Tumgik
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lociincerti · 7 years
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Only god forgives (1) narration
Présentation
Prenons des exemples de films, analysons les autant que le format le permet. Il nous faudra suivre la construction de l'intrigue, dire quelques mots de la matière de ces films, éprouver la cohésion entre elles, puis tenter, à partir de là, une interprétation du film. On s'efforcera ici d'aborder trois films : un film mystère, un film artistique, un film d'industrie, comme j'ai proposé de les appeler. Autrement dit, des films qui s'efforcent de créer une surprise, par l'intrigue en suspens ou par la technique, puis un film qui se contente des cadres qui sont ceux de son genre.
Only god forgives, film de Nicholas Winding Refn sorti en 2013, nous servira ici de modèle de film mystère. Non pas qu'il propose un twist final à la fin, mais tout, dans l'ambiance, l'absence de dialogue, concourt à faire de ce film une énigme. Sa signification, l'identité du policier, qui n'est jamais nommé (Chang), le sens à donner au film, aux scènes et aux personnages, tout cela reste profondément mystérieux.
Le film a été fraîchement reçu. Il a des notes un peu en dessous de la moyenne sur l'ensemble des sites de notation de films, ce qui à faire dire qu'il est quelque peu boudé. Pas seulement parce qu'il aurait été mal compris, mais son rythme lent, son laconisme, le contraste entre lui et Drive, qui l'a précédé, sont autant d'obstacles à un film que beaucoup espéraient accessible à une large audience. Il faut dire que le synopsis fait attendre un film d'action classique (la drogue, le meurtre, l'opposition à la police, les arts martiaux) et seul la présence de Refn à la réalisation incite à plus de prudence. Le titre d'ailleurs est le principal mystère, il nous faudra pouvoir en donner le sens.
Structure et narration
Le film, d'une heure et demie environ, se divise en trois tiers d'environ 30 minutes, séparés par des intermèdes musicaux dans lesquels le policier chante des bluettes romantiques. Le premier, classiquement, installe la situation : la rivalité entre les frères, leur commerce, l'opposition avec la police. Il s'achève avec l'arrivée de la mère de Julian. Le deuxième tiers est centré sur l'opposition entre lui et sa mère d'une part, entre cette dernière et le policier d'autre part. Elle cherche à faire tuer ce dernier, ce qui, au terme d'une enquête rapide, l'amène à se tourner vers Julian et sa mère. Le dernier tiers est celui des confrontations et de la résolution finale. Julian affronte par deux fois le policier et s'oppose à sa mère alors que jusqu'alors, il était soumis.
Générique.
Le générique est très stylisé, montrant simplement, sur un fond noir, le sabre de Chang glisser lentement de droite à gauche, éclairé en rouge orange. Des écritures jaunes apparaissant en cambodgien. La musique est angoissante.
Premier tiers : mise en place de l'intrigue.
Les 30 premières minutes installent l'intrigue et les différents personnages. D'abord les deux frères, le policier, puis la mère. Ces présentations sont l'occasion de montrer les personnages secondaires qui serviront de liens entre eux pendant les deux premiers tiers du film : le père de la prostituée assassinée, le jeune boxeur.
Julian :il apparaît comme un « homme de l'ombre ». La première fois qu'on le voit, il est plongé dans une telle obscurité qu'on ne voit pas son visage, il est seul. Il nous faudra d'ailleurs attendre longtemps avant d'apprendre son prénom. Arrivé dans la salle de boxe, il se tient à l'écart, dans l'ombre toujours, regardant ce qui se passe, que ce soit le match ou le trafic de drogue orchestré par un homme auquel il a fait signe. Il semble détaché, loin de tout, ce n'est jamais lui qui décide, qui parle, qui agit.
Billy : Billy au contraire agit. Il manie l'argent, il gère le trafic, il semble particulièrement préoccupé par le sexe. Lorsqu'il paye le jeune boxeur, il lui conseille de ne pas « tout claquer dans le même bordel » et va ensuite lui-même voir des prostituées, ce qu'il semble appeler son « faire un tour en enfer ». Il paraît être tout le contraire de Julian, modèle absolu de sobriété : il boit trop, il est violent et impulsif, il est corrompu et n'en fait qu'à sa tête. Ce n'est pas une simple prostituée qu'il veut, il en veut une mineure. Il va même jusqu'à demander au premier tenancier de bordel de lui prostituer sa propre fille. Face au refus de ce dernier, il se met à frapper tout le monde. Il marche ensuite, usé semble-t-il d'avoir tabassé les prostituées, et s'arrête devant un deuxième bordel, devant lequel attend une jeune fille.
Chang : Après que Billy soit monté, on voit l'entrée du bordel, une voiture de police garée devant. On voit un homme sorti de nulle part qui marche dans la rue et se dirige vers le bordel. On comprend qu'il est un policier quand il s'arrête longuement devant la voiture, avant de monter les escaliers rejoindre la scène de crime. Lorsque le père arrive identifier sa fille, Chang l'invite à rester. À se rattraper et faire ce qu'il veut. Il découvre en rentrant à nouveau dans la chambre que le père a tué Billy en lui éclatant le crane. Le père de la prostituée est amené dans un terrain vague et semble subir une sorte de procès sommaire. Il plaide son cas devant Chang qui lui laisse la vie sauve pour « qu'il n'oublie pas ses trois autres filles », afin, donc, qu'il ne les prostitue pas à leur tour. Chang, néanmoins, à l'aide d'un sabre qu'il sort magiquement de son dos, lui tranche un bras.
May et première scène onirique : Julian est assis sur une chaise, une jeune femme brune arrive et lui attache les mains. Elle s'assoit au coin du lit, devant lui, puis se masturbe. La scène semble très ritualisée. Une musique mystérieuse monte, la femme est montrée debout, Julian sort de la pièce et marche dans un couloir tapissé de motifs répétés. Il semble marcher dans un labyrinthe. Il s'arrête devant une porte, tend le bras dans l'obscurité de cette seconde pièce. C'est alors qu'on voit le policier lui trancher le bras d'un geste vif. Ce coup coïncide avec l'orgasme de May, toujours assise sur le lit devant Julian immobile sur sa chaise, mais visiblement troublé. La scène s'arrête quand on vient lui apprendre que son frère est mort.
Intermède : On assiste alors à la première scène de karaoké. Chang, sur la scène d'un cabaret aux murs bleus et au plafond constellé de lanternes rouges, chante une chanson romantique. « Je n'oublie pas. C'est éternel comme la lune accrochée au ciel. Je n'oublie pas la saveur de notre amour. Je m'en souviendrai jusqu'à la fin. » « je n'oublie pas malgré les mois, les années. » « je te demande seulement de ne pas m'oublier ».
Crystal : Une femme blonde, habillée en rose, arrive en pleine après-midi à l'accueil d'un hôtel luxueux. Elle se montre inhumaine et insultante avec l'hôtesse quand celle-ci lui dit qu'elle ne peut accéder encore à sa chambre. Elle nous apprend qu'elle est la mère de Billy, dont elle vient récupérer le corps, et qu'elle vient des Etats-Unis. Dans sa chambre, elle se coule un bain avant de se diriger sur le toit terrasse, portant son regard sur la ville.
L'assassin de Billy : par le jeu du montage, on a l'impression que Crystal regarde de loin son fils, celui-ci attend dans un quartier pauvre, adossé à un mur. Le père de la prostituée arrive, conduit par une autre de ses filles, le bras dans un bandage. Lorsqu'il rentre chez lui, Julian et ses hommes le suivent et, le menaçant d'une arme, l'interrogent. Le père raconte alors ce qui s'est passé, mais nous n'entendons pas, une musique oppressante monte, ponctuée de flashs sur Chang et son sabre. Nous voyons alors Chang rentrer chez lui et passer un moment avec sa fille. Ils semblent avoir une discussion sur le comportement de ses poupées. Chang lui demande : « comment savoir qu'elle ne fera plus de bêtise ? » Sa fille lui répond : « en étant sage avec elle ».
Julian et Crystal : Julian se lave les mains dans des toilettes éclairées en bleu. Très vite, du sang coule du robinet : il a du sang sur les mains. Il se retourne et voit Chang. Il se retrouve alors dans le labyrinthe, guidé devant la même porte, mais il prend peur et fuit. Dans la chambre où May s'était masturbée pour lui, il retrouve sa mère. Celle-ci ne comprend pas pourquoi Julian n'a toujours rien fait contre l'assassin de son frère, le traite en moins que rien, est aussi autoritaire avec lui qu'avec l'hôtesse et décide de prendre l'affaire en main, de venger elle-même l'assassin de son fils.
Deuxième tiers : confrontations
Vengeance 1 : Le jeune boxeur du début du film tue l'assassin de Billy. Un homme du club le paye et lui interdit de revenir. Cela est rapporté à Crystal, qui apprend alors l'implication de Chang, qu'elle envisage immédiatement de tuer.
Diverses facettes de Julian : Julian, assis sur un canapé, regarde May, debout dans un coin de la pièce derrière un rideau de perles. Il s'imagine s'approcher d'elle, glisser sa main à travers le rideau de perles pour atteindre ses cuisses. Mais un homme rit à l'autre bout de la pièce, le sortant de sa rêverie. Il se lève alors, lui éclate un verre au visage et le traîne par la mâchoire jusqu'à la sortie.
Julian et Chang : Julian écoute, stressé, la mère du boxeur pleurer sa disparition, accuser un homme parlant anglais. Il se tourne alors vers son acolyte, comme pour l'accuser. Cette scène est interrompue quand on lui annonce la venue de policiers. Julian va les voir, il apprend alors la mort de l'assassin de son frère et rencontre pour la première fois Chang. Celui-ci va voir les jeunes boxeurs, qui se réunissent devant lui pour le saluer avec un très grand respect. Lorsque Chang repart, il regarde longuement Julian avant de dire « ce n'est pas lui » avant de passer les portes. Julian le suit mais le perd très étrangement dans la ville.
Vengeance 2 : Crystal engage un occidental pour tuer Chang.
Crystal et May : Julian offre une robe à May et lui demande si elle voudrait rencontrer sa mère. I veut qu'ils ressemblent à un « vrai couple ». Ils arrivent au restaurant, la mère les attend, seule à table, dans une robe aux motifs animaliers. Elle se montre d'ailleurs particulièrement féroce écrasant, humiliant ses deux invités, commandant même pour eux.
« bon, éclairez moi, May, que faites vous dans la vie ? Je suis hôtesse d'accueil. Et combien de queues à la fois vous accueillez en même temps dans votre charmante boîte à foutre ? Vous en pensez quoi de son travail […] il est dealer. C'est avec ça qu'il peut se payer votre chatte ».
Elle s'attache ensuite à humilier Julian en évoquant le souvenir de Billy. Selon elle, Julian déteste ou est jaloux de Billy, qui lui était un homme et dont la virilité était évidente et fière. Selon elle, Julian se réjouit de la mort de Billy et estime qu'il a mérité ce qui lui est arrivé. Au sortir du restaurant, Julian s'énerve quand May lui demande pourquoi il se laisse écraser de la sorte. Il répond que c'est parce que c'est sa mère et hurle ensuite pour récupérer la robe qu'il lui a donné. Elle l'enlève et la lui tend, mais il ne la prend pas.
Vengeance 3 : L'homme que Crystal a engagé paye des tueurs qui partent à moto assassiner Chang. Mais celui-ci, qui dîne avec des collègues, semble comprendre bien à l'avance ce qui va arriver et parvient à échapper aux assassins. Il court après la fusillade après l'un d'eux, il n'a aucune peine à le suivre, il va même l'attendre au coin d'une ruelle, certain du chemin qu'il empruntera. Il le frappe avec un wok au moment où il passe à son niveau.
Enquête : Chang a interrogé l'assassin qu'il a attrapé, ce dernier l'a conduit dans une sorte de hangar où un homme nourrit un jeune enfant. L'assassin le désigne comme son commanditaire. Quand Chang lui demande pourquoi il a fait ça, il se lève et lui rapporte un bout de papier. Il se dit prêt à assumer les conséquences de son acte, demande juste à ce que son fils soit épargné. Rien ne nous indique que cet homme sera tué, mais l'assassin, qui, lui, implore pour sa vie, sera tué sur place d'un coup de sabre à travers le torse. Il se retrouve ensuite dans un club kitschissime où l'homme engagé par Crystal écoute une chanteuse. Chang le cuisinera pour savoir qui l'a engagé, mais il ne dira rien, juste qu'il a tué son fils et qu'elle a juré de le venger. Il le torture, lui plantant des piques dans les bras, les jambes, lui crevant les yeux et les tympans.
Intermède 2 : Chang chante dans son club mais une musique angoissante masque sa voix. Crystal, Julian et May sont présents, on ne sait pas si la scène est une scène de rêve ou si elle est vraie.
Troisième tiers : résolutions
deux combats : À la fin de l'intermède, Julian et May sortent du club à la rencontre de policiers. L'un d'eux demande à julian : « Sais-tu qui il est ? » Julian, sans répondre, se dirige vers Chang et lui propose un combat. Julian boxe contre Chang qui, sans effort, a le dessus. Le montage semble faire un parallèle entre Chang et la statue dorée du club représentant un boxeur en position. Quand Crystal arrive à son tour dans le club, elle fait face à Chang mais s'enfuie comme terrifiée. À la fin du combat, Chang, doublement victorieux repart. May également quitte le lieu et Julian par la même occasion.
Julian et Crystal : Crystal est terrifiée. Elle sait que Chang va la tuer, elle implore Julian de la protéger. On apprend alors que Julian a déjà, à sa demande, tué son propre père et que c'est pour cette raison qu'il s'est exilé à Bangkok.
« J'ai merdé. J'ai voulu faire honneur à Billy. Et ça va me coûter cher. Maintenant c'est à moi qu'il va s'en prendre et j'ai plus personne pour me protéger. Je sais qu'après ton père et j'ai dit que ne jamais, jamais je te le redemanderai mais juste une fois s'il te plaît, règle le problème pour moi, empêche les de me faire du mal et après ça on s'en va, on rentre ensemble, je serai ta mère comme je l'étais avant. »
Chez Chang : Chang part de chez lui, installe un policier devant la maison pour qu'il surveille et protège sa fille. Julian le tue et attend à l'intérieur avec un acolyte. Ce dernier revêt un visage de mort pour attendre Chang, il veut, conformément aux ordres de Crystal, tuer tout le monde. Julian, lui, ne veut tuer que le policier.
À l'hôtel : Crystal semble écrasée, petite dans le grand canapé, face à Chang. Elle dit qu'elle va partir, reprendre l'avion et s'efforce de rejeter toute la faute sur Julian, elle paraît alors grandir, reprendre consistance et confiance en elle. Selon elle, Julian est un tigre, il est féroce, c'est le pire et le plus violent des fils. « Il n'y a pas plus dangereux que mon fils ». Chang sort son sabre et le plante dans la gorge de Crystal, qu'il laisse pour morte.
Chez Chang : La fille de Chang rentre avec sa babysitter, que l'acolyte tue froidement. Mais lorsqu'il s'apprête à tuer la petite, Julian lui tire dans le dos à plusieurs reprises et le tue. Il repart ensuite, emportant un sabre.
À l'hôtel : Julian entre dans la suite, fait face au cadavre de sa mère. Il lui ouvre le ventre à la pointe du sabre puis, à genoux, glisse sa main dans la plaie, ce qui lui évoque le souvenir de May et la scène pendant laquelle il la regardait à travers le rideau de perles. Chang arrive, ils n'échangent pas un mot.
Jugement : Julian, au milieu d'une forêt, ferme les poings et tend les bras. Chang les tranche d'un coup sec. On entend alors s'élever une musique enfantine. Chang est sur scène, chante pour la dernière fois une chanson romantique : « tu es comme un rêve dans mon cœur, juste un rêve inaccessible comme une étoile dans le ciel immense il est impossible de te saisir. Comme une fleur un symbole d'espoir l'expression d'un rêve »
L'histoire, résumée ainsi, est simple et ne se déroule d'ailleurs que sur quelques jours. C'est un récit de vengeances entrecroisées, avec une enquête au milieu, rapidement menée. Un homme tue une prostituée. Le père de cette dernière assassine l'homme qui a tué sa fille, avec l'aide de la police. Les proches du premier tueur décident de le venger, tuent le père assassin et envisagent de tuer le policier qui a laissé faire. Ils ne parviennent pas à le tuer, celui-ci remonte la piste jusqu'aux commanditaires et tue celle qui voulait sa mort. Mais si l'histoire est simple, tout ce qui entoure l'histoire baigne dans un mystère opaque. Les plans et la musique, les intermèdes et certaines scènes oniriques embrouillent la lecture que l'on peut faire du film. Ce qui fait obstacle, ce n'est pas l'histoire, donc, mais la narration, la manière dont cette histoire est raconté et les vides qu'elle laisse volontairement, obligeant le spectateur à spéculer sur le film, les personnages, les scènes, pour venir combler les blancs de l'histoire.
Ce que nous ferons, justement, d'abord en analysant la matière du film : enchaînement des plans dans quelques séquences, lié à la musique et aux dialogues. Ensuite en abordant les symboliques générales liées aux personnages et à leurs relations. Enfin en proposant une interprétation du film.
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