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Un dimanche à Roissy-en-France
  L’église Saint-Eloi, à Roissy-en-France
C’est une bourgade dont le nom est mondialement connu. Des centaines de personnes y atterrissent chaque minute et pourtant, elle ne compte que 2800 habitants. C’est un lieu étrange, à la fois bruyant et retiré, agité et calme.
A Roissy-en-France, on échoue un dimanche de mai, dans un hôtel anonyme, pour cause de vols annulés deux fois de suite par la compagnie Air Canada. Une occasion inattendue de découvrir le centre-bourg qui a donné son nom à l’un des principaux aéroports du monde. Car Roissy, ce ne sont pas seulement des terminaux aéroportuaires, des pistes surveillées et illuminées même en pleine nuit, des hangars à pertes de vue et des échangeurs autoroutiers.
Un aperçu de la plateforme aéroportuaire
Des protestations mais pas de ZAD. Roissy, c’est aussi, c’est d’abord un village d’Ile-de-France, site d’un ancien château dont il ne subsiste que quelques cèdres du Liban qui bordent aujourd’hui l’autoroute A1. Le village, autrefois traversé par la Nationale 2 Paris-Maubeuge, vivait tranquillement, voire chichement, jusqu’en 1964, début de la construction de l’aéroport international. Rien ne prédestinait la localité à voir un jour son nom accolé à celui d’un chef d’État pour désigner une infrastructure gigantesque, symbole d’activité économique et de mondialisation. Rien, mais quand même. La commune est située à proximité d’un vaste plateau, une surélévation propice à la construction d’un aéroport, comme il y en a peu à 50 km de Paris.
Au début, à Roissy-en-France, apprend-on sur la page Wikipédia consacrée à la localité, il y eut une certaine hostilité à l’aéroport, des protestations, mais pas encore de ZAD. Et puis tout ceci fut emporté par le bruit des travaux.
Habitat pavillonnaire, comme ailleurs.
Rues pavillonnaires. 44 ans après l’inauguration de l’aéroport, en 1974, Roissy a bien changé. Comme ont changé, depuis les années 1960, les localités de cette taille situées en grande couronne francilienne. Le village est désormais entouré de zones d’activité. Des rues pavillonnaires ont remplacé les domaines agricoles d’antan. Les garages des maisons construites dans les années 1970 sont devenus trop petits pour les modèles que l’on fabrique de nos jours, et les habitants ont pris l’habitude de garer leurs voitures sur le trottoir.
Certaines rues ont cependant conservé un certain cachet, comme en témoignent ces anciennes fermes aux larges porches conçus pour laisser passer les carrioles pleines de produits de la terre. La jolie église Saint-Eloi (photo en haut de page), et son cimetière quelques mètres plus haut, demeurent sans doute le point le plus stable depuis des générations. Des photos-souvenir affichées par la municipalité ravivent ce passé révolu.
Hôtels internationaux et shuttles noirs
Ronflement et fracas. Mais à Roissy, la mondialisation environnante impose ses marques, à travers de multiples signes. A toute heure ou presque, le visiteur ne peut ignorer le ronflement des avions qui atterrissent d’un côté de la ville, et le fracas de ceux qui décollent de l’autre. Un décollage fait nettement plus de bruit qu’un atterrissage.
Ce n’est pas tout. A l’est, l’autoroute ne cesse de bourdonner. La bourgade est sillonnée en permanence de multiples bus, transport public du Val d’Oise, autocars de l’aéroport ou services privés des hôtels qui transfèrent le personnel navigant descendu d’un long courrier. Car on vient à Roissy pour y dormir, de préférence à l’abri d’un double ou d’un triple vitrage. Novotel, Golden Tulip ou Marriott, Mercure, Campanile mais aussi Première Classe : l’industrie hôtelière, toutes classes confondues, a pris ses quartiers dans des bâtiments fonctionnels et interchangeables le long de l’ancienne Nationale 2.
Des affiches de compagnies aériennes exposées à Roissy.
Restaurants gastronomiques. Reflet de cette activité aéroportuaire, le vieux village présente une quantité surprenante de restaurants gastronomiques. Le serveur de The Place, un établissement recommandable situé en marge du centre-bourg, précise : « le midi, on a des déjeuners d’affaires, avec les zones d’activité alentour. Le soir, c’est plutôt des touristes, qui ont un avion à prendre tôt le lendemain, ou ceux qui séjournent en groupe dans un hôtel à Roissy plutôt qu’à Paris. La journée, les shuttles les emmènent visiter la capitale ou Disneyland ». On n’avait pas imaginé que l’on puisse atterrir à Roissy pour séjourner à Roissy. Mais si.
Inventaire. Cette population éphémère de voltigeurs internationaux doit donner le tournis aux habitants. L’entrechoc est permanent, en témoigne ce rapide inventaire: quelques ruches près du cimetière, un parcours piéton en français et en anglais, matérialisé par des clous de voirie, une exposition présentant des affiches des compagnies aériennes. Et puis, devant l’église, une place de stationnement strictement réservée au prêtre, des palmiers au milieu d’un rond-point, une boîte à livres où l’on ne trouve que des romans érotiques. Et enfin ce distributeur automatique, à la pharmacie, où l’on peut se fournir à toute heure en tests de grossesse, préservatifs, gels lubrifiants, et un vibromasseur rose. Pour ne pas s’ennuyer le dimanche à Roissy.
Olivier Razemon (l’actu sur Twitter, des nouvelles du blog sur Facebook et de surprenants pictogrammes sur Instagram).
Distributeur automatique.
                    Des voyages insolites, sur ce blog:
Les 1001 manières insolites de voyager (février 2013)
Ma longue journée dans les bus à trois chiffres (octobre 2012)
Voyage ferroviaire dans la France de 1914 (août 2014)
Deux heures de voyage en autocar, jusqu’au bout de l’ennui (février 2015)
A Graz, en Autriche, le tramway qui traverse la forêt (août 2015)
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infracentre · 6 years
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A Gênes, le pont Morandi, tronçon d’une autoroute stratégique
La ville de Gènes, en août 2017.
L’effondrement du viaduc autoroutier qui s’est produit à Gênes ce 14 août, et qui a fait 30 morts (bilan provisoire) touche un axe essentiel en Italie. Le pont Morandi, un viaduc de plus d’un kilomètre de long et de 45 mètres de haut franchissant le fleuve côtier Polcevera (presque à sec en cette saison), constitue un tronçon de l’A10, l’autoroute des fleurs, « autostrada dei fiori », bien connue en Italie. Il est situé à l’ouest de la ville.
Cet axe longe la côte ligure entre Vintimille, à la frontière française, et la métropole portuaire de Gênes, avant de se prolonger, à l’est, par l’autoroute A12 qui se dirige vers La Spezia, la Toscane et Rome. L’autoroute A10, achevée en 1971, prolonge l’autoroute A8 qui court, en France, entre Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône) et Menton (Alpes-Maritimes). A l’est du pont Morandi, l’A10 rejoint l’A7, qui se dirige vers Milan et la Lombardie, cœur économique de l’Italie du Nord.
Entre mer et montagne. Il s’agit donc de la principale voie routière de cette région qui, comme la Côte d’Azur, est coincée entre la montagne et la mer. L’autoroute A10, perchée à mi-pente sur une grande majorité de son parcours, comporte une succession presque ininterrompue de tunnels et de viaducs, ainsi que des virages. Les automobilistes qui l’ont déjà empruntée savent d’ailleurs que la conduite impose une grande attention, en particulier par beau temps, lorsque les épisodes d’obscurité, dans les tunnels, succèdent à une forte luminosité.
L’axe est bien sûr parcouru par les vacanciers italiens et étrangers, en particulier en ce week-end de l’Assomption, très fêté en Italie, mais aussi, tous les jours, par les habitants de la métropole de Gênes, capitale de la Ligurie, 580000 habitants, 1,5 million pour son aire urbaine. Enfin, l’A10 est parcourue, à longueur d’année, par de nombreux camions.
Dans le centre de Gênes, la « sopraelevata » date de la même époque que le tronçon d’autoroute effondré.
Trafic dense. Ainsi, le trafic est souvent dense et susceptible d’endommager l’infrastructure, bien plus qu’à l’époque de la mise en service du pont Morandi. En 2016, des défaillances avaient été constatées sur l’ouvrage (plus d’informations dans cet article du Monde).
Les travaux de construction, dans les années 1960, constituaient pourtant un exploit technique célébré par l’industrie du bâtiment. L’ouvrage avait d’ailleurs été inauguré en 1967, « en plein miracle économique italien », en présence du président de la République italienne, alors Giuseppe Saragat.
La sopraelevata. Ce type d’infrastructures n’est pas une exception en Italie, et à Gênes en particulier. La capitale de la Ligurie, une cité superbe, est adossée à la chaîne des Apennins. La ville, industrielle et populaire, est striée par les autoroutes urbaines, souvent bâties plusieurs dizaines de mètres en surplomb des immeubles existants.
Achevée à la même époque que le pont Morandi, la « sopraelevata », une « deux fois deux voies » qui longe le port de Gênes (détails ici), barre le paysage urbain de la cité. Les autorités n’avaient pas hésité pour la construire à casser des monuments historiques. Un film tourné lors de la construction, dans les années 1960, montre des ouvriers, en vêtements de ville et à peine coiffés d’un béret, donnant des coups de pioche ou de pelle, sous un soleil de plomb.
Sous la sopraelevata, août 2018.
Conséquences économiques. En conséquence du drame, le 14 août, la ville de Gênes était totalement bloquée, et le trafic ferroviaire, qui passe à proximité de l’accident, également interrompu. Le président de la région Ligurie, Giovanni Toti (Forza Italia, droite), a souligné, quelques heures après la catastrophe, qu’elle allait « avoir de sérieuses conséquences sur toute la logistique du port et de la ville ». De la ville, il fallait emprunter cette autoroute pour se rendre au port ou à l’aéroport. D’autres routes existent, mais elles risquent d’être passablement encombrées.
Olivier Razemon (l’actu sur Twitter, des nouvelles du blog sur Facebook et de surprenants pictogrammes sur Instagram).
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infracentre · 6 years
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Les bornes Autolib’, mobilier urbain à l’abandon
Bornes Autolib inutilisées, Paris, juillet 2018
Ces plots métalliques gris et blancs d’environ un mètre de haut, disposés dans tous les quartiers de Paris et dans une centaine de villes de banlieue parisienne, faisaient partie du paysage urbain depuis 2011. Et ne serviront bientôt plus à rien. La fin du système Autolib’ condamne les 3200 bornes de recharge électrique, ainsi que les totems où s’effectuait la réservation, au probable démontage. Par ailleurs, une partie des voitures Bluecar, chères à Vincent Bolloré, sont déjà parties à la casse, selon le magazine Chalenges.
Personne n’en veut. Juste après l’annonce de la cessation du service, en juin, les élus parisiens et franciliens avaient indiqué que ces bornes seraient mises à disposition des nouveaux services d’autopartage proposés à partir de septembre. Cet article expliquait, fin juin, quelles seraient les conditions pour que les bornes soient réutilisées. Mais, renseignements pris, les nouveaux opérateurs ne peuvent, ni ne veulent, se servir des bornes d’Autolib’. Ce qui ne les empêchera pas d’utiliser les places de stationnement dédiées.
Jeudi 19 juillet, les sociétés proposant des véhicules partagés, de la voiture (Communauto, Renault, Peugeot) à la trottinette (Lime, Txfy) en passant par le vélo (Ofo, Vélib’, Oribiky) et le scooter (Cityscoot, Coup), étaient invités à se présenter sur une place proche de l’Hôtel de Ville de Paris. Il s’agissait, pour la municipalité, de tenter de faire oublier la fin brutale d’Autolib’ et la laborieuse installation des Vélib’, qui devait être terminée fin mars, et alors que la plupart de ces vélos sont encore inutilisables.
Un abri Autolib’, où s’effectuaient les réservations et l’interaction avec des agents. Ici à Boulogne-Billancourt (92).
Ni Peugeot, ni Renault. Or, aucun des représentants des sociétés potentiellement intéressées par les bornes de recharge Autolib’ n’a l’intention de les utiliser. « La recharge des véhicules, on en fait notre affaire », annonce le représentant de Free2Move, le service qui sera proposé « fin 2018 » par Peugeot. « La recharge et le nettoyage seront effectués dans la zone dans laquelle seront disponibles les véhicules », explique la responsable de Moov’in, un service présenté par Renault. Le constructeur proposera à partir de septembre, à une date encore non précisée, 120 voitures électriques, en test, dans deux secteurs, les 11e et 12e arrondissements de Paris et Clichy (Hauts-de-Seine). Mais aucune de ces voitures ne se servira des bornes Autolib’.
On entend le même son de cloche chez Marcel, un service de voitures avec chauffeur appartenant également à Renault et chez Communauto, qui dispose depuis plusieurs décennies de voitures en autopartage dans la capitale, et dont certains modèles sont électriques.
Bornes Autolib’, près de l’Hôtel de Ville, juillet 2018.
Logiciel Bolloré. Les opérateurs expliquent, à l’unisson, que les bornes sont équipées d’un logiciel de pilotage qui appartient au groupe Bolloré, opérateur d’Autolib’ jusqu’à la fin du mois. Ils ne savent pas quand ce logiciel sera remplacé. Autrement dit, les bornes seront bientôt inutilisables, y compris pour les particuliers autorisés à garer, moyennant un abonnement annuel, leur véhicule électrique sur les places Autolib’. Ce logiciel, en pratique « la carte automate contrôlant physiquement les bornes de charge depuis la borne principale », explique un lecteur, pourrait certes être prochainement remplacé, mais la Ville de Paris annonce que le délai sera d’environ « six mois ».
Enfin, ces bornes ne permettent qu’une recharge lente ; il fallait 12 heures pour charger complètement une Autolib’. Or, depuis 2011, la technologie a évolué, de nouvelles bornes sont apparues, permettant d’effectuer 80% de la recharge en une heure environ. En revanche, les opérateurs ont l’intention, à commencer par Free2Move, d’utiliser les places de stationnement dévolues aux Autolib’.
Une borne de « stationnement intelligent », à Nice, en août 2017. Le système a été abandonné en 2016.
60000€ la station. On compte 4 à 5 bornes par station Autolib’, et chaque station a été facturée 60000€ aux municipalités où elles ont été installées.
« Stationnement intelligent ». Voilà qui rappelle le triste sort des bornes de « stationnement intelligent » qui devaient supprimer les voitures ventouse à Nice (lire ici), un système abandonné après trois ans d’existence. Ou les stations du vélo en libre-service de Caen ou Chalon-sur-Saône, tous deux désormais supprimés. On songe aussi aux portiques de la « taxe poids-lourds », dite « écotaxe », démontés après le renoncement du gouvernement Ayrault à cette mesure pourtant votée à l’unanimité par l’Assemblée nationale. Voire au projet d’aérotrain survolant la Beauce sur une rampe en béton. Ceux-là n’avaient même pas servi.
Voici comment les scories des grandes idées oubliées envahissent l’espace public, tel un mobilier urbain à l’abandon qui ne sert plus à rien.
Olivier Razemon (l’actu sur Twitter, des nouvelles du blog sur Facebook et de surprenants pictogrammes sur Instagram).
L’espace public en ville, sur ce blog:
La ligne de désir, ou la ville inventée par le piéton (janvier 2017)
Le bloc de béton, nouveau venu dans l’espace urbain (août 2017)
« Pendant les travaux, vos commerces restent ouverts » (mars 2018)
Le centre-ville d’antan ressemble à un village rêvé… ou à un centre commercial (juin 2018)
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A Faux-la-Montagne, « on ne peut pas se payer le luxe de choisir. Alors, on accueille tous les projets »
Depuis quarante ans, grâce à de nombreuses initiatives, ce village de la Creuse fait figure de contre-exemple de la désertification. https://ift.tt/eA8V8J from zone via web on Inoreader https://ift.tt/2IEmGAX
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infracentre · 6 years
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A Faux-la-Montagne, les habitants se mobilisent pour que perdure la dynamique du village
Depuis quarante ans, grâce à de nombreuses initiatives, ce village de la Creuse fait figure de contre-exemple de la désertification. Un « écosystème » toutefois fragile, que Fallois et Falloises s’emploient à préserver. https://ift.tt/eA8V8J from zone via web on Inoreader https://ift.tt/2IsacAn
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infracentre · 6 years
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Autolib’: chronique d’une déconfiture annoncée
Anne Hidalgo et Vincent Bolloré, en décembre 2014.
Sièges souillés, habitacles empestant la cigarette, ailes enfoncées, et puis ce contrat mal ficelé, l’appétit d’ogre de Bolloré, la concurrence d’Uber… De nombreuses raisons ont été invoquées pour expliquer la pitoyable déconfiture d’Autolib’ à Paris et en région parisienne, confirmée le 15 juin par Catherine Baratti-Elbaz, élue PS de Paris et président du Syndicat Autolib’ Vélib’ Métropole. Mais derrière tout cela, il y eut aussi, dès le départ, des erreurs, des croyances, et une technophilie béate.
Retour en arrière. Après sa réélection en 2008, un an après la mise en service de Vélib’, Bertrand Delanoë ne veut pas être seulement le maire du vélo. Il promet aux Parisiens un service de voitures partagées. Le maire insiste sur le fait qu’il s’agira bien de voitures, « quatre places et un coffre », et qu’elles seront impérativement électriques. Au même moment, ça tombe bien, le groupe Bolloré veut tester sa technique de batteries au lithium-ion à grande échelle. Paris parvient à convaincre plusieurs dizaines de communes de sa périphérie de participer à l’aventure. Le service est inauguré en grande pompe en décembre 2011. Seuls les écologistes, à l’époque, se positionnent contre.
A une période de son existence, Autolib’ s’est constellée de publicités pour tenter de faire baisser le déficit.
Un détail qui a son importance. Et comme on veut être certain que le service sera utilisé, son fonctionnement est calqué sur celui de Vélib’ : l’utilisateur qui emprunte une voiture à une station est libre de la remettre dans n’importe quelle autre. Cette fonction est appelée « one way » ou « trace directe » par les spécialistes. C’est un détail, mais qui explique en partie comment on en est arrivé là.
Lire aussi: « On a raté l’objectif. Autolib’ ne supprime pas de voiture » (mars 2013)
Car Autolib’ ne fonctionne pas comme l’autopartage classique. Pour mémoire, l’autopartage est, depuis les années 1970, une idée simple et belle, quoique totalement marginale : partager une voiture entre plusieurs familles, voisins ou amis. Chacun utilise le même véhicule à tour de rôle, quand il en a besoin, le samedi après-midi pour aller chercher un enfant, le mardi matin pour un rendez-vous professionnel dans un endroit non desservi par les transports, le vendredi soir pour aller au théâtre. Le service s’est progressivement structuré, s’organisant sous forme de coopératives.
Sur ce sujet: Partager une auto, pas (seulement) un truc de bobo (juillet 2012)
De nos jours, Communauto, à Paris, et le réseau Citiz, dans 90 villes en France, en sont ses héritiers. Ces voitures doivent, contrairement aux Autolibs, donc, être remisées à la même station, on appelle ça « en boucle », ou dans un même périmètre, c’est le « free floating », un système qui n’avait pas encore été testé en France en 2011.
Des voitures du réseau Citiz, à Strasbourg
Ce détail, « one way » ou « en boucle », implique qu’on n’utilise pas la voiture de la même manière. L’autopartage « en boucle » se révèle utile quand les autres moyens de transport, métro, RER, vélo, taxi, ne suffisent plus. C’est un service supplémentaire. Y adhérer permet de ne pas posséder de voiture, ou de n’en posséder qu’une seule pour le foyer, au lieu de deux.
Un taxi que l’on conduit soi-même. Être abonné à Autolib’ permet également cet usage. Mais il incite aussi à se servir d’une voiture pour toutes sortes de trajets. On prend la Bluecar pour éviter de descendre dans le métro, parce qu’il pleut, ou juste pour le plaisir de conduire. C’est un taxi que l’on conduit soi-même. Autrement dit, là où l’autopartage « en boucle » amène l’adhérent à se passer de voiture, le « one way » l’incite à l’utiliser davantage. Ce constat sera confirmé par les multiples études menées par le cabinet de conseil 6T. En outre, la voiture grise sert principalement à des trajets à l’intérieur de la capitale, et non dans les communes de banlieue, où elle aurait pourtant été plus utile.
Cet usage d’Autolib’ a pu un moment faire sa force : le service a rapidement gagné bien plus d’abonnés que l’autopartage classique, il est vrai délibérément négligé par la Ville de Paris dès l’avènement de la voiture grise. Mais cet usage a aussi constitué une faiblesse. Le taxi que l’on conduit soi-même a davantage subi la concurrence d’Uber et de ses avatars.
Publicité pour Autolib’, 2018: on voit bien que le service ne vise nullement la réduction de la circulation, au contraire.
Le mythe de la « voiture propre ». En outre, les abonnés d’Autolib’ ont affaire à un modèle unique, anonyme, la petite voiture grise, qui appartient à tout le monde et donc à personne. Une minorité d’utilisateurs a cru que l’on pouvait tout se permettre dans la bluecar, manger, dormir, fumer, faire l’amour. Autolib’ avait été vantée comme une « voiture propre ». Elle est rapidement devenue une voiture sale.
A propos de « voiture propre » justement. M. Delanoë tenait à la propulsion électrique. En 2011, ce n’était pas si commun. Sauf que recharger une voiture électrique demande du temps. Or, le partage des véhicules repose sur le principe d’une rotation rapide. Les sociétés d’autopartage classique proposent d’ailleurs des véhicules très divers, de la petite citadine à la berline, en passant par le monospace, adaptés aux demandes et aux besoins, et pour la plupart à propulsion thermique.
Utilib’, le modèle utilitaire d’Autolib’, sous une bâche.
« C’est ruineux » V. Bolloré, décembre 2014. Le désastre, enfin, était annoncé par Vincent Bolloré lui-même. « C’est ruineux », répondait-il dès décembre 2014, et en présence d’Anne Hidalgo, lorsqu’on lui demandait combien coûtait l’opération Autolib’. Le puissant patron n’a jamais caché qu’il s’était lancé dans l’aventure pour promouvoir ses batteries lithium-ion, et non pour accélérer on ne sait quelle transition écologique dans la capitale et alentours. D’ailleurs, dans cet objectif, Bolloré avait financé, à ses frais, des stations et des véhicules. C’est cette facture, plus celle de l’obsolescence du service, qui est présentée ces jours-ci à la Ville de Paris et à la centaine de communes concernées.
Lire aussi: A quoi sert vraiment une Autolib’? (décembre 2014)
Bolloré sauvera-t-il Autolib’? (décembre 2016)
Autolib’ a ainsi commis au moins deux erreurs, fatales dans le secteur des transports, et sans doute ailleurs. Le système a été pensé pour séduire des clients, sans réfléchir à son impact réel. Or, un service qui convient à quelques uns n’est pas nécessairement efficace pour la collectivité. Et il s’est basé sur une technologie rédemptrice, une nouveauté qui devait balayer le vieux monde.Un grand classique, mais rarement efficace.
L’autopartage classique, s’il avait été encouragé dès 2011, n’aurait certes jamais gagné autant d’abonnés. Il aurait en revanche, couplé à une politique de réduction de l’espace de stationnement, amené les Franciliens à user rationnellement de l’objet automobile.
Olivier Razemon (l’actu sur Twitter, des nouvelles du blog sur Facebook et d’étranges pictogrammes sur Instagram).
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Le centre-ville rêvé ressemble à un village d’antan… ou à un centre commercial
Jour de marché à Pleubian (Côtes d’Armor).
Des rues piétonnes, des commerces alimentaires, des transports en commun, des espaces verts… Mais aussi un cinéma et des terrasses. Voici le centre-ville rêvé, selon le « Baromètre des centres-villes », une enquête réalisée tous les ans depuis 2016 par l’institut CSA pour le compte de l’association Centre-ville en mouvement (CVM), qui rassemble des élus locaux et parlementaires. Selon ce sondage, les villes qui ressemblent le plus à cette image fantasmée sont Bordeaux, Lyon, Paris, Rennes ou Nantes, en revanche pas vraiment Marseille, Amiens ni Tours.
Mais ce village de carte postale, digne de « Jour de fête » de Jacques Tati, ne correspond plus à la réalité des villes moyennes et petites. Il suffit de s’y promener pour établir le constat. Des magasins ont fermé, les bus ne passent pas très souvent, ou alors ils sont dévolus à des collégiens braillards, les terrasses donnent sur des ronds-points embouteillés, l’espace vert est réduit à la portion congrue et le multiplexe est désormais dans la zone.
« Village pittoresque ». Cette image correspond en revanche assez fidèlement, pour ne prendre qu’un seul exemple, au « village pittoresque » qu’espère édifier un promoteur américain sur le territoire d’une commune du Val de Loire, le long de l’autoroute A10, au sud de Tours. « Architecture traditionnelle, environnement paysager, vie de village reconstituée », décrit La Nouvelle République. Ou comment les zones commerciales cherchent à singer les villes.
Résultats du sondage CSA pour Centre-ville en mouvement.
Des villes jugées « en déclin ». Face aux offensives constantes des géants de la grande distribution, la vitalité des centres-villes constitue un sujet d’inquiétude partagé, montre l’enquête de CSA. 68% des personnes interrogées se disent préoccupées, une proportion qui monte à 80% dans les villes de 50000 à 100000 habitants, mais ne concerne que 55% des ruraux. De même, 42% des sondés jugent leur centre-ville « sur le déclin », une proportion qui atteint 56% dans les villes de 50000 à 100000 habitants, en hausse de 20 points par rapport à la même enquête réalisée l’an dernier. Dans les villes de moins de 50000 habitants, 48% des habitants sont préoccupés, une proportion en hausse de 9 points.
Ces chiffres corroborent l’analyse de CVM, qui plaide depuis plus d’un an pour faire du sort des centres-villes une « grande cause nationale ». Le président de l’association, le député de la majorité Patrick Vignal (Hérault), plaidait jusqu’à présent pour « un moratoire d’un an sur la construction de nouvelles zones commerciales ». Il vient de se ranger à l’avis du gouvernement, estimant qu’un « moratoire en fonction des territoires », autrement dit à discrétion des élus, suffisait.
Le marché du vendredi matin à Carpentras (Vaucluse).
Un lieu de rencontres. Le salut viendrait-il, dès lors, des citadins eux-mêmes ? Si on se fie aux résultats du « baromètre », les chalands préfèrent passer du temps en centre-ville plutôt que dans un centre commercial. 85% d’entre eux y retrouvent volontiers des proches, une proportion en hausse de 5% depuis l’an dernier, 79% (+5) aiment y flâner et 57% (+7) y faire du shopping.
Marché hebdomadaire et circuits courts. En face, le centre commercial de périphérie se défend moins bien. 66% disent le préférer pour les achats courants, 42% pour le shopping, 20% pour flâner et seulement 16% pour y retrouver des proches. Ces taux sont tous en baisse, de 4 à 7 points, depuis l’an dernier. De même, une part croissante de citadins disent fréquenter « de plus en plus souvent » le marché hebdomadaire ainsi que les commerces proposant des produits locaux. Les supermarchés de centre-ville et les centres commerciaux ne bénéficient pas du même attrait.
CVM, qui organise les treizièmes « Assises du centre-ville », à Metz, les 7 et 8 juin, croit au salut numérique des villes. « Le wifi dans la rue » fait partie des services les plus demandés par les habitants, bien qu’il soit aujourd’hui possible, dans toutes les villes, de se connecter à Internet avec un smartphone. Les sondés réclament aussi un accès aux données publiques, notamment en matière de transports, des écrans digitaux ou des services administratifs connectés.
La rue Sainte-Catherine à Bordeaux, toujours animée, même lorsqu’il pleut.
Pour M. Vignal, les habitants des villes veulent désormais « des circuits courts, des pistes cyclables, des cinémas ». C’est en tous cas ce qu’ils disent aux sondeurs. Mais, dans le même temps, l’attachement au centre-ville diminue. 58% des sondés se disent « attachés au centre-ville », mais cette proportion est en baisse régulière depuis deux ans : 63% en 2016, 59% en 2017.
Enfin, un sondage ne fait pas le printemps. Comme le souligne Simon Boutigny, rédacteur en chef adjoint de La Correspondance de l’enseigne, « si on s’en tient aux chiffres d’affaires publiés, si les centres commerciaux marquent le pas, le commerce de centre-ville connaît en réalité un effondrement ». On ne sait pas si le centre-ville a un avenir. mais en attendant, on peut toujours mentir aux sondeurs.
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L’ONU fait du 3 juin la « journée mondiale pour le vélo »
Une fanfare cycliste venue des Pays-Bas, lors de la fête du vélo à Lille, en 2014.
La date du 3 juin était encore libre. Entre la journée mondiale de sensibilisation aux passages à niveau (on n’invente rien), le 2 juin, et la journée internationale des enfants victimes d’agression, le 4 juin, l’ONU a inséré une « journée mondiale pour le vélo ». La décision a été prise lors de l’assemblée générale du 12 avril, par consensus entre les 193 pays membres, peut-on lire sur le site de la Fédération des usagers de la bicyclette (FUB).
Une journée mondiale pour le vélo, mais encore? Ça n’engage à rien, ça ajoute une date dans l’interminable calendrier des journées mondiales de quelque chose et, avouons-le, il y a de quoi ricaner. On doit cette initiative au lobby européen ECF et à la World Cycling Alliance, qui regroupe les associations pro-vélo de la planète. Cela a tout de même le mérite d’inscrire les fêtes du vélo, qui se déroulent à cette époque de l’année, dans un mouvement général. Et de célébrer un moyen de déplacement qui subit encore les caricatures et le mépris, comme l’a montré la diffusion d’une enquête controversée, le 24 mai, dans l’émission Envoyé Spécial.
La convergence francilienne, place de la Concorde, à Paris, en 2017.
Liste à compléter. Plutôt que de faire l’exégèse de cette énième « journée mondiale », voici plutôt une liste, évidemment non exhaustive, et à compléter avec vos contributions, des événements qui se dérouleront le week-end du 3 juin pour célébrer le vélo, en France. Cette liste semble d’autant plus utile que le site de la Fédération française du vélo a tendance à monopoliser les réponses de Google, quelle que soit la ville recherchée, devant les sources d’information locales.
Partout, des associations, parfois financées par des collectivités, proposent des balades et des activités à des personnes qui n’auraient jamais pensé à monter sur une selle, donnent l’occasion de découvrir la ville ou la campagne autrement, montrent que la bicyclette n’est pas seulement l’objet du coureur sportif du dimanche matin, mais qu’il sert aussi à se déplacer, tout simplement.
Essayer un vélo spécial, comme ici à Rouen, en 2017.
Car le vélo est d’abord un plaisir du quotidien. Les balades démarrent souvent par un café au départ et s’achèvent par un pique-nique, ou un apéro. La fête du vélo, c’est aussi le moment d’acheter un vélo d’occasion, de marquer sa monture contre le vol, d’apprendre la mécanique à un atelier de réparation, d’essayer des bicyclettes bizarres. C’est l’occasion, pour des élus, de rendre publiques des décisions en faveur du vélo, comme ce fut le cas à Rouen le 23 mai. Enfin, on en profitera pour saluer et remercier les militants, tous bénévoles et néanmoins experts, qui œuvrent toute l’année pour faciliter les déplacements du quotidien.
Sauf indication contraire, les événements se déroulent le 3 juin.
Bordeaux. La journée commence par une balade urbaine en musique, se poursuit par des jeux et se termine par un concert. Informations ici.
Brest. On est sportif en Bretagne! Trois randonnées, 70 à 110 km tout de même, sont proposées, en plus d’un « village » où se dérouleront des animations. Informations ici.
Lambersart (Nord), le samedi 2 juin. Parade et brocante, convergence cycliste de toute la métropole lilloise. Informations ici.
Marseille. La manifestation lancée par le Collectif vélos en ville est d’abord « revendicatrice ». Il faut dire que la ville est lanterne rouge en matière d’aménagements et de sécurité. La fête, déguisée pour ceux qui le veulent, se termine sur la plage, évidemment. Informations ici.
Nantes. L’association Place au vélo organise plusieurs parcours et animations au bord de la Loire. C’est l’occasion de découvrir la célèbre Loire à vélo, mais aussi les aménagements urbains, à Nantes ou aux alentours. L’association a noué des partenariats avec des restaurateurs ou des fermes sur le long du parcours. Informations ici.
Convergence francilienne, 5000 cyclistes dans les rue de Paris, juin 2017.
Paris/Ile-de-France. La Convergence francilienne est un événement incontournable (récit de l’édition 2017 ici). De tous les départements d’Ile-de-France, des milliers de cyclistes convergent vers Paris. On se rassemble dès potron-minet (à 6h à Mantes-la-Jolie, 7h à Meaux ou à Cergy, 7h30 à Arpajon, etc.) pour rouler ensemble vers la capitale, rejoignant au fur et à mesure les autres flux. Chacune des six branches principales se voit attribuer une couleur (orange, vert, blanc, violet, rouge, rose) que l’on est prié de choisir pour ses vêtements! Pique-nique sur l’esplanade des Invalides. Informations ici.
Rouen. Les associations Sabine et Guidoline proposent des débats, ateliers, démonstrations du 28 mai au 3 juin. Dimanche 3 juin, l’association Sabine organise une balade de 30 à 40 km, avec une pause pique-nique. Promis, « ce sera moins pentu que l’an dernier », indique une organisatrice. Informations ici.
Sélestat (Bas-Rhin). Rouler dans la plaine d’Alsace, entre vignobles et villages fleuris, sans subir la circulation automobile. Cela s’appelle un « slow up », le concept vient de Suisse, et cela consiste à réserver un itinéraire, dans son entièreté, à la pratique du vélo, à l’exclusion de tout autre véhicule. Plusieurs boucles sont possibles. Informations ici.
On trouvera également ici la liste des événements à ne pas manquer selon les Départements et régions cyclables (DRC), qui rassemblent des collectivités engagées pour l’essor du vélo.
Vous l’avez compris, la liste n’est pas exhaustive. N’hésitez pas à signaler en commentaire ou par les réseaux sociaux les événements dont vous avez connaissance, ou à apporter des corrections si nécessaire. Merci!
Olivier Razemon (l’actu sur Twitter, des nouvelles du blog sur Facebook et d’étranges pictogrammes sur Instagram).
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infracentre · 5 years
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Non, la trottinette électrique ne va pas remplacer le vélo
Vélo et trottinette, quai du canal Saint-Martin, Paris, février 2019.
Bird, Bold, Lime, Tier, Flash, Voi, Scoot… Des extra-terrestres ? Des cocktails énergétiques pour skieurs chevronnés ? Des surnoms de RER ? Non, c’est la liste des sociétés de trottinettes électriques qui rêvent de conquérir Paris. Pas moins de sept opérateurs, depuis l’arrivée du dernier venu, Flash, le 16 février. Sept, c’est davantage que dans toutes les autres villes de France réunies. C’est même davantage que dans n’importe quelle autre mégalopole mondiale.
Cette exception parisienne s’explique. Paris est un micro-marché idéal, un terrain de jeux parfait : une forte densité de population, de services et de commerces, des modes de transport divers auxquels les usagers sont habitués. La proportion de ménages disposant d’une voiture est faible, autour de 35%. 79% des courses s’effectuent à pied. Et les transports publics sont saturés aux heures de pointe.
Lire aussi: Portrait chiffré du piéton de Paris (janvier 2017)
Surpris par la multiplication des trottinettes sur la chaussée (et sur les trottoirs), des observateurs qui ne quitteraient jamais Paris pourraient en déduire qu’il s’agit du moyen de transport du futur. Oublié le skate, les rollers, le vélo et même la marche ; l’avenir est à la trottinette électrique en libre-service!
Les usagers des trottinettes empruntent les pistes cyclables, Strasbourg, janvier 2019.
Poids, volume, vitesse. Les dénommés Bold, Lime ou Flash présentent certes des avantages incontestables dans une ville dense. Une trottinette pèse 10 à 12 kilos, occupe relativement peu d’espace, et roule assez vite. En clair, pour faire quelques kilomètres en ville, il est beaucoup plus logique, efficace et vertueux d’emprunter ce mode de transport, que de commander un Uber. Et d’ailleurs, c’est ce que font les gens. Selon Bird, « 71% des adeptes déclarent moins utiliser la voiture qu’auparavant ».
Une trottinette n’est pas un vélo. En revanche, il serait présomptueux d’en déduire que la trottinette va remplacer le vélo comme mode de transport individuel et « actif ». D’abord parce que ce n’est pas le même objet. Pour progresser, le cycliste utilise chacune de ses jambes, mais aussi ses bras, son poids, son regard. Les pédales et le guidon. Ceci lui donne une capacité de réaction plus fine qu’un adulte juché sur une trottinette électrique, qui se tient droit, les deux pieds joints. Ceux-ci rappellent les adeptes du monoski, qui se privent curieusement de l’équilibre offert par leurs deux jambes…
Tarifs élevés. Par ailleurs, pour l’utilisateur, le coût du service demeure élevé. Toutes les sociétés se sont alignées sur des tarifs similaires : 1€ de prise en charge, puis 15 centimes par minute d’utilisation. Soit 10€ l’heure, ce qui explique au passage pourquoi les usagers roulent le plus vite possible. A ce prix il vaut mieux louer un vélo en libre-service (5€ la journée), posséder un vélo, voire acheter sa propre trottinette, électrique (400€ pour un bon modèle) ou non (30€).
Devant l’école, les enfants ont garé leur moyen de transport. Paris.
De temps à autre, les opérateurs brandissent des chiffres mirobolants pour leur terrain de jeux parisien : 5000 trajets, voire 10000 trajets par jour. Voilà qui impressionne. Sauf quand on se livre à des comparaisons assez simples. Chaque jour, en dépit de difficultés persistantes, il se loue environ 40000 Vélibs. Ceux-ci ne représentent que 20 à 25% des trajets à vélo dans la ville, contre 40% avant le fiasco de 2018. Et le vélo n’atteint que 5%, au maximum, des trajets. Autrement dit, quand un opérateur de trottinettes annonce 10000 trajets par jour, cela revient à une « part modale » de 0,25 ou 0,3%… On est loin du raz-de-marée.
Le précédent du « vélo sauvage ». Les sept sociétés qui arpentent le pavé de Paris survivront-elles ? Il est impossible de prédire l’avenir. Mais souvenons-nous quand même de la profusion des sociétés de bicyclette en free-floating (le « vélo sauvage »), présentées à l’automne 2017 comme l’avenir du vélo urbain. On a compté jusqu’à 5 opérateurs, et il n’en subsiste plus que 2, dont l’usage est résiduel. Souvenons-nous, plus loin dans le passé, de ces multiples sociétés de VTC, les « Voitures de tourisme avec chauffeur ». Il en reste quelques-unes aujourd’hui, de nouvelles font parfois leur apparition, mais c’est Uber qui a raflé l’essentiel du marché.
Lire aussi : Voyage au cimetière des innovations ratées (décembre 2018)
Surtout, les voyages en trottinette, comme tous ceux effectués avec un autre moyen de transport, ne sont pas neutres. Ils créent des nuisances. Il est encore trop tôt pour analyser l’augmentation des accidents infligés, et subis, par les conducteurs de trottinette. Un rappel s’impose : s’il circule, en dépit de l’interdiction, sur un trottoir, cet usager un prédateur, exactement comme un cycliste. En revanche, sur la chaussée, c’est un usager vulnérable.
Le trottoir n’est pas gratuit. Par ailleurs, les trottinettes sont éparpillées dans l’espace public, le plus souvent sur le trottoir. Même si elle occupe moins d’espace qu’un vélo et bien moins encore qu’un scooter, l’agacement des piétons finit par peser sur la « marchabilité » de la ville, sur sa qualité de vie.
Cela a un coût. Car l’espace public n’est pas gratuit. Il faut l’entretenir, le nettoyer, le déblayer, affecter des forces de police à sa surveillance. En pratique, les Bird, Lime et autres Bold sont apportées et enlevées matin et soir par des autoentrepreneurs qui pour la plupart circulent en voiture diesel. Kenneth Schlenker, représentant de Bird en France, en est conscient, mais admet qu’il n’a pas encore calculé l’impact de ce fonctionnement sur les performances de « mobilité durable » de sa société.
Paris. @lemonde_cities Question à @kschlenker, des trottinettes Bird: « chaque matin, vos trottinettes sont déposées par des entrepreneurs en voiture diesel. Chiffrez-vous l’impact en pollution et CO2? ». Poisson noyé, mais en gros la réponse est non, pas encore. pic.twitter.com/YhhMPxmhF1
— Olivier Razemon (@OlivierRazemon) January 30, 2019
Rares sont les municipalités qui, comme Strasbourg, ou Portland (Oregon), évaluent leurs besoins réels de mobilité puis fixent des règles aux opérateurs de trottinettes avant qu’ils ne s’installent, et les font respecter. Dans ces villes, les services de trottinettes ont vocation à faciliter les trajets courts, et certainement pas à cannibaliser les modes existants, tel le vélo.
Olivier Razemon (l’actu sur Twitter, des nouvelles du blog sur Facebook et de surprenants pictogrammes sur Instagram).
Et pour finir cet article, un peu démodé mais pas tant que ça: La trottinette, moyen de transport presque invisible (juin 2013)
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infracentre · 5 years
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Le métro du Grand Paris se passera des parkings à vélo
Chantier du métro du Grand Paris, Créteil.
Un métro à 35 milliards d’euros, mais pas un centime pour stationner son vélo. Voilà comment on pourrait résumer la position de la Société du Grand Paris (SGP), chargée d’élaborer le super métro de la région parisienne, le Grand Paris Express, ses 200 kilomètres de lignes automatiques et ses 68 gares.
Dans une lettre de trois pages (et une vingtaine de pages d’annexes) adressée au Premier ministre et datée du 21 décembre 2018, le président du directoire de la SGP, Thierry Dallard, détaille les mesures d’économie qu’il compte mettre en œuvre pour faire entrer le projet dans le budget qui lui est imparti. En février 2018, échaudé par les dérapages budgétaires les années précédentes, et alors que la Cour des comptes avait dénoncé l’absence de transparence de la SGP, Edouard Philippe avait exigé une réduction de la facture de 10%. M. Dallard, nommé en mai 2018 sur la promesse de rétablir la confiance avec ses partenaires, n’a pas tardé à faire ses propositions. En ne changeant surtout rien aux tracés des lignes, ni aux gares prévues.
Optimisations budgétaires. La longue liste des « optimisations » envisagées, et résumées dans cet article du Monde, suscite l’agacement des élus locaux d’Ile-de-France, auxquels L’État a vendu depuis un moment le super métro comme réponse à tous les maux de la région, transports, emploi, logement. La suppression de l’interopérabilité entre les lignes 15 sud et 15 est, à Champigny-sur-Marne (Val-de-Marne), ne passe pas (cet article du magazine 94 Citoyens résume les enjeux). En clair, il faudra changer de métro pour aller de Vitry-sur-Seine à Noisy-le-Grand, ce qui réduit l’attrait de cette ligne.
Future gare du Grand Paris Express, Saint-Maur-Créteil.
Mais venons-en au vélo. Un tableau, annexé au courrier, présente sobrement une dizaine de « pistes d’optimisation » auxquelles sont affectées, pour chacune, le montant que la SGP espère économiser. Un item, baptisé « optimisation des gares » est chiffré à 320 millions d’euros. Les gares font souvent l’objet de critiques. La présidente de la région, Valérie Pécresse (LR), dénonce régulièrement la priorité faite à « la geste architecturale » au détriment de l’efficacité des pôles d’échange.
Gares moins accessibles. La SGP semble avoir entendu ces critiques, puisque elle espère une « optimisation du concept architectural ». Mais parmi les économies qu’elle espère réaliser, la SGP liste aussi « la suppression d’accès secondaires », « l’évolution du traitement des parvis », la « revue du nombre d’escaliers mécaniques et d’ascenseurs ». Tous ces aménagements ont pourtant pour vocation à améliorer l’efficacité de la gare. Un beau métro, tout neuf, est bien moins utile si l’on ne peut accéder à la gare que par une seule entrée, si le parvis n’est qu’un trottoir mal agencé, si la station est inaccessible aux personnes en fauteuil roulant, mais aussi à celles transportant des poussettes, des valises ou des sacs de courses.
Le petit parking à vélo de la gare de Noisy-le-Grand Mont d’Est (Seine-Saint-Denis).
Les « consignes à vélo ». Enfin, pour grappiller encore quelques milliers d’euros, la SGP préconise, c’est écrit comme ça dans le document, la « sortie les consignes à vélo des gares, ou prise en charge par les promoteurs ». Pas de consignes à vélo, donc.
Mais de quoi parle-t-on exactement ? D’arceaux abrités, de stationnement sécurisé ? La réponse est donnée par la SGP elle-même, dans un tweet daté du 7 février. Le concepteur du super métro répondait à une question de l’association Paris en selle à Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine).
Un « petit parking à vélo ». Dans une interview récente, en effet, l’architecte de la gare Pont de Sèvres Jean-Marie Duthilleul, évoquait « un petit parking à vélo » devant la future gare. La réponse de la SGP, le 7 février, (après la lettre de M. Dallard, donc) a le mérite de la précision : « La gare #GrandParisExpress intègre au niveau du patio (face à l’accès principal) une offre de stationnement Véligo avec 96 places en consigne (stationnement vélo fermé et sécurisé) et 15 place en abris-vélo ».
Ainsi, les parkings fermés à clef Véligo comme il en existe aujourd’hui dans une soixantaine de gares en Ile-de-France, et les 15 malheureux arceaux abrités, doivent être « sortis des gares », ou « repris par les promoteurs ». L’accessibilité à vélo est donc soumise au bon vouloir d’opérateurs privés. Ceux-ci réaliseront peut-être des parkings plus pratiques, qui sait, qu’un décideur public ? Peut-être. Mais en revanche, le promoteur ne procédera à ces aménagements que là où il y trouvera un intérêt.
Un local Véligo, fermé à clef, devant la gare de Noisy-Champs (Seine-Saint-Denis)
Ce n’est pas un détail. L’usage du vélo en Ile-de-France serait-il dérisoire au regard dues enjeux posés par le super métro à 35 milliards d’euros ? Non. Car l’efficacité d’un réseau de transport dépend énormément de sa capacité à attirer les usagers.
Comme le disait, en juin 2018, Thierry Dallard lui-même, lorsque le Grand Paris Express sera achevé, « 90% des habitants de la métropole du Grand Paris vivront à moins de 2 kilomètres d’une gare ». Ce qui signifie, en toute logique que l’immense majorité d’entre eux n’auront pas besoin de leur voiture pour accéder à la gare. Et d’ailleurs, ce ne serait pas une bonne idée. Tout simplement parce qu’une voiture garée occupe énormément d’espace. On ne peut pas les mettre toutes au même endroit et au même moment.
Avantage vélo. De toute façon, en Ile-de-France, pour un trajet de 3,3 kilomètres, le vélo est plus rapide que la voiture, comme l’a démontré récemment le maire de Massy (Essonne), Nicolas Samsoen (UDI). La vidéo est ci-dessous.
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Ainsi, pour que le super métro remplisse ses promesses, il est impératif d’y encourager l’accès à vélo, mais aussi le stationnement des cycles à proximité immédiate de la gare, et en nombre suffisant. « Si elle néglige les déplacements à vélo, la SGP n’a rien compris à l’intermodalité en Ile-de-France. C’est scandaleux », résume Jacques Baudrier, conseiller (PC) de Paris et fin connaisseur des transports en Ile-de-France.
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infracentre · 5 years
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infracentre · 5 years
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En banlieue parisienne, la colère monte contre « le train des riches »
La foule des voyageurs à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis).
« Les gens voient bien que les trains du quotidien ne sont pas la priorité, contrairement à ce qui est affirmé officiellement. La frustration monte ». Pour Arnaud Bertrand, usager quotidien du RER et fondateur de l’association Plus de trains, la confirmation du CDG Express par le gouvernement, annoncée ce 6 février, risque de provoquer une colère sans précédent parmi les millions d’utilisateurs quotidiens du réseau de transports de la région parisienne.
La navette CDG Express, surnommé « le train des riches », doit relier la gare de l’Est, à Paris à l’aéroport de Roissy, en 20 minutes et au prix de 24€ l’aller. Pour ceux qui ne seraient pas familiers avec les transports en Ile-de-France, ce projet ne doit pas être confondu avec le Grand Paris Express, le futur super métro souterrain et ses 70 gares, dont le coût total est évalué à près de 40 milliards d’euros.
Cristallisation des colères locales. Le pessimisme de M. Bertrand est étayé par ses nombreux contacts. Ce salarié d’une banque à La Défense travaille depuis 5 ans, avec son association, à aménager les horaires des lignes de l’ouest parisien (à lire ici). Cela l’amène à entretenir des liens avec des élus, les associations d’usagers et les opérateurs. Il connaît bien le réseau francilien, les angoisses et les agacements des voyageurs. Pour lui, le chantier du CDG Express, qui a démarré avant même l’annonce officielle du gouvernement (vidéo ici), pourrait cristalliser « toutes les colères locales » qui s’expriment les jours de galère. Cette position est d’ailleurs partagée, sous le couvert de l’anonymat le plus strict, par des agents de la RATP et de la SNCF, qui ne comprennent pas que l’on privilégie les passagers de Roissy au détriment des usagers du RER.
17000 voyageurs contre 900000. Le CDG Express doit acheminer 17000 personnes par jour, « soit 150 à 200 par train, à raison d’un train tous les quarts d’heure », a calculé M. Bertrand. Il partagera une partie de son itinéraire avec la partie nord du RER B. Chaque jour, 900000 voyageurs empruntent cette ligne, au nord comme au sud de la capitale, et la dégradation des conditions à un endroit entraîne souvent des conséquences pour l’ensemble des voyageurs. En outre, avec ses 17000 voyageurs, contre 900000 pour le RER B, la navette rapide ne contribuera aucunement à « désengorger » la ligne existante, contrairement à ce que l’on entend parfois.
La gare de Drancy (69000 habitants, Seine-Saint-Denis). Le CDG Express ne s’y arrêtera pas.
Entre Paris et Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), où le CDG Express longera le RER B, il disposera de voies dédiées, mais il s’agit de voies annexes qui servent justement à convoyer les RER en cas d’incident sur la voie principale. Une situation qui s’est encore produite le 31 janvier dernier.
Les deux Ile-de-France. « Le jour où il y aura un problème sur la ligne B, les 1800 passagers du RER verront passer, sur la voie d’à-côté, cette navette rapide et ses 150 passagers », résume le responsable associatif. Une allégorie parfaite de cette opposition frontale entre « ceux qui ont tout » et « ceux qui endurent sans pouvoir faire autrement », qui anime le débat national depuis quelques mois.
Les partisans du CDG Express affirment que le train rapide ne mobilisera pas d’argent public. Or, le projet bénéficie d’un prêt de l’État de 1,7 milliard d’euros, qui devra être remboursé, et alourdit en attendant la dette publique. Sans compter « la centaine d’agents et ingénieurs franciliens de la SNCF qui travaillent à ce projet, des effectifs qui pourraient être employés à la régénération du réseau existant », explique M. Bertrand.
Les voies de la gare de l’Est, à Paris, où passera le CDG Express.
« Coupures importantes » à prévoir. Par ailleurs, l’aménagement des voies destinées au train VIP risque de perturber le fonctionnement quotidien du RER B, comme le reconnaît d’ailleurs le préfet d’Ile-de-France Michel Cadot dans le rapport qui a avalisé le projet. Les travaux « vont nécessiter des coupures importantes sur cet axe ferroviaire », peut-on y lire. Plusieurs autres rapports, rédigés par l’Ademe, le STIF ou l’Arafer, avaient alerté, déjà, sur les risques que font peser le nouveau chantier sur le fonctionnement de la voie.
« La préfecture et les opérateurs essaient de nous rassurer en affirmant que les travaux ne donneront lieu à aucun aléa de chantier », indique M. Bertrand. « Mais franchement, a-t-on déjà vu un chantier sans aléas, sans incidents, surtout dans une région aussi dense en réseaux que la nôtre ? » interroge-t-il.
De tels aléas se sont d’ailleurs déjà produits. Le 8 octobre 2018, le blog dédié au RER B reconnaissait (photo ci-dessus) que les perturbations survenues pendant la nuit à la gare Plaine Stade de France (Seine-Saint-Denis) étaient liées à « un incident technique survenu dans le cadre de CDG Express ». L’association Plus de trains n’avait pas manqué, à l’époque, de souligner cet étonnant aveu. Quelques heures plus tard, la publication avait d’ailleurs disparu du blog du RER B…
« Gilets jaunes » du RER? Assistera-t-on à un soulèvement des usagers franciliens, similaire à celui des « gilets jaunes » ? Dans la partie sud du RER B, une association, Courb, a déjà commencé à distribuer aux voyageurs excédés des brassards jaunes. Le 6 février, Plus de trains a également lancé une opération « carton rouge ». Les voyageurs sont invités à se photographier, un carton rouge à la main, sous le panneau indiquant le nom de leur gare. « Nous avions fait une opération analogue il y a cinq ans, pour obtenir le réaménagement des lignes de train L et U, dont la SNCF et la région ne voulaient initialement pas entendre parler », se souvent M. Bertrand. « Ça leur avait fait peur », rappelle-t-il.
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infracentre · 5 years
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Mobilité : oui, il faut « opposer les modes »
Bordeaux. Sur le pont de Pierre, depuis que les voitures et motos ne l’empruntent plus, il passe davantage de monde qu’avant.
« Il ne faut pas opposer les modes ». La phrase surgit comme ça, au détour d’un discours, dans un article de presse, un reportage télévisé, ou sur les réseaux sociaux (des exemples ici, là et là). La conférence, ou la discussion, porte sur les transports du quotidien, et sur la meilleure manière d’amener les utilisateurs à délaisser leur voiture personnelle, encombrante, polluante et dangereuse, pour les trajets où ladite voiture n’est pas indispensable.
Et donc, soudain, une personne prend un air sentencieux, pour dire, surtout, qu’il ne faut « pas opposer les modes ». Les « modes », « le mode » et pas « la mode », en l’occurrence le moyen de transport. La voiture, le RER, le vélo, la marche, le bus. Après tout, chacun d’entre nous utilise tour à tour différents modes de transport. Peut-être même dans la même journée.
Bruxelles. Séparation des modes. Avant la matérialisation de la bande cyclable, cet espace était dévolu à la voiture.
Du bon sens? Quand le justicier prend son air sentencieux pour affirmer qu’il ne faut pas opposer les modes, chacun est tenté de comprendre qu’on ne va pas opposer les gens entre eux. Voici une phrase qui fleure le bon sens. On a déjà suffisamment de conflits comme ça, suffisamment de soucis, de gens qui se disputent pour plein de raisons, des enjeux géopolitiques aux rivalités de quartier, tout ceci engendre des guerres, et puis voyez ces violences, on ne va pas, en plus, « opposer les modes ».
Et puis d’ailleurs, les individus ne se définissent pas génétiquement par leur moyen de transport. On ne naît pas avec un volant entre les mains, des pédales de vélo sous les pieds ou un ticket de bus entre les doigts. Et ce, même si les comportements des parents influencent grandement la manière de se déplacer de leur progéniture.
Il faut opposer les modes. En revanche, le mode n’est pas l’individu. En matière de déplacements, il faut justement opposer les modes. Ou, plus précisément, il faut s’opposer au mode dominant, à celui qui prend l’essentiel de l’espace, une grande partie des budgets d’aménagement, celui qui investit la quasi-totalité des cerveaux des décideurs, tout en générant la plupart des nuisances: le mode motorisé individuel. Opposer les modes, cela signifie encourager un mode plutôt qu’un autre, espérant amener les usagers à changer autant que possible leurs habitudes. D’ailleurs, c’est ce que les collectivités font depuis longtemps.
Nice. Avant la construction du tramway, la place Masséna était dédiée à la circulation motorisée.
Prenons un exemple. De nombreuses villes, incitées par les lois de protection de l’environnement, mettent en place, à grands frais, un tramway, ou une ligne de bus, espérant que les habitants utiliseront ces nouveaux modes. L’objectif, revendiqué comme tel, est qu’une partie des personnes qui se déplacent en voiture choisissent désormais le tram ou le bus. On appelle ça le « report modal ».
Mais pour cela, il faut que le nouveau moyen de transport présente une certaine attractivité. Qu’il soit confortable, certes. Mais surtout qu’il soit rapide, et que le passager soit assuré, par avance, de la durée du trajet. Ces municipalités réservent donc des voies aux bus tous neufs, redessinent l’espace public pour laisser passer le tram. Et ce faisant, elles prennent un peu de l’espace, et aussi une part du budget, jusque-là dédié aux voitures. Il se passe exactement la même chose quand une ville décide de créer une piste cyclable sécurisée ou des passerelles destinées aux piétons.
Alors, oui, il faut opposer les modes. Mais ne pas opposer leurs utilisateurs. Car les utilisateurs changent de mode, et c’est ça l’objectif.
Olivier Razemon (l’actu sur Twitter, des nouvelles du blog sur Facebook et de surprenants pictogrammes sur Instagram).
La voiture individuelle, mode ultra-dominant.
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infracentre · 5 years
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Palmarès (subjectif) des 20 plus beaux tickets de bus
Titre de transport dessiné par Christian Lacroix, Montpellier.
Ce n’est qu’un petit bout de papier mais il est porteur de beaucoup de symboles. Les tickets de bus, ceux des réseaux urbains, sont rouge, orangé, jaune, vert, bleu, indigo, violet… Des choix colorés, comme pour convaincre cette importante partie de la population qui continue, dans toutes les villes, de bouder les transports publics.
La plupart des collectivités locales ont conscience que le titre de transport véhicule l’image de la ville. L’abonnement hebdomadaire ou mensuel, bien sûr, mais aussi le ticket à l’unité, prisé par les utilisateurs occasionnels, et notamment les visiteurs de passage, congressistes, touristes, gens d’affaires… Le choix du format, du design, des motifs, revêt une grande importance, au moins autant que les informations nécessaires au trajet ou les dispositifs destinés à empêcher la falsification du titre.
En Ile-de-France, Valérie Pécresse, présidente (LR) de la région, a ainsi tenu à apporter une touche de bleu turquoise au vénérable « ticket de métro » parisien, et donc à l’ensemble des titres de transports de la région. Bleu, la couleur préférée des Français. Et accessoirement, la couleur de son parti politique.
A force de fréquenter les bus et les tramways, j’ai recueilli et conservé de nombreux tickets. Design, vintage ou utilitaires, ils sont tous différents. Les tickets en carton léger qu’il faut oblitérer dans un composteur mécanique existent toujours. Mais ils sont de moins en moins nombreux. Leur ont succédé des cartes magnétiques, qui doivent parfois être également glissées dans l’appareil, ou simplement posées sur le valideur. Tout ceci est fort bien expliqué ici.
L’utilisation de certains des tickets mentionnés ci-dessous remonte à plusieurs années, et un nouveau système a pu être choisi entretemps. Par ailleurs, les puristes me le pardonneront, certains titres donnent aussi accès au tramway ou au bateau. Bref, voici un palmarès (subjectif) des 20 plus beaux tickets de bus.
Prendre le tramway à Orléans
20/ Orléans.
Ce sobre vert bouteille rappelle la Loire qui traverse l’agglomération, et le logo de l’opérateur TAO affiche le même beige/brun que la livrée des tramways. Les règles d’utilisation, validation obligatoire à chaque montée, correspondances illimitées dans l’heure, sont précisées en petits caractères. Une piste magnétique noire guide le compostage, et le trou en bas à droite joue certainement un rôle dans l’insertion du ticket. En haut à droite figurent des pictogrammes qui représentent les services auxquels le titre donne accès, bus, tramway et parking relais. Oui, on peut poser sa voiture au parking et continuer en bus.
  Ticket de tram, Le Mans.
19/ Le Mans.
La préfecture de la Sarthe a opté pour un format de carte de crédit, classique pour les villes disposant d’un tramway. Le ticket multicolore est estampillé « Le Mans métropole », alors que la communauté d’agglomération n’est pas officiellement reconnue comme une métropole. Ce titre est valable pour le tramway, le bus et le bus « à haut niveau de service », disposant d’une voie réservée.
18/Chalon-sur-Saône.
Convenons-en, ceci n’est pas le plus joli des objets. Confectionné en papier thermique et débité automatiquement de la machine située à l’avant du bus, il ressemble surtout à un ticket de caisse. Il ne véhicule aucun des attributs de la ville, sauf le nom du gestionnaire, la STAC, société des transports de l’agglomération chalonnaise.
Le bateau-bus à Toulon.
17/ Toulon.
Cette carte orée d’un pin parasol plongeant dans la mer bleue permet non pas un trajet en bus, mais un « voyage maritime », dans la rade de Toulon. La préfecture du Var est en effet desservie par plusieurs lignes de « bateau-bus », qui relient Toulon à La Seyne-sur-Mer ou Saint-Mandrier. Fait rare en France, signe de la fréquentation par des touristes, le titre comporte une inscription en anglais.
      16/ Soissons.
Sur ce morceau de carton léger bleu ciel, de petit format, on reconnaît deux attributs de cette ville de l’Aisne : l’abbaye Saint-Jean des Vignes, et le célèbre vase. Et au dos, une inscription vintage : « Trésorerie Soissons Municipale ».
Transports numérotés, Digne.
15/ Digne-les-Bains.
Il existe encore quelques agglomérations où le ticket de bus ressemble à un simple bout de papier numéroté, prestement déchiré par le conducteur à l’entrée du bus. La Régie des transports urbains dignois (RTUD) n’a même pas fait l’effort de détailler son acronyme. Mais c’est très bien comme ça aussi.
Série limitée, Bordeaux.
14/ Bordeaux.
Cette carte magnétique achetée pour monter dans le tramway est issu d’une collection limitée, spécialement éditée pour l’Euro de football, en juin 2016. Bordeaux accueillait notamment le match Autriche-Hongrie. En bas à gauche apparaissent des logos présentant l’univers multimodal bordelais, tram, bus, bateau et des parkings relais.
Péribus, suivez la mouette.
13/ Périgueux.
Ce ticket, décroché selon les pointillés par le chauffeur, puis validé en novembre 2015, présente une banalité qui fait tout son charme. Le nom du réseau, Péribus, contraction de Périgueux et de bus, évoque malgré lui un bus qui tournerait en permanence autour (péri) de la ville. Le petit oiseau vert donne envie de voyager. Le passager est prié d’oblitérer. D’après Sud-Ouest, ce ticket a été remplacé par une carte en 2016.
Oblitérez. Vannes
12/ Vannes.
Un vert, océan, cette fois, sur le petit billet de la société Kiceo, le réseau urbain renommé en 2012. Auparavant, il s’appelait TPV, transports publics de Vannes. Comme dans de nombreux cas, le nom de la ville n’apparaît pas sur le ticket. Le logo, énigmatique, fait penser à une tête transpercée par une flèche. Il s’agit apparemment d’un K stylisé, dont les éléments rappellent les attributs d’un plan de bus, lignes et station.
Orange palois.
11/ Pau.
Cette carte en carton dur, assez épais, présente un revêtement brillant. Le fond orange, hasard ou non, est exactement celle de la couleur associée au parti de François Bayrou, maire de la ville. Le logo qui figure sur le recto ressemble à des lunettes, mais il s’agit sans doute des roues d’un bus. Au pied du ticket figurent les trois P de la communauté d’agglomération. En regardant bien, on peut voir, dans la partie évidée des trois lettres, une brebis, un cœur et le pic du Midi d’Ossau, que l’on aperçoit du boulevard des Pyrénées.
La mobilité en grand, Narbonne.
10/ Narbonne.
Le slogan qui s’affiche en jaune sur fond violet, « la mobilité en grand », fait référence au nom de la communauté d’agglomération, le Grand Narbonne. Au dos du ticket figurent les instructions précises d’usage ainsi que, ce n’est pas si fréquent, le site et le numéro de téléphone de la « Citiboutique », lieu d’information destiné aux voyageurs.
Ticket vintage à Poitiers.
9/ Poitiers.
Sur ce morceau de carton, validé en 2016, figure en lettres argentées et en creux le nom Vitalis, marque de l’opérateur. Cela permet d’éviter la falsification. Le nom de la ville apparaît en tout petit, parmi tout une série d’autres informations. On peut en écrire des choses, sur un ticket de bus! Il s’agit d’un « ticket dernière minute », destiné à ceux qui l’achètent dans le bus, et vendu plus cher que si on se le procure au distributeur. De cette façon, les opérateurs cherchent à dissuader les achats au chauffeur. La répétition de ces opérations prend en effet du temps et ralentit la vitesse commerciale. Le ticket a été remplacé par une carte en mars 2018.
Roue de secours, Marseille.
8/ Marseille.
Le ticket de dernière minute acheté au chauffeur, est ici appelé « Solo secours ». Un nom de baptême sibyllin, qui peut faire penser à un événement plus grave que celui consistant à monter dans un bus. A noter la répétition du sigle RTM (Régie des transports de Marseille, devenue Régie des transports métropolitains) et le logo de la collectivité, Aix Provence Métropole, écrit en « police bâton ».
Sur les bords du lac.
7/ Aix-les-Bains.
L’ambiance est marron, comme le fond du lac du Bourget, relevée de bleu et de jaune, et illustrée d’une photo dudit lac. C’est sur ces rives que s’épanouit Aix-les-Bains, ville prisée par les curistes et équipée de grands immeubles début de siècle en forme de gâteaux à la chantilly. Tout évoque ici l’univers lacustre, du nom de l’agglomération, «Grand lac», à l’image en passant par la dénomination du service de transports, Ondéa. Le compostage, à l’ancienne, consiste en un tampon encreur.
  Rouge sanguin, Saint-Denis de la Réunion.
6/ Saint-Denis de La Réunion.
Sur ce ticket de petit format éclate un beau rouge sanguin, tropical. Le nom de la ville n’apparaît pas sur le ticket. Le titre, dans cette ville d’outre-mer, est valable une heure et demie, au lieu d’une heure pour la plupart des réseaux, en métropole, ce qui laisse le temps aux voyageurs de prendre plusieurs correspondances.
Gris Perret, Le Havre.
5/ Le Havre.
Loin des exubérances colorées des autres villes équipées d’un tramway, Le Havre a choisi la sobriété. L’illustration figure une élégante reprise du design des tramways, qui représente lui-même le béton d’Auguste Perret, architecte de la cité, au lendemain de la guerre. Comme le rappelle l’institut d’urbanisme d’Ile-de-France, les titres de transport sont définis, dès le moment de la conception ou de la refonte d’un service de transport, comme des objets susceptibles de connaître une « intervention culturelle », au même titre que les stations, les rames ou le mobilier urbain.
1€ la journée! Quiberon.
4/ Quiberon.
Les visiteurs qui empruntent le bus sur la presqu’île de Quiberon (Morbihan) recevront ce morceau de papier jaune, édité par le transporteur Maury. On ne peut pas faire plus basique. Le ticket est valable pour la journée du 11 juillet, mais une autre date, erreur sans doute, a été effacée au correcteur liquide blanc. On remarque que ces deux tickets, émis exactement au même moment, portent des numéros de série qui ne se suivent pas. Tiens, saviez-vous que les tickets de bus font l’objet d’un véritable marché de collection? Des passionnés se les arrachent, sans jeu de mot, comme le montre cette page.
Design à Saint-Étienne.
3/ Saint-Étienne.
La préfecture de la Loire, où le tramway roule sans interruption depuis 1881, a opté pour un format de carte de crédit, un classique dans les villes équipées d’un transport ferré. Sur le titre de transport figurent de nombreuses informations et recommandations, comme ce « ne pas plier » en lettres capitales. Toutes les couleurs de l’arc-en-ciel sont convoquées, ainsi que des images emblématiques de la ville, telle la cité Grüner, bâtiment jaune et gris aux lignes épurées, situé près de la gare.
Format allongé, Mulhouse.
2/ Mulhouse.
Le format particulièrement allongé est original. Le jaune orangé s’affiche aussi sur le tramway et les bus. Mulhouse propose aux habitants un pass mobilité unique, donnant accès au tramway, au bus, au vélo et à la voiture partagée.
A valider à chaque montée.
1/ Montpellier.
Ce n’est pas un hasard si le titre de transport montpelliérain arrive au top de ce palmarès. On doit ce superbe design rouge à Christian Lacroix, qui est aussi l’auteur de la livrée des tramways montpelliérains. Dans cette agglomération, chaque ligne de tramway est équipée de véhicules à l’habillage différent. Les voyageurs peuvent ainsi connaître la destination du premier coup d’œil. En avril 2012, un ticket collector avait été créé pour fêter l’inauguration des lignes 3 et 4.
Bon voyage!
Olivier Razemon (l’actu sur Twitter, des nouvelles du blog sur Facebook et de surprenants pictogrammes sur Instagram).
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infracentre · 5 years
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« Aux Antilles, on a connu les ‘gilets jaunes’ il y a 10 ans »
A Fort-de-France, 16 janvier.
Point 1 : « Relèvement immédiat d’au moins 200 € des bas salaires, des retraites et des minima sociaux ». Point 5 : « Réductions d’impôts fondées sur la justice fiscale ». Point 7 : « Baisse des taux de la taxe sur les carburants ». Point 15 : « Mise en place d’un véritable service de transport des usagers ». Point 30 : « Priorité d’embauche pour les nationaux ». Point 93 : « Arrêt de l’implantation et de l’extension des grandes surfaces ». Point 120 : « Résolution de tous les conflits en cours ».
Non, cet inventaire échevelé n’est pas issu des cahiers de doléance déposée par quelques « gilets jaunes » qui auraient accepté de participer au « grand débat national » de cet hiver 2019. Il s’agit d’un extrait des 120 revendications présentées en 2009 par le LKP, « Liyannaj Kont Pwofitasyon », ou « Collectif contre l’exploitation », en Guyane, en Guadeloupe et en Martinique. Il y a 10 ans tout juste, les trois départements français d’Amérique connaissaient un mouvement social sans précédent.
2009-2019, troublantes similitudes. La lutte contre la « pwofitasyon » présente de troublantes similitudes avec le mouvement qui fleurit dans l’Hexagone depuis le mois de novembre. Telle est l’analyse de l’avocat guadeloupéen Pierre-Yves Chicot, dans le mensuel antillais InterEntreprises. « Les soubresauts qui touchent la France continentale ressemblent à s’y méprendre aux événements sociaux qui ont touché l’outre-mer en 2009 », titre ce magazine. Et c’est d’ailleurs pour cela que le mouvement n’a pas percé aux Antilles, à l’inverse de la Réunion.
C’est aussi l’avis de Yan Monplaisir, élu martiniquais, vice-président de l’Assemblée territoriale, étiqueté à droite et néanmoins allié, au sein de l’exécutif territorial, de la principale formation autonomiste, Mouvement indépendantiste martiniquais (MIM). « Aux Antilles, nous avons connu les ‘gilets jaunes’ il y a 10 ans », affirme-t-il.
Yan Monplaisir, vice-président de l’Assemblée territoriale de Martinique.
Même déclencheur, le prix de l’essence. L’élu, rencontré à Fort-de-France à l’occasion d’une conférence sur la vitalité des centres villes, liste les points communs entre les crises de 2009 et 2019. « Le déclencheur est le même. En 2009, tout avait commencé en Guyane, puis en Guadeloupe, où la population protestait contre une hausse des carburants qu’elle attribuait au fait que la raffinerie de la région est située à la Martinique, alors que la véritable hausse provenait des taxes locales ». Les manifestations étaient, comme cet hiver en France, spontanées, sans lien avec les partis politiques traditionnels, et les élus locaux comme nationaux furent, au départ, décontenancés par le mouvement.
La technique du rond-point. « La Martinique, le 5 février 2009, a connu une manifestation qui demeure la plus importante de l’histoire de l’île. Les gens protestaient contre le coût de la vie, du téléphone, d’Internet, des taux d’intérêt, mais portaient aussi des revendications identitaires, et tout ceci bénéficiait au départ du soutien populaire », se souvient M. Monplaisir, alors chef d’entreprise. Ces « gilets jaunes » avant l’heure ne se contentaient pas de manifester le samedi. Leur colère a duré cinq semaines. En revanche, ils avaient déjà saisi la technique du rond-point, en bloquant les zones d’activité nuit et jour, au point de créer une pénurie. L’essence était bientôt rationnée, les institutions ébranlées.
Au centre de la ville de Fort-de-France.
Effet catharsis. Puisque les Antilles semblent avoir 10 ans d’avance, il est intéressant, du côté européen de l’Atlantique, de savoir comment s’est terminée la crise. Au bout de quelques semaines, le soutien de la population s’est essoufflé : « Nous étions tous las ». Le préfet de Martinique, comme celui de Guadeloupe, a convié la population à « un débat » à la préfecture. « De très nombreux sujets ont été abordés, beaucoup de gens avaient envie de parler, et tout ceci a constitué, comment dit-on quand on va chez le psy, une catharsis, voilà », se souvient l’élu. Ce « grand débat » avant l’heure s’est poursuivi avec les « États-généraux de l’outre-mer », sous Nicolas Sarkozy, puis les « Assises de l’outre-mer », fin 2017, au début du mandat d’Emmanuel Macron. « Merci on a déjà donné », répondent les élus antillais lorsqu’on évoque le « grand débat national ».
Et que devient la Martinique, 10 ans après ? Ce peut être instructif, là encore. Que les défenseurs de l’automobile se rassurent, le prix du carburant, déclencheur du mouvement, fait désormais l’objet d’une péréquation entre les trois départements d’Amérique. Les manifestants réclamaient une gouvernance plus locale, et la crise a accouché d’une réforme institutionnelle. La région et le département, qui coexistaient sur le même territoire, ont été fusionnés en une Collectivité territoriale unique.
Étalement commercial périurbain, en Martinique.
Mais sur le plan économique, la Martinique est plutôt perdante. L’île a connu une grave récession qui ne s’est résorbée qu’en 2014, Les inégalités ne font que s’accroître. Les villes se dévitalisent. Le chômage touche 18% de la population active. Les jeunes et les diplômés quittent l’île pour l’Hexagone ou au Canada. La Martinique perd des habitants.
Non aménagement du territoire. La dimension territoriale du conflit, comparable à celle que soulèvent les « gilets jaunes » aujourd’hui, n’est pas résolue. La Martinique s’est couverte de zones d’activité qui demeurent à moitié vides, et de zones commerciales qui finissent par tuer le commerce local. Ce non aménagement du territoire implique l’usage d’une voiture pour 85% des trajets, et pèse sur le budget des ménages, sans même parler de la congestion récurrente et de la pollution.
Le transport en commun en site propre, bus disposant de sa propre voie, à Fort-de-France.
M. Monplaisir ne peut que constater « l’échec de la politique de transport public ». L’inauguration, en août 2018, du « TCSP », transport en commun en site propre, un bus qui relie Fort-de-France au Lamentin, les deux principales villes, fait la fierté, à juste titre, des Martiniquais, mais cela ne suffira sans doute pas. La fréquence de ce bus est insuffisante, et la qualité des réseaux urbains des agglomérations demeure aléatoire.
L’élu craint par ailleurs d’autres soulèvements à venir, susceptibles de se nourrir des inégalités foncières, que connaît la Martinique « depuis la colonisation », indique-t-il. A Sainte-Luce, 10000 habitants, dans le sud de l’île, le groupe Bernard Hayot, puissant acteur de la grande distribution aux Antilles, veut installer un hypermarché Carrefour sur un terrain qui lui appartient depuis l’arrivée des premiers colons. Le maire, Nicaise Monrose (divers gauche), s’y oppose, craignant pour la vitalité du commerce local. Les recours sont presque épuisés.
Bernard Hayot, 85 ans, « suscite chez les martiniquais un mélange de respect, de frustration et de jalousie », analyse M. Monplaisir. « Je crains que cela ne se traduise un jour par une réaction de rejet ». L’Hexagone saura-t-il se saisir des leçons de la crise antillaise ?
Olivier Razemon (l’actu sur Twitter, des nouvelles du blog sur Facebook et de surprenants pictogrammes sur Instagram).
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infracentre · 5 years
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Voilà à quoi ressemble un « trottoir intelligent »
Trottoir à Aix-les-Bains (Savoie).
La ville intelligente, la voiture intelligente, la route intelligente, les livraisons intelligentes… Et puis aussi le trottoir intelligent. A intervalles réguliers, des chercheurs assurent avoir mis au point un « trottoir intelligent », qui produit de l’électricité grâce aux pas des piétons. On en a installé un à Toulouse il y a déjà 8 ans, qui alimentait un lampadaire. Quinze dalles disposées à proximité de la place Wilson étaient munies d’un générateur miniature transformant l’énergie mécanique en énergie électrique.
Capture d’écran de la vidéo de présentation du « trottoir intelligent » de Londres.
En 2017, c’est à Londres qu’est de nouveau apparu un « trottoir intelligent ». Les pas des passants produisent de l’énergie qui ne se contente pas d’alimenter un éclairage, mais également un émetteur de bruits d’oiseaux et des filtres nettoyant l’atmosphère. Rien que ça !
Leds adaptables et pavés chauffants. A Toronto, la ville privée entièrement conçue par une filiale de Google, se dote de multiples gadgets, tels des pavés chauffants, des leds redessinant la chaussée et les pistes cyclables selon l’heure, tout ceci garantissant une ville « bâtie pour l’humain ». Cool, à ceci près que cette ville nouvelle est aussi bourrée de capteurs qui enregistrent et analysent tout ce que les habitants y font. Et ça ne plaît pas à tout le monde.
A chaque fois, ces « trottoirs intelligents » sont qualifiés d’« éco-responsables » et c’est tout juste si on les juge pas carrément susceptibles à eux seuls de relever le défi du réchauffement climatique.
Contournement d’escalier, Nevers.
Un trottoir conçu pour le piéton. Et si le « trottoir intelligent » n’était pas d’abord intelligent, mais en priorité un trottoir ? Voici, sur l’image d’ouverture, un exemple tout bête, trouvé au hasard de pérégrinations à Aix-les-Bains, en Savoie. Le trottoir, un enrobé de bitume tout à fait classique, s’élargit à l’endroit où est posé un lampadaire. Ben oui, c’est tout bête. Ainsi, le piéton dispose de la même largeur pour marcher tout au long du cheminement, et ne doit pas se livrer à des contorsions compliquées, ni descendre sur la chaussée, pour passer l’obstacle. Sur l’image ci-dessus, le même principe a été appliqué pour contourner un escalier, à Nevers.
Poussettes et valises. Cette continuité d’itinéraire, ce confort, osons le mot, est particulièrement utile aux personnes transportant des bagages à roulettes ou une poussette, voire évoluant en fauteuil roulant, bien qu’en l’espèce, à Aix-le-Bains, la rue en pente ne s’y prête pas trop. C’est tout bête, donc, mais c’est assez rare pour être souligné. En effet, la plupart du temps, les aménageurs posent le mobilier urbain, lampadaire, armoire électrique, panneau de signalisation, bac de stockage du sel de déneigement, au beau milieu du trottoir, sans réfléchir aux conséquences pour ses premiers usagers, les piétons.
Trottoir élargi, Avignon.
Passage élargi. Voici un autre exemple de trottoir intelligent, trouvé cette fois à Avignon. Le trottoir n’est pas très large, et les services de la voirie ont décidé de lui octroyer un espace supplémentaire. Non pas en reprenant l’ensemble de l’infrastructure, car cela coûterait cher. Quand on refait le bitume, il faut aussi refaire aussi ce qui est en-dessous, en l’espèce des tuyaux et des raccordements. Les aménageurs ont préféré donner au piéton davantage d’espace, pris sur la chaussée. Sur la photo, on notera la présence d’un vélo, mal stationné, qui gêne le déplacement des piétons.
L’intelligence toute bête consiste aussi à déneiger le trottoir, à le dégager des obstacles qui s’y trouvent, en particulier les poubelles ou les deux-roues motorisés, à ne pas le neutraliser pour travaux sans prévoir d’alternative, à éviter d’y construire une piste cyclable, ce qui entraîne d’inutiles et agaçants conflits d’usage entre piétons et cyclistes.
La mort du trottoir, La Châtre (Indre).
Enfin, aperçu à La Châtre (Indre), la fin d’un trottoir. Car les trottoirs meurent aussi. Ah, au fait, à Toulouse, le « trottoir intelligent » mentionné au début de cet article a cessé de fonctionner en juin 2011, quelques mois à peine après sa mise en service.
Olivier Razemon (l’actu sur Twitter, des nouvelles du blog sur Facebook et de surprenants pictogrammes sur Instagram).
Observations urbaines:
La ligne de désir, ou la ville inventée par le piéton (janvier 2017)
« Pendant les travaux, vos commerces restent ouverts » (mars 2018)
Dessine-moi une « zone de rencontre » (avril 2016)
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