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randomworms · 4 years
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Assaut - Julie Boudillon
J’ai un petit faible pour la forme du conte, lorsqu’elle est récupérée et retravaillée. La forme du conte est comme une patine désuète appliquée à une histoire qui semble inoffensive, pour les enfants. Une littérature qu’on ne regarderait pas de trop près parce qu’au fond, hein, à quoi bon si elle est pour les enfants ?
Je pense à Une nuit pleine de dangers et de merveilles, de Carl-Keven Korb, mais aussi à Les corps ravis, de Justine Arnal, tous deux publiés aux éditions du Chemin de fer. S’agit-il d’un hasard ? Est-ce seulement possible qu’il s’agisse d’un hasard ?
Assaut, de Julie Boudillon (éd. Magnani, 2020), et probablement uniquement parce que je les ai lus quasiment en même temps, c’est un croisement entre Après le monde, d’Antoinette Rychner (éd. Buchet Chastel, 2020), et L’homme qui n’aimait plus les chats, d’Isabelle Aupy (éd. Le panseur, 2020). On y parle de fin du monde mais sous une forme très plaisante.
La cruauté, est dans mon imaginaire ce qui caractérise le conte (avez-vous lu les contes de Grimm et de Perrault avant leur réécriture par Disney ?) Une cruauté incondamnable (innocente, donc ?!), puisqu’elle remplit une fonction édificatrice : c’est grâce à elle que le message passe, que la morale de l’histoire se fait entendre, qu’elle résonne si fort.
Assaut est un conte pour adultes, une fable à l’inverse de la cosmogonie, un titre qui raconte leur extinction. Enfin pour être tout à fait exact, Assaut raconte d’abord la disparition des enfants.
Un soir, des paquebots colorés remontent le cours du fleuve. À leur bord, des géants, qui intiment aux familles de curieux rassemblés sur les berges, d'embarquer et de venir dîner à leur table. Les enfants sont émerveillés, les parents croient à un rêve, une hallucination collective, et s'installent. Après le dîner qui se déroule en silence, il leur faut débarquer, et les paquebots multicolores font demi-tour, les géants s'en vont. Retournés chez eux sains et saufs, les adultes ne reparlent plus de cette soirée étrange, la taisent pour ne pas avoir à l'expliquer, et reprennent le cours de leur vie. Seuls les enfants semblent se souvenir, dessiner, questionner l'arrivée des géants. Face aux évitements des adultes, les enfants deviennent mutiques. Puis, un beau jour, se mettent à disparaître. Tous.
Si Assaut est un conte, c’est un conte bien particulier, car rien n’est expliqué : la leçon est incomplète, Julie Boudillon ne nous fait pas de morale. Ce n’est pas un mode d’emploi inversé, car le drame est inévitable : Assaut raconte la fin du monde connu de ceux qui l’ont laissé advenir, et s’adresse à eux, aux adultes. La lecture d’Assaut nous laisse plein de questions, impuissants, mais surtout passifs. C’est un véritable tour de force poétique duquel je suis sortie songeuse, admirative, avec un léger sourire cruel dessiné sur la bouche, je crois.
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randomworms · 4 years
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Bleuets - Maggie Nelson
“134. Considérer le bleu comme la couleur de la mort me calme. Depuis longtemps je me figure l’approche de la mort sous la forme d’une vague qui enfle - un important mur bleu. Tu te noieras, me dit le monde, m’a toujours dit le monde. Tu descendras dans un enfer bleu, bleu à force de fantômes affamés, bleu Krishna, bleus, les visages de ceux que tu as aimés. Eux aussi se sont noyés. Respirer sous l’eau : cette pensée provoque-t-elle de la panique ou de l’excitation ? Amoureux du rouge, on se taille les veines ou on se tire une balle. Amoureux du bleu, on remplit ses poches de cailloux bons à sucer et on se dirige vers la rivière. N’importe laquelle fera l’affaire.”
J’ignore depuis quand, mais lorsque je suis angoissée, je rêve d’eau. Réveillée et si je dois me souvenir, je dis que je fais souvent le même rêve, ou que je l’ai fait plusieurs fois. Je pourrais jurer, mais je doute si j’y pense trop fort. Je me souviens il y a très loin d’un cauchemar : la fiat uno de Maman qui fait une embardée sur le chemin entre Strasbourg et Sélestat, et la voiture prend l’eau. Ce n’est pas comme dans les films, il n’y a pas de musique qui fait peur, mais surtout on s’en sort sans rien de particulier, juste penaudes. Ce n’est jamais arrivé, mais pendant longtemps j’ai cru que ce n’était pas un souvenir de rêve, simplement un souvenir.
Aujourd’hui ou les année précédentes, je rêve de raz-de-marées. Des châteaux sur la plage tandis que les plus courageux courent dans les vagues, toujours plus hautes. Mais à un moment il n’y a plus d’eau, toute l’eau s’est retirée au loin, pour former le rideau qui avance, qui empêche de voir le ciel, qui s’effondre. La plage n’est pas assez large pour accueillir cette vague, qui va tout emporter au-delà.
Une autre fois c’était la montée des eaux : je crois me souvenir que ce je n’ai rêvé qu’une seule fois de la lente submersion, qui commençait dans les rez-de-chaussée. Je crois que le plus souvent il s’agit du raz-de-marée, violent.
Se souvenir d’un rêve quand on en sort, ça arrive. C’est plus facile quand on se réveille en sursaut. Toujours le rêve se termine sous l’eau, je crois. Mais en lisant Maggie Nelson : “Respirer sous l’eau : cette pensée provoque-t-elle de la panique ou de l’excitation”, je me souviens, il me semble que je me souviens, pour la première fois je me souviens, réveillée, d’une autre partie du rêve : plus que je me souviens j’apprends, je redécouvre, ça y est je suis dans mon lit je lis Maggie Nelson et soudain je sais qu’avant de finir le rêve sous l’eau, je ne me noie pas. Sous l’eau, submergée, alors que je dois étouffer parce que l’oxygène vient à manquer et qu’il n’est pas question de remonter à la surface, invariablement, j’inspire par le nez et au lieu de l’eau c’est un peu d’air qui vient. Alors je sais que je ne vais pas me noyer, et que je tiendrai sous l’eau le temps qu’il faudra. Je crois que c’est à ce moment-là que je me réveille, car j’ai beau chercher ce soir, après ça je ne me souviens plus de rien.
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randomworms · 6 years
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Being prepared for the weekend.
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randomworms · 6 years
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3ème étage palier de gauche. #besançon #restesdété (à Besançon, France) https://www.instagram.com/p/BndhyquFe-y/?utm_source=ig_tumblr_share&igshid=11y5ow9guffbw
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randomworms · 6 years
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Méditation
Il y a peu de choses aussi fascinantes que de regarder les plantes pousser et la pluie tomber par la fenêtre et les plantes pousser,dans l’encadrement qui elles aussi regardent par la fenêtre. Elles regardent toute la journée, elles regardent quand il ne pleut pas aussi, sauf que pour elles, quand il ne pleut pas il se passe quand même des choses, par la fenêtre.
Les plantes sont autrement plus patientes que nous, et la non-pluie n’est pas un non-événement. Peut-être que quand il ne pleut pas les plantes regardent la lumière tomber. Spectacle étrange et calme pour nos yeux, mais si le cerveau s’y met et convoque un maigre bagage de connaissances en sciences physiques, une chute extrêmement violente.
Le c minuscule vaut souvent pour la vitesse de la lumière, célérité (presque un joli prénom) est égale à trois fois dix puissance huit mètres par seconde. Notre lente chute de la lumière est une des choses les plus violentes qui soient et l’homme est trop balourd et occupé pour le réaliser.
Et peut-être que les plantes, comme des voyeurs ne pouvant détourner le regard d’un accident de voiture, assistent à ce spectacle apocalyptique toutes les journées où il ne pleut pas.
Pourquoi dit-on d’un état qu’il est végétatif quand un bonhomme se retrouve cloué à un lit d’hôpital des tuyaux dans la bouche ? En plein été d’un matin à l’autre dans l’encadrement de la fenêtre rien n’est pareil. Les racines aquatiques courent, de nouvelles feuilles se déploient lentement, des bourgeons apparaissent sous les cicatrices des tiges coupées.
Il y a peu de choses aussi fascinantes que de regarder les plantes pousser. S’émerveiller donc devant la vie qui silencieusement grandit, sourde dans l’eau les racines les tiges les feuilles. Donnez-leur de la lumière et de l’eau et les plantes blessées se soignent, la vie fait son chemin dans de nouvelles dérivations, trouve de nouveaux chemins par où passer, prendre des forces, s’agripper. La même chose coule en moi et en tous les autres. La même persistance, la même ingéniosité malgré moi. De l’eau et de la lumière et les membres peuvent repousser. La vie trace de nouveaux chemins.
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randomworms · 6 years
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L’odeur de lait derrière l’oreille du père
Un souvenir esthétique quand il était temps d’écrire les premières histoires sur les premiers monstres. Cette odeur de lait, cette odeur d’enfance, est une construction, pas un souvenir. Il ne s’agit pas de savoir si elle a effectivement été trouvée là un moment puis oubliée, ou si c’est seulement plaisant à imaginer. Un jour donc il a été question de l’odeur de lait, l’odeur d’un enfant déposée derrière l’oreille d’un père.
Dans ses bras, je l’y avais déposée, pas encore définitivement capable de marcher. Un savoir par intermittence oublié le temps d’un sommeil puis retrouvé après un énième apprentissage ce mois-ci, puis perdu à nouveau mais pas trop loin, facile à retrouver jusqu’à ce que le corps puisse à jamais se souvenir. Avant la confirmation, juste avant qu’il n’y ait plus de raison valable de me porter, cette odeur déposée derrière son oreille, malgré lui qui a du prendre ça pour un simple claquement de bisou, un bisou d’enfant qui claque sur la peau élastique. Cette odeur c’est un secret, une boîte à trésors enfouie dans une parcelle de jardin dont seul l’enfant connaît la localisation. On a déménagé ensuite plusieurs fois, la succession des locataires peu intéressés par l’entretien de la pelouse a fait que la capsule n’a jamais été retrouvée. Des femmes que le père enlaçait de temps en temps ont pu parfois croire déceler une subtilité à cet endroit mais bien vite ont haussé les épaules, effacé le froncement de sourcil. C’est que les femmes ne s’occupent que d’affaires de parfum, les odeurs leur échappent, malgré leur caractère parfois secret.
Le secret est un parfum, et les femmes enlacées par le père avaient décidément le flair pour cela. Les autres enfants ensuite portés par le père ont pu, dans l’absolu, sentir et reconnaître l’odeur de lait chaud et sucré laissée là, après tout, tous les enfants font des baisers qui sentent le lait chaud et sucré. Au moins pour un certain temps. Si il n’y a aucun moyen de savoir combien au juste sont au courant de l’existence d’un tel secret, rien n’a bougé, ni l’odeur ni le secret. Le père porte toujours sur lui le souvenir d’un bisou d’enfant derrière l’oreille.
Aujourd’hui il est question d’autres sortes de baisers déposés derrière l’oreille d’autres hommes. Ces baisers-là sont déposés consciemment, il portent le parfum de femme et sont aussi patients que ceux de l’enfant, mais plus lourds. Parfois ils pèsent sur la nuque et froissent les muscles, alourdissent les rêves, font qu’ils s’appesantissent et débordent sur l’oreiller pendant que tout le monde dort. Ces baisers déposés là de force mais pas à l’insu de l’homme ont un parfum de caramel au beurre salé. Ils sont là pour goûter sucré-salé, comme la cuisine exotique, pour rappeler le parfum d’une journée d’été sur la peau des épaules. Pour que l’homme n’oublie pas la femme. Tout le monde oublie l’enfant jusqu’à ce que l’autre enfant arrive, et les secrets restent secrets sauf pour ceux qui les connaissent déjà, les ont prononcés, répétés, ceux qui en ont fait des secrets, qui les avaient oubliés mais qui avec l’arrivée de l’autre enfant s’en souviennent et se remettent à les protéger. La peau derrière l’oreille du père n’est plus élastique, elle est abimée par toutes les choses et les idées et les odeurs qui ont rebondi dessus, mais le secret est toujours là, et l’odeur de lait tiède et sucré, et le baiser de l’enfant. La peau derrière de l’homme accueille les baisers les parfums  les secrets de la femme. Elle se souvient d’une odeur que la femme qui la crible de baisers et de parfums ne reconnaît pas. C’est que les hommes sont et sentent encore parfois les secrets d’enfants déposés là il y a longtemps. La femme n’a plus qu’à les laisser dormir là, son affaire c’est les parfum, elle est n’est pas inquiète.
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randomworms · 6 years
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The last day of August looked a lot like September first day.
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randomworms · 7 years
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Découverte à la Petite Manufacture, Besançon.
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La forêt.
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randomworms · 7 years
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L'aube (une étude) - 13/10/17
Ce matin, j'ai pu compter sur les doigts d'une main les secondes suspendues avant que le jour se lève. En vrai j'avais un train à prendre, j'ai donc raté le spectacle. Je sais l'explosion de lumière dans ma chambre le matin. Depuis que je dors dans la pièce qui est manifestement orientée plein est, je laisse les volets ouverts la nuit. La plupart du temps je me rendors après avoir cligné des yeux le temps de saluer la lumière doree du jour qui se lève par ciel degagé. C'est le premier réveil d'une longue série, le doux, le silencieux, le plus agréable. Ce matin j'ai tourné le dos à l'aube et ses promesses, il était 7h26 quand j'ai enfilé mon blouson et attrapé les clés. Si je me contorsionne sue mon siège, le spectacle a bien lieu derrière la vitre crasseuse, le jour se lève alors que je file à grande vitesse vers l'ouest. #lejourseleve #tgv #strasbourg #paris #parlafenetre #nofilter Les plus observateurs auront-ils remarqué que si la roue ne tourne pas, la grue oui ? Et que la bonne femme qui grimpe sur le mât de la place des Halles est pétrifiée dans son ascension, même quand presque personne ne regarde ?
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randomworms · 7 years
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randomworms · 7 years
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randomworms · 7 years
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randomworms · 7 years
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randomworms · 7 years
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randomworms · 7 years
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randomworms · 7 years
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Le bleu du ciel la nuit
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randomworms · 8 years
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