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La linière
Un taxi nous amène à La Linière. Au début, j’ai du mal à croire que nous avons échappé à Mullohand drive. C’est une autre maison qui nous attend ici, juste à trente minutes de voiture. Un paysage neutre qui me rappelle celui de mon enfance. A. dira qu’il y a une odeur de grand-mère dans la chambre, je trouverai ça rassurant, elle trouvera ça moite. Comme j’aurai le nez bouché je m’allongerai simplement sur le lit, sans plus avoir envie de m’en lever. Je sentirai que j’ai atteint un havre de paix, que la maison m’attendait pour me prendre dans ses bras. Je me coulerai dans les draps anciens et brodés en lin, c’est vrai ils seront un peu humides mais j’y serai bien. Je retrouverai les murs recouverts de pitchpin de ma chambre initiale. Le calme souverain. La protection que j’ai cherchée ailleurs, en vain. Il n’y aura aucun bruit que celui des branches de figuiers. Le genou d’A. seul, remplira l’espace de la chambre et habitera l’été.
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Mulholland Drive
Nous n’avions pas cherché où était situé l’hôtel exactement. Nous avions réservé sur le site à la vite, dans un état semi second lié à l’enchantement de découvrir des lieux ouverts et disponibles sur une île si convoitée en été. Nous n’avions pas cherché sur google, ni regardé les commentaires. Nous n’avions pas peaufiné ce voyage, il s’agissait de partir quelque part, là où les plages seraient vastes et l’horizon dégagé. Nous avions fait le choix des îles.
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La nuit le ciel sera moite, les étoiles humides. Nous regarderons la lune, la brume chaude puis nous ferons nos valises avant de ressortir sur la véranda. C’est alors que nous verrons les autres locataires de la maison débarquer de leur 4x4 vers minuit. Un couple d’une cinquantaine d’années.
Avec d’immenses précautions nous les verrons s’affairer dans le coffre pour en sortir une immense cage dans laquelle ils feront entrer leur épagneul selon ce qui ressemblera à un cérémonial mûrement répété. De la lumière crue du parking, la femme au brushing nous lancera en passant « La cage le rassure. Il a peur de dormir sinon ». Nous nous regarderons, et un frisson Mullohand Drive nous parcourra le dos. Plus tard, sortira de la chambre d’en face le minuscule épagneul tenu en laisse par le mari, un homme grand et très blond, revêtu d’un polo Lacoste. Le chien vu de près ne ressemblera en rien à Hannibal Lecter, pourtant au matin, le couple le transportera de nouveau selon le même cérémonial silencieux et prudent dans son immense cage directement dans la voiture. Bizarrement à aucun moment ils ne s’adresseront au chien comme c’est habituellement le cas « tiens toi tranquille, ne t’inquiètes pas » ou en l’appelant par son nom, ils s’affaireront autour de la cage avec une sorte excitation, voire une forme de ferveur, dont l’origine nous échappera.
Nous serons contentes finalement de ne rester qu’une seule nuit.
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Après une heure de car nous avions longé une quatre voies et atterri dans cet hôtel qui marquait le début de l’île. En préambule un parking, en vis-à-vis, un vieux palmier en colère, racorni par les tempêtes de sel. Où était le charmant jardin et la petite table donnant sur la chambre 8 ? La perspective de la photo du site n’avait pas permis de découvrir celles en enfilade, ouverte sur une pelouse famélique, que les estivants foulaient pour parvenir à leur chambre en passant devant nos volets clos.
C’est dans la salle du petit-déjeuner déserte qu’A. a décelé pour la première fois des ressemblances entre cet endroit et Mulholland Drive. Le chien fit son apparition en même temps que le café. Un gros berger hirsute au regard désespéré, trainant une patte fatiguée vers notre table, sommé par la patronne de repartir immédiatement d’où il venait. De ce que nous avions aperçu la veille au soir, il s’agissait d’une cage séparée par le treillis courant sur un mur, jouxtant le jardin de l’hôtel.
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La linière Nous n’aimerons pas les plages de galets, à l’île de Ré, nous porterons des chaussures pour ne pas nous y écorcher. Nous attendrons le retour des Grandes Marées pour connaître le frisson des vagues qui chassent les nuages et recouvrent le sable d’écume jusqu’aux dunes. Alors, devant ce sentiment immense de la mer retrouvée, nous pourrions enfin rentrer.
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