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artugattino-blog · 6 years ago

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Lavomatic

Tu veux pas m’accompagner à la laverie ? Histoire d’éviter que l’ennui ne me tej’ dans le tambour maxi format spécial couette pour imbéciles heureux, celle dans laquelle on se prélasse en amoureux les dimanches pluvieux …

Évidemment que non, qui vient faire sa lessive dans le 7eme, un mardi à 14h – à part la grand-mère qui me force à faire ma BA de la semaine. Seuls avec ces tambours qui vrombissent, je n’arrive même pas à lire deux pages du dernier Damasio. Alors je fixe, l’air livide, le tourbillon de linge difforme à travers le hublot. Ça va de plus en plus vite, 13 min left qu’il m’indique.

Et merde j’ai encore laissé un briquet dans une poche … clac cloc clac cloc, manquait plus que ça pour que je parte dans un état d’hypnose. Comme si j’avais pris je ne sais quel stupéfiant, ou bien serait-ce juste une remontée de celui de la veille. Il ne me manque pas grand chose pour me voir à l’intérieur.

J’avais jamais fait le rapprochement mais l’analogie du lave-linge me séduit au final. J’avale des fringues comme des émotions, des sentiments. Puis j’y saupoudre ma mélancolie et y verse un zeste d’amertume. C’est un très bon adoucissant ça, ma prof de français aurait aimé. Une douce amertume oxymore ta mère. Puis je ressasse mes vêtements, les imprègne pendant de longues rotations. On dirait presque que je les rumine. Que je les mâche. Quand ils n’ont plus de goût et ne ressemblent plus à rien, il est temps d’accélérer le mouvement, d’empirer la situation. 1200 tours/minute, je les essore. Les presse. Les agglutine contre mes parois. Ce barnum me file la nausée mais ce n’est pas encore fini, 2min left.

Eh oui chère madame, c’est toujours pas fini, et je suis à deux doigts de rendre mon repas de midi. Qui consistait en un café serré et une clope mal tassée. “Je suis lessivé” lui répondis-je … elle n’a même pas osé rigoler. Sans doute que tous les anxios qu’on lui file sont en train de monter tout comme moi devant mon hublot.

Bip sonne le glas de cette étrange digestion. Et enfin je peux dégueuler mon linge propre, tout seul. Même pas le temps de faire sécher ça chez moi, je repars ce soir … c’est parti pour le séchoir géant. Mais là je préfère les mots de Damasio que mes conneries. La vieille est partie, seul reste le souffle sourd de la laverie.

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