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Les Iris
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camuslevitte-blog · 8 years ago
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Le rap, cette sous-musique qui ne sera jamais un art
Eh oui, j’ai eu la chance de discuter avec de vieux rĂ©actionnaires de l’art en gĂ©nĂ©ral, et de la musique en particulier. Mon ire Ă©tant encore toute fraĂźche, laissez-moi vous la conter.
La question centrale, le pivot de ce dĂ©bat imbibĂ© de mauvaise foi Ă©tait de savoir si l’on pouvait hiĂ©rarchiser les arts, donc les artistes, donc les Ɠuvres. D’aprĂšs mes antagonistes, c’est Ă©vident, objectif et universellement reconnu : un morceau de rap, si bon soit-il, ne vaudra jamais un morceau de musique classique (si mauvais soit-il ?). Pourquoi ? Parce que, et c’était leur argument principal, la technique et le travail mis Ă  l’Ɠuvre pour composer un morceau de musique classique dĂ©passe largement le travail prĂ©alable au morceau de rap. ApprĂ©ciez cette citation, vĂ©ridique et succulente : « un morceau de rap ça s’écrit en trois minutes ». Sous-entendu, il faudrait une vie pour Ă©crire un requiem.
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Mettant ma bonne volontĂ© en bandouliĂšre, j’admis qu’on pĂ»t admettre qu’il faille une vie pour Ă©crire un requiem, quoiqu’ils soient tous peu ou prou du mĂȘme acabit et partagent, comme tous les styles de musique, les mĂȘmes ressorts techniques. A l’ñge et au snobisme de mes interlocuteurs, j’osais tout de mĂȘme cette hypothĂšse : « avez-vous dĂ©jĂ  Ă©coutĂ© du rap, au moins ? ». C’est sans doute la clef de voĂ»te, l’apothĂ©ose et le climax de cette discussion, mais ne pouvant mĂ©nager davantage mon suspense, je vous livre leur rĂ©ponse tout de go : « Bien sĂ»r, on en entend tout le temps, avec toutes ces voitures qui passent dans la rue les vitres ouvertes ».
WAHOU. J’étais donc en face de vĂ©ritables professionnels de la musique, pratiquants et sachants du chant lyrique et de la musique du XVIIĂšme, et fins connaisseurs du rap aprĂšs avoir entendu quelques basses et autres « nique ta race » gĂ©nĂ©reusement diffusĂ©s par le kĂ©kĂ© motorisĂ© local. Ici, je suis fort honteuse de devoir avouer que je n’ai pu leur faire entendre raison, et qu’ils sont toujours, Ă  l’heure oĂč je vous Ă©cris, convaincus de connaĂźtre le rap comme leur poche. 
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Le dĂ©bat Ă©tant manifestement stĂ©rile sur le plan musical, nous avons transitĂ© vers un terrain qui devait ĂȘtre plus neutre : l’art pictural. Rien n’y fit, et ils m’assĂ©nĂšrent avec une certaine vĂ©hĂ©mence – car aprĂšs tout ils ont vĂ©cu et la sagesse, c’est connu, se mesure en nombre de bougies – que le monochrome bleu d’Yves Klein ne vaudrait jamais La Naissance de VĂ©nus de Botticelli. Commençant leurs attaques par « j’ai du mal Ă  (
) » (pour la forme) et les concluant par « c’est objectif » (pour l’autoritĂ©), ils m’assurĂšrent que n’importe quel pĂ©quenot de base aurait pu barbouiller une toile de bleu et s’auto-dĂ©clarer grand artiste disruptif. Et pourtant la postĂ©ritĂ© n’a pas voulu retenir mes gribouillages postmodernes de bĂ©bĂ© crĂ©atif : Ă©trange.
Pour eux, point d’Ɠuvre sans technique, point d’art sans classicisme. Pour moi, point d’art sans expression, idĂ©e ou sentiment, et je peux voir davantage dans le jaillissement provocateur du bleu infini de Klein que dans l’Ɠuvre commandĂ©e et parfaitement rĂ©alisĂ©e qu’est Le Jugement dernier de Michel-Ange.
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L’art ne se hiĂ©rarchise pas, l’art se reconnaĂźt par le mouvement du cƓur de milliers d’hommes inconnus. L’art est vivant : qui sait quelles Ɠuvres seront retenues par les civilisations prochaines, de tout ce qu’ont produit nos quelques siĂšcles d’errance crĂ©ative ?
Mes Ă©gosillements en salle de bain ne valent pas le Voi Che Sapete de Mozart, mais le plus grand peintre classique ne surpasse pas le plus grand peintre moderne. Les arts coexistent et se nourrissent, restez ouverts Ă  ce qu’ils cherchent Ă  vous dire et critiques quand on vous le dicte.
Vieux cons, jeunes naïfs, et alors ?
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camuslevitte-blog · 8 years ago
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ESport, le (bien) mal nommé
En 1900, le football devient un sport olympique. En 2024, place à FIFA ?
Craignant de se laisser distancer par le gĂ©ant chinois, qui intĂšgrera l’eSport aux Jeux Asiatiques de 2022, Paris pourrait bien inviter les gamers Ă  dĂ©fendre leur e-drapeau lors des Jeux Olympiques de 2024. Alors outre l’idĂ©e tordante de voir s’incruster aux cĂŽtĂ©s de Camille Lacourt et autres Teddy Rinner une Ă©quipe de prĂ©pubĂšres blancs comme neige suant du RedBull, le sujet pose plusieurs questions.
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La premiĂšre n’étant en fait pas une question mais une exclamation bien connue de mes amis rĂ©actionnaires : « Mais enfin, mais c’est la porte ouverte Ă  tout ! ». Effectivement, si les jeux vidĂ©o deviennent une discipline olympique, pourquoi refuser le titre au Sudoku ? Aux Ă©checs ? Aux tamagotchis ? Au lancer de tong ? AprĂšs tout, le lancer de tong implique une dĂ©pense physique bien supĂ©rieure Ă  un tournoi de League of Legends, et n’est-ce pas lĂ  la base du sport ? Le corpore sano de Juvenal ?
On me rĂ©torquera, et on aura raison, que le sport va bien au-delĂ  du dĂ©passement physique, que c’est aussi une mentalitĂ©, une cohĂ©sion d’équipe, une construction stratĂ©gique ! Et quiconque a dĂ©jĂ  vu des amateurs de World of Warcraft s’acharner sur un Ă©niĂšme raid ne pourra nier que ces gamers ont un mental d’acier. Et quiconque a dĂ©jĂ  jouĂ© Ă  Overwatch avec un idiot dans son escouade n’osera dire que le travail d’équipe n’est pas dĂ©terminant. Et enfin, vous n’imaginez sans doute pas les trĂ©sors d’intelligence stratĂ©gique que dĂ©ploient les joueurs d’Hearthstone – le Pentagone serait bien en peine d’en faire autant.
Mais si une Ă©quipe de dĂ©mĂ©nageurs n’est pas une Ă©quipe de sport, c’est que l’essence du sport est ailleurs : c’est avant tout une hygiĂšne de vie. Une cohĂ©sion avec la nature, une transcendance du corps et de l’esprit, une alimentation saine
 Autant d’images difficiles Ă  associer avec l’eSport : les joueurs s’enferment 12 heures par jour, fuient la lumiĂšre du soleil (« horreur, un reflet ! ») mais se dĂ©foncent les rĂ©tines et les tympans Ă  force d’explosions colorĂ©es, s’engoncent dans leurs fauteuils, carburent aux boissons Ă©nergisantes et collectionnent les crampes d’index.
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Et ce n’est pas un problĂšme. AprĂšs tout, certains sportifs professionnels se dopent ou dĂ©forment leurs corps Ă  raison d’entraĂźnements extrĂȘmes. Des artistes jouent avec la mort dans la recherche d’une performance ultime. L’eSport n’est pas un sport. L’art n’est pas un sport. Les jeux vidĂ©o ne sont pas un art. Les jeux vidĂ©o sont un divertissement, et c’est trĂšs bien ainsi.
Mais, brassant de plus en plus d’argent, l’eSport attire bien des convoitises. Sauf que « gaming » ça n’est pas sexy, ça n’est pas marketing-friendly ! Le divertissement n’a pas une bonne image en France : on imagine tout de suite des troupes d’enfants faisant sĂ©cher leurs cerveaux devant des programmes TV plus que douteux. Alors qu’eSport
 ça Ă©voque des athlĂštes grecs en combis argentĂ©es, une sorte de transhumanisme rassurant. Tout est question de marketing : si les chatons s’étaient initialement appelĂ©s « bleurp » (du bruit qu’ils font quand ils rĂ©gurgitent une boule de poils), sĂ»r que le lobby des calendriers serait intervenu pour les renommer. Mais les appeler « chiots » ?
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A l’heure oĂč l’on ne peut s’empĂȘcher de tout Ă©tiqueter, l’art de bien nommer les choses est primordial. Dire d’un homme qui pleure qu’il est une « pĂ©dale » ou d’une femme qui a de la cellulite qu’elle est grosse a d’évidentes rĂ©percussions sur notre sociĂ©tĂ©. Refuser d’appeler « jeux » les jeux vidĂ©o, c’est oublier que le divertissement est lui aussi crucial dans le dĂ©veloppement personnel. C’est incruster de la compĂ©tition oĂč il ne devrait pas y en avoir, c’est hiĂ©rarchiser pour le plaisir et oublier qu’il y a du jeu dans les Jeux Olympiques, qui rapproche les nations et les hommes.
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camuslevitte-blog · 10 years ago
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Forme courte : la guerre
AprĂšs la haine, la colĂšre ou la tristesse jusqu’au dĂ©sespoir, accordons-nous ce luxe ultime : prenons le temps de rĂ©flĂ©chir. Je dirais mĂȘme prenons le soin de rĂ©flĂ©chir, comme on prend un bain, comme on chouchoute sa voiture ou son ordinateur, prenons soin de notre cerveau, offrons-lui Ă  ce travailleur acharnĂ©, brimĂ©, assoiffĂ©, une thalasso intellectuelle. 
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Intellectuel. Les plus peureux auront arrĂȘtĂ© de lire cet article immĂ©diatement. Comme « fĂ©minisme » ces derniers temps, « intellectuel » est un mot tabou, que j’ose Ă  peine Ă©crire et que j’écris pour le grand frisson, pour l’audace intime de rĂ©bellion un peu masochiste – on fait avec ce qu’on a.   Et justement en fait de rĂ©bellion j’ai de qui tenir, ma famille est truffĂ©e de truands : laissez-moi vous raconter une histoire. 
Il Ă©tait une fois une formation comme les professeurs en suivent tant, pour leur apprendre Ă  Ă©crire, compter et se dĂ©placer en crabe pour Ă©viter les coups de couteau. Lors de cette formation une voix brise le silence confortable, arguant qu’il est de toutes maniĂšres interdit aujourd’hui de mettre zĂ©ro Ă  un Ă©lĂšve. C’est alors qu’un autre professeur, fourbe justicier de la vĂ©ritĂ©, intervient et dĂ©clare : « J’ai vĂ©rifiĂ© dans les textes, pour un travail trĂšs mauvais ou inexistant, rien n’interdit de mettre un zĂ©ro, en fait ».
Le cernez-vous, ce criminel ? Ce danger tapi comme une souris, que dis-je, un rat, dans l’horloge bien huilĂ©e de la RĂ©publique ? Heureusement, Mireille, elle, a l’Ɠil, et l’oreille ! AussitĂŽt, et n’écoutant que son courage, elle se prĂ©cipite et en appelle aux forces compĂ©tentes : l’inspecteur est averti qu’un dissident se cache dans ses rangs et part en campagne. Il fouille et retourne tous ses dossiers, fait un vĂ©ritable travail d’investigation pour dĂ©couvrir que cet Ă©nergumĂšne a en effet eu la folie de mettre quelques zĂ©ros pour travaux non rendus ou dĂ©sertiques. 
Soyez tranquilles, l’individu a Ă©tĂ© cernĂ©, mis en garde Ă  plusieurs reprises et soumis Ă  une pression saine pour lui. GĂ©nĂ©reux, l’inspecteur a aussi offert que l’individu soit surveillĂ© par un collĂšgue dans ses faits et gestes. Le plan vigiprof est efficace dans son application, parents de tous horizons n’en doutez point, vos enfants sont en sĂ©curitĂ© contre les zĂ©ros agressifs, et, si l’on en croit l’Education Nationale, mortifĂšres pour le moral de ces chĂ©rubins.  
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En tant qu’ennemi de l’Empire, j’aurais une question : en est-on si sĂ»rs ? Quand des enfants sont Ă©levĂ©s au 15 de moyenne puis jetĂ©s en pĂąture Ă  l’enseignement secondaire, aux facs de droit et de mĂ©decine, aux prĂ©pas et Ă  la vie active qui est bien cruelle, pourquoi s’étonner des taux d’échec faramineux ? Peut-on s’étonner de la misĂšre dans laquelle ils tombent, de leur dĂ©couragement et de leur faiblesse face aux discours ou aux carriĂšres faciles dans la guerre ou la drogue ? 
Quand l’école vous embrasse, vous, gĂ©nie chĂ©ri, puis vous prĂ©cipite du douziĂšme Ă©tage du mensonge bienveillant sur le bĂ©ton armĂ© de la rĂ©alitĂ© (qui n’est finalement ni bonne ni mauvaise mais Ă  laquelle vous n’avez jamais Ă©tĂ© prĂ©parĂ©), qui viendra s’étonner de votre douleur, de votre colĂšre ?   Et peut-on avoir l’audace, quand on contribue par notre silence, nos acquiescements et nos prĂ©jugĂ©s coriaces Ă  cette dictature, d’accuser les sans-abris d’ĂȘtre sans abris, les sans-emplois d’ĂȘtre sans emplois, les extrĂ©mistes d’ĂȘtre extrĂ©mistes, et les perdus ou les dĂ©sespĂ©rĂ©s d’ĂȘtre violents ? 
La faute n’est mĂȘme pas Ă  rejeter sur les parents qui ne peuvent, c’est tout naturel, pas comprendre que leur enfant est un incapable en maths ou en français quand il n’a que des notes au-dessus de 14 : cet enfant est un gĂ©nie, il fera un lycĂ©e gĂ©nĂ©ral et l’ENA ! Oui mais non, l’enfant en question, si l’école ne permet pas de dĂ©pister que le systĂšme classique ne lui convient pas, ne sera pas envoyĂ© vers un cursus qui lui permettra de s’épanouir ou de se dĂ©velopper, et continuera Ă  moisir, passif, dans une Ă©cole sans queue ni tĂȘte, raison ni bon sens.  Quand nous rendrons-nous enfin compte que, comme les cocons dĂ©truisent les dĂ©fenses immunitaires, comme les rĂ©ussites faciles annihilent tout goĂ»t de l’effort, les procĂ©dures inflexibles empĂȘchent d’apprendre Ă  se servir de son cerveau ?  
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                                                                                    Le terroriste n’est pas toujours celui qu’on pense, et pensons-y justement, Ă  la terreur blanche, au procĂ©durisme et au capitalisme Ă  doses lĂ©thales, qui ignore l’humain, qui se fout royalement de l’homme et Ă©rige des montagnes de fric inutiles et vaines sur son dos, un dos dĂ©charnĂ©, un cerveau dĂ©chu et une humanitĂ© fanĂ©e. 
Est-on sĂ»rs de la lutte que nous menons ? Le terrorisme blanc est une rĂ©alitĂ©, ce terrorisme aux armes perfides, un terrorisme bien Ă©levĂ© et propre sur lui, qui agit par la pression et fait de beaux discours, dont le langage et les grands mots sont les armes de propagande. Terrorisme qui s’insinue en chacun de nous, dans nos rĂ©actions banales qui sont pourtant lourdes de sens : « Il faut bien se plier aux procĂ©dures, sinon on perd son travail ». 
Cette pression incroyable pour nous faire rentrer dans un moule exigu qui nous brise les os et la volontĂ©, c’est une arme qui tue davantage que des vies, qui pointe son canon sur l’avenir de l’homme, qui menace directement notre intellect et notre capacitĂ© de jugement.
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Demandons-nous : rĂ©flĂ©chissons-nous par nous-mĂȘmes, vraiment ? Qui nous a donnĂ© nos buts, qui nous a donnĂ© nos valeurs, qui nous a donnĂ© nos prĂ©jugĂ©s ? Qui a posĂ© sur nous la chape de plomb de la bien-pensance ?   La guerre armĂ©e n’est pas la solution parce que l’ennemi n’est pas extĂ©rieur. Ne tuez pas l’homme, Ă©duquez-le. 
C’est notre combat, c’est elle dont on parle tant sans savoir Ă  quoi elle correspond, notre 3Ăšme guerre mondiale contre l’ignorance et la pensĂ©e externalisĂ©e. Guerre au quotidien, dans les plus petits dĂ©tails. Guerre contre le sexisme qui nous dicte notre comportement, contre le procĂ©durisme qui abrutit l’homme en le prenant pour une bĂȘte, guerre contre la bĂȘtise embusquĂ©e et totalitaire.
Mais si il y a une guerre, alors il y a des ĂȘtres positifs et des ĂȘtres nĂ©gatifs, des bons et des mĂ©chants, des intelligents et des idiots ? Non. Dans cette guerre qui n’a pas de camps et ne doit pas en avoir, c’est une humanitĂ© solidaire qui progresse. Il n’y a pas de divisions entre nous, n’ayons pas l’orgueil de croire que notre petit tas de cellules personnel est important. C’est l’Homme que nous sauvons, c’est l’humanitĂ©, cette chose belle, aussi transcendante que fragile, cette fleur de cervelle.  
La 3Ăšme Guerre Mondiale est bien lĂ  : ne vous laissez pas traĂźner dans les camps de l’ignorance, prenez les armes, ouvrez un livre, Ă©levez la voix.  
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camuslevitte-blog · 10 years ago
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Forme courte : indignation
Rien n’est plus has been que de rĂ©flĂ©chir. C’est long, c’est douloureux, et ça, le peuple des formes courtes ne peut pas le supporter.
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Sirupeuse Úre de la facilité
RĂ©flĂ©chir, pourquoi faire ? Tout nous est si gracieusement donné : du soleil matinal de 15h au diplĂŽme qui censure 30 000€ d’études, des soins intensifs Ă  un avis sur l’actualité : #indignĂ©. Si vous naissez sans personnalitĂ©, pas d’inquiĂ©tude, la sociĂ©tĂ© est lĂ  pour vous en livrer une sur mesure. Vous n’aurez qu’à choisir votre costume : belle et grande ? Mannequin fade. Musclé ? Sportif benĂȘt. DouĂ© sur un ordi ? Geek inesthĂ©tique. Rien de tout ça ? Transparent ou
 « intello », cette insulte. Mon pauvre rat de bibliothĂšque, cache-toi donc derriĂšre tes gros volumes.
Toi qu’idolñtre notre flemme
Lire un livre, quelle idĂ©e ! Il n’y a pas assez de temps pour ça. Tourner les pages ? Que c’est long. Seul dans sa tĂȘte ? Quelle angoisse ! Heureusement il y a les Anges Ă  la tĂ©lĂ©. Vivre, boire, oublier. Mais vivre, qu’est-ce que c’est ? Aujourd’hui, vivre est tout entier contenu dans nos sens : vivre ivre. Plus on vit, plus ses sens sont retournĂ©s, comblĂ©s, explosĂ©s. LumiĂšres, musiques, Autre, il faut jouir de tout, trĂšs vite, passer Ă  la suite. Qu’est-ce qu’on cherche au juste ? C’est une question trop compliquĂ©e : on Ă©lude et on continue. La sociĂ©tĂ© est aussi lĂ  pour nous donner nos envies : il nous faut la mĂȘme pomme que sur le voisin, sur son portable, sur sa montre, sur son chien.
UlcĂšre l’intelligence nĂ©e
Oui mais voilĂ , cette flemme en masse va Ă  l’encontre du destin de l’Homme. « Un destin, moi ? Non pas, laisse-moi couler ma vie tranquille dans la passivité ! » : on ne se sent plus concernĂ©s. Mais l’Homme n’est que l’ensemble de tous ces petits hommes, tous ces petits hommes qui tendent Ă  devenir paresseux. Paresseux d’ĂȘtre Homme. Être Homme alors, qu’est-ce que c’est ? Au plus simple de cette question illimitĂ©e, on peut observer que, tandis que l’animal passe sa vie dans la sauvegarde de l’espĂšce, Ă  chasser et Ă©lever sa descendance, est guidĂ© par l’impĂ©rative continuitĂ© de l’espĂšce, l’Homme lui, recherche en plus son propre dĂ©veloppement, au XVIIĂšme intellectuel – c’est l’EncyclopĂ©die, aujourd’hui technico-technologique – c’est Mars One. L’Homme s’est ainsi redressĂ© et se tient face au monde, tirĂ© vers le haut par son propre cerveau, cet outil incroyable.
Puis dĂ©cime l’humanitĂ©
Mais se servir de son cerveau est compliquĂ©, long, et disons-le : de prime abord c’est douloureux. Ça demande un effort intellectuel que nous avons oubliĂ©, Ă  force de vivre dans la facilitĂ©, depuis que l’école est un tamis Ă  trous bĂ©ants. De la mĂȘme façon qu’un environnement trop aseptisĂ© rend les enfants susceptibles de crever Ă  tout bout de rhume, la sociĂ©tĂ© occidentale, oĂč tout effort est minimisĂ© – quand il n’est pas tout bonnement supprimĂ© – a fait de l’homme une espĂšce lĂ©thargique, lente, passive face Ă  sa propre existence, portant son cerveau en bandouliĂšre comme un vulgaire organe vital.
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Ignoble tas de forces vaines
Et quelle espĂšce, pourtant ! Quelle puissance crĂ©atrice, quelle force curieuse, quelle poussĂ©e rĂ©flexive jamais assouvie ! Aujourd’hui ce potentiel est en berne, rabougri, volontairement oubliĂ©. Cette puissance de l’espĂšce, qui s’affirme dans chaque individu sans exception, pĂšse trop lourd sur nos petites Ă©paules rachitiques. Nous voici reculant devant notre propre pouvoir, grimaçant devant la complexitĂ© de la tĂąche : rĂ©flĂ©chir. Comment, Ă  quoi, par quoi commencer ? TrĂšs vite, l’homme lambda abandonnera, attirĂ© par les lumiĂšres et les sirĂšnes de l’ùre facilitĂ©. Pourquoi lui en vouloir ? C’est Ă  coup sĂ»r celle qui lui rapportera auprĂšs de ses semblables le plus de reconnaissance.
Dont la bĂȘtise est abreuvĂ©e
Et cependant l’homme privĂ© de son intellect ne meurt pas, et trouve dans le divertissement une maniĂšre d’oublier ce sacrifice qu’il fait Ă  la paresse, le meurtre tranquille de sa propre espĂšce. Voici ainsi venir le rĂšgne des objets, le monde des choses, dans lequel s’enfoncer allĂšgrement et oublier le dessein de l’Homme qui tonne pourtant au fond de soi. On se gave de choses vaines qu’on assimile trop vite – bien naturellement car elles sont creuses, inconsistantes – on s’excite Ă  rechercher dans les dĂ©combres du vain ce qui calmera une minute notre soif inextinguible. Divertir divertir divertir – oublier, vivre, mourir en bĂȘte.
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Incapable et sans problĂšmes
Cette illusion de bonheur, confondue avec une simple saturation de plaisirs vifs, nous rend aveugles et, Ă  dĂ©faut d’objet autre que nous-mĂȘmes sur lequel fixer notre intĂ©rĂȘt, vaniteux. Il n’y a pourtant pas de quoi : nous ne luttons contre rien, aucun effort ne nous est demandĂ© et, finalement, bien logiquement, nous devenons incapables. Pour des problĂšmes du quotidien nous faisons allĂšgrement appel au plombier ou Ă  l’électricien, soit, et puis de fil en aiguille, quand il s’agit de penser, nous nous en remettons au politicien. Au plus noir d’une sociĂ©tĂ© d’assistĂ©s, nous sommes handicapĂ©s d’une partie de notre humanité : savoir, savoir-faire, penser. Et nous passons finalement notre vie de maniĂšre passive, Ă  nous faire servir, divertir, Ă  nous faire s’indigner, Ă  nous faire travailler, perdus que nous sommes sans indications, dĂ©pendants de ce GPS de la vie qu’est internet, et qui choisit jusqu’à notre carriĂšre –> onisep.fr
Tant que l’ignorance rùgne
Mais tout cela ne pose aucun problĂšme tant qu’il s’agit de la normalité ! Il faut ĂȘtre normal, cer ĂȘtre diffĂ©rent, c’est vrai, est douloureux. Quand la rĂ©flexion est minoritaire, et en vertu de la loi d’effet de groupe, les paresseux incapables sont fiers de l’ĂȘtre et c’est tout naturel ! Je suis paresseux, je mĂ©prise l’intelligence, cette snobinarde grognon, donc je suis « in ». « Cerveaux, dĂ©mission ! » « RĂ©flexion, rentre chez toi », autant de slogans qui feront loi si nous sommes suffisamment Ă  les scander

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Et qu’on te dit quand t’indigner
On en arrive ici au dangereux paradigme du con : le con s’ignore. Il souhaite donner le change sur son intelligence morte : #indignĂ©. Il se noie dans l’alcool et autres substances tĂ©lĂ©visuelles pour s’oublier, mais attention, c’est un indignĂ©, il existe (sur les rĂ©seaux sociaux), il vit (dans les likes des autres), c’est un Homme et non une larve ! En fait, c’est une larve, Ă  laquelle la sociĂ©tĂ© implante carrĂ©ment des pensĂ©es, des schĂ©mas de pensĂ©e (les fameux prĂ©jugĂ©s) – car pourquoi s’arrĂȘter aux dĂ©sirs ? C’est si facile de faire d’un sentiment une mode qui sera suivie par des milliards. Un lion est mort : indignez-vous. Un enfant meurt : indignez-vous. Oui mais
 et aprĂšs ? S’indigner en soi ça n’est rien, c’est du bruit, ça n’est qu’une premiĂšre et infime Ă©tape du processus de rĂ©flexion. La voie naturelle est de se questionner, de rechercher des causes, des solutions, de creuser, de comprendre enfin et d’agir ! Pour qu’on s’arrĂȘte lĂ , il aurait fallu dĂ©naturer la rĂ©flexion, la rendre indĂ©sirable, has been
 Il aurait fallu qu’on se laisse faire.
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camuslevitte-blog · 10 years ago
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Kylie Jenner Challenge : des enfants coincĂ©s de l’autre cĂŽtĂ© du miroir
Les abords du collùge. Âmes sensibles s’abstenir.
Ce ne sont pas que les cigarettes qui pendent au bec des enfants de 11 ans, ce ne sont pas que les maquillages provocants de fillettes qui ne savent sans doute pas ce qu’elles font : qui n’a jamais essayĂ© de marcher avec ses petits pieds enfoncĂ©s dans les chaussures gĂ©antes de ses parents ?
Ce qui fait le plus peur, aux abords des collĂšges, c’est le sĂ©rieux avec lequel se dĂ©roule cette farce.
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Revenons sur le dĂ©fi Kylie Jenner. Pour les plus chanceux d’entre vous auxquels cette Ă©preuve de narcissisme absolument dĂ©nuĂ©e d’intĂ©rĂȘt serait passĂ©e inaperçue, retour sur les faits. A la suite d’une vidĂ©o publiĂ©e par le blogueur beautĂ© Brandan Jordan, ĂągĂ© de 15 ans, destinĂ©e Ă  railler la transformation surprenante de la derniĂšre des sƓurs Kardashian, un carnaval de jeunes (trĂšs jeunes) filles se sont rĂ©cemment adonnĂ©es Ă  un passe-temps fort en quotient intellectuel. Il s’agit d’aspirer l’air hors d’un verre Ă  l’aide de sa bouche et de le retenir ainsi suspendu Ă  ses babioles. On l’a tous tentĂ© quand on avait 6 ans, dans un moment d’ennui profond, mais, une fois passĂ©e la prouesse physique, la chose a semble-t-il trĂšs peu d’intĂ©rĂȘt. Erreur ! Pour ces jeunes filles en mal de reconnaissance, et surtout incapables de recul par rapport Ă  ces phĂ©nomĂšnes viraux, retenir ce verre le plus longtemps possible leur permet d’entraĂźner un afflux de sang rapide dans leurs lĂšvres, leur offrant ainsi le faciĂšs dĂ©licat des hĂ©ros de leur jeunesse, Riri, Fifi et Loulou. Alors, certes, « la connerie est la dĂ©contraction de l’intelligence », mais dans le cas prĂ©sent on frĂŽle la paraplĂ©gie.
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En dehors des potentielles consĂ©quences mĂ©dicales, et de l’air stupide que ces demoiselles s’infligent Ă  elles-mĂȘmes, le phĂ©nomĂšne pose la question de l’hypersexualisation des enfants. A travers la publicitĂ© et les produits qui leurs sont destinĂ©s (faut-il rappeler la dĂ©ferlante de strings et autres soutien-gorges rembourrĂ©s pour les filles Ă  partir de 7 ans en Angleterre il y a quelques annĂ©es ?), les sĂ©ries mais aussi et surtout les rĂ©seaux sociaux qui les enjoignent Ă  se mettre eux-mĂȘmes en scĂšne, les enfants ont perdu tout repĂšre par rapport Ă  leur Ăąge. Car ne nous voilons pas la face, l’enfance ne s’arrĂȘte pas du jour au lendemain une fois passĂ© le cap des 10 ans, et par bien des aspects un garçon ou une fille de 15 ans est encore un enfant. Or, trĂšs tĂŽt, les jeunes filles en particulier sont poussĂ©es vers un Ăąge adulte auquel elles aspirent sans pouvoir en contenir la responsabilitĂ©, et notamment le regard posĂ© sur elles par d’autres adultes. Obstacle majeur Ă  un dĂ©veloppement sain de la personnalitĂ©, cette sexualisation prĂ©coce enchaĂźne les jeunes filles – et les jeunes garçons, dans un autre style – Ă  leur image. Cette nouvelle gĂ©nĂ©ration est poussĂ©e Ă  travers le miroir de Lacan jusqu’à devenir son propre reflet, aspire malgrĂ© elle Ă  devenir vide en se calquant sur ce qui leur apparaĂźt comme des modĂšles de rĂ©ussite : ceux dont on parle, ceux qu’on trouve beaux : les Kardashian et compagnie, qui n’ont jamais et n’apporteront sans doute jamais rien au monde mais peu importe, puisqu’il n’y a de valeur que soi.
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Alors, pourquoi ces personnalités-là sont-elles devenues des modÚles en lieu et place des écrivains, des scientifiques, des philosophes, des artistes ?
Dans un monde trop accĂ©lĂ©rĂ© pour ĂȘtre rĂ©aliste, notre gĂ©nĂ©ration cultive une Ăšre du non-travail, une Ăšre de la fainĂ©antise pour elle-mĂȘme, une Ăšre de l’image de soi. Chacun d’entre nous cherche Ă  sa maniĂšre Ă  ĂȘtre important dans le monde, Ă  s’assurer qu’il existe par le regard des autres ou de l’autre. Sans pour autant qu’il n’y ait rien Ă  blĂąmer lĂ -dedans, car c’est peut-ĂȘtre une des motivations qui a fait de l’espĂšce humaine un animal si innovant : ĂȘtre un Ă  travers les autres est un moteur de l’humanitĂ©.
Mais le rĂšgne des mĂ©dias et de l’apparence ont promu la voie de la facilité : la beautĂ©, le standard. Être beau ou belle, ĂȘtre dĂ©sirĂ© – Ă  la frontiĂšre de l’objet sexuel, peu importe – c’est s’assurer une existence. EphĂ©mĂšre, peu importe, immĂ©diate. Le problĂšme, c’est que personne ne se satisfait d’ĂȘtre un objet, et on finit naturellement par dĂ©tester l’image que l’on s’est construit au goĂ»t des autres, une image qui nous colle littĂ©ralement Ă  la peau et censure ce qui peut s’agiter en dessous de la surface. Pour ceux qui n’ont que le fond, tant pis, car au pays cruel des prĂ©-adolescents, l’intelligence n’est pas admirable mais hĂ©rĂ©tique. L’enfant intelligent n’a plus sa place au collĂšge, et l’enfant qui pourrait l’ĂȘtre ne l’y deviendra sans doute pas. La promotion du corps, c’est la vengeance des sots sur l’esprit. Autrefois, c’étaient en effet la culture et l’éducation qui Ă©taient discriminantes. Le mĂ©pris des Ă©lites Ă©crasait les moins que rien, les illettrĂ©s sans espoir d’avenir ni d’existence dans un monde oĂč l’esprit Ă©tait vĂ©nĂ©rĂ©, recherchĂ©, parce qu’il dĂ©fiait la mortalitĂ© du corps. Aujourd’hui, on vĂ©nĂšre Kylie Jenner et son cortĂšge de botox parce qu’ils rĂšgnent pour un instant au-dessus de l’imperfection des corps, et c’est Ă  prĂ©sent l’image qui regarde du haut de son front figĂ© l’intelligence laide. Le rapport de force entre le corps et l’esprit, entre le peuple et l’élite intellectuelle, s’est renversĂ©, laissant place Ă  une dĂ©gĂ©nĂ©rescence de l’humain qui pourrait ĂȘtre irrĂ©versible si elle n’était pas aussi rĂ©voltante. Qui pour le retour du mĂ©pris ?
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Dans une sociĂ©tĂ© de l’image et de l’apparence, un mĂ©pris marquĂ© et gĂ©nĂ©ralisĂ© pour le manque d’intelligence et de curiositĂ© intellectuelle serait sans doute une solution cruelle et efficace. Mais pĂ©renne ? Les enfants dans cette histoire ne sont certainement pas en tort, ils subissent, et ce creux qu’ils fomentent pour eux-mĂȘmes ne les servira pas, loin de lĂ . Ils ne mĂ©ritent donc pas un courroux qui les rendrait sans doute plus aigris qu’ouverts d’esprit. Finalement, et s’il nous faut trouver un responsable, c’est avec plaisir que je vous livre les snobs. Attention toutefois, et ne soyons pas hypocrites en dĂ©signant le voisin ; nous sommes tous le snob de quelqu’un. « Regarde celle-lĂ , elle n’a mĂȘme pas assorti son sac Ă  son rouge Ă  lĂšvres. Impensable, tu ne connais pas Starobinsky ??! SĂ©rieusement, il ne savait mĂȘme pas m’expliquer le thĂ©orĂšme de Gauss. T’es tellement pro-systĂšme ».
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Les snobs. Les gens qui lisent avec circonspection des manuels de golf dans le TGV entre Bordeaux et Paris – vĂ©ridique. Les gens qui utilisent le mot « circonspection ». Les gens certes font ce qu’ils veulent, mais le mĂ©pris dont ils emballent toutes leurs petites actions, ce mĂ©pris tout repu d’auto-fiertĂ©, c’est lui qui barre la route de tout un chacun Ă  l’intelligence. Être ouvert d’esprit, c’est tant apprendre des autres que leur apprendre, et accepter sans aigreur ni ego l’état imparfait de son intellect. Être jaloux de son savoir, c’est ĂȘtre con et rendre ignare.
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camuslevitte-blog · 10 years ago
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Dark Vador, terroriste
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A cĂŽtĂ© de tout le sang versĂ©, Ă  cĂŽtĂ© de toutes les violences physiques perpĂ©trĂ©es dans les sĂ©ries Ă  la mode – Game of Thrones, Vikings, pour ne citer qu’elles – c’est cette image qui est sans doute la plus douloureuse. Elle vient complĂ©ter la liste des horreurs perpĂ©trĂ©es par Daech et, dans ce dĂ©but de XXIĂšme siĂšcle, par le terrorisme de maniĂšre gĂ©nĂ©rale. Poussons encore un peu plus loin dans la noble histoire de l’humanitĂ© : cette image s’ajoute Ă  toutes les preuves – comme si elles n’étaient pas suffisantes – de notre propension Ă  la violence et Ă  la stupiditĂ©. Pourquoi un « nous » dans un sujet qui peut vous sembler si Ă©loignĂ© de vous ? Parce qu’à bien y rĂ©flĂ©chir, la violence et l’agressivitĂ© sont le lot quotidien de chacun d’entre nous, qu’elles soient subies ou profĂ©rĂ©es.
Combien de phrases, de regards ou de gestes, Ă©manant de parfaits inconnus, dans des situations parfaitement banales : trajet en mĂ©tro, promenade dans un parc, file d’attente dans un magasin, avons-nous dĂ©jĂ  endurĂ©s ? Cette agressivitĂ© est gratuite : il ne s’agit pas a priori de lĂ©gitime dĂ©fense, mais simplement de la malchance qui consiste Ă  passer Ă  proximitĂ© de leur bouche ou de leurs poings, parfois assimilĂ©s. Comment rĂ©agissons-nous ? En Ă©prouvant un sentiment d’injustice, d’abord : pourquoi nous ? Puis en se laissant emporter par la haine, par l’agressivitĂ© elle-mĂȘme qui nous a blessĂ©s : pourquoi pas nous ? Une agressivitĂ© qui, ne pouvant toujours s’exprimer Ă  l’encontre de ceux qui ont fait le mal, se retourne contre nos proches, sentimentalement ou gĂ©ographiquement parlant. Nous sommes de mauvaise humeur, pessimistes en gĂ©nĂ©ral, et nous nous fermons progressivement au monde extĂ©rieur qui semble si hostile Ă  notre Ă©gard.
C’est peut-ĂȘtre dans ce monde hostile justement qu’il convient de chercher l’origine du mal. Peut-on vraiment imaginer que Daech se soit formĂ© instinctivement d’une convention d’esprits dĂ©rangĂ©s et rĂ©trogrades ? Non. Le terrorisme n’est pas le fait d’une bande armĂ©e qui se serait échappĂ©e d’un asile. Ces gens-lĂ  ne sont sans doute pas nĂ©s avec les idĂ©es qu’ils dĂ©fendent corps et Ăąme jusqu’à la mort, la leur mais surtout celle des autres. Alors, oĂč ces idĂ©ologies de la violence prennent-elles leur source ? Contre quoi sont-elles dirigĂ©es ? De quoi ce qui ressemble à une attaque pourrait-il ĂȘtre la dĂ©fense ?
J’en appellerai ici au chef-d’oeuvre de George Lucas, Ă  savoir la grande saga, en passe bientĂŽt de devenir plus grande encore, Star Wars. On trouve dans le code Sith un cheminement somme toute classique dans l’esprit des hommes, qui consiste Ă  sublimer les passions non en art, comme le prĂ©conise Freud, mais en force. Une force destructrice qui donne l’illusion Ă  celui qui la possĂšde d’ĂȘtre libre quand il s’enchaĂźne en vĂ©ritĂ© dans sa propre haine. Dark Vador pourrait ainsi ĂȘtre considĂ©rĂ© comme une figure avant l’heure du terrorisme, une figure de ce que donne la peur et la colĂšre lorsqu’elles se muent en force et en dĂ©sir de destruction. 
Les attaques terroristes Ă  l’encontre de notre sociĂ©tĂ© occidentale capitaliste trouvent ainsi leur justification dans cette mĂȘme sociĂ©tĂ©, une sociĂ©tĂ© d’exclusion, qui n’offre de vie Ă  personne mais impose Ă  tous de se battre, son Ă©goĂŻsme sous le bras, pour rĂ©ussir. Une sociĂ©tĂ© qui mĂ©prise l’autre, qui encourage mĂȘme Ă  se hisser sur son corps mort pour parvenir plus haut soi-mĂȘme. Une sociĂ©tĂ© surtout qui raffole, pour satisfaire son besoin de diaboliser l’autre afin de mieux se justifier, des stĂ©rĂ©otypes qu’elle entasse et rabĂąche sans cesse, et qui font aujourd’hui le bonheur des partis extrĂ©mistes en Europe. Ces stĂ©rĂ©otypes contribuent Ă  exclure des populations entiĂšres de la sociĂ©tĂ© et de ses voies d’accĂšs. IncomprĂ©hension, peur, manque d’éducation, manque de chances d’intĂ©grer le monde tel que l’Occident l’a pensĂ©, manque de libertĂ© d’ĂȘtre en dehors de ces stĂ©rĂ©otypes, sont autant de phĂ©nomĂšnes qui expliquent le recours Ă  la violence, et une haine furieuse qui est peut-ĂȘtre la seule issue.
De plus en plus nombreux sont ceux qui seraient susceptibles de tomber dans ce genre de piĂšge idĂ©ologique : nous savons que les prisons notamment sont un foyer de choix pour les nouvelles recrues du terrorisme. Pourquoi ? Parce que le monde tel qu’il est aujourd’hui ne leur offre rien. Ni travail, ni espoir. Pour peu que leur couleur de peau, leur visage, leur langue, leur langage, ne correspondent pas aux standards de la sociĂ©tĂ© occidentale, ils se retrouvent exclus d’emblĂ©e par un jeu de stĂ©rĂ©otypes et de peurs sur lesquelles jouent les pires politiciens (mais oĂč sont les meilleurs ?). L’affaire Charlie a ainsi fait trembler le monde fragile du respect, en donnant prise Ă  un amalgame destructeur entre musulmans et islamistes.
Mais quelles solutions envisager face Ă  ce cercle vicieux dans lequel la haine engendre la haine ? A ma droite, la solution Kingsman, mise en oeuvre par le grand Samuel L. Jackson dans le film Ă©ponyme, que je ne saurais par ailleurs trop vous recommander. La solution – qui peut dire qu’il n’y a jamais songĂ©, ne serait-ce qu’en rĂȘve ? – est radicale : laissons la sĂ©lection naturelle faire son travail et retrouvons-nous aprĂšs le dĂ©luge, une fois que 90% de la population se sera d’elle-mĂȘme exterminĂ©e. AdoptĂ©e aussi dans Mort aux cons, un roman de Carl Aderhold, cette solution nous met en face d’un dilemme Ă©vident : qui du tueur ou du tueur de tueurs est vĂ©ritablement le plus violent ? Il nous faut constater ici que la violence dĂ©truit aussi ce qu’il y a de meilleur dans le meilleur des hommes. A la violence rĂ©pond l’agressivitĂ©, qui devient violence à son tour et qui propage ainsi, comme une onde, la mort tout autour du globe. Supprimer purement et simplement les consĂ©quences sans chercher Ă  bouleverser les causes serait stĂ©rile : en l’occurrence, combattre le feu par le feu, soit la violence par la violence, ne mĂšnerait qu’à verser plus de sang et de haine.
La violence est en ce sens une Ă©manation de l’anti-humain, du demi-habile de Pascal : notre intelligence est utilisĂ©e Ă  mauvais escient, sans ĂȘtre suffisante pour s’en rendre compte. La violence constitue la rĂ©ponse brute de l’animal doublĂ©e de la stupiditĂ© brute de l’homme pas tout Ă  fait abouti. C’est Ă  cette rĂ©trogradation de l’humanitĂ© qu’il ne faut en aucun cas et jamais cĂ©der.
Ne pas cĂ©der. Une citation d’Hemingway, reprise dans Kingsman dit ceci : « Il n’y a rien de noble Ă  ĂȘtre supĂ©rieur Ă  vos semblables. La vraie noblesse est d’ĂȘtre supĂ©rieur Ă  celui que vous avez Ă©tĂ© auparavant ». C’est cela qu’il faudrait faire : ne pas se flatter d’ĂȘtre supĂ©rieur Ă  qui que ce soit, ce qui n’encourage guĂšre que la vanitĂ© et la fainĂ©antise morale et intellectuelle. Au contraire, rechercher toujours Ă  se dĂ©passer soi-mĂȘme, Ă  mettre Ă  profit l’intelligence qui a Ă©té donnĂ©e Ă  l’homme de se dĂ©passer constamment, et constamment rechercher le progrĂšs de soi et des autres au-delĂ  de la violence, rĂ©trograde. C’est pourquoi les massacres culturels profĂ©rĂ©s par Daech ces derniers jours doivent nous choquer au plus haut point, mais surtout pas Ă  demi : si anĂ©antir la culture est un crime contre l’humanitĂ©, contre le dĂ©veloppement de son intelligence, s’arrĂȘter Ă  notre horreur et Ă  notre haine pourrait en ĂȘtre un aussi.
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camuslevitte-blog · 11 years ago
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Qui a eu cette idĂ©e folle, un jour de brimer l’école ?
Alors que les fautes d’orthographes s’immiscent jusque dans nos sujets de partiels, il convient de s’interroger : pouvons-nous encore confier l’éducation des nouvelles gĂ©nĂ©rations Ă  celles qui les prĂ©cĂšdent ?
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Dans les annĂ©es 1880, instaurer l’école gratuite, laĂŻque et obligatoire concrĂ©tisait un dĂ©sir d’égalitĂ© des chances entre les hommes. Et cependant, si l’on passe aujourd’hui cette Ă©galitĂ© au microscope, il semble qu’elle consiste plutĂŽt en un nivellement par le bas qu’en une aspiration gĂ©nĂ©rale vers le haut. Quelque part dans l’histoire, nous avons dĂ» nous perdre dans ces concepts, car l’égalitĂ© est une vĂ©ritable tare lorsqu’elle cherche Ă  couper toutes les tĂȘtes qui dĂ©passent. L’égalitĂ© des chances suppose bien autre chose : elle suppose de donner Ă  tous, sans discriminations, une mĂȘme ouverture sur le monde, d’ĂȘtre exigeant envers tous et de respecter les dispositions de chacun : de ne pas normaliser.
Il est donc primordial, pour que cette Ă©galitĂ© des chances soit effective, que l’école ait une autoritĂ© respectĂ©e par tous, et en premier lieu par les parents des enfants scolarisĂ©s. Et pourtant, combien de fois par jour maĂźtresses et autres instituteurs sont-ils assaillis par des parents mĂ©contents des rĂ©sultats de leur enfant, jurant et arguant que leur prĂ©cieux est Ă©videmment au-dessus de la moyenne et qu’il ne peut dĂ©cemment pas avoir eu 6, qui assertent que ce n’est pas leur enfant mais bien le professeur qui est incompĂ©tent ?
Cette attitude Ă©goĂŻste et nombriliste est Ă©galement fortement contre-productive : les cocons Ă©ternels empĂȘchent l’enfant de se dĂ©velopper, puisqu’il n’existe ni progrĂšs sans dĂ©faite, ni force sans difficultĂ©. L’adversitĂ© est bĂ©nĂ©fique pour l’esprit : c’est en se confrontant Ă  la pomme que Newton comprit les lois de gravitĂ©, et c’est en se confrontant aux autres et aux problĂšmes qui leurs sont posĂ©s Ă  l’école que les enfants acquiĂšrent les capacitĂ©s tant physiques qu’intellectuelles, qui les prĂ©parent Ă  leur vie d’adulte. Mais ces parents ne sont pas les seuls en tort vis-Ă -vis de l’école : l’Etat lui-mĂȘme semble lui manquer de respect.
Cette annĂ©e 2015 s’ouvre sur une rĂ©forme de la notation en primaire et au collĂšge : adieu notes cruelles Ă©chelonnĂ©es officiellement de 0 Ă  20 et officieusement de 12 Ă  20, bonjour formulations vaseuses : « acquis », « non-acquis », « en cours d’acquisition ». Ainsi, et sous prĂ©texte que les notes traumatiseraient les Ă©lĂšves – en fait parce qu’elles renverraient Ă  leurs parents et Ă  l’Etat une image qui ne correspond pas Ă  celle qu’ils veulent avoir de leur progĂ©niture chĂ©rie – il ne sera plus possible pour l’élĂšve d’apprĂ©hender clairement son niveau dans chaque matiĂšre, ni de se situer par rapport Ă  la classe ou mĂȘme de comprendre ses erreurs. DĂ©sormais, il pourra savoir s’il :
1) N’a plus rien à faire : acquis
2) Va Ă  l’école : en cours d’acquisition
3) Est incapable de faire quelque chose sans que cela porte atteinte à sa scolarité : non-acquis.
Peut-on, en effet, sincĂšrement penser que ce nouveau systĂšme encouragera les redoublements ? Ces capacitĂ©s affichĂ©es comme Ă©tant non-acquises mais n’ayant de toute Ă©vidence pas d’incidence majeure sur la scolaritĂ© de l’enfant, sauf en cas de manques chroniques comme c’était dĂ©jĂ  le cas dans l’ancien systĂšme de notation, ne feront que dĂ©crĂ©dibiliser encore davantage l’éducation. Sans parler du travail administratif supplĂ©mentaire qui incombera Ă  chaque professeur, ou des 80% de rĂ©ussite trafiquĂ©s au baccalaurĂ©at (officiellement, dites « harmonisation des notes ») qui s’en sont dĂ©jĂ  largement chargĂ©s

Ce graphique illustre l’augmentation miraculeuse des taux de rĂ©ussite au baccalaurĂ©at, devenu au fil du temps de plus en plus simple. Cependant, quand tout le monde a le bac, personne ne l’a.
Enfin, cet esprit de compĂ©tition que la rĂ©forme, en supprimant les notes, devrait Ă©radiquer, a tout de mĂȘme ses avantages, et en particulier celui de mettre l’éducation au coeur des valeurs communes. Nous ne parlons pas ici de l’intelligence Ă  proprement parler, mais du savoir, de la culture, de la capacitĂ© critique et rĂ©flexive. Sans cette compĂ©tition intellectuelle, qui ne doit pas viser, rĂ©pĂ©tons-le, Ă  un stĂ©rile combat de notes mais Ă  une Ă©mulation des esprits, la compĂ©tition naturelle qui existe entre les enfants se dĂ©porte vers un autre domaine, bien moins porteur et bien plus cruel : l’apparence. Au collĂšge, ce n’est dĂ©jĂ  plus Ă  celui qui sera le plus imaginatif ou le plus vif, mais Ă  celui qui aura le dernier iPhone

Heureusement, l’espĂšce humaine est douĂ©e d’une capacitĂ© rĂ©gĂ©nĂ©ratrice, et nous assistons Ă  l’émergence de plusieurs projets qui vont Ă  l’encontre de la dĂ©culture et de l’irrĂ©flexion actuelles, comme l’hebdomadaire Le 1, la chaĂźne Youtube Axolot, le site « Bescherelle ta mĂšre » et bien d’autres de votre connaissance. Toutefois, pour qu’«intello» ne soit plus une insulte, une sensibilisation Ă  la culture et Ă  la valeur mĂȘme de l’éducation – intellectuelle, technique, sociale, environnementale – est nĂ©cessaire. Ce rĂŽle appartient Ă  l’école, mais Ă  une Ă©cole dĂ©liĂ©e.
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