Lord Grumble, un couple de plusieurs personnes qui tentent de trouver le sens du monde
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To Binaire or Not to Binaire
Aujourd’hui, je suis passé à la caisse de mon IGA coopératif où oeuvrait une jeune caissière assez jolie, sans maquillage et les cheveux courts. Puis à l’observer, je me suis demandé s’il ne s’agissait pas d’un jeune homme. Les bras me paraissaient chevelus, le timbre de la voix grave. Comment savoir? Se renseigner? Demander à un homme s’il est bien non-binaire ou s’il préfère que l’on s’adresse à lui comme à elle?
D’ordinaire, je termine mon paiement par une formule de remerciement stéréotypée mais que je croyais neutre : merci, madame, merci monsieur. J’ai depuis longtemps abandonné le mademoiselle (sexiste) et le jeune homme (paternaliste). Je vouvoie les enfants, en présumant qu’ils ont droit de cité. Mais que faire devant l’humanité devenue non-binaire?
S’il faut sûrement s’ouvrir à l’autre, l’accepter tel qu’elle/il/on est, il faut aussi pouvoir exprimer ses salutations autrement qu’en bafouillant : merci mad...mess... vous?
Dans un monde non-binaire, la difficulté n’est pas d’être civilisé, c’est de rester poli.
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Le monde est fou
J’ai réussi à obtenir un rendez-vous fin novembre pour faire installer mes pneus d’hiver sur ma voiture. Je me suis cassé une dent, qui me fait beaucoup souffrir, et mon rendez-vous chez la dentiste sera au début janvier 2021.
Dans une république de bananes voisine, un président mégalomane tente de garder le pouvoir en demandant qu’on cesse de compter les votes entrés le soir de l’élection alors qu’il était en avance mais qu’on continue à les compter dans les États où il était en retard à ce moment-là.
Une ancienne stagiaire chez nous insiste pour tenir un procès qui coutera à sa cliente plus cher que les 9 800$ auxquels elle sera inévitablement condamnée, au nom d’un principe obscur, qu’elle ne veut pas me dévoiler.
Je n’ai plus le droit de prononcer un certain mot qui commence par N (et qu’il ne me serait jamais venu à l’idée de prononcer autrement que dans un contexte le justifiant) parce qu’il blesse des gens. À quand les mots qui commencent par T (tapette), F (féministe) ou J (juif)?
Les copropriétaires ici ont voté une résolution pour qu’ils puissent installer devant chaque porte de garage un petit bourrelet d’asphalte, afin que leur voiture, leur chaise roulante ou Dieu sait quoi encore, puisse entrer plus facilement dans le garage.
Quelqu’un a décapité un enseignant qui aurait montré à ses élèves traumatisés les caricatures d’un prophète pendant qu’un premier ministre appelle à ne pas provoquer autrui en insultant sa religion.
Quelqu’un s’est déguisé le soir de l’Halloween en soldat médiéval (?), s’est muni d’un sabre japonais et, au hasard, a égorgé ou blessé gravement des gens dont le seul tort était de se trouver dans la rue à ce moment-là.
Ma mère se meurt à l’urgence d’un cancer du poumon dont elle ne guérira pas et je ne peux pas la voir, parce qu’un virus rôde et tue les gens. Je ne peux que crier que je l’aime, que je l’ai toujours aimée malgré l’inconstance de ma démonstration, à travers les fenêtres aveugles de l’hôpital. Je ne peux pas la prendre dans mes bras, la rassurer.
Je ne sais plus dans quelle direction aller, que faire. Je sais bien sûr que les voies du Seigneur sont impénétrables, que l’amour bouge de mystérieuse façon, que les clichés s’accumulent aussi sûrement que les factures, mais ça ne me fait pas un pli. J’ai cessé de comprendre, je crois que je vais cesser de chercher à comprendre, le monde est fou et ce n’est vraiment plus drôle.
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La rancon
Un charmant rançonneur m’a adressé, au bureau, le courriel suivant, que je censure pour des raisons évidentes. Ce courriel m’a donné l’idée d’une réponse à la manière de Raymond Queneau, dans Exercices de style. J’espère que vous aimerez.
Le courriel original
mer. 2018-04-04 17:20
De : juecbryu [email protected]
À : XXX.XXXXXXXXXXXXX
Your lifе саn bе dеstroyеd еvеrything is in your hаnds
Gооd dаy.
Do not mind on my illiteracy, I am from Japan.
I uploaded the maliciоus рrоgrаm оn yоur systеm.
Sinсе thаt moment I pilfеred all privy bаckground frоm your system. Аdditionаlly I hаvе somе mоre comрrоmising еvidence. Thе most intеrеsting еvidеnсe thаt I stole- its a vidеotape with your mаsturbatiоn. I аdjusted virus on а pоrn web site and aftеr you lоaded it. Whеn yоu decided with thе videо and tаppеd оn а рlаy button, my dеlеtеriоus soft аt оnсe set uр on your systеm. After adjusting, your camera shоot the videоtаре with you self-аbusing, in addition it sаvеd prесisеly thе рorn videо you mаsturbаted on. In next few days my mаlwаre соllесtеd all your sосial аnd wоrk соntасts.
If you wish to delete all the compromising evidence- pay me 199 usd in BTC(cryptocurrency).
Its my Bitcoin number - 14Sv5Bc3g3MXEY2PkvpPt8VCL2tb9hyuNz
You have 28 hours from this moment. When I receive transaction I will eliminate the video in perpetuity. Other way I will send the record to all your friends.
Mes réponses
Entre nous
So you’re from Japan too. What a wonderful news. I’m from Okinawa. Which part of Japan are you from? I bet you come from Tokyo. You’re using the same humorous tone as my good friend Ishuro, who always says: once a Tokyoite, always a Tokyoite. He is also into gay porn, just like you.
Maybe we can meet sometimes. Don’t worry: my English is not so good as you. We can be illiterate together.
Entre nous (bis)
Cher juecbryu,
Êtes-vous gay? Allez, dites-le. Je suis sûr que vous êtes gay, là-bas, quelque part dans votre placard, comme moi. Parce que, qui pourrait être à ce point fasciné par le corps masculin d’un autre au point de le filmer en pleine masturbation?
Allez, répondez-moi vite, que nous puissions échanger d’autres vidéos coquines…
En toute logique
Écoutez, mon bon monsieur, en toute logique, votre missive ne tient pas la route. D’abord, j’ai eu beau chercher, mon ordinateur n’est pas muni d’une caméra. Déjà là vous avez un problème. Vous ne pouvez pas m’avoir filmé pendant mon épisode de masturbation. Soyons francs, j’ai eu un doute dès le départ.
Ce doute a été confirmé par votre référence à mes contacts sociaux que vous auriez, pour reprendre votre expression, « collectés ». Mon pauvre ami, réalisez-vous que vous ne vous adressez pas à la bonne personne? Je n’ai aucun réseau social digne d’être collecté, hormis vous, puisqu’apparemment votre adresse (et celle de Microsoft) s’est inscrite dans mes contacts.
Si vous y tenez, vous pouvez transmettre la vidéo que vous n’avez pas volée sur mon ordinateur à Microsoft. Peut-être pourront-ils régler le petit problème informatique qui vous a permis de m’adresser votre courriel.
Protecteur
Pitié, ne faites pas ça. Vous ne savez pas à quel point ma mère serait choquée d’apprendre que son fils favori se masturbe au bureau, devant une caméra. Je vous en prie, protégez-la et retirez son adresse de mes contacts, avant de transmettre la vidéo aux autres. Ma mère est vieille et je crains pour son cœur. Soyez gentil et pensez à nos ainés.
Pauvre de moi
Mettons carte sur table. Je n’ai pas les moyens de payer votre rançon. Il y a d’abord la pension que je dois à mon ex, et qui me fait chier mais elle est prélevée sur ma paie (pas mon ex, la pension). Puis ensuite, je dois nourrir les moutards, qu’elle m’a laissés (la sal…) et ça coute son prix, à cet âge-là. Puis mon employeur n’est guère content d’apprendre que je me masturbe au bureau, devant une caméra fixée à un ordinateur de bureau, la porte ouverte. Je vais sûrement perdre ma job, d’ailleurs les voilà qui arrivent…
À la banque
Écoutez, il y a un bug dans votre demande. Je n’ai pas de bitcoin et je ne sais pas comment m’en procurer. À la banque, ils m’ont dit de voir avec vous si un chèque ferait l’affaire. Ou un virement direct. Mais ça me prendrait votre numéro de compte et, apparemment votre nom. Parce que juecbryu, ça n’est pas suffisant. À la banque, ils m’ont dit aussi que je devrais parler à la police, qu’il y avait quelque chose de louche dans votre affaire. Voir si je vais aller raconter à la police que je me masturbe au bureau, devant une caméra fixée à un ordinateur de bureau, la porte ouverte. Des plans pour que je me mette dans le pétrin davantage avec cette affaire-là. J’ai déjà eu affaires à la brigade des mœurs et ils n’aiment pas beaucoup mon genre.
Alors dites-moi, à propos du chèque?
Ignare
Eh mec, il faut qu’tu saches. Moi les bitcoins, j’sais pas ce que c’est. J’ai r’gardé su’l net sans trop de succès, et je ne vois pas comment j’pourrais en gagner. As-tu une idée? J’ai bien un portable mais comment que j’fais pour « miner » des bitcoins? Toi, t’as l’air d’être au courant. Peux-tu me pister là-dessus? Qui sait, on pourrait s’partir une business.
Dénégation totale
Monsieur,
Nos services ont été retenus par M. XYZ, qui restera anonyme, pour vous aviser de ce qui suit.
D’abord, M. XYZ nie l’existence de la vidéo. Non seulement n’existe-t-elle pas mais encore l’avez-vous obtenue par un subterfuge illégal et qui contrevient aux droits fondamentaux de notre client. En conséquence, nous exigeons le retour immédiat de la vidéo incriminante à notre attention dans les 5 jours de la réception des présentes.
Ensuite, M. XYZ nie le geste posé. Jamais il ne s’est masturbé devant son ordinateur au bureau et, s’il l’a fait, c’est par pure inadvertance. Il ignorait que la caméra était en marche. Vous n’êtes pas sans savoir qu’en vertu de l’article 22__ du Code civil, tout document (une vidéo est un document) obtenu en contravention des droits fondamentaux de la personne peut être déclaré inadmissible en preuve, pour peu que son obtention déconsidère l’administration de la justice. Nous considérons que placer cette vidéo de masturbation dans les mains de la justice déconsidérerait considérablement l’administration de la justice, en plus de déranger la juge qui la verrait.
Enfin, M. XYZ nie son existence. S’il avait existé, il ne se serait jamais masturbé devant son ordinateur de bureau. Il y a donc erreur sur la personne, et c’est ça qui est cela.
Mafieux
Tou ne sé pas à qui tou as affaires. Si la vidéo n’est pas remise dans les 24 heures à Tony, à l’endroit qui te sera indiqué dans un autre message, tou gouteras à la médecine dé Armando et de Pablo. Attends-toé à cé qué ça fasse mal. Il y avait une ligne à né pas franchir et, mon chum, tou l’as franchise allègrement.
p.s. on a l’adresse de ton femme, et si on n’a pas ce qu’on veut, on va lui casser ses belles jambes. Ça serait dommage… Et si t’es vraiment gay (on lit toute ton courrier aussi), on va casser toutes les jambes dé ton chum.
p.p.s. Avisé pas le police. On sait où ils restent aussi.
Gentleman
Dear Sir,
I am afraid there must be some kind of misunderstanding between us. Nothing however that can’t be straightened out by an agreement between two gentlemen. You have something I need and I have what you want. I am sure that, as members of the same club (the good one of course), a mutually satisfying agreement may be reached. The question is when and where. Can I ask my personal secretary to contact yours and arrange for a meeting, let’s say around 4 p.m. on Wednesday, over tea at the Club? And maybe a cigar after tea and scones.
En colère
Je pense sincèrement que là, vous avez dépassé les bornes. La menace n’est même pas subtile. Menacer ma vie de destruction, c’est un appel au meurtre. Il doit y avoir des limites à la bêtise et à la méchanceté. Je n’ai même pas pris la peine de lire votre message et je vous réponds immédiatement. Pour qui vous prenez-vous? De quel droit m’écrivez-vous? Parlez-vous au moins le français? Votre mère est une trainée et je vous emmerde. Vous êtes un trou du cul. Dans les faits, je ne daigne même pas vous répondre.
Financier
Au taux de change actuel, 199 USD représentent 0.0301027 XBT, ce qui fait que la commission pour l’agent convertisseur s’élève à 2,35 %, soit 0.000707 bitcoin. Il faudra évidemment y ajouter les frais d’envoi, vous connaissez les banques, ce qui, en bout de ligne, vous laissera 0.030032 bitcoin. Cela vous convient-il?
Quant à ma petite commission, puis-je la déduire de l’envoi ou préférez-vous faire comme d’habitude?
D’un hacker à l’autre
Je dois avouer que tu m’en bouches 1 coin – tu permets qu’on se tutoie? Entre membres de la même communauté, je pense que nous nous devons bien cela – j’ai cherché longtemps comment tu avais réalisé cet exploit de me filmer sans l’aide de la moindre caméra. Je me suis dit, le mec, il a une case d’avance sur nous tous. Quel localhost as-tu utilisé? À moins que tu n’aies détourné un de mes ports? Je croyais pourtant travailler en mode stealth. Chapeau en tout cas.
Maintenant, de retour aux choses sérieuses : si tu lis ce message, c’est que j’ai réussi à m’introduire dans ton système et que j’y ai crypté tous tes documents et mots de passe. Ne t’avises pas de tenter de défaire mon hack, tes fichiers seraient irrémédiablement transformés en suite de 0 sans signification. Le seul moyen de récupérer ton précieux ordinateur est de m’envoyer, dans le compte 14Sv5Bc3g3MXEY2PkvpPt8VCL2tb9hyuNz – je sais que c’est ton compte mais je viens de m’en emparer aussi – 1 bitcoin en échange duquel je te redonnerai tes accès jusqu’à la prochaine fois. N’essaie pas de trouver la backdoor que j’ai implantée sur ton système, même la NASA n’a pas encore trouvé celle que j’y ai déposée il y a 5 ans.
Je pense qu’il est inutile que tu avises la police, n’est-ce pas?
Tu as 1 heure…
Blague
C’est drôle que tu mentionnes que tout est entre mes mains, parce que la masturbation, hein, c’est aussi une affaire de mains… La pognes-tu?
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Du sexe feminin comme un char debarre

Le message est pourtant simple : même si l’on n’a pas dit non, on n’a pas dit oui. Il y a trop de raisons qui pourrait expliquer que la victime n’ait pas dit non : l’altération des facultés par l’alcool ou la drogue, la peur, la crainte de l’autorité, celle de perdre son emploi… Pour que ce soit oui, il faut que ce soit oui. Il n’y a pas de demi-mesure en matière de consentement.
L’image est frappante mais vaut-elle les 7 mots qu’elle contient ? L’image, en clair, représente un sexe féminin sous-titré «Ceci n’est pas un char débarré».
Si l’on avait voulu faire du Magritte («Ceci n’est pas une pipe»), on aurait écrit «Ceci n’est pas un sexe débarré» ou «Ceci n’est pas un sexe offert». Seulement on a comparé un sexe féminin à un char. Magritte n’y comprendrait rien.
La comparaison sexe féminin ≠ char débarré est curieuse.
L’auteur du slogan utilise sciemment une expression argotique pour désigner une voiture. Si l’on peut comprendre la provocation, l’image demeure : pour provoquer une réaction, on réduit une personne humaine au statut d’un objet commun, mais alors là très commun. On ne fera pas comprendre aux mononcles de ce monde qu’ils ne peuvent pas toucher n’importe qui en comparant ce n’importe qui à un vulgaire char débarré.
D’autant que, qu’il soit débarré ou non, le char ne comporte pas davantage une permission d’accès libre ou de vol. J’ai oublié de fermer à clé ma voiture mais cela ne signifie pas que je vous autorise à y pénétrer, encore moins y prendre vos aises.
Il en va d’autant plus ainsi du sexe féminin.
Si l’on parle d’autonomie dans le cas d’une voiture, c’est pour vanter son kilométrage élevé au litre d’essence. Mais il ne viendra pas à l’idée de parler ainsi de l’autonomie de la personne humaine. Si la personne humaine a effectivement l’autonomie, elle a le droit de dire non ou de ne pas dire oui. La voiture, elle, se tient coite et attend qu’on l’allume sans maugréer.
Bref la comparaison sexe féminin ≠ char débarré ne peut mener qu’à des images toutes plus dégradantes les unes que les autres. Il faudra trouver autre chose.
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Du droit de mourir dignement
Il y a près d’une trentaine d’années, mon grand-père n’est pas mort du cancer qui le dévastait, il s’est suicidé.
Je comprends donc pleinement le dilemme auquel sont confrontés Mme Nicole Gladu et M. Jean Truchon, qui viennent de lancer la 1re contestation, si je ne m’abuse, des lois fédérale et provinciale qui leur interdisent le suicide assisté (poétiquement appelé l’aide médicale à mourir). M. Truchon aurait déclaré aux journalistes qu’il avait droit à une mort douce et digne, plutôt que de mourir en martyr en se jetant devant une rame de métro.
Il y a environ 30 ans, j’ai pris un avion pour aller voir mon grand-père dont on disait qu’il n’avait plus longtemps à vivre. Son cancer colorectal, bien qu’extrait à grands coups de bistouri, l’avait laissé réduit à deux sac, l’un qui contenait ses os, l’autre qui contenait les restes de sa digestion, en plastique, à la hanche. J’ai vu là un homme maigre, frêle, à des années-lumière de l’homme de 70 ans fier qui faisait tourner la tête des femmes au passage, ce qui rendait d’ailleurs ma grand-mère profondément jalouse.
La tradition, pour mon grand-père, était que le matin tôt, il s’habillait (en complet cravate) et descendait au tabac du village pour aller chercher son journal et compter fleurette à la tenancière de l’endroit, ce qui explique la jalousie de ma grand-mère. Ce matin-là, je l’accompagnais, mais ce n’était déjà plus mon grand-père, et la promenade, des 10 minutes qu’elle aurait duré normalement, prit certainement une heure.
En fait, à quelques centaines de mètres de l’arrivée, il fallut rebrousser chemin parce que, à sa très grande honte, mon grand-père, un homme fier et très digne, «péta» en chemin. Nettement j’entendis le bruit des produits de sa digestion tombant dans le sac costal qu’il portait, dissimulé sous sa chemise. S’il n’avait pas été fier, mon grand-père aurait éclaté en sanglots. Étant fier, il rentra à la maison, pour aller se faire délester de l’encombrant et désagréable objet.
Mon grand-père n’est pas mort de son cancer. Il lui a survécu. Jusqu’au matin où sa femme l’a trouvé pendu dans le garage. Il s’était suicidé parce qu’il n’en pouvait plus de souffrir, de la déchéance physique et morale que sa maladie lui imposait et parce qu’il ne voulait plus imposer à sa femme la tâche indigne d’elle de le soigner et de le laver comme un enfant à qui l’on retire une couche usée.
Comme le pays, catholique, où vivait mon grand-père ne permettait pas encore l’aide à mourir et regardait avec suspicion le suicide, le médecin complaisant appelé à constater le décès écrivit sur le certificat que mon grand-père était mort de cause naturelle (le cancer ?), évitant ainsi d’infliger une humiliation supplémentaire à la famille.
Mon grand-père avait choisi de ne plus vivre une existence désormais intolérable. Il avait droit à une vie digne, il ne pouvait plus l’avoir, il avait droit à une mort digne et il ne l’a pas eue.
Il est temps de reconnaître, au-delà du droit à la vie digne et sans douleurs, le droit à une mort digne et sans souffrance.
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Lettre aux camarades anarchistes de Hochelaga-Maisonneuve
À 52 ans, j’ai un peu changé depuis mes belles années d’anarchiste en herbe et je suis devenu, disons, plus conformiste. Mais cela ne m’empêche pas de m’adresser à vous, camarades de lutte contre l’Autorité et la domination, et vous dire que, dans Hochelaga-Maisonneuve, vous faites fausse route. Et je ne vous le dirai pas à titre de grand-père bienveillant ou d’une autre autorité tutélaire, mais à titre de camarade, bref, les mecs, vous êtes dans le champ et pas à peu près.

J’admettrai d’abord et sans trop de peine que la gentrification que vous dénoncez, le fait que les loyers du quartier y rendent impossible la vie quotidienne des masses laborieuses, l’arrivée en masse des condominiums chics réservés à l’élite ne sont pas de bons signes.
Mais lorsque je constate que votre cible, bien loin d’être le bourgeois envahissant ou le locateur inique, est plutôt un honnête travailleur, un commerçant certes mais qui travaille dur pour améliorer son ordinaire, comme les autres camarades que vous voulez aider, je m’offusque. Vous ratez votre cible.
Pensez-y à deux fois. Si vous frappez toutes les forces de travail du quartier au prétexte qu’elles tiennent boutique sur la rue Ste-Catherine, pourquoi ne pas frapper la couturière du coin, le teinturier chinois (s’il n’a pas déjà déménagé dans un quartier plus amène) ou l’épicier coréen ? Ils tiennent aussi commerce, ils visent à gagner un peu plus d’argent que le seul salaire qu’ils obtiendraient à la shop ou en faisant du taxi, pourquoi ne contribueraient-ils pas eux aussi à la gentrification du quartier ? Pourquoi ne pas fracasser leur vitrine, brûler leur stock, vandaliser leur création ?
C’est qu’en fait, vous forgez vous-même la distinction entre les classes de citoyens, vous vous posez en autorité surveillante et vous décidez qui a le droit de cité et qui ne l’a pas. Et ce faisant, vous trahissez l’idéal à la base même de l’anarchisme : il n’y aura pas d’autorité ni de domination de l’homme par l’homme, si je veux être libre.
La violence et le vandalisme sont certes des armes à la disposition des contestataires, lorsque la parole ne suffit plus. Je déteste souverainement cette idée et la réprouve, mais je ne vous l’enlèverai pas. Je considère cependant qu’en vandalisant les commerces de la rue Ste-Catherine, vous avez abusé de la violence, vous l’avez rendue banale et bassement criminelle et vous avez ruiné l’utilité qu’elle pourrait, peut-être et cela me répugne, avoir pour un mouvement qui saurait l’utiliser à propos.
Pensez-y : si vous utilisez la violence pour vous attaquer au menu fretin qu’est votre voisin de quartier, que ferez-vous lorsqu’il faudra s’attaquer aux requins de la finance appelés Trump et compagnie ? Que ferez-vous quand seule la violence politique demeurera mais qu’elle sera réprouvée comme un vulgaire crime parce que vous en aurez abusé ?
La moindre des peines que vous devriez prendre à l’heure actuelle est d’aller aider, en guise de solidarité (qui est aussi une qualité anarchiste), le pauvre commerçant dont vous avez sali le mobilier à nettoyer les dégâts. Autrement, vous ne serez guère meilleurs que les voyous qui fracassent les mêmes vitrines à la sortie d’un match de hockey que leur équipe a, pour une fois, gagné.
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LES FILLES AUX JEUX OLYMPIQUES
J’en ai assez. Les jeux olympiques de 2016 me permettent d’exprimer une fois de plus mon désarroi face à l’étrange sort que l’on fait aux femmes dans notre monde.
Ce 13 août 2016, en effet, La Presse, un journal qu’on ne peut accuser pourtant de populisme, titre à la Une : «La Presse à Rio, Encore les filles !» Quel mal y a-t-il à constater que tous les gagnants canadiens de médailles olympiques jusqu’à présent ont été des femmes? En fait, tout va mal dans cette expression.
Nous vivons dans une société divisée entre les hommes d’un côté, et les filles de l’autre. Certains répondront qu’on oppose en fait les filles aux gars. Ils ont tort. Le féminin de gars, c’est garce (dans mon dictionnaire fidèle). Une fille est une personne du sexe féminin par rapport aux parents, par opposition à fils. Si l’on avait à opposer fille[1], ce serait plutôt à garçon, qui est un enfant de sexe masculin. Mais il ne viendrait à l’idée de personne de dire qu’aux jeux olympiques, les garçons canadiens ont remporté 2 médailles de pacotille. À part dans une quelconque émission populaire, on ne décrit pas non plus le genre masculin par l’expression «les gars». On oppose dans le vocabulaire courant les gars, les vrais, les hommes, aux filles, pas aux femmes. Dans un comité d’éthique il y a quelques années, j’ai même constaté que l’on divisait la «cohorte» des femmes en filles et en jeunes filles. En d’autres termes, en ramenant la femme au statut de fille, on la discrimine deux fois : une première fois sur son sexe, une deuxième fois sur son âge.
Ça m’énerve.
Comme m’énerve d’ailleurs la charmante photographie illustrant un article du Devoir intitulée «Les joueuses peuvent-elles s’habiller comme elles le veulent?»[2], qui montre une joueuse de beach-volleyball égyptienne vêtue d’un maillot couvrant sa tête et son corps entier, sauf les mains et le visage, face à une joueuse apparemment canadienne en micro-bikini. Le sujet du débat : quelle est la tenue appropriée sur un terrain de beach-volleyball? Je trouve personnellement ridicule l’accoutrement de la pauvre Égyptienne. Dieu qu’elle doit avoir chaud là-dedans. Et peut-on réellement espérer qu’elle aura la même liberté de mouvement que la joueuse canadienne presque nue qui lui fait face?

Mais à tout prendre, avant de crier à l’oppression religieuse de la femme voilée d’un côté, ne pourrait-on pas crier à l’exploitation sexuelle éhontée de la femme canadienne de l’autre côté?
Un jour, dans un autobus menant à un spectacle du Festival d’été de Québec, j’ai vu monter une jeune femme (j’ai failli écrire fille) beaucoup trop habillée pour la température de juillet : elle portait un survêtement à manches longues par-dessus un autre vêtement et elle allait visiblement suer toutes les gouttes de son corps avant la fin du spectacle. Mais non, alors que l’autobus s’éloignait de l’arrêt, laissant derrière des parents sans doute inquiets à l’idée de laisser seule leur fille (cette fois, c’est le bon terme), la jeune femme retirait tout bonnement son survêtement, dévoilant une paire de seins proéminents moulés dans un T-shirt étroit sur lequel étaient écrits les mots «Pornstar», le détail, ma foi, du programme d’une soirée à laquelle je ne voulais pas assister.
Avant de s’inquiéter de l’oppression religieuse et du sexisme prévalant, ne devrait-on pas d’abord contrôler le message effarant que nous donnons aux adolescents (j’ai failli écrire garçons et filles) par nos images et nos mots?
[1] Au sens d’enfant de sexe féminin.
[2] Le Devoir, 12 août 2016, page B4.
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HETEROSEXUALITE, TOLERANCE ET JUSTIN TRUDEAU
J’ai deux confessions à faire. Je suis un hétérosexuel mal dégrossi[1].
Prenez par exemple cette scène, il y a plusieurs années, dans un petit restaurant de Montréal. J’ai à l’époque deux amies (en fait, il serait plus juste de dire qu’elles sont les amies de ma femme), mariées l’une à l’autre, formant le plus beau couple homosexuel que j’ai connu depuis longtemps. Et en plus, elles ont eu, chacune, un enfant du même donneur. Les enfants vont très bien, sont bien éduqués et malgré cela vifs, enjoués, intelligents[2]. Et je suis saoul.
Et je lève mon verre (de vin, aucun souvenir de la couleur) et je me sens le besoin de porter un toast pour leur dire que je les admire, qu’elles sont merveilleuses. Merveilleuses… Le reste est heureusement perdu dans les balbutiements de l’alcool.
La question devrait être, il me semble, pourquoi me sens-je le besoin d’admirer deux lesbiennes bien dans leur peau avec enfants, là où je ne féliciterais pas le moindre couple d’hétérosexuels ayant réalisé le même exploit ? Quel besoin y a-t-il de considérer la sexualité d’autrui quand elle ne me concerne pas ? Pourquoi me sens-je le besoin de dire que j’ai des amis noirs ou juifs ou que mon mariage a été célébré par un célébrant homosexuel, comme s’il s’agissait d’un titre de gloire? Parce que je suis mal dégrossi. Parce que nous sommes mal dégrossis.
J’ai toujours pratiqué la plus grande tolérance, j’ai regardé les imbéciles qui ont des comportements homophobes, sexistes ou racistes, comme des sous-hommes, j’ai rabroué le membre de la famille qui disait que tel athlète était doué pour tel sport parce qu’il était noir, j’ai prôné la plus grande égalité entre tous les hommes et pourtant je ne fais guère mieux. Je tolère.
Et c’est là qu’entre en scène Justin Trudeau, notre bien-aimé premier ministre. Il semble que M. Trudeau ait, lors d’une récente visite à Auschwitz, versé une larme et écrit, dans le livre d’or des lieux, quelque chose comme : « il faut apprendre à aimer les différences. La tolérance ne suffit pas. » C’est la 2e confession de la journée, celle que je n’aurais jamais cru faire (dire du bien d’un libéral), je crois qu’il a bien raison.
La tolérance est, au mieux, une vertu chrétienne mais ce n’est pas une valeur sûre. Ceux que nous tolérons aujourd’hui, nous pendrons ou brulerons demain. Nous affichons notre tolérance à l’égard des homosexuels ou transsexuels, des noirs ou des basanés, des musulmans ou des juifs, mais demain, nous aurons changé d’idée. La tolérance est une idée, et on en change comme de chemise.
Je ne sais pas s’il faut aimer toutes les différences ou s’il faut au contraire les traiter comme si elles n’avaient aucune importance, les ignorer. Je n’ai pas pris position là-dessus, car je doute d’être capable d’amour uniforme envers tous. Mais chose certaine, la tolérance ne suffit pas. Elle n’a jamais suffi.
[1] Et pour tout avouer, je suis un homme, un petit blanc et un catholique non pratiquant.
[2] Malgré ce qui va suivre, j’aime beaucoup ces deux femmes et leurs deux merveilleux enfants. J’exprime ici un malaise.
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Le AR-15 et le patrimoine canadien
Selon Le Soleil[1], depuis janvier 2016 circule une pétition en ligne parrainée par Bob Zimmer, un obscur député conservateur d’arrière-pays, pardon d’arrière-banc et de Prince George-Peace River-Northern Rockies en Colombie-Britannique. Cette pétition vise à faire déclasser le fusil AR-15, celui-là même qu’un tueur aurait utilisé pour mettre fin à la vie de 50 clients d’un bar gay d’Orlando, «qui est actuellement considéré comme une arme à utilisation restreinte. Il ne peut être employé que pour le tir sportif dans les clubs de tir, pas pour la chasse. Les acquéreurs doivent posséder un permis d'arme à utilisation restreinte.»
Un AR-15 serait, pardonnez mon ignorance, une arme semi-automatique avec un chargeur pouvant contenir cinq cartouches d’un �� calibre qui est suffisant pour tuer un coyote ou une marmotte, mais pas le gros gibier», selon Guy Morin, du mouvement Tous contre un registre québécois des armes à feu. On comprend donc que, pour certains, on n’a plus le gros gibier qu’on avait. «Évidemment, une personne mal intentionnée et bien informée pourrait transformer l'arme semi-automatique en arme automatique, c'est-à-dire vider un chargeur en une seule pression du doigt, ou changer le dispositif de chargement pour le faire passer de 5 à 30 balles. Encore une fois, d'autres armes actuellement disponibles sur le marché du «sans restriction» peuvent être ainsi trafiquées.»
Il appert que la classification de l'AR-15 dans la catégorie des armes à utilisation restreinte dans les années 90 est une erreur. L’arme serait noire et effrayante mais «d'autres armes, avec exactement les mêmes caractéristiques techniques, sont actuellement vendues sans restriction.» «La puissance, la capacité de tir et la dangerosité de cette arme sont exactement les mêmes que d'autres armes actuellement non restreintes.» Le AR-15 serait particulièrement apprécié par les femmes, légère, à crosse ajustable et à faible recul dans l'épaule. C’est purement cette «considération esthétique» qui est à la base de l’erreur.
Je crois qu’il faut rectifier l’erreur, pas pour des considérations bêtement esthétiques mais pour une raison somme toute très humaine. Si effectivement le AR-15 est aussi peu dangereux pour le gros gibier que bien d’autres armes qui ne sont pas sur la liste des armes à utilisation restreinte, je propose une pétition pour que l’on ajoute sur la liste toutes ces armes qui n’y sont pas. Réparons l’erreur historique, il est temps d’inscrire toutes les armes à feu sur un registre à utilisation interdite.
Je lisais qu’au congrès du parti conservateur en mai 2016, une proposition pour permettre la reconnaissance du mariage gai était enfin discutée. Et parallèlement, les conservateurs débattaient du droit de se procurer une arme à feu comme faisant «partie du patrimoine canadien»…
Peut-être par la même occasion, pourrait-on adopter une résolution, mieux une pétition, pour renvoyer tous ces députés conservateurs dans le fin fond des cavernes d’où ils n’auraient jamais dû sortir.
[1] Jean-François Néron, Le Soleil, 13 juin 2016.
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Chroniques colmariennes (2)
Les chiffres ne tiennent pas toujours la route en Alsace. J'ai ainsi tenté d'ėtablir les probabilités que je puisse, en 3 semaines, goûter à toutes les variétés de vin blanc alsacien, et je ne vous parle pas des rouges, et les chiffres ne trompent pas : 7 cépages alsaciens (si on exclut l'assemblage Edelzwicker), 51 grands crus, la vinification ordinaire, en vieilles vignes ou en vendanges tardives, et un nombre incommensurable de vigneronnes sympathiques et bien plus drôles que le vigneron, et je réalise qu'il faudra que je boive à chaque heure du jour et de la nuit (soit avant le petit dèj, pendant le dèj et le diner, et peut-être même après le souper, si les Français se remettent à le pratiquer) si je veux y arriver. Bref l'opération a ses risques, parmi lesquels figure de façon proéminente le manque de verres propres.
D'ailleurs, si l'on se fie aux conducteurs français franchement hilares et toujours prompts à l'insulte que je croise régulièrement à la sortie de chaque village viticole, les Français eux-mêmes souffrent du même problème.
Et je ne vous parle pas non plus de la bière, dont Schiltigheim, en banlieue de Strasbourg, se targue d'être la capitale : les Fischer, Heineken, Kronenburg, Licorne, Meteor font ici le beau temps. La crise de foie (de foi?) n'est jamais bien loin.
Après la Champagne, j'avais espéré ne plus jamais boire une goutte pétillante mais on m'offre désormais du Crémant d'Alsace et on m'annonce un petit rosé pas piqué des vers. Vivement un bon Coca-Cola...
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Autant en emporte Woody Allen
Lettre à un ami
C'est sans doute à Strasbourg que j'ai réalisé à quel point les moeurs françaises différaient des nôtres, cher ami. Laisse-moi te décrire un événement qui m'a marqué. Nous avions été invités à assister à la représentation d'un opéra comique de Wagner. Oui, je sais, du Wagner comique, c'est un peu comme si Xavier Dolan se mettait à tourner mes films.
Quoi qu'il en soit, l'idée générale du spectacle donne une bonne idée de la légerté des moeurs locales. C'est typiquement français. D'abord, le texte de l'opéra, Das liebesverbot, tel qu'écrit par Wagner, prend près de 5 heures à déclamer, au risque d'endormir les convives. Ça, c'est sans compter le prologue musical, qui dure une heure trente. Wagner, un Allemand, s'est inspiré de Shakespeare, un Anglais, qui a écrit une comédie à propos de la Sicile... Mais les Français ont ceci de particulier qu'ils raccourcissent tout et vont plus vite à l'essentiel. Et quel essentiel.
En environ 2 heures, on apprend que le roi de Sicile, étant en vacances à Naples, a laissé à Palerme son régent, un homme naturellement appelé Friedrich, qui me rappelle un peu le rabbin Jakub à la synagogue de Brooklyn en train de convaincre les prostituées du quartier de ne pas trop materner leurs clients. Et le régent de régenter et d'édicter des lois interdisant les manifestations amoureuses (et l'usage d'alcool), y compris durant le carnaval qui approche. Si ça ne te rappelle pas Rabbi Jakub, rien ne le fera.
Claudio, un Français pure-laine, a vraisemblement engrossé une prostituée en dehors des liens du mariage, bien qu'il soit pourtant marié mais avec une autre femme, et va être condamné à mort par Friedrich. Luzio, un mousquetaire ami de Claudio, va quérir la soeur de Claudio, Isabella, qui fait son noviciat au couvent de Palerme, d'où le sous-titre de la pièce, L'express de minuit ne passe jamais deux fois à Palerme. Guère heureuse d'être interrompue dans son activité qui consiste essentiellement à plier et déplier des nappes, Isabella accepte néanmoins de rompre ses voeux, le temps d'un aller-retour à l'auberge, pour convaincre Friedrich de gracier son frère.
À l'auberge, tyrolienne comme de raison, Friedrich refuse de se laisser attendrir mais propose à Isabella le classique dilemme : tu couches avec moi, derrière l'auberge, et je libère ton frère. Sinon, et bien, tu pourras retourner à tes nappes et nous n'en serons pas pire ennemis. Un peu outrée (le classique dilemme cornélien de la nappe ou la vie continue de semer l'émoi chez les jeunes couventines), Isabella feint d'accepter le marché mais a bien l'intention de se faire remplacer par Marianna, une autre couventine, qui mesure moins d'un mètre trente. Ce détail anodin aura de l'importance, nous le verrons par la suite.
En fait, il apparait, dans un retournement inattendu de l'histoire, que Marianna n'est autre que l'épouse répudiée de Friedrich, qui joue ainsi les Tartuffe. D'où l'esprit français de la chose.
Isabella convoque donc Friedrich à un rendez-vous galant, en plein carnaval que le régent a pourtant interdit. Friedrich tombera-t-il dans le piège tendu de rompre ainsi 2 de ses principes les plus sacrés : pas d'amour après minuit et pas plus de 2 sucres dans mon café, merci?
La nuit du carnaval, les habitants de Palerme se présentent, comme il se doit, déguisés les uns en Wotan et les Walkyries, les autres en Pierrot et Colombine et même un dragon qui n'aurait pas paru à sa place dans un Harry Potter... Et évidemment Friedrich se présente costumé en Zorro et Annamaria, bien, en elle-même. Comme sa taille ne permet pas facilement de la confondre avec Isabella, Annamaria, toujours astucieuse, se masque d'un charmant loup noir, ce qui mêle visiblement tout le monde, y compris les spectateurs qui n'y comprennent plus rien.
Et lorsque l'infâme Friedrich annonce qu'il ne graciera pas Claudio, même s'il a eu droit aux faveurs de Marianna, malheureusement pas à la hauteur, Isabella en appelle à la foule et démasque l'impudent. Voilà Friedrich bien marri et guère plus avancé, c'est selon.
Mais la foule a l'humeur d'une hirondelle au printemps et elle en profite pour gracier Claudio et Friedrich, pour exiger qu'Isabella épouse Luzio et que le mari bien marri s'en retourne au couvent avec son épouse répudiée.
Bref c'est ce que je crois en avoir compris. Mais, tu sais, cher ami, avec les Français, peut-être n'est-ce pas vraiment cela qu'il fallait comprendre. Ils ont ici un bon mot, les Alsaciens : ils sont fous, ces Français.
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Stand On Strasbourg Tous a Zanzibar revisited
Slogan entendu chez Carrefour:
[voix féminine off, à la limite du tolérable] "Chez Carrefour, j'optimisme", à propos d'une marque maison de tampons hygiéniques ou de biscuits alsaciens faits en Chine.
La rue neuve, épisode 44. Marc Lemaire se promène le long de la rue neuve, qui a déjà près d'un siècle et demi de retard sur le reste du monde. Un tramway le frôle, long insecte de métal effroyablement silencieux et rapide. Qui marche encore aujourd'hui, dans ce monde où l'on relie l'Allemagne à droite et la France à gauche, à grands coups de ponts et de LGV? Marc, son nom importe peu, ce pourrait être vous, moi, jure un peu, traversant une rue autrefois piétonne, mais dont les piétons circulent presque tous à scooter ou en vél'hop, désolé du néologisme. Marc est un résistant, il lutte pour une tradition qui disparait chaque jour plus et qui, accessoirement, use ses souliers. À côté de la superette et du McDo, il y a un Winstub au nom suspect d'O'toole. Marc Lemaire s'y faufile, entre deux écolières japonaises parlant l'allemand et un noir qui vend des perches à selfies.
Dans un restaurant d'Obernai, dialogue absurde entre un serveur et des clients Serveur : Would ziou like to heat somezing? Client allemand: Was? Was ist los? Sprechen Sie nicht Deutsch? Serveur : Here is ze Menu and my English is beautiful. Marc Lemaire : et ma femme? Elle aussi est beautiful mais si c'était possible d'obtenir de l'eau? Serveur: Don't be sarcastic. Flat or pétillante? Marc Lemaire : Laissez faire. Apportez-moi le bill, qu'on en finisse. Et puis à propos, qu'est-ce que c'était que ces GrosseSpaetzle, que vous m'avez servies? C'était vraiment délicieux. Serveur: le hareng saur n'est pas mal not more, ziou know.
Avertissement, les avis sur Tripadvisor sont tous authentiques : Les petites casseroles 🔘🔘🔘🔘⭕️347 avis | No 4 sur 52 restaurants à Obernai Julien B - Strasbourg. "Bon maument" endroit chalereux et service de même. Foi gras excelent et bon marcher. Steack tarte bien assaisoné salade aussi. Plat de mes amis aussi bons et bien digeste. Très petit, donc tables serrer, mais bon sa fais conviviable.
La rue neuve, épisode 45. Au 4e verre, Marc Lemaire ne sait plus vraiment si c'est bien son nom. D'ailleurs tous les vins sont bons ici. La cathédrale est belle, les femmes aussi, sauf les deux écolières japonaises parlant allemand de tout à l'heure, qui passent leur temps à retrousser leur jupe à grands carreaux d'école privée de mes deux, comme s'il était vraiment important d'admirer ces solides mollets tout vêtus de grosses socquettes blanches, et dodus. Les mollets, ça se voit à l'accord.
Andlau : quelques détails importants Selon Wikipedia, l'encyclopédie qui sait tout, Andlau est une commune française viticole située dans le département du Bas-Rhin, en région Alsace-Champagne-Ardenne-Lorraine. Bien sûr, ce que ne dit pas Wikipedia, c'est que le Bas-Rhin est en haut du Haut-Rhin, ce qui a le don de confondre les conducteurs comme Marc Lemaire, qui se fient à leur instinct et à la bonne vieille carte Michelin 516. Fort heureusement, Andlau est connue pour son Riesling grand cru, qui vient en trois variétés.
Des raisins et des hommes Les raisins Wiebelsberg, Moenchberg et Kastelberg doivent être absolument récoltés à la main, prétend, dur comme fer, le viticulteur Durmann, édenté mais non moins sympathique, et si possible en voiturette électrique. Sa femme Anna, copropriétaire du vignoble, n'apparait nulle part dans le décor. Elle est sans doute repartie à la ville, effrayée à l'idée de continuer à retirer les vers à la main pendant encore les 10 prochaines années, alors que son mari, lui, les passe le verre à la main. C'est quand il vante les vertus de l'élevage bio que Marc décroche, mais c'est peut-être aussi le 5e verre ou le froid de canard qui règne dans cette cave qui n'a pas vu l'ombre d'une lumière depuis 40 ans.
Un autre slogan mais pas de Prisunic "En 2026, le vin sera bio ou il ne sera pas."
Un restaurant, 1er épisode. Au restaurant, trois Espagnols évidemment, ça parle en anglais au serveur. Puis ça prend un selfie à trois, ce qui fait que la photo ne montre absolument rien d'autre que l'air ahuri de Marc Lemaire, ébloui par le flash. Puis viennent un selfie du plat principal et un selfie de la bouteille d'eau. Dire que tout ça finira, dans quelques heures, sur le site de Tripadvisor.
A MESSAGE FROM OUR SPONSORS [voix féminine off, au-delà de la limite du tolérable] "Chez Carrefour, j'optimisme", à propos d'un non-récit de voyage d'un non-auteur, tapé en utilisant un iPad version 17, disponible au rayon des substituts affectifs, et fabriqué en Chine avec des tampons hygiéniques et des biscuits alsaciens recyclés.
La rue neuve, épisode 46. Les deux Japonaises qui parlent allemand travaillent en fait au restaurant de kebab voisin. Mais comme on est jeudi midi, les touristes sont évidemment dans les Winstub (la parenté avec Windows n'est qu'accidentelle, le mot winstub venant à l'évidence de wine, vin, et de tub, baignoire), et personne ne voudrait manger des kebabs à Strasbourg, capitale de la choucroute et du Snorkel. Marc Lemaire, le dernier résistant d'une guerre passéiste, commence à ne plus bien saisir son environnement. Les contours colorés des fenêtres en vitrail font apparaitre la cathédrale plus rouge que jamais. Il se demande un moment s'il ne devrait pas se convertir au catholicisme avant qu'il ne soit trop tard. Mais ça, c'est peut-être le vin qui parle.
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Chroniques colmariennes (1)
À Colmar, l'appartement, rue Pfeffel, que nous occupions, la princesse et moi, était situé au 3e étage, sans compter le rez de chaussée, d'un large bâtiment sans histoire ni charme, qui donnait sur une petite cour intérieure, d'où nous contemplions les toits en tuile orange et rouge des maisons voisines. À moins de cent mètres de là, nous distinguions facilement le clocher en coupole et en pointes guerrières de l'église des Dominicains. Au nord-est, nous ne pouvions voir la Cathedrale et les nombreuses autres églises de Colmar mais à chaque heure du jour (et de la nuit), elles se rappelaient à notre bon souvenir et nous les entendions sonner l'heure, la demie et dans certains cas d'autres événements dont le caractère m'échappait.
On aurait dit une compétition sportive amicale. Un peu avant l'heure, un clocher, ce pouvait être celui de l'Église Saint-Matthieu, commençait à égréner les coups de l'heure. Par politesse, les autres se taisaient. Puis, quelques minutes plus tard, une seconde église, ou la Cathédrale, plus proche, s'y mettait à son tour. Patiemment, les autres églises écoutaient, échangeant des notes, non sans une pointe critique : tel coup était plus faible que le précédent, là, il y avait clairement une fausse note, on pouvait sans doute faire mieux. Après cette 2e série de coups marquant l'heure, s'écoulaient quelques minutes puis un troisième clocher s'y mettait, parfois plus fort, pour montrer qu'il ne se laisserait pas intimider.
À ce moment-là, il y avait bien longtemps que l'heure était passée, mais personne ne s'en souciait plus.
Une nuit, un peu excédé d'entendre pour la ennième fois les 12 coups de minuit, je m'installai à la fenêtre et j'attendis. La nuit n'était pas assez noire à Colmar pour m'empêcher d'imaginer ce qui allait se passer.
Dans le silence profond de la nuit tombée sur cette petite ville de campagne, j'entendis vers 1 heure moins cinq un premier clocher sonner un coup de tocsin, au loin. Quelques minutes plus tard, un 2e clocher un peu plus rapproché marquait lui aussi le coup de l'heure.
Et, je suis prêt à le jurer, j'entendis dans la ruelle menant à l'église des Dominicains un pas pressé accompagné d'un ahanement essouflé, j'entendis, mais je pouvais facilement l'imaginer, un quelconque bedeau gravir les marches menant au clocher de l'église et une minute plus tard retentissait le coup de l'heure au clocher. Et alors que s'éteignait l'onde sonore, j'imaginai le profond soupir du bedeau : à la suivante maintenant.
On pourrait peut-être craindre l'épuisement de ce pauvre bedeau, mais la somme des exercices ainsi accomplis aide à maintenir la ligne ou le rapproche de Dieu chaque jour, que dis-je, chaque heure un peu plus. Mais la véritable question qui me vient à l'esprit, ce matin, alors que la 1re église appelle ses fidèles à la messe de 11 heures : qui sonne l'heure que j'entends au loin et qui sonnera celle qui, bientôt, retentira dans toutes les églises de Colmar?
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Tartarin de Tarascon persiste et signe
Tartarin dut bien se rendre à l'évidence: il n'avait plus 20 ans et son dos ne le soutiendrait plus bien longtemps. Il venait de franchir les 30 derniers mètres qui séparaient la boulangerie de la Mère Michel de l'appartement somptueux où il logeait à Epernay, courbé comme un bossu, la langue à terre. Il allait mourir là, si ce n'était que de ridicule, les Sparnaciens, ces habitants de la localité, allaient tous se souvenir de Tartarin de Tarascon comme d'un être en forme d'accent circonflexe, bref Tartarin serait mortifié. Tout cela pour un bête mal de dos.
Il eut alors un dernier sursaut d'orgueil, il ramassa son cabas chargée des provisions les plus luxuriantes de la région, fromages des chèvres du Nord, galantines au foie gras, Champagne du producteur, jus d'oranges sanguines de la lointaine Sicile, pâtisseries plus sucrées que les Loukoums du Calife, et s'infligeant derechef un nouveau tour de rein, il gravit les 17 marches qui menaient à sa chambre et s'affala sur son lit.
Pourquoi avait-il quitté Tarascon pour venir en ce pays lointain? Ne lui avait-on pas perfidement vanté les mérites viticoles de la contrėe, les qualités rejuvénatrices du Champagne, la secrète détente de l'âme et du corps? Comme il regrettait maintenant ses aventures africaines, que n'aurait-il pas donné pour laisser son dos aux bons soins et aux petits pieds d'une divine Mauresque? Mais à bien y penser, y avait-il déjà eu des Mauresques? Avait-il déjà mis le pied dans les sables du désert d'Arabie, ou n'était-ce là que le délire d'un esprit qui travaillait trop (ou pire, pensa-t-il, d'un vulgaire lumbago?)
Et là, à travers les branches de palmier qui parsemaient l'appartement, repoussant les coussins où elle s'était engloutie, surgissant des tissus moirés et des tapisseries d'Orient, apparut sa princesse et tous ses maux, que dis-je tous ses maux, tous les maux affectant la planète entière s'estompèrent, et Tartarin put enfin sombrer dans le sommeil réparateur dont il n'émergerait, peut-être, que dans un siècle ou deux, prêt pour de nouvelles aventures en pays français.
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Lettre CLXII d'Usbek a son ami Rustan
Nous ne sommes restés que quelques heures à Paris cette fois, le temps de trouver un moyen de locomotion plus digne des princes que nous sommes, en l'occurence une Fiat 500, juste assez grande pour y mettre les bagages de la princesse, mais pas la princesse elle-même. Et nous avons fait bon chemin vers la vallée de la Marne, tristement célèbre pour sa participation involontaire à quelques guerres que tu ne connais pas encore, cher Rustan.
Nous avons été payer nos dévotions à la statue d'Urbain II, ce pape qui couronna jadis plusieurs des rois de France. Et c'est là que j'ai compris pour la 1re fois, cher Rustan, que les Français sont comme toi et moi, juste un peu plus étranges. Par exemple, sais-tu que la moitié d'entre eux fêteront demain la Pentecôte (ce pourrait être aussi l'Assomption ou la Présomption, tu sais à quel point j'abhorre ces fêtes religieuses auxquelles je ne comprends que dalle. Ah voilà que je me mets à parler comme eux) en prolongeant leur congé, alors que l'autre moitié ira travailler en grommelant sur l'inefficacité d'un tel système?
Chose certaine, mon cher Rustan, les Français respectent l'égalité sexuelle, tant que les femmes ne la revendiquent pas. C'est ainsi que ne t'avises pas en France de présumer que si un couple se présente comme mari et femme, automatiquement l'un d'eux est une femme. Non, cher Rustan, le Français moyen est déjà rendu ailleurs, dans sa lutte pour l'égalité entre les sexes. Il reconnait que tous les hommes sont nés égaux entre eux. Et c'est déjà là une première victoire. La prochaine bataille sera celle des eunuques noirs et blancs et des Persans comme nous. Un jour, peut-être, ce sera le tour de la femme, ce qui fera plaisir à ma princesse, qui en a assez d'être traitée moins bien que les bagages dans la Fiat 500.
Nous nous sommes installés à Épernay, capitale de la Champagne, région où tous sans exception élèvent (car il s'agit bien d'élever l'âme vers Dieu par un tel liquide) un breuvage divin que l'on appelle le champagne. Tu te rappelleras sans doute, dans quelques siècles, cher Rustan, cette anecdote savoureuse où la célèbre cantatrice Maria Callas disait que de la comparer à Renata Tebaldi, c'était comparer du Champagne à du Cognac. Et comme je suis certain que tu n'as aucune idée de ce dont je parle, cher Rustan, contente-toi d'imaginer un liquide légèrement acide, du fond duquel semblent jaillir, sans fin, des milliers de petites bulles qui te montent à la tête au point de te la faire perdre.
Ici, tout le monde a son propre champagne, et c'est à vous dégouter des appellations contrôlées. Mon ami canadien (je sais que le Canada est encore une plus étrange contrée pour toi que ne l'est la France) a même eu la surprise de se faire offrir une bouteille d'un champagne Lemaire. Malheureusement, à tout prendre, il aurait préféré du Coca-Cola. Tout cela peut t'apparaitre fort étrange, cher Rustan, mais ici, on a un peu l'impression d'être hors du temps. Rien n'a bougé en apparence dans ces vieilles pierres, et en même temps, tu n'y reconnaitrais plus les tiens.
Je tâcherai, cher Rustan, de t'écrire encore mais le temps peut-être passera trop vite.
D'Épernay, le 15 de la lune de Rahmazan.
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Peut-on AIMER Marine Le Pen?
Avant de me tirer la première pierre, prenez le temps de relire cette phrase.
Je n'ai pas écrit que j'aimais Mme Le Pen. Je n'ai pas écrit que j'allais finir par aimer (toutes) ses idées ou son beau parti, le Front national. Je ne me suis pas déclaré non plus antimusulman et je ne crierai pas Vive la France en montant aux barricades demain matin, non, ça n'arrivera pas.
La question est plutôt : pourrait-on aimer Mme Le Pen?
Peut-être.
Après tout, Mme Le Pen ne se gêne pas pour remettre à leur place nos politiciens nationaux, qu’elle qualifie d’oligarques, puisqu’elle n’a pas envie de faire la « tournée des popotes des responsables politiques québécois ». Puis elle renvoie des manifestants à la douche, en les traitant allègrement de gamins[1].
Voilà une politicienne, dans le sens pur du terme, une femme de la Cité, qui dit vraiment ce qu'elle pense, et vraiment pas ce qu'elle dirait si elle était une femme au foyer.
Bref elle secoue le pommier de nos tristes habitudes de rectitude morale. En cela, elle mériterait mon admiration.
Hormis le côté violent, elle utilise à peu près le même vocabulaire que ce brave Donald Trump, sauf qu’elle en est à mille lieux, en termes de sophistication et d’intelligence. C’est peut-être ce qui devrait me faire le plus peur.
J'ai lu les quelques déclarations qu’elle a faites aux journalistes ébahis (ou hébétés, c'est selon) lors de son bref séjour à Québec et je n'y ai trouvé qu'à pleurer. Qu’a-t-elle dit? Prenons au hasard (il n’y a pas de hasard dans le monde des idées, que des coïncidences) :
«Sans contestation, il est possible que l'État islamique infiltre des terroristes parmi le flot de migrants. Il existe un danger très important.»
La possibilité existe et elle m’inquiète. Il me semble que le reconnaitre n’est ni bien, ni mal, juste réaliste. Mais ce n’est pas là que réside le problème. Le danger réel est bien dans l’amalgame, dans la même phrase, des mots État islamique, terroristes et migrants. Là-dessus, il fallait répondre, il fallait refuser l’amalgame tout en reconnaissant la crainte. Personne ne l’a fait. Le message a donc été transmis et Mme Le Pen a eu ce qu’elle voulait.
«Il n'y a que des faux humanistes pour penser que lorsqu'un homme arrive sur un territoire, c'est uniquement 60 ou 80 kilos de chair. Non. Il vient avec ses valeurs, sa culture, sa religion et il va chercher, par la manière la plus naturelle qui soit, à rejoindre une communauté qui partage les mêmes valeurs et cultures et il va chercher à imposer, en quelque sorte, ses valeurs, sa culture, sa religion pour pouvoir la vivre sans se soumettre obligatoirement aux règles du pays qui l'accueille [...] »
Je ne suis pas un faux humaniste (ni un vrai d’ailleurs), mais il me semble bien que la 1re partie de cet énoncé est exacte. Il va de soi que l’immigrant recherche une communauté qui partage ses valeurs et sa culture. Mes parents ne sont pas venus au Québec pour changer radicalement de valeurs et de culture. Ils y sont venus s’établir justement parce que le Québec leur offrait une langue et une culture qui leur paraissaient suffisamment proches des leurs pour qu’ils s’y sentent à l’aise.
C’est dans la 2e partie de l’énoncé que ça se gâte : l’immigrant n’impose pas pour autant sa culture, ses valeurs, sa religion, à l’autochtone[2]. On doit souhaiter que l’immigrant cherche davantage à s’intégrer, tout en pratiquant sa religion, en conservant ses valeurs fondamentales et la part de sa culture qu’il peut intégrer à sa nouvelle vie. Il y aura des heurts, forcément, entre certaines valeurs, certaines cultures, certaines religions. Il appartient aux deux, migrant comme autochtone, de gérer les conflits inévitables, comme une société civilisée le doit, par le dialogue.
La position de Mme Le Pen exclut ce dialogue. Elle ne retient que la part conflictuelle, que la part de la crainte de l’autre, la crainte de voir déferler des hordes de chômeurs ne parlant même pas la langue sur la douce France, de voir les Français de souche plus appauvris pour autant. Elle reflète la peur, comme Donald Trump, et comme lui, elle veut redorer le blason de la France sur le dos du migrant, en faisant fi du dialogue civilisé. Cette peur est parfaitement compréhensible mais en ne lui répondant pas, ne l’encourage-t-on pas?
«Une société multiculturelle est une société multiconflictuelle».
Je suis d’accord avec l’affirmation comme je ne suis pas contre les affirmations suivantes : la société américaine est une société conflictuelle; le Québec est une société conflictuelle; la France a toujours été conflictuelle. Mme Le Pen n’affirme rien là d’extraordinaire, elle fait un constat, lié à sa peur du conflit inhérent à toute société un tant soit peu ouverte et démocratique, mais elle évite soigneusement de poser le même regard sur une société unitaire. En fait, existe-t-il des sociétés qui n’ont encore qu’une seule culture, une seule religion, une langue, une race? Et même là, cette société imaginaire est-elle libre de tout conflit? Peut-elle survivre ainsi? En exprimant sa peur de ce que la France d’antan est devenue, Mme Le Pen incarne une vieille droite française qui se présente sous un nouveau jour, qui situe son argument sur le terrain des emplois, des ghettos, de la violence urbaine, de la terreur religieuse. Tous ces arguments nous rejoignent. Ce n’est pourtant pas en tentant de la faire taire que l’on arrivera à contrer ses arguments, c’est en lui répondant par d’autres arguments plus valables.
«J'ai le sentiment, depuis que je suis arrivée, qu'il existe pas mal de tabous, de sujets qu'on n'a pas le droit d'aborder sans se faire insulter par la litanie traditionnelle : fascistes, xénophobes, repliés sur eux-mêmes.»
Là, personnellement, je suis d’accord. Si nous nous targuons d’être une société ouverte aux autres, il faut aussi parler à ceux d’entre nous qui ont peur de l’autre. Il faut non seulement afficher le slogan des protestataires,
« Ici, terre d’accueil, on préfère l’arrivée de milliers d’immigrants [à] la venue d’une seule raciste »
il faut être prêt à le vivre et à le faire vivre. Ce travail-là est autrement plus laborieux que d’afficher un slogan insultant et chahuter une politicienne.
«Les Québécois se feront leur propre idée sur qui je suis et sur ce que je dis sans demander l'autorisation au maire ou à je ne sais quel autre ministre. La diabolisation, surtout lorsqu'elle est caricaturale et ordurière, est en général une démonstration de faiblesse. »
C’est la phrase démagogue de trop. Quand on a peur du jugement, on en appelle à l’intelligence de la masse et au rejet de l’intelligentsia. On qualifie l’argument d’autrui de diabolisation caricaturale et le tour est joué.
Il me semble qu’ici au Québec, il appartenait aux intellectuels de décortiquer les arguments et de les exposer pour ce qu’ils sont. Sinon, on laisse justement à la masse les beaux discours creux dont, il ne faut pas se leurrer, il est difficile de départager le bon du mauvais. Il est facile de sursauter lorsque Donald Trump parle d’ériger un mur pour empêcher tous ces violeurs mexicains de franchir la frontière, il est autrement plus difficile de voir à travers l’excellent discours de Mme Le Pen la perversion des arguments qu’elle propose. Il appartenait bien à nos meilleurs ministres et maires d’aller au devant de ces arguments et d’exposer en quoi ils ne représentent pas ce que le Québec veut.
« Je crois que la classe politique traditionnelle a peur. Elle craint l'émergence de mouvements libres qui ne se sont soumis à aucune multinationale, à aucune puissance d'argent, à aucun diktat de la pensée unique»
Je crois relire les propos d’un intellectuel de gauche, tant les références sont les mêmes. La pensée unique, le pouvoir des multinationales, la puissance d’argent, les diktats… En fait, je me demande parfois si la droite populiste n’a pas fait ses classes sur les bancs d’école de la gauche revendicatrice. Pensons aux Ted Cruz et Donald Trump de ce monde, qui ne rêvent que de pourfendre l’État pourvoyeur ou élitiste, qui professent leur dédain pour Washington, qui refusent de pactiser avec l’ennemi, fut-il républicain, au nom d’une pensée qui n’en est pas moins unique.
Mme Le Pen ne fera jamais cuire son bacon à la pointe de sa mitraillette, elle évitera le plus souvent possible les écarts orduriers de langage de son père, elle retournera les gamins à leur lit, et ce faisant, elle gagnera plus de votes et d’appuis si nous ne lui opposons pas la seule chose qui tue vraiment : l’argument juste.
Ces opposants n’ont-ils pas réalisé qu'en la chahutant, ils lui ont fait faire la une des journaux, ce que précisément elle voulait faire? Réalisent-ils qu'en la traitant de facho, ils n’atteignent pas son image (et encore moins ses idées) mais qu'en la traitant de misogyne, ils passent entièrement à côté de la chose?
Pas un politicien ne s’est levé pour répondre à ses propos, pour pourfendre la virulence du propos par la force des arguments. Tous ont feint de l’ignorer. On a eu recours à l'insulte et au quolibet qui, je l'admets, s'ils avaient été bien maniés, auraient pu faire mal. Mais même ici, l’insulte portait à vide.
Personne n'a vu que l'on donnait ainsi une belle tribune à une excellente politicienne, venue apparemment livrer un message sur un sujet anodin, le fait français dans le monde, qui a pu prouver aux Français que, où qu'elle soit, elle défend les bonnes vieilles valeurs françaises, envers et contre tous. On lui a donné l'occasion de montrer ce qu'elle est, une vraie politicienne.
Je ne sais pas si on peut aimer Marine Le Pen mais on pourrait y mettre du sien.
[1] Le Soleil, lundi le 21 mars 2016, p. 2.
[2] En fait, on peut probablement plaider que c’est précisément ce que les Anglais et les Français ont fait à l’égard des autochtones à leur arrivée en Canada. Ils sont venus en tant qu’immigrants et ont imposé leur culture, leur religion, leurs valeurs (et leurs maladies) aux autochtones. Mais je digresse.
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A Message to Alice Munro
I swear I have never done this before. For the most part, I even try to avoid looking at the picture of the author at the back of the book, for fear I might not like what I see. So I have never written a letter to any author in my life. And don’t fear, it will probably never happen again.
But a strange phenomenon happened when I began reading your book, Dear Life. After four or five stories, I put it down and went to my usual job (I practice law during the daytime and I generally sleep at night). Then I came back to the book and began, astonishingly, to reread some of the stories I had previously read. I have never done that, there are simply too many books that I haven’t read already, I don’t have the time to read again, and you should see under my bed the number of books still only partially read (this is not an invitation to come to my house, my wife would not appreciate).
And I actually liked it. Then I read “Train”.
I do not believe those readers who claim that this or that story appealed to them because they actually lived the same events in the years prior to or after the war, or that the description of the “girl” (I hate the word, for it actually classify a woman according to her age) in such story reminds them of the woman they used to date. I was born in the Sixties and I certainly haven’t jumped any train in my life, at least literally.
But I suppose we all figuratively jump ship (or train) at one point in our lives. And that’s where I think “Train” hits the perfect spot, that place in everyone’s heart where it hurts. Still.
I could go on and wax about the fact that you used one of the most magisterial twists of plot, how you refrained to be linear in your description of the events, the way you wrote with the same sparseness of words that haunts your characters (the main character being a man of few words, to say the least), but I actually prefer to close this by saying that you actually ruined my life. Now I know that it is too late, now I know that I either took the wrong train or jumped from it at the inappropriate time and that it cannot be changed. Reading your story is so sad and so sweet & sour at the same time.
Now I fear to go on and finish the book.
p.s. do not change.
Marc Lemaire, a.k.a. Lord Grumble
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