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il y a l'orage et une chanson sur l'orage
Je regarde par la fenêtre et il y a le début d'un orage. Les platanes se balancent, pleureuses annonçant l'heure. Des feuilles tourbillonnent comme des hirondelles au bord d'un lac. D'où viennent toutes ces feuilles en plein mois d'août ? Un sac plastique nous joue une scène d'American Beauty, j'ai envie de le prendre en photo mais tout va trop vite. Le pas des gens dans la rue se fait plus pressant. L'odeur de la pluie est partout, pourtant on ne la voit pas.
Il y a cinq personnes le long d'un porche qui ne bougent pas. L'un d'eux fume une cigarette, deux autres regardent leur téléphone. Le premier éclair ne les fait pas broncher. Le deuxième non plus. Ils sont sous un porche après tout, que peut-il leur arriver ?
Si demain il y a un tremblement de terre, l'immeuble ne tiendra pas et la place est trop étroite pour être un refuge. Mais pour le moment, ni tremblement, ni désastre, j'attends l'orage et écoute une autre tempête. C'est si beau quand tout se superpose.
https://open.spotify.com/track/7podKCePfIMQRDDxK71PWC?si=be4a771f83524e95
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Leos Carax ou l'ego trip pavé de mauvaises intentions
Annette, de Leos Carax n'a pas été un film difficile à regarder. La musique de Sparks, Adam Drivers et la beauté des couleurs aident. Pour tout le reste, c'est le naufrage. Cela faisait longtemps que je n'étais pas sorti du cinéma en me disant : c'était vraiment un mauvais film. Ce n'est pas tant l'assemblage, l'humour loupé ou même le jeu des acteurs qui m'a frappé, mais l'intention du film qui ne va pas.
L'histoire est simple : un comique rencontre une soprano, ils s'aiment very very much (une chanson de 6 minutes leur est consacré), ils ont une enfant, il est accusé de frapper ses précédentes partenaires, il tue sa femme, il tue l'amant de sa femme, il fait de son enfant un enfant-star, il va en prison et donne à son enfant des conseils sur la vie très utiles comme : ne contemple jamais l'abysse. La gamine à 8 ans et lui répond ok papa. Fin. Ah oui et sa femme le hante aussi, mais ça ne fait pas trop partie de l'histoire. Toute cette intrigue est en fait un support à un ego-trip masculin loupé. Le personnage principal nous répète tout au long du film : "Regardez-moi, regardez ma noirceur, moi qui ai contemplé l'abysse, moi qui détruis tout, moi moi moi". Un homme blanc cis hétéro qui se regarde le nombril doit vraiment avoir quelque chose de nouveau à dire pour considérer que cela vaut le coup qu'on passe 2h20 à ses côtés. Et ce n'était pas le cas. On est sur une victimisation d'un mec qui tue sa femme et qui est finalement dénoncé par sa fille ("daddy kills people", scène qui entre dans mon panthéon personnel des navets).
Dans la liste des choses que j'ai le plus détesté dans ce film : - l'absence total de personnalité des personnages féminins (qui ont d'ailleurs le même prénom sous prétexte d'être mère & fille) ainsi que le codage de couleur en vierge Marie (bleu et blanc). Elles ne sont qu'un miroir au personnage masculin, qui a besoin d'aimer quelque chose. Et qui quand il aime, devient "malade". Il y a tant de choses à dire sur notre passion pour les romances toxiques et à la place on nous dit ... rien de nouveau - le fait que tout soit décrit, rien ressenti : Leos Carax fait un essai sur le cinéma, pas du cinéma - la multiplicité des thèmes jamais aboutis (violences domestiques, #metoo avec des actrices qui témoignent, le lien audience, l'exploitation des enfants dans le spectacle, la critique des comédies musicales lisses) - l'humour très mal maîtrisé sur les violences domestiques (vraiment, si tu vas dans cette direction, il faut bosser) - le fait que le personnage d'Adam Driver devienne de plus en plus laid avec la descente aux enfers du personnage. Ça et les deux tâches de vin sur son visage qui représentent ses meurtres ... franchement ? - le fan service Adam Driver : la scène est mauvaise ? Et si on mettait Adam Driver à moitié nu ça passera mieux
Bref, si vous voulez me faire changer d'avis n'hésitez pas à m'écrire, car après avoir lu les critiques de rotten tomatoes je me pose des questions.
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plus vite
Je voudrais courir plus vite et tout enchaîner sans jamais toucher terre ou alors délicatement du bout du pied comme dans un jeu vidéo, qui ne serait rien d'autre qu'un pingpong avec moi-même, plus minimaliste encore que deux traits et une balle quelque chose comme une vidéo youtube en accéléré pour aller plus vite alors qu'à la base on ne pensait même pas la regarder, cette vidéo, la vitesse c'est relatif quand tout est en mouvement, à l'intérieur à l'extérieur dans un grand brouhaha ; pour faire cesser les voix j'ai choisi d'oublier c'est pratique mais sans la ventouse les choses remontent au moment où on s'y attend le moins et si le temps est relatif comme la vitesse il y a quand même des moments où c'est vraiment mal choisi et l'oubli se fait plus difficile à chaque fois, mais on renaît quand même, avec moins de classe que Lady Lazarus, tout de même les écailles se dorent et le cuir s'épaissit ;
j'avance mais pas vous et je vous attends et vous me dites de très loin, comme des années-lumière : "en fait on ne pourra pas, ce n'est pas toi c'est nous" et puis moi, je pense bien sûr c'est vous, mais je suis déjà ailleurs et je vous dis que je m'en fous, en vrai ça me brise, mais j'ai peur de votre pitié alors je cours un peu plus vite et je voudrais courir beaucoup plus loin, le vent se densifie tout autour et je me dis : qu'importe tant que mon cuir tient, le reste tient, j'ai les épaules larges et un sourire en travers, ça devrait suffire, pour traverser.
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prendre et tomber
Il est 20h20 quand mon cerveau décide de me quitter, c'est la seule chose pour laquelle il est doué : reconnaître les jolies dates, aligner les heures et décider d'un moment précis pour partir dans le décor, ou plutôt juste au dessus du décor dans les coulisses immobiles, les décors changent tout le temps les coulisses restent, on ne change pas on met juste des litres de peinture sur notre face qui s'écaille un peu, mais moi j'apprende à être mes écailles, rien de plus qu'une coquille vide qui dérive dans l'espace, je prends ma main elle est pleine de vide,
j'adore prendre les gens par la main me dit un ami, sa main est douce et sa douceur me gêne, car moi je suis comme C. et je tombe amoureux des gens quand je prends leur main, c'est un automatisme, comme un levier qui s'actionne en coulisse, mais il est tard et mon cerveau ne sait pas l'heure qu'il est alors pour cette fois j'abandonne mon ambition de n'être qu'un décor.
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prendre et tomber
Il est 20h20 quand mon cerveau décide de me quitter, c'est la seule chose pour laquelle il est doué : reconnaître les jolies dates, aligner les heures et décider d'un moment particulier pour partir dans le décor, ou plutôt juste au dessus du décor, dans les coulisses immobiles, les décors changent tout le temps les coulisses restent, on ne change pas on met juste des litres de peinture sur notre face qui s'écaille un peu, mais moi j'apprends à être mes écailles, rien de plus qu'une coquille vide dans l'espace qui dérive, je prends ma main elle est pleine de vide,
j'adore prendre les gens par la main me dit un ami, sa main est douce et sa douceur me gêne, car moi je suis comme C. je tombe amoureux des gens quand je prends leur main, c'est un automatisme des coulisses que je n'arrive pas à régler, mais il est tard et je ne sais pas quelle heure il est donc mon cerveau ne sait plus quoi faire et je me dis que pour cette fois, on abandonnera notre ambition de n'être qu'un décor.
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ligne de tête
Je peux te dire où tu vas quand tu ères j'ai suivi les lignes de ta main je connais ton destin je lis les lettres de craie sur ton front qui s'effacent au rythme de tes larmes et brouillent ta vision
et tu penses que la plaque de marbre avec ton nom est un accomplissement une mort sans mort
et moi je ris parce qu'on est les mêmes personnes et que je te parle dans ma tête et que j'ere mais que je n'ai pas de mains et pas de lignes rien qu'une tête et un cœur, je tire la corde du pendu et je me dis : c'est peut-être un bon signe au tarot.
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ligne de tête
Je peux te dire où tu vas quand tu ères j'ai suivi les lignes de ta main je connais ton destin je lis les lettres de craie sur ton front qui s'effacent au rythme de tes larmes, et tu vois la plaque de marbre avec ton nom comme un accomplissement une mort sans mort et moi je ris parce qu'on est les mêmes personnes et que je te parle dans ma tête et que j'ère mais que je n'ai pas de mains et pas de lignes rien qu'une tête et un cœur, je tire la corde du pendu et je me dis : c'est peut-être un bon signe au tarot.
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le zéro et l'infini
Les petits font des roues arrière et touchent le néant du bout des doigts, ça leur apprendra me dit une collègue, comme si on pouvait apprendre quoi que ce soit du néant, il faut ne jamais avoir contemplé l'abîme pour penser que la mort fait grandir, la mort rapetisse, regarde tes fantômes, ils tiennent dans le creux de ta main, minuscules formes évanescentes qui te racontent qu'un jour peut être il y a longtemps, tu as été aimé, je l'ai oublié car j'oublie tout ça me protège, et parfois je regarde le passé derrière mes deux épaules -bismillah- et j'entends les voix me dire on ne revient jamais à la case départ, on fait juste le tour, plein de fois, on évite le néant à chaque fois, alors je regarde les virages et je me dis que je suis bientôt arrivé.
poesie
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des tickets de caisses éparses et des chutes en merveille
Ce n'est pas vraiment que je tombe plus qu'avant. C'est que je documente mes chutes, sur des tickets de caisse, sur des certificats administratifs, sur la semelle de ma chaussure, sur toutes les surfaces suffisamment lisses pour que j'écrive : ici j'ai tombé. Ici, le sang de mes genoux et la tête en fragmentation. Ici, les tornades dans le cœur et les pensées galopantes. Assemblées, toutes ces notes forment un château de chutes que je visite de temps en temps.
Un jour je ferai un palais de mes relèves.
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La ville morte / épisode 17 - Michelle Guervich & la station service
Le karcher glisse sur les vitres de la voiture, je reste dans l'habitacle. Michelle Gurevich chante en filigrane. Sa silhouette en noir et blanc danse dans les coulées de savon. Son visage se découvre d'une fenêtre à l'autre. Elle a les yeux fermés, elle me chante un secret, entre deux mouvements, à la fois lents et violents.
Sa voix me berce et me dit : c'est ok de ne pas aller bien. Plus loin, deux gamins courent sur le parking. Sautent, tournent, pas chassés. Le petit est en vert, la grande est en blanc. Ses cheveux longs rebondissent à chaque saut. Elle touche, virevolte, loupe le trottoir, se rattrape. Elle effraie le petit en sautant précipitamment sur lui. Il se fige, au bord des larmes, elle prend sa main une seconde. Elle ne lui sourit pas, elle le regarde, intensément. Il ne dit rien. Le jeu reprend.
Dans le box d'à côté, deux hommes nettoient une voiture. Le vieux engueule le plus jeune. Il tourne autour de la voiture et lui dit "les jantes, tu ne les as pas vu les jantes ?" puis enchaîne avec une phrase en arabe, que je ne comprends pas. Il réajuste son kufi blanc, croise ses mains derrière son dos, et recommence à faire le tour de la voiture. Il arbore une figure sévère qu'on sait attendrie.
C'est lui qui a insisté pour que le jeune vienne avec lui. Il l'a pris par l'épaule après le déjeuner et lui a dit : on va laver la voiture. Le jeune avait sans doute d'autres plans, des amis à voir, un film à regarder. Il a envoyé des textos pour annuler.
Il est à l'âge où il sait, maintenant, que c'est que c'est un autre langage pour dire je t'aime.
villemorte
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un bouquet de regards
Un bouquet d'épines s'accroche à ma veste, effleure puis déchire le cuir fin. Mes mains faibles ne retiennent pas les chutes de tissus. La lune reflète ma peau, faible comme le reste.
On ne parle de la sécheresse du lac qu'une fois par an. Le reste de l'année ses eaux boueuses suffisent.
Ma chair tombe en lambeau et découvre mes os, blanc comme la chaux. La lune même se voile, il ne reste qu'une oraison, en murmure.
Dans la vallée, la rumeur des Montages ne tarit pas. On aurait vu se déposer un chapeau de nuages. Le berger prend son manteau et déploie ses bottes. Les squelettes ne l'effraient pas, il sait que la terre en est faite.
C'est un drôle de jour pour me soustraire à vos regards encore, un beau jour pour le départ.
poesie
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Une vie rangée / un vide théâtre
Il y a la cuisine ouverte sur le salon, il y a le canapé bleu qu'il faudra bientôt changer, il y a la piscine et la pool house. On visite la maison qui ressemble à un petit théâtre vide, qui n'attend que des spectateurs‧rices. Personne n'est dupe. "On a besoin que des gens viennent pour se sentir chez nous".
Ce n'est pas une cachette, un recoin. C'est une scène. C'est beau une scène, il y a des rideaux, il y a des costumes, il y a des pas claquent sur le sol en rythme avec les émotions. Mais pour le moment, la scène est vide. La maison est vide. Ils ne sont que deux, dans cette immense maison. On visite les multiples chambres et on nous raconte, sans le dire, les histoires qui prendront place : des enfants, un dressing, des pleurs, un chat, des weekends bricolage, repassage, balade du dimanche dans les champs. C'est une jolie vie qu'on nous raconte. Mais pour le moment, la maison est vide, les pièces sont vides, la piscine est bâchée.
Ils sont seuls, dans ce grand théâtre, si grand pour seulement deux.
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des choses bougent
Je vois des choses bouger se détacher du reste de la pièce comme poussées par une main invisible
je cherche un farfadet un djinn n'importe quoi qui expliquerait ces visions stupides
je lis l'histoire de gens avec des visions extraordinaires des vierges Marie des éclats du futur
moi je vois le monde qui tangue sans raison pour rien
les choses manquent de tomber puis se redressent des modifications de gravité malgré notre gravité moyenne peut-être se déforme-t-elle avec le temps après tout les pôles glissent et fondent pourquoi la gravité ne se distendrait-elle pas ou alors s'effriterait par moment et endroit faisant bouger les choses
si le monde dans ma tête bouge pourquoi le monde hors de ma tête resterait-il immobile.
santémentale
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Reprendre une conversation, douze ans plus tard
J'ai repris une conversation, douze ans plus tard. Les quais du Rhône sont parsemés de télétravailleur‧e‧s et d'étudiant‧e‧s. L'air est chaud, on croit enfin au printemps.
J'ai compris l'expression "reprendre une conversation comme si on s'était quitté la veille." On s'est quitté avant le lancement dans la vie étudiante, on se retrouve douze ans après, au début de notre vie professionnelle un peu incertaine. J'ai eu des bribes d'informations durant ces douze ans. Un effiloché de vie qui ne dit pas grand chose. Une réorientation, une thèse, une maladie longue. En cherchant son nom sur internet, j'avais trouvé une photo ou deux, des annonces de colloque, c'était tout. Mes questions essentielles étaient sans réponse : quelles étaient ses opinions politiques ? sa curiosité avait-elle pris fin ? son chien était-il mort ? et sa mamie adorable qui nous accueillait les étés ? Ce genre de questions n'est pas googlable, pas encore. On ne demande pas à un moteur de recherche si ses relations avec son père se sont améliorées ou si sa sœur est heureuse. On pose rarement ces questions en vrai.
Sa voix m'a surpris. C'est la voix de sa mère, si distincte. Pas un accent, mais un rythme, doux et précis. Une voix d'adulte, un peu fatiguée et réfléchie. Je ne me souvenais pas de cette voix là. Mais de quoi je me souvenais ? Ses yeux sont les mêmes, sans doute est-il rare de changer de regard, même en une décennie. Sa stature est identique : grande et mince. Ses habits sont sobres et élégants. Comme quand on était gosse. Enfant, j'étais habillée comme l'as de pic, avec mes habits récupérés à droite à gauche et un goût tout particulier pour l'agencement des couleurs. Alors que ses tenues étaient toujours propres et soignées. Comme les maquettes et figurines qu'on peignait pendant des heures.
La discussion a glissé entre le présent et le passé, le personnel et le général. On a passé en revue nos ami‧e‧s d'enfance, dont je n'avais aucune nouvelles depuis bien plus longtemps. Des gamins, des carrières un peu pétées, des orientations plus ou moins chaotiques. A. est devenu conducteur d'engins dans le BTP, comme son père. T. est devenu pâtissier, comme son père. J. s'est un peu cherché et est maintenant dessinateur-projeteur. E. s'est un peu cherchée, on ne sait pas trop ce qu'elle fait en ce moment. M., depuis son CAP, pas de nouvelles. Elle a eu des gosses, c'est sûr, c'était son objectif même quand on était gamins. On a peu abordé les galères, les vraies. On n'a pas parlé de dépression, ni de la maladie d’Alzheimer de la mamie. Ou alors, par petites touches évasives.
Ses remarques sont mi-douces mi-amères, comme toutes les personnes qui s'engagent dans le monde universitaire. Un directeur de thèse inexistant, une précarité organisée, une conclusion : "je m'en sors bien". Je retrouve son humour et son détachement, déjà si présent quand on était gamins.
C'était une conversation reprise douze ans plus tard. Elle n'a pas dit plus ou mois qu'une conversation entre deux ami‧e‧s installé‧e‧s sur un banc pendant une heure ou deux.
Pour moi, c'était la fin d'une boucle.
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L'accélération
Par moment, vous allez lentement, si lentement. Vos phrases sont interminables, vous répétez les mêmes choses, en boucle. Vous prenez un soin incroyable dans vos gestes, votre diction. Chaque étape du raisonnement est détaillée, comme si vous aviez peur qu'on glisse et qu'on loupe la marche.
Dans la fable du lièvre et la tortue, je sais de quel bord je suis. Je pars vite et fort, je m’essouffle, reviens en arrière, m'arrête, m'effondre. Je vous regarde, vous êtes si loin. Vous êtes arrivé‧e‧s. Vous n'êtes pas arrivé‧e‧s bien sûr. C'est une illusion d'optique. Comme celle d'une forêt compacte quand on la regarde de loin. En se rapprochant, on réalise la distance du paysage. Ce n'est pas l'herbe plus verte. Je vous écoute, je sais qu'on est dans le même gazon cramé. Vous dîtes vos doutes, vos errances, vos attentes. Mais jamais la lenteur du temps.
Je voudrais que tout s'accélère. Les heures sont courtes, il y a tant à faire. Je suis comme un enfant, insatisfait du temps des adultes. J'ai toujours voulu arriver à l'étape d'après. Je veux courir. Plus vite. Avant le temps. Je cours. Je trébuche. Plus je pense aller loin, plus je tombe fort.
J'ai vu Frances Ha de Noah Baumbach il y a quelques mois, sept ans après sa sortie. On suit Frances Ha, une danseuse rêvant de devenir professionnelle, qui glisse à travers les événements : une meilleure amie qui s'éloigne, un boulot de danseuse qui s'éloigne. Frances, jouée par Greta Gerwig, avance en circonvolution là où les autres semblent avancer en ligne droite. Elle s'impatiente. Alors elle court, se prend des portes, en claque d'autres, loupe toutes les occasions, part à Paris, revient, ne lit pas Proust.
Il paraît que c'est l'allégorie parfaite de la sorte de l'adolescence. La fin de la tornade, de l'agitation qui tourne à vide et des brassages d'air. J'en doute. Mais, j'y pense quand je vois vos gestes mesurés et méthodiques. Je me dis : vous non plus n'êtes pas arrivé‧e‧s, vous avez simplement appris, doucement, à vous épargner. Vous avancez à tâtons, sans la fureur des rêves adolescents, mais avec la douceur du quotidien.
Frances tombe, tombe, puis s'accroche à des petits bouts de réalité et remonte. Elle apprend, lentement.
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Je ne sais pas pourquoi je m'attends à aller mieux
Quitte ton travail Impose toi une routine stricte Fais de la course à pieds Le gluten tu sais Est-ce que tu fais du yoga Tu as lu le dernier d'Emmanuel Carrère, il a comme toi La ville aussi, c'est pas un bon environnement
Tous ces conseils deviennent des échecs à l'instant même où ils sont formulés.
Parce que tu as quitté ton travail et que tu ne vas pas mieux Parce que tu cours deux fois par semaine et que tu ne vais pas mieux Parce que tu manges des conneries de lentilles au riz et n'achète plus de sucre raffiné et que tu ne vas pas mieux.
Tous ces conseils deviennent des promesses non tenues. Des petites déchirures parce qu'on a cru à ce serment de la volonté prévaut et l'intendance suivra. Mais elle est en carton notre volonté et l'intendance suit un tout autre chemin.
Alors on se plante. De plein de façons. Dans un virage un peu serré, on n'a pas vu l'arbre, et on se le prend. Ou dans les marais de la mélancolie de l'Histoire sans fin où on regarde une partie de nous s'enfoncer dans la boue sans rien faire. Ça dure un temps.
Puis, nouvelle tentative, pleine de cette bonne volonté absurde. On s'attache le temps qu'il faudra à cette nouvelle promesse. On se dit qu'on ira mieux, cette fois, on ira mieux. Le pacte est absurde, on le sait.
C'est peut-être avec des promesses non tenues qu'on avance.
santementale
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La ville morte - épisode 13 / la fin du monde
La ville morte a connu la frénésie du grand départ pré-confinement une nouvelle fois. Des kilomètres de bouchon le long des deux rives ont créé une panique de klaxons et de cris. Deux personnes, casques sur la tête ont couru sur un boulevard entier après un potentiel voleur. Les intersections étaient bouchées par des voitures optimistes qui pensaient "c'est vert je traverse je m'en fous".
On a acheté des chips et on s'est doucement demandé à quoi allait ressembler cette deuxième fin du monde. Sous l'appartement, le café a une nouvelle fois baissé le rideau de fer. Pas complètement. Juste au trois-quart, de sorte que le gérant sort et entre en se tortillant un peu. Dans le square en bas, on boit des cafés dans des verres en plastique en guettant les derniers rayons de soleil de novembre. C'est plutôt rassurant, cette demi-présence. Juste quelques personnes qui boivent un café dehors. Je me rassurais ainsi, lorsque j'ai croisé une femme dire de manière extatique dans son kit main libre
"Au moins, on est débarrassé des blédards du bout de la rue."
Je ne l'ai pas poursuivie, je ne lui ai pas hurlé dessus. Au milieu du square, je suis restée les bras ballants, comme on se retrouve souvent face à des manifestations si directes de racisme. J'ai regardé ses cheveux lisses calés derrière ses oreilles. Petite taille, sac à dos. Ongles peints, démarche assurée. Un joli portrait de "Mme tout le monde" comme "Mme tout le monde veut voir les nord-africains retourner dans leur pays la nordafrique".
Je n'ai rien de commun avec les hommes du café. Je ne suis pas un homme de quarante ans. Si j'en crois le peu de conversation que j'ai entendu / comprise, contrairement à la plupart, je n'ai pas d'entreprises dans le bâtiment. Rien en commun donc.
Enfants, on se moquait toujours un peu des blédards. C'étaient ceux qui arrivaient en cinquième en parlant un français cassé, qui prenaient des cours de FLE (français langue étrangère), et qui ne savaient pas nager (moi non plus par ailleurs, mais c'était différent).
On était aussi impressionné. Un blédard avait vécu dans un autre pays, savait parler plusieurs langues, contrairement à nous, et se moquait allègrement de nos prononciations. On sait que nos parents, nos oncles, nos grands-parents ont tous été des blédard⋅e⋅s. Leurs manies, leur accent, leur remarque nous le rappelle. Alors on dit blédard avec amour et taquinerie.
"Tu sais, on garde la maison au pays aussi parce que, si ça tourne mal en France, avec l'extrême-droite, on a un endroit où aller."
En entendant la tirade raciste de Mme tout le monde, j'ai pensé à cette maison quelque part. La maison qui nous attend, si la fin du monde nous engouffre.
villemorte
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