Tumgik
verbum-volitans · 4 years
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Confinement : jours n°8 et 9
Samedi 21 et dimanche 22 mars 2020
Oups, j’ai loupé pas mal de jours. Mais puisqu’ils s’enchaînent et se ressemblent, ce n’est pas une si grande perte... Hier c’était ma fête, en tout cas. Je n’ai plus d’odorat ni de goût : on fait difficilement pire. Je mange des pâtes au piment, car la brûlure des muqueuses me donne l’impression d’être en vie. Sympa. On a fait une conversation vidéo avec les grands-parents de Rozoy, ça a duré mille ans. Sinon c’est tout. Je vais m’y remettre.
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verbum-volitans · 4 years
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Confinement : jour n°7
Vendredi 20 mars 2020
J’ai bien dormi, sans mal de tête pour me réveiller. Il est resté là toute la matinée, tapi entre mes deux yeux, à guetter. Mais aujourd’hui, il est lui aussi resté chez lui. Prudemment, j’ai consulté les écrans. Sans douleur. Alors j’ai joué aux Sims 2-3h, j’ai construit une maison où le sous-sol n’est pas couvert, s’apparentant alors à un loft. Une fois la maison achevée, j’ai quitté ; peu d’intérêt à jouer finalement. J’ai flemme-quit un boss dans Ori, Sami était dépité par mon manque de combativité. Nous avons déjeuné quelques restes ; Sami a mangé des spaghettis à la poêle. J’ai lu dans le canapé, puis ai dormi une petite heure. Nous avons fait le ménage. Sami s’est illustré dans l’art de la serpillière et du pain pita. Le confinement lui va comme un gant. Gyros au foulet ; avec un peu plus de sel ce sera parfait. J’ai joué à Ori, après avoir savamment -non- détruit le boss. Niveau santé, je me sens mieux. J’ai à peine eu mal à la tête. Juste fatiguée. Ah et mes oreilles se bouchent ; mon corps a décidé de tout tenter. Laisse-le faire, lui aussi doit s’ennuyer.
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verbum-volitans · 4 years
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Confinement : jour n°6
Jeudi 19/03
Une sale journée, placée sous le signe de la migraine. J’ai téléphoné aux deux mamies le matin, et j’ai lu. Le reste de la journée fut passé dans le canapé, la tête lourde. J’ai fait du sport en espérant une délivrance, en vain. J’ai fait une sieste de 18h30 à 20h, puis nous avons mangé des spaghettis. Rien de bien réjouissant.
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verbum-volitans · 4 years
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Confinement : jour n°5
Mercredi 18 mars 2020
Je me sens mieux. J’ai fait du sport ce matin, et ça a chassé le mal de tête pour la journée. J’en ai d’ailleurs bien bavé ; je vais réitérer sous peu. Ce midi, nous avons mangé des nouilles chinoises, et ce soir des chips à l’apéro puis des dumplings. J’ai beaucoup lu : j’ai terminé Une chambre à soi, et j’ai commencé Reclaim : recueil de textes écoféministes et La Horde du Contre-Vent. J’avais des a priori sur l’écoféminisme avant le début de la lecture ; et j’ai toujours du mal... Je ne sais pas si je l’achèverai. J’ai également étudié ! J’ai fait de la philo avec le manuel Lire les philosophes. En toute logique je commence par l’antiquité, et avec Platon. J’ai hâte d’avancer. Le soir, j’ai joué à Ori avant de commencer La Horde.
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verbum-volitans · 4 years
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Confinement : jour n°4
Mardi 17 mars 2020
Pas la grande forme aujourd’hui. Après un FaceTime matinal avec la mif, j’ai été prise d’un sale mal de tête. Accusant les écrans, j’ai lu Une Chambre à soi près de la  fenêtre, mais ça ne passait pas. Nous avons mangé des gnocchis, puis j’ai regardé deux épisodes de Jane The Virgin. Regarder l’écran était douloureux, le son me vrillait le crâne. J’ai ensuite dormi 2h, en espérant que le mal de tête partirait. Cela n’a pas fonctionné ; seul un Doliprane a su le dissiper. Mal de tête, toux sèche, douleur aux lombaires... sans vouloir céder à la psychose, ça semble à notre ami le Cororo. Suis-je donc condamnée à être le dindon de la farce dans chaque aspect de mon existence ? Nous avons de nouveau FaceTimer pour la Saint-Patrick. Mum était inquiète. Sami a ensuite fait ses pizzas ; ce fut bon, et j’étais délivrée de la migraine. J’ai passé le reste de la soirée à créer des Discords pour mes classes ; tout un programme.
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verbum-volitans · 4 years
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Confinement : jour n°3
Lundi 16 mars 2020
J’ai plus ou moins passé la journée à essayer d’accéder aux ENT, complètement noyés par une connexion massive et inédite. Ca m’a distraite pendant que je préparais quelques cours pour les sixièmes. Ils vont lire des Métamorphoses d’Ovide, et répondre à des petits questionnaires Google Form. C’est un bon projet. Nous avons fait des courses vers 15h30. L’ambiance est étrange, dehors. Nous avons fait la queue devant Franprix, car ils géraient les flux. Ce midi, nous avons mangé l’assiette de riz, maïs et tofu grillés, haricots épicés et sauce au yaourt. Ce soir, nous avons attendu l’allocution de Macron : après que son peuple d’imbéciles a passé le dimanche a flâné dans les parcs et boire sur les quais, il a à moitié prononcé le confinement total, sans jamais employer ces mots. C’était flou, mou ; le gouvernement sera plus strict demain. Nous avons dîné de la soupe de courge et de patate douce. Ce soir, Sami utilise le salon pour y mener ses desseins récréatifs. Je suis au lit, hésitant entre les Sims, Une Chambre à soi, Jane The Virgin. Le champ des possibles s’ouvre à moi.
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verbum-volitans · 4 years
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Confinement : jour n°2
Dimanche 16 mars 2020
Macron a parlé hier soir : nous n’irons pas voir les parents de Sami, et je n’irai pas à la salle de sport. La soeur de Sami a quitté New-York, elle est passée prendre les clés de l’appartement familial. Nous lui avons fait des cookies, pour soigner son chagrin. Ce dimanche, nous sommes allés voter. Ensuite, je me suis attelée aux cours de troisième. J’ai lu la version abrégée de No et moi que je leur ai donnée vendredi. J’ai créé un parcours de lecture, qu’ils suivront en répondant à quelques questions. J’en suis assez satisfaite. Le soir, nous avons regardé Divines, dans le canapé-lit. C’était chouette ; je dois écrire la critique dans mon carnet. Je n’y ai pas encore réfléchi.
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verbum-volitans · 4 years
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Confinement : jour n°1
Samedi 14 mars 2020
Aujourd’hui, ça va. Je voulais aller à la salle, puis j’ai reporté à dimanche car nous voyons les parents de Sami demain après-midi. Normalement. J’ai joué aux Sims, on a mangé du pain frais et de la confiture. J’ai passé l’après-midi sur mes cours de seconde, après un FaceTime familial. Mes cours sont prêts, c’est chouette.
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verbum-volitans · 4 years
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oups i did it again
1. j’ai reçu un bracelet “merci maîtresse” (?) et des dessins/poèmes de mes sixièmes
2. mes cours se sont bien déroulés, notamment avec les troisièmes sur les propositions
3. je vais bientôt cuisiner un cheesecake au speculoos
4. j’ai terminé un livre, Baise-Moi
5. Tiffany arrive ce soir et ce WE va être sympa
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verbum-volitans · 4 years
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tranquille
1. Cadeau de Noël de Sami : afternoon tea au Shangri-la Palace
2. L’entremets au fruit de la passion façon cheesecake
3. Passer la journée avec Sami
4. Jouer aux Sims dans le canapé
5. Il a fait beau et frais (vivifiant) 
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verbum-volitans · 4 years
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happy birthday harry
1. C’est mon anniversaire et plusieurs personnes ont pensé à moi
2. Joan a écrit un joli poème et il était très touché par mon petit mot appréciateur 
3. Les troisièmes ont été étonnamment calmes alors que je paniquais à cause d’un souci technique
4. Sami m’a offert une tablette en bois pour lire et geeker au lit
5. J’ai écouté d’excellents podcasts d’Intime&Politique
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verbum-volitans · 4 years
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tiny pleasures
1. J’ai passé trois heures à écrire “scaramouche”, et j’en suis assez satisfaite
2. Je me suis faite le mélange dattes/avoine/coco/amande pour le petit-déjeuner
3. J’ai réussi à me motiver pour aller à la salle de sport
4. J’ai gagné à Battleground avec un deck murlocs
5. J’ai fait grève, je ne suis pas allée là-bas et j’ai pu me lever à 10h
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verbum-volitans · 4 years
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scaramouche
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12h27-15h18, jeudi 9 janvier
 Tes doigts pianotent d’impatience sur le volant. Troisième feu rouge d’affilée sur cette ligne droite que tu empruntes tous les jours. Manque de bol. Le premier t’a fait lâcher un petit bruit agacé, celui que tu fais parfois, quand tu sors rapidement un filet d’air par les narines. Tu savais ce qui nous attendait. Si on se tape le premier on se les tape tous, m’as-tu déjà dit. Tu connais bien la route, c’est celle que tu prends pour aller travailler. Tu connais la synchronisation des feux, tu anticipes les heures de pointe, tu t’arrêtes parfois en plein milieu pour passer à la supérette lorsqu’il manque quelque chose à la maison. C’est ton quotidien, le calme avant la tempête au bureau, la radio qui crache les mêmes infos en boucle et qui te donne des idées de conversation pour le déjeuner, ta playlist favorite pour être de bonne humeur ou celle que tu aimes mettre lorsqu’il pleut. Tu me racontes parfois tes plus beaux exploits, quand le refrain se synchronise avec le passage à la lumière verte, quand tu improvises une course avec la voiture d’à côté et que le kéké qui fait ronronner Mercedes cale au moment fatidique, quand le soleil sombre derrière les immeubles et que son ciel orangé te donne envie de retourner à Chypre.
J’ai l’impression de connaître ce chemin par cœur. Souvent je t’imagine en train de chanter au volant, en train de jeter des regards en coin au type d’à côté, je te revois sur la belle terrasse chypriote à boire ton cosmo, je ressens ta plénitude lorsque les lumières verdissent les unes après les autres sur le « magnificooo-o-o-o-o » de Bohemian Rhapsody. Heureux comme un enfant affublé d’un costard, à chanter les paroles, les chœurs et les guitares en même temps. C’est ton moment à toi, auquel tu me fais parfois accéder le soir à table entre un commentaire sur la purée mousseline et un autre sur ce connard d’Eric qui est encore parti à 15h30. Je voudrais parfois être une petite souris et me glisser dans la boîte à gant pour t’écouter chanter, pour te voir t’apaiser à mesure que tu t’approches de la maison, pour entendre le discours de motivation que tu t’adresses dans le rétroviseur central avant de quitter la voiture. J’aime tes moments sans moi. J’aime te savoir dehors, à te battre pour tes idées, à rire autour d’un café, à négocier sans relâche je ne sais quel contrat, à vivre cette vie que je ne connais pas.
La route perpendiculaire à la nôtre est bouchée. Le feu est passé au vert mais nous n’avons pas bougé. Le retour du rouge te fait claquer la langue contre le palais, et tes doigts ont interrompu leur danse pour se crisper. Je n’ose pas te rassurer sur notre heure d’arrivée. Je n’ai pas encore osé parler. C’est vrai que tu m’avais demandé d’être prête à 19h30, et que je ne l’étais pas. Tu as poussé une gueulante, je t’ai envoyé chier, tu as dit que tu ne voulais plus y aller, je t’ai dit d’arrêter d’être con et que de toute façon avec les pubs le film ne commençait vraiment qu’à 20h10, tu as dit que tu ne supportais pas les gens qui arrivaient en retard au cinéma, j’ai dit qu’un jour ou l’autre il faudrait que t’ailles te faire soigner. T’es remonté dans la voiture, je me suis préparée à la va-vite, on est partis à 19h41. Pas de quoi en faire un drame. On loupera les pubs, et au pire des cas un bout du générique de début. Il ne se passe jamais grand-chose dans les trois premières minutes d’un film, c’est juste des noms, une musique calme et des visages qui nous sont encore inconnus. Mais toi t’aimes bien les pubs, tu joues toujours à deviner s’il s’agit d’une marque de bagnole ou de parfum, et quand c’est ni l’un ni l’autre tu fais une tête étonnée. T’aimes bien aussi les bandes annonces, tu dis les noms des acteurs que tu reconnais, tu dis quand ça a l’air nul et quand ça te plait tu hoches doucement la tête comme si le mouvement allait t’aider à retenir le nom du film et sa date de sortie. Comme si t’avais besoin de le retenir, avec internet et les affichages sur les arrêts de bus on n’oublie plus grand-chose de nos jours. Mais toi t’aimes bien ne compter que sur ta mémoire, t’es d’une autre époque. Ca se voit sur ta tronche de toute façon, avec tes cheveux noués en catogan, avec la chemise écrue aux manches bouffantes que tu as achetée en friperie il n’y a pas longtemps, avec ta fascination pour les vieilles horloges et le tapis dégueulasse que tu ne veux pas jeter. T’es le genre de mec qui se lève à six heures un dimanche pour aller traîner sur une brocante pour n’en ramener qu’une tasse à l’anse argentée, tu n’achètes que des livres d’occasion jaunis et ostensiblement usés, ta caisse il fallait qu’elle ait un côté vintage, que la couleur ne soit ni grisâtre ni mate, que les sièges soient en tissu et que le tableau de bord ne soit pas digitalisé. Même la bague à ton doigt, il a fallu qu’on la déniche chez un antiquaire et qu’on regarde des tutos en ligne pour enlever le vert-de-gris. Alors que je t’en avais trouvé une belle dans la bijouterie de la rue des Lombards, toute simple, en or, avec une fine ciselure qui rappelait la mienne. Mais tu n’en voulais pas. Tu préférais ta vieillerie en bronze terni, tu disais que c’était pas une ciselure commune qui allait garantir notre bonheur éternel. Et tu avais raison. Il n’y a pas de garanti, de toute façon. Juste des moments qui confirment qu’on a fait le bon choix. Des moments comme éternuer dans la poussière d’un antiquaire, frotter comme des damnés une bague qui nous saute des mains à cause du savon noir, la glisser à ton doigt, que tu la glisses au mien, qu’on fasse « tchin-tchin » avec quand on plaisante sur le succès de notre mariage. Tu sers tellement ta main autour du volant qu’elle va finir par s’incruster dans ton annulaire et que tu ne pourras plus jamais t’en défaire, même quand tu ne voudras plus de moi et de mes retards. Ca non plus, je n’ose pas te le dire.
C’est ton trajet, c’est ta ligne droite et ton ciel d’hiver et sous ta barbe ta mâchoire est serrée. Tes sourcils froncés rident ton front. Tu n’as pas quitté la route des yeux alors qu’on est à l’arrêt depuis bientôt quatre minutes, comme si tu craignais de rater le top départ, comme si tu refusais de me voir là, sur le siège passager de ta voiture pendant ton trajet, sur ta ligne droite, à regarder ton ciel d’hiver. Je les gâche. Jamais plus tu n’auras de moment de grâce. Jamais plus cette route sera un champ Elysée baigné dans la verte lueur des feux qui s’alignent sur ton passage. Jamais plus tu ne goûteras au repos du héros valeureux qui retourne à Ithaque. Car ta Pénélope a ravagé ton havre de paix, elle a rompu son harmonie pour y distiller sa mauvaise foi, son silence coupable, son affreuse tendance à être en retard à chacune de vos retrouvailles. Et si tu as le malheur de lui reprocher son peu de considération, et si tu oses mentionner les difficultés que tu as rencontrées à Troie ou l’aversion que tu ressens à l’égard de ce connard de cyclope qui est encore parti à 15h30, elle te dit d’arrêter d’être con et d’aller te faire soigner. Elle en vient même à rendre amère ton épopée, à affadir la mélodie des sirènes, à gâter tes moments sans elle, à gâter cette vie qu’elle ne connaît pas.
Tu dépasses enfin ce troisième feu et appuies sur l’accélérateur. Tes jointures sont rouges à force d’avoir étreint le volant. Je me dis que tu vas faire demi-tour d’un instant à l’autre. Que tu vas me déposer devant le cinéma et retourner à la maison. Que tu ne vas pas t’asseoir à côté de moi. Que tu ne parleras pas du film sur le chemin du retour alors que tu adores faire ça. Tu renonceras à ton monologue exalté ou dépité pendant que je conduirai, tu ne décriras pas ta scène préférée comme si je ne l’avais pas également vue, tu ne donneras pas d’oscar à tel actrice ou tel costumier, tu ne chercheras pas la bande originale sur Spotify pour la mettre à fond dans la voiture. Tu resteras silencieux, gardant tout pour toi, ou même ne ressentant rien tant je t’ai agacé tout à l’heure, t’empêchant de plonger dans le film, ruinant ce qui aurait pu être ton nouveau film favori. Peut-être tes collègues parleront-ils du film devant toi ; tu te rendras compte du plaisir que tu n’as pas pris, des détails que tu n’as pas remarqués, des hésitations que tu n’auras pas perçues. Tu comprendras qu’un simple retard peut te faire perdre ta sensibilité, qu’une simple chamaillerie peut d’empêcher de participer à une conversation, que je peux te simplement te faire du tort. Je gâche un film et gâcherai sans doute une vie. Il n’y a pas de garanti, de toute façon. Juste des moments qui confirment qu’on n’a pas fait le bon choix.
Tu gares la voiture. Un créneau étroit, que je peinerais à défaire. Sans doute le fais-tu exprès, pour me faire comprendre que je n’aurais pas dû être en retard, que je n’aurais pas dû te parler comme à un chien, que je n’aurais pas dû te prendre une fois de plus pour acquis. Il est 20h02. Dans notre salle un couple mieux assorti que nous fait des paris sur les pubs qui passent : elle parie que c’est une pub EDF, il parie que c’est une pub Nissan. (ils perdent tous les deux : c’est une pub qui promeut le Poitou-Charentes) Ils sont arrivés avant le début de la projection, lorsque les lumières étaient toutes allumées et qu’une musique d’ambiance méconnaissable donnaient la mesure aux conversations des spectateurs. Ils ont même eu le temps de prendre un pot de popcorn, et l’ont presque déjà terminé. C’est ce que tu fais à chaque fois. Tu dis que tu attendras le début du film pour en manger, mais au bout de la cinquième pub tu regardes d’un œil morne le fond du pot qui apparaît déjà. Parfois tu me le confies, en m’ordonnant de t’interdire l’accès au pot avant le visa d’exploitation, en m’ordonnant aussi de ne pas en manger un seul. Mais l’attente devient vite insupportable, tu me surveilles pour que je ne goûte pas à ton butin, l’odeur chaude et sucrée t’empêche d’apprécier l’absurdité de la pub Dior. Tu finis par renoncer à l’ascèse en disant qu’au moins tes bruits de mastication ne gêneront personne pendant le film. Tu ne pourras pas en manger cette fois, et j’en suis malade.
Tu coupes le moteur puis tournes la bague pour éteindre les feux. Il fait froid dehors. Nous sortons de la voiture sans un mot, et marchons d’un pas soutenu vers le cinéma. Tu me dépasses de quelques foulées, comme si tu étais seul, comme si tu cherchais à me semer, à t’arracher de mon aura dévastatrice. Tu veux oublier ma présence pour que le film ne subisse pas le même sort que la ligne droite. Pour qu’il existe en dehors de nous, et qu’il s’offre à toi avant que je puisse l’envenimer. Tu veux l’apprécier comme si c’était la première fois que tu allais au cinéma, comme si tu n’avais pas eu besoin des affichages sur les arrêts de bus pour te souvenir de son existence, comme s’il était la promesse de nouvelles séances que tu planifieras en hochant doucement la tête. Tu n’as pas besoin de moi ni des arrêts de bus pour t’en souvenir.
Il y a la queue aux guichets. Tu cherches l’affichage de notre film, sûrement pour vérifier le nombre de places restantes et le nombre de personnes que tu dérangeras en arrivant en retard. Il est 20h07. Les pubs s’entremêlent sans doute déjà aux promotions des films à venir. Le couple mieux assorti s’adresse un regard complice à la fin d’une bande annonce intrigante. Ils reviendront bientôt, avec la même joie et les mêmes paris, ils en sont certains. Tu ne pourras pas voir les bandes annonces, et j’en suis malade. Je n’ose pas te le dire. Et pourtant il le faudrait. Te dire que je suis désolée, que tu ne dois pas aller te faire soigner, que ce connard d’Eric est vraiment un connard, que ta ligne droite sera toujours ta ligne droite, que tu as fait le bon choix. J’avale un sanglot en prétextant une quinte de toux. Tu te charges d’acheter nos places, car c’est toujours toi qui parles aux vendeurs, qui dis aux serveurs que nous avons réservé une table pour deux, qui téléphones à la pizzéria en expliquant les mille modifications que je veux infliger à ma quatre saisons. Ta voix est parfaitement normale ; tu ne laisserais jamais ta colère s’abattre sur un guichetier qui n’a rien demandé et qui n’est certainement jamais en retard. Tu sais faire la part des choses et compartimenter tes émotions. De la même façon tu adresses un sourire à celle qui déchire nos tickets et qui nous souhaite une bonne séance. Tu la remercies et je te suis dans la salle 4, déjà obscure et sonore. Tu dois fulminer quand les portes battantes claquent sur notre passage. Je sais que tu cherches une rangée vide en hauteur, pour que personne n’ait à se lever ou à voir défiler deux ombres sur son écran. Tu gravis deux par deux les marches, te défais de ton manteau et t’assoit pendant que, piteusement, je te rejoins.
Je tourne la tête vers toi. Je vais te dire pardon. Je vais te dire que j’aime quand tu racontes ce que tu as entendu à la radio, que j’aime nos tasses et nos alliances dépareillées, que j’aime les fausses paroles que tu inventes sur Bohemian Rapsody, que j’aime raconter à qui veut l’entendre que tu portes des chemises de corsaire, que je déteste quand je fais preuve de mauvaise foi, que je ne veux pas être le vert-de-gris qui ternit notre amour, que ce n’est pas une ciselure qui va le fendre en deux, qu’il n’y a pas de garanti mais que nous on aurait deviné que c’était une pub pour le Poitou-Charente. J’ai ouvert la bouche et l’écran nous a dit de vérifier que nous avions bien éteint nos téléphones portables. Il nous dit aussi que c’est le visa d’exploitation je ne sais pas combien car on ne lit jamais les longues suites de chiffres. Tu te lèves d’un bond, m’embrasses sur le front et murmure avant partir en trottinant :
« Je vais chercher du popcorn ! De toute façon il ne se passe jamais grand-chose dans les trois premières minutes d’un film »
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verbum-volitans · 4 years
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little things
1. J’ai pris un vélo pour aller à cour Saint-Emilion
2. Je me suis offert un thé Damman, Paul et Virginie
3. J’ai mangé des ramens
4. J’ai passé l’après-midi à jouer aux Sims sans me soucier du reste
5. Je suis allée voir Little Women avec Audrée
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verbum-volitans · 4 years
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nymphes
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Harry Clarke
Il s’était souvent ennuyé. Beaucoup s’en doutait, mais peu en saisissait vraiment la mesure. A quoi bon s’intéresser aux humeurs de l’immuable ? Il était là depuis toujours. A regarder, à veiller, essentiellement à attendre, oisif. A créer, parfois, quand la solitude pesait trop lourd. Par une journée sans saveur il avait vallonné la terre, creusé des puits, étoilé la voûte. La nouveauté l’avait distrait un instant avant de se fondre dans l’ordinaire. Il avait besoin de variation, de mouvement ; il créa le cycle, qu’il divisa en nuits, en flocons, en floraisons. Il fut heureux quelques temps, vivait en rythme, ne confondait plus la seconde et le millénaire. Cette stabilité fit fleurir les lys et grossir les châtaignes, ses racines fourmillaient et ses vignes lui vrillaient tendrement les poignets. Mais bientôt il se lassa du froid et de l’humus dont il était drapé. Ce qui l’avait d’abord rassuré dans la boucle qu’il avait déroulée le dégoûtait désormais. Il avait cherché à se défaire de l’inchangeable et s’était retrouvé avec du prévisible, avec une fréquence insupportable qui ne laissait aucun doute sur la suite. Quoi de plus inadmissible qu’un perce-neige.
Il s’enlisa alors plus loin dans sa couverture de limon, laissant baigner sa nuque dans la glaise des étangs, allant jusqu’à se briser les paupières pour oublier le cycle. S’il retournait à l’immobilité, son ouvrage cesserait sans doute de le tourmenter. Sans spectateur, le champignon ne se gonflerait plus sous l’averse et la lumière ne prendrait plus la peine de jouer sur les grains de poussière. Les sons s’abîmaient, ses narines s’emmuraient et la pulpe de ses doigts s’émiettait comme une écorce flottée. Il finirait par ne plus sentir la douceur troublante d’un soleil d’hiver. La rosée renoncerait à se poser. Tout rentrerait dans l’ordre.
Un cil frémit et l’instant suivant il est encerclé. Pas un seul nénuphar ne l’avait suivi dans l’oubli et il n’en reconnaissait aucun. Leurs feuilles émaillaient la surface de l’eau, se déployaient nonchalamment sur son flanc et sur sa gorge. Leurs nervures se croisaient en une myriade d’alvéoles tombant en grappes des roseaux, plongeant dans ses bassins comme des algues noueuses, comme s’il n’avait jamais existé, ou comme s’il avait toujours été l’étang. Il les toucha pour les égrainer, mais bien vite ils se reformaient et se remettaient à flotter sur cette eau faite lit. Ils ne l’avaient pas suivi dans l’oubli et s’étaient multipliés pour tromper l’ennui. L’essaim bourgeonnait sous ses doigts, s’y emmêlait. L’avait-il créé ? L’avait-il seulement désiré ?
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verbum-volitans · 4 years
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Time to write down some stuff
Le format du carnet ne semble pas fonctionner. Trop accessible, et trop manuscrit. S’il faut s’y mettre, s’y remettre, autant le faire avec mes propres règles. Mieux vaut se simplifier la tâche.
J’ai déjà jeté un œil aux défis d’écriture qui existent. Le projet Bradbury (écrire une nouvelle par semaine) me fait de l’oeil, mais sans doute est-ce déjà la contrainte de trop. Je vais aviser. Format nouvelle, écrire sur une image, parler d’une lecture, partir d’un mot, d’une idée. Qu’importe.
C’est à explorer. à réinvestir.
Nous verrons.
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