nihiliste2
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Etudes de squash à Niort.
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nihiliste2 · 6 months ago
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Chaque génération, sans doute, se croit vouée à refaire le monde. La mienne sait pourtant qu’elle ne le refera pas. Mais sa tâche est peut-être plus grande. Elle consiste à empêcher que le monde se défasse.
A. Camus, Discours de Suède
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nihiliste2 · 8 months ago
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Pour un homme d'aujourd'hui, il est extraordinairement difficile de croire en Dieu, mais il est aussi terriblement difficile de ne pas croire au Diable.
Aleksander Wat, Mon Siècle
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nihiliste2 · 8 months ago
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You may say I'm a dreamer
– Je veux dire une chose très simple. Willow m’a touché. Sa poésie m’a bouleversé. Parce qu’il y a des voix multiples chez cet homme. Willow n’est pas d’un seul bois. Nous ne sommes pas d’un seul bois, non plus. Et je crois que Robert Willow peut toucher beaucoup de gens car ce qu’il écrit est très beau. C’était un homme libre, qui s’est dépouillé de ses religions successives. Qui étouffait sous les estrades où la discussion n’est pas possible. Il refusait d’être le porte-parole de quiconque. C’était un Noir américain empêtré dans l’Amérique jusqu’au cou, indécrottablement américain et pourtant l’Amérique ne l’aimait pas, l’Amérique ne voulait pas des Noirs. J’aime la poésie de Robert Willow. Et sans doute je l’ai dit maladroitement, et peut-être même que j’ai blessé des gens. Vous savez, quand je suis rentré chez moi, j’ai lu le mot raciste, écrit en grosses lettres, sur ma porte, j’ai été profondément choqué. J’ai une fille, et je l’aime. J’ai une ex-femme, et je ne sais pas pourquoi je vous dis ça, j’ai une ex-femme et je l’aime aussi, je l’aime plus que jamais. Je ne suis pas raciste, c’est une pensée qui m’est absolument étrangère. Je picole trop, c’est sûr, j’ai des problèmes avec ma consommation d’alcool, mais je ne suis pas raciste. Car au fond il n’y a que des hommes. Mais je n’en veux pas à ceux qui ont taggué ça, en fait je n’en veux à personne. Au fond il n’y a que des hommes.
A. Quentin, Le Voyant d’Étampes (p. 367)
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nihiliste2 · 8 months ago
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Talking about my generation (2/2)
Voilà pour nous, ô Juges Très Sévères, dis-je en saluant les grands arbres nus et solennels. J’explorai la maison, ce n’était pas désagréable de m’y retrouver tout seul. L’intérieur était décoré selon les principes d’une rusticité étudiée : poutres apparentes et tomettes à l’ancienne, sauf dans le salon où l’on avait restauré un parquet d’époque, en chêne massif. J’avais été un peu dur avec Marc. Il n’était peut-être pas l’ami le plus démonstratif quand le temps virait à l’orage, mais si l’amitié devait être mesurée à l’aune d’actes concrets il fallait reconnaître qu’il avait bien fait les choses. Je m’installai dans une chambre d’ami qui sentait le miel et le vernis à bois. La femme de Marc avait fait installer des petits ballotins de lavande dans la salle de bain, c’était une attention vraiment louable, elle ne m’était pas destinée mais je l’accueillais comme un cadeau personnel. J’avais besoin de réconfort. Une bouteille de chablis était posée sur la table de la cuisine. Je me souvenais que Marc m’avait dit avec une certaine tension dans la voix qu’il avait quelques grands crus de bourgogne à la cave, et d’autres bouteilles qui appartenaient à son fils, si jamais je voulais ouvrir une bouteille c’était bien sûr possible mais je devais l’appeler avant, pour ne pas descendre le stock de sa progéniture, et épargner certaines pépites qu’il réservait pour des occasions spéciales. Je décidai de respecter cette volonté, par égard pour mon ami (je n’aurais eu aucun scrupule à taper une bouteille au fils, un jeune branleur qui portait un pull noué autour des épaules et affectait des airs de capitaine d’industrie pour la seule raison que son père lui avait trouvé un emploi à la direction juridique de Lafarge, au prix de supplications auprès d’un ancien client qui siégeait au conseil de direction du cimentier français). Je me contentai de prélever une bouteille de vin de table qui traînait dans la cuisine. Puis j’ouvris le congélo et je bénis Marc : le mastodonte Braun était plein comme un œuf, il y avait même de la truite d’Alaska et des langoustines. C’était cela la vie, un environnement conçu exclusivement pour l’homme, comme une cotte parfaitement taillée. Le confort qui n’est pas une cerise sur le gâteau mais le principe qui préside à la conception de chaque objet manufacturé, de chaque meuble, réduisant à sa part incompressible le nombre des mouvements qu’il devait accomplir pour assouvir ses besoins. La nature ne devait pas se mettre en travers des aspirations de l’homme moderne. La chair ferme d’un morceau de truite d’Alaska, c’était tout ce que je voulais connaître du monde sauvage. Il n’y avait rien à faire : j’étais un indécrottable, un irrécupérable fils des années 80. À la demande de Marc, j’avais aéré le premier étage. Dehors, un oiseau s’envola dans un fracas d’ailes et de branches froissées. Je dînai de langoustines sautées à l’ail, que je faisais descendre avec le rouge. J’avais l’impression d’être un palefrenier profitant des vacances de ses maîtres pour se vautrer dans leur lit. Ici personne ne pourrait m’emmerder, et c’était quelque chose de rassurant de savoir que je disposais à Paris d’un congélo, moi aussi, et de vin de table, moi aussi, que je touchais une pension de retraite, pas mirobolante mais pas ridicule non plus. Je pouvais parfaitement décider de laisser le monde à la porte de chez moi, je ne serais blessé par le monde des Hommes que dans la mesure où je la laisserais entrouverte. Il fallait, en d’autres termes, relativiser. Je m’endormis.
A. Quentin, Le Voyant d'Étampes (p. 268)
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nihiliste2 · 8 months ago
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Talking about my generation (1/2)
Je n’avais jamais eu le fantasme du gentleman farmer. J’éprouvais une émotion esthétique devant une scène champêtre de Millet, un socle de vieille charrue, un reportage de Depardon sur les paysans français, au fond je n’aimais guère qu’une représentation et les représentations, je m’en apercevais en vieillissant, gouvernent le monde. J’étais à peu près aussi campagnard que Marie-Antoinette jouant à la bergère. Ma génération était celle de l’abondance, d’une certaine insouciance consumériste, des frigos pleins et des avions pour le week-end, ma génération était celle qui avait achevé de transformer la planète en dépotoir exsangue et malodorant, c’était encore une autre culpabilité que voulait me faire porter Jeanne, sans doute, si nous avions poursuivi nos échanges, et comme souvent elle aurait eu raison.
« Je connais votre génération », avait crié Jeanne, la voix pleine de menaces. Mais la connaissait-elle vraiment ? Voulait-elle vraiment savoir qui nous étions (moi, Marc, Agnès, Nicole et les autres) ? Est-ce que ça l’intéressait seulement ? Je ne peux parler que de moi, mais je crois qu’en parlant de moi je parle de beaucoup d’autres. Je peux dire que ma génération avait entraperçu la rébellion radicale des années 70, c’est-à-dire des années qui ont vu éclore les somptueuses fleurs pourries du punk et du situationnisme, le style berger afghan et les cuirs avec les badges cousus, des années pré-fric, expérimentales, avec la Gauche prolétarienne et des gens qui flottaient très loin dans des ailleurs narcotiques, au son des Ramones et de leur cri débilitant (« Go, let’s go ! ») qui donnait envie de se taper la tête contre les murs en sniffant de la colle. Nous étions trop jeunes pour participer activement à tout ça mais nous l’avons entraperçu en sortant des limbes de l’adolescence, et nous nous sommes réjouis d’en être bientôt. Lorsque nous fûmes en âge d’en être, il était déjà trop tard. Le monde avait changé. La crise s’était aggravée et l’esprit de lucre avait pris le dessus, le cours de l’action révolutionnaire avait croisé celui du baril de pétrole, le révolutionnaire-gangster Pierre Goldman était tombé sous les balles fascistes et le gangster-révolutionnaire Jacques Mesrine sous les balles de l’antigang, et le chanteur des Sex Pistols était mort aussi, et avec eux une certaine idée de l’icône destroy. Les pattes d’eph moutardes et les groupuscules et l’esprit de Mai avaient suivi, balayés aussi, les épingles à nourrice avaient été pour l’essentiel remisés au placard et le monde entrait dans l’ère du pognon sans véritable contre-culture, du moins sans contre-culture qui ne soit pas elle-même suscitée par le marché, ou neutralisée par lui, punk was really dead et il le fut complètement lorsque le critique Alain Pacadis fut retrouvé crevé dans sa chambre de bonne, au petit matin, un jour de 1986.
A. Quentin, Le Voyant d'Étampes (p. 267)
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nihiliste2 · 8 months ago
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Ses contradictions
Si chacun joue le jeu, ils pourront éviter une confrontation trop brutale au réel. Ils pourront éviter cette chose si désagréable : résoudre ses propres contradictions. Dans ma génération, parmi ceux qui avaient défilé entre République et Nation, parmi tous les enfants chéris du mitterrandisme, beaucoup s'étaient droitisés pour des raisons essentiellement économiques. Ils avaient forci, acheté un appartement, deux appartements dont le prix avait quintuplé sous l'effet du boom immobilier. Ils avaient acheté des maisons de campagne. Ils s'étaient félicités lorsqu'un fils d'ouvrier, un socialiste austère et probe du nom de Pierre Bérégovoy avait déréglementé les marchés financiers. Ils avaient acheté des actions, poussé les portes capitonnées des fonds d'investissement, ils avaient de plus en plus d'argent et des nuances s'étaient glissées dans leurs conversations : "Il y a un principe de réalité", "il ne faudrait pas non plus décourager les gens", "bien sûr que je crois à l'impôt, oui, je suis socialiste : mais pas à la fiscalité punitive". Et puis bientôt : "il faut arrêter de faire croire aux gens qu'on peut raser gratis", "on est bien obligés de regarder ce que font les autres", "la concurrence mondiale est une réalité". Arrivés à la cinquantaine, la peau ravinée par les plaisirs, la peau creusée et ravinée, ces hommes et ces femmes prononcèrent des mots comme "le culte malsain de la dépense publique". Les hommes portaient des vestes légères sur des chemises bleu ciel, des chapeaux, des pantalons chino. Ils apparaissaient épanouis par leurs festins de viande, repus de carnages, dans la loge d'un client, à Roland-Garros. Ils ressemblaient tout plus ou moins, dans l'allure générale, dans l'impression qui demeure après que le souvenir d'un visage s'est évanoui, à Dominique Strauss-Kahn. Les femmes étaient encore belles : sous la paupière lourde, les cils sont les auvents d'un vieil hôtel cannois. Les voix épuisées, littéralement brisées par le tabac : tels sont ces hommes et ces femmes qui ont défilé entre République et Nation, et que la vie a comblés de ses bienfaits. A qui la vie n'a jamais demandé de comptes. Lorsqu'on leur présente une tribune révolutionnaire signée de leur main, du temps de leur jeunesse, ils ne disent pas : "je me suis trompé", ils disent : "j'étais jeune, j'étais intransigeant", pleins d'amour pour l'image de leur jeunesse fanée. Présentez-leur un miroir, ils ne diront pas : "j'ai trahi", mais "j'ai appris, la vie professionnelle m'a donné le sens des réalités", pleins d'indulgence pour les hommes et les femmes mûrs et lestés qu'ils sont devenus. Marc avait beau être mon ami, je n'en étais pas moins lucide : il était de ceux-là.
A. Quentin, Le Voyant d'Etampes (p. 207)
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nihiliste2 · 8 months ago
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La reine des souffrances
Je commençais à comprendre ce qu'avait tenté de me dire Jeanne, au Renaissance. Je me rappelais le petit exposé de Léonie sur l'intersectionnalité : la femme non racisée homosexuelle est à la fois oppresseur (en tant que Blanche) et opprimée (en tant que femme et homosexuelle). Tout cela était assez pointu. Dans certaines situations, le jeune militant décolonial ne savait même plus s'il avait le droit de se plaindre. Les identités opprimées entraient en conflit les unes avec les autres. Une femme agressée par une personne racisée pouvait-elle encore prétendre au statut de victime ? Il avait bien fallu hiérarchiser. En gros, la reine des souffrances (la quinte flush, celle qui fermait la gueule de tout le monde) était celle de l'individu racisé. Devant l'homme cisgenre racisé, même un transsexuel blanc s'inclinait : ses propres souffrances lui paraissaient soudain dérisoires.
A. Quentin, Le Voyant d'Etampes (p. 197)
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nihiliste2 · 8 months ago
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Soubassements lubriques
Et même soyons honnêtes jusqu'au bout. Regardons les choses dans une lumière crue. La raison profonde qui me conduisait moi, Jean Roscoff, à vouloir à tout prix faire partie d'une famille, était elle-même lourde de soubassements inavouables. Et le moins négligeable était le suivant : je voulais baiser le maximum de filles. Le plus de filles possible, les plus jolies possible, en échange de mon serment d'allégeance aux forces de progrès. En tout cas cette espérance avait compté dans ma démarche. Il faut le dire. Ou peut-être n'est-on pas obligé de le dire mais alors cette omission doit avoir pour contrepartie une certaine humilité. Et Dieu sait que je n'étais pas particulièrement humble dans ces années-là. Mais c'est encore une présentation trop schématique des choses. Parce que la réalité était plus complexe et plus simple. Elle était chaotique, simplement chaotique. La réalité est le chaos même, une succession de sensations vécues un soir de l'année 1984, quelques mois après la marche des beurs, et quelques semaines après les municipales de Dreux qui avaient vu le Front national faire une percée à plus de 15 % une après-midi où l'envie de baiser culminait dans l'indignation, s'en nourrissait même, la nourrissait en retour. Ma queue raidie dans la chaleur de l'été parisien se dressait contre les idées de la "France moisie", et dans ma jeune tête l'avènement du Front national était vaguement lié à l'interdiction de baiser, Jean-Marie Le Pen était un empêcheur de baiser en rond, un ennemi de la Grande Partouze Générale où les jeunes beurrettes (oui, on disait jeunes beurrettes, c'étaient les années 1980, il faut bien que j'utilise les termes de cette époque si je veux la restituer fidèlement) avaient toute leur place. Jean-Marie Le Pen, c'était une France racornie que j'associais à une forme d'abstinence forcée. Je pense qu'il y avait quelque chose de cet ordre. Evidemment j'étais capable d'articuler plus robustement les raisons de mon militantisme mais il y avait aussi quelque chose dans ce genre-là. Une révolte contre un empêchement mal-défini, un élan brouillon pour le mélange des corps. D'une certaine façon, les modalités de la lutte me séduisaient autant que son contenu. Je voyais dans la lutte antiraciste l'occasion de m'épanouir sexuellement, de sorte que, quelle que soit l'issue du combat contre le Front national, quel que soit le résultat du combat à mort entre les forces de la Réaction maurrassienne et celles de la Vertu mitterrandienne, j'aurais tiré mon coup dans la bataille. Et j'ai conscience que c'est un aveu terrible. Et j'ai conscience que Léonie ne m'aurait jamais pardonné un tel aveu.
A. Quentin, Le Voyant d'Etampes (p. 181)
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nihiliste2 · 8 months ago
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L'hygiénisme sans projet
Et puis peut-être que Marc avait raison mais quand bien même, que devait-on penser d'une société dont la seule obsession est de maintenir les individus en bonne forme physique, qu'est-ce que c'était que cette obsession hygiéniste, cette dictature hygiéniste de merde qui n'était au service d'aucun projet ? Je me souvenais de ce que m'avait dit Bazarove, à l'été 1986 (nous regardions un match du Mondial en terrasse) en attaquant son sixième Picon bière : "Au moins, dans la propagande fasciste de l'entre-deux-guerres, la santé des corps s'inscrivait dans un projet. Elle était une exigence au service de la collectivité, pas une exigence de l'individu au service de lui-même." A l'époque, je m'étais marré. Je n'avais pas vu que ces propos annonçaient sa dérive intellectuelle, je me disais juste qu'il était en roue libre et foutrement sympathique. N'empêche que les évolutions récentes de la société lui avaient donné raison : cette exigence hygiéniste sans projet était d'autant moins compréhensible que la même société encourageait les individus à s'abrutir massivement, elle subventionnait les tablettes distribuées dans les écoles pour désapprendre plus rapidement encore le recueillement, l'ascèse des textes, l'avachissement intellectuel étant maquillé habilement derrière les louanges de l'agilité d'esprit, mon cul. Se maintenir en forme pour soi-même, c'était s'accorder beaucoup d'importance.
A. Quentin, Le Voyant d'Etampes (p. 119)
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nihiliste2 · 9 months ago
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La liberté de pensée sur Internet est d'autant plus totale qu'on s'est bien assuré que les gens ont cessé de penser.
H. Le Tellier, L'Anomalie (p. 363)
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nihiliste2 · 9 months ago
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Lol
En vieillissant je me rapprochais moi-même de Nietzsche, comme c'est sans doute inévitable quand on a des problèmes de plomberie. Et je me sentais davantage intéressé par Elohim, le sublime ordonnateur des constellations, que par son insipide rejeton. Jésus avait trop aimé les hommes, voilà le problème ; se laisser crucifier pour eux témoignait au minimum d'une faute de goût, comme l'aurait dit la vieille pétasse. Et le reste de ses actions ne témoignait pas non plus d'un grand discernement, comme par exemple le pardon à la femme adultère, avec des arguments du genre "que celui qui n'a pas péché", etc. Ce n'était pourtant pas bien compliqué, il suffisait d'appeler un enfant de sept ans - il l'aurait lancée, lui, la première pierre, le putain de gosse.
M. Houellebecq, Soumission (p. 288)
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nihiliste2 · 9 months ago
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Irréductible nostalgie
[...] la nostalgie n'a rien d'un sentiment esthétique, elle n'est même pas liée non plus au souvenir d'un bonheur, on est nostalgique d'un endroit simplement parce qu'on y a vécu, bien ou mal peu importe, le passé est toujours beau, et le futur aussi d'ailleurs, il n'y a que le présent qui fasse mal, qu'on transporte avec soi comme un abcès de souffrance qui vous accompagne entre deux infinis de bonheur paisible.
M. Houellebecq, Soumission (p. 281)
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nihiliste2 · 9 months ago
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Compatir, c'est aimer
Le désir physique, si violent soit-il, n'avait jamais suffi chez moi à conduire à l'amour, il n'avait pu atteindre ce stade ultime que lorsqu'il s'accompagnait, par une juxtaposition étrange, d'une compassion pour l'être désiré.
M. Houellebecq, La Possibilité d'une île (p. 204)
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nihiliste2 · 9 months ago
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Qu'est-ce qu'un chien, sinon une machine à aimer ?
M. Houellebecq, La Possibilité d'une île (p. 177)
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nihiliste2 · 9 months ago
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Canicule 2003
"Des scènes indignes d'un pays moderne", écrivait le journaliste sans se rendre compte qu'elles étaient la preuve, justement, que la France était en train de devenir un pays moderne, que seul un pays authentiquement moderne était capable de traiter les vieillards comme de purs déchets, et qu'un tel mépris des ancêtres aurait été inconcevable en Afrique, ou dans un pays d'Asie traditionnel.
M. Houellebecq, La Possibilité d'une île (p. 88)
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nihiliste2 · 9 months ago
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Jeunesse, beauté, force : les critères de l'amour physique sont exactement les mêmes que ceux du nazisme.
M. Houellebecq, La Possibilité d'une île (p. 71)
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nihiliste2 · 9 months ago
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Pourquoi tant de cohérence ?
A table, le vin aidant, la discussion est légère et décousue, nous sautons d'un sujet à l'autre sans transition et de temps à autre mon regard se perd sur le décolleté de Béatrice, je me demande chaque fois si ses seins sont refaits ou pas (Anna est persuadée que non, moi que oui). Que se passerait-il si, subitement au milieu du repas, au beau milieu de la discussion, je tendais le bras et touchais le haut décolleté de son sein du bout de mon index pour en vérifier la fermeté ? Comme ça, de manière totalement anecdotique. Quelle serait leur réaction ? Denis se lèverait-il pour me mettre son poing dans la figure ou bien le repas se poursuivrait-il comme si de rien n'était ? Pourquoi nous évertuons-nous à n'effectuer que des actes pourvus de sens ? Pourquoi une existence qui n'en a aucun devrait-elle être constituée d'une suite ordonnée de faits rationnels, et pourquoi ne nous mettrions-nous pas subitement à courir dans la rue sur Modern Love comme chez Leos Carax ou Noah Baumbach ? Pourquoi tout doit-il être cohérent quand la vie elle-même ne l'est pas pour deux sous et qu'on peut très bien se réveiller un matin avec un courrier destiné à un type de cinquante ans alors qu'on n'en a que quarante-six ? Pourquoi l'utile, pourquoi l'approprié ? A la fac, lors d'une soirée, se trouvait au milieu de la pièce une fille magnifique que tout le monde entourait, écoutait, couvait du regard, le genre de fille dont l'aura occupe tout l'espace, le genre de fille qui marche lentement sous la pluie alors qu'autour d'elle tout le monde court. Tout à coup, un gars à côté de moi que je ne connaissais pas, et qui était probablement assez ivre, s'était levé, avait traversé la pièce, et lui avait mis son doigt dans l'oreille, comme ça, sans un mot, avant de revenir s'asseoir, stoïque, et personne n'avait rien dit, personne n'avait su comment réagir tant cet acte n'obéissait à aucun repère en vigueur, j'avais trouvé ce geste d'une beauté et d'une poésie admirables, jamais je n'avais vu de geste aussi dépourvu de sens, et ce type que je ne recroiserais plus jamais de ma vie était devenu mon héros en quelques secondes, c'est fou comme je pense souvent à lui. On ne met pas assez le doigt dans l'oreille de la vie. Et je dois être moi aussi passablement ivre pour être traversé par un aphorisme pareil.
F. Caro, Broadway (p. 125)
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