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Paris sera toujours Paris
Cette fois, c’est pour de bon. Nous sommes à Paris, chez nous.
La ville lumière brille pour notre retour, nous nous en contentons. Paris est une ville authentiquement cosmopolite, pétrie de mixité sociale et culturelle. Dans les années 20, Montmartre fascinait la planète et la vie de bohème inspirait les artistes du monde entier. Durant les trente glorieuses, la ville reflétait le visage de la France ; chacun voulant tenter sa chance sur les planches des cabarets ; croquer une part de gloire et approcher du firmament de la célébrité. Historiquement populaire, Paris préservait ses artisans, gardiens des secrets de vieux métiers. Les titis parigots battaient le pavé du boulevard St Germain, gavroches vissées sur la chetron, baguettes sous le bras. J’exagère à peine.
De nos jours,
Paris se meurt, meurtrie par les changements de mœurs de la nouvelle catégorie sociale des beaux quartiers. La vieille bourgeoisie se voit remplacée par une autre espèce, plus insidieuse, plus sournoise, plus adaptée aux environnements urbains et résolument tournée vers le monde. Les souhaits des uns ne coïncident pas avec les besoins des autres. La société se gargarise du mouvement de cette lame de fond, qui annihile les projets d’améliorations du grand Paris. En lieu et place des anciens commerces qui avaient pignon sur rue, des centres de divertissements pour adultes branchouilles un brin immature dans l’unique objectif de transformer la ville en piste de roller géante, en salle d’exposition contemporaine, et en magasin d’alimentation bio. La municipalité adore cette population et elle le lui rend bien. Les voies de bus sont doublées, les voies sur berges interdites aux véhicules, la ville entière est soumise au strict contrôle des voitures polluantes. Les investisseurs étrangers spéculent sur le marché immobilier et les prix flambent. Les artisans et les petites gens sont contraints de fuir pour se réfugier en banlieue. Les chinois, américains, qataris et russes viennent chercher à Paris ce que précisément ils contribuent à détruire par leur unique présence. Les BOBO façonnent la ville nouvelle à leur image, déracinés et déculturés. Les boutiques Naturalia poussent comme des champignons mais les plombiers se font rares.
Dans 20 ans, Paris sera une sorte d’écomusée, ou quelques figurants harangueront le passant, « vitrier ! vitrier ! », déguisés en poulbots. Les rollers et les vélos remplaceront les voitures et les camions de livraisons. Les authentiques parigots n’existeront plus, pas plus que les provinciaux qui montent à Paris. La ville-monde ressemblera à Singapour, un modèle de mondialisation sauvage, au détriment de son héritage et de ses racines.
Pour l’heure, nous continuons d’aimer Paris.
Notre nouvel appartement couvre les toits de Paris et la tour Eiffel scintille chaque soir sur notre nid. Paris perd son âme et son identité. A mesure de sa transformation, nous raccourcissons nos déplacements, évitant les quartiers aseptisés et nous réfléchissons à sérieusement quitter la ville.
Le tour de la France se termine sur cette note, en demi-teinte. Mais cela n’enlève rien au superbe et spectaculaire voyage entreprit il y a deux mois, de Lille à Chambéry, en passant par La Rochelle, Perpignan, Marseille ou Avignon. Le monde est vaste, émerveillant, surprenant, et son centre, c’est la France.
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Du patrimoine en bouteille
Comme une manière de fêter dignement notre tour de la France et, plus globalement, notre année de voyage dans le monde, nous décidons de clôturer l’ensemble par une triple route des vins.
Le vin, ce n’est jamais que du jus de raison fermenté. C’est aussi l’haleine de la France. Pour s’en persuader, la route des vins de Bourgogne s’avère être l’endroit idéal. De Macon à Dijon, certains des plus grands vins du pays acquièrent leurs notes de noblesse sur les coteaux ensoleillés du vignoble bourguignon. Du château de Meursault et ses blancs chaleureux, aux rouges équilibrés de la maison Naudin en cote de Nuit, nul doute que nous sommes ici en présence d’un savoir-faire hautement français. Au-delà du pinard, l’autre spécialité du coin, est bien entendu la moutarde. Jadis production principale de la région, il ne subsiste aujourd’hui qu’une moutarderie artisanale à Beaune. Elle se visite, et c’est plutôt bien pensé.
Puisque nous sommes à Beaune, nous achetons un ticket pour découvrir les célèbres hospices. Fastueux et remarquable architecture de style gothique, cet ancien hôpital séduit par son impressionnante toiture en tuiles vernissées de Bourgogne. Un florilège de couleurs enchevêtrées autour d’un bâtiment déjà fort impressionnant. A l’intérieur, 600 ans d’histoire ou se côtoie malades purulents et guérisseurs précurseurs ; saignées et pots de chambre. Un fascinant bond dans le passé, au chevet de la dévotion religieuse et la miséricorde. Au mur, les extraordinaires représentations de la vie quotidienne de l’époque et parmi les plus belles œuvres de Weyden. Une apothicairerie conserve d’anciens remèdes tandis que le récent musée de la médecine recense les divers instruments de torture utilisés au rétablissement des patients. La taille des aiguilles et les multiples cuves à saignée dissuadent n’importe quel simulateur. L’autre joyau des hospices se trouve en sous-sol. Chaque année s’y déroule une incontournable vente aux enchères de vins bourguignons. Le bénéfice dégagé de cette opération est, depuis cinq siècles, entièrement redistribué au bon fonctionnement de l’établissement.
La route s’allonge et après Meursault, Beaune et la dizaine de petits villages dont j’ai oublié le nom, nous arrivons à Dijon. Notre rythme s’est accru et pour cause, ma première semaine de rentrée est gorgée de rendez-vous professionnels.
Nous passons seulement quelques heures dans la capitale bourguignonne. La qualité de vie est plaisante et chaque rue à son église. Nous apprécions l’air qui stagne au-dessus de la ville. Nous marchons, guillerets, profitant des derniers moments du voyage. Dans une boutique de crème de cassis, nous goutons à cet alcool typique, hautement sucré. Nous soignons notre futur diabète en ingurgitant une autre recette locale, les nonettes. La boutique n’a quasi pas évoluée depuis 200 ans ; les plafonds ressemblent à la chapelle Sixtine et le mobilier est d’époque. Un véritable musée autour de cette sucrerie au pain d’épices, fourrée à l’orange. Pour finir, nous gratifions, un bref instant, l’institution Maille de notre présence. Nous apprenons ainsi que Maille se touche la nuit en imaginant des tarifs aussi décomplexés pour des pots de moutarde. Un dernier détour pour admirer la cour intérieure du couvent des Bernardines et nous festoyons autour d’un bon gueuleton, avant de tourner la page de la Bourgogne.
 C’est à Turckheim que nous attaquons l’Alsace.
A partir de maintenant, l’allemand remplacera l’anglais dans les conversations touristiques. Ce morceau de France, plus nouveau que les autres, entretient d’ambivalentes relations avec notre voisin teuton. La culture, les lois, les institutions, l’architecture, tout se lie et s’amalgame pour faire de cette région, un couloir de transfert, un sas de mixité, entre les deux pays. Nous comptons suivre, en express, la plus ancienne route du vin de France. Longue de 170km sur à peine 3km de large, protégée par le massif des Vosges, ce cheminement viticole permet la rencontre successive des vignerons et des villageois, sans risque de passer à côté. Nous arrivons à l’entrée de la nuit. A peine garé, nous décidons de rejoindre la fête qui bat son plein sur la place principale de Colmar. Une vinification d’usage pour habituer nos papilles à ce qui suivra. Colmar est une bourgade charmante, à n’importe quelle saison. Pour l’heure, il fait impeccablement bon et nous dinons alsacien, dans une ambiance magique. Les spécialités s’enchainent, ponctuées par les meilleurs crus du coin, et se concluent par la meilleure crème brulée jamais dégustée.
La région compte une foule de villages classés parmi les plus beaux de France. Eguisheim n’est sans doute pas le plus beau, mais il est le plus surprenant. Son urbanisme est stupéfiant, en effet, le patelin est absolument rond. Un cercle parfait, où l’on revient irrémédiablement sur ses pas. Les fleurs et l’architecture forment un heureux mariage et le soleil de début de matinée gratine les jardinières posées aux fenêtres. Les villages sont habilement situés sur la route des vins ; ils entrecoupent les vignes et pointillent le panorama.
Kayseberg, Ribeauvillé, Barr… L’Alsace envoute et agrippe les vacanciers.
Au détour d’un virage, nous croisons une exploitation viticole, à quelques mètres de l’entrée de Riquewihr. Monsieur Hueber nous reçoit poliment et nous offre une leçon d’histoire viticole, avec une gouaille folle. Nous ne comprenons qu’un mot sur trois, l’homme usant et abusant du patois alsacien. La séduction opère, le sympathique personnage gagne notre confiance. Nous embarquons une caisse de pinot noir, suivi d’un peu de pinot gris. Un coup de fil interrompt le cours de nos pérégrinations. Je suis convoqué lundi, pour une entrevue professionnelle au siège du 1er caviste de France : Nicolas. La proposition tombe à pic, je baigne dans cet univers depuis quelques semaines déjà. Je passe le test obligatoire et éliminatoire, par téléphone, et voilà nos vacances sensiblement écourtée.
Nous profitons de nos dernières 24h pour faire le plein de victuailles. La recherche d’une ferme d’oie est délicate, tant le marché du foie gras de cet animal est restreint. Nous débusquons un éleveur, et visitons l’exploitation. Sur le retour vers Paris, nous franchissons la Champagne. Un rapide passage à Epernay, fade et sans fantaisie, puis quelques lampées dans les caves crayeuses du coin avant de définitivement rentrer au bercail…
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Dans un coin perdu de montagne…
Idéalement situé, à proximité de Chambéry, La Plagne et Annecy, notre base savoyarde constitue l’épicentre de nos prochaines semaines, à la découverte de l’Est. C’est ici que vit la grand-mère maternelle d’Alice. Un charmant coin de verdure, au plus proche des Alpes. Une grande maison familiale aux histoires joyeuses ; siège de réunions mémorables à Noël ou au mois d’août. Chaque séjour sur place apaise les sens et réinitialise l’esprit.  Tout, de l’air respiré au panorama contemplé en passant par le silence du village, est propice au recueillement. Rien ne serait possible sans la bienveillance de la maitresse de maison. Une énergie insolente doublée d’une générosité redoutable, la personnalité de cette octogénaire rassure sur la vieillesse. Jamais rassasiée, toujours en quête d’un nouveau défi, elle règne sur son domaine avec tendresse et humilité.
La mère d’Alice nous a précédée d’une journée. Nous dinons tous les quatre. Le lendemain, nous retrouvons mon père et Muriel sa compagne, dans le bourg voisin. Heureux comme un gosse d’avoir retrouvé son papa et surtout ravi de partager avec lui les secrets d’une région que j’aime énormément. Plus habitué aux reliefs pyrénéens, mon paternel attend beaucoup de ses vacances en famille, les premières depuis longtemps. Ses premières heures sont timides mais il est vite mis à l’aise par l’accueil réservé. Le couple de rochelais n’est pas venu les mains vides, deux adorables bêtes modèles réduits les accompagne, jusque dans la chambre. Bien éduquées, les chiennes découvrent avec excitation l’espace vert en libre accès et son principal locataire : le chat. Pour elles, le séjour ne sera pas de tout repos.
Nous débutons sur les chapeaux de roues, en randonnant sur le mont Grêle.
Le 1er tiers est avalé en voiture. Nous attaquons l’ascension par un périlleux pierrier, couvert par l’imposante canopée. A chaque pas, un bruit sec suivi d’un roulement de pierres qui tombe à pic dans le précipice autour de nous. Malgré la pleine journée, la lumière parvient à peine à nous éclairer. J’exagère un peu. La sueur perle sur nos fronts et les paroles se font plus rares, entrecoupées de soupirs. Seul mon père, marathonien aux pulsations cardiaques réduites au strict minimum, grimpe sans souffler jusqu’au sommet. Muriel, plus aguerrie aux marches sur surface planes, souffre en silence sous les quolibets affectueux de son partenaire. Parvenus au sommet, nous retrouvons l’air plein et la luminosité d’un soleil à son paroxysme. Nous déjeunons au sommet d’un col, à 1200m au-dessus du niveau de la mer, perchés sur les hauteurs de cette Savoie méconnue, la Savoie des plaines.
Un repos bienvenu s’offre à nous à notre retour. Une détente aquatique dans la piscine pour régénérer les membres. Au programme du lendemain, nous explorons l’extraordinaire ville d’Annecy, sa prison, ses canaux.  Le temps est radieux et la température idéale. La petite Venise grouille d’estivants bronzés qui flânent le long du lac à la recherche d’un coin d’ombre. Nous aimons énormément cette ville, et nous projetons à l’avenir, d’y posséder un pied à terre. Un appartement dans le vieil Annecy, tout proche de l’ancienne prison, aujourd’hui reconverti en musée de la justice. Nous déjeunons en terrasse, au-dessus de l’eau froide et limpide qui descend des montagnes. Nous contournons ensuite le lac et repartons à la rencontre de son homologue, le lac du Bourget. Celui-là même que nous surplombions l’autre jour, durant la randonnée du mont Grêle. Les secondes épaississent au bord de pareil tableau mais le temps, quoi qu’on en dise, poursuit sa course irrémédiablement. Nous rentrons.
Patrick, le père de ma très chère et toute tendre, accoste ce soir et nous célébrons son arrivée, un verre à la main. Les familles sont désormais complètes.
La pluie s’invite aux retrouvailles et c’est un brin bougon que nous abordons la journée suivante. Nous ne modifions pas le programme, nous n’en n’avons pas le temps. Les essuies glaces tournent à plein régime durant toute l’ascension de la vallée de la Chartreuse. Le chemin sinueux bordé de falaises, aiguise nos sens et affute notre angoisse. Impossible, dans ces conditions, de profiter pleinement de toute la beauté du site. Au bout de la route, nous trouvons la raison de notre venue. Un monastère actif ou pérégrine les moines chartreux, communauté silencieuse aux secrets centenaires. L’ordre contemplatif des pères Chartreux s’est fixé dans ces montagnes il y a environ un millénaire. Leurs subsistances matérielles sont limitées au minimum et seul le commerce de la liqueur Chartreuse permet le financement du monastère. Nous profitons de l’installation toute proche de l’usine pour y découvrir la confection. Un secret tenace entoure la fabrication et l’élevage de la liqueur. Selon l’histoire officielle, la recette initiale de cet alcool herbacé fut donnée à l’Ordre par le duc d’Estrées en 1605. Pompeusement nommée « Elixir de longue vie », la formule fut à l’époque jugée trop complexe pour une fabrication en série. Il fallut patienter plus d’un siècle avant que le frère herboriste Jérôme Maubec entreprenne des travaux pour créer, en 1737, une liqueur proche de l’amalgame originel. Ce mélange est commercialisé de nos jours, sous l’appellation « Elixir végétal de la grande chartreuse ». Rapidement, les moines, que la solitude semblait peser parfois, décide d’élaborer un digestif à partir de ce nouveau breuvage. La chartreuse verte était née. Issu d’une sélection de 130 plantes du massif –elles mêmes issue d’un premier choix de 2000 plantes- la Chartreuse s’exporte au-delà des frontières et arrose les fins de repas du monde entier. Elle n’est pourtant produite qu’ici, à Voiron en Isère, où nous sommes actuellement, dans l’antique cave aux vapeurs d’alcools omniprésente. Impossible de glaner le moindre indice quant à la méthode exact pour élaborer cette merveille, la recette n’est connue à ce jour, que par deux moines –un maître et son élève- et précieusement conservé au cœur du monastère. La dégustation se termine, nous passons à la caisse, gourmands…
Les savoyards n’ont pas la réputation d’être timide dans l’assiette. Nous mettons à l’épreuve ce lieu commun en testant les spécialités locales. Après le feu des plantes macérées, la douceur du chocolat. L’entreprise familiale Bonnat importe ses fèves de cacao des meilleures plantations de cacaoyer du monde et exporte en masse ses tablettes de chocolats fins. La PME compte parmi ses plus fidèles clientes, Alice et sa mère, Maryline. Cette dernière nous a passé commande d’un parait-il succulent chocolat noir équatorien. Nous remplissons nos poches et quittons sans hâte ce paradis sucré. Pour compléter le triptyque culinaire prévu aujourd’hui, nous terminons notre pèlerinage dans une institution : le gâteau de Saint Genix. Au sein du village éponyme, une pâtisserie quatre fois centenaire perpétue la tradition autour de cette grosse brioche fourrée de pralines roses pastel. Le stade de la faim est largement entamé quand nous revenons à la maison.
Le lendemain est à nouveau placé sous le signe du régime puisque sont reçus à déjeuner, de vieux amis de la famille. Blagueurs et généreux, le couple enchaine anecdotes personnelles et bons mots, autour des grillades dominicales. Fondateurs d’un petit empire régional du débit de boissons, le patriarche ne manque jamais de ravir les oreilles attentives que nous sommes, avec de savoureux souvenirs professionnels. Le temps se ralentit à nouveau et à mesure du remplissage, semble-t-il infini, de nos timbales. Un dimanche sur la terre…
Rien ne se passe durant le reste de la journée. Rien d’extérioriser en tout cas.
Le calme précède toujours la tempête. Le repos de la veille tranche donc avec l’excitation de ce matin. Dans un souci d’équilibre, nous troquons nos tabliers de sapeurs et nos coupes de champagnes pour une journée sportive et aventureuse. Tout débute par une surprise ; un anniversaire avancé. A de nombreuses reprises, mon père, a évoqué l’idée de voler en parapente, un jour. Ce jour est arrivé, mais il l’ignore encore. Nous prétextons une sortie en canoé –demi mensonge- pour l’amener au pied du lac d’Aiguebelette pour une expérience qu’il n’est pas prêt d’oublier. D’abord fébrile, puis franchement joyeux, le père décolle enfin et profite des courants ascendants favorables pour doubler son temps de vol avec le moniteur vraisemblablement ravi de tant d’enthousiasme. Sain et sauf, il regagne le plancher des vaches et nous le rejoignons, le sourire accroché aux lèvres. Nous avalons un rapide sandwich et nous enchainons sur une après-midi canoé biplace. Nous optons pour une descente du Guiers, la turbulente rivière du coin. Après avoir dompté les airs, voilà mon paternel sur l’eau, accompagné de Muriel, pas franchement rassurée. Elle attache solidement son gilet de sauvetage et se force à rire pour tenter d’oublier sa peur viscérale de l’eau. Les canoés quittent la digue, un pied puis l’autre sur l’instable esquif, un coup de pagaie pour se décoller du bord et nous partons. Derrière nous, mon père rit comme un enfant hyperactif et s’amuse de la crispation de sa bien-aimée. Celle-ci serre les fesses et couche les oreilles comme un chat qui chie dans sa caisse. Quelques coups de rames plus tard, le défiler des randonneurs aquatiques s’étale et nous apprécions la promenade sans risquer de heurter un autre bateau. Muriel se détend et apprécie un temps la situation. Au fil de l’eau, nous franchissons les ponts et les clairières de cette magnifique région de France. A quelques kilomètres de l’arrivée, la partie se complique, au grand dam du bateau de nos poursuivants. Le lit de la rivière rétrécit et de courts mais puissants rapides freinent notre progression. Contraints, pour des raisons de sécurités, au débarquement temporaire pour franchir l’obstacle, c’est le moment que choisi mon géniteur pour tomber royalement à l’eau. Heureusement, j’ai tout filmé. Nous repartons gaiement vers le prochain danger. A la sortie d’un virage aveugle, notre canoé pique soudainement du nez pour s’enfoncer pleine bille dans l’écume bouillonnante produit par d’énormes rochers glissants. Par chance plus que par technique, nous évitons le naufrage. Mais ce qui doit arriver arriva ; l’équipage de nos moussaillons ne résiste pas au choc et se retourne proprement en propulsant nos valeureux comparses sous la bail.  Plus de peur que de mal, mais la mésaventure coute sa bonne humeur et ses lunettes à Muriel. Le reste du voyage se fait dans le silence.
Le silence, c’est précisément ce dont on aurait besoin, le soir venu, au bord du lac d’Aiguebellete. Nous assistons, avec la famille au complet, au concert prétentieux et cacophonique d’une bande d’improbables musiciens. Aucune cohésion de groupe, musicalité suspecte, objectif flou… Une punition auditive que nous nous pressons d’oublier en aspirant une bonne bière fraiche. Bien avant le dernier mouvement de batterie, nous fuyons en tribu, vers de plus harmonieux silences. Seul Maryline, plus patiente et attentive que nous autre, persévère…avant de finalement céder devant ce curieux spectacle.
 Couchés tard, levés tôt, pour une seconde rando.
Sur les hauteurs du Beaufortin, les cinq lacs du Forclaz forment les paliers bleutés d’un tableau d’immensité. Entre neige et soleil, entre ciel et terre, cinq heures de parfaite communion avec le corps, l’esprit et la nature. L’effort est soutenu ; les jambes et le cœur accusent le coup tandis que le regard s’incline devant la beauté du monde. A chaque pas, l’air se fait plus précieux ; la température baisse à mesure que notre chaleur corporelle augmente. L’aboutissement de ce périple se situe à 1500m d’altitude, ou nous déjeunons avec entrain, au bord du lac noir. Le retour est lent, presque nostalgique, car nous savons tous que nous venons de vivre des instants suspendus. Enjoués et fatigués, nous dévalons prudemment l’étroite route de montagne pour rejoindre Bourg saint Maurice.
Un nouveau morceau de famille se greffe à nos activités pour les derniers jours en Savoie. Nous en profitons pour gonfler la piscine d’hommes virilisés et concentrés sur le ballon de volley qui nous occupe la moitié de la journée. Le match des pères nautiques se termine quand nous décidons de visiter Chambéry, principale ville de ravitaillement aux alentours. Un agréable tour d’horizons des richesses de la cité et des gens qui la composent.
Et puis, un matin, il faut partir.
Un dernier croquet dans le jardin, un petit déjeuner vite avalé, le regard dans le lointain souvenir d’un séjour définitivement bien trop court. Mon père et sa compagne prenne la route du retour et avec eux se clôt une période riche et complète que nous fûmes heureux de partager.
Les 48 prochaines heures se font en comité restreint. Les uns ont suivi les autres et chacun vaque à ses occupations avant le rendez-vous familial annuel pour le 15 aout. J’en profite pour refondre mon curriculum vitae, doucement tourné vers la rentrée. Nous n’en avons cependant pas terminés avec les loisirs ; preuve en est avec ces instants paddle ou, juchés sur une planche à peine plus large qu’une table à repasser, nous parcourons la vaste étendue paisible du lac d’Aiguebellete. Ludique et sportif, cette nouvelle mode aquatique offre une perspective différente de la navigation. L’essai est concluant et c’est sur cette note positive que nous dinons au restaurant. La soirée se poursuit ensuite autour d’un rituel que nous, mon futur beau frère et moi, avons parfaitement organisés. Chaque nuit, décalage horaire oblige, nous observons les athlètes du monde entier s’écharper dans toutes les disciplines présentes aux jeux olympiques d’été. Un festival de performances rythmées par l’ambiance chaleureuse des brésiliens et de la sulfureuse Rio de Janeiro. Nos activités diurnes coïncident mal avec nos obligations sociales du lendemain. Néanmoins, nous assurons le minimum et parvenons à tenir le crachoir sans mal, tout au long du grand festin annuel.
Les jours raccourcissent et notre calendrier s’accélère ; les travaux paysagers succèdent à l’empâtement du canapé et l’envoi de CV ; nous devons partir. Des embrassades et des promesses de retour pour conclure ces toujours impeccables vacances en Savoie.
Nous n’abandonnons pas tout à fait les paysages alpins puisque nous longeons le lac Léman pour rendre visite à nos consœurs suisses, près de Montreux. Les deux cousines siciliennes, rencontrées au Laos dans des conditions nettement moins confortables, nous attendent pour deux jours de découverte helvétique.  Dans une joie non feinte, nous débarquons chez Agnese où Valentina nous attend déjà. Une promenade franco-suisse s’improvise ensuite autour du Léman, ce lac sublime, le plus grand d’Europe. Les filles nous convient ensuite à diner, au cœur des vignes qui bordent le lac. Un cadre enchanteur qui nous ferait presque oublier le charme de notre propre pays. Nous apprenons aussi que non content de partager le lac, les Alpes et la langue avec les Suisses, nous partageons également l’amour du vin.
Le début de nuit nous rappelle aux origines siciliennes de nos deux hôtes, lesquelles murmurent quelques mots en italien en sirotant un limoncello glacé.
Pas de grasse matinée pour mézigue. Le col de Jaman nous défie et nous relevons le gant. Une randonnée courte et abrupte, pour dominer une ultime fois, le grand Léman. Derrière lui, la France. Et notre billet retour. Au sommet, une gigantesque croix, idéale pour tutoyer les anges. Le souffle coupé, nous mâchons sans réfléchir les ravitaillements emportés. Nous enlaçons les cousines et convenons d’une date parisienne pour leurs rendre la monnaie de leur pièce. Conscient malgré tout que la butte Montmartre n’a pas le même cachet.
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Maillot à pois
La remontée du pays suit le Rhône jusqu’à Lyon. Première étape : Avignon. Nous évitons de justesse le festival In et Off et la masse de festivaliers inhérente à ce genre d’évènements. Toutes les traces de leur prolifique passage n’ont pas disparues. Sur les façades, clouées aux portes et partout au sol, les milliers d’affiches des représentations de la dernière quinzaine. Dans le lot, des pépites, mais aussi des bouses subventionnées. L’autre attrait de la ville domine celle-ci depuis des siècles. Demeure pontificale au XIVème siècle, cette forteresse abrita six conclaves, aboutissant logiquement à l’élection du nombre correspondant de papes. Aussi, elle constituait le siège de la chrétienté d’Occident pendant la même période. Le bâtiment est impressionnant ; ses hautes murailles et son volume, terrifiant. La conception de l’édifice est aussi belle que grandiose, et l’immense porte d’entrée est sans commune mesure avec les monuments de l’époque.
La remontée dans le temps se poursuit dans le théâtre antique d’Orange. Le génie romain, toujours debout, à l’acoustique impeccable, aux lignes rondes, une pure merveille dans laquelle nous nous amusons à nous perdre pour mieux se retrouver. Elan amoureux et affectif. Trêve de roucoulades, du moins jusqu’au prochain stop. L’autoradio crache les sempiternelles déjections sonores dont regorge la FM. Las de tant de médiocrité musicale, nous écoutons chaque jour « Les grosses têtes » ; maigre consolation tant on appréciait la culture populaire d’un Bouvard, remplacé piteusement par le comique de noces et banquet Ruquier et sa bande d’ignares arrivistes. Quelques survivants de l’ancien modèle sauvent les meubles et nous arrache de temps à autre, un sourire.
Nous remontons la mythique nationale 7. De Paris à la côte d’azur, cette voie légendaire constituait pour bon nombre de nos parents, la symbolique routière des vacances au soleil. Des milliers de véhicules traversaient ainsi la moitié de la France pour se dorer la pilule et fuir le stress de la vie citadine. Une manne pour les bleds qui jalonnaient la nationale. L’un d’entre eux eut l’audace de saisir la balle au bond et dans un même temps, de communiquer au pays tout entier autour de ses spécialités culinaires. Le nougat se révéler et Montélimar s’agrandissait. Aujourd’hui, le flux autoroutier ne permet plus la distribution de friandises aux vacanciers coincés dans les embouteillages. Montélimar a perdu de sa superbe mais le nougat est mondialement commercialisé. Aussi, il faut cravacher pour trouver une nougaterie artisanale. C’est chose faite chez Soubeyran. Une visite ludique et instructive en plus d’être extrêmement gourmande, ce qui ne gâche rien. Nous embarquons un sachet lourd comme un lingot, dans l’objectif avoué de s’empiffrer à l’heure du déjeuner. A ce propos, nous maitrisons parfaitement l’ensemble de la gamme des salades de supermarché à dévorer sur le pouce. Nous commençons à rêver de carottes et à chier du maïs.
Question gastronomie, notre prochaine destination s’érige en quintessence de la gamelle.
Vitrine du savoir-manger français et haut lieu de l’art culinaire sérieux, Lyon mérite l’arrêt et la contemplation. Grande cité pourtant à taille humaine, la magie de la ville opère à chaque coin de rue. Les traboules piègent les flâneurs dans leurs dédales de courettes et d’impasses ; les bouchons lyonnais asservissent les palais délicats des gourmets de passage ; le parc de la tête d’or ravis les petits et détend les grands ;  Le Rhône et la Saône se disputent les courants. Ce paradis urbain, Alice le connait bien. Une large partie de sa famille maternelle occupe le terrain dans les parages. Pour l’heure, ce n’est pas les liens du sang qui nous intéresse mais ceux du cœur. Un couple d’amis de la dite famille nous reçoit avec toutes les bonnes grâces dans leur appartement du centre-ville. Nous comptons y séjourner quelques nuits mais notre agenda se charge brusquement lorsque nous apprenons la venue convenue de mon père et de sa compagne. Nous avons rendez-vous le lendemain, sur les coups de midi, dans la Savoie toute proche.
Nous reviendrons à Lyon. Prochainement. Durablement, sans doute.
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Plein Sud
De mon enfance villageoise, il subsiste quelques souvenirs littéraires, fondement culturel de mon penchant pour l’écriture aujourd’hui.
L’un d’eux est étudié depuis longtemps pour tous les collégiens de France : « Les lettres de mon moulin » d’Alphonse Daudet. Gamin, je trouvais dans ce recueil de nouvelles, l’évasion et les rêveries nécessaires à l’émancipation de l’enfant. Dans mes lectures, je m’imaginais parcourir la garrigue tout le jour avant de m’abriter dans ce vieux moulin de pierres. Je voulais aller saluer les vieux, leur dire moi aussi, que je connaissais Maurice et le secret de maitre Cornille. La part belle aux émois enfantins et à la poésie sociale. Les années ont passées et j’y suis, dans la garrigue, au pied du moulin.
Il est en pierre ; il est isolé mais moins que prévu. Il domine d’à peine la pinède environnante. Ses voiles se goinfrent du mistral mais la comparaison s’arrête là. A l’intérieur, quelqu’un y travaille pourtant. Une jeune femme attend les voyageurs dans l’objectif de leur soutirer quelques piécettes pour l’accès à l’intérieur de l’édifice. O tempora, o mores. Autre temps, autres mœurs. Nous restons quelques épaisses minutes, seuls, sans un mot. Puis nous regagnons Fontvieille, le village du moulin de Daudet. Nous déjeunons religieusement, en économisant la parole.
L’après-midi est consacré à la recherche culinaire des joyaux de la région. Le long des routes, les platanes ont laissés la place à de sublimes oliviers centenaires. L’air s’emplie de lavande et d’herbes séchées. Le mistral transporte ce parfum dans toutes les collines.
Un imposant portail en fer forgé délimite l’accès à une immense propriété au bout d’un chemin de pierre bordé de cyprès. Nous franchissons le seuil et roulons tant qu’il est mécaniquement possible de le faire. Au bout du compte, nous découvrons le beau château d’Estoublon. La visite est libre. Le domaine est vaste. Nous jouissons de cette semi-liberté en courant autour des oliviers. Alice mitraille le site, combinant gros plan et grand angle. Quelques vignes plantées ci et là nous rappelle qu’ici aussi on produit du vin, et du bon. Le soleil charpente les cépages et alcoolise le jus. Un rapide tour à la boutique pour s’en assurer et nous partons, sans le moindre achat. Pour des raisons sanitaires et budgétaires.
Nous retrouvons la foule des grands jours dans le plaisant village des Baux de Provence. Haut site touristique en pleine saison, le village à, il est vrai, de quoi séduire. Résolument atypique, le site est pris d’assaut tout l’été par les badauds du monde entiers, curieux de découvrir ce morceau des Alpilles. Seuls 22 habitants vivent encore dans la partie haute du village, pour plusieurs millions de touristes chaque année. Difficile dans ces conditions, de se sentir chez soi. Compliqué également  de se frayer un chemin entre les chinois à bob et les américains à gourmette. Au milieu de cette surenchère d’artifices, une série de boutiques joue la carte de l’authentique retour aux valeurs d’antan. Les magasins d’alimentation « Autrefois » proposent à la dégustation des centaines de sucreries gourmandes ou autre tartinade maison. On s’en fait un plein ventre. Même topo à St Rémy de Provence ou nous mettons à sac l’échoppe d’un glacier local. Mention dégueulasse à la glace aux herbes de Provence ; à trop miser sur les circuits courts, on commet parfois des fautes de goût.
Gras comme des loches, nous pensons à dormir.
Au grès des panneaux indicatifs, nous recherchons un coin officiel pour planter nos piquets. Demain, une pote de ma poupée se pointe et nous rejoint pour partager un peu de notre quotidien. Dans cette attente, nous devons lui trouver un endroit tranquille, avec sanitaires et bidet. Le jour décline quand, enfin, nous dégottons le Graal. Paumé et masqué au pied de la montagne Sainte Victoire, le camping du Galarban offre à ses locataires d’un soir, l’équilibre tranquille de la nature sauvage. Loin des parkings mutés en emplacement à caravanes de la côte d’azur, il permet tout juste l’emplacement d’une tente et d’une voiture. Les places sont à peine dégagées de la foisonnante végétation, ce qui confère à l’ensemble une agréable sensation de camping sauvage.
Journée OFF. Farniente. Glandouille. Branlette. Repos. Bouffe. Repos. Trop chaud. Trop aride. J’écoute ma barbe pousser…
Le soir venu, il faut, malgré tout, accueillir notre hôte. Cette journée anti productive m’a rendu un brin bougon. Manière élégante pour dire que ce soir, je n’ai envie de parler a personne. Néanmoins je consens –devant l’incompétence de ces dames- à construire l’abri de Laurène. Le lendemain matin, je laisse partir sans inquiétude les deux minettes à l’abordage de la Sainte Victoire. Mondialement reconnue pour ses sentiers accrocheurs ou randonneurs de France et de Navarre s’écharpent pour tenter d’accéder au sommet ; mais aussi et surtout pour son illustre peintre Paul Cézanne. L’artiste se prit d’admiration pour ses courbes et ses couleurs du soir ; il composa une soixantaine d’œuvres sur sa belle montagne. En 1906, alors qu’il travaille une fois encore sur la Victoire, un violent orage s’abat et Cézanne s’écroule, terrassé par un malaise. Il reste plusieurs heures sous la pluie avant d’être ramené chez lui ou il mourra quelques jours plus tard, d’une puissante pneumonie.
Le climat de ce début de matinée ne présage guère de précipitations ; je m’assoupis donc paisiblement en attendant le retour de ma meute…
Le soleil est depuis longtemps bien haut dans le ciel quand ces demoiselles daignent revenir au bercail. J’apprends alors, avec surprise, que la promenade initialement prévue s’est transformée en cordée d’escalade périlleuse et éprouvante. Des ascensions imprévues et des sentiers instables, elles reviennent exténuée et fière. De mon côté, je suis bien content d’avoir retrouvé ma cocotte. On se remet de nos émotions en galopant sur Aix en Provence la bourgeoise. Ça saute aux yeux. Mais c’est ravissant. Le centre historique tient dans une dizaine de rues et ruelles, aux pierres chaudes, aux façades chatoyantes.  L’un d’entre elles nous signale la présence de calissons ; ce bonbon ovale au melon confit surmonté d’une pâte d’amande craquante. Deux boites madame s’il vous plait, pour ma conso perso. Nous les dégustons dans le soleil de cette fin d’après-midi, un verre de rosé dans chaque main...
 Dans la bibliothèque familiale, entre Proust et Céline, figurait en bonne place Pagnol. Au même titre que Daudet, l’écrivain marseillais fit naître en moi l’amour des grands espaces et de la nature préservée de toute pollution humaine. Je me réjouis donc à l’idée de marcher sur les sentiers qu’autrefois, il parcouru. Mais, en arrivant sur la place principale d’Aubagne, mes chimères s’envolent. Rien, dans mes souvenirs littéraires, rien, dans mes vagabondages cinématographiques ne correspond à ce que je vois sous mes yeux ce matin. Aubagne est laid et statique. Je persévère en projetant de m’aventurer sur les « sentiers Pagnol » comme on les appelle de nos jours, pour appâter le marcheur. Nouvelle déception. La ballade est plaisante, loin s’en faut. Mais n’illustre pas mes espoirs de garrigue sauvage. Partout où nos regards se posent, la civilisation nous saute à la gorge. Marseille a grandi et ses quartiers nord déferlent sur les collines. Nous sommes seuls et pourtant, la magie n’opère pas. Cinq heures de randonnée plus tard, nous abandonnons.
Cette fois nous y sommes. Marseille. Seconde ville de France, son port, sa bonne mère, ses pécheurs, ses crâneurs. Marseille se découpe en strates sociales comme autant de reflets de la situation municipale. Les règlements de comptes à l’arme lourde y côtoient les marchands de biscuit bio, dans une mixité urbaine surprenante. Marseille à cela d’unique qu’elle est la seule grande ville de métropole à conserver une vie authentiquement populaire. A l’inverse des villes tournées sur le monde au détriment parfois de sa propre culture, la cité phocéenne s’enorgueillit de n’être jamais plus que la porte sur la méditerranée, sa porte française.  La fierté des marseillais transpire des maillots de l’OM et de chaque mur des quartiers. Si Aix abrite la bourgeoisie bronzée, Marseille conserve ses relents de poissons frais et cette vie populaire bouillonnante. Alice et Laurène découvre tout cela. Quant à moi, j’officialise ma 3ème visite. Pour fêter ça –ça et tout le reste- quoi de plus désaltérant que le pastis. Tandis que les donzelles comparent les différentes manières de se frotter le cul avec le même savon, je prends une leçon anisée dans le bouclar d’à côté. Une heure plus tard, je ressors de celui-ci hydraté et heureux, avec, dans ma besace, un précieux flacon de pastis artisanal, un nectar aux 54 plantes, parfait pour un plan détox en rentrant.
La visite se poursuit et nous prenons de la hauteur.
Du haut de ses 164 mètres, la Bonne Mère veille sur les phocéens. La basilique Notre Dame de la Garde offre un panorama époustouflant de toute la baie. Par beau temps, il est même possible d’apercevoir le Mont Ventoux, à 150km plus au Nord. Quelques clichés et on va se taper une glace. Sacrement bonne. Puis nous parlons calanques…puis nous apprenons qu’il est impossible d’y accéder en été, causes risques d’incendies. On se rabat alors à Cassis, où je désespère à comprendre pourquoi les estivants se complaisent à s’agglutiner sur les plages, à la recherche du centimètre carré disponible. Le centre-ville est habilement fleurie, le cœur de l’été bat son plein.
Laurène grimpe dans le train, non sans avoir préalablement prévenue sa môman  de son retour. Nous embrayons vers Salon de Provence qui ne nous laisse aucun souvenir notable. Avant de définitivement quitter la Provence, nous nous engueulons une ultime fois au sein du village de Menerbes. Un des plus beaux villages de France selon le classement éponyme, et une récompense amplement méritée. Peu ou trop de mots pour décrire ce lieu. Il est préférable de venir sur place. Sur la route, le temps se gâte rapidement. Un petit hôtel clignote sa promo et semble nous interpeller. Nous cédons.  Nous réservons une chambrée pour la nuit, et profitons des dernières heures de luminosité pour s’en mettre pleins les narines au musée de la lavande, tout proche.
Les nuages s’agitent en vain, notre toit en dur ne laisse rien filtrer, nous nous endormons comme des bûches…
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Au pas des chevaux…
Immense parc naturel protégé et sublimé par les reportages animaliers, la Camargue surprend et séduit par sa diversité de faune et de flore autant que par sa situation unique en France. Le paysage steppique et les vents qui enjambent ses marécages eignent l’élégance du site. Les gardiens de ce sanctuaire sont d’étonnants chevaux gris, solides et trapus. Ces camarguais sont une ancienne espèce d’équidés, dont l’origine reste méconnue et controversée.  La légende veut qu’il soit né de l’écume de la mer, sauvant in extrémis la vie d’un homme poursuivi par un taureau noir. Ces derniers sont aussi présents dans le tableau naturel du lieu. Guidés en semi-liberté par les gardians dans les manades, les animaux jouissent d’un cadre onirique et d’une bienveillante vigilance.
Au cœur de ce paradis de nuances, les hordes de flamants roses survolent notre véhicule tandis que nous avançons vers le cœur de cette région.
C’est à Sainte Marie de la mer que naissent les mythes de la Camargue. Les bottes camarguaises battent le pavé et la mer irrigue et se confond avec les marais. L’ambiance est flottante, suspendue, dans l’attente de quelque chose dont on ne comprend pas bien l’origine. Le climat ce jour-là participe à cet entre-deux. Une météo de mi- saison, entre l’eau et la canicule. Beaucoup de demi-mesures qui nous laissent pantois. Quelques kilomètres dans les méandres humides pour s’apercevoir qu’ici aussi, le tourisme déraisonné impose sa loi. Un petit train gonflé de touristes en casquette propose la découverte du coin à vitesse réduite. Plus tard, un second groupe monté sur des chevaux à visières, progresse à pas lents dans l’indifférence générale des flamants, désormais familiers de ce genre d’attractions. La magie est partie, nous partons.
Comme à chaque déception liée aux hommes, nous cherchons un refuge loin de tout. C’est chose faite après seulement quelques minutes de conduite. A trois kilomètres du bord de mer, nous stoppons la machine et chaussons nos sabots d’été. Un rapide coup de regard me permet de localiser un ponton en bois, sur lequel il est recommandé de passer pour accéder à la plage que l’on espère déserte. Tout l’indique en tout cas…
L’obstination est un mot féminin. Je découvre à mes dépens que c’est un trait de caractère très féminin également.
Alice me persuade de traverser tout droit, faisant fi du pont qui, mine de rien, doit avoir sa fonction. Sans réfléchir, du tout, je m’élance sans m’inquiéter. Nous parcourons les dix premiers mètres sans encombre puis brusquement, nous descendons d’un bon mètre instantanément. Enfoncés jusqu’à la taille dans une épaisse et écœurante masse de vase et de fumier, nous prenons de longues secondes pour prendre la mesure de l’évènement. D’un étonnant réflexe simultané, nous avons levé les bras, sauvant ainsi les clefs de bagnole et le sac à dos. Péniblement, en alternant coups de reins et lever de bassins, nous nous extirpons du piège nauséabond. J’y laisse mes godasses et ma dignité. Nous devons à présent rejoindre la mer pour un nettoyage en règle. Nous marchons prestement avant que la vase ne sèche totalement. La récompense se fait attendre d’autant que le sol se fait dangereusement brulant sous mes pattes de Dingo. Crasseux au dernier degré, nous atteignons la flotte et nous astreignons au lavage de chaque partie souillée. Une fois rincés, nous levons la tête pour inspecter les alentours dans l’espoir de ne trouver aucun regard moqueur. Peine perdue, la plage regorge de monde. Et d’un genre particulier, le genre qui ne craint pas les coups de soleil sur le cul.
Nous choisissons alors de focaliser notre attention sur ce peuple de naturiste, réfugié loin des yeux malsains de la côte bondée. Nous nous contentons de longer le banc de sable, amusés, devant la moyenne d’âge avancée de ces plagistes impudiques. S’il nous arrive de nous baigner nus et de montrer aux vents nos plus intimes attributs, c’est toujours dans le cadre de notre couple, sans aucunes paires d’yeux aux alentours. Je continue à penser que ces gens ont raison de profiter ainsi, de la brise sur leurs couilles.
Il est temps de partir.
Loin des réflexions épicuriennes de bord de mer, nous poussons notre engin motorisé dans l’antique cité d’Arles. Retour de la rubrique Histoire, dans cette Rome modèle réduit. Les arènes nous ramènent aux jeux du cirque et l’art romain est ici partout représenté. Inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO, justement pour ses trésors, Arles marque pour nous la fin du territoire de Camargue, au Nord. Pour beaucoup cependant, elle est la porte d’entrée du parc.
Nous laissons les fantômes de gladiateurs méditaient sur les tenants et aboutissants de leur profession car, pour l’heure, nous tentons une percée provençale.
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Un air catalan
L’Europe a son hypermarché : l’Andorre. Niché sur les hauteurs du continent, les rayonnages de produits détaxés attirent les touristes frontaliers et les voyageurs en transit. Une route sinueuse nous mène jusqu’au Pas de la Case, haut lieu de la solderie d’Etat. Ici, les humains se ravitaillent avant tout en alcools et tabacs. Si, en France, on criminalise le fumeur et le buveur ; ici, on le célèbre presque, du moins on l’encourage nettement. Dans chaque échoppe, des hôtesses promotrices d’une marque, engage les consommateurs à tester les dernières cigarettes du marché. Comble du vice, pour chaque cartouche achetée, une bouteille de scotch ou de pastis est offerte. Bien belle initiative en ces temps de dénonciation.
Dans un minuscule magasin de spiritueux je remplis un maigre caddie de délices anisés. A la caisse, deux grands-mères visiblement ignorantes des limites d’achats imposées par la douane.  Elles ricanent et s’amusent sans s’inquiéter des contrôles à la frontière. Nous échangeons quelques mots pendant que je dispose mes boutanches soigneusement dans un sac. Avant de quitter ce supermarché d’altitude, nous profitons une dernière fois de ces avantages en remplissant, cette fois-ci, notre réservoir d’essence. La descente est pressée ; les commérages entendus ci et là mentionnent des contrôles poussés des véhicules suspects. Les rues grouillent de ce bruit murmuré derrière les mains ; un air de Chicago période prohibition flotte dans les airs. A 300 mètres du poste frontière, une ligne droite dégagée de tout obstacle visuel. Très simple, dans ces conditions, de surveiller les comportements maladroits ou mal assurés. Soudain, une berline blanche nous rattrape et nous double à vive allure. Il se rabat immédiatement devant notre capot et se maintient là jusqu’au poste douanier. Nous serrons le cul. Nos provisions ne sont pas excessives, même pour un homme seul, mais leur quantité dépasse le quota imposé par la loi. 100 mètres…50 mètres…. Un bref instant, nous sommes certains que les agents arrêtent tous les véhicules. L’instant d’après, nous sommes de retour en France. L’homme à la berline blanche est stoppé sur le bas-côté. Nous ne saurons jamais si son empressement nous a été bénéfique.
La chaine pyrénéenne est époustouflante.
Pour se satisfaire et se goinfrer de vastes espaces, nous nous arrêtons régulièrement. A la nuit tombée, nous descendons à bord de rivière pour y trouver un coin de verdure humide, propice à refroidir nos corps et suffisamment abriter pour notre toile de tente. Le confort est une notion toute relative ; après plusieurs mois d’inconfort évident, un simple matelas gonflable surmonté d’une toile fine suffissent à notre complet bonheur. Avant de s’enfouir dans notre foyer d’été, nous arpentons les alentours pour trouver notre nourriture. Le seul commerçant du bled hésite à fermer ses portes devant la désertion des clients du coin. Nos sourires affamés ont raison de son impatience et nous trouvons chez ce curieux personnage bien local, quelques maigres victuailles froides. L’atmosphère est électrique et les nuages qui s’amoncèlent au-dessus de notre campement ne nous rassurent guère. Quelques secondes plus tard, un premier nuage cède et des centaines de gouttes perlent sur notre toit, rafraichissant durablement l’air ambiant. Nous nous endormons paisiblement, bercés par la symphonie du ciel.
Le soleil nous réveille subitement, passé 9h du matin. Ses rayons chauffent progressivement la toile et nous force à quitter le nid.
Nous sommes attendus à Vinça, petite bourgade au cœur de la chaine montagneuse. Sans mal, nous trouvons l’agréable demeure d’une grande tante à moi dont je gardais d’excellents mais lointains souvenirs. Nous sommes accueillis aussi bien qu’espérés et c’est avec appétit que nous nous attablons. Sa fille nous rejoint bientôt et notre joyeuse assemblée partage l’apéro et le pain. L’énergie échangée à gorges déployées par ces deux sudistes à l’accent chantant, s’envole et rebondie sur les flancs de montagnes environnantes. Pour accompagner cette salade de rires, on nous sert un sens de l’hospitalité inégalable. Généreuses et optimistes malgré les coups bas de l’existence, ce bout de famille emplie nos panses et nos cœurs jusqu’à satiété.
Pendant la digestion, de nouveau seul en duo, nous nous offrons le sympathique village de Villefranche de Conflent. Un havre de traditions ou se côtoient, d’un pavé à l’autre, les charcuteries de lomo –sorte de saucisson farcie espagnol – les ateliers de gré et les robes flottantes des danseuses catalanes. Nous croisons également d’étranges devantures flanquées de balais poussiéreux et de masques de sorcières. En questionnant les villageois, nous obtenons l’explication de cette curieuse fascination. Une ancienne légende locale parle d’un temps reculé ou les sorcières peuplaient les grottes des alentours durant l’hiver. A la fin de celui-ci, les sorcières descendaient dans le village pour apporter gaieté et bonheur aux habitants. Loin d’être effrayante ou de mauvaise augure, la présence encore de nos jours des sorcières à Villefranche de Conflent rassure et assure la pérennité de cette jolie fable catalane. Il est d’ailleurs de bon ton d’offrir à un proche ou à un enfant, une sorcière à suspendre dans sa maison, en gage d’amitié et de prospérité.
Nous quittons les danses colorées et les mythes rassembleurs pour avancer dans notre tour de France. Un épais morceau de fromage de brebis coincé dans la gueule, nous sortons du parking et s’éloignons des remparts ocre du village.
La route est longue et nous peinons à rejoindre Perpignan, alourdis par la lente digestion de nos estomacs. Sur place, nous ne trouvons rien ni personne, ou presque. Une compétition sportive, le Mud Day, bat son plein et semble attirer toute la population de la ville sur les différents agrès que comporte ce parcours du combattant modèle géant. Sitôt éloigné de l’attraction, nous arpentons les rues absolument vides d’hommes. Nous décidons de regagner la côte et d’y séjourner le dimanche soir. Et c’est à Canet en Roussillon que nous découvrons la première de nos stations balnéaires méditerranéenne. Nous écrasons nos raies dans un fauteuil intelligemment placé au bord de la plage pour siffler un jus. Tout autour, des familles et des bandes de potes flânent avec leurs saloperies de tongs sous les pieds, la truffe au vent. La France des congés payés s’est rassemblée ici, pendant tout l’été. Chaque année, le même schéma. A la minute où le mercure dépasse les 27°, l’Europe au nord de Clermont Ferrand, dégringole en entrainant les autres sur son passage, et s’entasse au bord de la mer méditerranée pour y sécher la face au soleil. Cet amas d’estivants, que nous respectons sans les comprendre tout à fait, finissent de nous convaincre de nous retirer dans les terres, le temps d’une nuit au moins.
Depuis deux heures nous roulons doucement, aux aguets, à la recherche d’un coin tranquille pour camper.
L’obscurité progresse et le vent s’est levé.
Soudain, nous apercevons un lac, à 300 mètres, planqué derrière les futaies.
Nous garons l’auto sur une large bande plane ; unique clairière des environs. Problème, il s’agit là du point de passage principal de la tramontane montante. La tente résiste mais le sommeil est saccadé. Au matin, l’opération café crème est lancée. Un rapide coup d’œil sur la carte et la boussole, et nous prenons le cap de Narbonne, à 50km au nord-est. Une brève matinée sans conviction nous traine de Narbonne à Béziers. Notre mauvaise nuit et notre nouvelle exigence en matière d’urbanisme nous prive de la beauté objective de ces deux villes. Dans le seul but d’égayer notre (ma) journée, cap sur l’Adge. Le festival des culs à poils et de la viande à l’étalage. Un plein saladier d’organes génitaux et de tétons bronzés. La perspective mérite le détour. La désillusion est alors énorme quand nous découvrons une ville aux allures classiques, sans la moindre nudité. Pour le cours d’anatomie humaine, il faut s’aventurer dans un complexe gigantesque situé au bord de mer et entièrement muré. A l’intérieur sont parqués les naturistes de tout poil et tous vivent en semi autarcie. Un bref coup d’œil à ma promise pour comprendre que l’expérience s’arrête là. Pas question pour elle d’exhiber ses jolies courbes. J’ai beau arguer que mon intérêt est d’ordre biologique, scientifique et sociologique (étudier les interactions d’un groupe d’hominidés nus, dans un espace clos) je ne parviens pas à la convaincre, du tout.
Pour rester dans le thème, nous filons à la Grande Motte.
Zénith de l’abjection urbaine et coup de reins arrogant à la loi littoral, les immondes structures dressées sur la plage insultent le regard et le génie français. De quel cerveau malade a germé cette erreur architecturale. A moins bien sûr qu’il ne s’agissait de défigurer sciemment le paysage côtier du sud de Montpellier. L’endroit sue l’ennuie et le lieu commun. La ligne de sable, démesurée, où s’étale des tas de vieilles mottes, permet le temps à la réflexion et nous fait oublier, un instant, le saccage.
Dans les dunes, nous souhaitons coucher.
Mais d’autres ont eu la même idée. Nous optons donc pour la version légale et confortable du camping officiel. Au bout d’une impasse, le rêve de tout campeur apparait. D’abord, un terrain de boules. Au bout de ce terrain, une buvette, fière et fumante, à l’odeur de frites noyées dans l’huile et à la bière facile. Puis, ce sont les logements. Rangés par strates de niveaux sociaux. A l’entrée les bungalows fixes, puis les caravanes avec auvents, les tentes familiales viennent ensuite et enfin, les abris individuels et les voitures. Notre place. Entre les chiottes et le terrain de foot. Heureux comme le pastis dans son eau, nous nous savonnons ardemment, pressés que nous somme d’aller conter fleurette aux habitués du camping. Solidement arrimé au comptoir du bar ambulant, nous commandons coups sur coups, plâtrée de frites et fontaine de houblon. Tétant ma clope, lampant ma bière, nous bavardons en suivant attentivement le déroulement de la partie de pétanque qui se joue devant nos yeux. Au loin, une curieuse scénette nous amuse ; un homme véhément s’en prend à une femme qui a dépassée l’âge de plaire, assez éloigné de mon idéal pictural.  Elle ne semble pas l’avoir compris cependant, en vue de sa tenue provocante, même selon les critères libertaires de notre époque. Peut-être lui reproche-t-il de s’être dévalué symboliquement parce que trop d’hommes lui sont passés dessus. A l’écoute des mots hurlés, il semblerait que ce soit le cas. Nous nous regardons, plus amusés que peinés, et trinquons à notre complicité. Le bien-être, sans prétention, sans réflexions. Un p’tit tour aux gogues et il est temps de fermer les yeux.
 Une fois n’est pas coutume, nous débutons la journée dans une nouvelle ville. Montpellier tout proche accueille nos mines ébouriffées dans un concert de bâillements.  Les va et vient de la cuillère dans le café sous le soleil baignant de la place de la comédie bercent les premières heures de cette fin juillet. Cette ville est belle, harmonieuse. L’étape suivante ne mérite aucune ligne ici. Nous ne retrouvons pas, à Sète, le charme brillant de Montpellier. Nous filons pleine bille en Camargue, conscient d’approcher d’une terre mystique…
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Une bonne descente
Il est aisé de sacrifier au bon vin en terre de France. C’est précisément ce qu’on a l’intention de faire durant les prochains jours. Au cœur du vignoble bordelais nous attaquons gueule ouverte, les cépages du prince des vins. A saint Emilion tout d’abord, ou le maitre de chai du château Destieux nous fait l’honneur de réception et nous guide à travers son métier et son domaine. Les œnologues ont ceci de fascinant qu’ils sont ni plus ni moins que les chimistes du raisin. Un peu éloigné de la magie instinctive des vignerons d’autrefois, l’assemblage d’aujourd’hui se réfléchi, se peaufine, se compare et s’étudie. A Bordeaux, les œnologues sont légion ; presque aussi nombreux que les médailles d’autocongratulations distribuées à coups de classements plus ou moins légitimes. Mais il faut reconnaitre que l’homme devant nous, connait son métier drôlement bien. Destieux cumule plusieurs hectares de vignes, et tous domine le village de St Emilion, en contrebas. Un charmant coin de verdure, agréable sous le cagnard de ce début d’après-midi. Nous sirotons une limonade fraiche en avalant les macarons du village.
On se fait tout un monde de la vie de châtelain alors que finalement, ce n’est pas toujours enthousiasmant. Preuve est faite au château de Monbazillac, qui trône sur la vallée au milieu de son immense propriété. Il a l’allure, la majesté, la présence mais ses caves ne renferment presque aucun trésor, et la visite est décevante. Seule la dégustation de ses illustres blancs liquoreux sauve la mise.
Quelques coups de volant et nous plongeons au cœur de la littérature du XIXème, en compagnie de Cyrano, à Bergerac. L’illustre poète s’affiche partout, une ironie pour un personnage dont toute l’intrigue repose sur la discrétion. Une nouvelle statue colorée barre le passage d’une élégante place en briques, un curieux emplacement, pas franchement optimisé. Sur ce genre de réflexion existentielle, nous partons.
 Direction Toulouse, par la nationale.
Cette dernière affirmation compte parmi ce qu’on qualifiera plus tard, d’erreur de la route. Pour l’instant, nous filons droit et confiant vers le sud pour retrouver Corine et Didier, respectivement tante et oncle de ma copilote. Fidèle à nos principes de ne jamais emprunter l’autoroute afin de découvrir la richesse de nos chemins de traverses, de nos déparmentales  et surtout de nos villages planqués à proximité des grands axes routiers, nous contournons le péage pour s’engager sur l’étroit chemin qui serpente à côté. Problème, et c’est ici l’erreur, il n’y a strictement rien à apprécier à longer l’autoroute pour Toulouse. Nous perdons donc du temps, et du carburant. Arrivés à destination, nous subissons les gentils quolibets de nos hôtes, sans broncher. L’apéro est amplement apprécié et nous sommes ravis d’être ici.
Ici, c’est chez eux. Eux, c’est ce couple pêchu et drôle, à l’humour fin, à l’accueil généreux. Leur double appartement entouré de balcons surplombe une piscine pour résidents paisibles. La météo n’est guère propice au baignement, nous renonçons. La ville rose se loge dans le creux de la Garonne, pour y développer un art de vivre tout à fait singulier. La nuit tombée, les groupes de jeunes cracheurs de feu s’y retrouvent pour se réchauffer la glotte ; les familles promènent le chien et les couples illégitimes s’embrassent les ruelles ; mêmes les flics en patrouille ont le sourire aux lèvres. Jusqu’à un certain point, que Didier vient justement de franchir. Son énorme véhicule flanqué sur le bas-côté d’un emplacement interdit ou en tout cas bien limité, intrigue les policiers suffisamment longtemps pour que ceux-ci interviennent en commandant la fourrière. Le scénario semble tout tracé mais le propriétaire de la cylindrée, soupçonneux par nature, n’a pas quitté des yeux son bijou blanc monté sur roues. Il assiste dans un premier temps au ballet de la volaille qui semble prendre des notes en tournant autour de la voiture. Ils n’ont pas l’air d’admirateurs BMW. Didier comprend, avant nous, que cette mésaventure risque de lui foutre en l’air sa soirée. L’homme s’approche, accélère puis cours franchement en direction de la scène. Sur place, il use de toute la rhétorique nécessaire –doublé d’un soupçon de mauvaise foi- pour empêcher l’enlèvement. Les autres véhicules n’ont pas cette chance.
Après une telle montée d’adrénaline, pour au moins l’un d’entre nous, nous décidons de fêter ça. Un bar en bord de route fera l’affaire. La soirée se termine, dans les vapeurs mentholées d’un mojito glacé.
Le lendemain, nous découvrons Airbus, ses ateliers, son savoir-faire. Un homme dont je ne saurai douter de sa légitimité pour parler de ce sujet, m’a dit un jour : « en France nous avons les meilleurs ingénieurs du monde, et les pires commerciaux. ». La phrase prend tout son sens devant l’œuvre qui se monte devant nos yeux de profane. Une maitrise de l’aéronautique qui nous envie le monde entier et l’incapacité commerciale à vendre nos produits. Airbus protège ses secrets et finalement bien peu de choses techniques nous seront expliciter ce jour-là. Reste que l’A380 est impressionnant, il convient de le dire et de le vanter.
Autre réussite manifeste de coopération européenne, le restaurant dans lequel nous entrons ce soir combine déco andalouse et plats toulousains. L’orage gronde quand nous nous attablons autour d’une épaisse côte de bœuf cuit au grill. Dehors, la pluie redouble d’intensité et les bâches posées en hâte au-dessus de nos têtes, commencent à susciter en nous une espèce d’inquiétude. Une demi-heure plus tard, nous craquons devant tant d’imprévisibilité et demandons à changer de table. La toile plastique ondule et gonfle dangereusement tandis que les serveurs démunis lui infligent des coups de manches à balais par-dessous. La fin du repas se déroule mieux et nous passons un délicieux moment.
La suite de la nuit se délocalise chez nos hôtes. Nous terminons le séjour en trinquant à la vodka cerise et au calvados 20 ans d’âge. Didier rentre dans ses pénates et Alice fait de même dans les siennes. Corine et moi finissons les verres et entreprenons de refaire le monde, du moins le nôtre, le temps d’un instant. De l’éducation aux questions sociétales, en passant par l’ambition et la nostalgie de l’enfance envolée. Des moments suspendus, dans le silence d’une nuit d’été.
 Au matin, nous nous délestons des denrées emportées jusque-là. Celles-ci nous parviendront à Paris, par un habile stratagème d’échanges familiaux. Embrassades de rigueur, longues et sincères. Nous reviendrons.
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Un peu avant l’Histoire…
Nos pérégrinations nous emporte dans une région que je connais bien, pour y avoir passées quelques vacances.
Sur place nous attende un couple d’amis, étudiants en archéologie, dont les spécialités respectives sont trop opaques pour les non-initiés. Les oiseaux se sont nichés dans un camping reculé, à proximité d’un point d’eau, et observe de leurs yeux précis l’agitation des bambins autour d’eux. Leur nid –une spacieuse et fonctionnelle toile de tente pour réfugiés bosniaques- abrite le matériel de survie pour 15 jours prévus sur place. Bières, biscuits chocolatés, pâtes et chips, tout est coché. Nonobstant cet inventaire sommaire, nos tourtereaux jouissent de leur 1ère soirée ensemble.
Nous nous endormons près d’eux et nous nous réveillons avec eux. Autour d’un petit déjeuner de boulanger, nous rions des plaintes miaulées par Svetlana, victime d’un tour de rein dévastateur. Nous laissons le bon soin à l’imagination pour mettre des images sur la cause de ce blocage. Personne ne confirme, personne n’infirme. Le programme de visites de nos amis s’en trouve considérablement chamboulé et c’est sans eux que nous débutons le nôtre.
Il fait une chaleur épouvantable et pas une once d’air frais pour nous rafraichir la nuque. Les gouttes perlent sur nos fronts et mouillent nos culottes. Malgré ce désagrément, la fournaise est bien supportée. Les visites s’enchainent à mesure que nous croisons des panneaux d’informations touristiques. Les Eyzies, bourg tout proche de notre bivouac, plonge le visiteur dans la préhistoire. Centre mondial du sujet, le site réjouit les scientifiques et les profanes, liés par la même curiosité autour de l’origine de l’Homme. Plus au nord et bordant le long d’une départementale boisée, la Roque St Christophe toise les conducteurs et permet une perspective hallucinante. Un rapide détour par la paisible Montignac ou nous calmons nos panses avec une salade fraiche, le long de la rivière. Le soleil grimpe encore et avec lui, la température outrageusement élevée. L’après-midi se poursuit dans le cœur névralgique de toute la Dordogne et du Périgord Noir : Sarlat. Turbulente cité où se pressent et s’entrechoquent les pèlerins à casquette du monde entier dans l’espoir de toucher du doigt l’âme de ce poumon vert français. Difficile d’échapper aux rayonnages de foie gras gourmant  débordant des échoppes. Nous dégustons, comparons, puis finissons par engloutir les foies gras de canard, signature culinaire du pays. Le coffre s’alourdit une fois encore et nous avec. Il est temps de rentrer.
Le lumbago diagnostiqué de notre amie tient à nouveau grande place dans la conversation. Le soleil se planque sous les futaies, et enfin le mercure descend. Quelques bonds de zébulon pour atteindre la piscine pour l’instant déserte. La paix ne dure pas et une tribu criarde perturbe à présent la quiétude recherchée. Encouragés par leurs lourdauds de parents trop heureux d’autoriser leurs chiards à gueuler et sauter partout sans risque, le bassin devient une bassine bouillonnante de parasites en slip. Pas toujours propre du reste. Nous fuyons, vexés d’être ainsi chassé par la meute d’hyènes.
 Le sentiment d’injustice perdure jusqu’au matin, où nos pas nous conduisent à l’entrée du village reconstitué du Bournat.
Habilement répliqué d’un village typique du début du XXème siècle, le Bournat joue à fond la carte de l’authenticité. Dans mes souvenirs de marmot, la foule de contemporains côtoyée les artisans d’autrefois ; les sucreries d’antan jouxtées les manèges de bois et ce joyeux petit monde anachronique vibrait de joie et de plaisir gratuit. Vingt ans plus tard, le mercantilisme a frappé ; les manèges ont cessés de tourner ; les artisans dispensent leur art seul, désinvolte ; personne ne se bouscule en riant, les allées sont tristement vides et la notion même de gratuité a disparu. Auparavant, un seul ticket d’entrée permettait de jouir d’une journée aux petits oignons, pour petits et grands. Aujourd’hui, en sus du ticket, chaque « attraction » réclame son surplus. Tout se perd mon bon monsieur. De village témoin à usine à cash. Stratégie perdante visiblement.
Néanmoins, les artisans présent sur le site méritent le détour et à eux seuls justifient le prix d’entrée. Maréchal Ferrand, ripailleur, baudroier, émouleur mais aussi moulinier. Ce dernier, ou plutôt cette dernière, nous reçoit dans son superbe moulin à vent et nous offre la démonstration pleine de malice et d’ingéniosité de son chef d’œuvre à voiles. Le blé écrasé, nous goutons, circonspect, aux différentes farines crées. Insipides et sèches, nous parvenons difficilement à distinguer le grain de l’ivraie. Dont acte.
Au sortir du village, la mâchoire encore farineuse, nous optons pour une immersion atypique et effrayante. Au gouffre de Proumeyssac, nous espérons découvrir la réalité derrière la légende. De temps immémoriaux, de nombreux mythes ont entourés la cavité béante située non loin des Eyzies. Repère secret de brigands, porte d’entrée de l’Enfer, trou de bal du Diable, il faut dire que les faits encouragèrent longtemps les spéculations… En effet, durant des siècles, d’abominables odeurs semblaient s’échapper du gouffre et d’inquiétantes disparitions se produisaient à proximité du lieu maudit. Il n’en fallait pas d’avantage pour supputer sur l’horreur mystique planquée en dessous. Si question d’horreur il fut, de mystique beaucoup moins. La puanteur remontant des profondeurs trouvait son explication dans la putréfaction des centaines de cadavres de chevaux, moutons et parfois même victimes humaines détroussés par quelques bandits de grands chemins. Il aura fallu patienter le début du XXème siècle pour qu’une tête brulée à demie dingue, eu l’audace de descendre dans le trou, dans une nacelle frêle et précaire retenue par son cheval. L’ossuaire que l’homme découvrit dépasse tout entendement. Depuis, une descente similaire –bien que sécurisée celle-ci- est disponible à l’achat pour revivre un brin d’adrénaline de l’époque. Pour décupler les sensations, l’équipe technique du gouffre éteint l’intégralité des points de lumières de l’immense salle aux milliers de stalactites figés. Emotion garantie.
L’engouffrement se termine, nous remontons à la surface, l’estomac dans les talons.
A la recherche de quelque chose à nous mettre sous les crocs, une bannière publicitaire nous interpelle soudain. Elle barre la route en 4m sur 3 et indique la direction opposée. Le demi-tour  s’impose uniquement à cause de la promesse inscrite en lettres capitales sur l’enseigne : ELEVAGE SANGLIERS, DEGUSTATIONS ET VISITES. C’est en effet dans un élevage de sangliers bien nourris –à qui nous sommes présentés poliment par le maitre des lieux- que nous passons la fin d’après-midi. Les groins s’affolent à notre approche et le spectacle de la curée est étonnant. Le propriétaire des bêtes est un homme passionnant et enjoué, grand professionnel mais aussi vulgarisateur hors pair. Nous parvenons, à ses côtés, à mesurer les tenants et les aboutissants de l’élevage rarissime de sangliers en France. Son cheptel de 500 individus produit quantité de terrines, pâtés et bouchées de viandes qu’il parvient sans mal à écouler en seulement trois mois. Le bouche à oreille fonctionne à merveille par ici et seul le méandre technocratique de l’Union Européenne freine son expansion. Nous clôturons la journée avec la découverte de mets succulents et doux, très éloignés de la puissance gustative des sangliers chassés. Cette fois-ci, nous remplissons la banquette arrière de la voiture…
 Un rapide coup à boire avec les copains sédentaires et nous traçons sur la carte métropolitaine, l’objectif de demain…
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A fleur de l’eau
Du sang paternel vendéen coule dans mes veines. Pas peu fier. Dans notre immersion dans le patrimoine culturel et historique français, les ventres à choux occupe une place de choix. Au début du XIXème siècle, refusant de s’enrôler dans les forces armées napoléoniennes, des milliers de royalistes vendéens combattirent avec bravoure pendant 3 ans la conscription imposée par l’Empereur. Aidés par les Chouans, cet épisode sanglant démontra pour l’éternité la résistance des paysans vendéens, malgré un désavantage certain. Plus de 300 000 morts plus tard, le territoire trouvait enfin la paix.
Attendus à La Rochelle, véritable fief de mon enfance, nous dévalons la Vendée.
De chemins de terre en lit de rivière, de bistrot du coin en étable à foin, nous trouvons le temps de déguster les meilleures spécialités de la région. De loin, la gâche et le jambon vendéen supplante les mogettes et les choux. Bien sûr, les deux ne s’associent pas mais, séparément, ils sont tout à fait étonnants.
Nos victuailles dodus chargés dans l’habitacle, nous nous perdons bruyamment sur les petites routes de campagne, entre Luçon et…Luçon je crois, enfin peut-être, bref. Le ton s’abaisse, les soupirs cessent, continuons.
Le problème avec les surprises, c’est précisément qu’on ne les attend pas.
Personne donc ne nous attend ce soir à notre arrivée à La Rochelle. Nous restons donc comme deux couillons, devant une porte close. Trois heures plus tard, un individu se pointe et daigne nous arrive. Je reconnais l'homme, c’est mon frère. Parasitant le logement maternel comme une puce sur un chien, le jeune adulte fête ce jour ces 24 ans. Frottant ses cheveux de paille et ses couilles de plomb, la bête nous fait visiter les lieux. Le nouvel appartement de ma mère est autrement plus confortable que l’ancien, c’est neuf et spacieux, en plus d’être judicieusement pensé. Le demi-bossu nous ouvre la porte de sa tanière et nous découvrons l’antre du renard. Une infecte odeur de ménagerie englobe la surface de la chambre, de l’appartement, de la ville. Nous refermons l’écurie et offrons à ce zouave quelques bières sélectionnée afin d’initier le manant au bien boire. Il se les enfile comme un gant…
La nuit tombe, le match France – Allemagne débute. Nous écrasons nos raies sur le canapé.
Arrosée de bonne bières fraiches, la correction infligée aux teutons clôt admirablement la soirée. Le lendemain, nous bullons encore notre houblon quand arrive l’heure de bouger. Ce soir, nous dînons. Pas au hasard, pas sur la plage, pas dans la tente mais chez ma tante. Un bout de femme nerveuse et rieuse qui partage sa vie avec un nounours massif et puissant, dont le courage au travail n’a d’égal que la bonhomie naturelle. Je partage du sang avec cet homme, et du tempérament. Je n’ai jamais donné la moindre considération au devoir d’aimer, à l’obligation de contact sous prétexte qu’un même sang coule dans nos veines. Aussi, je sélectionne et cultive les amitiés en fonction de mon ressenti et de l’affection que je porte aux individus, qu’ils soient de ma famille ou non. Avec Stéphane et Sabrina, nous entretenons des rapports familiaux certes, mais surtout d’estimes réciproques. Nous aimons, Alice et moi, passer du temps avec ces gens-là ; passant du rire aux larmes avec une facilité déstabilisante. Preuve en est ce soir, sur la terrasse au clair de lune. Une soirée et une nuit idéale, entre anecdotes et confidences. Ce rendez-vous familial est devenu un incontournable de nos séjours rochelais.
Les dégustations croisées ont fait quelques dégâts et le petit jour trop rapidement levé nous rappelle nos tergiversations noctambules.
Rien de mieux qu’une virée au bistrot pour soigner le bois de nos gueules.  Si pour mon amoureuse, la scène est surréaliste, elle constitue pour moi un relatif retour aux sources. Je n’ai pas passé mon enfance au PMU mais j’ai de nombreux souvenirs de ces fresques de comptoirs ; où j’entendais tinter les verres, murmurer les secrets, insulter les patrons, contredire les politiques et miser sur les chevaux. Une sociologie de la campagne française, dans tout ce qu’elle a de bon sens et d’aberrations, d’exaspérations et d’espoirs, de bons mots et de conneries. Je me suis toujours plu dans ces décors humbles, où l’apparente rusticité contraste avec la sensibilité de bon nombre de ces hommes sérieux au travail honnête. Audiard père –qui avait le talent quand son fils n’a que la prétention- a magnifiquement mis en scène cette France abusivement nommée « d’en bas », aux lèvres fines d’où ne sort que des phrases coupantes, à la virilité tendre. Génialement interprétés par Gabin, Ventura, Blier et consorts, les personnages de cette frange de la population sont désormais snobés par les réalisateurs moralistes de la nouvelle génération mais subsiste encore, dans la vie réelle.  
Légèrement nauséeux, je retrouve mon paternel.
Au menu plateau de fruit de mer. Parfait un lendemain de cuite. Après 2 crevettes, j’en suis plus si sûr. Je repousse discrètement au bord de l’assiette, les malheureux crustacés qui n’ont assurément aucune envie de pénétrer dans ma gueule avinée. Les retrouvailles avec mon père sont chaleureuses et chargées d’émotions muettes. Les plus grands sentiments sont muets. Il en est ainsi, avec mon vieux, une reconnaissance évidente, un amour dématérialisé, une admiration non feinte pour cet homme droit, aux mains solides, franc comme l’or et juste avec autrui. Sportif accompli et curieux de tout, ce beau mec d’une cinquantaine de balais en parait 10 de moins et je ne dis pas ça parce que je possède la moitié de ces gènes. Au fil du temps, nous apprîmes à nous connaitre et à nous respecter profondément en tant qu’homme. Les moments passés ensemble sont maintenant plus rares mais plus intenses, plus passionnants aussi. Je regrette de ne pas pouvoir passer d’avantage de temps avec lui. Présentement, nous épaississons les secondes en discutant autour d’un café sur la terrasse. Sa compagne et la mienne se moquent gentiment de notre assoupissement simultané. La mienne, plus sournoise et perfide que les autres, en profitent pour photographier le père et son fils, séchés lascivement au soleil.  Nous profitons d’une course au supermarché voisin pour revenir les bras chargés de cadeaux. Disons, un cadeau, mais un gros cadeau. Nous installons l’immense lampe dans le salon tandis que l’amie de mon géniteur impose l’apéro. Blonde, jolie, drôle et sans bavures, ce brin de femme à l’insolente énergie comble les vides de la vie du pater et illumine l’intérieur de cette carcasse timide. Une soirée encore trop vite terminée. Nous prenons congés en planifiant un prochain petit déjeuner ensemble.
 Après le père, je demande la mère. Bonne pioche.
Nous retrouvons celle-ci, chez elle, en bonne compagnie, a 10km de La Rochelle. Le matin est brumeux, nos yeux également ; mais nous discernons au réveil le crâne dégarni d’un solide gaillard, haut et sec, au sourire timide et à la sympathie naturelle. Philippe, le nouveau compagnon de ma mère à l’allure a le physique d’un marin brestois et la timidité d’une pucelle à son premier bal. Un homme charmant, en somme, qui nous convies instantanément à célébrer son 50ème anniversaire prochainement, chez lui. Nous acceptons avec joie et trinquons à cette rencontre. Dans son coin, discrète comme un chat, ma mère observe, juge et se réjouis de la tournure des événements. Ce petit bout de femme d’un mètre 60 –ce qui est plutôt grand pour un nain- se contente de rire et d’approuver les moindres sorties buccales de nous autres. Alors non, ma génitrice n’est pas une naine excitée à demie dingue qui passe son temps à rire en faisant des bonds de zébulon. Il est plus juste de l’imaginer en jolie brune dynamique, au rire facile j’en conviens, généreuse, courageuse, avenante, sympathique au premier regard et ouverte aux autres. Le cœur sur la main, elle se pose en maman évidente, avec un instinct maternelle démesuré. Il y a longtemps que j’ai arrêté de téter et pourtant je me sens toujours très proche d’elle. Une fusion taiseuse, mais bien ressentie.
Après avoir suivi en diagonale les matchs de l’Euro de football, nous assistons ce soir à ce qui doit être l’apothéose de notre équipe nationale. Face à des finalistes improbables, nous devons gagner. Mais en football, la loi de Murphy s’applique encore plus qu’ailleurs, et un coup de pied malheureux d’un portugais dont j’ai oublié le patronyme renvoie les français à la niche. Les bleus à l’âme, nous ne fêterons pas le titre européen. J’annule mes vacances au Portugal et supprime tous mes contacts supporters de l’équipe championne. Je n’ai jamais aimé les demi-mesures. La soirée se termine, heureusement.
Le lendemain matin nous retrouvons mon père et Muriel sa compagne, pour le petit déjeuner. A vrai dire un peu avant. Nous nous croisons à la boulangerie avec une idée similaire en tête. Puis viens le soleil, la terrasse en hauteur, le salon de jardin, les croissants, le jus de fruit, le café, le thé, les croissants à nouveau… Parfait. Nous quittons nos hôtes sur cette question… Pourquoi ne pas se retrouver de l’autre côté du pays, en Savoie, dans un mois ? Nous avons semé une graine, elle va lever…
Dans cette attente, place aux copains. Quelques bipèdes, mâles et femelles, se sont donné rendez-vous pour rompre le pain et boire le vin. Un moment suspendu, trop rare, avec des amis.
Retour au voyage avec un crochet dans la direction opposée. Suite à l’invitation du compagnon de la madré, nous remontons au Nord le temps d’un weekend à la campagne. Au programme : Achat du cochon de lait élevé en plein air, transport du cochon de lait, meurtre au 1er degré du cochon de lait, étripage du cochon de lait, cuisson du cochon de lait, dégustation du coch… Vie et mort d’un porcin. Piquer à l’ail, farcie ras la gueule, arroser soigneusement, un délice bénie des dieux, fondant à souhait. Nous séjournons sur les hauteurs de Niort, en plein cadre bucolique, dans une grande maison dominant les champs alentours. Les trois enfants de Philipe s’ébrouent autour de la mare dans l’espoir de pécher l’unique brochet censé nager dans ces eaux. Deux poules caquettent cuisine autour d’un festin d’épluchures de pommes, les ânes se questionnent inutilement et les vaches chient et mangent en même temps. La poésie rupestre à son paroxysme. Tous les invités présent à la fête se pressent comme des gosses autour des différentes activités de plein air, crées pour l’occasion. Football, palets, apéro… Mais celle qui affiche le plus grand taux de remplissage propose de transformer les candidats en phoques huileux glissant sur une bâche savonneuse. Drôle et ludique. On flingue l’après-midi comme ça et nous quittons les gais lurons, le cœur chargé d’ondes positives.  Ma mère s’essuie les joues et nous enlacent affectueusement. La géographie n’est rien quand on a une histoire commune... mais quand même.
 Nous reprenons le bitume et creusons dans les terres de Dordogne.
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La Bretagne, ça vous gagne !
Exit les druides, Brocéliande et ses fées, ne subsiste que quelques dolmens, un peu de biniou et plusieurs chats d’argent.
Le sol breton est gorgé de légendes et d’approximations historiques. La poésie des lieux se mesure dès la porte d’entrée, matérialisé par les hauts murs de la cité de St Malo, l’un des sept fondateurs de la terre de Bretagne. On pénètre la ville comme on entre dans un château fortifié. On s’y sent ensuite comme dans un donjon : claustrophobe et sécurisé. Les pavés des rues sonnent creux et les badauds rêvassent le long des boutiques de glaces ; des saltimbanques sans le sou amusent les petits en se moquant des grands ; les chiens pissent et les mouettes rient ; la vie grouille et bouillonne jusqu’à saturation.
Ancré à la sortie du port, l’époustouflant trois mâts « Hermione », réplique exacte du célèbre voilier qui conduisit Lafayette en Amérique en 1779, laisse admirer ses flancs et ses 2200m2 de voilure. Le bâtiment revient d’un voyage inaugural qui se voulait représentatif de l’épopée entrepris par les français 3 siècles auparavant. Des dizaines de membres d’équipages, plongés dans l’ambiance de travail de l’époque, ont traversés l’atlantique nord avant de rallier New York, avec toute la fanfare. Un joli moyen pour raviver dans l’esprit du voisin américain, l’importance de la France à une période cruciale de l’Histoire.
L’aventure maritime s’estompe progressivement de nos esprits et nos yeux fixes reprennent vie pour admirer l’œuvre amarrée. En couleur celle-là. Nous ne sommes pas les seuls et les places de stationnements se monnayent durement. Cependant, rien ne semble nous agacer ce matin. Pas même les embouteillages et le sens de l’orientation limitée de ma compagne. C’est avec du retard et le sourire que nous atteignons l’immense propriété d’amis de la famille d’Alice. Nous sommes attendu pour déjeuner dans la meilleure crêperie locale et nous arrosons les retrouvailles post voyage autour de quelques bouteilles de cidre bouché. Les grands parents de ma douce, gouailleurs, nous harcèlent de questions tendres et prévisibles tandis que nous tentons de répondre le plus précisément possible entre deux coups de fourchettes. De retour dans la somptueuse propriété dominant le port de Dinard, nous absorbons le parfum salin de l’air chaud enveloppant nos capteurs olfactifs. Comme des chiens aux truffes humides, nous accédons à la quiétude totale et envions les locaux, dont c’est le quotidien.
Il est temps de quitter le beau rivage pour s’enquérir du décor des terres.
Notre première escale nous fait encore remonter le temps. D’avantage cette fois. A Dinan, le temps a freiné puis s’est arrêté au Moyen Age. L’urbanisme est sublimement inadapté à notre vie moderne. En résulte un dédale de ruelles sombres et de voies pour chevaux, abandonnés par des seigneurs disparus. L’ensemble donne au grand village une gueule folle. La vie, elle, ne sait pas arrêtée il y a 700 ans. De nombreux gueux ont établis, ci et là, des étals de bric et de broc, à la décoration soignée pour appâter le chaland. Nous quittons cette atmosphère tout à fait singulière pour s’enfoncer encore plus dans le territoire breton.
Nous frôlons la frontière de la région en stationnant une nuit dans une village isolé.
Idéalement reçus par une partie de la famille d’Alice, nous découvrons une demeure charmante, au goût certain, atypique et dont le sens ludique ne masque pas l’aspect fonctionnel. Les extérieurs offrent un relief verdoyant, un fond de vallée harmonieusement fleurie tout droit copié d’un tableau de Manet. Autour, rien ou pas grand-chose. Le coin est si paumé qu’on venait s’y réfugier durant la 2nd guerre. Nous séjournons dans ce foyer complet ou résident deux belles âmes quinquagénaires, doués d’hospitalité. Autour d’eux se massent quelques garnements ; joyeux de courir dans un endroit ou –presque- tout est permis. La relative permissivité des tauliers s’expliquent par leurs liens indirects avec la marmaille et par les courtes périodes en famille. Les enfants le savent bien et ils en profitent d’autant.
La soirée est délicieuse, à tout point de vue. Nos hôtes nous nourrissent intellectuellement et corporellement jusque tard dans la nuit. Au matin, un solide petit déjeuner et rapide passage en revue des motos du couple et nous filons, plein sud.
 Nous nous empêtrons géographiquement entre Vannes, Guérande et La Trinité sur Mer. Si Vannes ne nous laisse aucun souvenir capable d’être évoqué entre ces lignes ; Guérande nous séduit alors même que nous nous y rendions au départ pour acheter du sel. Un luxe complet que de pouvoir piocher les meilleures denrées de France en se rendant naturellement sur place. Sans retrouver le charme désuet de Dinan, ou la fragrance marine de Dinard, Guérande combine un peu des deux. Charmé, moi de même. Le commerce salin dégringole des façades et il est à craindre qu’il ne finisse par défigurer entièrement la jolie cité.
Tout ce sel nous a donné faim et quelques virages plus tard, nous cherchons à nous restaurer le long du port de la Trinité sur Mer. Petit par la taille mais immense par l’Histoire, ce port de plaisance doit sa renommée à Éric Tabarly.  Grand marin, homme d’honneur et de passion, Tabarly révolutionna le monde de la plaisance en imaginant, concevant et pilotant les plus beaux bateaux de courses du monde. Avant tout le monde, il inventa de nouvelles technologies et perfectionna les anciennes. Audace, originalité, efficacité, tout ce qui fait le génie français. C’est ce genre d’homme que l’on devrait voir sur les écrans de télévision, glorifié, en lieu et place de nos singes actuels. Brisant l’hégémonie britannique sur les mers, il devint le plus célèbre marin du XXème siècle et remporta d’innombrables compétitions au large. Son héritage, inestimable, ouvrira la voie aux Kersauson, Colas et autre Coville. Tabarly le taiseux, Tabarly le visionnaire, Tabarly le patron, hante encore ses eaux et ce port familial où l’on prend plaisir à observer le travail minutieux et patient des stratifieurs présent aujourd’hui.
Instant détente avec une nouvelle crêpe fourrée, immédiatement dans le gosier.
A Carnac, nous étudions, sceptiques, les formations rocheuses installées là par nos ancêtres, contre le vent. Les mégalithes disposés à première vue aléatoirement, pointillent en fait la prairie sur plusieurs hectares. Mythes et contes naissent ici, au cœur de ce lotissement inachevé. Parmi eux, j’aime particulièrement celui-ci : « Le mythe des Korrigans raconte que de petits êtres ont élu demeure dans les menhirs et dolmens de Carnac. Les "Korrigans", farceurs mais aussi très riches, grouillaient dans les landes et forêts. D'une force extraordinaire, ils auraient remué toutes les pierres, formant alors les célèbres alignements. » On dit par ici, que certaines nuits, il est défendu de se promener aux abords des célèbres menhirs ; pour ne pas croiser un de ces lutins farceurs…
Le parcours, tracé grossièrement sur les routes de France, tient compte du temps, des envies et des rencontres. Mais aussi de la famille et des amis.
Avant de descendre la côte Atlantique, nous calquons notre rythme à celui de Léa, sœur ainée de ma copine de route. Et c’est dans la très estudiantine ville de Nantes que nous la retrouvons, dans la surprenante ménagerie ou elle passe ses nuits, avec 9 autres humains. La joyeuse assemblée égrène le quotidien à des tempos différents, sans se gêner.  Derrière l’ambiance festive se devine une organisation quasi militaire pour accorder les violons de chacun. La notion d’espace vital est capitale, de la chambre au frigo. C’est soir de match, donc descente de bières et nourriture Tex-mex sont prévus. Un agréable moment rehaussé du sourire communicatif d’une Léa charmeuse et drôle qui se révèle être une hôte bienveillante et magnanime.
A notre réveil, seul un représentant mâle nous escorte jusqu’à la voiture. Il est tard, les autres sont déjà partis et nous le devons aussi.
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Le débarquement ? En Normandie ?
La côte picarde file à notre droite, nous roulons vite et bien, le coude au vent.
Nous arrivons à Dieppe en soirée. Une halte bienvenue au centre de l’immense place herbacée qui sert de sas entre le front de mer et le centre-ville. La nuit approche furtivement et nous décidons de chercher un lieu où s’établir. Quelques kilomètres plus tard, une ferme aux volets mi-clos nous appelle de tout son charme désuet. Nous nous garons discrètement avant d’annoncer notre présence aux propriétaires. Une brève et amicale conversation qui aboutit au déploiement de la tente, à proximité d’un mince filet d’eau. Le temps est frais, la nuit humide. Nous revêtons un tee shirt et nous endormons nos deux corps blottis. Au matin, le silence se trouble à l’écoute des chants d’oiseaux, plus matinaux que nous. Nous plions le camp et remercions nos hôtes.
Nous fantasmions les falaises d’Etretat sous un ciel baigné de soleil et d’azur. Le tableau s’avère un tantinet différent sur place. Un nuage s’est fissuré et a fini par crever au-dessus de la cité balnéaire normande. La houle dessine des sillons blancs sur le bleu de l’océan.
S’il existe une carte postale marine, sure qu’elle afficherait le port du Havre. Les fantômes des dockers arpentent dans la brume du soir les corridors humides et pataugent lourdement dans les flaques noires, laissées là, sans ordre précis. L’ambiance est propice au recueillement et au repos. Notre linceul à nous à l’apparence d’une Citroën inconfortable.
L’heure du déjeuner arrive et la pluie est toujours là. Elle refroidit nos os et ramollit nos peaux  mais n’entame pas notre appétit. Les défuntes moules marinées devant nous en conviennent. La promenade en terre normande se poursuit, bon an mal an, au gré des envies. Un renseignement pris à l’épicier du coin nous détourne de notre trajet journalier et nous conduit au château du Breuil, immense propriété impeccablement entretenu, au cœur du pays d’auge dans le Calvados. Une visite productive ou l’art de la distillation s’allie au sens de l’héritage pour offrir aux visiteurs un peu de patrimoine alcoolique. Une dégustation verticale clôt le parcours et une « réserve des Seigneurs 20 ans » se fait mienne. Les papilles délicieusement brûlantes, nous reprenons la route  pour nous octroyer le premier hôtel du voyage. A deux pas d’une plage d’Arromanches désertique, nous zappons sur le match France – Islande en engloutissant une gouleyante pizza chaude et une bouteille de vin. Nous buvons comme des cochons et nous roulons comme deux morses sur la banquise. Un dimanche soir sur la terre, en France.
Notre présence ici se justifie par notre désir d’approcher l’Histoire. Bien que séparés par l’écran du temps de l’incroyable et épouvantable aventure qui s’est déroulé en ces lieux, nous sommes happés par les ombres restées ici depuis 72 ans. Un charnier et une avancée technique extraordinaire. De tout temps, l’ingénierie de guerre a toujours permis à la mécanique de l’intelligence de fonctionner, même dans l’urgence. Surtout dans l’urgence. Le génie déployé sur les terres normandes durant la seconde guerre mondiale est à ce jour inégalé. Non seulement la création du port artificiel d’Arromanches est une prouesse technique mais c’est aussi un défi humain prodigieux. Quelques chiffres pour épater :
·         500 ha, l'équivalent du port de Douvres
·         6 km de jetées et digues
·         14 km de jetées flottantes
·         60 navires sabordés pour briser le courant en profondeur
·         33 plates-formes Loebnitz
·          
Les ports Mulberry constituèrent un avantage certain pour le réapprovisionnement des troupes après le débarquement. En 100 jours de fonctionnement, le port artificiel d’Arromanches permit de débarquer 400 000 soldats, 4 millions de tonnes de matériel et 500 000 véhi­cules. De nos jours, seuls le toit de quelques blocs sont encore visibles en surface, témoins placides d’un morceau de bravoure et d’ingéniosité fraternelle.
Lieu hautement symbolique de ce lourd passé, le cimetière militaire d’Omaha Beach. Sur cette propriété américaine cédé par l’Etat français –la moindre des choses- des milliers d’âmes sous les pierres tombales se dressent face au rivage, dans l’espoir vain de retourner au bercail. L’émotion engendrée par ce gâchis humain ne doit pas faire oublier la juste cause des GI tombés sur nos plages. Malgré tout, le sacrifice allié n’est pas seul responsable de la victoire sur l’Allemagne nazi. La résistance russe et la stratégie stalinienne ont participés activement à l’offensive finale. Mieux, avec plus de 23 millions de morts, l’URSS culmine en tête des victimes de la guerre et il est admis aujourd’hui de dire que sans les troupes de l’armée rouge, pas certain de l’issue favorable du conflit.
Nous terminons le pèlerinage sur les plages du débarquement par la pointe du Hoc. Gruyère modèle géant et effrayant sommet témoin de la violence des combats, le Hoc participe au réalisme de l’endroit. Promontoire pilonné jusqu’à l’assourdissement, nous ne pouvons deviner la terreur des assaillants, tout juste débarqués, et des défenseurs dans les bunkers.
Un tel tas d’émotions nécessite une pause.
A quelques kilomètres de la côte, se dresse une sapinière. Mais ici, on élève du cidre, et du bon. Nous apprenons l’extraction du jus des pommes, la mise en fût, l’embouteillage, et nous débattons des différences, culturelles et gustatives, entre le cidre breton et le cidre normand. Pour approfondir la question, nous emportons une caisse dans le coffre. Nous sillonnons ensuite dans les terres iodées direction le mont St Michel.
D’abord, la bâtisse. Un millénaire de domination normande, n’en déplaise aux bretons, et d’enchantement architectural. Deuxième site touristique de France après la tour Eiffel, le mont et sa baie représente à eux seuls le génie français, pérenne et fier. Une majesté immobile, entourée de flots dont on dit qu’ils remonteraient la marée à la vitesse d’un cheval au galop. Soit, mais un petit cheval, type shetland. Le spectacle n’en reste pas moins impressionnant. Nous nous délectons de cette fin de soirée, perchés sur les hauts remparts de la forteresse. Autour de nous, les touristes –à la politesse surprenante- prennent place dans les restaurants ou quittent l’édifice pour regagner le plancher des vaches. En ronde discipliné, les sapeurs-pompiers inspectent les environs, à la recherche d’imprudents surpris par la marée. En quelques minutes en effet, le mont est presque complétement ceinturé d’eau vive. Seul le pont, de construction récente, permet le raccordement au continent. On regrette un peu la construction de ce pont. Le plaisir insulaire ultime, devoir rester bloquer sur le patrimoine, coincé sous le drapeau tricolore toute la nuit.
Après ce délire patriotique, la réalité pratique vient taquiner nos estomacs. A St Michel, la maitresse de maison s’appelle Poularde, Mère Poularde. Nous cédons à ses avances et nous nous attablons à bonne table. La spécialité de l’enseigne garni à peine mon plat. Une omelette trop aéré, plus baveuse que gouteuse. Ce frugal festin (sic) ne gâche pas le reste de la soirée. La nuit s’accroche aux gargouilles et nous partons en hâte nous coucher. L’unique et spartiate camping de la baie accueille nos carrosseries de fer et de chair contre quelques pennies. Devant le Mont St Michel, nous contemplons le soleil teindre les nuages, embrasé le ciel et, lentement, rejoindre sa tanière. Nous le retrouverons en Bretagne au petit matin…
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Au Nord, c’était les corons...
Deux heures de route suffisent pour pénétrer sur le territoire du Nord, récemment rebaptisé « Haut-de-France ». Si les indigènes des contrées concernées se voient valorisés par une analogie propre à la chapellerie ; nous autres n’y voyons qu’une simple indication cardinale, utile pour se souvenir que plus au Nord, c’est la Manche ou pire, la Belgique.
Nous franchissons sans une halte, les austères pâturages de Picardie. Durant cet été il y aura des sacrifices, voici le premier.
Le ciel se teinte de miel quand nous arrivons au lieu de rendez-vous, au sud de Lille. Nous sommes attendus, avec toute la fanfare, par une vieille amie qui fut ma compagne, dans une autre vie. En guise d’orchestre, un chien muet et attachant. Le diner s’écoule doucereusement, entre anecdotes complices et rires amicaux. Anais partage désormais sa couche avec un solide ingénieur mécanicien, franc comme l’or, au tempérament vif et à la curiosité saine. Les relations de couples transpirent, ce soir-là, le bien-être et l’harmonie. Chacun est à sa place. Nos bienveillants hôtes se plient en quatre pour nous apporter confort et satisfaction ; le repas est bon, la couche douillette. Au matin, Alice dort encore quand je m’accorde quelques minutes avec Anais. Instants croisés. Quand le moment présent assemble le passé et l’avenir.
L’instant ne dure pas, et Anais part travailler. Artisan taxi au carénage parfait, elle sillonne les routes du département à bord de sa Lancia flambant noire, libre de son temps et esclave de son rendement. Une ambivalence éprouvante pour les nerfs pourtant solides de cette jolie blonde au regard slave.
Alice ouvre un œil puis les autres, aidé par la langue râpeuse du chien, jamais loin.  Nous mâtinons, un peu larvés, une bonne heure après de fermer la porte à double tour.
 Comme attendu –voir espérer- un rapide débriefing au volant revient sur les principaux moments de la veille. La discussion s’arrête nette lorsque nous coupons le contact au sous-sol d’un parking souterrain de la métropole de Lille.
 Cette ville se rappelle à mes bons souvenirs et je retrouve avec bonheur son vieux cœur de cité, ses façades ocre et briques, sa signature régionale et sa vie européenne. Une qualité de vie indéniable, auquel nous aspirons de plus en plus, noyé dans le capharnaüm parisien. Le beffroi sonne la mi-journée, nous devons filer. Quelques changements de vitesse plus tard, nous voici catapultés à Armentières. Autre ambiance. Ici, le cosmopolitisme laisse la place à une homogénéité sociale brutale et malheureuse. L’avenue principale –où transhument d’étonnants spécimens humains aux allures singulières- mue en une stupide galerie commerciale à ciel ouvert. Les commerces jadis de quartier, fierté locale, ferment à tour de bras pour céder leurs baux aux impersonnelles chaînes de prêt à porter ou autres services de restauration rapide. L’extraordinaire vieux beffroi, érigé en majesté sur la place centrale, assiste impuissant au changement de monde et ses carillons tintent le glas d’une époque oubliée. Seuls résistants impartiaux de cette transformation, les habitants de cette bourgade frontalière de la Belgique. Entre anciens patients psychiatriques, chômeurs en masse et consanguinité inhérente à la condition historique de la région, la sociologie du coin relève d’avantage de l’anthropologie zoologique. Sinistre réalité que nous peinions à croire véridique avant d’en faire le constat objectif sur place. Si les causes sont à trouver dans l’histoire de cette région, gigantesque mine garantissant travail au XIXème siècle puis lieu de désolation et de misère sociale après les fermetures des sites de productions ; les solutions pour éradiquer le problème ne préfigurent pas le sens de priorité de nos énarques au pouvoir. Il suffit, pour s’en convaincre, de se rendre dans un hypermarché d’Armentières en début de soirée. A ce moment précis, il est permanent de juger l’insondable vivier de candidats à télé réalité présent dans les étalonnages. Il suffirait, je n’exagère rien, de flâner le long des rayons, un paquet de bulletins d’inscriptions dans la poche arrière, pour se voir dépouiller de toutes nos ressources papiers. Ce trait d’humour mal dosé n’enlève en rien la sincère peine ressentie ce jour-là pour des populations démunies, seules et oubliées, à deux heures de Paris.
 Toutes ces affirmations et cette analyse sommaire corroborent le propre témoignage de nos amis Philippe et Christelle, que nous rejoignons en ce début d’après-midi pluvieux.
 Philippe, c’est notre ami rencontré au Cambodge, à Siem Reap. Son portrait, sincère et élogieux, édité dans notre premier récit « A la découverte de l’Est », mentionne un homme d’une grande générosité, affable et curieux. S’ajoute à cela un humour et un rire communicatif et un réel attachement aux gens. C’est donc dans un immense bonheur non dissimulé que nous retrouvons l’homme, chez lui, dans une grande maison à étage du centre-ville. Nous sommes happés par la beauté et le goût du lieu. Au mur, un panachage de souvenirs rapportés d’Afrique, sur une peinture mate chaleureuse et harmonieuse. Une antique malle de voyageur est posée là, sur un parquet hors d’âge, à côté de la table à manger, elle aussi fait de bois. L’ensemble matérialise l’ouverture au monde et contraste nettement avec la ville autour. Notre chambre se situe à l’étage, royaume d’un sublime chat solitaire, au pelage soyeux mais détachable. Sourires aux lèvres et ventres creux, nous ne tardons pas à causer spécialités culinaires. Christelle arrive en début de soirée. Nous faisons la connaissance d’une femme à la gentillesse maladive, vivante, au rire charmeur et d’une courtoisie sans équivoque. Ces deux-là sont merveilleusement bien couplés. Dans cette ville grise de pauvreté affective, il est rassurant de les connaître.
Le couple est spécialiste ès cuisine du Nord. Cette région, comme tant d’autre en France, n’a pas la réputation d’être timide dans l’assiette. L’assortiment présenté devant nos bouches affamées ce soir comble nos envies gargantuesques et nous fait découvrir la carbonade. Un plat dont la richesse n’a d’égale que sa gourmandise. Les repas suivant ne sont que suite de plaisirs gourmets et visuels. De nouveaux mots apparaissent à force de les entendre dans leurs bouches et de les dire dans les nôtres.
Quatre jours s’épuisent comme ça, entre amis…
Un rapide détour en Belgique voisine pour une étude comparative de houblon et d’orge maltée, et nous quittons nos amis un peu après midi, au cœur du week-end.
 Autre couple rencontré à 15 000 km d’ici, Léa et Nicolas, nos partenaires du Baïkal, de Mongolie et de Chine, nous apprennent qu’ils sont récemment prient leurs cartes de citoyen lillois. Nous nous empressons de les joindre et de les rejoindre chez eux, ou nous passerons la nuit. Soir de match européen, les rues de la capitale du Nord s’embrasent de rouge et or, couleurs de l’équipe belge en lice dans le stade tout proche. L’euphorie du début de soirée laisse place, 2h après, à la désillusion cruelle d’avoir pris une fessée cul nu devant un public acquis. Indifférent à la défaite d’une équipe ennemie, nous salivons à quatre autour d’une table débordant de charcuterie et de fromages, que nous noyons dans le vin et la bière. En France comme à l’étranger, nos amis sont d’agréable compagnie, nous passons là encore, une délicieuse soirée. Au matin, nous profitons d’un petit déjeuner sur terrasse et sous soleil avant de nous éclipser, en nous promettant de nous revoir à Paris.
 D’un coup de volant, nous sommes au bord de la mer.
 Légèrement plus au Sud de Dunkerque, l’immense plage de Oye borde la Manche et une poignée de pèlerins à cheval parcourent à brides abattues la plus grande étendue de sable de la région. A peine visible par l’œil humain, au nord, on aperçoit la centrale nucléaire de Gravelines. Nous remontons à bord de la voiture et poursuivons notre cheminement patriote. S’il est une ville ou le sentiment national se fait entendre, c’est bien à Calais. Nous traversons rapidement la cité ; nous effleurons la vie de ses habitants et pourtant, en si peu de temps, nous constatons que trop bien le problème migratoire récent. Incivilités, menaces, pollutions visuels et sonores, les calaisiens souffrent de la cohabitation forcé avec les hordes de réfugiés plus ou moins durable. Qu’ils soient légitimes ou non ne présente qu’un intérêt de second ordre tant il est urgent de pacifier la zone pour permettre aux citoyens de retrouver sécurité et identité. Un vrai sujet, de fond et de forme, en proie aux interprétations les plus fantasmagoriques.
Nous prenons quelques photos de l’hôtel de ville, somptueux, et apprécions le spectacle de jeunes mariés qui se m’amourent sous l’objectif. Au loin, quelques migrants dispersent les poubelles sur la route.
 Changement de décor à Boulogne sur mer. Ici, ce ne sont pas les comportements qui sont moyenâgeux, mais les pierres. Charmante bourgade du front de mer où s’écoule une vie lente, au gré des marées. Moins populaire et autrement plus tape-à-l’œil, le Touquet Paris Plage sonne comme un nom de bassin pédiluve. Une longue rue piétonne permet l’accès à la jetée dès la sortie de l’hôtel. Bondé comme à l’accoutumée en Juillet, l’aire de ballade tranche avec ses ordinaires consœurs du reste de la France. Les traditionnelles boutiques de plages gonflent leurs prix et jouxtent l’habillement de luxe. Ici, on bronze en Ralph Lauren et Jaeger le Coutre. Une poche dorée pour grands bourgeois et aristos, qui veulent profiter des joies de la mer sans l’ambiance « congés payés ».
 Amusés par le grotesque de certaines situations, nous décidons de buller l’après-midi, dans le coin. Puis, nous passons  l’imaginaire frontière entre les Haut de France et la Picardie…
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Vive la France !
Avec notre virée, « A la découverte de l’Est », nous avons vu avec stupéfaction et curiosité ce qui constitue une partie du monde. Des cultures parfois déstabilisantes, diversement passionnantes, toujours enrichissantes. Mais l’appel des nôtres et de nos terres s’entend de n’importe où sur la planète. Une nation –pour ceux qui possèdent la fibre patriote- offre une protection, une identité, une place à l’individu qui la chérit. De nos jours, il est si simple de voyager à l’autre bout de la Terre que beaucoup favorise l’éloignement au rapprochement. La mondialisation rétrécit les continents et met à la portée de tous la mixité culturelle et sociale. A notre époque, un étudiant en échange universitaire entretient d’avantage de proximité avec un Singapourien qu’avec un agriculteur du Larzac. Triste et aberrante réalité.
 Issus de familles provinciales, nous n’adhérons pas au microcosme de l’entre soi parisien. Nous aimons Paris tout en fantasmant sur ce qu’il fut ; une authentique cité cosmopolite, populaire, où chacun pouvait tenter sa chance, gorgée de vieux métiers aujourd’hui disparus ou déportés. Les vacanciers, de passage dans la capitale, désespèrent de constater l’abyssal fossé entre l’image d’Epinal du Vieux Paris ; ses Poulbots, ses vitriers, ses titis parigots, et la réalité touristique d’une ville-monde, bradée aux quatre vents aux investisseurs étrangers.
Paris reste néanmoins la capitale de la plus vieille nation du Monde, la France.
 Ce sera notre point de départ.
 Deux mois sont prévus à la promenade en France. De régions en régions, de départements en départements. Sans autoroutes, sans péages, et surtout sans GPS. Nous déléguons trop régulièrement nos décisions à cette technologie addictive. Cet outil dispense du sens de l’orientation. Pour cet été, dans notre pays, une carte routière suffira.
Notre pays, nous en ferons le tour géographique ; et, pour défaire et s’ouvrir, nous voyagerons dans le sens inverse des aiguilles d’une montre. Il est techniquement impossible de parcourir plus de 1086 kilomètres d’un point A à un point B en métropole. La France est donc un grand village, où s’entrecroisent des rues et se chevauchent des boulevards. Une ballade plaisir sans heurts ni accrocs, le tout, dans notre langue.
 Les sacs à dos ont mutés en valises, les ceintures sont bouclées, cap au Nord…
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