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Les parisiens sont formidables
Le pire ennemi du pigiste - au delà du manque d'actu, et des autres pigistes susceptible de prendre sa place - c'est le sous chef parisien déconnecté de toute forme de réalité.
Celui qui t'appelle à 16h30 en hiver, quand le soleil commence déjà à se coucher.
Rien que de voir son numéro s'afficher sur mon téléphone, je commence par anticipation à trembler. Mais comme j'ai toujours cet espoir infime qu'il me demande une pauvre interview facile à caler à 2 minutes de chez moi (ce qui n'est jamais arrivé) je répond toujours.
-Allô RandomGirl, bonjour c'est bidule de la rédaction... (je le sais déjà Satan, ton nom s'est affiché, et j'ai pris mon ton le plus mielleux pour te parler, alors que je te laisse pas 10 secondes pour me péter les couilles)
...je t'appelle parce qu'on aurait aimé que éventuellement tu vois, ce serait pas mal que peut-être, tu puisses voir si (lui-même ne sait pas trop de quoi ça s'agit en fait, ou alors il le sait, mais tourne bien autour du pot pour te chauffer)
...faudrait que tu ailles dans cette ville à 2h30 de chez toi, tourner un sujet sur le problème occasionné par la réintroduction du loup.
-Ok, ouais pas de soucis (tiens un sujet intéressant), il le veut pour quand?
-La matinale de demain.
Fou rire non répréssé. Gros Fail.
Check list mental des gens à appeler :
*préfecture de la région (qui sera fermée)
*sous-préfecture de la région (qui sera fermée)
*associations d’éleveurs (dont les coordonnées ne seront pas indiqués sur le site)
*associations de chasseurs (dont le contact est un 06 sans répondeur)
*ONCFS (dont les agents ont interdiction de parler à la presse à ce sujet)
Ouuuuuuui, c'est jouable!
-Pourquoi, c'est un peu loin c'est ça?
-Oui, et puis c'est un peu tard surtout.
-Ben écoute, je le laisse voir ce que tu peux faire. Machin le voulait vraiment pour demain (ben machin n'avait qu'à m'appeler plus tôt), mais bon si tu peux le tourner demain à ce moment là on s'en arrangera (sous-entendu, puisque tu es une grosse merde et que tu n'arrivera pas à la faire pour demain).
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Le Pigiste - l'esclave moderne
Souvent les gens me demandent :
"Et toi, RandomGirl, tu fais quoi"
-J'suis journaliste.
"..."
De l'admiration de ceux qui n'y connaissent rien, aux critiques virulentes de ces français qui ont un avis sur tout, en général, les réactions face à ma profession ne sont jamais banales.
Je tiens toujours à préciser "mais, je suis pigiste" (comme si cela allait me racheter)
Sous entendu : non je ne passe pas mes journées assise dans un bureau à calculer mes RTT sur les trois mois à venir, a me repaitre dans la ligne éditoriale de ma rédaction, et à discuter avec les délégués syndicaux des prochaines reu' pour faire péter la direction, parcequ'yenamarre.
Moi, je suis une escale. Si je ne suis pas dispo, ou si y'a pas d'actu, je ne bosse pas. Et si je ne bosse pas, je ne mange pas.
Mais nous les pigistes, nous sommes des gens supers. On est toujours content de ce qu'on nous donne, on est jamais malade (pas le temps), toujours frais et dispo (jour, nuit, week-end, vacances), on ne refuse jamais rien (sauf d'avoir une vie sociale), et en plus on ne râle pas (ben non). C'est le principe. Nous sommes les esclaves volontaires du 21ème siècle.
Tous les jours, je bouillonne de rage ou de fou rire interne face à mon quotidien. Il faut que je le partage. Principalement parce que dans quinze ans, quand mon CDI, mon bureau open space, et mes 5 semaines de congés payés me tiendront bien chaud, je me régalerai de venir frissonner en relisant ces lignes.
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