Tumgik
8hoursforwww · 2 years
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Billet BONUS - Question de lecteur : C'est quoi cette histoire de loi 1901 qui serait une forme de "neutralisation des projets émancipateurs directement issus de la classe ouvrière" ?"
Bonjour bonjour,
Dans le billet précédent, nous avons vu que Lily Zalzett et Stella Fihn, les deux autrices du livre "Te plains pas c'est pas l'usine" commentaient la loi de 1901 en ces termes : 
“Les associations ainsi institutionnalisées sont une tentative, plutôt réussie, de la part de l’Etat de neutralisation des projets émancipateurs directement issus de la classe ouvrière.”
Un de mes (très) (TRES) NOMBREUX lecteurs souhaiterait en savoir plus (et moi aussi figurez-vous !)
Ce passage du livre m'a également interpellé : c’est une phrase assez forte, qui peut être sujette à interprétation, pour laquelle je n’ai pas trouvé de source particulière et qu'il serait donc de bon ton de creuser davantage, notamment parce que... c'est SUPER CROUSTICROQUE et que ça réveille la Elise Lucet du pauvre qui sommeille en moi.
Reprenons le passage qui précède (page 23, si vous vous êtes procuré le bouquin - 7 balles, prix d'un menu kebab avec boisson)
"La loi de 1901, dite de "Waldeck-Rousseau", créant les associations avait entre autres objectifs de donner une forme aux diverses coopératives ouvrières, mutuelles, projets collectifs, plus ou moins utopiques qui fleurissaient depuis quelques décennies. Il s'agit alors, pour l'Etat, de reconnaître des formes en les intégrant plutôt que de lutter sans cesse contre elles : pour le député à l'origine de la loi "la coopération est un outil de paix sociale et un facteur de promotion individuelle."
On comprend donc ici qu'en intégrant les divers collectifs plutôt qu'en se battant contre eux, les choses s'apaisent. Ou comme dit ce dicton un peu ringard : Sois proche de tes amis mais encore plus de tes ennemis.
Pour autant, je pense que pour comprendre pleinement ce passage, il est essentiel de situer le contexte historique dans lequel cette loi a vu le jour mais également de nous servir du présent pour voir où en sont aujourd'hui les libertés associatives.
Pour l’élaboration de ce billet, je me suis particulièrement servie d’une vidéo Youtube publiée le 12 juillet 2021 par le Mouvement Associatif, la représentation nationale des associations françaises présidée actuellement par Claire Thoury. On y retrouve, à l’occasion de la commémoration des 120 ans de la loi, différents intervenants qui nous permettent d’y voir plus clair sur la question des LIBERTES ASSOCIATIVES !
Pour commencer, il est essentiel de revenir un peu en arrière afin d’avoir un aperçu de l’ambiance en 1901 :
On est sur la première année du XXe siècle (truc de ouf) et il se passera pas mal d’événements clés pendant cette décennie. Dans le désordre, on est en pleine Exposition Universelle à Paris, Pierre et Marie Curie reçoivent le prix Nobel de physique (GG), les Suffragettes à Londres sont à donf, Einstein publie ses théories sur la relativité… BREF, ça bouge. Côté météo, on est sur un été très orageux, on note même quelques petites tornades ici et là. Notez qu’on ne s’est pas encore tapé la 1ère Guerre. Un été orageux donc, un peu comme la vibe à l’Assemblée au moment où notre cher Waldeck-Rousseau arrive avec sa loi…
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Revenons encore un tout petit peu plus en arrière avec l’aide de notre chouchou national : Nota Bene (dont je vous invite à aller voir la vidéo complète : ici) :
Waldeck-Rousseau n’en est pas à sa première loi puisqu’en 1884, il permet le passage d’une grande étape dans le droit du travail en "écrasant" la loi Le Chapelier (qui interdit les organisations ouvrières) : les syndicats naissent.
En 1891, Paul Lafargue, gendre de Karl Marx, est à l’origine d’une ma[r]xi grève générale. Les ouvriers réclament une augmentation des salaires et des journées de 8h. Cette grève se conclut par une répression sanglante.
On arrive donc à notre fameuse loi de 1901. 
Jean-Claude Bardout, magistrat et auteur de l’Histoire étonnante de la loi de 1901. Le droit des associations avant et après Pierre Waldeck-Rousseau, nous explique tout (alors lui, j’était particulièrement ravie qu’il soit présent dans la vidéo du Mouvement Associatif parce que son bouquin coûte 21 balles et je vous aime bien mes petits lecteurs, mais pas TANT.)
Il souligne qu’en France, on a donc une tradition très ancienne (et pas très sympa) qui ne voyait dans l’association qu’une “concession de l’Etat”. Il fallait une autorisation et de manière générale, un “principe de prohibition générale” est de mise. Pour rappel, “L'article 291 du code pénal de 1810 réglemente la liberté d'association : « Nulle association de plus de vingt personnes […] ne pourra se former sans l'agrément du Gouvernement ». La liberté d'association s’est acquise dans la lutte, est aujourd’hui fondamentale et mérite que nous y restions vigilants notre vie durant. Particulièrement dans le contexte de crise que nous connaissons actuellement (oui oui, je paraphrase complètement de Beauvoir, bien vu chakal).
Avec Waldeck-Rousseau (et je pense que je ne l’ai pas suffisamment souligné dans mon article précédent), on change complètement de paradigme. Comme nous l’explique Bardout, l’association est un contrat et pas un morceau de l’Etat qu’on concède à un collectif mais une liberté de l’individu ! C’est un droit naturel, puisque depuis toujours, les hommes et les femmes ont éprouvé ce besoin de s’associer entre eux ; et de conclure “C’est cette capacité associative de se réunir qui fait qu’il y a un besoin de consacrer cela par un droit”.
Alors, à ce stade, vous pouvez me dire : mais alors ??? C’est super positif comme avancée !
Alors, OUI, assurément, mais comme on l’a vu : cette loi passe dans un contexte social particulièrement tendu, elle tente donc de l'apaiser ; l’Assemblée est parcourue de débats houleux lors de son passage, elle ne fait donc pas l'unanimité, notamment sur la question de laïcité entre la majorité et la droite chrétienne (la loi de 1901 mène notamment à la dissolution des congrégations religieuses). Par ailleurs, elle fixe tout de même les limites suivantes (de manière assez logique) : une asso ne pourra pas avoir pour objet : « un objet illicite, contraire aux lois, aux bonnes mœurs, ou qui aurait pour but de porter atteinte à l'intégrité du territoire national et à la forme républicaine du gouvernement ». Comme pour chaque individu, la loi prévoit que l'Etat ne sanctionne qu'a posteriori et non a priori d'un éventuel délit. A part ces éléments, dans mes sources, rien n’évoque de débats directement liés cette potentielle “neutralisation” d’initiatives ouvrières par cette loi.
En revanche… si on fait un petit bond dans le temps pour revenir au présent… alors on peut effectivement parler d'une volonté de “neutralisation” si ce n'est de "contrôle" de ces structures de la part de l'Etat et ce sans AUCUN scrupule.
Pour comprendre, j’ai eu besoin de l’aide de Claire Thoury, Présidente du Mouvement Associatif, qui n’a tout simplement PAS LE TIME.
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Je m’explique : dans cette vidéo de commémoration des 120 ans de la loi de 1901 publiée en 2021, Thoury intervient pour l’ouverture d’une table ronde composée de personnalités du monde associatif. Dans l’audience, de nombreux acteurs associatifs, mais également les membres du cabinet de Sara El-Haïry, alors Secrétaire d’Etat au sein du gouvernement Castex (alors, déso mais sur El-Haïry, je vais rien développer du tout et vous laisse vous faire votre propre opinion de l’individu en suivant ce lien : ici parce que moi je ne PEUX PLUS, C’EST PHYSIQUE)
Thoury, donc, commence en rappelant que la loi de 1901 est “une grande et belle loi” qui permet de s’associer en toute liberté, quel que soit le projet, “à condition de respecter la loi, évidemment” (important pour la suite).
Elle enchaîne avec trois éléments de contexte dans lequel ces 120 ans sont commémorés :
Le 1er : la crise sanitaire, dans le cadre de laquelle elle rappelle à juste titre l’implication essentielle des acteurs associatifs dans sa gestion - en d’autres termes, merci mais sans nous VOUS SERIEZ TOUS DANS LA SAUCE.
Le 2nd (et le plus important pour nous) : le projet de loi visant à conforter les principes de la République également appelée la loi SÉPARATISME (il fait pas trop flipper ce mot ?) promulguée le 24 août 2021 qui comprend un nouveau “contrat d’engagement républicain pour les associations” qui vient donc s’ajouter à loi de 1901 - en substance, Thoury réaffirme que le Mouvement Associatif ainsi que de nombreux acteurs sont CONTRE (cf leur tribune : ici) : tout d’abord parce qu’il instaure un climat de défiance envers les assos mais aussi et surtout parce que selon eux, demander aux assos de ne pas porter atteinte à l'ordre pubic, c'est un peu fort de café. Pourquoi ? Eh bien parce que :
“faire comme si à travers l’histoire, les associations n’avaient pas contribuées à faire évoluer la loi (...) en allant parfois à rebours de l’ordre public, c’est nier la place décisive des associations dans la construction de la République.”
MIC DROP !! AH DESOLEE MAIS QUELLE PHRASE INCROYABLE !!!!
(Pendant ce temps, El-Haïry transpire de derrière les oreilles)
En guise d’échec et mat, parce que ça ne suffisait pas (et parce qu’elle a pas le time, je vous l’avais bien dit), elle conclut par un troisième élément de contexte : LE TAUX D’ABSTENTION :
“On ne peut pas faire comme si une démocratie sans électeurs n’était pas un problème”
El-HaÏry en K.O Technique. Franchement à côté les Rap Contenders c’était du pipi de chat.
Alors, qu’entend-on par “ces associations allant à rebours de l’ordre public” ? Pour comprendre, prenons pour exemple, allez au pif, le sujet des droits des femmes et penchons nous sur l’intervention de la personne suivante : Véronique Séhier, ex co-dirigeante du Planning Familial (PF). Séhier nous apprend que les premiers pas du PF se sont faits en 1956 dans l’illégalité la plus totale et dans une France où contraception ET avortement étaient interdits. En plus de faire passer des contraceptifs sous le manteau de Suisse ou d’Angleterre, elle rappelle le rôle essentiel du PF dans la sensibilisation et le changement des mentalités qui aura pour conséquence la loi Neuwirth sur la contraception puis la légalisation de l’avortement.
Comme le précise très justement notre ami Bardout :
“Il faut s’interroger lorsque l’Etat dit “Partagez avec moi des valeurs communes”, est-ce que l’Etat est légitime pour demander cela ?"
L'Etat est légitime lorsqu'il défini les valeurs de la Nation ou de la majorité. En revanche, les assos doivent pouvoir défendre d'autres valeurs, notamment celles des minorités.
Pour conclure et pour montrer que bien que l'Etat soit légalement tenu de laisser ses citoyens se regrouper en association librement, il peut également entraver leurs actions de bien nombreuses manières si tant est que leurs valeurs ou objectifs ne lui conviennent pas. Voici une synthèse rapide du travail de Julien Talpin, sociologue et animateur du comité scientifique de l’Observatoire des libertés associatives :
Lui et son équipe ont identifié 4 types d’entraves à la liberté d’association directement opérées par l’Etat , dans toutes ses déclinaisons, à l'heure actuelle : les entraves matérielles (coupes de sub, difficultés d’accès à un local etc.), les entraves administratives (perte d’agréments), la discursive réputationnelle - en gros, les élus qui trashtalk des associatifs ad hominem pour leur nuire ou encore les entraves judiciaires (nombreuses contraventions à peine justifiées à l’encontre de bénévoles dans le but de volontairement mettre en difficulté leurs actions). Si vous souhaitez avoir des exemples concrets et davantage d’informations sur son travail, je vous invite chaleureusement à aller consulter cette partie de la vidéo.
Les traditions anciennes ne sont donc jamais bien loin.
C'est tout pour moi, merci à vous et à bientôôôôt !!!
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8hoursforwww · 2 years
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Pourquoi les structures de l'ESS aspirent-elles l’âme de leurs salariés à la paille ??? (Billet 1/on verra)
Bonjour bonjour,
Alors, commençons avec cette question qui me taraude depuis quelque temps : pourquoi les structures de l'ESS aspirent-elles l’âme de leurs salariés à la paille ??? (ouiiii d'accord, pas toutes... calmez-vous...mais beaucoup quand-même).
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Cette dame, c'est Pascale-Dominque Russo. Elle est journaliste spécialisée dans l'ESS (ça tombe bien, c'est notre sujet !) et autrice du livre "Souffrance en milieu engagé : enquête sur des entreprises sociales". Ca n'a effectivement pas l'air super drôle comme sujet mais restez quand même parce que je vous jure que c'est archi intéressant.
Russo a identifié différentes raisons qui pourraient expliquer les conditions de travail pas folichonnes de ce secteur (euphémisme, on parle de gens qui ont littéralement envie de se pendre)
Ce billet traitera donc aujourd’hui de la première (parce que sinon ça fait un billet ultra-long et que notre temps d’attention en tant qu’adulte est aujourd’hui à peu près équivalent à celui d’un enfant de 3 ans et demi - pour cette information, vous n’aurez comme source que mon expérience personnelle, assez infernale, il va s’en dire).
Mais d’abord, DEFINITIOOON :
Pour reprendre la définition de Russo, l’ESS ou Économie Sociale et Solidaire si vous débarquez complet, est un secteur qui regroupe différentes structures telles que les associations (dont nous allons plus particulièrement parler aujourd’hui), les mutuelles, les entreprises poursuivant un but d’utilité sociale, les coopératives et les fondations. Selon Wikipédia, ces structures “cherchent à concilier activité économique et équité sociale”.
En allant me promener sur le portail dédié du gouvernement (chacun ses balades, que voulez-vous), on peut apprendre que le secteur compte 200 000 structures et 2.38 millions de salariés (vous retrouverez plus bas les chiffres de l’associatif en particulier).
Par ailleurs (et après on passe aux choses sérieuses), vous vous apercevez sans doute que ma question de départ est un chouïa à charge. Certains salariés de l’ESS se sentent sûrement très bien dans leurs baskets… Je n’en ai malheureusement pas encore rencontré. Par ailleurs, si l’on s’appuie sur les chiffres que nous partage notre chère Russo, selon une étude réalisée par la mutuelle Chorum et l’institut de sondage CSA sur un échantillon de 6 000 travailleurs : “49% des salariés de l’économie sociale et solidaire ont un sentiment de dégradation de leur qualité de vie au travail” - trad. : c’est de plus en plus LA MERDE - et “les personnels critiquent une charge de travail excessive”.
Laissez-moi donc reformuler : pourquoi les structures de l'ESS aspirent-elles l’âme d’un salarié sur deux à la paille ???
LA PREMIERE RAISON : LA MISE EN CONCURRENCE
Pour faire simple, les structures de l'ESS sont poussées, notamment par l'Etat, à se tirer la bourre dans le but d'obtenir des appels à projets qui leur permettraient de décrocher des petites (mais pas trop petites non plus) SUBVENTIONS. En gros, des pépètes. La conséquence de ce fonctionnement, c'est que les structures sont sous pression, elles doivent être compétitives, faire mieux que leurs voisines, mais sans proposer de budget trop élevé parce qu’autrement, elles ne sont pas sélectionnées. Ambiance.
Alors soit, mais alors comment on en est arrivé là ?
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Pour le comprendre, j’ai eu besoin d’un petit coup de main. Ca c’est le bouquin (très très chouette) de Lily Zalzett et Stella Fihn (pas trouvé de photos d’elles mais je vous mettrai une petite interview de Zalzett plus bas, vous pourrez admirer sa classe intersidérale, la meuf fume sa clope en interview, what else ???)
Elles expliquent que les assos sont régies par la loi de 1901 (y’en a eu qu’une cette année là ou QUOI ?) aussi appelée “Waldeck-Rousseau” par ceux qui veulent se la péter un peu. Ce statut leur permet entre autres choses de payer moins de taxes et de recruter des personnes qui bossent gratos (plus communément appelées des BÉNÉVOLES). Par ailleurs, ces structures sont à but “non-lucratif”, ce qui veut dire qu'elles ne peuvent théoriquement pas s’en mettre plein les poches, contrairement aux entreprises privées, mais doivent plutôt réinvestir leurs bénéfices dans d’autres actions. Comme l’expliquent Zalzett et Fihn, cette loi avait alors pour but d’organiser différents projets sous un même ensemble (coop ouvrières, mutuelles, projets collectifs). Et de conclure : 
“Les associations ainsi institutionnalisées sont une tentative, plutôt réussie, de la part de l’Etat de neutralisation des projets émancipateurs directement issus de la classe ouvrière.”
Alors, je sais pas vous, mais moi, j’ai du relire cette phrase deux fois.
Quelques chiffres maintenant si vous le voulez bien :
160 000 : c’est le nombre d’associations employeuses en France 
1,8 millions : c’est le nombre d’employés que cela représente, ce qui équivaut à 1 employé du secteur privé sur 10 - alors ici, on parle d’un virgule huit millions d’humains, je précise.
47% : c’est le nombre de CDI et comme le précisent nos deux acolytes, c’est un chiffre à comparer au secteur privé non-associatif qui CDIse 4 salariés sur 5. 
Source : brochure de Recherche et solidarités intitulée la France associative en mouvement, 17ème édition, 2019
Le travail de Zalzett et Fihn nous permet maintenant de créer une petite frise chronologique, parce que ça ne mange pas de pain :
1901 : Loi Waldeck-Rousseau
1970 : Essor du “secteur” associatif (directement lié à la crise économique qui a pour conséquence la fin du plein-emploi et la réduction des dépenses publiques)
1974 : arrivée de Giscaaaaaard (si vous n’avez pas la ref, je vous invite à aller visionner ce court sketch de Thomas Ngijol : ici) et transfert progressif de certaines missions du service public au secteur associatif
1981 : arrivée au pouvoir des socialistes qui poursuivent le mouvement (pas très sympa !!)
1983-1984 : Marche pour l’égalité et contre le racisme à la suite de laquelle de nombreuses associations sont créés par des jeunes habitants de quartiers prioritaires
1984 : Création de SOS Racisme par Julien Dray, BHL et Harlem Désir, du groupe SOS par Jean-Marc Borello, 
1985 : Création d’Emmaüs par l’Abbé Pierre
C'est à partir du moment ou l’Etat transfère certaines de ses compétences aux associations que les choses partent en vrille. L'idée derrière cela :
Diminuer la masse salariale du secteur public ou, en d'autres termes, employer moins d’humains. Cela a pour conséquence de transformer les employés des associations en “sous-traitants” du service public. Cette idée est reprise par Russo également dans les termes suivants :
“Côté associatif, la commande publique s’impose peu à peu comme le mode de financement majeur à travers les procédures d’appels d’offres, faisant des associations des sous traitants et non plus des partenaires.”
Russo et Zalzett & Fihn s’accordent sur le constat que ce fonctionnement avantage grandement les “grosses assos” qui raflent le pactole, notamment parce qu’ils ont la capacité d’avoir des équipes dédiées aux réponses à appels à projet, au détriment des associations de plus petites tailles. Ces réponses à appels à projet, notamment pour les financements européens “dévoient les missions en imposant des contrôles de “reporting” rigides et exténuants.” (Russo, 2020)
L’autre idée qu’invoquent Zalzett et Fihn est également celle de la recherche d’une “pacification sociale'', par la canalisation des luttes (souvenez-vous, cette citation plus haut, lisez-là deux fois aussi, vous verrez, ça ne fait pas de mal).
Russo quant à elle nous donne quelques infos sur le contexte de cette mise en concurrence :
Celui de la montée en force du “Nouveau Management Public” qui
“transpose les enjeux de gestion des valeurs de l’entreprise - rapidité, flexibilité, rentabilité - dans les administrations. Celles-ci les transposent à leur tour dans leurs relations aux associations ; d’où une prolifération de procédures, d’indicateurs, de tableaux de performance, d’objectifs chiffrés de l’activité…au risque de l’étouffement.” - C’est la startup nation à TOUS les ETAGES.
Cette “sous-traitance” rend donc les associations réellement dépendantes de subventions incertaines alors que comme le précise Russo dans son ouvrage, “auparavant, les associations se voyaient attribuer des subventions dans un climat de confiance”.
Mais c’est QUOI le RAPPORT avec la MISE EN CONCURRENCE ????
J’y viens, j’y viens...
Si on continue notre petite frise, nous arrivons aux années 2000 : c’est le début de la crise pour le modèle associatif. On passe alors d’un principe de subventions “de fonctionnement” à celui de subventions “par projet” : les associations doivent dorénavant répondre à des appels à projet pour pouvoir gagner leurs petits sous. Comme le précisent Zalzett et Fihn, c’est le début de la promotion de l’ECONOMIE SOCIALE ET SOLIDAIRE.
Parallèlement, on observe une tendance : les associations doivent répondre à de plus en plus d’APP pour continuer à vivre et les subventions diminuent. Selon l'Étude sur le paysage associatif français. Mesures et évolutions, citée par Russo :
“les subventions publiques fondent de 34% en 2005 à 25% en 2011 puis 20% en 2017 tandis que la commande publique représentait 17% des financements publics en 2011 puis 24% en 2017."
Zalzett et Fihn complètent : “Ces appels d’offres mettent les associations en CONCURRENCE entre elles : la règle générale est que la moins chère emporte l’offre.” 
…et on n’hésite pas au passage à se servir de nombreux contrats précaires pour faire diminuer les coûts sinon c'est pas drôle !
Vous savez donc maintenant ce qu’on entend par MISE EN CONCURRENCE et pourquoi c'est une des raisons qui expliquent les conditions de travail difficiles dans notre beau secteur de l'ESS.
.
Dans le prochain billet, nous aborderons donc la…
DEUXIÈME RAISON (pour laquelle l’ESS aspire l’âme de ses salariés à la paille) : UN POUVOIR CENTRAL ET UNE GOUVERNANCE NON-DEMOCRATIQUE... TINTINTINTIIIIIN
A bientôt mes petits révoltés !
P.S : comme promis, vous trouverez en suivant ce lien, l'interview de Lily Zalzett qui fume sa clope (entre autre) : ici
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8hoursforwww · 2 years
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Bonjour à tous,
Ce blog a pour thème...
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... le monde du travail (bouuuh !!!) mais aussi...celui du temps libre (ouaaaais !!!)
Plus particulièrement, j'y aborderai différents sujets comme par exemple, pêle-mêle :
celui des conditions de travail dans le secteur de l'économie sociale et solidaire, du sens au travail et plus globalement du rapport au travail. J'essayerai de répondre à différentes questions : est-ce que les jeunes se syndiquent encore ? faut-il faire le deuil de son job idéal ? l'auto-entreprenariat est-il réellement un outil de "libération du salariat" ou a contrario un outil de servitude volontaire ? le développement personnel a-t-il sa place au travail ? QUID des coachs ???
Par ailleurs, on y parlera aussi temps-libre, oisiveté, glandouille, repos, loisirs mais aussi économie de l'attention, chômage, refus de parvenir... ici aussi, j'essayerai de répondre à différentes interrogations pour lesquelles je n'ai pour le moment pas de réponse : qu'est-ce que les gens font quand ils ne travaillent pas ? est-il possible de ne pas travailler ? est-on encore capable de ne RIEN faire ? comment éviter que le productivisme ne s'immisce dans ces temps de pause ? J'y aborderai notamment mes propres loisirs, dans des articles parfois un peu plus personnels.
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[Cette affiche créée par la Federation of Organized Trades and Labor Unions aux Etats-Unis à la fin des années 80 dans le cadre de leur campagne visant à passer à la journée de travail de huit heures représente leur slogan : eight hours for work, eight hours for rest , eight hours for what we will. L'artiste et autrice Jenny Odell y fait référence dans son super livre "How to do nothing" publié en 2019 puis traduit en français sous le titre de "Pour une résistance oisive : ne rien faire au 21ème siècle" auquel le titre de ce blog rend hommage.]
Ce blog n'aura pas de direction claire et mes réflexions ne seront certainement pas toujours approfondies ou entrelacées de façon très logique. En d'autres termes, plus qu'un ensemble d'articles pointus, j'aimerais que cette page soit plutôt abordée comme une invitation à vous promener avec moi, dans mes réflexions, mes doutes, mes questionnements, mes indignations parfois ou encore mes moments d'espoir et de joie.
Bienvenue et bonne lecture !
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