Tumgik
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journal de l’été V
7 septembre
JE VAIS VOIR CÉLINE SCIAMMA je me suis cassé le petit orteil en me cognant contre le pied du canapé de cécile alors j’ai déplacé mon voyage à paris d’une semaine parce que je peux pas marcher et dans la voiture j’ai vu sur qu’elle présentait son film à paris le 18 septembre au cinéma égyptien, j’y ai réfléchi deux minutes en mangeant mon sandwich au fromage de brebis assise sur le capot de la voiture sur une aire d’autoroute et j’ai sorti ma visa dès que je suis remontée dans la voiture et puis j’ai crié TRÈS FORT parce que j’arrivais pas à croire que j’allais voir céline sciamma en vrai avec c. comme dans mes fantasmes sauf que je serai pas sur scène en train de chanter céline dion mais elle sera là quand même en chair et en os devant moi aussi en chair et en os probablement liquides. j’ai écrit à j. aussi je vais peut être la voir après six ans et un million de rêves tendres est-ce que je vais survivre à ce voyage à paris?
17 septembre
je suis à paris et j’ai réussi à m’infecter une ampoule dès le premier jour alors j’en suis réduite à rester assise sur un banc au bord de la seine avec mon journal et c’est vraiment nul. mais, truc pas nul: je peux passer autant de temps que je veux à discuter avec c. et ça c’est vraiment bien. hier soir elle parlait d’un type charmant de la cité des arts et au milieu de son histoire j’ai entendu i’m not even into guys et mes oreilles se sont dressées jusqu’à la lune PARDON C. J’AI BIEN ENTENDU? je lui ai parlé du portrait de la jeune fille en feu et je lui ai donné mes deux zines juste avant de sortir me promener donc au plus tard maintenant elle doit être au courant de ma soif inassouvie. ce matin en cherchant une galerie d’art on est passées devant un million de bars avec des drapeaux arc-en-ciel et le centre lgbt rue beaubourg et une énorme fresque colorée de lieux lesbiens parisiens que j’ai reconnus parce que je mène une vie de lesbienne parisienne imaginaire sur internet et je lui parlais de céline sciamma et d’adèle haenel et du film tout en clopinant à côté d’elle avec mes pieds meurtris. je meurs d’envie de l’emmener à la mutinerie mais j’ose pas + je peux même plus marcher maintenant. j’avancerai dans ma vie de lesbienne plus tard, en attendant je profite de pouvoir discuter avec des pairs (des pairs!) pour avancer dans ma vie en général. c. m’a dit qu’elle voulait allait s’installer à leipzig en janvier et j’ai du me retenir de pas lui crier PRENDS MOI AVEC TOI à la figure à la seconde où elle l’a dit parce que bon je veux pas m’accrocher comme une moule non plus, déjà que ça me dévaste de chagrin de devoir partir jeudi pour retourner dans ma dépression domestique.
hier soir on était invités chez son ami peintre suédois avec i. et son copain, on était tous assis par terre dans son studio autour de sa jolie tapisserie géométrique inspirée des dessins d’une femme médium du début du siècle qui parlait aux martiens, avec nos verres de vin rouge et un plateau de fromage posé au milieu, il nous a servi des bols de lentilles à la coriandre depuis sa petite cuisine cachée derrière le mur pendant qu’il nous parlait de cette femme et de son alphabet de martiens et de l’influence qu’elle a eue sur les psychanalystes et andré breton dans nadja. il disait qu’il voulait se servir de sa résidence à paris pour faire des recherches sur les linguistes de la sorbonne qui se sont penchés sur son alphabet de martiens. quelle vie. c. fumait une cigarette appuyée à la fenêtre en nous parlant de ses investigations sur les croisières et le concept d’hétérotopie de foucault et pouh ça me changeait de cet été. moi j’ai trinqué avec mon bidon décathlon en rigolant et puis j’ai plus ouvert la bouche de la soirée, j’étais moi et je commence à m’y faire. i. m’a posé plein de questions sur mes vidéos et je suis toujours un peu embarrassée de dire qu’y a pas vraiment de réflexion consciente derrière ce que je fais parce que ça fait quoi de moi exactement?
j’ai changé de berge, je me suis mise au soleil derrière notre-dame pour manger ma boule de glace pêche de vigne parce qu’ils avaient pas menthe chocolat, je l’ai savourée jusqu’à la dernière goutte en me demandant ce que je faisais à paris quand j’habitais ici. comment ça se fait que j’ai mangé qu’une seule fois une glace assise sur un mur au bord de la seine et c’était avec c.c. et j’avais fait du eye contact avec une fille que j’avais catégorisée lesbienne parcourue par un frisson d’excitation. c’était la période de la manif pour tous et elle m’avait emmenée au resto, le resto de touristes à st. michel où j’ai mangé du poulet pas bon en l’écoutant me dire qu’elle trouvait que les gays devraient pas se marier. j’arrivais pas à m’endormir le soir sur mon clic-clac rouge. hier j’ai emmené c. dans mon ancien quartier, je lui ai montré la porte de mon dernier appart et la fac et le champo et en y repensant j’ai dit what a waste! tout ce temps passé à me morfondre dans ma grotte ou dans le tgv et à manger des pâtes devant ma télé, mais ça va ça me retourne plus l’estomac, ça fait partie de moi.
j’adore regarder passer les péniches qui transportent des matériaux industriels, quel rêve d’être assise au bord de la seine au soleil et d’entendre les vagues clapoter contre le mur et les musiciens de jazz qui jouent de la clarinette sur le pont au dessus de moi mais QUEL RÊVE je veux plus jamais partir d’ici je suis amoureuse de la terre entière. dimanche j’ai fait une randonnée avec maman et loki dans une forêt du nord-est, on a longé des champs traversé une forêt touffue enjambé des racines longé un petit ruisseau et je suis tombée amoureuse d’une petite chapelle perchée dans les arbres sur le versant ouest (ouest dans ma tête en vrai je sais pas) elle prenait le soleil au milieu des sapins verts le vert spécial de ma nostalgie et je voulais pas la quitter. on est passées devant une maison sur une petite colline perdue au milieu des arbres et je me suis demandé qui habitait là et qu’est-ce qu’ils faisaient comme travail et puis je me suis dit et si je fondais une communauté artistique comme ponderosa dans une forêt luxembourgeoise?? bon depuis j’y ai réfléchi et je sais pas si j’en aurais la force ni les ressources et il faut convaincre des gens mais sur le moment je me suis vraiment dit que j’aimerais bien rester au luxembourg à la campagne et faire le bien autour de moi.
à midi on a pique-niqué sur un tissu étendu par terre au milieu de son studio on a fait griller mes petits pains et elle me disait qu’elle trouvait ça vraiment cool que je continue ma pratique artistique toute seule à la maison sans cadre ni feedback ni rien du tout et que mon parcours était tout à fait légitime et je lui disais que je savais toujours pas si je devais me lancer et essayer ou pas et elle a dit but you’re already trying! elle m’a demandé si j’avais travaillé un peu et je lui ai parlé de mon passage à la librairie et quand je lui ai raconté comment j’avais été virée elle a dit wow how validating!! that’s beautiful!! et franchement merci les artistes. pourquoi je suis pas entourée d’artistes 24/7 au lieu de maman qui me parle de ma retraite et ch. qui a dit en BUS?? eh ben dis donc! quand je lui ai dit que je prenais le bus parce que le train était trop cher. (y a des poissons dans la seine, tout petits petits, ça me rappelle le grau d’agde) et en même temps quand je me suis retrouvée dans le bus hier matin avec une heure de retard et des types qui puaient la transpi je me suis dit quand même et si je changeais de principes et que je devenais riche? ou juste, épouser céline sciamma.
j’ai bu une menthe à l’eau à la mutinerie ça y est, j’ai bu une menthe à l’eau à la mutinerie, c’est pas moi qui y ai emmené c. c’est elle qui m’y a emmenée finalement, est-ce que c’est mes zines?? j’étais assise sur le fauteuil à la fenêtre avec un livre de jean cocteau et elle fumait une cigarette accoudée à la fenêtre dans la pièce d’à côté et tout d’un coup elle me demande si je connais la mutinerie et après un petit silence de sous-entendu j’ai dit… oui et on a décidé d’y aller. c’était un parcours de lutte intense de marcher jusqu’à beaubourg avec mes pieds cassés et si j’avais pas eu ma démarche d’éclopée je me serais sentie au dessus du monde en passant devant les terrasses pleines à craquer avec mes mains dans les poches et c. à mes côtés. à mesure qu’on approchait je sentais l’adrénaline dans mon corps, jamais de la vie je serais rentrée seule là-dedans HAHA, j’ai commandé une bière pour c. et une menthe à l’eau pour moi à la femme aux cheveux ras derrière le bar et j’osais même pas regarder les filles autour de moi, y avait un billard au milieu et ça m’a rappelé m. la copine pas lesbienne de j.m. à hannovre. on s’est mises au fond du bar et je buvais doucement ma menthe à l’eau en lui racontant les trucs lesbiens de ma vie et elle m’a parlé de sa tragique histoire d’amour non partagée avec l. en islande, de son ex qui devait transitionner f to m juste avant qu’elle parte pour paris, de sa relation cassée avec son corps et le sexe, distordue par son éducation catholique, je lui parlé de ma peur paralysante d’approcher qui que ce soit et elle m’a dit have you tried internet dating? et je crois bien qu’il va falloir que je m’y mette parce que vu comment je me comporte dans un bar rempli de filles c’est pas comme ça que ça risque d’arriver. je regardais mes pieds pour aller aux toilettes de peur de mourir de trop de réalité si jamais je croisais le regard de l’une d’entre elles. i. nous a rejoint et on est rentrées en traversant les rues du marais toutes jaunes et j’avais l’impression d’être dans un autre paris que je connaissais pas, un faux paris, un décor, c’était disney. j’ai croisé un homme qui promenait son chien et je pensais à mes promenades du soir avec loki dans le quartier résidentiel fantôme gris et vert.
18 septembre
mes pieds ont atteint un nouveau niveau de désastre, j’ai une ampoule à vif sous l’orteil maintenant et j’ai pas de désinfectant et en me promenant dans les allés du père lachaise je me disais pourvu que je meure pas d’une infection des pieds. j’ai trop peur de poser mes chaussettes à chaque fois que je rentre pour constater l’étendue des dégâts. c. devait travailler alors je suis partie marcher toute seule, je peux pas m’en empêcher c’est plus fort que moi il faut que je marche, je dois voir, tout, alors j’ai marché jusqu’à bastille puis jusqu’à violette & co rue de charonne, j’y ai passé au moins une heure et demie à inspecter minutieusement chaque rayon, c’est l’endroit le plus réconfortant de toute la ville, j’ai feuilleté des bd d’alison bechdel, le manifeste des animaux de compagnie de donna haraway, un livre sur simone weil, un autre sur virginia woolf et sylvia plath, y avait même toute une étagère dédiée uniquement à l’écoféminisme. j’ai fini par choisir un livre de starhawk sur l’activisme parce que je me suis dit que ça allait peut être me pousser à me bouger. je voulais celui d’anne carson sur la mer aussi et celui de naomi klein sur le monde et les vagues de virginia w. que j’ai toujours pas lu et les entretiens d’annie ernaux sur sa pratique de l’écriture OUI et la libraire m’a fait un bon sourire derrière la caisse. en ressortant dans le vrai monde j’ai décidé de boiter jusqu’au père lachaise parce que je voulais aller voir la tombe de chantal akerman et c’était pas du tout une mince affaire mais je pensais à patti smith qui trouvait pas la tombe de simone weil en angleterre et qui avait fini par tomber dessus au moment où elle s’apprêtait à abandonner. je l’ai trouvée moi aussi à l’endroit où je la cherchais pas, à côté d’une classe de lycée et de leur prof qui parlait comme ça: …balzac qui a appelé son oeuvre la comédie…? humaine! parce que c’était un grand fan de…? dante alighieri! qui a écrit…? la divine…? comédie! les élèves avaient pas l’air trop intéressés. y avait des coquillages sur la tombe de chantal akerman et des petites pierres et un morceau de négatif avec une petite chaîne ornementée. je regrettais de rien avoir amené pour poser dessus. j’ai fouillé dans mon sac mais j’ai rien trouvé à part des miettes. j’ai pris des photos et je pensais à instagram. je me suis sentie sale. mais patti smith aussi elle prend en photo les tombes des gens. chez violette & co y avait un livre de chantal akerman, un seul, je l’ai feuilleté et ça m’a fait plaisir de retrouver son écriture candide et laconique, j’avais très envie de le lire mais il coûtait quinze euros et il était tout petit.
j’ai vu portrait de la jeune fille en feu, j’ai vu céline sciamma, j’ai vu adèle haenel, je peux mourir d’une infection des orteils c’est pas grave j’ai vu tout ce qu’il fallait voir dans ce monde. elle a dit qu’à chaque fois qu’elle allait présenter le film quelque part c’était une petite utopie qui se créait, le temps d’une soirée, dans la salle de cinéma. j’ai pensé à monique wittig. on était entourées de lesbiennes, nous deux comprises, c’était le paradis pour la deuxième fois de la journée. la fille à côté de moi venait de se faire raser le dessous de la tête mais ça lui plaisait pas et quand elle m’a regardée en train de prendre une photo de céline et adèle je me suis sentie jugée mais tant pis. elle marche légèrement voûtée comme moi céline sciamma. j’ai pleuré deux fois et demi pendant le film, c’est venu sans crier gare. j’avais peur d’être déçue après tout ce que j’ai entendu dessus mais non moi aussi il m’a réduite en miettes et j’avais envie d’aller serrer céline dans mes bras à la fin du film mais je savais pas où elle était. quelqu’un a crié merci céline! on a disséqué le film pendant tout le trajet du retour et j’étais contente de pas être toute seule avec mes émotions qui débordaient tout autour de moi dans le métro. je lui ai dit que céline sciamma avait écrit le film pour adèle haenel après leur rupture en sortant de la station saint paul et elle a dit wow that’s sexy.
19 septembre
un camion qui transportait deux étages de voitures neuves vient de passer au ralenti devant la vitre du bus pendant que j’écoutais la musique de la naissance des pieuvres et maintenant j’ai envie de faire un film. on l’a regardé dans le lit de c. cet après-midi pour me consoler de j. qui répondait plus à mes messages. je me disais que c’était ma faute, par automatisme. peut être que maintenant j’arrêterai de m’extasier devant sa mignonnerie quand je verrai des photos d’elle avec des animaux sur instagram. j’ai dit à c. que quand je l’avais vu au cinéma à seize ans il m’avait pas du tout mis la puce à l’oreille mais alors pas du tout et elle a dit i think it’s all a question of being ready. je me souviens aussi que je comprenais pas pourquoi adèle haenel insistait à ce point à se débarrasser de sa virginité, ça passait loin au dessus de ma tête. on est allées chercher des viennoiseries dans une pâtisserie trop chère et on a déjeuné sur la grande table du studio de son amie australienne qui parlait très vite sans changer l’expression de son visage, on a continué notre discussion sur le portrait de la jeune fille en feu et puis elle m’a dessinée assise à la fenêtre. elle a dit i forgot that you can just draw people! ça veut dire qu’elle m’aime bien un peu quand même? mes insécurités qui ont ressurgi tout d’un coup sans que je leur demande: je suis trop trop, pas assez intellectuellement stimulante, trop lente, trop absorbée par moi-même, pas drôle, pas fun, trop collante, trop autiste.
maison, trop contente de rentrer et de laver mes pieds et de les inonder d’huile essentielle anti-bactérienne et de manger des lasagnes aux poireaux en peignoir sur le canapé en sortant de la douche maman regardait sa série tf1 avec mathilde seigner mais c’était pas grave, enfin me glisser dans mon lit entourée de mille coussins, est-ce que mon côté fortnum & mason n’est pas plus fort que tous les autres finalement?
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journal de l’été IV
3 septembre
à la maison je me suis assise sur le trottoir pour faire des mosaïques de coquillages dans la rue au ras de l’égout, là où l’herbe pousse entre les pneus, j’ai encerclé perlou de coquillages parce qu’elle fait partie de la rue elle aussi, et puis en cherchant comment ont dit ramasser des coquillages en anglais sur google j’ai vu qu’il fallait pas ramasser les coquillages sur la plage parce que ça perturbe l’écosystème. j’avais promis que je les remettrais là où je les avais trouvés et je l’ai pas fait. je suis de retour sur la plage et l’eau est un peu froide pour se baigner. ce matin au petit-déjeuner j’étais lourde de mélancolie à cause de l’incertitude et du retour imminent de la fin de l’été, c. nous montait des photos de la crète de j. et t. et je pensais au mail de n. rempli de réflexions et de références et de propositions pour notre performance à bologne. ça fait des années que j’en rêve mais j’avais jamais vraiment pensé à ce que je pourrais faire concrètement si j’en avais l’occasion. surtout en collaboration avec quelqu’un. j’ai essayé de rassembler toutes les choses qui me venaient à l’esprit, la pièce de théâtre du comédien timide aux yeux de hibou, freckle sur instagram, le livre de chomsky sur l’anarchisme et ses réflexions sur la liberté, the dispossessed d’ursula le guin que je viens de commencer et qui est la parfaite illustration des idées de chomsky. je suis un génie de lire les deux à la suite. ce weekend dans la voiture je disais à maman que c’est ça que j’aimerais faire si j’étais pas obligée de gagner de l’argent pour vivre (ben oui, libre) aller dans les endroits, plein d’endroits différents, et en faire quelque chose, écrire et faire des petits films sans budget et des photos et des spectacles. j’ai décidé de remplacer le mot performance par spectacle dans mon journal parce que j’aime pas le mot performance ça fait trop monde de l’art contemporain un peu agaçant. dans son mail n. me disait que sa mère allait rentrer bientôt et qu’elle devait repartir de chez elle le plus vite possible avant de rester coincée à la maison. e. est de retour chez elle aussi, elle est rentrée de l’angleterre sans aucune idée de ce qu’elle pourrait bien faire de sa vie et je me sens un peu moins seule même si je me sens toujours seule.
à tours samedi je me suis jetée sur le premier bureau de tabac de l’avenue grammont en sortant de chez manon pour acheter le supplément du monde avec céline sciamma en couverture assise sur une chaise en costume et coiffée comme cate blanchett androgyne. je l’avais vu sur ig et depuis je comptais les heures jusqu’à samedi, j’y pensais sans arrêt vendredi dans la voiture au lieu de rassembler des idées pour n. et bologne j’écoutais céline dion et je nous imaginais chanter elle et moi dans un bar à paris elle me draguait et mes genoux flanchaient etc et ça fait ce gros truc, ce truc gigantesque encore devant moi qui va bien finir par arriver, pas forcément avec céline sciamma, mais quelqu’un. et donc j’avais vu le début de l’article sur une photo elle y parle de megan rapinoe et j’ai eu ce rush d’excitation qui remonte d’en bas et à chaque fois que j’y pensais dans la voiture je souriais à la vie dans le vide en pensant à tout ce petit monde lesbien merveilleux que je connais que de l’extérieur mais qui me rend folle de curiosité et de désir et d’envie et de fascination et de réconfort, aussi. je l’ai toujours pas lu, l’article, il est toujours caché à l’intérieur du monde glissé entre les couches d’habits dans ma valise. il est sacré, j’ai peur de le toucher.
j’ai aussi vu une photo de s. nue sur scène, s. la femme de ma vie de la frontière polonaise, elle est à moitié cachée par son partenaire de scène mais elle est quand même nue et ça m’a rendue un peu folle de pas y être.
j’ai passé chaque seconde de l’après-midi à penser à céline sciamma. j’ai lu religieusement la première moitié de l’article avant d’aller à la plage, ça m’a pris au moins deux heures parce que je relisais toutes les phrases trente fois et puis j’ai fait les cent pas sur le balcon en balançant des grains de raisin dans ma bouche. dans la mer j’ai nagé sans m’arrêter pour calmer mon trop plein de désir frustré et d’excitation j’ai marché sur mes mains en tournoyant dans tous les sens et je suis repartie de l’autre côté, m’épuisant au crawl, puis me laissant flotter sur le dos en écartant les jambes vers l’horizon en me demandant si j’étais la seule lesbienne de tout le grau d’agde et si non comment j’accédais à l’autre lesbienne. j’ai aussi pensé 1. que ça me ferait vraiment du bien de faire du sport en plein air où je pourrais me dépenser beaucoup (j’ai bien aimé nager le crawl dans les vagues comme si ma vie en dépendait ça vide de tout et c’est exhilarant) 2. que j’avançais probablement dans la vie comme j’avance dans la mer quand elle est froide i.e. à une vitesse minuscule mais c’est mon rythme, celui qui correspond à mes besoins et à ce que je ressens. il suffit que je continue à avancer et je finirai bien par la trouver bonne, la mer la vie, et si céline sciamma à 28 ans elle avait son premier film à cannes et elle apprenait la vie à adèle haenel, c’est pas une catastrophe si moi j’en suis pas encore là.
j’ai toujours pas fini de penser à céline sciamma, je sais pas si j’aurai fini un jour, c’est ma nouvelle idole, avant megan rapinoe, différente de megan rapinoe, moins américaine, plus française. je pensais à elle en mangeant ma glace cacahuète - vanielle pécan debout sur la plage et je me disais que je voulais raconter des histoires lesbiennes moi aussi et des histoires qu’on entend pas comme la mienne par exemple. je veux devenir militante. j’ai entendu quelque part que les lesbiennes étaient souvent des grandes activistes. ou que beaucoup d’activistes étaient souvent des lesbiennes. j’en ai même vu une dans gala ce matin. j’ai passé un long moment à la rambarde au dessus de la plage allongée sur mon bras je regardais le coucher du soleil et les pyrénées derrière le phare en pensant à e. derrière les pyrénées et je me disais que je pourrais pas être dépressive si je vivais à la mer et que je pouvais la voir tout le temps parce qu’elle résous tout, même la solitude, quand on met la tête sous l’eau. les gens qui peuvent aller promener leur chien sur la plage tous les soirs comment ils font pour être tristes?
4 septembre
intimacy without proximity INTIMACY WITHOUT PROXIMITY (céline sciamma aussi cite donna haraway dans l’article) je reviens d’une exploration maritime à pied (i.e. sans avoir mis la tête sous l’eau) j’ai poussé une grande coquille avec mon pied pour la faire remonter à la surface mais elle était HABITÉE et j’ai été prise d’horreur devant l’intrusion violente de mon pied dans sa matinée sans histoires. j’ai fini par trouver une coquille d’escargot pointu vide pour jouer avec et je pensais aux photos de la crète de t. et je me disais que j’étais quand même un peu bête d’être jalouse, on s’en fout de la couleur du sable ou de la couleur de l’eau ou que sais-je, c’est la mer et elle est magique partout. j’ai passé un moment à observer les deux grandes coquilles vivantes mais elles bougeaient pas, je sais même pas si elles sont sensées bouger, probablement pas, j’ai vu un poisson avec des petites moustaches qui frétillaient pour sonder le sol qui tournait autour de la grande coquille, je sais pas trop à quoi il s’attendait, qu’elle s’ouvre? j’osais pas bouger de peur de  déranger leur vie. je me disais que le monde sous-marin c’était le paradis parce qu’il y avait pas de capitalisme là-dessous et que les poissons étaient pas obligés de trouver un travail eux, mais j’avais oublié pendant deux secondes que la mer et les océans étaient en train de mourir eux aussi. donna haraway quand elle dit intimacy without proximity ce qu’elle veut dire c’est le fait de pourvoir une présence, réelle, une attention, un soin, sans avoir le besoin absolu de toucher avec ses mains ou un appareil photo.
hier soir après avoir contemplé la terre et la mer et les montagnes et la lune et le développement de la vie sur terre pendant que le soleil se couchait j’ai attendu les pizzas affalée dans un canapé avec g. sur une terrasse de café il me parlait de son job de rêve de rédacteur de contenu trilingue pour une entreprise qui fabrique des ardoises et de freelance et de linkedin et d’entretiens d’embauche sur skype et j’ai dit quel concept de merde quand même de devoir gagner sa vie tu trouves pas? et il a dit oui mais tant qu’y a pas d’autre solution on est bien obligés et ça m’a plongée dans un désespoir sans fond. mais j’ai un nouveau remède contre la mélancolie de la vie: je jette un coup d’oeil à la couverture du monde et hop ça me fait sourire pendant une bonne demie heure.
6 septembre
j’ai lu un mail et un message fb et fait un tour sur ig et c’était mieux au grau d’agde sans internet sur la plage avec la mer et le vent et les coquillages. hier matin j’ai bravé la tempête en passant par la plage pour revenir du marché en cramponnant mon chapeau sur ma tête avec les deux mains, j’ai marché jusqu’au passage des amphibiens et je me suis mise au bout face aux rochers et j’ai levé les bras vers le ciel en respirant fort le vent et j’avais l’impression que la mer me donnait de la force. j’ai pensé au passage de macbeth quand lady macbeth dit unsex me here! et j’avais envie de crier unsex me here! je sais pas trop pourquoi. la mer était bleue couleur montagne et j’avais l’impression qu’elle me voulait du bien, la mer me fait du bien, la mer est avec moi. j’ai aussi besoin d’aller dans une grande ville et d’écrire. hier je suis allée dans une librairie ancienne gigantesque avec des vieux escaliers en bois et j’ai acheté le tome 2 du journal de virginia woolf, il est gros et rose et je l’ai serré fort dans mes bras et je voulais plus le lâcher.
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journal de l’été lll
12 août
la flemme d’écrire alors je copie les notes de mon téléphone:
1. how to be free and socially acceptable? j’étais assise sur les rochers avec g. et on regardait une tornade au loin qui était un bateau (la tornade elle était au luxembourg) et je réfléchissais aux compromis. je me demandais si je devrais être plus aimable et moins moi-même. avant de partir j’étais dans un magasin de photo avec manon et le vendeur me parlait de la 4k sur les sony alpha et j’ai dit que ça m’intéressait pas d’un ton sec en parlant de la 4k mais sans le préciser à voix haute et il s’est arrêté net en disant je disais ça comme ça pour parler et je suis tombée dans un trou de glace m’empêchant d’ouvrir la bouche pour m’expliquer ou m’excuser jusqu’à ce qu’on parte et que je lui dise au revoir en souriant comme si de rien n’était. ça m’a hantée toute la journée. mais peut être que ça a rien avoir. je pensais plutôt à j. qui me voit tous les jours dans mon environnement naturel et à mes mauvaises manières et je me demandais ce qu’elle pensait de moi. je crois que j’ai un peu honte.
2. en parlant des parents de j. hier à table b. a dit “ses parents sont ingénieurs mais c’est des gens simples” et ça m’a marquée qu’il se sente obligé d’ajouter ça, comme si par la force des choses les gens ingénieurs seraient… quoi? snobs? elle est venue avec nous manger chez h. samedi soir et je me demandais si t. était bas comme moi et s’il avait honte de sa famille et j’en ai marre de faire tout un flan de cette histoire de classe sociale mais elle est toujours… là. et puis je me demande où je me situe moi dans tout ça. ça me fait penser à eileen myles quand elle parle de ses origines working class dans un de ses livres, elle dit qu’en voulant accéder au monde de l’art on cassait les codes de la working class parce qu’on veut devenir un gros fromage, a big cheese, et je pensais à mes amis artistes qui pour la plupart ont grandi dans des familles plus aisées et cultivées que la mienne. celle qui est encore vivante en tout cas.
3. les femmes sur l’aire d’autoroute dans l’aveyron, elles étaient toutes habillées en randonnée et y en avait une qui était toute maigre, elle portait un large bermuda beige trop grand pour elle et ses cheveux étaient ras sous son grand chapeau, elle prenait un café à la machine et un homme la regardait faire et je me suis demandé si les gens la traitaient différemment à cause de son apparence. je mourrais d’envie de m’incruster dans leur groupe et d’aller faire de la rando avec elles.
4. tendre souvenir de mon prof de linguistique comparée de la sorbonne ce matin dans la forêt en écoutant la conversation des gens derrière nous, blasés d’avoir fait le monde. mon prof de linguistique comparée il se moquait des gens qui font des endroits au lieu d’y aller, les retraités français qui disent cette année on a fait l’éthiopie et la croisière sur le nil alors l’année prochaine on fera l’afrique du sud. cet été ils ont fait un désert en 4x4. faut bien alimenter le capital souvenirs. les gens de la forêt ce matin ils avaient fait les fonds marins australiens puis les fonds marins de la guadeloupe mais à côté de ceux de l’australie, c’était du pipi. ils avaient aussi fait la basilique de rome et depuis ils visitent plus les églises parce que bon de toute façon ils ont fait la plus belle. ils m’ont donné envie de plus jamais bouger de chez moi, voyager dans leur bouche ça devenait vulgaire. à la cascade les gens faisaient la queue pour grimper tout en haut des rochers glissants pour faire des photos Instagram derrière le jet.
13 août
f. est arrivée au canada je l’ai vu sur ig et ça me mine le ventre, je peux pas m’en empêcher. je m’étais dit qu’au moins je faisais pas partie du problème du tourisme de masse mais je me suis fourrée le doigt dans l’oeil, je suis montée sur un volcan avec un téléphérique ce matin et puis j’ai fait une randonnée qui longeait un pré de brebis en estive avec leur berger et les gros chiens blancs du berger qui aboyaient contre loki et je pensais à l’article qu’on m’a proposé d’écrire pour un numéro spécial écoféminisme d’une revue d’art. l’année dernière je me filmais en train de faire l’amour à des rochers en ardèche mais là j’ai juste l’impression de faire partie du problème. je me sentais pas du tout digne d’aller l’embrasser la nature, j’avais juste envie de m’excuser. j’ai pris en photo les masses de gens qui se pressaient sur la plateforme en bois au sommet en me disant que je pourrais écrire un truc là-dessus.
hier on a fait le tour des montagnes en voiture (maman et c. étaient à la recherche d’un savon) moi j’avais la fenêtre ouverte et je sentais l’air sur mon visage et je souriais parce que c’était beau les collines vertes et jaunes à perte de vue rondes comme mon sein en sable sur la plage. on a longé un lac foncé et un hotel rose et blanc des années 70 avec des géraniums et un chateau sur une colline et des rochers clairsemés dans des prés et puis j’ai vu un toit recouvert de pierres plates grises et c’était le plus beau toit que j’avais jamais vu. je glissais d’une fenêtre à l’autre sur la banquette arrière pour pas en perdre une miette.
tout à l’heure avant de partir au resto dans l’ascenseur de l’hôtel tout d’un coup je me suis rappelé de céline sallette dans vernon subutex et j’arrêtais pas d’y penser au resto. à la maison quand je remplissais l’arrosoir dans l’évier de la cuisine en bas pendant qu’il se remplissait je posais mes mains sur l’évier et je m’imaginais sortir avec une fille comme céline sallette dans vernon subutex et justement j’arrivais pas à me l’imaginer. moi à côté d’elle. dans l’autobiographie d’eileen myles que j’ai lue à la mer elle raconte la première fois qu’elle a couché avec une fille, comment elle s’est retrouvée devant la grotte mystique et qu’elle a improvisé, qu’elle arrivait pas à croire que c’était en train de lui arriver. ça m’a fait penser à un épisode du podcast to L and back où elles parlent de la scène de la première fois de jenny avec marina et puis elles parlent de leur propre expérience, de cette énorme impression d’irréalité, que ça pouvait pas être en train de leur arriver, en vrai, à elles, et pourtant si. et j’arrive pas à croire que ça va m’arriver à moi aussi, un jour ou l’autre.
autre réflexion de cet après-midi en examinant des petites crottes rondes avec un baton: je suis pas assez en contact avec des lapins. je voudrais un jardin avec des gros lapins en liberté, comme les parents de j. ou les teletubbies.
14 août
aujourd’hui je me suis beaucoup énervée mais j’étais aussi très très contente et amoureuse de la nature et de ma nouvelle copine roberta la montagne ronde comme un sein avec sa jumelle à côté légèrement moins bombée c’est ça l’écoféminisme? je l’ai baptisée roberta 1. parce qu’elle se trouve tout en haut du col de la croix saint robert mais je pouvais décemment pas l’appeler robert 2. en hommage aux seins de roberta colindrez aperçus dans la saison 2 de vida. on a commencé à grimper dessus mais elles m’ont toutes abandonnée les unes après les autres alors j’ai continué seule jusqu’à ce que je commence à avoir peur parce que c’était trop haut mais, qu’est-ce que j’étais contente toute seule sur ma montagne. j’aimerais ne pas avoir peur si vite quand je suis seule. quand je suis arrivée en bas elles ont voulu rentrer je suis montée dans la voiture la mort dans l’âme pour rentrer à l’hôtel et puis j’ai boudé comme une ado pendant qu’elles mangeaient leurs assiettes de saint-nectaire en googlant lesbian hiking group et je me suis juré de trouver des filles avec qui randonner quand j’irai dans le pacific northwest, bientôt. tous les ans je veux que ça fonctionne comme j’aimerais que ça fonctionne alors que je sais que ça va pas fonctionner depuis le début mais je m’acharne parce que je suis jalouse des familles organisées et bien équipées qui partent le matin tôt et où les parents s’occupent de tout.
dans l’après-midi je suis partie me promener au pied du volcan avec manon et loki en chantant (céline dion et elton john) on a pris un chemin bordé de sapins et de fleurs jusqu’à ce qu’on atterrisse devant l’arrivée d’un télésiège et on a continué à chanter jusqu’à ce que des gens arrivent alors on a fait demi-tour. on a vu les sources de la dore et de la dogne qui se mélangent en dordogne sous un petit pont en bois infesté de touristes qui se frôlaient pour passer d’un côté à l’autre, je savais pas que la dordogne c’était la dore et la dogne et le mont-dore en rentrant je vais chercher un c’est pas sorcier qui m’explique les volcans d’auvergne parce que la femme à la réception de l’hôtel m’a dit qu’on était dans le cratère là mais je comprends pas vraiment comment c’est possible.
aussi: 1. j’ai encore fait trop de photos et c’est un gâchis que je sois pas photographe 2. j’ai mangé trop de fromage.
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journal de l’été ll
7 août
ce matin au petit-déjeuner b. m’a dit qu’il aimerait écrire un livre à la retraite. écrire un livre et faire du sport. lundi jogging, mardi piscine, mercredi tennis, se perfectionner en anglais peut être, et puis écrire un livre. un roman. j’aimerais être capable d’approcher la chose aussi simplement que lui. que ce soit moins une histoire de vie ou de mort. il s’en fout de la littérature b. un matin à la maison on posait des questions à maman sur sa jeunesse et elle nous racontait que son premier mari lui avait dit qu’elle pourrait écrire un livre sur sa vie tellement elle est romanesque et moi j’ai dit je pourrais l’écrire si tu veux! mais qu’est-ce qui me permet de croire que je l’écrirais mieux qu’elle? un jour carla m’avait dit que je pourrais écrire celle de mon père pendant qu’on regardait la grande carte du monde ikea sur le lit de manon. je venais de retrouver ses carnets de voyage et je lui montrais tous les endroits où il était allé.
j’ai pas fait de plongée encore, j’ai essayé lundi mais le masque était sale et j’avais peur et l’eau était froide et puis un intrus a fait irruption sur ma bande de sable, mon passage des amphibiens, il est rentré dans mon poème. mon endroit de plongée est entouré de poésie, j’ai l’impression qu’il existe plus, le portail s’est refermé, tout était terne lundi. il restera pour toujours enfermé dans mon poème entre margaux fabre et les hautes alpes. cette année ma découverte c’est la lune. j’ai enfin pensé à prendre les jumelles (mon nouveau masque de plongée) tous les soirs je l’observe dès qu’elle se montre et je la suis jusqu’à ce qu’elle commence à disparaître derrière les maisons à l’horizon. elle devient énorme et rouge soleil et avec les jumelles on voit le croissant qui se délimite du reste de la sphère et ma révélation est un moins aussi grande que les fonds marins de l’année dernière.
8 août
j’ai mangé trop de glace au yaourt pas bonne entourée de gens plus jeunes que moi et hors de mon monde. y avait o. avec nous, il a 25 ans maintenant. je sais pas si c’est mon seuil de tolérance qui est beaucoup trop bas ou si je peux le laisser bas comme ça mais il a installé une dynamique d’un entre-soi d’hommes avec t., antagonisant j. sa copine, la reléguant au rôle de le femme castratrice ou alors de la mère, je sais pas trop. je me demandais si ça l’agaçait, si elle s’y était résignée, ou si elle s’en rendait même pas compte. comme je passe pas beaucoup de temps avec des gens j’oublie comment ça marche, comment ils peuvent être désagréables, et que je peux rien y faire. même si j. me prend probablement pour une pauvre déboulonnée qui reste assise sur la plage en boudant avec le nez enduit d’écran total un grand tshirt et un chapeau de rando sur la tête et puis qui passe ses soirées à regarder la lune avec des jumelles sans parler à personne. quand tout le monde était parti ce soir je me suis assise sur le bout d’une chaise longue pour regarder le reflet de la lune sur les vagues en espérant que ça m’apporte des réponses ou des indices mais non pas trop. pas merci la lune.
9 août
sur la plage je ferme les yeux et je me concentre sur la chaleur du soleil sur ma peau et le bruit des vagues qui s’arrêtent jamais et la douceur du sable qui me caresse les pieds. en 2015 je marchais sur la plage les yeux fermés le soir pour réveiller mes sens et me préparer à l’islande. tous les soirs on mange de la fougasse au citron, je pensais que j’aimerais pas ça mais si j’aime bien.
j’ai commencé un nouveau livre et j’ai décidé au milieu d’une page qu’en rentrant j’allais faire renouveler mon passeport expiré et réserver un vol pour les états-unis parce que c’est la chose la plus urgente à faire. j’espère que n. va me répondre et qu’on ira à bologne et que je reprendrai un louche d’inspiration et de bonnes rencontres avant de partir et d’aller accomplir ma destinée. oh oui. après avoir pris ma décision je me suis cachée sur la chaise longue de la terrasse derrière la table pour observer la femme butch sur la plage parce qu’à chaque fois qu’on arrive elles s’en vont. j’ai gardé mes jumelles fixées sur elles pendant une bonne demie heure en priant de toutes mes forces qu’elles me prouvent qu’elles sont bien en couple mais elles se sont pas touchées une seule fois. je suis repartie doucement en cachant délicatement mes jumelles morte de peur qu’elles me découvrent et me dénoncent à la police. j’aurais plus jamais pu retourner sur la plage. ce matin j’ai fait un chateau de sable à l’endroit où elles se mettent tous les jours, ça ressemblait à un truc soviétique puis c’est devenu une cup menstruelle mais c’était trop phallique alors je l’ai aplatie et c’est devenu un sein. un sein rond rond et dur et tout lisse. je pouvais pas m’arrêter de le caresser. j’y suis retournée ce soir mais le sein avait disparu.
10 août
aujourd’hui on a déménagé dans l’appart de c. en promenant loki je suis passée devant les maisons du littoral et j’avais l’impression de retourner chez les pauvres. les white trash de l’hérault. les résidences balnéaires grillagées de tous les côtés avec des barreaux aux fenêtres. là où j’ai passé tous mes étés quand j’étais petite mais c’était pas encore grillagé et les garçons jouaient au ballon dans le passage. maintenant y a des panneaux qui disent interdit de jouer au ballon et moi je juge. 
la mer était chaude aujourd’hui, je me suis laissée flotter vers le large les jambes écartées vers l’horizon. je pensais à cette image d’une femme allongée nue sur un lit avec les jambes écartées face à la fenêtre ouverte, la vulve tournée vers la pleine lune. je voulais faire l’amour avec la mer. j’ai aperçu la femme butch de la plage qui nageait pas loin de moi, j’avais pas mes lunettes mais dans ma tête c’était elle et je faisais des gros remous avec mes jambes LOOK AT ME BUTCHES OF THE WORLD. je me suis laissée flotter sur le dos puis sur le ventre en faisant la morte pour me dépayser, je pensais aux cours de contact improvisation et à la désinhibition du corps, se débarrasser de toutes les barrières, comme un enfant, pourquoi c’est si facile dans l’eau?
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journal de l’été
4 août
sur ma serviette rose le ciel est mi-matin moyen pâle et je suis toute seule sur la plage.
hier soir à table b. s’est mis à parler de mon père, il disait qu’il avait sans doute vécu plus de choses dans sa jeunesse qu’eux en auront vécu dans toute leur vie. il disait que dans les repas de famille il était toujours très calme et posé et moi je pensais à ses journaux que j’ai retrouvés y a deux ans et ça me mettait dans une position bizarre, dans le secret de quelqu’un dont je me rappelle à peine, mais dont je me sens mille fois plus proche, et en même temps pas du tout. à chaque fois que je suis ici je peux pas m’empêcher de me demander ce que je serais devenue si j’avais grandi ici, si maman était repartie du luxembourg. on a grandi là-bas parce que mon père voulait pas qu’on devienne… quoi? comme j. qui veut faire construire une maison avec son copain à 21 ans dans son village natal, de plein pied avec une chambre en rez-de-chaussée pour quand ils seront vieux et qu’ils pourront plus monter les escaliers pour aller se coucher? mais c’est quoi qui fait la différence? est-ce que j’aurais été dépressive pareil si j’avais grandi ici? est-ce que je serais en train de sortir avec margaux fabre à montpellier? mais j’aime le chemin que j’ai pris, même si j’ai passé beaucoup de temps à vouloir mourir et que j’ai pas de perspective d’avenir, c’est le mien et c’est chez moi. l’autre jour j’ai vu james blake dans une émission sur arte, il disait qu’il avait manqué une grande partie de sa vingtaine parce qu’il était dépressif. james blake a été très important dans ma vie de dépressive à la maison. et puis un jour je l’ai vu en concert dans un festival au portugal entourée de gens heureux et c’était vraiment mieux en tête à tête de déprimés avec lui.
j’ai plus vu f. avant de partir, elle m’a dit qu’elle partait en vacances au canada avec a. et la seule façon de canaliser ma jalousie que j’ai trouvée c’était de me dire qu’au moins je faisais pas partie du problème du tourisme de masse et que Moi si j’allais au canada un jour ce serait pour faire une résidence au banff et accomplir Quelque chose et ça marche un peu mais je suis quand même jalouse. à chaque fois que je suis renvoyée à ma situation de rien, mon statut de sans-vie, le seul truc auquel j’arrive à me raccrocher c’est l’écriture. oui mais moi j’ai l’écriture. même si j’écris pas tant que ça et que je me contente encore de mon journal et de poèmes et de choses décousues, elle prend une place de plus en plus grande, elle me sauve un peu tous les jours, et tôt ou tard je m’y mettrai, je m’attellerai à la dure tâche de la forme, parce que j’en ai envie et besoin.
je me suis fait piquer par une vive dans la mer hier soir. c’était moins excitant que la brûlure d’anémone de l’année dernière. je me sens moins spéciale. elle m’a rien transmis la vive, ça m’a juste fait très mal et ça m’a gâché ma baignade menstruelle du soir. j’aime bien saigner dans la mer. je l’ai dit à manon et elle était jalouse de mon expérience de femme communiant avec la nature sacrée. j’ai vu une photo d’angela s. sur ig, un selfie sur une plage dans une crique en grèce accompagné d’un texte sur son expérience de la plage en tant que personne trans. crapahuter sur les rochers comme une chèvre pour trouver un endroit tranquille, à l’écart des plages cis et de leurs normes, un endroit où être entièrement soi-même. la plage comme endroit trans par excellence parce que la liminalité devient visible, tangible, les élément se touchent et se mélangent. j’adore lire ses réflexions sur la nature et son identité et sur le corps, j’adore sa façon de penser, je serais capable de partir à portland rien que pour discuter avec iel et pour qu’iel m’apprenne plein de choses sur la vie et cette fois j’essaierais de pas tout gâcher avec ma débilité inventée. je suis pas débile. dans la voiture sur france inter une femme disait qu’elle se sentait souvent débile dans la vie de tous les jours mais quand elle avait passé une semaine dans la montagne livrée à elle-même dans la nature elle s’était sentie bête une seule fois et elle disait qu’elle essayait de s’en rappeler maintenant, quand elle commençait à se sentir bête en société. ça m’a fait penser au chapitre 4 du livres des sorcières de mona chollet. elle y parle de sa stupidité, de son esprit lent, de sa tête de linotte et du fait qu’elle a pas le permis ni le sens de l’orientation, et de la forte dimension genrée de sa stupidité. elle dit que l’intelligence n’est pas une qualité absolue et qu’elle dépend souvent du contexte et de ses interlocuteurs. ça m’avait marquée.
5 août
y avait une femme butch sur la plage cet après-midi. elle avait les cheveux ras et un maillot brassière genre calvin klein et quand je suis sortie de l’eau elle était en train de partir avec une femme (sa femme?) et un petit garçon (leur fils?). si ç’avait été un homme y aurait pas eu l’ombre d’un doute mais un couple de femmes avec un enfant c’est toujours trop beau pour être vrai. j’espère qu’elles seront là demain de nouveau. dans la voiture vendredi je me suis laissée glisser dans un fantasme parce que ça faisait longtemps que je l’avais plus fait, la fille dedans ressemblait à roberta colindrez (pour toujours ma numéro un) on se baignait nues dans la nuit et elle m’enroulait dans sa serviette serrée contre elle. ce matin au petit-déjeuner i. disait que maman pourrait tomber sur un beau mec qui loue l’appart d’à côté l’été prochain, ça faisait longtemps que j’avais plus entendu le scénario du beau mec voisin. ça faisait longtemps que j’avais plus entendu l’expression beau mec non plus. je crois que je l’utilisais beaucoup dans mon journal. j’ai relu mon journal de y a quinze ans, mon tout premier, et j’ai été surprise de voir à quel point j’étais normale. je comprends pas pourquoi 2004 a été un tel désastre dans ma tête et a détruit mon corps oui c’est 2004 qui a détruit mon corps mais d’après mon journal tout ça avait vraiment pas l’air si grave. je me suis rappelé qu’elle avait un poster d’aragorn dans sa chambre la dernière fois qu’on était chez elle, peut être en 2004. ou alors c’est sa fille qui avait un poster de legolas et je confonds tout.
personne m’a demandé ce que je faisais de ma vie encore (mais y a une longue liste d’invités devant moi encore) à chaque fois dans ma tête j’ai le mot dépressive sur le bout de la langue, comme une excuse, est-ce que c’est une excuse? sur la plage j’ai demandé à manon si elle pensait que je devrais retourner à l’université, elle a dit non mais fais une formation de quelque chose et en remontant dans le sable vers la maison je regardais mes pieds s’enfoncer dans la dune et je me disais you fucking got this avec la voix de megan rapinoe dans la tête je vais me choisir un métier et m’y tenir et voilà. a. dit qu’il faut pas se mettre des buts à la négative i.e. ne pas rester au luxembourg. il faut un but clair et précis à l’affirmative. ne pas rester au luxembourg pour le subconscient ça équivaut à rester au luxembourg. j’ai envie de découvrir: les états-unis, le théâtre, la permaculture, les écovillages.
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2 juillet
j’ai mis ma nouvelle housse de couette bleue ciel avec le drap housse bleu ciel assorti, je veux dormir dans une chambre de comédie romantique qui se passe à cape cod. j’ai pris un livre de chantal akerman à la bibliothèque cet après-midi, elle est partie à new york sans rien dire à personne quand elle était plus jeune que moi. parfois elle savait pas où dormir. j’arrête pas de voir new york partout. j’ai lu dans un vieux carnet qu’il fallait tendre l’oreille pour entendre les messages envoyés par nos nous futurs, ex. une bribe de conversation entendue dans un resto, un panneau, etc, quand quelque chose revient souvent, c’est un signe. j’arrête pas de tomber sur new york depuis quelques jours mais en même temps new york est partout, même en prenant le bus pour le kirchberg. j’y ai longtemps réfléchi en nageant à la piscine j’ai nagé sans m’arrêter pendant une heure plongée dans le brouillard de mes lunettes abîmées, sous l’eau y avait une teinte verdâtre et je me demandais si c’était jésus qui m’envoyait des indices.
3 juillet
la photo de s. m’est tombée dessus cette nuit, est-ce que ça veut dire que je dois aller à la frontière polonaise à la fin du mois?
j’ai fini le livre de chantal akerman. je me retrouve dans elle et je me demande de nouveau si j’aurais du prendre des antidépresseurs en sortant de la clinique. je me demande comment elle a trouvé la force de faire des films. et elle est pas partie seule à nyc, elle est partie avec un cinéaste. comment font les gens pour arriver à faire des choses? comment on fait?
5 juillet
aujourd’hui j’ai repensé à cet hiver quand je voulais m’inscrire à l’école de danse de berlin le plus sérieusement du monde, persuadée que c’était mon chemin, et je me rends compte à quel point c’était une idée ridicule. ça confirme que je peux pas du tout faire confiance à mon intuition, mais à qui je peux faire confiance alors? je sais pas pourquoi j’ai cette idée fixe que si je dansais tout se remettrait en place. la peur de la vie, la peur de la mort, plus besoin de thérapie et je serais enfin aimée.
12 juillet
demain c’est la pride à esch et ce soir y avait un atelier de fabrication de pancartes à la bibliothèque féministe mais je suis restée collée au canapé pour examiner les horaires des bus et des trains tout en sachant que de toute façon j’irai pas parce que j’ai pas envie d’aller à esch. je suis trop en colère pour écrire.
sur le parking d’ikea ce matin maman m’a parlé de ma non recherche de travail soudainement sans me prévenir et mon envie de mourir est revenue me heurter de plein fouet, en moins de deux secondes elle était là, c’est comme une bombe qui tombe parfois, toutes les six semaines à peu près, et qui m’enlève instantanément toute envie de vivre. la mort devient la seule solution envisageable. je sais pas ce qui se passe dans ma tête. je comprends pas et personne comprend et on m’envoie chez un prêtre et j’y suis allée comme ça par curiosité de la vie et puis on m’a dit d’y retourner mais j’y suis pas retournée je suis allée à trier avec manon et on a fait les magasins et j’ai attrapé un coup de soleil.
15 juillet
trop dur d’ouvrir mon journal j’ai préféré passer la soirée à regarder des interviews de megan rapinoe avec sa copine sue bird, megan rapinoe a remplacé margaux fabre dans mon coeur depuis la coupe du monde de foot que j’ai suivi uniquement sur le twitter lesbien parce que le foot n’est pas magiquement devenu intéressant. je regarde chacune des stories très bruyantes d’une des joueuses américaines pour pas rater une miette de leurs célébrations décadentes et de megan, megan est mon nouveau modèle absolu, est ce que j’ai déjà eu un modèle comme megan rapinoe? j’ai posté un truc faisant référence à des lesbiennes sur ig et puis j’ai vu que ma petite cousine l’avait vu et pendant une demie seconde d’homophobie/lesbophobie intériorisée je me suis dit qu’elle était peut être un peu jeune pour voir ça what the HECK et puis j’ai pensé à megan rapinoe et ça m’a remis les idées en place, elle est trop forte, elle est trop forte, et sa confiance en elle!!! j’ai pas envie de sortir de mon monde de lesbiennes inspirationnelles pour parler de choses chiantes i.e. j’ai vraiment besoin de parler de ma santé avec quelqu’un parce que je me pose trop de questions et je deviens folle à faire des échafaudages toute seule dans ma tête.
16 juillet
j’en ai marre de mes échafaudages, j’ai envie de faire des trucs légers. je crois que margaux fabre a une nouvelle copine. elles ont fait du kite surf à frontignan hier et puis elles ont mangé sur la plage au coucher du soleil. peut être que si je devenais sportive et que je rencontrais une fille sportive qui deviendrait ma copine et qu’on se concentre sur le sport et l’une sur l’autre j’aurais pas de catatonie ni d’aboulie ni d’apathie ni rien du tout. hier j’ai accompagné maman chez ikea parce que je me sentais trop coupable de pas l’aider et je voulais pas passer l’après-midi à regarder stranger things avec manon en me sentant coupable, je l’attendais assise dans l’escalier en mangeant un carré de chocolat noir pendant que le plombier lui expliquait comment on refaisait les joints de la douche, je voyais pas sa tête et je me l’imaginais comme sean astin dans stranger things et puis dans la voiture sur france inter ils parlaient des gens qui tiennent des journaux intimes. ils ont interviewé une fille qui en avait écrit 24 depuis ses huit dans et j’ai dit c’est moi en souriant. ils disaient que, sans le remplacer, le journal pouvait avoir les mêmes effets bénéfiques que de parler à un psy. ça fait quinze ans exactement cet été et quand je repense à ce que j’écrivais dans mon journal y a quinze ans j’ai pas tellement changé, c’est pas comme si je me reconnaissais pas, je me reconnais très bien, j’ai les mêmes hormones assoiffées, j’ai toujours pas confiance en moi et je dors toujours dans la même chambre, sauf que les posters d’orlando bloom ont été remplacés par une photo de s. qui me tombe dessus pendant la nuit. chez ikea j’ai vu un couple de lesbiennes choisir des étagères, moi aussi je veux aller acheter des étagères chez ikea avec ma copine sportive, non, je veux construire des chaises et des tables en bois au milieu de la forêt avec ma copine sportive. peut être que si j’avais une vraie vie je me sentirais plus concernée par l’activisme et il faut que j’arrête de me lapider de reproches parce que je suis pas activiste et parce que je suis pas allée à la pride et tous les trips chez ikea et les meubles neufs en bas et le plastique et je donne pas de cours de français à des réfugiés etc. j’ai cherché le mot catatonie sur wikipédia parce qu’un écrivain l’a utilisé dans une interview pour décrire l’attitude des gens qui ont continué à utiliser internet normalement après snowden et tout ça mais le type qui disait ça il continuait quand même de prendre l’avion et de faire du tourisme à bali avec sa famille et peut être que je suis pas catatonique peut être que je suis juste un reflet de mon époque.
je suis sortie me promener cet après-midi dans le cadre de mes promenades touristiques + exercice physique à travers la ville et j’ai atterri dans un endroit où j’étais allée dans un rêve y a longtemps, de l’autre côté de... quelque chose. j’ai descendu une éternité de marches qui longeaient un sous-bois jusqu’à ce que j’arrive en bas de la vallée et tout d’un coup, j’y étais! c’était si près de la maison et en même temps c’était un autre monde, mais pas complètement non plus à cause du rêve. j’ai remonté la colline d’en face en longeant des jardins potagers puis un champ sec tout en haut et je suis arrivée dans un parc avec des très grands arbres très beaux, j’avais l’impression d’être dans un autre pays jusqu’à ce que je sorte du parc et que je voie un panneau qui disait avenue de la faïencerie, mais j’arrivais pas à la mettre en relation avec le champ sec et les jardins potagers. comment je me suis jamais rendu compte à quel point luxembourg était vallonnée, pas juste le centre mais tout autour aussi. j’ai descendu une petite rue qui m’a fait penser au japon et puis je me suis mis dans la tête de retrouver l’appartement où habitait liliane. je l’ai retrouvé, la rue s’appelait rue de l’avenir mais j’avais l’impression de replonger dans le passé. y avait des femmes qui discutaient assises à une table dehors devant l’école waldorf. je suis rentrée par le cimetière du limpertsberg en écoutant i’m alive de céline dion sans le faire exprès et puis j’ai croisé a. qui revenait de son travail à la banque en vélo, je lui ai souhaité son anniversaire et on s’est complimentées sur nos tenues respectives noires et jaunes. en rentrant j’ai rencontré c. le copain de manon, il portait un costume et j’avais les joues rougies par l’effort et le corps moite et je les ai fait rire à table alors ça va.
21 juillet
je viens de passer une heure à remonter le compte instagram de m. du lycée parce que je voulais savoir si c’était la soeur de e. du centre lgbt à la base mais je me suis perdue dans ses millions de photos de plages turquoises australiennes et d’îles désertes thaïlandaises et de poses de yoga au bord de piscines à débordement au dessus de la mer et j’ai commencé à me demander si je devrais voyager moi aussi et voir du pays et des trucs exotiques et devenir prof de yoga et apprendre à jouer du ukulele et faire du stop et prendre l’avion et changer de perspective et réaliser mon rêve américain. est-ce que j’ai besoin de partir loin? un peu loin ça suffit? l’année dernière en juin j’ai passé un weekend dans la maison de christine au bout de la rue après des mois d’affilée à la maison et ça m’avait complètement chamboulée. je sais que j’ai pas vraiment besoin de partir loin et que vu comment j’arrive à me faire rêver avec un quartier de la ville que je connaissais pas, j’en suis arrivée à un stade où un RIEN m’émerveille et c’est fantastique mais je veux pas mourir ignare non plus. m. est bien la soeur de e. en tout cas.
26 juillet
je suis plus aboulique, je suis torpique maintenant. je sais pas si c’est la canicule ou moi ou les deux. mais chez ikea ce soir, encore, je l’étais moins, j’étais juste énervée et renfrognée. j’ai décidé très sérieusement avachie sur le canapé en cuir blanc du service clientèle que j’allais aller vivre dans une communauté où y aurait toujours quelqu’un pour m’aider et j’aurais jamais besoin de payer une fortune pour faire monter mes meubles par une corporation.
mercredi au cactus j’étais tellement torpique que j’avais l’impression de me dissocier de mon corps. j’ai acheté un livre sur les constellations et j’ai essayé des escarpins rouges avec un bas en nylon enfilé sur mon mollet poilu en éclatant de rire quand j’ai essayé de marcher avec jusqu’au miroir sous le regard consterné de la vendeuse. ce matin je suis allée chez l’orl à pied pour me dégourdir les jambes et puis je suis revenue à pied aussi pour être moins torpique mais j’étais encore renfrognée, je me suis vue dans le reflet de la vitre du bus au passage piéton. j’avais des kilomètres de bouchons de cérumen dans les oreilles et une inflammation dans l’oreille gauche. il m’a dit de revenir dans trois mois et j’ai pris un rendez-vous pour le 8 novembre mais si j’arrive à sortir de ma torpeur je serai plus là le 8 novembre et j’irai me faire déboucher les oreilles où? est-ce que je vais devoir me faire déboucher les oreilles par un orl tous les trois mois jusqu’à la fin de ma vie? hier matin pendant que je préparais mon petit-déjeuner le lux film fest m’a appelée, j’ai vu l’écran de mon téléphone s’allumer sur la table mais j’ai pas répondu et j’ai pas rappelé, ils m’appelaient probablement pour me dire qu’ils me prenaient pas but i guess we’ll never know!
31 juillet
j’ai parlé de mes soucis à a.v.g. et puis j’ai attendu le bus pendant une heure assise sur un tronc d’arbre au soleil en écrivant un mail à n. mais une fois dans le bus je me suis sentie lourde d’anxiété et de désespoir, les champs étaient beige clair comme j’aime mais secs et j’ai vu des belles vaches noires et blanches et des chemins de campagne qui me donnaient envie de m’y promener mais teintée de dépression quand même l’envie. c’était lourd, tout était lourd. on était deux dans le bus et le chauffeur écoutait les grosses têtes sur rtl et je pensais à gaëlle obiégly qui dit dans n’être personne que quand elle était jeune elle trouvait que rtl était une radio de débiles et j’ai constaté qu’elle l’était toujours. j’ai marché pieds nus sur le trottoir pour rentrer parce que mes birkenstock me font toujours mal et maman et manon m’ont dit qu’elles avaient vu sur les radios que loki avait des plombs dans le corps parce qu’on lui avait tiré dessus en espagne et dans la cuisine j’ai fini par pleurer. à chaque fois que les docteurs se retrouvent devant mon océan de problèmes imbriqués les uns dans les autres je sais qu’ils voient à quel point c’est grand et profond et visqueux et complexe  mais ils savent pas quoi en faire ni quoi me dire alors ils disent c’est difficile parfois la vie mais tu vas t’en sortir et parfois ils m’envoient chez un prêtre et moi je leur souris en partant et puis je me demande pourquoi je fais pas tout disparaître, hop, je pars en thaïlande et je deviens la fille du lycée qui fait du yoga sur la piscine.
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13/11/18
mon histoire de tension sexuelle se développe, petit-déjeuner on se raconte nos rêves, elle a couché avec une amie cette nuit et c’était la première fois qu’elle rêvait aussi explicitement de sexe. évidemment, je l’ai rapporté à moi. hier soir dans le bus en rentrant de la fac elle a brièvement posé sa tête sur mon épaule et je pouvais plus m’arrêter de sourire. je mourrais d’envie de poser la mienne sur son épaule mais je suis pas encore assez forte pour les démonstrations affectives physiques, même si ça me ronge de l’intérieur. ça commence à me rappeler j., à chaque fois que j’étais avec elle, quand j’étais pas en train de me lapider de l’intérieur, je me sentais invincible. j'ai commencé à penser à mon départ et je me suis rendu compte que je voulais pas du tout lui dire au revoir et que sa présence allait me manquer. bon elle écoute vraiment de la musique de merde par contre.
j’ai rejoint m. à sa réunion de classe cet après-midi, j’ai du me faire une place parmi eux à la grande table au milieu de l’atelier, entre une fille choupie et un mec quelconque, le prof m’a demandé qui j’étais et j’étais très en dehors de ma zone de confort mais j’ai vu comment ça marche en vrai à l’École d’Art et je crois que c’est vraiment pas pour moi, je préfère rester dans ma sphère comfortable de outsider art non commercialisable et aller nulle part. une fille a montré ses dessins sur des feuilles et le prof s’est énervé pendant vingt minutes parce qu’elle aurait du les accrocher au mur, c’était des très beaux dessins ils m’ont donné envie de dessiner mais je crois que j’aime pas dessiner. puis une autre fille a montré une vidéo d’elle toute nue en train de se débattre avec un filet et le prof a évoqué maya deren et une fille m’a demandé qui? et je lui ai expliqué qui était maya deren mais je voyais vraiment pas le lien entre cette vidéo et maya deren. c. est arrivée un peu plus tard et je suis partie manger du crumble aux pommes dans son atelier. elle m’a emmenée voir mary shelley au cinéma dimanche soir puis on s’est promenées dans la ville sous la pluie et elle me racontait l’histoire de till eulenspiegel. j’adore avoir des réminiscences de souvenirs d’enfance lointains quand je suis avec des allemands. m. nous a rejoint à l’atelier et j’ai doucement commencé à délaisser la conversation. je me suis sentie coupable. je regardais la pluie tomber par les grandes baies vitrées, un orage, puis un arc-en-ciel. c. voulait vendre une pensée écrite sur un bout de papier à leur art fair locale et j’arrivais pas à comprendre. quand elle est partie j’ai du repasser par l’atelier et la réunion pour prendre mon sac, j’ai fait un signe à m. mais je sais pas si elle m’a vue et je me suis sentie bête, j’avais peur de l’avoir embarrassée. je suis sortie vite fait et le gouffre de la paranoïa s’est ouvert devant moi, au milieu du parking recouvert de pluie. je m’y suis doucement laissée glisser. il finit toujours par surgir quand des gens s’intéressent à moi et m’accueillent dans leur vie. je me transforme en fraude imaginaire dont le temps est limité. alors je me mets aux aguets, je guette le moment où ils vont se rendre compte que finalement je suis pas fréquentable, je guette et dès que je fais un truc qui me fait douter je me dis que ça va arriver, ça y est, on m’aime plus. je me sentais plus en sécurité avec m., elle me donne plus confiance en moi que la moyenne, elle me fait du bien mais elle fait pas le poids, ma peur écrase tout sur son passage, j’ai trop peur qu’on m’aime pas, j’ai tellement peur que c’en est embarrassant. comme j’avais plus rien à faire je me suis dit que j’allais leur cuisiner un truc pour ce soir, même si c’est mon traumatisme n°2 de la vie en société parce que je sais pas cuisiner. j’ai erré dans les rues jusqu’à ce que je retrouve le supermarché bio près de la gare et j’ai retrouvé une recette de f. dans mon téléphone et ça m’a pris trois heures à tout trouver et ça m’a coûté un bras mais c’était pas du tout grave parce que je suis remplie d’amour pour m.
nouveau défi relevé, j’ai utilisé le mixeur hasardé les proportions et haché de l’ail au couteau tout en menant une conversation sérieuse avec une fille que je connais à peine (m. était pas encore rentrée) et j’ai réussi à faire un plat délicieux elle s’est resservie deux fois + elle m’a dit qu’elle aurait jamais cru que je sois le genre de personne à avoir du mal à se faire des amis, j’ai tout gagné.
l’autre truc qui me tétanise, à part la cuisine, c’est les allusions aux relations amoureuses. l’autre jour dans la forêt elle parlait de son voisin dont elle était amoureuse quand elle était ado et de tous ces trucs d’ados amoureux que je connais pas, moi je connais le désespoir, les relations imaginaires le silence et la solitude. je savais absolument pas quoi lui dire, alors je disais rien. j’ai toujours peur de dire aux gens que j’y connais rien, même à mel en islande qui était pourtant dans la même situation que moi. en revenant de la forêt on a bu un chocolat chaud et elle a commencé à parler de la mort et je lui ai raconté plein de choses très intimes sur mon père et sur ma psychothérapie mais c’est pas pareil. j’ai moins peur de la mort que du sexe. ce jour-là dans la forêt on a longé un champ de chou-rave tout en haut d’une colline et il faisait soleil et je regardais mes pieds avancer dans la terre et j’écrivais une lettre à vincent macaigne dans ma tête. je le mentionne pour pas oublier d’écrire la lettre en vrai, quand j’aurai le temps.
15/11/18
j’ai fait un pas de plus vers le gouffre, c’est quand qu’elle va se rendre compte qu’y a plus rien à creuser, que je deviendrai pas plus intéressante, que j’ai rien à dire sur rien, je fais tomber mes épluchures par terre en essayant de les jeter à la poubelle, bon c’est quand qu’elle s’en va? j’ai envie de lui dire comment ça se passe à l’intérieur de ma tête, de tout lui raconter dans le détail. j’aimerais lui raconter toute ma vie. hier soir en revenant de faire les poubelles des supermarchés on marchait toutes les deux sur la route avec nos sacs remplis de légumes dans les rues désertes et ça me rappelait tellement j., marcher avec elle dans les rues de paris la nuit avec ce mélange de joie et d’excitation et de névrose parano, de sensation de marcher sur des nuages et de peur constante de rien dire d’intéressant ou d’intelligent. c’est trop fatigant de passer du temps avec des gens que j’aime. voilà pourquoi je préfère regarder les téléfilms de noël de tf1. j’ai passé la journée à errer dans les rues toute seule hier, je suis pas sûre d’avoir envie de passer du temps toute seule à berlin. j’ai passé un très bon moment assise sur un banc derrière une église à dessiner une maison à colombages avec des feutres roses en écoutant la conversation ésotérique des deux femmes assises sur le banc d’à côté, puis j’ai acheté une mohnschnecke que j’ai mangée plongée dans un rayon de soleil aveuglant qui sortait du bout de la rue, juste avant de se coucher, en savourant chaque bouchée. c’était un moment très satisfaisant.
je suis encore à la bibliothèque, j’ai lu des livres de sophie calle, hans peter feldmann, weiss & fischli, joseph beuys, et un rapport fascinant sur l’antarctique de simon faithfull. m. est venue me voir tout à l’heure, elle s’est agenouillée devant moi pour me proposer de passer la soirée ici avec elle à travailler sur son magazine alors que je pensais qu’elle allait me proposer de faire un truc excitant. la première chose qu’elle m’a dite quand je suis arrivée jeudi dernier c’était qu’elle avait oublié à quel point j’avais une jolie voix. j’ose pas lui demander si je peux passer le weekend ici encore. je veux me serrer contre elle pour mon anniversaire. je demande la lune. je vois ma réflexion dans le métal verni au dessus du bureau en face de moi, ma tête penchée appuyée sur ma main appuyée sur mon genou et mon journal devant moi ça fait 14 ans que je le tiens et je suis toujours la même adolescente en mal d’amour.
je lui ai parlé de mes névroses dans le bus, elle a dit mais c’est pas tout le monde qui a peur d’être ennuyant parfois? elle m’a dit qu’elle aussi elle avait peur d’ennuyer les gens quand elle laissait partir la conversation dans le silence (abschweifen, quel joli mot). je cherchais le bon moment pour poser ma tête sur son épaule, j’y suis pas arrivé. je l’ai accompagnée à l’endroit où elle va organiser la release party de son magazine avec e., on était toutes les trois assises sur un banc dans ce petit espace d’exposition blanc et m. était très pro et e. était très détendue. une femme m’a demandé qui j’étais et j’ai dit oh une copine alors qu’elle voulait juste savoir mon nom. je m’oublie quand je suis avec des gens. lundi elles ont pris des photos dans un parc pour le magazine et je rodais autour d’elles avec mon téléphone en faisant mes propres photos et plus tard m. m’a dit que je ferais une parfaite photographe parce que je sais disparaître.
on est allé manger dans un petit resto vietnamien, on a parlé de son travail de fin d’études et de son catalogue et j’ai dit que si moi je devais faire un catalogue j’aurais envie de faire un truc absurde mais j’arrivais pas à lui donner d’exemple. alors j’ai rien dit. j’ai payé pour elle et elle m’a payé une rhabarberschorle et on a travaillé sur le magazine jusqu’à dix heures et demi. je choisissais les couleurs du poster de la release party.
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9/11/18
bon, je me pose beaucoup de questions sur ma dépression. comment ça marche exactement? après toutes ces années j’arrive toujours pas à cerner notre relation, ni à la cerner elle avec ses ruses et sa façon de se fondre dans le paysage. est-ce que j’ai besoin d’antidépresseurs, d’anxiolytiques, ou juste d’un coup de pied aux fesses? ou est-ce qu’on pourrait pas juste exaucer mon voeu et me laisser vivre dans un salon sur un canapé avec des téléfilms de noël pour toujours? je suis chez m. à braunschweig, j’ai passé la journée dans le bus hier je me suis levée à 5h30 j’ai changé de chaussures dans le tram et j’avais envie de mourir, j’ai attendu le bus pendant une demie heure interminable dans le noir et dans le froid derrière auchan avec une autre fill qui portait un sac à dos en fourrure léopard comme moi. je me suis maudit de pas avoir décidé de prendre le train mais après je me suis dit that’s what you get for not working et je me suis dit que je préférais ça que le contraire. fair share. j’ai été contrariée d’être dans ce bus toute la journée, j’avais pas du tout envie de quitter la maison et j’ai commencé à me demander si c’était ma dépression ou alors si au fond je suis vraiment casanière à ce point et qu’il vaudrait mieux que je me résolve à passer ma vie à la maison, me trouver une carrière au luxembourg ex. maîtresse d’école comme carole c. et rester vivre en banlieue chic pour toujours et décorer ma maison à noël et faire des gateaux mais ça marche qu’à moitié parce que je veux pas d’enfants et je me marierai jamais avec un homme et dans ma tête j’ai pas de représentation de domestic bliss en banlieue chic avec un couple de lesbiennes sans enfants. DOMESTIC BLISS. hier dans le bus sur l’autoroute une fois la nuit tombée je regardais à l’intérieur des voitures qui nous doublaient (des breaks, j’ai l’impression que les allemands roulent tous en break) et je m’imaginais qu’ils rentraient chez eux rejoindre leur famille dans leur maison allemande cosy. l’intérieur des voitures avec le tableau de bord éclairé la nuit, les lumières rouges et blanches sur l’autoroute, les intérieurs blanc et gris avec des meubles noirs l’opéra de cologne des bonbons crocodiles, c’est vraiment fascinant à quel point tout ce qui est relié à l’enfance est sacré. toujours. le moindre souvenir. j’ai souri à un seul moment de la journée, avant d’arriver et de retrouver m., on s’est arrêté sur le parking d’une gare et je regardais un homme un peu vieux mais pas trop, une voiture s’est arrêtée devant lui et son ami est sorti pour le serrer dans ses bras, puis une femme est arrivée par derrière et elle a posé ses mains sur les yeux de l’ami pour le surprendre et une autre femme est sortie de la voiture pour se joindre aux embrassades et ils avaient tous l’air tellement.....heureux et équilibrés. qu’est ce que je donnerais pour avoir 55 ans. j’ai aussi croqué dans une poire au moment où un avion d’air canada atterrissait juste à côté de moi à l’aéroport de frankfort pendant que j’écoutais strawberry letter 23 et la musique m’a fait croire que c’était......un signe.
10/11/18
je viens d’affronter ma pire peur i.e. sortir de ma chambre le matin dans une maison que je connais pas, de surcroît celle des parents de m. son père était en train de boire un bol de thé dans la cuisine en écoutant de la musique et la porte était fermée et m. était encore au lit et j’en suis pas morte! c’est la deuxième fois en pas longtemps que je rencontre des parents allemands un peu âgés et c’est un autre monde et j’aime bien. ils habitent dans une parfaite maison allemande douillette avec beaucoup de bois et de blanc et de lumière chaude (son père a accroché une guirlande lumineuse au plafond de la voiture) hier soir en arrivant on a mangé une soupe aux carottes avec du pain beurré et puis on a dessiné avec des crayons de cire en écoutant du jazz et à un moment le piano est devenu intense et m. et sa mère se sont pris la main et elles ont commencé à pleurer et j’essayais de me faire oublier en restant très concentrée sur mon dessin moche et puis son père a fait une blague et je l’ai remercié très fort dans ma tête. elle m’a raconté qu’elle se faisait du souci pour sa mère parce que ses parents sont âgés et hier soir sur le chemin de la gare elle m’a demandé ce que je ferais si ma mère mourrait et je lui ai dit que la semaine dernière j’en avais rêvé et que j’avais pleuré toute la matinée (faux j’ai juste retenu mes larmes très fort à la table du petit-déjeuner parce qu’y avait cécile et bernard.) je lui ai dit que d’un côté, puisque mon père est mort tôt, logiquement ma mère pouvait pas mourir, dans ma tête, mais de l’autre côté j’ai tout le temps peur qu’elle meure d’un moment à l’autre depuis que je suis petite. j’aime bien le fait qu’on pense toutes les deux beaucoup à la mort. elle m’a dit qu’elle aimait bien ne pas avoir besoin de tout le temps me faire la conversation parce que selon elle je sais très bien m’occuper toute seule, et puis que moi aussi je prenne mon temps pour assimiler les choses. je me sentais bien avec ses parents hier soir, j’avais l’impression d’irradier un truc positif et chaud. j’étais pas renfermée et timide et silencieuse et j’ai même osé aller faire caca en prenant mon temps parce que j’en avais besoin et je me suis écoutée pour une fois.
jeudi soir en arrivant j’ai rencontré la coloc de m. qui revenait d’une conférence sur la critique de la critique de la consommation par la gauche radicale activiste et je l’ai trouvée très sympa et chou et elle est aussi fan de noël que moi et ça me donne envie d’être sa meilleure amie. m. m’a parlé de rotterdam et ça m’a fait penser à f. et quand je parle d’elle je continue à dire ma meilleure amie alors que cet été j’ai quand même tissé un réseau de mensonges incluant trois personnes pour m’échapper de chez elle. j’ai envie d’aller la voir à rotterdam après pour pas me retrouver seule à berlin, je me suis montée la tête très très haut avec ça à la maison, j’ai regardé tous les hostels, airbnb, les groupes fb de sublets, des pages et des pages de wggesucht, comme si j’allais vraiment m’installer là-bas pour de bon, j’ai failli écrire à un type qui sous-louait sa chambre dans un très bel appart de neukölln mais j’ai eu peur de le regretter et je l’ai pas fait.
12/11/18
ce qui devait arriver arriva dans mon rêve cette nuit j’embrassais m. et j’étais amoureuse d’elle et je veux pas que ça me rende bizarre avec elle maintenant et que ça finisse comme avec j. goddammit calmez-vous là-dedans.
pendant que j’étais en train de préparer le petit-déjeuner m. m’a demandé de quoi j’avais rêvé cette nuit ma parole elle lit dans mes pensées? et dans mon incapacité à mentir j’ai dit que je pouvais pas le lui dire au lieu d’inventer un truc. elle se rappelait plus du sien non plus et j’ai dit ah j’aimerais ne plus m’en rappeler moi non plus! et elle m’a demandé si c’était un mauvais rêve et j’ai dit NON parce que obvs j’adore rêver de toucher des filles et tout d’un coup j’ai eu peur qu’elle devine. mais je me sens même pas vraiment attirée par elle, je crois que c’est le potentiel qui m’attire. j’en ai tellement envie que je fantasme sur la moindre possibilité.
j’ai passé un weekend très intime et intense à la campagne avec ses parents et leurs problèmes familiaux et leurs liens fragiles et leurs angoisses aux uns et aux autres. samedi soir à table ils ont commencé à parler de choses sérieuses alors je me suis discrètement éclipsée de la pièce pour me réfugier sur le canapé dans la pièce d’à côté mais j’entendais tout ce qu’ils disaient et je sais pas pourquoi j’osais pas bouger pour aller dans ma chambre alors j’essayais de me concentrer très fort sur mon feed instagram mais je pouvais pas m’empêcher d’entendre ce qu’ils disaient et ça me mettait très mal à l’aise. mais d’un autre côté c’est aussi très intéressant de voir comment les autres familles fonctionnent. ça me rassure sur ma relation avec maman. même si elle est compliquée. hier matin au petit-déjeuner ça a recommencé mais j’ai pas bougé je suis restée clouée sur ma chaise à regarder mon assiette. j’ai commencé à culpabiliser après un moment mais après je me suis dit que c’est elle qui avait décidé de m’emmener chez ses parents et qu’elle devait bien savoir ce qu’elle faisait. un soir on s’est promené le long d’une rivière au crépuscule et on voyait les silhouettes des vaches se découper dans l’obscurité et elle me disait que quand on s’était rencontrées elle m’avait tout de suite fait confiance et qu’elle avait pas hésité une seconde à m’emmener ici. on s’est perdues dans les champs dans le noir et on a caressé des veaux et elle me filmait avec un caméscope.
oh les bibliothèques et les bibliothèques d’école d’art en libre accès avec de la moquette grise où je peux m’assoir par terre en paix entre les rayons pour prendre des photos. m. vient me chercher à sept heures en bas pour me montrer où est la salle de projection où ils passent des films expérimentaux des années 30 et 40 ce soir, c’est des bons endroits les écoles d’art. depuis que je suis ici quand on me demande si je fais de l’art moi aussi je réponds pas officiellement. unoffiziell. officiellement je regarde les téléfilms de noël sur tf1. ce weekend j’ai rencontré son oncle et je lui ai parlé de mes failed attempts at art school et il m’a dit de réessayer maintenant que j’ai un portfolio un peu plus gros et il l’a dit avec tellement d’aplomb comme si ça coulait complètement de source que ça m’a presque donné envie de réessayer pour de vrai. il revenait de faire le chemin de st. jacques de compostelle et il avait l’air d’un homme très sûr de lui.
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journal de cet été V
13.9.18
hier soir on a fait un feu de bois dans la cheminée et on a mangé des pizzas avec les parents de j.m. son père revenait d’un festival à tel aviv et elle lui demandait s’il avait croisé ariel pink et il a dit tu sais tu l’as rencontré ariel pink quand t’étais bébé. quelle vie. je lui donnais toutes mes olives noires et il a repéré mon accent français en moins de deux. on a parlé français et le feu de cheminée me chauffait le dos et je l’aime bien j.h. il m’appelle die träumerin. l’autre jour il leur a laissé un message sur le répondeur il appelait j.m. ma chérie et sa mère meine geliebte et j’ai failli me mettre à pleurer. j’ai de nouveau rêvé que j’étais de retour au lycée avec claudine et ma prof de maths diabolique nous faisait passer des entretiens d’embauche pour un job chiant et claudine le voulait absolument mais moi j’allais me cacher à l’étage parce que je voulais être une artiste.
15.9.18
y a un an c’était mon premier jour de travail à la librairie, eh, j’en ai un peu marre et je suis très contente d’aller à tours demain mais je préfère quand même mille fois préparer une expo que de travailler dans le commerce. même si j’étais un peu énervée ce matin parce que j’osais pas leur dire que je trouvais que c’était très moche les petits objets sur le blob en papier mâché qui supportait ma vidéo et je savais pas quoi faire de moi-même et y avait des enfants qui me tournaient autour qui m’énervaient. et puis depuis hier soir j’ai l’impression que j. est passive agressive fâchée avec moi mais je sais pas pourquoi alors je continue à lui sourire quand je la croise parce que j’aime PAS être fâchée avec les gens. et j’aime pas quand les gens m’aiment pas. voilà pourquoi j’aime bien m. parce qu’elle m’aime bien et qu’elle le montre ce qui fait que je me sens bien avec elle. hier on discutait assises sur les bancs de la chapelle et j’ai baptisé son oeuvre et elle adorait mon idée et je lui disais que notre expo c’était un univers parallèle avec un prêtre en forme de chapeau de merlin sur l’autel et des livres de messe avec des chants géométriques et elle me comprenait trop et elle m’a dit de venir la voir à braunschweig comme ça on pourrait faire une collab de nouveau. j’aime pas les collabs normalement ça me bloque mais là ça s’est tellement bien passé et aussi ça me fera sortir de ma tour d’ivoire enchantée. après nos journées de tournage elle m’a dit que c’était exactement comme ça qu’elle s’imaginait de faire de l’art et ça m’a fait très plaisir.
17.9.18
c’est lundi manon est en cours et je suis assise dans l’herbe sous des arbres à côté de la loire qui coule par dessus un petit mur et ça fait un bruit d’eau qui coule, un peu comme à la maison en ardèche. hier matin dans le premier train on a longé une rivière à flanc de montagne pendant un moment en passant de tunnel en tunnel et y avait beaucoup de rochers et j’ai senti une connexion, j’ai une vraie relation avec les rivières maintenant, plus du tout neutre. j’ai regardé sur google maps après, c’était l’allier. y avait une forêt très épaisse autour et j’ai envie de faire tout le tour de la france maintenant, je veux voir tout ce qui a en dessous de paris. samedi après l’expo monsieur h. m’a invitée à revenir comme artiste en résidence dans une TOUR mais je suis pas sûre d’en avoir envie toute seule et sans voiture et je saurais absolument pas quoi faire comme projet pour le village. je crois qu’il a bien aimé notre expo même si sa collègue de la mairie a trouvé très inapproprié qu’on projette une vidéo d’un corps en maillot de bain qui fait l’amour avec des rochers sur le plafond d’une chapelle.
j’ai vu plein de nouvelles gares hier pendant mon périple, numéro 1: alès. on est parties avant le lever du soleil avec m. dans la voiture de la mère de j.m. et je me suis mise derrière pour pouvoir baigner dans la lumière rose sans avoir à faire la conversation, puis m. a pris son train pour nîmes et c. m’a emmenée boire un café en face de la gare. on a discuté des méfaits du ski (elle déteste le ski autant que moi) et de mes non études d’art et de la consistance des croissants selon la latitude géographique et elle m’a invitée à venir les voir en allemagne, puis j’ai sauté dans mon train et j’ai écouté you can’t always get what you want des rolling stones l’équivalent ardéchois moment-sacré-pré-expo de mon chrome country (oneohtrix point never) islandais en regardant la forêt défiler par la fenêtre.
je viens de voir un homme passer derrière moi qui avait un tic nerveux à la main et qui marchait d’un pas irrégulier et ça m’a fait penser à ce mec de mon voyage qui est monté un peu après moi dans un village paumé du haut des cévennes et qui allait à tours avec sa tante. je l’ai vu sur le quai et il m’a intriguée et puis je l’ai revu dans le train et il s’asseyait pas, il avait l’air nerveux et un peu ailleurs et à un moment il est passé à côté de moi avec un bob posé sur la tête et je me suis mis dans la tête qu’il devait avoir un problème mental et ça m’a mise mal à l’aise parce que les gens avec un handicap me mettent toujours mal à l’aise et je déteste que ça me mette mal à l’aise. je suis à peu près sûre que ça me met mal à l’aise parce que ça me met face à mes propres angoisses d’avoir une déficience mentale et ma peur constante de pas être aux normes. ma lenteur, ma façon de faire non dégourdie. samedi en rentrant de l’expo je suis descendue du van pour ouvrir le portail de la maison mais j’y arrivais pas alors que tout le monde y arrive toujours et on venait juste de croiser l’idiot du village à la chapelle et je me suis sentie comme l’idiote du village, sauf que lui il avait l’excuse d’être saoul. j’ai tout le temps peur qu’on me prenne pour quelqu’un qui a pas toutes ses capacités mentales. j’ai peur d’avoir une déficience dans le cerveau qui m’empêche de formuler mes pensées, de verbaliser, de retenir d’articuler et de résumer les choses, comme après l’expo quand on m’a demandé des explications sur l’asso d’agf et sur la résidence, je savais à peu près mais je me suis tournée vers c. parce que j’étais incapable de le formuler à voix haute. parfois je me demande comment j’ai fait pour réussir ma scolarité. et donc y avait ce mec dans le train et on a pris 35 minutes de retard à cause d’une alerte aux rochers sur la voie alors qu’y avait pas du tout de rochers sur la voie mais ça m’a fait louper ma correspondance à clermont-ferrand où on nous a fait courir à travers les couloirs pour attraper le train de lyon et où j’ai appris que le mec aussi allait à tours et que finalement il avait l’air normal. le train de lyon était rempli d’étudiants qui lisaient des livres et je les trouvais tous énervants. gare numéro 4: massy où on est restés bloqués tellement longtemps que j’ai loupé ma correspondance au mans et j’avais envie de pleurer alors j’ai parlé au mec pour me sentir moins seule parce qu’il me jetait des coups d’oeil et il avait le contact fuyant et c’était bizarre et puis j’ai arpenté le train avec sa tante pour chopper un contrôleur et finalement j’ai pas du rester dormir au mans et j’ai eu mon train pour tours et je suis arrivée à neuf heures et on est allées chercher des pizzas et c’était pas trop agréable d’être de retour en ville.
22.9.18
je supporte plus les petits appartements. je veux pas vivre en ville mais je veux vivre nulle part. je suis nostalgique de mon voyage de dimanche même si c’était un cauchemar, je suis nostalgique du ciel rose à perte de vue au petit matin et du cuir noir de la voiture de c. des viaducs dans le brouillard des cévennes et du courant de l’allier en contrebas des rails, du mouvement, du brassage des gens, du couple de vieux en face de moi dans le ter qui allaient à gisors, j’espère qu’ils sont arrivés chez eux un jour. j’aime les journées de voyage, les espaces-temps entre-deux, c’est spécial, ça a ses propres règles, des personnages temporaires, on a une mission. j’ai acheté un livre de stevenson sur son voyage à travers les cévennes dans une librairie végétale qui s’appelle lire au jardin. je suis pas tranquille, le bon mot qui existe pas en français: restless, aussi restless qu’y a deux ans en passant de l'angleterre au danemark à l’espagne sans que ça règle aucun de mes problèmes. 
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journal de cet été IV
7.9.18
je me suis rappelé tout d’un coup ce matin que j’avais aucune idée de ce que j’allais faire après ça et j’ai eu un petit élan d’angoisse. hier matin on a fait une conférence de presse dans le jardin et j’avais la lourde responsabilité d’être la Française et de devoir ouvrir la bouche et j’ai du dire à la maire qu’elle ressemblait à une actrice allemande très connue. la maire, les deux adjoints chargés de la culture, la journaliste, et moi l’artiste. s’ils savaient la vie que je mène en vrai. j’arrête pas de penser à la mer, j’ai le nez complètement bouché de nouveau. j’ai acheté un magazine littéraire des années 70 spécial les écrivains et la mer. j.m. a ramené une énorme pile de vieux magazines féministes pour leur bibliothèque anarcho-féministe installée dans leur mobile home prénommé laura palmer. i. disait qu’elle avait tout le temps mille projets sur le feu mais qu’elle se retrouvait toujours sans un sou en poche et que parfois elle se demandait si elle préfèrerait pas avoir un job chiant et répétitif avec un salaire régulier. elle disait aussi qu’elle avait travaillé dans une usine. j’aimerais tellement avoir le courage de lui demander de passer la nuit avec moi pour me raconter sa vie. raconte-moi ta vie s’il te plaît je veux tout savoir. j’aimerais devenir biographe de gens pas connus. autres idées de carrières: femme au foyer artificielle poirière dans la mer caresseuse de rochers mangeuse de soleil reportrice de la couleur du ciel vu depuis sous l’eau
9.9.18
m. me rassure. elle connaissait pas les mots glyphosate et amphétamine et parfois elle regarde tout ce qui a sur son disque dur externe pour se rappeler de ce qu’elle a fait, comme moi qui passe mon temps à regarder mes vidéos et à relire mon journal. elle met du temps à exprimer ses pensées mais elle se lance. son copain est mort d’une crise cardiaque y a un an et elle l’a vu mourir et j’arrête pas de me demander si ça a changé sa façon de voir le monde. elle rigole tout le temps et je suis fascinée par sa chaleur humaine. hier on a passé l’après-midi dans la rivière à filmer des trucs pour ma vidéo, on est restées presque cinq heures à remonter les petites cascades les unes après les autres et à escalader les rochers et à chaque gros rocher que j’aimais bien j’allais m’affaler dessus et m. tenait mon téléphone et on parlait presque pas et c’était tellement bien. y en avait des chauds et des froids et des comfortables et des escarpés et des glissants et des qui s’emboitaient parfaitement avec mon corps. y avait plein de toiles d’araignées et l’eau était aussi froide qu’en islande et les rochers étaient très glissants et j’étais extrêmement fière de moi de faire tous ces trucs dangereux. j’ai fait des progrès en nature cet été. j’ai des courbatures partout dans le corps.
j. a été comédienne, je crois, elles ont fait une performance qui s’appelait muschi ballett avec i. et elles m’ont raconté qu’elles étaient passées dans tracks sur arte mais que le commentaire disait n’importe quoi. je crois que je l’ai vu quand c’est passé, j’étais encore à paris et quand je rentrais chez moi pour le weekend j’arrivais toujours le jeudi soir pile à l’heure pour regarder tracks. elles ont rencontré j.m. au festival que ses parents ont crée dans les années 90 pour pas payer d’impôts à l’état et financer la police et maintenant elles habitent toutes ensemble à la campagne, avec ses parents, et ça me fascine. j. disait que sa plus grande faiblesse capitaliste c’était la glace et ça m’a fait penser à moi à londres y a deux ans chez fortnum & mason déchirée de l’intérieur entre mon amour du luxe et du confort en conflit avec mes nouvelles sensibilités anticapitalistes.
10.9.18
ohlala non mais quelle journée quel LUNDI j’ai le dos cramé par le soleil à force de rester affalée sur les rochers j’ai des réserves de toucher de rochers pour plusieurs années et puis surtout on m’a volé mon innocence et je les reverrai plus jamais comme avant parce que tout à l’heure je regardais mes rushes à l’ordi et i. et j.m. les regardaient avec moi par dessus mon épaule et tout d’un coup j.m. a dit das ist porn et i. a dit das ist post porn mais d’un ton très sérieux comme si ça coulait de source et je savais plus où me mettre. maintenant quand je les regarde ça me met mal à l’aise. m. a filmé mon corps d’une manière très sensuelle et à un moment je suis assise sur un rocher comme si je lui faisais l’amour mais j’étais pas allée jusqu’à penser que ça puisse être pornographique. je suis la personne la moins pornographique du monde. même si j’adore me mettre nue et montrer mon corps et utiliser ça comme thérapie pour mieux l’accepter et aussi je veux faire partie du #bodypos et montrer un corps pas mince, pas le mettre en valeur mais juste le montrer dans son naturel, put it out there. cet après-midi dans les gorges j’étais en maillot pour la vidéo mais m. était nue et elle escaladait la roche nue et elle s’allongeait sur les rochers nue comme kirsten dunst au clair de lune dans melancholia et je mourrais d’envie de la filmer. on a nagé dans un canyon entièrement seules au monde et on était entourées de cette roche grise verticale et on essayait de faire tenir nos corps au dessus de l’eau en s’appuyant entre les parois du canyon et je voulais que ça s’arrête jamais. j’étais entourée de toutes mes choses préférées: les rochers le soleil l’eau et le corps féminin.
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journal de cet été lll
1.9.18
j’ai bravé la tempête, les quinze minutes imparties pour dire où on en était de nos lectures, pensées, idées, etc, quinze minutes à remplir de paroles sans être interrompue. mon cauchemar, ultime. j’avais tellement peur que je faisais la tête depuis ce matin et j’ai pas ouvert la bouche jusqu’au moment fatidique et puis évidemment j’ai franchi les limites et j’ai parlé de ma dépression et de la télé et de maman et de jean pierre pernaud, voilà pourquoi j’aime pas avoir la parole, je sais pas où m’arrêter. j’ai dit que je me sentais intimidée à cause de mon background et que j’aimais pas parler mais que j’adorais écouter leurs conversations.
hier soir j’étais de nouveau persuadée que j’allais mourir, comme dans la montagne, on était toutes entassées dans le van avec le chien et la route était minuscule et accidentée et on longeait le vide et on s’arrêtait jamais de monter et j’étais cachée dans mon sweat et m. me serrait le bras et j’arrêtais pas de m’imaginer les sensations de tomber dans le vide à l’intérieur du van et la façon dont il se retournerait et les bruits qu’on ferait en essayant de se relever si on mourrait pas sur le coup, les gémissements, et je me suis dit que si je survivais WHO CARES ABOUT YOUR BACKGROUND mais j’ai survécu et j’ai déjà oublié la mort. on est allé sur un marché dans un minuscule village perché tout en haut d’une montagne, ils passaient du reggae et y avait 90% de hippies ardéchois avec des petits bonnets et des perles dans les cheveux et y avait un espèce de troubadour ou que sais-je qui trimballait une brosse à chiottes qu’il appelait laurent wauquiez.
j. vient de me raconter que quand elle était en afrique du sud avec i. elles avaient roulé sur des petites routes de montagne et elle était complètement hystérique et i. était au volant super cool super chill la main posée sur le volant le bras tendu devant elle i got it babe et je me l’imagine tellement bien. mercredi c’est elle qui conduisait sur l’autoroute et j’étais assise derrière elle et j’ai passé la majeure partie du voyage hypnotisée par son dos et son tshirt noir à manches longues qui moulait ses bras et ses muscles et ses cheveux relevés en chignon tout en désordre et son débardeur coupé dans un tshirt sans soutien-gorge dessous et sa façon de tenir le volant très assurée et sa chemise d’homme nouée au dessus du jean hier soir et sa grande mèche de cheveux blancs et gris et ses yeux fatigués jamais maquillés, elle a les yeux bleus et la peau bronzée et usée. je me demande quel âge elle a.
je discutais avec j. dans la cuisine, on était que toutes les deux parce que j’ai pas voulu suivre les autres sur la montagne parce que j’avais peur de pas les suivre, j’ai enfin trouvé des gens qui veulent faire des randonnées mais elles marchent trop vite pour moi. je lui racontais mes pensées que j’avais eues dans le van hier soir en pensant à la mort dans un terrible mélange d’allemand et d’anglais et elle était morte de rire et elle a dit you should write this down and make it your art project. elle m’a raconté qu’elle avait visité un village dans les pyrénées cet été où les gens vivaient pratiquement en autosuffisance avec des légumes et de la tolérance et des principes anarchistes et qu’elle avait travaillé dans deux leftist communities with workshops and a garden and social projects and a cinema and an anarchist library à berlin et que c’est ça qu’elle aimait le plus. et aussi qu’elle avait commencé ses études d’art après trente ans. j’aime tellement écouter les gens parler de leur vie. récolter toutes les histoires de vie, c’est ma mission.
avant d’aller au lit quand j’ai fermé mes volets j’ai vu une télé dans le noir au loin et j’enviais tellement ces gens de pas être dans une résidence d’artistes. peut être que je fais tout à l’envers. j’aurais jamais du dire que j’étais fascinée par les rochers parce que maintenant elles me prennent pour une experte sur le sujet alors que je sais rien du tout sur les rochers je les aime c’est tout ok?
2.9.18
elles veulent fabriquer de la pluie ou de la confiture sur la terrasse confiture écrasée avec le poing de la main toll toll elles mangent des chips au vinaigre ça fait du bruit comme la musique punk et les motos qui passent sur la route devant la maison des mobylettes qui pètent cigarette sur cigarette des pierres partout dans les maisons sous la table dans le lit derrière les portes sur la commode sous la langue dans l’oreille, copieuses. une clochette qui se promène dans le jardin sous les grillons qui grillent cigarette sur cigarette c’est si facile. panou pané, la lumière du coin s’est allumée, c’est quand la nuit et le lit?
très reconnaissante de pas avoir été constipée encore. on a déjeuné sur l’herbe ce matin, c’était pas comfortable et j’ai pas ouvert la bouche sauf une fois pour demander un exemple du datif utilisé à la place du génitif. je dis toujours que j’aime pas parler et que j’adore écouter ce qui est vrai mais en même temps je me sens mal à l’aise de pas parler. j’ai peur d’être impolie et d’être prise pour une idiote inculte. je suis pas une idiote inculte, je me retrouve juste toujours avec des gens qui en savent plus que moi sur les choses. est-ce que je trouverai un jour des gens avec qui je me sentirai à l’aise? mais j’aime bien parler avec m., elle me stresse pas et elle est douce et elle prend son temps. jeudi soir sur le marché on s’est promenées toutes les deux dans le village en regardant à l’intérieur des maisons et je lui parlais de mon fantasme d’habiter à la campagne parce que je suis misanthrope et y avait une belle lumière de soleil couchant et c’était très bien et beau et agréable. c’est tellement rare. je lui fais confiance.
j’ai pas la moindre idée de ce que je vais faire pour cette expo. je me raccroche à la phrase de clarice lispector dans hour of the star: facts are hard rocks. facts are words spoken by the world. je m’en rappelais plus exactement et dans ma tête c’était rocks are hard facts spoken by the world. je crois que je préfère ma version. il reste deux semaines comme pour l’expo finale de lunga, sauf qu’à lunga j’avais pas à m’encombrer de toute cette théorie à la con et de mots compliqués et de discussions en allemand enfumées de tabac et de blabla. j’avais juste mes images dans ma tête et je m’amusais très bien toute seule dans le froid sur la montagne à filmer des pubs pour du pq dans le neige. je reçois toutes les choses, les paroles comme des grosses gifles, comme si je passais à travers les grosses lanières serpillère qui nettoient les voitures dans les car wash et que je me les prenais en plein dans le visage. et je parle trop doucement et personne m’entend. et je passe des heures à regarder le mer.
5.9.18
ce matin j’ai vu i. nue en train de se brosser les dents assise sur le wc, accidentellement. je veux pas savoir quelle tête j’ai fait.
plus ça va et plus j’ai confiance en ce que je fais parce que je me suis rendu compte qu’elles savaient pas plus que moi ce qu’elles faisaient, elles ont fait cuire de l’émail sur un grain de raisin cet après-midi et je vois pas du tout le rapport avec la cybernétique ni la musculature humaine ni rien du tout et i. tout ce qu’elle veut c’est fumer un milliard de cigarettes et ça fait du bien d’être débarrassée de la pression un peu. j’adore m., elle me fait penser à molly dans sa façon d’être attentive et attentionnée et douce et chaude. elle me fait me sentir bien. hier soir on faisait la cuisine ensemble et à un moment elle était assise sur une chaise et moi j’étais debout contre la cuisinière et elle me regardait avec tellement de joie sincère dans les yeux, y avait quelque chose sur son visage qui était tellement rempli d’affection tournée vers moi que ça m’a fait peur et j’ai détourné le regard par terre en faisant rebondir ma hanche sur le bord de la cuisinière.
6.9.18
elle vit en parlant en vivant en parlant vivant parlant vivant parlant vivant vivant parlant et ça s’arrête jamais les deux sont inextricables et moi je suis assise sur le canapé et je parle pas est-ce que je vis mais est-ce que je vis? j’écris j’écris sur le canapé.
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journal de cet été ll
15.8.18
c’est le dernier jour de soleil et je suis condamnée à rester tapie dans l’ombre avec mon journal et la grande montagne qui bouge pas devant moi. v. m’a dit de me masturber pour me débarrasser de ma migraine parce que ça fait circuler le sang et après une seconde de perplexité j’ai dit y a pas d’endroit assez privé et ils m’ont dit la douche mais maintenant si je vais me doucher ils sauront ce que je fais et j’ose pas y aller. la dernière fois que j’ai parlé de masturbation avec un mec c’était avec n. à la clinique et j’ai pas trop envie de m’en rappeler alors je vais passer au prochain sujet: v. et ma dignité. j’arrête pas de penser à l’image désastreuse qu’il doit avoir de moi, il voit tout, je cache rien, il m’a vue désespérée et en pleurs il m’a vue léthargique à la maison il me voit chanter la merguez party à chaque fois que j’entends le mot merguez il me voit m’énerver contre maman comme une ado de quinze ans il me voit prendre des selfies dans la montagne et prendre des poses débiles il me voit réfléchir deux fois plus lentement que la moyenne et tout prendre au premier degré, il me voit partir en vacances avec ma mère parce que j’ai pas d’amis et que je suis seule au monde. il me voit toute nue dans mon milieu naturel. il me voit être entièrement moi-même, et c’est pas ce que je regrette tout le temps, quand je suis en société, de pas réussir à être entièrement moi-même? mais si finalement j’en ai honte de mon moi-même, c’est pas mieux que je continue à être une petite violette timide qui ouvre jamais la bouche? non.
16.8.18
j’ai acheté un livre d’anaïs nin à un euro sur le marché ce matin, j’ai dit au type que j’étais en train de lire son journal et il m’a proposé un livre d’henry miller mais j’ai dit non j’ai pas envie de lire henry miller. cet après-midi on a joué à des jeux de société sur la terrasse et je regardais le sommet des montagnes avec les jumelles, tout en haut où y a plus que de la roche nue et des taches de neige (denise m’a dit comment ça s’appelle mais j’ai oublié) et je me demandais pourquoi j’étais pas là-haut. j’avais pas du tout envie d’être sur cette terrasse à jouer à un jeu débile alors que la haute montagne était là à côté à m’attendre mais c’est des pensées tout à fait irrationnelles parce que j’ai peur du risque et j’aime pas la mise en danger inutile ni le concept de l’homme qui se mesure à la nature je trouve ça présomptueux et égoïste et je ferai jamais d’alpinisme comme mon père mais ça empêche pas que je meurs d’envie de me retrouver là-haut sur la roche. lundi matin y avait des filets de nuages suspendus dans le vide au dessus du vide et la brume enveloppait les arbres et ça reste très sacré dans mes souvenirs, comme mes matinées plongée sous les rochers au grau d’agde. j’avais peur du vent et du bourdonnement des avions parce que l’année dernière j’avais noté dans mon carnet que quand on entend un bourdonnement dans la montagne ça veut dire que la foudre va tomber et puis y a eu un coup de tonnerre et j’étais absolument persuadée que j’allais mourir foudroyée par un éclair contre la roche.
19.8.18
v. s’en va et je voulais lui demander v. tu vois un paradoxe en moi? vendredi soir chez c. on disait que ma brûlure d’anémone m’avait donné des super pouvoirs et que je pourrais m’appeler anemone girl et tout le monde s’est mis d’accord que mon super pouvoir c’était d’hypnotiser les gens avec mes chansons débiles mais entêtantes (v. avait d’abord dit que c’était de me plaindre tout le temps. est-ce que je me plains tout le temps?) je dois trouver un moyen de chanter dans un groupe. même si j’ai fait un rêve ultra violent sur le monde et les gens qui deviennent de plus en plus agressifs et pervers et que le réchauffement climatique va tout détruire bientôt.
22.8.18
le bruit des glaçons qui craquent dans le verre. je suis déjà nostalgique des vacances qui étaient sensées être mon pire cauchemar. je m’étais dit qu’elles allaient me servir de catalyseur pour enfin partir de la maison mais je viens de craquer des glaçons dans ma menthe à l’eau et ça m’a rappelé b. et g. qui me craquaient des glaçons à narbonne et c’était pas un cauchemar du tout, je suis déjà tellement nostalgique du grau d’agde que je me suis dit que j’avais même pas envie d’aller ailleurs, d’essayer d’autres mers plus bleues et d’autres plages avec plus d’exotisme, ce serait pas ma plage et j’aurais peur de pas aimer. je me transforme en maman. la relation que j’entretiens avec le grau d’agde est un mystère. j’ai noté toutes les sensations que j’aimais bien dans la mer et au bord de la mer et à côté de la mer et sous la mer et je me suis aperçu que je me suis pas mouchée une seule fois à la mer. zéro mouchoir. maman m’a parlé d’une femme qui s’appelle marie-lune qui a déménagé sur la côté d’azur à cause de la santé de son fils. je suis fascinée par l’impact du climat sur la santé. les médecins qui prescrivent le soleil comme traitement. comme sissi à madeire. c’était mon rêve ultime quand j’étais petite: tomber malade pour qu’on m’envoie en cure au bord de la méditerranée sur une terrasse avec une tonne de coussins pour me soutenir. est-ce que la méditerranée est la réponse à tous mes problèmes?
30.8.18
j’ai emmené mon corail en ardèche dans le van d’un groupe de krautrock des années 70 qui s’appelle faust et la fille du fondateur du groupe a de longs cheveux blonds sales et elle me fait penser à comment j’aurais pu être si j’avais gardé mes cheveux blonds et grandi en allemagne et si mon père était pas mort et que j’aie jamais perdu ma joie de vivre. on a fait exactement le même trajet que le trajet de toutes les vacances de ma vie mais c’était un nouveau monde. j’ai demandé à i. pourquoi leur van s’appelait faust et elle m’a raconté qu’elles avaient un groupe de punk dada expérimental ou un truc comme ça et que cet été elles avaient joué avec faust en californie et je savais plus comment contenir ma fascination. une fille nue vient de sortir de la rivière. elle m’a dit que l’eau était froide alors elle s’est mise sur un rocher au soleil pour réchauffer son corps et ça me rappelle mes rochers du grau d’agde où je m’allongeais le matin à l’écart de tout pour récupérer de la plongée en apnée blouf je viens d’écrire les mots magiques un chateau d’arc-en-ciel de rose et d’étoiles vient de se dissoudre devant moi, la mer me manque. hier dans le van au début y avait le copain de m. sur ses genoux qui m’a demandé ce que j’avais autour du poignet et si j’étais une artiste moi aussi et j’ai pas dit un oui franc et je lui ai donné mon vimeo et j’ai dit que je voulais faire des films mais que les écoles de cinéma étaient trop chères et il m’a parlé d’une école à toulouse et puis j’ai écrit toulouse sur le dos du chien.  hier dans la cuisine j’ai dit à maman que j’avais un peu peur d’y aller parce que je suis pas une vraie artiste et que j’y connais rien à la recherche la dernière fois qu’on m’a parlé de research en relation avec l’art c’était en islande la semaine où on devait faire une performance et où j’avais passé la journée à pleurer dans les wc parce que je savais pas quoi faire que je comprenais rien et que je me sentais plus bête que tous les autres.
un truc que je devrais me mettre dans la tête: je suis pas obligée de devenir la meilleure amie de tout le monde. je suis tellement seule que je veux que tout le monde m’aime et j’oublie que c’est pas comme ça que ça marche. je m’oublie quand je suis avec des gens.
31.8.18
j. est allongée seins nus sur un rocher de l’autre côté du bassin sous la cascade. elle m’a prêté son livre de chomsky sur l’anarchisme. ses parents aussi c’est des hippies. est-ce qu’il faut avoir des parents hippies pour être artiste? j’ai essayé de lire le texte de tiqqun sur la cybernétique en allemand qui traianit sur la table ce matin. je veux pas leur avouer que j’ai jamais lu ni baudrillard no bourdieu ni debord ni foucault ni personne sauf barthes mais tout ce que j’en ai retenu c’est le congrès des saponides parce que je connaissais pas le mot saponide et j’aime bien ce mot.
j’ai descendu un bout de la rivière en m’appuyant sur les rochers avec mes mains, je fais plus confiance à mes bras qu’à mes jambes. j’ai passé mes pieds sur des rochers doux recouverts de mousse et je me suis assiste à califourchon sur le plus doux de tous, il était bien poli. califourchon californie. rochers dans l’eau c’est doux comme une selle de cheval, ça glisse poli poli comme de la moquette noire.
ce matin à table j’ai entendu le mot lesben et mes oreilles se sont dressées mais j’ai pas compris de quoi elles parlaient, WHO’S A LESBIAN? elles fument cigarette sur cigarette sur joint et ça me décrédibilise toujours un peu quelqu’un dans sa liberté. surtout la pose. la pose du fumeur. moi je suis libre de toute pose. je suis une enfant. ou alors je comprends rien au tabac.
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journal de cet été
8.8.18
Excitée, chaude, avoir envie de baiser. voilà les traductions de horny que j’ai trouvées sur wordreference. j’ai pas ouvert mon journal depuis que je suis là parce que c’est tout ce que j’ai à dire. I’M HORNY. j’ai découvert margaux f. dimanche pendant que bernard regardait les championnats de natation à la télé, je l’ai vu que deux secondes pendant que sa coéquipière se faisait interviewer elle a même pas ouvert la bouche mais ça a suffi pour semer le trouble dans mon corps. je me suis jetée sur instagram pour trouver une preuve qu’elle est bien gay, j’ai cherché jusqu’à ce que je trouve une photo de 2016 avec sa copine et #amoureuses marqué dessous. victoire. alors j’ai fait une investigation sur sa copine aussi et j’ai vu qu’elle avait six ans de plus qu’elle et que c’était sa coach de sauvetage sportif à montpellier et j’ai abandonné l’idée de commencer mon livre de dostoïevski parce que comment il pourrait rivaliser avec ça?
10.8.18
je me suis fait piquer par une anémone. ça me plaît parce que ça m’était jamais arrivé encore. j’ai découvert la plongée cette semaine, il suffit de mettre un masque! j’arrive pas à croire que ça m’ait pris autant de temps pour aller voir. c’était pas comme dans les documentaires d’ushuaïa tv mais un peu quand même, le matin quand l’eau est claire et presque bleue et que le soleil se reflète sur le sable en plongeant ses rayons à travers l’eau. (position préférée: à l’envers avec la tête en bas pour regarder le soleil à travers la surface.) j’ai découvert le dessous des rochers du passage des amphibiens (ils ont pas de nom en vrai c’est moi qui les ai baptisés comme ça à cause de la langue de sable à peine recouverte d’eau qui descend brusquement en profondeur juste avant les rochers ce qui oblige à rentrer dans l’eau et à nager pour les atteindre). j’y suis toujours seule et je peux me mettre à plat ventre sur le sable et longer les profondeurs juste à côté qui me font un peu peur parce que tout est flou sans mes lunettes et la moindre ombre se transforme en danger potentiel. ou mes cheveux qui me flottent dans le coin de l’oeil. j’ai vu beaucoup de poissons, ils avaient pas trop peur de moi, l’intruse. j’ai pas pris le tuba qui allait avec le masque, comme je prends jamais d’audio guide dans une expo ou de médicaments quand j’ai mal quelque part, c’est le même principe, j’aime pas être trop aidée. j’adore flotter au ras de l’eau la tête en bas et observer tout ce qui se passe dessous sans bouger sauf un pied parfois pour montrer que je suis pas morte, au cas où. jusqu’à ce que je me fasse piéger par les anémones et que je sache plus comment me sortir de mon minuscule îlot de sable cernée par les rochers tapissés d’anémones avec trop peu de fond pour passer au dessus sans les racler. je me sentais bête parce que je portais mon haut de maillot à carreaux vichy avec le noeud au milieu qui fait pigeonner mes seins et j’avais l’impression que ça me discréditait. ma silhouette de bimbo est trop encombrante pour être une aventurière de la plage. pin-up empâtée. à force de regarder la natation à la télé ça m’a donné envie de devenir sportive, pour essayer, pour voir si ça changerait quelque chose à mon maintien, à mon allure pataude, à mon air empoté. même si je sais que je ressemblerai jamais à une fille comme margaux f. j’ai trouvé une vidéo où elle dit que son pire défaut c’est qu’elle s’emporte vite et ça m’a fait penser à j. et ça semble être un truc qui m’attire chez les filles. c’est l’exact opposé de moi. l’exact opposé de ce qui m’attire/m’attirait? chez les garçons aussi. l’autre jour en revenant d’une promenade sur la plage sous le vent je marchais dans l’eau et je pensais à ma sexualité pour pas changer et je me disais que peut être j’avais jamais vraiment été attirée par les garçons en fait, pas comme les filles, et je fais probablement de la psychologie de bas étage mais tout ce que je cherche/cherchais avec un garçon c’est peut être juste une figure paternelle, une validation, une acceptation, un réconfort. la preuve que je peux être aimée par un homme. alors que les filles c’est du Hot Stuff. 
je me suis pas assez mise sur ma chaise longue attitrée sous le mûrier cette année, satané réchauffement climatique, le seul endroit que je supportais c’était nue sur le lit dans le noir avec le ventilateur et mes fantasmes. y a beaucoup trop d’enfants dans les environs cette année aussi. les enfants et la chaleur. miranda july a posté une vidéo d’un endroit inondé en afrique, je sais plus dans quel pays, et elle dit que de s’occuper de la terre et du réchauffement climatique c’est comme d’être parent et de s’occuper des problèmes de ses enfants. on est obligé de s’en occuper, c’est tout, y a pas de question à se poser. elle dit qu’elle est contente qu’il se passe enfin des catastrophes assez graves pour que ça devienne un sujet sérieux, pas juste un truc d’écolo. j’aimerais que les gens s’en rendent compte au lieu de continuer à faire toujours plus d’ENFANTS et de les laisser courir partout en criant.
11.8.18
hier soir on parlait du travail avec hélène et françois sur la terrasse, maman disait que c’était pas sain ni normal d’être obligé de travailler autant et tous les autres la traitaient d’idéaliste sans arriver à remettre en question une seconde le système capitaliste et j’ai essayé de la défendre en disant que sans jamais rien remettre en question on avancerait jamais et qu’il faudrait juste ralentir d’abord pour commencer mais ils arrivaient pas à le concevoir et je me sens tellement mal armée pour débattre. je m’informe mais ça suffit pas pour que j’arrive à mettre au clair mes pensées et formuler un avis clair et argumenter. c’est tout brouillon. j’ai des bribes du discours d’andrew taggart qui me flottent dans la tête et des idées décousues du livre rouge sur le revenu universel et des idées glanées deci delà mais j’ai pas de discours clair ou d’idées claires, même pour argumenter avec ma famille c’est pas assez clair, alors que c’est vraiment pas des intellectuels. et puis surtout je me sens pas légitime parce que j’ai jamais eu à gagner ma vie encore, j’ai jamais eu à payer mon loyer avec mon travail et je dis que le concept de "gagner sa vie" est un mythe et que la glorification du travail et de la carrière est un mythe mais en vrai qu'est-ce que j'en sais? j'ai jamais eu à boulonner des rivets ou riveter des boulons pour faire manger ma famille ou à biper des scans pour payer mes études. quelle légitimité j'ai à ouvrir la bouche pour donner mon avis sur le sujet? mais en même temps j'aimerais arrêter de me sentir coupable de mon privilège passé et j'aimerais aussi ne pas être jugée quand je dis que j'ai pas envie de travailler. à chaque fois que j'essaie de réfléchir à des questions comme ça je finis par m'embourber dans la soupe d'arguments et de contre-arguments qui flottent dans ma tête et y a des murs qui entourent la soupe et j'arrête pas de m'y cogner parce que mes raisonnements tournent en rond.
14.8.18
on est allés au chalet de furfande dimanche et j'ai passé une bonne partie de la montée dans ma tête à rédiger mon annonce pour personals le compte ig de petites annonces written by & for lbtqia+, je veux m'en servir pour rencontrer des gens quand je partirai aux états-unis si je me décide à partir un jour. je veux rencontrer un million de filles ou juste une et je veux revoir molly et je veux plus jamais me retrouver sous le fond du gouffre de la solitude dans lequel je me suis perdue le weekend dernier quand on est arrivés à montagnac et que manon et v. sont partis à la montagne sans moi il faisait 45 degrés et j'ai dormi avec maman et j'arrivais plus à m'arrêter de pleurer dans le lit je pleurais très fort mais en silence parce que je voulais pas la réveiller et le lendemain matin on a mangé des croissants avec martine au bord de la piscine sous les palmiers et l'eau se reflétait sous les feuilles et j'ai plongé dans la piscine d'hélène juste avant de partir parce que j'avais trop chaud et l'eau est le seul endroit qui m'apaise. j'ai pleuré dans la voiture pour aller à la mer, j'ai pleuré dans la mer, j'ai pleuré assise par terre avec loki et puis j'ai pleuré dans la douche. j'avais jamais pleuré dans la mer encore. ce matin quand v. est arrivé dans la cuisine dans son pijama de petit garçon je me suis imaginé ma future copine à côté de lui ex. margaux f. en culotte et tshirt et j'ai toujours pas compris ce que manon lui trouvait. hier en revenant de furfande il pleuvait et y a eu un coup de tonnerre et j'étais persuadée que j'allais mourir et y avait son nom qui résonnait dans ma tête et je sais pas ce qui tourne pas rond chez moi. je me chantais its gotta be you de one d dans les descentes raides caillouteuses et en arrivant à la voiture j'avais le sentiment d'avoir échappé à la mort. la mort est toujours là quelque part avec moi. samedi en revenant de la mer on écoutait une très belle chanson d'étienne daho à la radio et maman a donné un gros coup de frein et je lui ai dit que ça m'aurait bien plu de mourir sur cette chanson, comme dans un film. c'était bien sous la pluie aussi dans la montagne, j’ai appris que c’était denise qui m’avait offert beno une de mes premières peluches nommée d’après le chien de nos voisins en allemagne et tout ce qui est lié à l’allemagne de cette époque dans ma tête c’est sacré. on est allés se promener autour du chalet au coucher du soleil et je chantais un remix de mon cru intitulé je boirai tout le nil si tu ne me reviens pas en boucle en tournant en rond autour de manon qui dansait sur un rocher pour éloigner les moustiques. des moustiques à 2300 mètres d’altitude. j’arrivais pas à m’endormir alors que je m’étais levée à sept heures à la mer mais tous les changements de paysages se bousculaient dans ma tête et j’avais trop chaud parce que j’avais mis mon sous-pull chauffant sous mon sweat alors j’ai tout posé sauf mon leggins parce que j’avais trop peur qu’un moustique me pique sur ma brûlure. mon corail. j’ai un corail sur le genou. j’ai emmené la mer à la montagne. je suis persuadée qu’elle m’a transmis quelque chose de sa vie d’anémone, elle m’a donné un pouvoir, tout ce weekend j’avais confiance en moi et dimanche dans la voiture derrière mes paupières j’ai vu la solution à tous mes problèmes ah mais oui, je dois monter sur scène and everything will fall into place. c’est une illumination qui apparaît régulièrement dans ma tête. dans la voiture de denise hier en rentrant de furfande je regardais défiler les montagnes et je me suis dit que j’étais une bonne artiste, que j’avais une montagne de potentiel, et que je devais surtout pas l’abandonner, ma montagne. eh c’est la devise de margaux f. ça aussi, ne jamais abandonner.
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journal / travail V
15/11/17
je viens d’être virée, je suis virée, j’ai été virée, et je comprends pas ce que je fais de mal dans ma vie pour accumuler les trucs qui vont pas. ils me gardent jusqu’à début décembre et j’ai pas assez d’argent sur mon compte encore et en plus ils m’ont déménagée en ville jusqu’à ce que je sois mise dehors et quand ils m’ont dit ça ce matin je me suis rendu compte à quel point je m’étais attachée aux autres, ils me manquent déjà, j’ai vu le nom de l. sur un ticket caisse ce matin et j’ai eu envie de pleurer. je m’étais même fait une nouvelle amie (m. la nouvelle) elle m’apprenait des expressions luxembourgeoises que je connaissais pas et on s’imaginait notre vie future dans une ferme reculée de la civilisation au canada et ils m’ont enlevé tout ça d’un coup parce qu’on m’enlève toujours tout et je me retrouve toute seule à l’étage du chocolate house avec un énorme morceau de cheesecake au chocolat pour essayer de me réconforter (bof) et c’est vraiment nul en ville j’étais plantée toute seule à la caisse toute la matinée et j’aime pas les gens ici mais je me donne plus la moindre peine maintenant. j’ai littéralement été prise en embuscade par f. et un autre chef et f. m’a dit que je devais m’en douter non? et j’ai dit mmh oui un peu mais NON et j’ai joué à la virée modèle qui comprend la situation parce que je savais pas quoi faire d’autre. f. m’a sorti tout le truc que j’étais pas faite pour le commerce blah que j’étais trop fragile pour ce milieu blah que je devrais vraiment poursuivre une carrière artistique blah que je devrais écrire des livres pour enfants et qu’on se reverrait sûrement quand je les vendrais au magasin blah et je faisais que sourire et hocher la tête mais à l’intérieur j’étais toute ébranlée parce que j’ai rien fait de mal et je faisais de mon mieux et ils auraient au moins pu me garder jusqu’en janvier putain de merde comment je vais faire maintenant pour partir aux états-unis? en plus maintenant j’ai mal au ventre à cause du cheesecake et j’arrive pas à croire à quel point je m’étais attachée au centre commercial sans m’en apercevoir et ça leur a même pas traversé l’esprit que j’aurais voulu leur dire au revoir peut être ou au moins être au courant que j’allais plus revenir et que c’était mon dernier jour hier?
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16/11/17
j’ai passé la matinée toute seule au rayon jeunesse du sous-sol, c’était mieux que hier, j’ai tout bien rangé et réordonné  et j’ai aidé une femme italienne féministe à trouver deux livres pour des enfants et en partant elle m’a dit qu’elle pourrait m’embrasser et que j’avais été très utile et cinq minutes après qu’elle soit partie je me suis dit que j’aurais pu lui dire ah ben dites-le à mon chef parce que je me suis faite virer hier! hier soir au lit j’arrêtais pas d’y revenir dessus tout le temps j’arrivais pas à m’en débarrasser et je veux pas que ça me touche autant. alors j’essaie de le voir comme une anecdote de la section early life de ma future page wikipedia, une toute petite anecdote. got fired from her job because she was an artist. hier soir je suis allée voir un film de tarkovsky à la cinémathèque et y avait une conférence avant le film et je me suis dit que c’était un signe du destin que le jour où je me fais virer de mon job débile je me retrouve à une conférence sur tarkovsky à la cinémathèque, hallo. bon une des chefs est en train de manger sa salade dans la cuisine là et je me sens pas tranquille. ce qui m’énerve aussi c’est que je sais pas qui est au courant, ce matin j’ai trouvé o. dans le magasin en arrivant il était tout seul dans le noir debout derrière la porte vitrée à regarder dans le vide et je sais pas ce qu’il sait et tout à l’heure l. m’a appelée pour me dire au revoir et je sais pas non plus si elle le sait, si tout le monde au centre commercial le sait, ou pire, si tout le monde était au courant sauf moi? j’ai pas osé lui en parler au téléphone parce que je savais pas qui était à l’étage au dessus de moi et quand on parlait du secret je savais pas si on parlait de mon transfert ou de mon éviction mais si on parlait de mon éviction ça avait pas l’air de l’avoir choquée plus que ça et j’ai commencé à me dire que tout le monde devait être au courant sauf moi et ça m’inquiète beaucoup pour moi-même.
17/11/17
toujours au rayon jeunesse, j’ai peur qu’on me mette à la caisse je veux plus avoir aucune responsabilité. en arrivant ce matin je suis allée m’assoir sur les escaliers en fer en colimaçon dans le coin et j’ai commencé harry potter et l’ordre du phénix. il est très bien cet escalier parce que personne s’en sert et il est juste derrière la caméra. j’aime bien aussi quand y a la femme de ménage avec moi au sous-sol et qu’on chante les chansons de noël de michael bublé. j’arrête de travailler le 30 novembre et je vois déjà le cauchemar qui pointe le bout de son nez, ça a commencé hier quand j’ai fait la liste de tous les films de noël que j’aurai le temps de regarder, je l’ai vue arriver, l’angoisse existentielle de l’inaction, la pression de maman, le stress d’être coincée avec elle. lara you beautiful naive child. hier soir j’ai vu charlotte gainsbourg à quotidien elle vient de sortir un album où elle parle de son père et j’ai cherché pour savoir à quel âge elle l’avait perdu (19) et je me suis très identifiée à ce qu’elle disait. elle parlait de sa timidité maladive et je me suis dit qu’elle aussi elle se serait fait virer de la librairie, sauf qu’elle elle est riche et célèbre et pas moi. mais c’est pas grave parce qu’elle m’a donné un peu d’espoir d’arriver à quelque chose un jour, de m’accommoder de mon inadaptation et de devenir cool comme elle. ce matin je suis arrivée au magasin avec des larmes séchées sur les joues parce que j’ai écouté kate sur mon chemin et à chaque fois que je l’écoute je pleure quand elle dit on devait vieillir ensemble en parlant de sa soeur qui s’est suicidée et puis y a le piano qui monte au ciel.
21/11/17
le directeur vient de rentrer dans la cuisine et de me serrer la main il m’a demandé si j’écrivais un livre et j’ai dit oui et il m’a dit bonne continuation. bon ça veut dire que je suis obligée d’en écrire un maintenant? tout en regardant mes téléfilms de noël en pijama avec le plaid et perlou. parfois quand j’y pense j’ai le coeur qui gonfle et je souris, je suis libre! dans neuf jours. et jusque là je veux pas me retrouver à la caisse une seule fois ni avoir à faire à s. ni à a. parce que c’est des monstres et qu’elles me persécutent. samedi matin à l’ouverture je me suis sentie comme quand je suis rentrée au lycée, elle avait l’air exaspérée par ma simple présence et je me sentais complètement désemparée et sans défense parce que je sais pas faire face à l’adversité, c’est pour ça que je suis toujours gentille avec les gens, je sais pas me défendre. et puis elle m’a placée en caisse pour toute la journée et je me suis dit que ça allait être le meilleur anniversaire de ma vie et évidemment je me suis trompée avec une manip et a. est venue m’engueuler, mais après on m’a déplacée au 2e pour toute la journée et c’était très bien parce que j’ai pu lire plein de livres sur eileen gray, marimekko, le bauhaus, frank horvath et des beaux intérieurs de maison et je pouvais ranger le mur des guides de voyage et j’ai jamais eu aussi mal au dos de ma vie à force de rester plantée derrière la fenêtre sans bouger à regarder la nuit tomber. ne pas regarder l’heure avant que le lampadaire du coin s’allume. ne pas regarder l’heure avant que le ciel soit complètement noir. maman a oublié mon anniversaire et j’étais un peu fâchée mais j’étais de bonne humeur et à midi je suis allée m’acheter un boxemännchen au chocolat au marché et je me suis assise sur les marches de la mairie pour le manger emmitouflée dans mon écharpe en fourrure et pour une raison qui m’échappe j’étais très contente. c’est bien ça. r. vient de me demander si c’était personnel ou destiné à la publication et s’il pourrait lire la première épreuve.
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25/11/17
je suis. tombée. amoureuse. ce matin. j’ai passé la matinée à sourire alors qu’elle m’a même pas regardée, que je l’ai juste vue de derrière en train de tirer un cageot de légumes sur le marché, avec un peu de peine et beaucoup de concentration. j'ai marché derrière elle à pas de loup jusqu’à ce qu’elle arrive à la rue. elle avait les joues rouges de froid et les cheveux courts et bouclés comme roberta c, une démarche masculine, et des jolies fesses. elle était affairée avec ses légumes et je devais traverser la rue pour aller travailler et je vais jamais oser l’aborder si je la revois un jour mais ça a suffi pour me propulser un peu au dessus de tout le reste. je m’étais attardée sur le marché pour pas arriver en avance et devoir affronter s et je suis restée un moment dans le passage à côté du restaurant de crustacés pour observer un homme qui a fait apparaitre un ascenseur à marchandise de sous la terre. ça m’a émerveillée. puis j’ai passé la matinée avec r. dans mon royaume et je gère tellement que ça m’énerve de nouveau qu’ils m’aient virée sans raison.
30/11/17
petite onde triste au dessus de ma tête, je viens de manger mon taboulé dans ma boite en plastique toute seule à la table de la cuisine et j’avais vraiment envie de finir le plus vite possible pour arrêter la tristesse de la situation. une femme vient de me dire qu’elle me reconnaissait du centre commercial et qu’elle avait parlé de moi avec sa belle-mère et qu’elles avaient toutes les deux trouvé que je m’étais très bien occupée d’elles et que je les avais vraiment bien conseillées et que c’était rare que les gens dans les magasins prennent le temps comme ça et que ça se voyait que j’aimais les livres et je lui ai dit que ça me faisait vraiment plaisir qu’elle me dise ça parce que je venais d’être virée et elle était super touchée et elle m’a demandé si j’avais des projets et elle m’a souhaité tout le meilleur pour la suite et elle a repris l’ascenseur avec sa poussette et j’ai mis quelques minutes à m’en remettre. je m’en suis toujours pas tout à fait remise. après ça j’ai trouvé le livre parfait pour l’exposé de la fille d’une autre femme et je suis la meilleure libraire que ce magasin ait jamais eue ok? hier soir j’étais à une fête d’adultes et j’ai entendu quinze mille fois la phrase ouvrir une nouvelle porte, quick quick to the next one! j’ai parlé d’écriture avec rita vita sackville west, b. lui a dit que je cherchais du travail et elle m’a dit qu’elle voyait un très large spectre autour de moi et que j’avais beaucoup de potentiel. elle m’a aussi dit que j’avais un très grand coeur. no shit. y avait que des gens riches et j’étais même pas sensée être là mais j’étais là et j’ai passé la soirée à observer c. qui me faisait vraiment penser à une barbie avec ses cheveux blonds glacés et son petit sac gucci louis vuitton qui se balançait au creux de son bras et tous les hommes qui l’attrapaient par la taille toute fine toute fine de barbie. barbie et ken. son mari était aussi beau et élégant et à l’aise qu’elle. ils bougeaient bien dans l’espace. elle m’a raconté qu’elle était partie de chez elle pour se marier et qu’elle s’était retrouvée à lui faire la cuisine tous les soirs et à repasser ses chaussettes sales pendant qu’il faisait du sport et qu’elle s’était dit mais quelle merde. je meurs d’envie de faire un film sur elle.
1/12/17
premier jour post travail vie active, premier jour de la suite, premier jour de et maintenant? je me suis réveillée à 7h44 avec la neige qui recouvrait tout dehors et un mail d’une fille qui m’invitait à exposer dans son nouvel espace culturel parce qu’elle adore ma video de stop motion. c’est de nouveau la période de la pub avec amanda seyfried qui claque du pied sur le toit pour allumer la tour eiffel à chaque fois que je vois cette pub j’ai envie d’être amanda seyfried qui claque du pied sur le toit clac j’habite plus à la maison j’ai une copine et on se promène au soleil avec notre chien. hier soir j’ai fait ma dernière fermeture avec l. et il m’a dit qu’il avait dit au responsable qu’il était pas d’accord qu’on me vire et quand on est sortis y a une fille qui est arrivée avec deux chiens et il leur a fait des bisous partout et je caressais le labrador tout moelleux derrière les oreilles et c’était un moment très pur. la fille avait des boucles brunes comme Boucles Brunes et puis j-c. m’a dit au revoir sans ses lunettes avec son bonnet dans le froid et la buée et les lumières de noël dans les arbres au dessus de nos têtes et c’était un au revoir comme si on allait se revoir demain, et puis l. a sorti une cigarette et on a continué à discuter et il a dit qu’ils avaient vraiment une philosophie douteuse là-haut et que je trouverais mieux et sa copine m’a dit au revoir et je sais pas pourquoi ce moment est entouré d’un halo doré, après tout ce que j’ai enduré dans cette entreprise. je suis contente que ça se soit terminé comme ça dans la beauté et l’amour et la bienveillance, et mon sous-sol et mes rayons vont me manquer et c’est tellement incongru qu’on m’ait arraché tout ça comme ça sans raison et je suis toujours en colère mais je suis aussi remplie d’amour, aussi con-con que ça puisse sonner.
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journal  / travail IV
24/10/17
j’ai passé l’après-midi chez a. elle avait besoin de moi pour faire des photos pour son projet d’évaluation, elle m’a emmenée à travers champs sous la pluie jusque tout en bas à l’étang, j’avais mes baskets gorgés d’eau et on a transporté sa toile à travers les branchages et les ronces mais c’était exactement ce qu’il me fallait. j’ai adoré prendre des photos pour elle parce que c’était un vrai projet, j’avais une responsabilité et je voulais pas la décevoir. elle m’a dit qu’elle me créditerait et que je pourrai le mettre sur mon cv. je suis allée voir son site et j’étais très impressionnée par son travail, c’est très sophistiqué, très musée, très beau, et je me suis dit que je lui montrerai jamais le mien. je veux qu’elle continue à s’imaginer que je fais des trucs sérieux moi aussi. je lui ai dit que je comptais faire une résidence après avoir mis assez de côté et elle m’a dit que c’était une très bonne idée et que c’est ça qu’il fallait faire et puis sa mère a dit que je pourrais retenter de faire une école aussi et a. disait disait que non mais c’est peut être sa mère qui a raison, mon travail est pas assez abouti, en tout cas pas à côté de ce qu’elle fait. quand je suis arrivée sa mère buvait une bière et m’a proposé du gateau au chocolat au concombre et des chaussons aux pommes de sa grand-mère alsacienne et son père était habillé en combinaison de travail rouge et a. m’a fait du thé (très bon) et j’ai parlé à d. de la montagne et elle m’a parlé de la montagne corse et des volcans du cantal et du massif central (qui font pas les mêmes éruptions) et elle me disait que le cantal ça ressemblait à la contée du seigneur des anneaux, et puis ils sont sortis rentrer du bois pour faire un feu dans le poêle en haut et pendant qu’on était dehors avec a. son père était dans son bain et quand on est rentrées il faisait nuit et son père était sorti du bain et il avait fait de la soupe avec des légumes du jardin (très très bonne) et a. m’a prêté des grosses chaussettes parce que les miennes étaient toutes mouillées et je me suis demandé si elle se rendait compte de la chance qu’elle a.
25/10/17
ce matin à la radio ils parlaient d’une artiste contemporaine française et de ses réponses très humaines et intimes à des mails de la banque et c’est le genre de truc qui me parle. ils ont dit qu’elle était très en vue dans le monde de l’art et ça m’a rassurée. j’ai très peu de modèles. non c’est pas vrai j’en ai beaucoup. je sais que je veux faire des choses: absurdes, honnêtes, intimes, avec de la douceur et de l’humour. voilà mes deux keywords. mes craintes: être trop creuse, inutile, et absorbée par moi-même. l. s’en va le premier décembre, elle part travailler dans la bibliothèque d’un institut et je vais me retrouver toute seule de nouveau. je veux jamais faire partie d’une entreprise pour de vrai parce que ça me donne envie de vomir, tous les gossips à la con et les problèmes de collègues de travail et de hiérarchie et de patrons non conciliants tout puissants, je dois trouver une solution pour y échapper.
- cv etymology: latin: to run, race course/a course of study: the same root, running, a corridor, currere, when you race you take no break. corridor: no side stepping/sight seeing, you must only go forward very fast no sleeping no dreaming, facts, time, do
- moi je me sens bête quand je lis umberto eco. vous lisez thomas hardy en français vous? ça m’étonne. et edith wharton? joan didion and her notebook: when you’re bankrupt of ideas or words, the notebook is there to plunge into a time of abundance. de toute façon t’as toujours réponse à tout le caractère des gens: une exploration de tous les instants
- j’ai acheté un cahier en fourrure parce que la vie est dure je mets mes pensées dans mes chaussures. elles migrent l’argent l’argent l’argent toujours l’argent. et les arbres alors?
- “travailler pour survivre à notre sensibilité, ah le vrai travail des artistes!” “ elle a quitté la france, s’est installée à new york pour sublimer sa douleur.” “emotion was the only thing that gave a contour to her days, and emotion was completely formless.” (chris kraus)
- research: how to make a short film when you don’t have friends or money
2/11/17
ça va vraiment bien en ce moment manon est à la maison on a fait notre dîner d’halloween avec rat alarm la transe électronique et les bougies, c’est tellement cosy et je passe tout mon temps libre à travailler sur mon film de stop motion. j’en suis pas vraiment satisfaite mais je fais, je fais je fais je fais et c’est peut être pour ça que j’ai presque plus d’anxiété. ça me tue de l’admettre mais ça me fait vraiment du bien de travailler, d’être occupée, de me doucher tous les jours, de rentrer tous les soirs en bus quand il fait nuit comme les gens normaux dans le bus la nuit y a la même lumière blanche que dans le métro à londres. avant-hier j’avais oublié de mettre mes petits post-its avec mes poèmes dans ma chaussure et je les ai laissés à la caisse et puis tout d’un coup j’ai entendu f. m’appeler avec mes post-its à la main en train de les lire et je savais plus où me mettre. il m’a dit qu’ils étaient vachement bien (ses mots. je dis jamais vachement) et qu’il aimait mon style, et que c’était drôle, et que je pourrais écrire des livres pour enfants. je devais avoir les joues très rouges et j’étais un peu fière mais ça comptait qu’à moitié à mes yeux parce que je le déteste toujours autant et ce jour-là il avait eu une violente dispute avec e. juste sous mon nez et ça m’a mise très mal à l’aise et j’avais très envie de la serrer fort dans mes bras et de lui dire que c’était la meilleure d’entre nous mais j’ai rien fait et j’ai rien dit. même après quand on était plus que toutes les deux, j’étais toujours mal à l’aise et je savais pas quoi lui dire. à part qu’elle sentait bon et que je voulais la prendre dans mes bras. j’ai commencé à lui écrire un poème.
mardi j’étais au téléphone avec j. d’une succursale et je suis pratiquement certaine que c’est j. de la clinique, j. qui sortait avec le ken de la salle de gym et qui voulait partir au portugal pour devenir guide à lagos. je l’avais vue une fois en ville, je cherchais un cahier et je lui avais parlé comme si de rien n’était parce que j’étais pas tout à fait sûre que ce soit elle et elle m’a rien dit non plus et j’étais ressortie du magasin un peu sous le choc. juste après on était allé voir l’expo sur wes anderson au cercle où j-m. nous avait fait la visite sans qu’on lui demande et j’avais trouvé qu’il parlait beaucoup, beaucoup trop. jour-là j’ai rencontré deux de mes futurs collègues sans le savoir et je trouve ça très mystique.
11/11/17
nouveau stylo il écrit gros c’est moche mais c’est smooth as a peach et il me rappelle la vieille boite à tampons noire à paillettes de maman quand j’étais petite et que c’était encore trop mystérieux. j’ai plus de rendez-vous jusqu’en mars parce que je pensais jamais à appeler et tout est complet maintenant et je veux pas attendre je peux pas attendre et quand je m’en suis rendu compte hier soir dans la voiture j’avais l’impression que tout s’écroulait, tout ce sur quoi je reposais, mon quotidien ici, ma vie à la maison, mes plans, plus rien n’avait de sens et de raison. j’ai pleuré. il était neuf heures et j’avais pas envie d’y retourner le lendemain, c’est toujours ça le pire avec le vendredi soir, savoir que ça recommence le lendemain. l’autre jour j’ai dit à m. la nouvelle que j’étais pas faite pour travailler et elle était morte de rire et je me suis rendu compte que je me prenais pour une duchesse mais y a des gens qui aiment ça travailler, comme l. par exemple. hier soir on était toutes seules jusqu’à neuf heures et on a discuté de mille choses et je lui disais que je pensais qu’on était pas faits pour travailler quarante heures par semaine et que le travail était un mythe et elle était pas de mon avis et ça me dépasse. elle aimerait avoir un travail avec un bureau et des petites vacances organisées une fois ou deux fois par an et un hobby et elle vient de préréserver un appart pour le futur et le prêt et elle parle tout le temps de se trouver un mari un mari un mari et un chien et des enfants. j’adore l. elle parle trop et elle a trop de certitudes et d’idées trop arrêtées mais je m’ennuie pas avec elle et c’est agréable quand elle est de bonne humeur et surtout on est tellement opposées sur tous les niveaux que ça me fascine de discuter avec elle. elle est mille fois plus impliquée dans la vie que moi. la vie pratique et concrète.
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journal / travail lll
13/10/17
mmh oui ce matin je me suis réveillée à sept heures et demi alors que je commençais à onze heures alors j’ai fait du porridge au beurre de cacahouètes et j’ai allumé des bougies parce que j’arrête pas de feuilleter des livres sur le hygge au magasin on en a au moins 35 de différents et j’ai regardé deux épisodes de newport beach. en passant devant l’immeuble en coin avec les bureaux vitrés j’ai vu une femme en pleurs à son bureau qui se faisait consoler par sa collègue. elles étaient baignées dans le soleil du matin, à la vue des gens sur la route. on aurait dit une performance, un spectacle. quand je suis plantée derrière la caisse je me vois affalée sur le comptoir à califourchon, une jambe qui pend de chaque côté, ou prenant des poses aguicheuses en regardant les gens qui passent devant le magasin.
14/10/17
je viens de croiser e. en revenant de faire pipi et elle m’a fait un sourire bienveillant, j’ai fait un petit saut de joie en rentrant dans la réserve, je déteste tout le monde à part elle. j’adore sa franchise et sa douceur, elle arrive à parfaitement combiner les deux, et elle sent bon. evelyne mon héroïne, dis trois fois son nom et elle apparaît, c’est doux comme un nuage au dessus de son chateau de pulls bleus marines à col rond parce qu’elle aime pas les décolletés. oui tout droit mais arrondi, c’est une crème de jour une lessive ou un parfum?
- rich dads in classy dark coats buying their daughters princess books and glitter pens after work, after they picked them up from their first day of school, then going home to their cosy houses, beige & luxurious
- trois exemplaires de homo deus s’il-vous-plaît deux en français et un en allemand attendez j’appelle mon mari, sac chanel + ceinture chanel et deux tresses très sophistiquées, avec beaucoup de maquillage et un jean avec le bas évasé et volanté avec des froufrous en jean
- tous les matins en haut des escaliers je vois kristen stewart dans la vitrine de la parfumerie et je me demande pourquoi je suis pas elle mood: le garçon blond en jean qui venait chercher son atlas scolaire j’ai envie de retourner à l’école mais dans la vie de ce garçon, une chambre de garçon bleue avec des cartes de pays aux murs et un lit en bois, beaucoup d’arbres dans le jardin marcher en chaussettes et manger des céréales le matin. la maison à la campagne de max de l’école primaire
- le carton rose parfait de titeuf est parti à la poubelle sans moi et j’ai pas pu le sauver. TRAGÉDIE
- les inondations dues aux réchauffement climatique au bangladesh et l’article sur le travail de s. pour rendre les banques plus éthiques dans le financial times mais moi je veux m’habiller goth pour halloween et en rouge et vert en décembre
- la fermeture, une investigation. finir la nuit tout le monde est de mèche dans la rue, les gens spéciaux et la grosse araignée invisible avec la vieille dame sur le banc, l’autre vieille dame avec le crâne rasé, la fille qui ressemble à christina ricci tous les soirs assise à la même place dans le bus. la nuit tout est mystérieux.
- rêve de v. la terrifiante, “et vous mettez quoi sur votre pain au petit-déjeuner?” elle me demande, “du beurre et de la confiture, et quand je me sens américaine je mets du beurre de cacahouètes” on rigole et je la mets dans mon sac tada!
- what about kristen stewart would she be better at my job? probably NOT. rêve de kstew: on lui pose des questions en interview: pourquoi vous avez fait que des projets nuls? ou c’est vous qui êtes nulle? vous savez rien faire? elle se vexe et elle part.
18/10/17
je vis désormais un cauchemar de tous les instants, c’est un vrai cauchemar maintenant parce que ça s’est insinué dans ma vie intérieure. hier j’ai eu une évaluation avec le chef et il m’a tellement dit que j’étais nulle que j’ai commencé à le croire et c’est trop destructeur je peux pas rester là à me sentir plus nulle de jour en jour, j’ai peur que ça m’endommage encore plus. avec tous mes complexes de sous-intelligence et mes questionnements sur mon inadéquation, ma sève. ma sève et le monde du travail ne sont pas compatibles. c’est exactement ce que je craignais et depuis j’avais oublié mais non ça va pas du tout et je déteste f. pour m’avoir replongée là-dedans, je déteste le stress permanent qu’il me fait subir, et je le déteste pour avoir critiqué mes chaussettes imprimées. fucking nazi. j’étais tellement contente de voir que des personnes qui n’étaient pas f. ce matin que j’avais envie de prendre tout le monde dans mes bras. j’ai encore eu un blocage de monnaie et j’ai du appeler e. à la rescousse avec des centimes dans les mains, j’arrivais plus à calculer parce que mon cerveau tournait plus et j’étais mortifiée. hier soir je me suis rendu compte que j’avais rendez-vous à 10h chez le magnétiseur et que je m’étais encore trompée en recopiant les dates et ça m’a tellement paniquée et énervée et exaspérée que je me suis enterrée sous ma couette pour hyperventiler comme à l’époque de mes grandes crises et j’ai regardé des vidéos de kate mckinnon sur mon téléphone pour me calmer. ça faisait longtemps que ça m’était plus arrivé.
19/10/17
j’ai fini de manger mes spaghetti et l. va venir me rejoindre avec ses sushis et ses soucis parce qu’elle en a aussi des soucis. elle voudrait acheter une maison mais elle gagne pas assez d’argent et elle cherche désespérément un copain et elle veut toujours faire son master de bibliothécaire et elle commence à réfléchir à s’installer en allemagne et je vais continuer à écrire pour avoir l’air occupée comme ça elle me posera pas de questions sur mes projets, y a des gens qui comprennent mais y en a aussi qui comprennent PAS et je sais pas trop où se situe l. on s’entend bien depuis cette semaine, elle me confie ses problèmes et on se plaint ensemble et on bitche sur f. et je me sens beaucoup moins seule. je me suis confiée à elles et elles m’ont dit de m’endurcir. m’endurcir m’endurcir m’endurcir. elles sont de mon côté maintenant. on s’est mises d’accord sur son complexe de taille et son besoin subséquent d’assoir son autorité et sa toute-puissance et voilà tout le monde le déteste et on s’en fout de ce qu’il m’a dit, je suis pas nulle, je suis juste moi et je dois arrêter de me laisser influencer par les autres tout. le. temps. non de dieu. je suis rentrée à la maison avec un rouleau de scotch vide sur la tête pour me montrer que je me perdais pas, je marche dans la rue avec un rouleau de scotch sur la tête parce que c’est de la rigolade et comme dit e. y a des choses plus graves qui se passent. j’ai posté une photo sur ig et je me suis sentie soutenue, ça m’a fait du bien.
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journal  / travail ll
20/9/17
normalement je passe ma pause dehors assise à l’arrêt de bus toute seule à écrire dans mon carnet parce que maintenant que je travaille je suis hantée par l’idée de perdre toute ma créativité et mon imagination, mais j’ai eu assez de drame d’arrêt de bus aujourd’hui alors je me cache dans la réserve avec e. l’étudiante pour écrire en paix. depuis que j’ai commencé à travailler j’ai l’impression d’être toute engourdie, engourdie de la tête pas du corps. comme si tous les reliefs avaient disparu, tout est plat et je ressens plus rien, je crois? jusqu’à ce matin en sortant de chez le magnétiseur, je devais prendre le bus jusqu’au centre commercial mais je l’ai attendu du mauvais côté de la route pendant trois quarts d’heure et je me suis mise à pleurer violemment, j’arrivais plus à m’arrêter, une femme m’a demandé si elle pouvait faire quelque chose et j’ai secoué la tête en continuant de pleurer. j’ai failli rentrer dans le 8 pour rentrer m’allonger contre loki et perlou. j’étais en colère toute la matinée. en colère contre le magnétiseur, contre maman qui a vraiment aucune ambition pour moi et qui me dit qu’elle aurait adoré travailler dans une librairie elle, et puis contre moi surtout pour toujours pas savoir comment bien gérer ma vie.
ma crise de désespoir de ce matin c’est la meilleure chose qui me soit arrivée de la journée en fait, la plus excitante du moins, i live for that shit, le romanesque et le cinégénique, tant pis si ça me fait souffrir.
21/9/17
j’ai peur de devenir un robot sans émotions au centre commercial. mon moi de la maison me manque. c’est pour ça que je suis si contente d’avoir pleuré hier à l’arrêt de bus, je suis toujours moi! aussi, j’adore choisir mes tenues pour aller travailler tous les matins, ça me motive, j’ai déjà donné envie de mettre des jupes à une de mes collègues. tenue de hier: jupe rouge à fleurs roses, sous-pull cropped, baskets new balance, mon nouveau carré-frange qui frisottait parce que j’ai passé beaucoup de temps dehors à attendre le bus et mes yeux encore bouffis avec les cils collés par les larmes. je suis passée aux toilettes avant mais j’ai pas touché à mes yeux parce que ça me donnait un air dramatique. aujourd’hui je porte un sweat avec de la fourrure une mini jupe noire et des vans, mon but c’est de donner l’impression aux gens que je travaille pas dans ce magasin malgré mon badge. j’ai rencontré le directeur ce matin, je mangeais une quetsche et il m’a dit de lui donner le noyau pour le jeter. il portait une veste comme le capitaine von trapp dans la mélodie du bonheur. j’espère que mes collègues pensent que j’écris un livre.
25/9/17
j’ai trouvé une bonne place au soleil derrière le parking sur les marches qui descendent vers le champ je veux plus bouger d’ici. ça fait une semaine que je travaille. je me demande si tous mes collègues détestent leur travail. pas f. il est passionné par les porte-cartes. j’ai vu m. ce matin, elle m’a demandé si je travaillais ici fixe maintenant mais je pouvais rien dire parce qu’y avait mon chef pas loin. v. me parlait de l’avenir de son fils et qu’ils prévoyaient de le laisser habiter à la maison quatre ans oui quatre ans très exactement après la fin de ses études le temps qu’il trouve un travail et mette assez d’argent de côté pour acheter un appartement et j’avais envie de me laisser glisser par terre comme une limace je voudrais bien être une limace et qu’on m’écrase pour qu’on en finisse une fois pour toutes. même si, hier matin je me suis mise à penser à heart of a dog le film de laurie anderson et puis j’ai fait des recherches sur le essay film et dans la douche je me suis dit c’est ÇA que je vais faire et j’étais toute excitée pour mon avenir et motivée pour continuer à vivre etc. j’avais l’impression d’avoir résolu tous mes problèmes. je vais devenir une artiste multimédia comme hito steyerl mais hito steyerl est très intelligente et cultivée. pas moi. parfois je me demande si je comprends assez les choses du monde pour être une artiste. hier soir christine parlait de son travail de psychologue, aider les gens à s’en sortir avec leurs émotions, et je me suis dit que c’est ça que je voulais faire à travers l’art.
29/9/17
je viens de m’étouffer avec un bout de saumon fumé et de galette au sarrasin que j’ai faites hier soir j’aurais pu mourir et personne s’en serait rendu compte, mon cadavre étalé sur le banc derrière le parking du centre commercial. j’ai raconté à n. que je voulais faire un essay film et écrire un livre pendant notre pause du matin dans la réserve, et puis c’était l’heure de la pause de l’après-midi et je mangeais une galette de riz dans mon fauteuil inconfortable toute seule et je me suis sentie complètement désillusionnée et triste. je sais pas pourquoi. je veux pas qu’elle parte j’ai l’impression que les autres sont trop vieux à côté d’elle, même l. qui a pourtant un an de moins que moi. j’aime pas les gens qui ont trop de certitudes. n. est juste assez jeune pour pas en avoir trop encore.
5/10/17
je crois que je suis trop nulle pour être caissière. je me suis encore trompée ce matin, je vais leur causer des ennuis avec la compta et en plus j’y connais rien à la rentrée littéraire. je suis pas dégourdie. toutes mes broderies de l’entretien sont décousues mais je m’en fous. je vais bien finir par trouver un truc pour lequel je suis douée.
ma préférée ici c’est e. la première chose qui m’a marquée chez elle: sa douceur. hier soir elle m’a percée à jour et je lui ai dit que je voulais être artiste et je lui ai raconté tout mon historique et elle m’a dit de retenter une école. mardi soir sur internet je suis tombée sur une artiste luxembourgeoise qui avait gagné un prix et je m’attendais à un truc chiant parce qu’elle est luxembourgeoise mais elle fait exactement ce que je veux faire, des performances avec des installations, elle assoit un monde, elle écrit beaucoup et elle l’incorpore dans ses performances, elle chante, elle a même mentionné kstew dans un de ses textes! ohlala mais c’est possible de faire tout ça! je veux être sur le chemin de tout ça. que la librairie soit qu’une minuscule étape pour y arriver.
10/10/17
deuxième fois que je pleure sur mon chemin pour aller travailler, je suis en colère toujours contre les circonstances. contre mon chef qui me fait me sentir nulle, contre l. qui m’aime pas et j’aime pas quand les gens m’aiment pas, contre le fait de travailler le samedi ce qui fait que je pourrai pas aller au code&art workshop alors que ce serait parfait pour moi, contre maman parce que j’en ai marre de vivre avec elle. peut être que c’est bien parce que d’habitude je suis jamais en colère. mon ancre de la semaine c’est danse avec les stars qui reprend samedi. j’envie même les gens qui sont à la fac. qui font plus d’études que moi. je suis sans arrêt en train de tout, tout, tout remettre en question et c’est épuisant épuisant épuisant. j’ai acheté un nouveau stylo plume parce que je l’ai vu sur la photo d’une fille qui étudie à cambridge et je l’ai trouvé joli mais il écrit vraiment pas bien. j’ai même pas eu le temps d’aller au wc ce matin. c’est pas bien pour mon équilibre d’humain. j’arrête pas de péter. mais peut être que je serais même pas mieux à la campagne, où je pourrais péter autant que je veux. peut être que tout est un leurre. julie cooper dans la saison 3 de newport beach: la vie est une tartine de merde qu’il faut avaler en souriant.
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