#never thought i would give une interprétation marxiste de baudelaire but here we are

[aramielles]

J’adore l’enseignement de la littérature au lycée (non) parce qu’on va faire lire Baudelaire et le ramener à « l’alchimie poétique » et faire du beau à partir du laid alors que ce n’est même pas vraiment ça. Beaudelaire crée la poésie à l’état pur à partir d’éléments qui sont triviaux et bas par rapport à la société dans laquelle il écrit. Ce n’est pas prendre du laid pour faire du beau mais sublimer (j’insiste sur le mot et son sens freudien) le bas, le grossier, l’abject. Il écrit dans une société bourgeoise aux mœurs toujours prudes, et lui écrit pour le peuple, pour ceux qui sont oubliés et que l’on considère comme trop miséreux pour comprendre et apprécier la poésie. On pourrait argumenter sur le fait qu’Hugo a fait ça avec les Misérables mais allez regarder le contexte d’écriture du livre aha.

Faire le Beau à partir de l’étrange et du bizarre, et c’est une influence de Poe, incontestablement. Mais l’idée d’élever ce qui n’est pas considéré comme Beau par les normes littéraires et académiques de l’époque, c’est révolutionnaire et quelque chose que l’on ne signifiera pas en cours. Oui, la moitié de ses écrits parlent de sexe, mais justement pour rendre beau ce qui a toujours été considéré par la morale dominante comme un acte sale et comme appartenant de facto au peuple. Sans Baudelaire, pas de littérature française. Sans Baudelaire, pas de Rimbaud, oui mais pas de Céline, pas de Proust, pas d’Aragon et d’Eluard.

Son regard sur ce Beau est bien évidemment porté par son métier de critique d’art, et de confronter les attentes esthétiques d’une classe dominante et de celle pour qui fondamentalement, il écrit.

Prenez À une Dame Créole (iykyk), personne en 1857, n’aurait l’idée d’écrire sur une femme noire ou métisse, encore moins un poème d’amour. Bien sûr, il y a La Charogne mais j’aime l’autre poème pour… reasons. Et les différents Spleen(s), ce ne sont que des doigts d’honneur au modèle esthétique attendu et apprécié à cette époque, dans l’esprit du romantisme.