Don't wanna be here? Send us removal request.
Photo

« Je crois que nous nous endormons, à l’heure qu’il est, sur un volcan. » Alexis de Tocqueville
C’était un mois de mai comme les autres. Les marronniers fleurissaient avec en toile de fond le soleil déjà haut dans le ciel bleu. Tous les mois de mai à Paris avaient dû être comme cela. Que des soldats en uniforme vert-de-gris descendirent les Champs-Élysées sous les yeux d’une population incrédule ou que des pavés furent lancés sur des CRS au nom de la modernité, les fleurs blanches des marronniers s’épanouissaient toujours à la lumière du plus beau des mois. Nous étions mercredi et cela faisait deux-cent ans que l’Empereur était mort. J’avais posé ma journée pour aller lui rendre hommage. A neuf heures du matin, la place Vauban était vide et muette. Je me retrouvais nez à nez avec le président de France Bonapartiste qui ne me connaissais pas mais que j’avais déjà croisé trois ans auparavant, pour la même occasion. Nous nous saluâmes. L’ancien militaire venait spécialement de Toulouse. Il était neuf heures ce matin là. Tous deux nous faisions face au dôme des Invalides. L’entrée nous avait été refusée. Seuls ceux qui en étaient avaient pu pénétrer l’enceinte. En cet instant Napoléon ne reposait plus au milieu de ce peuple français qu’il avait tant aimé mais au milieu de ceux qui se trouvaient accrédités. L’aimaient-t-ils ? Quelques instants plus tard, Charles arriva. Lui aussi avait posé sa journée pour ne pas manquer ce moment historique. Nous venions de Paris et n’aurions pas voulu être ailleurs en cette journée que nous prévoyions depuis longtemps. L’armée de trois que nous formions alors me fit dire que nos rangs ne pouvaient que grossir. Ce fut le cas. Des membres de France Bonapartiste affluèrent des quatre coins de la France. Aux environs de midi nous étions un bataillon de vingt. Il y avait Thierry, éleveur de vaches laitières en Haute-Savoie. Petit-fils de paysan, je savais que s’occuper d’une ferme ne permettait pas que l’on s’en absente ne serait-ce que le temps d’une journée, sauf cas de force majeure. Les deux-cents ans de la mort de l’Empereur en constituaient un, au même titre qu’un rendez-vous pour soigner une rage de dents ou la nécessité de se rendre à la foire aux bestiaux. Thierry était venu en train avec un de ses amis éleveurs. Une femme élégante s’était jointe au groupe, elle aussi venue de son coin de France. Entre temps des grenadiers accompagnés d’officiers avaient manœuvré en battant le tambour jusqu’à nous. Eux avaient eu accès à l’enceinte dont nous désirions tous franchir les portes. Ils étaient venus nous voir. Des « vive l’Empereur » avaient fusé. Une gerbe fut déposée. Après avoir déjeuné dans les alentours nous revînmes place Vauban avec Charles en début d’après-midi. Le temps était devenu menaçant. Une pluie fine s’abattait sur Paris. Une centaine de personnes se trouvait là. De longues hampes soutenaient d’immenses drapeaux aux couleurs de l’Empire. Abeilles et aigles flottaient au vent sur fond de bleu-blanc-rouge. France Bonapartiste avait vu ses rangs grossir d’un bon nombre d’adhérents qui pour la plupart n’étaient pas de première jeunesse. La moyenne d’âge baissait avec l’arrivée de plus de deux-cents jeunes hommes accompagnés d’une poignée de jeunes filles. Je compris qu’ils étaient membres d’un même groupe Facebook à la gloire du Petit Caporal. Bières consommées à grandes goulées et « vive l’Empereur » éructés firent dire au chef de France Bonapartiste que l’ambiance “Kop de Boulogne” n’était pas de son goût en ces circonstances. Les trop bruyants supporters de l’Empereur furent donc laissés là par les plus distingués membres de France Bonapartiste, s’écartant ostensiblement. J’assistais au schisme avec amusement. Pourquoi étions-nous si peu nombreux ? Que s’était-il passé depuis le 6 avril 2014, lorsque quatre-vingt-mille personnes massées aux abords du château de Fontainebleau avaient salué d’une seule voix l’Empereur reconstituteur qui venait de mimer les adieux à la Garde, ceux que le vrai Napoléon avait faits deux-cents ans plus tôt ? Pourquoi n’étions-nous aujourd’hui qu’une poignée même pas unie ? Pourquoi l’Etat français avait-il envoyé le porte-avions Charles de Gaulle au bicentenaire de la défaite de Trafalgar, en 2006, quand il n’avait pas été capable de célébrer Austerlitz en 2005 ? Comment était-ce possible que ce 5 mai 2021 fut un jour de mai comme les autres ? En plus de ces questions au mille réponses fâcheuses, il fallait se rendre à l’évidence. Nous étions là entre petits blancs, ersatz d’une nation en déliquescence. Nous n’étions même pas ensemble mais côte à côte. Les uns préférant célébrer ce moment à l’écart des autres devenus trop bruyants. La compagnie de CRS déployée pour nous contenir et nous éloigner le plus possible du dôme avait pu compter sur notre coopération. Plus de vingt camions étaient stationnés sur la place. Quel danger nous représentions aux yeux des officiels attendus pour cette cérémonie en catimini devant le tombeau en quartzite. Dans le groupe que nous formions sur la pelouse de l’avenue de Breteuil, Charles et moi rencontrâmes trois garçons venus de leur Auvergne natale. Ils étaient de ceux qui brandissaient ces grands drapeaux ornés des symboles napoléoniens. Pour leur deuxième fois à Paris en 23 ans d’existence, les trois n’avaient pu passer à côté du plaisir de prendre le métro pour se rendre aux Invalides. Dans les couloirs crasseux et les rames bondées, l’accueil réservé au trio fut mitigé. Le plus instruit des voyageurs qu’ils rencontrèrent n’hésita pas à leur apprendre doctement que Napoléon faisait trois-cents morts par jour et qu’il avait mis la France à genoux pour rien. Ne s’embarrassant pas d’une argumentation aussi élaborée, une femme vint vers eux en vociférant qu’Allah était grand, joignant à ses paroles de paix et d’amour un geste en forme de doigt d’honneur. Ce spectacle de la haine de soi et de la haine de l’autre avait fait le plus grand effet à ces fiers auvergnats. Ils étaient confortés dans l’idée que Paris n’était pas fréquentable en l’état et que les monts volcaniques de leur bout de pays constituaient un refuge bienvenu. Sur ces considérations nous voyons débouler du fond de l’avenue de Ségur un objet roulant non identifié. C’est un fût de canon en papier mâché que l’on a monté sur deux roues de chariot. Des drapeaux français sont fixés des deux côtés de la machine poussée par un vieil homme chétif en tenue de grognard. Au devant se trouve un écriteau doré à la bombe où l’on peut lire l’inscription : « à la gloire de notre Empereur Napoleone ». La petite foule que nous formons exulte. Le soleil fait une brève apparition. Les « vive l’Empereur » jaillissent. Les CRS sont médusés. Le quartier est bouclé. Une photo de groupe s’organise. Ici et là des officiers appellent à former le carré. On nous demande de reculer, ce que chacun approuve en scandant « vive la police ». Bientôt 17h49. L’heure exacte de la mort de l’Empereur approche. La pluie se met à tomber. Les adhérents de France Bonapartiste on levé le camp. Les jeunes napoléonistes, qui entonnent le chant de l’oignon et la strasbourgeoise à tue tête depuis le début de l’après-midi ont fait fuir leurs aînés. La célébration dans l’unité n’aura pas lieu. Avant l’heure fatidique Charles et moi quittons les lieux avec ce sentiment que la journée écoulée n’a pas tenu les promesses auxquelles nous avions bien voulu croire. Nous franchissons la Seine sur le pont Alexandre III puis c’est devant le Grand et le Petit Palais que nos pas nous mènent. Non loin de là, Churchill, de Gaulle et Clémenceau sont figés dans un même mouvement, leur regard de bronze perdu dans l’horizon. Dans ses Mémoires de guerre, le Général fait le récit de la visite de Winston Churchill à Paris, en 1944. Ils furent aux Invalides s’incliner devant la dalle de Foch. Après quoi, celui que de Gaulle décrivit comme « l’illustre Anglais » se pencha, un long moment, sur le tombeau de Napoléon. « Dans le monde, dit-il à de Gaulle, il n’y a rien de plus grand ! » Bien des mois de mai ont défilé depuis cette déclaration venue d’un temps révolu. Dans le monde, aujourd’hui, il n’y a rien de plus affligeant que de voir les plus petits souhaiter l’effacement des plus grands. Sur le retour je laisse Charles prendre la direction de son domicile et remonte les Champs-Elysées vers la station de RER la plus proche. Chacun de ceux qui auront participé à cette journée, à cet endroit, dans ces conditions, se feront leur propre opinion des événement tels qu’ils les auront vécus. Quant au tableau que je me suis fait de cette journée, des hordes d’adolescents en survêtements à capuches juchés sur leurs trottinettes électriques lui apportent sa touche finale. Jeunes filles et jeunes hommes déversés là par les trains de banlieue se croisent et se toisent. Les habitants du quartier sont allés se confiner ailleurs, en attendant les jours plus heureux du monde d’après. Dans la lumière d’un soleil voilé, la plus belle avenue du monde est en piteux état. Les traces des affrontements passés demeurent. Les cars de touristes ne dégueulent plus leurs acheteurs frénétiques venus d’Asie. Vitrines barricadées et rideaux tirés, voilà le triste spectacle d’une artère emblématique devenue Styx. Il est temps de rentrer et de tirer le rideau sur cette journée de mois de mai qui, à sa façon, était comme toutes les autres. Arrivé en gare de Maisons-Laffitte, le temps s’est mis au beau. Le coucher de soleil sera sublime. Un ciel bleu marine s’étend par-dessus l’avenue de Longueuil, que je longe jusqu’à l’orée du Parc. Pour clore cette journée dignement je me dirige vers ce le centre névralgique du Parc de Maisons. Après avoir emprunté l’avenue Églé je débouche dans l’avenue Wagram. Croisant les avenues Benjamin Constant, Duguesclin, Montesquieu, Augereau et Beauharnais, on finit par tomber sur la place Napoléon. En son centre, un buste en résine se dévoile. L’Empereur a le visage sans contours, sans traits, presque fantomatique. En tenue de colonel de chasseur à cheval de la Garde, il domine la paisible place aux airs de campagne. L’herbe fraichement coupée rappelle celle des fenaisons. Chaque avenue qui converge là témoigne d’une gloire sinon d’une légende napoléonienne qui semble lointaine et surtout immensément vaine. La journée écoulée en a donné l’impression tenace. Depuis mes 10 ans j’amassais tout ouvrage qui pouvait étancher la soif de savoir que j’éprouvais quant au parcours de cet homme qui me paraissait être davantage qu’un homme. Les barons d’Empire m’étaient devenus familiers. Je m’étais abreuvé des faits et gestes de ceux qui avaient fait cette époque. Aujourd’hui je n’y avais plus goût. J’espérais de cette journée qu’elle fut un retour des cendres bis, répétition de ce 15 décembre 1840, quand, malgré la température négative, un million d’hommes, de femmes et d’enfants se sont pressés tout au long du parcours que le cercueil de l’Empereur devait emprunter jusqu’à sa dernière demeure. Je m’attendais à ce 15 décembre 1840 bis et au Victor Hugo de notre époque qui écrirait pour les générations à venir ce qu’avait alors été cette journée. En lieu et place nous avions eu le piteux spectacle d’une commémoration en forme de farce. Le million d’hommes et de femmes était devenu un attroupement de trois pelés et un tondu venus de leurs provinces respectives. Les soldats qui veillaient sur le cortège ce 15 décembre 1840 avaient été remplacés par une compagnie de CRS qui surveillait, bouclier au poing et matraque à la ceinture, notre curieux attroupement de dangereux fanatiques. Aucun Victor Hugo actuel n’était présent pour observer et raconter. Notre époque n’était de toute façon plus en capacité d’en produire. Quand bien même, il était inutile de relater de tels faits aux générations futures sous peine de ridicule. Que fut en effet notre piètre rassemblement au regard de ce que Hugo écrivit afin d’évoquer cette journée dans « Les Rayons et les Ombres » : « Avec le sarcophage impérial, transporté sur un char long de 30 mètres et haut de 10, orné de 14 statues représentant les victoires les plus éclatantes de l'Empire et tiré par 16 chevaux, passe l’époque la plus haute peut-être de l’Histoire. Que de sang, que de larmes, mais que de grandeur ! 20 ans durant, la France fût maîtresse de la terre, dans un tumulte d’orgueil que Rome même ne connut pas. » Je savais que ces mots avaient été couchés sur le papier en oubliant le despotisme, ne retenant que la gloire. La France d’alors aimait à se rappeler ce passé. L’aventure impériale devenait alors légende. Pour beaucoup, y compris le plus grand écrivain français, Arcole, les Pyramides, Austerlitz, Iéna, Friedland, Wagram signifiaient grandeur et invincibilité. Notre époque repentante rendait ces noms suspects sinon questionnables. Ainsi nous nous rendions indignes de ce qu’ils représentaient. Le retour en France de la dépouille du général Charles Etienne Gudin, mort en 1812 lors de la campagne de Russie, me confortait dans cette idée. Elle avait été exhumée en 2019 par une équipe de chercheurs franco-russe, sur les lieux de la bataille de Valoutina Gora, près de Smolensk. A l’époque, la dépouille enterrée sur place avait ensuite été perdue. Le 23 aout 1812, pour l’oraison funèbre du général, Napoléon dit de lui qu’il fut un des officiers les plus distingués de l’armée, recommandable par ses qualités morales autant que par sa bravoure et son intrépidité. Aujourd’hui le corps du général, camarade de Napoléon à l’école militaire de Brienne, a été rapatrié en France. Une cérémonie officielle en bonne et due forme était réclamée par les plus enthousiastes. La France avait laissé planer le doute. Elle n’avait pas tout de suite prévu d’accorder les honneurs au général d’Empire. Aucune cérémonie ne devait avoir lieu, ni aux Invalides, ni à l’Arc de Triomphe, sur lequel son nom est gravé. La start-up nation n’avait pas envie d’accueillir en grande pompe le cercueil que la Russie de Poutine lui envoyait. Le spectacle d’un rapprochement entre les deux nations semblait si peu souhaitable que ni l’Etat, ni la ville de Montargis, dont le général est originaire, ne voulaient accueillir sa dépouille. Si l’affaire prenait cette tournure il fallait en chercher les raisons dans les tréfonds de la politique politicienne. La dépouille de Charles-Etienne Gudin avait été localisée par une équipe franco-russe comportant, côté Français, Pierre Malinowski, historien de formation, ancien militaire, président de la Fondation Franco-Russe des initiatives historiques, passionné de l’épopée impériale. Or, pour la tranquillité de tous, les soldats du bien qui écument les plateaux de télévision et arpentent les couloirs feutrés de l’Elysée avaient avant tout vu chez cet homme un proche de Vladimir Poutine et, surtout, un ancien assistant parlementaire de Jean-Marie Le Pen. L’Empire du Bien triomphait. Il remportait encore une bataille contre l’hydre fasciste. Ses serviteurs avaient fait quelque chose, dans leurs cabinets, alors que personne ne leur demandait rien. La ville de Montargis ne sauvait pas l’honneur de la France. Le maire s’en moquait. Il n’en voulait pas de cette caisse en bois avec un général dedans et cela coûtait trop cher de lui faire construire un mausolée. La famille se chargerait de l’inhumer dans son propre caveau. Ultime péripétie dans ce dossier, la France décida de revoir sa copie. Elle laissa à la “ministre déléguée chargée de la Mémoire et des Anciens combattants” Geneviève Darrieussecq, diplômée de l’Université Bordeaux II, le soin d'accueillir, sur le tarmac du Bourget, la dépouille du général de division Gudin, Comte de l'Empire, vétéran des Guerres de la Révolution française et des Guerres napoléoniennes, notamment engagé lors des batailles d'Auerstaedt, d'Eylau, d'Eckmühl, de Wagram et de Valoutina Gora. Ainsi donc, qu’il s’agisse de célébrer le bicentenaire de la mort de l’Empereur ou de rentrer au pays après deux-cents ans passés sous une plaine de Russie, mieux valait parfois rester couché.
0 notes
Quote
Car qui sont les responsables des tueries qui ont frappé notre pays ? Qui est responsable de cet apartheid de certains quartiers évoqué par un Premier ministre alors que ces derniers ont été vidés de ses autochtones par la pression, les menaces et l’impossibilité de vivre ensemble en terre devenue étrangère ? Qui est responsable de la désertion massive par les juifs des quartiers à forte et récente concentration musulmane ? Pourquoi un manifeste contre le nouvel antisémitisme a-t-il été signé par 300 personnalités, en 2018, si ce n’est pour dénoncer une épuration ethnique à bas bruit et le silence des médias, les mêmes qui aujourd’hui s’acharnent sur celui qui se dresse pour crier une vérité dérangeante ? Qui sont ceux qui caillassent nos forces de l’ordre et nos services de secours en intervention, cherchant même à les tuer ? Qui sont les responsables de ces agressions ou attaques au couteau devenues quasi-quotidiennes avec leur lot de morts et de blessés que l’on cache dans la rubrique des faits divers alors qu’ils sont commis au nom d’une idéologie mortifère ? Par ailleurs, qui peut nier la volonté d’afficher sa présence et sa différence culturelle par des pratiques vestimentaires qui ne sont pas les nôtres, sans compter la collaboration des pouvoirs publics dans l’institutionnalisation de pratiques barbares dans l’abattage des animaux avec les risques sanitaires qu’ils impliquent ? Il faut bien le dire, la France est aujourd’hui, à l’image de la cathédrale Notre-Dame de Paris, défigurée et martyrisée.
https://www.cnre.eu/la-valse-a-trois-temps
0 notes
Photo

« Des garçons chimériques. Bourrés d’idéal, voilà tout. Pourquoi ne laisserait-on pas ces aimables crétins divaguer ? Ils souffraient d’une maladie : la jeunesse, dont on se remet vite. D’ici quelques mois, ils seraient beaucoup plus raisonnables. D’ailleurs de quel combat s’agissait-il sinon d’un bavardage enflammé au cours duquel les mots : Justice, Progrès, Vérité, Démocratie, Liberté, Révolution, Honneur, Patrie, revenaient sans cesse ? Tout cela me semblait très anodin. »
Patrick Modiano - La ronde de nuit - 1969
0 notes
Photo

Discours pour une messe départementale du Souvenir français
Aujourd’hui, nous rendons hommage à notre mémoire commune, grâce à cette messe en l’honneur de ceux qui se sont battus pour que la France demeure ; en l’honneur de ceux qui ont pu accomplir leur devoir et rentrer ; mais aussi, bien-sûr, en l’honneur de ceux qui, comme le dit un chant bien connu des Paras, « sont tombés un beau matin, sur un de ces chemins ».
Dans nos villes et villages, nous voyons leurs noms gravés dans le marbre, le granit ou le bronze de nos monuments aux morts ; ces monuments dressés comme des sentinelles et qui égrainent les prénoms de ceux qui sont Morts pour la France.
Ces quatre mots : « Mort pour la France », sont bien plus qu’une formule. C’est le symbole d’un sacrifice. Celui-de ceux qui se sont battus dans la fange pour conserver nos frontières au prix du sang.
Celui de ceux qui ont trépassé pour empêcher que l’ennemi entre chez soi.
Celui de ceux qui ont été broyés dans la boue de France, qui ont versé leur sang sur toutes les terres et toutes les mers, de Paris à Moscou, de Koufra à Strasbourg, de Diên Biên Phu à Alger, de Trafalgar à Mers el-Kébir.
Celui de ceux qui se sont sacrifiés, à l’image des pontonniers du Général Eblé, qui se sont acharnés à construire ce passage qui ferait traverser la Bérézina à une armée disloquée.
Aujourd’hui, en France, l’heure est heureusement à la paix. Mais n’oublions pas – et je m’adresse ici particulièrement à notre jeunesse – n’oublions pas, chers enfants, que notre pays, votre pays, est engagé à l’étranger, en Centrafrique, au Sahel, au Mali …
N’oublions pas que, si la paix ici est bien réelle, nous le devons également à nos soldats qui se battent pour défendre nos intérêts et nos valeurs à l’extérieur de nos frontières.
Je leur rends hommage ici même et je vous invite, cher jeunes hommes, chères jeunes filles, à encourager vos amis, au collège, au lycée, à suivre votre exemple.
Encouragez-les à honorer, comme vous le faites, ce devoir de mémoire qui nous incombe à tous. Expliquez-leur pourquoi il nous faut respecter ceux qui se sont levés pour que vous puissiez vivre libre.
Méditez, chère jeunesse, cette phrase d’Auguste Comte, ce philosophe français qui a dit, à juste titre, que « les morts gouvernent les vivants » ; soit une autre manière de clamer que nous sommes les héritiers de ceux qui, avant nous, on défendu les valeurs de notre nation et que nous devons chérir à notre tour.
Nous aurons l’occasion, dans les mois qui arrivent, d’être fidèles à notre devoir de mémoire pour de nombreux anniversaires.
Je pense notamment à trois dates qui sont toutes liées.
La première est celle du 130ème anniversaire de la naissance du Général de Gaulle, né un 22 novembre 1890.
La seconde est celle du 50ème anniversaire de la mort du Général de Gaulle, décédé à Colombey-les-Deux-Églises le 9 novembre 1970.
La troisième est celle du 80ème anniversaire de l’Appel du 18 juin ; ce 18 juin 1940 où le mouvement de la Résistance est né avec ces paroles qui disaient, notamment, que « toutes les fautes, tous les retards, toutes les souffrances n'empêchent pas qu'il y a dans l'univers tous les moyens nécessaires pour écraser un jour nos ennemis. »
Nos ennemis, ce sont aujourd’hui ceux qui pensent que les valeurs de la République, la liberté, l’égalité, la fraternité, ne sont pas des valeurs ; ce sont ceux qui foulent au pied nos principes ; ce sont ceux qui entendent remettre en cause notre cohésion, notre appartenance commune à la France et à ce qui fait que nous sommes ici en ce jour.
Alors soyons fiers de ce que nous sommes. N’ayons pas honte de le dire ni de le penser. Ce serait faire offense à ceux qui sont morts pour nous, à ceux à qui nous rendons hommage aujourd’hui. Photo : Arnaud Beltrame, lorsqu'il était porte-drapeau de 1999 à 2001 à l'École militaire InterArmes dans le Morbihan / © ESCC/Dircom
0 notes