Les Quatre Filles March - Chapitre 26
Expériences artistiques
Il faut longtemps pour apprendre la différence entre le talent et le génie, en particulier aux jeunes hommes et femmes pleins d'ambition. Amy était en train d'apprendre cette distinction à travers de nombreuses tribulations, car, confondant l'enthousiasme avec l'inspiration, elle s'essayait à chaque branche des arts avec l'audace de la jeunesse. Pendant un long moment elle fit une pause dans sa production de « gâteaux de boue », et se consacra au dessin à la plume, pour lequel elle se montra si douée, que ses œuvres gracieuses se montrèrent à la fois plaisantes et profitables. Mais la fatigue oculaire lui fit délaisser plume et encre pour un apprentissage audacieux de la pyrogravure. Tant que dura cet engouement, la famille vécut dans la peur constante d'un incendie, car l'odeur du bois brûlé envahissait la maison à toute heure ; de la fumée s'échappait du grenier et de la remise à une fréquence alarmante, des tisonniers portés au rouge traînaient un peu partout dans la maison, et Hannah n'allait jamais au lit sans un seau d'eau et la cloche du dîner à sa porte, en cas de feu. On retrouva le visage de Raphaël exécuté sous la planche à pain, et Bacchus sur le dessus d'un baril de bière ; un chérubin en train de chanter ornait le couvercle du seau à sucre, et diverses tentatives de représenter Garrick achetant des gants à la grisette fournirent du bois à brûler pour un temps.
Du feu à l'huile, la transition se fit naturellement pour les doigts brûlés, et Amy se dévoua à la peinture avec une ardeur inextinguible. Une amie artiste lui procura ses anciennes palettes, ses pinceaux et ses couleurs, et elle se mit au travail, produisant des vues pastorales et marines comme on n'en avait jamais vu sur terre ou en mer. Son bétail monstrueux aurait remporté des prix dans une foire agricole, et l'inclinaison périlleuse de ses vaisseaux aurait provoqué le mal de mer chez le marin le plus aguerri, si le mépris total pour toutes les règles connues de la construction de navires et de gréements ne l'avait pas fait se tordre de rire au premier coup d'œil. Des garçons basanés et des Madones aux yeux sombres qui vous observaient depuis un coin du studio ne suggéraient pas Murillo ; des ombres de visages bruns huileux, avec une vive traînée claire placée au mauvais endroit, évoquaient Rembrandt ; des dames à la poitrine généreuse et des enfants boursouflés, Rubens ; et Turner faisait son apparition dans des tempêtes d'orage bleus, d'éclairs oranges, de pluie brune et de nuages pourpres, avec une éclaboussure rouge tomate au milieu qui pouvait aussi bien être le soleil qu'une bouée, la chemise d'un marin ou la robe d'un roi, comme il plaisait au spectateur.
Vinrent ensuite des portraits au fusain, et la famille tout entière était accrochée en rang, l'air aussi sombres et échevelés que s'ils sortaient du seau à charbon. Le trait plus doux des croquis au crayon leur réussit mieux, car les ressemblances étaient nettes, et les cheveux d'Amy, le nez de Jo, la bouche de Meg et les yeux de Laurie furent décrétés « merveilleusement exécutés ». Suivit un retour à la terre et au plâtre, et des moulages fantomatiques de ses connaissances hantaient les recoins de la maison, ou vous tombaient sur la tête de l'étagère du placard où ils reposaient. Elle persuada des enfants de lui servir de modèles, jusqu'à ce que leurs récits incohérents de son comportement mystérieux donnent à Miss Amy la réputation d'une jeune ogresse. Toutefois ses efforts dans ce domaine prirent fin brutalement à la suite d'un incident qui refroidit ses ardeurs. Manquant pour un temps d'autres modèles, elle entreprit de mouler son propre pied, et la famille fut un jour alarmée par des chocs étranges et des cris ; et, venant à la rescousse, trouva la jeune enthousiaste en train de sauter à cloche-pied dans la remise, le pied solidement pris dans une bassine pleine de plâtre qui avait durci avec une rapidité inattendue. On la tira de là, avec beaucoup de difficultés et quelque danger ; car Jo riait tellement tandis qu'elle creusait qu'elle planta son couteau trop profondément, entaillant le pauvre pied, et laissant au moins un souvenir durable d'une expérience artistique.
Après cela Amy s'assagit, jusqu'à ce qu'une folie du dessin d'après nature la pousse à hanter rivières, champs et bois, pour des études de paysages pittoresques, en soupirant après des ruines qu'elle pourrait copier. Elle attrapa une infinité de rhumes, assise dans l'herbe humide pour croquer « une délicieuse saynète » composée d'une pierre, d'une souche, d'un champignon et d'une tige de bouillon-blanc brisée, ou « une masse de nuages divine », qui ressemblait à une pile de matelas une fois achevée. Elle sacrifia son teint en canotant sur la rivière au milieu de l'été pour étudier les jeux d'ombre et de lumière, et écopa d'une ride sur le nez en voulant s'initier aux « points de fuite », ou quel que soit le nom de la technique qui implique bouts de ficelle et plissements d'yeux.
Si « le génie est une patience éternelle », comme l'affirmait Michel Ange, Amy pouvait certainement se prévaloir de l'attribut divin, car elle persévérait en dépit de tous les obstacles, de tous les échecs, et de tous les découragements, fermement convaincue qu'un jour elle produirait quelque chose digne de l'appellation « grand art ».
Elle apprenait, pratiquait, et profitait d'autres choses en même temps, car elle avait décidé d'être une femme accomplie et attirante, même si elle ne devait jamais devenir une grande artiste. Elle avait plus de succès dans ce domaine, étant l'une de ces personnes capables de plaire sans effort, de se faire des amis partout, et de prendre la vie avec tant de grâce et d'aisance, que les âmes moins fortunées sont tentées de les croire nées sous une bonne étoile. Tout le monde l'aimait, car le tact était un de ses talents. Elle avait un sens instinctif de ce qui était plaisant et correct, disait toujours les mots justes à la bonne personne, faisait exactement ce qui convenait au lieu et au moment, et était si maîtresse d'elle-même que ses sœurs avaient coutume de dire, « Si Amy devait se rendre à la cour sans aucune préparation, elle saurait exactement ce qu'il faut faire. »
L'une de ses faiblesses était son désir d'entrer dans « notre meilleure société », sans être exactement certaine de ce qu'était vraiment le meilleur. L'argent, une bonne situation, des talents à la mode et des manières élégantes, étaient des choses très désirables à ses yeux, et elle aimait à s'associer à ceux qui les possédaient ; confondant souvent l'artifice avec la réalité, et admirant ce qui ne le méritait pas. N'oubliant jamais qu'elle était, de naissance, une dame, elle cultivait ses goûts et sa sensibilité aristocratiques, afin que, le moment venu, elle soit prête à prendre la place dont la pauvreté la tenait à l'écart.
« Milady », ainsi que l'appelaient ses amis, désirait sincèrement être une vraie dame, et en était bien une, au fond, mais elle devait encore apprendre que l'argent ne peut acheter une nature raffinée, que la position ne confère pas toujours la noblesse, et que le véritable savoir-vivre se fait remarquer en dépit des infortunes.
« Je voudrais te demander une faveur, Mamma », dit un jour Amy avec un air important.
« Eh bien, ma petite fille, de quoi s'agit-il ? » répondit sa mère, aux yeux de qui la jeune femme si sérieuse était encore « le bébé ».
« Notre cours de dessin se termine la semaine prochaine, et avant que les filles ne se séparent pour l'été, je voudrais les inviter ici pour une journée. Elles ont très envie de voir la rivière, de croquer le pont en ruine, et de copier certaines des choses qu'elles admirent dans mon carnet. Elles ont été très gentilles avec moi de bien des manières, et j'en suis reconnaissante ; car elles sont toutes si riches, et savent que je suis pauvre, et pourtant elles ne m'ont jamais traitée différemment.
— Et pourquoi le devraient-elles ! » et disant cela, Mrs. March avait ce que les filles appelaient « son air de la grande Marie Thérèse ».
« Tu sais aussi bien que moi que cela fait une différence pour presque tout le monde, alors ne va pas te froisser comme une mère poule dont les poussins se font harceler par d'autres oiseaux ; le vilain petit canard est devenu un cygne, tu sais » ; et le sourire d'Amy était dénué d'amertume, car elle possédait un tempérament aimable et plein d'espoir.
Mrs. March rit, apaisa sa fierté maternelle, et demanda,
« Eh bien, mon cygne, quel est ton plan ?
— J'aimerais demander aux filles de venir dîner la semaine prochaine, pour les emmener aux endroits qu'elles veulent voir - canoter sur la rivière, peut-être - et faire une petite fête artistique pour elles.
— Cela semble faisable. Que veux-tu pour le dîner ? Un gâteau, des sandwichs, des fruits et du café suffiront, je suppose ?
— Oh la la, non ! Il nous faut de la langue froide et du poulet, du chocolat français et de la crème glacée en plus de ça. Les filles sont habituées à ces choses, et je veux que mon déjeuner soit convenable et élégant, même si je travaille pour gagner ma vie.
— Combien de jeunes filles y a-t-il ? » demanda sa mère, qui commençait à avoir l'air grave.
« Treize ou quatorze dans la classe, mais je pense pouvoir dire que toutes ne viendront pas.
— Seigneur, mon enfant, tu vas devoir affréter un omnibus pour les promener.
— Voyons, Mère, comment peux-tu penser une telle chose ; il n'en viendra pas plus que sept ou huit. Je vais louer un chariot, et emprunter le chairabon de Mr. Laurence. » (C'était ainsi qu'Hannah prononçait le mot char-à-banc.)
« Tout cela va coûter cher, Amy.
— Pas tant que ça, j'ai calculé le coût, et je paierai moi-même.
— Ne penses-tu pas, ma chérie, que comme ces filles sont habituées à des telles choses, et que le mieux que nous puissions faire ne sera rien de nouveau, un plan plus simple leur plairait davantage ; cela les changerait, du moins, et serait bien mieux pour nous que d'acheter ou d'emprunter ce dont nous n'avons pas besoin, et d'affecter un style qui ne s'accorde pas à notre condition.
— Si je ne peux pas faire comme je veux, je préfère ne pas le faire du tout. Je sais que je peux organiser tout cela à la perfection, si les filles et toi voulez m'aider un peu ; et je ne vois pas pourquoi je ne pourrais pas, puisque je veux bien tout payer », dit Amy, avec une résolution qui tournerait à l'obstination si contredite.
Mrs. March savait que l'expérience était une excellente professeure, et, quand c'était possible, elle laissait ses enfants apprendre seules les leçons qu'elle leur aurait volontiers facilitées, si elles ne s'étaient pas opposées à ses conseils avec la même vigueur qu'à une purge.
« Très bien, Amy ; si tu es décidée, et que tu t'en sors sans dépenser trop d'argent et de temps, et sans trop perdre patience, je ne dirai rien de plus. Parles-en avec les filles, et quoi que tu décides, je ferai de mon mieux pour t'aider.
— Merci, Mère ; tu es toujours tellement gentille », et Amy s'en fut exposer son plan à ses sœurs.
Meg approuva aussitôt et promit son aide - offrant de bon cœur tout ce qu'elle possédait, de sa petite maison elle-même à ses meilleures cuillères à sel. Mais Jo vit le projet d'un mauvais œil, et refusa tout d'abord d'y participer.
« Pourquoi diable devrais-tu dépenser ton argent, déranger ta famille, et retourner toute la maison pour une bande de filles qui ne se soucient pas de toi le moins du monde ? Je pensais que tu avais trop de fierté et de bon sens pour t'abaisser devant n'importe quelle femme simplement parce qu'elle porte des bottes françaises et se déplace en coupé* », dit Jo, qui, arrachée à son roman au paroxysme de la tragédie, n'était pas vraiment disposée à ce genre d'entreprise.
« Je ne m'abaisse pas, et je déteste autant que toi qu'on me fasse la morale ! » répliqua Amy, indignée, car toutes deux continuaient de s'accrocher sur ce genre de sujets. « Les filles se soucient de moi, et moi d'elles, et il y a beaucoup de gentillesse, de bon sens, et de talent parmi elles, en dépit de ce que tu appelles des "sottises à la mode". Tu te moques de faire en sorte que les gens t'apprécient, d'aller dans la bonne société, et de cultiver tes manières et tes goûts. Pas moi, et je compte profiter au mieux de chaque chance qui se présente. Tu peux faire ton chemin dans le monde le nez en l'air en jouant des coudes et appeler ça indépendance, si cela te chante. Ce n'est pas ma façon de faire. »
Quand Amy affutait ses arguments et vidait son sac elle prenait généralement le dessus, car elle manquait rarement d'avoir le bon sens de son côté, tandis que Jo professait son amour de la liberté et sa haine des conventions de manière si extrême, qu'elle se retrouvait naturellement désavantagée dans la discussion. L'idée qu'avait Jo de l'indépendance, définie par Amy, était si juste, qu'elles éclatèrent de rire, et la discussion prit un tour plus aimable. Bien contre son gré, Jo finit par consentir à sacrifier une journée à « Mrs. Grundy », et à aider sa sœur avec ce qu'elle considérait comme « une histoire insensée ».
On envoya les invitations, presque toutes furent acceptées, et il fut décidé que le grand événement prendrait place le lundi suivant. Hannah était bougonne parce que son travail de la semaine s'en trouvait dérangé, et prédit que « si la lessive et le repassage n'étaient pas faits à temps, rien n'irait bien nulle part ». Ce grain de sable dans le rouage principal de la machine domestique eut un mauvais effet sur l'ensemble de l'affaire, mais la devise d'Amy était « Nil desperandum », et, ayant déterminé ce qu'elle devait faire, elle se mit à la tâche en dépit de tous les obstacles. Pour commencer, la cuisine d'Hannah ne fut pas une réussite. Le poulet était dur, la langue trop salée, et le chocolat ne voulut pas mousser convenablement. Puis le gâteau et la glace coûtèrent plus cher qu'Amy ne l'avait prévu, tout comme le chariot, et plusieurs autres dépenses, qui semblaient négligeables au départ, donnèrent un montant alarmant une fois additionnées. Beth prit froid et se mit au lit. Meg fut retenue chez elle par un nombre inhabituel de visiteurs, et Jo était dans un état d'esprit si partagé que ses accidents et ses erreurs furent nombreux, sérieux et éprouvants.
S'il ne faisait pas beau le lundi, les jeunes filles devaient venir le mardi - un arrangement qui exacerbait encore davantage la mauvaise humeur de Jo et d'Hannah. Lundi matin, le temps était dans cet état incertain qui est plus exaspérant qu'une bonne averse. Il y eut quelques gouttes de pluie, suivies de quelques rayons de soleil, puis d'un souffle de vent, et ainsi de suite jusqu'à ce qu'il fut trop tard pour que quiconque puisse changer d'avis. Amy était debout depuis l'aube, tirant tout le monde du lit et les houspillant durant le petit-déjeuner, pour mettre de l'ordre dans la maison. Elle fut frappée par l'aspect étonnamment minable du parloir, mais sans s'arrêter pour soupirer après ce qu'elle n'avait pas, elle tira le meilleur de ce qu'elle avait, plaçant les fauteuils sur les endroits usés du tapis et camouflant les taches sur les murs avec des statues réalisées de sa main, qui donnèrent un air artistique à la pièce, tout comme les charmants vases de fleurs que Jo disposa un peu partout.
Le déjeuner avait l'air charmant, et, tout en l'inspectant, elle espérait sincèrement qu'il serait bon, et que la verrerie, la porcelaine et l'argenterie d'emprunt retrouveraient la maison sans encombre. Les voitures étaient promises, Meg et Mère étaient toutes prêtes à faire les honneurs, Beth était capable d'aider Hannah en coulisses, Jo s'était engagée à être aussi joyeuse et aimable qu'un esprit absent, une tête endolorie, et une désapprobation décidée envers tout et tout le monde le lui permettraient, et tout en s'habillant avec lassitude, Amy se remonta le moral en pensant au joyeux moment où, le déjeuner une fois terminé, elle partirait avec ses amies pour un après-midi de délices artistiques, car le chairabon et le pont en ruine étaient ses points forts.
Puis vinrent les heures d'incertitude, durant lesquelles elle vibra, du parloir jusqu'au porche, tandis que l'opinion publique variait comme le baromètre. Une vive averse à onze heures avait de toute évidence douché l'enthousiasme des jeunes filles qui devaient arriver à midi, car personne ne vint, et à quatorze heures la famille épuisée s'assit sous un soleil radieux pour consommer les denrées périssables du festin, afin que rien ne soit perdu.
« Pas de doute à avoir quant au temps aujourd'hui, elles vont certainement venir, aussi nous devons nous dépêcher et nous préparer à les accueillir », dit Amy, éveillée par le soleil le lendemain matin. Elle parlait avec détermination, mais en son for intérieur elle regrettait d'avoir parlé du mardi, car son intérêt, tout comme son gâteau, avait perdu de sa fraîcheur.
« Je ne peux pas avoir de homard, aussi vous devrez faire sans salade aujourd'hui », dit Mr. March en entrant une demi-heure plus tard avec une expression de désespoir tranquille.
« Prends le poulet alors, dans une salade, peu importe qu'il soit dur, conseilla sa femme.
— Hannah l'a laissé sur la table de la cuisine un moment et les chats l'ont mangé. Je suis vraiment désolée, Amy, ajouta Beth, qui était toujours la patronnesse des chats.
— Alors il me faut un homard ; la langue seule ne suffira pas, dit Amy avec détermination.
— Est-ce qu'il faut que je coure en ville pour en chercher un ? demanda Jo avec la magnanimité d'un martyr.
— Tu reviendrais à la maison en le tenant sous ton bras, sans emballage, juste pour m'énerver. J'irai moi-même », répondit Amy, qui commençait à perdre patience.
Enveloppée d'un épais voile, et munie d'un charmant panier de voyage, elle se mit en route, pensant qu'un trajet à la fraîche apaiserait son esprit irrité, et la mettrait dans de bonnes dispositions pour les tâches de la journée. Quelque temps plus tard, elle fut en possession de l'objet de son désir, ainsi que d'une bouteille de sauce, pour éviter toute perte de temps supplémentaire à la maison, et elle repartit, bien contente de sa prévoyance.
Comme il n'y avait qu'une seule autre passagère dans l'omnibus, une vieille dame endormie, Amy remisa son voile, et chassa l'ennui du trajet en essayant de déterminer où était parti tout son argent. Elle était si préoccupée par ses notes pleines de chiffres incompréhensibles qu'elle ne remarqua pas un nouveau-venu, entré sans stopper le véhicule, jusqu'à ce qu'une voix masculine dise, « Bonjour, Miss March », et qu'en levant les yeux elle aperçut l'un des amis d'université de Laurie parmi les plus élégants. Espérant avec ferveur qu'il descendrait avant elle, Amy ignora complètement le panier à ses pieds, et tout en se félicitant de porter sa nouvelle robe de voyage, elle rendit son salut au jeune homme avec sa suavité et son esprit habituels.
Ils entamèrent une conversation des plus plaisantes ; car l'inquiétude principale d'Amy fut vite apaisée en apprenant que le jeune homme descendrait le premier, et elle discutait, en faisant montre d'une distinction toute particulière, quand la vieille dame se leva. En se pressant vers la porte, elle renversa le panier, et oh, horreur ! le homard, dans toute sa vulgarité et sa brillance, fut révélé aux yeux bien-nés d'un Tudor !
« Sapristi, elle a oublié son dîner ! » s'écria le jeune homme inconscient, remettant le monstre écarlate en place du bout de sa canne, et se préparant à tendre le panier à la vieille dame.
« S'il vous plaît, non - c'est - c'est le mien, murmura Amy, le visage presque aussi cramoisi que son homard.
— Oh, vraiment, je vous demande pardon ; c'est un spécimen tout à fait admirable, n'est-ce pas ? » répondit le Tudor, avec une grande présence d'esprit et un air d'intérêt sérieux qui faisait honneur à son éducation.
Amy se reprit dans un souffle, déposa fièrement son panier sur le siège, et dit en riant -
« Est-ce que vous n'aimeriez pas goûter à la salade qu'il va faire, et voir les charmantes jeunes filles qui vont la manger ? »
Amy faisait là preuve d'un tact certain, car elle venait de faire appel à deux des faiblesses de l'esprit masculin ; le homard fut aussitôt associé à de plaisants souvenirs, et sa curiosité quant aux « charmantes jeunes filles » détourna son attention du comique faux-pas.
« Je suppose qu'il va en rire et en plaisanter avec Laurie, mais je ne le verrai pas ; c'est une consolation », pensa Amy, comme Tudor la saluait et s'en allait.
Elle ne mentionna pas cette rencontre à la maison (même quand elle découvrit que sa nouvelle robe avait été bien gâtée par la sauce qui avait coulé sur ses jupes quand le panier s'était renversé), mais poursuivit les préparations qui semblaient maintenant plus agaçantes que jamais ; et à midi tout fut à nouveau prêt. Pressentant que les voisins s'intéressaient à ses faits et gestes, elle souhaitait effacer le souvenir de l'échec de la veille par un grand succès ; aussi elle fit venir le chairabon, et partit en grande pompe à la rencontre de ses invitées pour les escorter au banquet.
« J'entends la voiture, elles arrivent ! Je vais aller sous le porche pour les rencontrer ; c'est plus accueillant, et je veux que la pauvre enfant passe un bon moment après tous ces ennuis », dit Mrs. March en joignant le geste à la parole. Mais après un coup d'œil, elle revint avec une expression indéchiffrable, car, l'air plutôt perdues dans la grande voiture, il n'y avait qu'Amy et une jeune fille.
« Cours, Beth, et aide Hannah à enlever la moitié de ce qu'il y a sur la table ; ce serait trop absurde d'offrir un déjeuner pour douze personnes à une seule fille », s'écria Jo en se précipitant vers la cuisine, trop excitée pour seulement s'arrêter pour rire.
Entra Amy, très calme, et délicieusement cordiale envers l'invitée qui avait tenu sa promesse ; le reste de la famille, excellents acteurs, tinrent tout aussi bien leurs rôles, et Miss Eliott les trouva tous hilarants ; car il leur était impossible de contenir tout à fait la gaieté qui les possédait. Une fois le dîner réarrangé joyeusement expédié, le studio et le jardin visités, et l'art discuté avec enthousiasme, Amy demanda un buggy (au temps pour l'élégant chairabon !)et conduisit tranquillement son amie dans les environs jusqu'au coucher du soleil, quand « les festivités prirent fin ».
Quand elle revint, l'air très fatiguée, mais aussi composée que jamais, elle remarqua que tout vestige de la pauvre fête avait disparu, à l'exception d'une fossette suspicieuse au coin de la bouche de Jo.
« Tu as eu un après-midi très agréable pour ta promenade, ma chérie », dit sa mère, aussi respectueusement que si les douze invitées étaient venues.
« Miss Eliott est une jeune fille très gentille, et j'ai pensé qu'elle avait l'air de s'amuser », remarqua Beth avec une chaleur peu commune.
« Pourrais-tu me donner un peu de ton gâteau ? J'en ai vraiment besoin. Je reçois tellement de monde, et je ne peux pas faire quelque chose d'aussi délicieux, demanda Meg gravement.
— Prends tout le gâteau ; je suis la seule ici qui aime les sucreries, et il moisirait avant que je ne le termine », répondit Amy, pensant avec un soupir au généreux assortiment qu'elle avait déployé, pour une telle fin !
« Dommage que Laurie ne soit pas là pour nous aider », commença Jo, comme ils s'asseyaient devant de la salade et de la crème glacée pour la quatrième fois en deux jours.
Un regard d'avertissement de sa mère coupa court à toute autre remarque, et toute la famille mangea dans un silence héroïque, jusqu'à ce que Mr. March remarque avec douceur, « La salade était un des plats préférés des anciens, et Evelyn » - ici une explosion de rire interrompit net « l'histoire des salades », à la grande surprise de l'érudit.
« Emballons tout dans un panier et envoyons-le aux Hummel - les Allemands aiment les douceurs. Je ne veux plus voir tout ça ; et il n'y a pas de raison que vous deviez mourir d'indigestion parce que j'ai été stupide, s'exclama Amy en s'essuyant les yeux.
— J'ai cru que j'étais morte quand je vous ai vues toutes les deux bringuebalées dans le machin-chouette, comme deux petits pois dans une trop grande cosse, et Mère qui attendait solennellement pour recevoir la foule, soupira Jo, exténuée de rire.
— Je suis vraiment navrée que tu aies été déçue, ma chérie, mais nous avons tous fait de notre mieux pour te satisfaire, dit Mrs. March, d'un ton plein de regret maternel.
— Je suis satisfaite ; j'ai réalisé ce que j'avais entrepris, et ce n'est pas ma faute si ça a échoué ; je me réconforte avec cette idée, dit Amy, d'une voix qui tremblait un peu. Je vous remercie tous infiniment pour m'avoir aidée, et je vous remercierai encore plus, si vous n'y faites pas allusion avant au moins un mois. »
Personne ne le fit avant plusieurs mois ; mais le mot « fête » provoquait toujours un sourire général, et le cadeau que Laurie offrit à Amy pour son anniversaire fut un petit charme en corail, en forme de homard, pour accrocher à sa chaîne de montre.
4 notes
·
View notes
Mon premier livre "como la cigarra"
(Il y a quelques années, j'avais commencé à écrire une histoire, sans me rendre compte, l'histoire s'est allongé jusqu'à 3 chapitres, après jusqu'à 6 et jusqu'à 10 et je n'ai pas encore fini...)
L'œuvre s'appelle [Como la cigarra] comme la cigale en Français pour la chanson de la chanteuse sud américaine Mercedes Sosa écrit par Maria Elena Waltz
Cet livre est resté secret pendant longtemps et elle le restera toujours meme si je vais la publier en peu ici dans mon journal/blog intime. Ce petit extrait de l’oeuvre est loin de démontrer la complexité entre ses mots. Personne dans ma famille sait jusqu’à aujourd'hui que je suis entrain de l’écrire depuis 2012. Oui! c’est longue mais je ne suis pas pressé à le finir. Au début, je voulais peut-être un jour le publier. Maintenant, je veux juste prendre le temps de l’écrire jusqu'à mes 50 ans. Le laisser pour mon fils ou ma fille. Qu’elle devient mon légat dans cette vie.
“Comme la cigale” parle sur un voyage à un univers parallèle. Là où personne sait ce qui se trouve, là où seulement l’imagination nous amène. Là où l’inconscient devient réel et où le collectif vont créer un monde au reflet de l’être humain. Là où le temps n’est pas ce qu’il est pour nous. Là où le passé, le present et le future son un. Là où rien est tout et il existe seulement que l’éternel. Cette ouvre n’est pas fait pour plaire le lecteur moyen. Les personnages ne sont pas fait pour plaire ou pour être aimés ou pour s’identifier. Des personnages humains avec pleins défauts, avec de peurs qui vont évoluer ou pas* à fur et à mesure que l’histoire se déroule. Un oeuvre qui commence par la fin et fini par le début pour signaler les boucles vécus. Un voyage existentiel où les beaux retours son le pain de tous les jours. Comme la chanson le dit:
“Chantant au soleil comme une cigale
après un an sous terre,
tout comme le survivant
qui revient de la guerre.”
Voici le prologue et le chapitre 1 traduit en français que je voulais poster ici dans mon journal qui est comme le coté caché de la lune.
Prologue
Un jour 13 du mois appelé par le septième mois romain. Un jeune couple se disputent pour des problèmes économiques. La jeune femme nommée Elizabeth traversait une phase très délicate en étant au huitième mois de sa grossesse. Pendant un certain temps, elle était plus inquiète à propos de certaines choses. Son attention était davantage portée plus dans l'accouchement que sur les loisirs qu'elle pratiquait auparavant. Au fond de ses pensés, elle remettait souvent en question de nombreuses situations; parfois elle se sentait effrayée et inquiète à cause l’accouchement. Elle avait besoin d'attention et de l'affection... se sentir protégée. Mais Rubén qu'était son mari avait toujours la tête ailleurs quand il était devant elle. Le jeune futur père craignait de voir comment changeait sa vie. il avait de plus en plus peur de la suite. Rubén aimait Elizabeth et il aimait son petit en chemin, sinon que ça allait très vite pour lui et quand des choses vont à grand vitesse dans sa vie, il sent le vertige.
Rubén était un ouvrier d’une usine. Il quittait la maison pour aller sur son lieu de travail et il est rentré tous les jours à la même heure; à l'exception du premier de chaque mois où après d’une journée de travail, lui et son salaire mensuel allient en chemin vers le pub du coin. Il passaient du bon temps avec ses amis et il relaxait du stress que la vie et le travail l’ont procuré durant les derniers 30 jours. Au foyer, le problème commençait en plain milieu du mois lorsque l'argent manquait pour les dépenses de base. Elisabeth était épuisée de cette situation à tous les mois. Ils n’avaient pas payé la facture d’électricité et le service téléphonique était plusieurs mois en retard. Les factures débordaient sur la table, beaucoup portant des lettres rouges indiquant «urgent»; certaines enveloppes n’étaient même pas ouvertes parce que les nouvelles qu’elles apportaient étaient déjà connues, justes de dettes. Elizabeth avait pensé plusieurs fois qu'elle en avait marre de vivre de même. Épuisée de voir Ruben tomber dans un vice destructeur, car qu'elle a grandis avec un père alcoolique qui avait frustré sa vie et celle de sa famille. Un père qui a donné à elle et sa famille des souvenirs amers. Elle ne veut plus répéter ceci avec son fils. Il n'aura pas question. Elle décida comme dernier recours d'avertir Rubén pour qu’il puisse prendre conscience de ce qu’il pourrait perdre. Pour qu'il puisse s'en échapper de ceci, d'arrêter de dépenser de l'argent en alcool et de s'amuser de cette manière. Pas pour elle, mais pour son bien à lui-même. Elle ne savait même pas s'il l’était toujours fidèle, il ne connaissait plus Ruben; dans son élan, il lui avait adressé un ultimatum au milieu de la confrontation.
-J'en ai marre de cette situation! -Avec une voix très altérée, regardant directement dans mes yeux, elle continue. -Je dois toujours te dire que nous devons payer les dettes, l'hypothèque, la nourriture. ‘Mais toi! tu t’en fou!..
- Amour s'il te plaît, calme-toi, ce n'est pas bon pour le bébé ... Je vais voir comment je vais faire, calme-toi. -Il a dit en essayant de calmer sa femme.
-Non! Rubén - Elle l'interrompre en demontrant son incrédulité et continua. -La seule chose que tu faites c’est de dépenser de l'argent pour t’amuser. J'espère juste que tu n’a pas utilisé les 5 000 $ pour le dernier versement de l'accouchement…
Rubén se défendant dit:
-NON, non, non tu parles comme si je serais un idiot. En plus, nous avons aussi acheté beaucoup de choses pour notre fils. Ce n'est pas que je dépense tout l'argent non plus! Les choses que nous allons acheter pour notre fils seront vu plus tard. Je travaille toute la journée, je rentre à la maison fatigué, je dois me reposer! C’est sont toujours tes hormones qui te mettent dans cet état ...
Elizabeth ne pouvait pas supporter son cynisme et elle lui a répondu fermement ...
-Non, nous ferions mieux de couper ton plaisir, arrêter de faire la fête avec tes amis qui ne sont que tes amis, car tu leur paies des bières.
Les illusions de Rubén pour avoir un augmentation ou d’avoie un meilleur travail disparaissaient de plus en plus. La discussion devenait de plus en plus forte, à tel point que le volume du son de la télévision où il y avait la nouvelle qu’annonçait la mort d'un architecte et homme politique uruguayen ne pouvait pas faire competition à la dispute du jeune couple.
Élizabeth sachant que rien ne serait résolu; décida de finir avec la discussion et exprime sa peur.
-Je te demande de changer Rubén, s'il te plaît! fais-le pour le bébé. Il y a des jours que tu pues l'alcool, tu ne pouvais même pas bien prononcer les mots. -elle continue à parler avec beaucoup de chagrin et en allant vers les escaliers qui menaient au premier étage, elle continue: -J'ai dû te mettre au lit avec cet état parce que tu ne pouvais même pas marcher, tu étais très étourdie et je me suis fait mal pour ne pas te laisser sur le plancher de l’entrée. -Les yeux larmoyants étaient perceptibles.
Elizabeth continue son discours pendant qu’elle marchait vers l’escalier pour éviter les blessures que cette discussion pourrait créer au sein du couple. Elle a fini pou dire son ultimatum: -Si tu ne fais rien pour améliorer ton attitude et ton problème d’alcool, je pars avec ma mère! - à ce precis moment, sans se rendre compte où elle avait son pieds; elle fait un faux pas sur l’une des marches, perdant l’équilibre et en tombant l’un après l’autre jusqu’à que le plancher du premier étage l’arrêta.
Début
Et il tombe à une vitesse vertigineuse, où le balayage de l’air frappe son corps en le faisant dévorer des bouchées d’air torride qui l’étouffent. Lui rappeler des sensations lointaines. Se sentir présent dans ce monde qu’il avait l’habitude d’ignorer. Rien que de voir le paysage dans lequel il était sur le point de tomber, ça lui donnait la chair de poule. Un homme incontrôlable et contrarié a fait froid qui lui fournissait son corps, à cause de ce sentiment qui ne l’avait pas laissé seul pendant tout le trajet. Qui finirait dans l’un des endroits les plus reculés et indésifiables de ce plan, cette fosse noire, la fosse de l’extinction. Vers un trou noir au milieu d’une telle terre abrupte, un trou noir, si noir que la lumière avait parcouru à peine cet endroit, seuls les rayons extérieurs du ciel brûlant frôlaient
À continuer...
0 notes