Tumgik
#mais là on va dans le mur : la sortie par le haut technologique je n'y crois plus
kotkotkoten · 5 years
Text
Merci de ta réponse, @chocostaline
Je reconnais ce discours dans le sens où j’y lis un communisme progressiste technophile, marqué par l’idée que la science peut répondre à tous les problèmes environnementaux. Ca me rappelle le discours pré-Tchernobyl tel qu’il est raconté par les militants anti-nucléaires (c’est dire combien mes repères sont brouillés. Pour les références précises, on repassera.). Dans ta réponse, je vois quelques points questionnables, dont certains sur lesquels je ne suis moi-même pas bien fixé, donc je vais dérouler un peu et on va voir ce que ça donne.
Je commence par le plus marquant : le système que tu décris n’a pas de limite. Qu’il s’agisse de ressources minérales, énergétique ou tout simplement de temps, il y a des limites physiques qui contraignent le développement et/ou la transition de nos sociétés humaines vers un modèle soutenable. Ces limites prennent la forme d’épuisement de stocks non renouvelables ou de lois physiques, et ne pas considérer ces aspects, c’est rentrer dans une forme de croyance scientiste, un aveuglement technologique.
En matière d’énergie, tous les espoirs sur des technologies à venir sont à borner par une limite temporelle. Si une technologie miracle apparaissait demain, il faudrait qu’elle soit peu chère, facilement approvisionable, facilement déployable, très rentable énergétiquement, peu demandeuse en métaux et en énergie pour son installation ou encore adaptable facilement aux infrastructures existantes. Et si elle pouvait en plus être “propre” et “verte”, ça limiterait les impacts environnementaux et ça serait bienvenue. Je ne dis pas que c’est impossible, mais j’affirme que rien que déployer cette technologie sur l’intégralité de la surface de la planète poserait un problème technique important. Et même avec ça, cette énergie ne serait pas infinie car la physique l’interdit.
En plus d’une limite temporelle, on peut rajouter une limite sur les ressources. Tout ce qui existe en stock fini ne pourra pas connaître une exploitation infinie. Là dessus, les métaux et l’énergie sont deux très bons exemples, et ils marchent en duo donc en détaillant l’un je vais détailler l’autre. Par exemple, pour le solaire au Sahara, il faut recouvrir de métal une surface impressionnante, et ça ne se fait pas avec juste “quelques panneaux solaires” ! :’D En plus ce sont souvent des alliages à base de terres rares, très peu recyclés. Et là, le serpent se mord la queue : pour extraire les métaux il faut de l’énergie, et pour extraire l’énergie il faut des métaux. Donc énergie et ressources minérales sont chacune le facteur limitant de l’autre. Alors tu peux aussi espérer qu’on trouvera une technologie incroyable pour recycler les métaux rares, encore une fois je ne peux pas prouver que ça n’arrivera pas, mais ça fait deux technologies miracles en deux paragraphes ! Et c’est basé sur de la croyance !
Écrire ces deux paragraphes me fait dire que je te prête une idée qui n’est peut-être pas la tienne. Quand tu parles de plus d’activité humaine, est-ce que tu entends “plus de croissance” ? Que ça soit de la croissance économique, ou croissance de population. Parce qu’on peut avoir plus d’activité humaine avec une agriculture démécanisée, intensive en main d’oeuvre, qui protège les sols et sans pesticides, mais je pressens que c’est pas ce que tu penses. Je crois que tu appellerais une vision réactionnaire (alors qu’elle peut être parfaitement communiste, mais comme les termes ne s’opposent pas...) ? Une telle agriculture ne permettrait-elle pas de préserver et valoriser le bien commun naturel ? Est-ce qu’on est réactionnaire dès qu’on est critique du progrès technologique ? Comment tu vois la transition écologique ? Avec le monde comme aujourd’hui mais en “vert” ? Avec des mégalopoles et un secteur tertiaire très développé ? Peut-on avoir une croissance infinie dans un monde fini ?
Ca commence à faire beaucoup de questions et je me perds dans les définitions. Avant de conclure je veux juste rajouter un paragraphe sur la nature et les équilibres. Certes, le changement est permanent. Théorie de l’évolution, tout ça, ok. Mais la nature est justement blindée d’équilibres dans tous les sens. Y’a des équilibres physiques, des équilibres chimiques, des équilibres inter et intra espèces... Les écosystèmes sont justement très stables, parce qu’il y a une capacité de régulation et d’absorption des chocs très forte. Ils sont stables car ils sont redondants et résilients. Si une espèce développe (lentement) un caractère lui offrant une meilleure prédation, on va migrer d’une première situation d’équilibre à un second où la natalité des proies va augmenter, où la population en prédateur va peut-être diminuer et le système prédateur-proie va retrouver un équilibre. À l’échelle des individus, on a même l’impression d’un statu quo. Du moins, c’est ce qu’on disait avant l’anthropocène : maintenant l’être humain est devenu une force géologique majeure, et les pressions qu’il exerce sur les écosystèmes ne sont plus absorbables. D’où la rupture écologique qu’on observe, et dont notre activité est la cause première. Là, il y a rupture d’équilibre. C’est pour ça qu’on est instable.
Pour récapituler, l’existence de limites (loi physiques, ressources) mets de sacrés bâtons dans les roues à l’idée d’un progrès technique infini. Sans pouvoir prouver que des solutions miracles n’émergeront pas, il faut avoir en tête que croire en leur existence prochaine relève ni plus ni moins d’un acte de foi.
34 notes · View notes