c’est un genre de chef qui fournit de l’ayahuasca à boire, particulièrement aux babtous occidentaux qui cherchent des réponses à leurs questions existentielles. J’ai aussi entendu l’histoire d’une ancienne journaliste de la BBC qui s’est retrouvée malgré elle en transe en Mongolie, lors d’une cérémonie chamanique au son des tambours, qui a alors découvert qu’elle était elle-même chamane et a depuis ouvert une unité de recherche sur les effets de la transe sur le psychisme à l’Université Paris 8.
Tatiana, elle, lors de la première consultation avec Betty, est parvenue à la débarrasser d’une hernie discale qui lui pourrissait la vie depuis deux ans. D’après le récit que cette dernière m’en a fait, l’intervention a duré 1h/1h30, à base de massages, de craquements, de secousses et 15 minutes de fessée déculottée*. Après ça, trois jours à planer et plus de hernie. Depuis, Betty consulte Tatiana en visio de temps en temps pour qu’elle règle, à distance et en convoquant les esprits par la transe, ses différents problèmes de santé.
Je n’ai pas d’avis tranché sur la question mais je me souviens qu’un jour où nous randonnions en Bretagne, Betty m’avait dit « Je te préviens, Tatiana m’a informée qu’elle allait travailler sur moi cette semaine et parfois l’énergie déborde sur les gens qui m’entourent. Tu vas peut-être avoir des vertiges. » Et effectivement, j’ai eu quelques fois une sensation de tournis pendant les jours qui ont suivi. Était-ce la randonnée, la faim, l’auto-persuasion ? Difficile à dire, mais dans tous les cas si Betty voit des améliorations de sa santé après les séances, pour moi c’est tout ce qui compte.
De mon côté, je ne peux pas dire exactement à quel moment je me suis sentie prête à « tester » Tatiana. Nous l’avions évoqué quelques fois avec Betty et ça a fini par arriver, un matin, alors que j’étais chez elle. Retour sur ce moment.
Nous ne sommes pas loin de la séquence du tirage de juillet 2021. J’ai eu une explication avec Vincent la veille et j’ai pu dire ce que j’avais sur le cœur. Je me sens donc très alignée, en ce dimanche matin. Je suis excitée, intriguée et en train de boire un café quand le téléphone de Betty s’allume et qu’elle me prend par le bras parce que vite vite il faut y aller, c’est Tatiana qui appelle.
Betty pose son téléphone sur la table basse, contre une grosse bougie parfumée. Nous nous asseyons face au téléphone, sur les genoux. Une petite tête ronde et brune s’affiche à l’écran. C’est Tatiana, elle fait coucou et nous sourit. Ses yeux légèrement bridés se plissent, ses pommettes remontent. Elle a les cheveux courts et l’air très gentil. Betty lui lance un « Paka paka ! », avant de pianoter un texte sur Google translate, dont elle copie-colle la traduction dans une conversation Whatsapp. Tatiana ne parle que russe et Betty ne le parle pas. Tous leurs échanges verbaux se font par l’intermédiaire d’un traducteur en ligne, c’est important pour la suite. Betty me présente : Anouk, et lui demande si elle veut bien travailler sur moi pendant cette séance. Tatiana sourit. Ça doit vouloir dire oui.
Ça commence. Je ne sais pas trop ce qui va se passer. Nous ne parlons plus. Je ferme les yeux. J’ai l’impression que j’ai la tête qui tourne. Est-ce que je sens déjà l’énergie ? Est-ce que j’invente ce tournis ? Puis le travail démarre, Tatiana commence à marmonner des phrases en russe que je ne comprends pas, assez calmement mais sans interruption. Curieusement, elle a une voix plutôt grave. Après quelques minutes, son débit s’accélère et son timbre de voix s’élève. J’entends mon nom prononcé dans la tempête. Tout à coup elle crie ! Elle crie et elle gémit « stikitov grorostakov gilipovitch ANOOOOOOUUUUUUK AAANNNOOOOOOOUUUUUUKK ». « OY, OY, OY ! ». Elle a mal ?!
Je sens en moi monter un fou-rire nerveux. J’imagine la scène de l’extérieur, deux nanas assises sur les genoux les yeux fermés face à une table basse avec une petite bonne femme qui crie en vidéo. J’imagine mes amis qui me regardent et qui me prennent pour une zinzin. Je mords mes joues, je me retiens. Tatiana a l’air de souffrir pour moi, je ne veux pas qu’elle pense que je me moque d’elle. Je ne veux pas que mon rire empêche les énergies de fonctionner pour moi. Je ne sais même pas ce que cette phrase veut dire.
Les incantations continuent encore et au bout de 20 minutes je dirais, le silence. Betty et moi ouvrons les yeux et Tatiana nous lance un grand sourire. Ouf ! Elle ne souffre plus. Elle pianote quelque chose sur son téléphone et nous envoie un message en russe. Betty le traduit. J’ai hâte d’entendre que Tatiana m’a sentie alignée et ancrée, qu’elle n’a jamais vu ça lors d’une première séance, j’ai bien veillé à envoyer cette énergie pendant son travail, à part au moment du fou-rire bien sûr.
Et voici comment ses conclusions prennent forme dans Google translate : « Le cervelet est allé trois fois vers la droite. Elle avait 5 chakras fermés. Est-elle mariée ? ».
Ah ouais. Je regarde immédiatement sur internet combien un être humain possède de chakras : 7. Wow 5 chakras fermés sur 7, quelle perf, presque un strike.
Face à mon regard interrogateur et, on peut le dire, un peu triste, Betty tente une interprétation : « Le cervelet droit, ça veut peut-être dire le cerveau droit, l’émotionnel ? L’amour ? Ce sont peut-être des sujets qui te préoccupent en ce moment. » Certes. Tatiana a du flair, je ne peux pas le nier. Ça reste tout de même obscur. Nous essayons d’en savoir plus auprès d'elle. Elle suggère que je fasse un travail plus approfondi avec quelques séances supplémentaires.
Au cas où, nous retraduisons le premier message, dans Linguee cette fois-ci, et le résultat est exactement le même, à l’exception près que le mot « mariée » est cette-fois ci « célibataire ». Ce qui voudrait dire qu’en russe un même mot peut vouloir dire deux exacts opposés. Il y aurait quelque chose à creuser sur le concept de couple dans la culture slave…
Mais pour l’heure, la seule chose que je note c’est que c’est du côté du cœur que ça cloche. J’aurais pu m’en douter. Ces 5 chakras fermés m’ont tout de même foutu un coup. Je rentre chez moi un peu perturbée par cette quantité de travail qu’il me faudrait entreprendre. J’hésite à me lancer dans un accompagnement supplémentaire. Est-ce que je me vois vraiment m’asseoir tous les matins devant mon smartphone, seule dans mon salon, avec Linguee et Tatiana ?
Au même moment j’ai déjà en cours une psychanalyse, une hypnothérapie et des heures de consultations d’articles et de vidéos de développement personnel.
Et tout ça pour avoir 5 chakras fermés !!!
Ce n’est même pas une question d’argent – je vous vois venir – une séance avec Tatiana ne coûte presque rien ; les joies des écarts de richesse entre nos pays respectifs.
Je renonce pour cette fois-ci mais je garde l’option en tête.
Quelques jours après, je fais part de cette expérience à Léa et Manon au cours d’un brunch. Je mime Tatiana, je raconte mes convictions pré-séance, la traduction, mes réactions pendant le travail, mes hésitations à poursuivre. Elles sont hilares et en même temps intriguées, il faut bien le dire.
Et c’est là, entre les portobello mushrooms et le double espresso au lait d’avoine que Léa me dit « Mais Anouk, il faut absolument que tu racontes ces histoires dans un blog ! Tu parlerais de toutes ces pratiques ésotériques que tu essaies, ce serait trop drôle. »
A cet instant précis, quelque chose s’est ouvert. Était-ce un chakra ? On ne le saura jamais. Mais en écrivant ce billet je me suis demandée si le travail de Tatiana n’était pas en train d’opérer à ce moment-là, si les « énergies » n’avaient pas provoqué l’idée de ce projet chez Léa et l’envie de le lancer chez moi.
Deux ans après – pour un taureau avec 4 chakras fermés, les choses prennent plus de temps, pas de commentaire – La Perditude des choses était née.
*Merci de ne pas pratiquer la fessée déculottée en cas de hernie discale sans l’avis préalable d’un médecin.
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